Mme Émilienne Poumirol. Pas nécessairement !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Pour cette raison, il convient de ne toucher à ce dispositif de la clause de sauvegarde que de façon modérée. Mme la ministre pourra éclairer nos débats, mais je vous mets en garde, mes chers collègues.

Mme Émilienne Poumirol. Nous reparlerons du prix des médicaments !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Nous pourrions débattre longuement de ce mécanisme de la clause de sauvegarde.

Monsieur Milon, vous avez parlé de taxation et d’imposition. Mais la clause de sauvegarde des médicaments est un stabilisateur, qui tient compte de la dynamique de la consommation, du chiffre d’affaires des entreprises et des montants pris en charge par l’assurance maladie.

Les génériques, heureusement que nous les avons ! Il faut continuer de promouvoir leur usage.

Néanmoins, la part des médicaments dans les dépenses de santé évolue de façon très dynamique, et les génériques n’y sont pas pour rien : en un an, les entreprises qui les produisent ont vu leur chiffre d’affaires augmenter en moyenne de 5 %.

Nous voulons donc que ce secteur, qui est loin de régresser, participe à l’effet stabilisateur attendu. Dans le PLFSS pour 2024, la clause de sauvegarde sur les génériques avait été plafonnée à 100 millions d’euros. Autrement dit, l’effort demandé ne représente pas quelque chose d’impossible pour les entreprises qui produisent ces médicaments. En outre, des amendements visant à réduire leur contribution seront peut-être adoptés.

Nous faisons attention au secteur des génériques, soyez-en certains !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 76 rectifié.

(Lamendement est adopté.) – (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 684 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 1240 rectifié bis, présenté par Mmes Schillinger et Havet, M. Omar Oili, Mmes Duranton, Cazebonne et Ramia et MM. Lévrier et Buval, est ainsi libellé :

Alinéas 10 à 14

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

2° Au dernier alinéa de l’article L. 138-12 du code de la sécurité sociale, après les mots : « entreprise redevable », sont insérés les mots : « , additionné à celui de la perte de chiffre d’affaires au titre des baisses de prix conclues par convention avec le Comité économique des produits de santé, concernant les produits entrant dans l’assiette de la contribution sur la même période, » ;

La parole est à M. Frédéric Buval.

M. Frédéric Buval. Le rapport de la mission sur la régulation des produits de santé installée par Élisabeth Borne le confirme, notre système de régulation est dépassé. Il fragilise l’accès aux médicaments, que ceux-ci soient matures ou innovants.

La clause de sauvegarde, devenue une taxe systématique, en donne un parfait exemple.

Nous proposons une réponse pragmatique à cette situation : notre amendement tend à intégrer dans le plafonnement de la contribution les baisses de prix déjà consenties par les entreprises.

Celles-ci seront ainsi incitées à conclure plus rapidement des accords avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) et la régulation sera rendue plus efficace. En outre, nous réduirons notre dépendance excessive à la baisse des prix des médicaments, qui nuit à l’accès aux soins des patients et à l’attractivité de notre territoire.

En rétablissant un équilibre entre maîtrise budgétaire et soutien à l’innovation, nous créons les conditions nécessaires pour que la France redevienne un leader européen de la santé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L’amendement est satisfait : dans la pratique, comme le rapport l’indique, les entreprises négocient déjà avec le CEPS et concèdent, dans ce cadre, des remises conventionnelles qui sont prises en compte dans le calcul du montant M.

Il est vrai que le sujet est si complexe qu’il en devient presque opaque. Lors de leurs auditions annuelles, les représentants tant du CEPS que des entreprises du médicament nous rappellent que ces négociations font partie intégrante de la régulation. Elles permettent déjà des réductions de 20 % à 30 % de la contribution demandée aux entreprises.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1240 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 37 rectifié, présenté par M. Milon, Mme Petrus, MM. Somon, Sol et Khalifé, Mmes Aeschlimann et Malet, M. J.B. Blanc et Mmes Lassarade, Jacques, M. Mercier et Micouleau, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 10

Insérer neuf alinéas ainsi rédigés :

…) Le II est ainsi rédigé :

« II. – Le montant de la contribution due par chaque entreprise mentionnée au I de l’article L. 138-10 est déterminé :

« 1° À concurrence de 50 %, au prorata du montant remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments qu’elle exploite, importe ou distribue au sein du montant total remboursé par l’assurance maladie défini au même I ;

« 2° À concurrence de 30 %, en fonction de la progression du montant remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments que l’entreprise exploite, importe ou distribue par rapport à l’année précédente définie audit I ;

« 3° À concurrence de 20 %, en fonction du lieu de production des médicaments que l’entreprise exploite, importe ou distribue au sein du montant total remboursé par l’assurance maladie défini au même I.

« La fraction de la part de la contribution due en fonction du lieu de production est déterminée ainsi :

« 

Parts des médicaments mentionnées à l’article L. 138-10 du présent code produits en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin

Coefficient

Part de la contribution de l’entreprise

Inférieure à 40 %

4

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 40 % et inférieure ou égale à 60 %

3

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 60 % et inférieure ou égale à 80 %

2

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 80 %

1

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

 » ;

…) Après le II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« II …. – La part de la contribution prévue au 3° du II n’est pas applicable pour le calcul de la contribution due au titre des spécialités génériques mentionnées au 5° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique. L’application du présent II bis ne peut avoir pour effet de diminuer le montant total de la contribution calculé selon les modalités prévues à l’article L. 138-12 du présent code. Le montant à redistribuer dû par chaque entreprise redevable est réparti au prorata de la contribution au titre des spécialités au présent II bis. Le cas échéant, la contribution due par chaque entreprise en application du présent article peut être augmentée du montant issu de cette redistribution, sans excéder 12 % du montant remboursé par l’assurance maladie. »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Le présent amendement vise à modifier les règles qui déterminent la contribution due par les entreprises au titre du déclenchement de la clause de sauvegarde des médicaments.

En effet, l’actuel mode de répartition de cette contribution ne tient pas compte du lieu de production des médicaments. Il s’agit pourtant d’un critère déterminant pour la sécurisation des approvisionnements, donc d’un levier crucial de souveraineté sanitaire.

Les médicaments génériques sont très majoritairement produits à l’étranger et les principes actifs proviennent à plus de 80 % d’Asie. Il faut donc trouver une manière d’inciter à la relocalisation de leur production tout en veillant à ne pas menacer à très brève échéance la survie du secteur.

Mme la présidente. L’amendement n° 610 rectifié, présenté par MM. Masset, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Guiol, Mmes Jouve et Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 10

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

…) Le II est ainsi rédigé :

« II. – Le montant de la contribution due par chaque entreprise mentionnée au I de l’article L. 138-10 est déterminé :

« 1° À concurrence de 50 %, au prorata du montant remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments qu’elle exploite, importe ou distribue au sein du montant total remboursé par l’assurance maladie défini au même I ;

« 2° À concurrence de 30 %, en fonction de la progression du montant remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments que l’entreprise exploite, importe ou distribue par rapport à l’année précédente définie audit I ;

« 3° À concurrence de 20 %, en fonction du lieu de production des médicaments que l’entreprise exploite, importe ou distribue au sein du montant total remboursé par l’assurance maladie défini au même I.

« La fraction de la part de la contribution due en fonction du lieu de production est ainsi déterminée :

« 

Parts des médicaments mentionnées à larticle L. 138-10 du présent code produits en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin

Coefficient

Part de la contribution de lentreprise

Inférieure ou égale à 20 %

4

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 20 % et inférieure ou égale à 40 %

3

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 40 % et inférieure ou égale à 60 %

2

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 60 % et inférieure ou égale à 80 %

1

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 80 %

0

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

 ».

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement vise à ce que le lieu de production des médicaments soit pris en compte dans le calcul de la clause de sauvegarde. Pour ce faire, nous proposons d’ajouter une troisième tranche aux modalités de répartition de la contribution due par les entreprises.

Initialement destiné à atténuer le non-respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), ce mécanisme correcteur pourrait devenir un outil de politique publique.

À l’heure où la souveraineté doit devenir une boussole de l’action publique, il est indispensable que les médicaments produits en France soient préservés dans le calcul de la clause de sauvegarde.

L’amendement que je vous présente, indolore financièrement, a été adopté par l’Assemblée nationale, mais n’a pas été conservé par le Gouvernement dans le texte transmis au Sénat.

Il s’inscrit pourtant dans la logique du plan France 2030, qui prévoit la relocalisation et l’augmentation des capacités de production de médicaments, mais aussi de la loi relative à l’industrie verte, qui ouvre un nouveau chapitre dans la réindustrialisation de notre pays.

Je propose au Sénat de le reprendre à son compte, afin que le Parlement se prononce d’une seule voix en faveur de l’industrie pharmaceutique nationale. Dans l’hypothèse où cet amendement serait adopté, j’attends du Gouvernement qu’il le laisse survivre à un potentiel 49.3.

Mme la présidente. L’amendement n° 889 rectifié, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, J.B. Blanc, Houpert, Mandelli, Gremillet et Brisson, Mmes Dumont, Micouleau, Belrhiti, Richer, Puissat, Petrus, Borchio Fontimp, Evren et Aeschlimann, M. Panunzi, Mme Demas et M. Sido, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 10

Insérer sept alinéas rédigés :

…) Le II est ainsi rédigé :

« II. – Le montant de la contribution due par chaque entreprise mentionnée au I du présent article est déterminé :

« 1° À concurrence de 50 %, au prorata du montant remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments qu’elle exploite, importe ou distribue au sein du montant total remboursé par l’assurance maladie défini au même I ;

« 2° À concurrence de 30 %, en fonction de la progression du montant remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments que l’entreprise exploite, importe ou distribue par rapport à l’année précédente définie audit I ;

« 3° À concurrence de 20 %, en fonction du lieu de production des médicaments que l’entreprise exploite, importe ou distribue au sein du montant total remboursé par l’assurance maladie défini au même I.

« La fraction de la part de la contribution due en fonction du lieu de production est ainsi déterminée :

« 

Parts des médicaments mentionnées à larticle L. 138-10 du présent code produits en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin

Coefficient

Part de la contribution de lentreprise

Inférieure ou égale à 20 %

4

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 20 % et inférieure ou égale à 40 %

3

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 40 % et inférieure ou égale à 60 %

2

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 60 % et inférieure ou égale à 80 %

1

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

 »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. L’amendement vient d’être très bien défendu.

Chacun plaidant pour sa paroisse, j’ajoute que mon collègue Michel Masset et moi-même plaidons pour les établissements UPSA, première entreprise à fabriquer des médicaments à base de paracétamol en France.

Chaque seconde, UPSA produit dix-huit boîtes de paracétamol en France – et ce n’est pas près de s’arrêter. Relocaliser la production de paracétamol est évidemment une priorité ; les entreprises concernées doivent être encouragées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le sujet est d’importance : comment produire en France les médicaments dont nous avons besoin ? Pendant la crise sanitaire, notre dépendance nous a sauté à la figure : nous nous sommes rendu compte que la plupart des médicaments étaient fabriqués très loin de chez nous, hors d’Europe.

La situation ne peut pas être rétablie du jour au lendemain. Les derniers gouvernements ont tous défendu l’idée d’une relocalisation de la production de médicaments. Mais encore faut-il que cette ambition s’étende à l’ensemble des matières premières qui entrent dans la composition des médicaments ! Or la fabrication des principes actifs se fait bien souvent hors d’Europe.

Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas repris à son compte la proposition ici formulée ? Ce n’est pas parce que l’on défend sa chapelle que l’on défend toute l’Église ! Le sujet, qui est de la première importance, dépasse en réalité le cadre d’un amendement.

Nos chances de faire aboutir la volonté de produire de nouveau en France ne dépendent pas uniquement du Gouvernement : cette responsabilité nous incombe à tous. Les communes devront par exemple accepter l’implantation sur leur territoire d’usines polluantes. Or, aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’elles se précipitent pour accueillir des sites Seveso…

Par ailleurs, ces amendements présentent un autre défaut : leur adoption reviendrait à concentrer excessivement l’effort demandé sur les médicaments qui sont produits à l’étranger ;…

M. Michel Masset. Nous proposons une solution !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … et ce au risque de nous priver de spécialités pourtant indispensables à la prise en charge des patients, et notamment de ceux qui sont atteints de cancers.

Mme Émilienne Poumirol. Chantage des Big Pharma !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. De plus en plus, la souveraineté sanitaire doit être pensée à l’échelon européen.

Mme Émilienne Poumirol. Oui ! On attend !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Enfin, ces dernières années, le législateur a déjà permis qu’il soit tenu compte, dans la fixation du prix des médicaments, de la sécurité d’approvisionnement du marché français que garantit l’implantation des sites de production : ce critère fait déjà partie intégrante de la régulation par les prix.

Attention aux effets que l’adoption de ces amendements pourrait produire : d’un côté il faut fabriquer en France, mais de l’autre nous avons besoin des médicaments innovants qui sont produits à l’étranger. Le sujet est sensible !

Il faut y réfléchir. Je l’ai dit, la volonté de relocaliser la production de médicaments doit être partagée dans les territoires, ce qui suppose en particulier d’accepter les éventuelles pollutions associées.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Le sujet est complexe, en effet.

Dans le cadre du plan France Relance, plus de 800 millions d’euros d’aides sont distribués au secteur de la santé, pour 188 projets soutenus. Un plan de relocalisation de la production de médicaments essentiels a par ailleurs été annoncé en 2023 ; 25 projets ont déjà été traités, et d’autres sont en cours d’instruction.

Ces réalisations sont importantes : il y va de notre souveraineté en matière d’approvisionnement en médicaments. Madame la rapporteure générale, je suis d’accord avec vous, il faut également y travailler à l’échelle européenne, car il ne sera pas possible de tout faire sur le sol français.

J’en viens aux amendements : l’empreinte industrielle, c’est-à-dire la localisation, est déjà prise en compte dans la fixation du prix des médicaments. En la matière, je le disais tout à l’heure, le prix est le bon outil de régulation. En outre, l’assurance maladie finance des investissements des laboratoires via les crédits du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS). Ces différents leviers permettent de répondre en partie aux besoins que vous mentionnez, s’agissant de favoriser la présence de l’industrie du médicament sur notre territoire.

J’ajoute que les dispositifs proposés sont, hélas ! inapplicables. Le circuit de production d’un médicament compte en effet de très nombreuses étapes : de nombreuses usines et de nombreux sous-traitants sont impliqués, souvent répartis dans plusieurs pays. Les exemples du Doliprane et du Dafalgan, dont les principes actifs ne sont toujours pas produits en France, sont de ce point de vue éloquents. En d’autres termes, l’organisation des chaînes de production rend ces propositions inapplicables.

Enfin, l’adoption de ces amendements fragiliserait la clause de sauvegarde.

Le Gouvernement partage la philosophie des auteurs de ces amendements : il s’agit de redevenir maîtres de la production des médicaments que nous consommons. Sur ce point, nous sommes entièrement d’accord, mesdames, messieurs les sénateurs. Mais, précisément, nous facilitons la réimplantation des productions sur notre territoire par des aides et par la prise en compte du critère de localisation dans la fixation du prix. Quant à la clause de sauvegarde, elle est un outil de régulation a posteriori permettant, le cas échéant, de rééquilibrer le niveau de dépenses.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Je souhaite revenir sur la question de la souveraineté sanitaire. Si la crise du covid-19 nous a appris quelque chose, c’est bien notre dépendance, qui est aussi celle de l’Europe, en matière de production des médicaments, et surtout – là est le problème essentiel – des matières premières qui entrent dans leur composition : on sait que 60 % à 80 % des principes actifs viennent de Chine ou d’Inde.

On parle beaucoup du paracétamol : il figure dans la liste des quarante médicaments stratégiques sur les plans industriel et sanitaire (MSIS) publiée par le Gouvernement au mois de juillet 2023, ce classement justifiant un soutien renforcé de l’État à la relocalisation de sa production.

Le Président de la République s’y était d’ailleurs engagé en disant : « Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie à d’autres est une folie. »

Il faut donc relocaliser la production de matières premières. Or, très récemment, le Gouvernement a accepté la vente d’Opella à un fonds d’investissement américain – je n’y reviens pas.

Certes, la chaîne de production du médicament est complexe : elle comporte plusieurs étapes entre l’approvisionnement en matières premières et la mise à disposition du produit fini en officine.

Certes, madame la rapporteure générale, pour relocaliser en Europe – j’y insiste, car ce sujet plus que tout autre mérite vraiment d’être traité à l’échelle européenne –, il faut accepter l’implantation d’industries chimiques, qui sont par définition polluantes.

Il n’empêche que notre volonté de relocalisation doit être continue, tenace, et non changer au gré du temps.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.

Mme Corinne Imbert. Bien sûr, nous sommes tous attachés à retrouver une forme d’indépendance sanitaire.

Il y a quatre ans, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions adopté un amendement défendu par Alain Milon visant à ce que la fixation du prix des médicaments tienne compte de la localisation en France, en Europe ou au Royaume-Uni – c’était au moment du Brexit – de son site de production.

Madame la ministre, j’appelle toutefois votre attention sur un point : le CEPS n’applique cette doctrine qu’aux nouvelles demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Je ne dis pas que le prix des médicaments doit doubler, mais je rappelle qu’il ne s’agit pas de bonbons au chocolat enrobés de couleurs joyeuses ! (Sourires.)

Nous avons donc déjà voté ces dispositions, sur l’initiative du Sénat, il y a quatre ans ! Il faut que le CEPS en tire les conséquences.

Comme le savent tous nos collègues qui ont participé, comme moi, aux travaux de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments, il arrive, pour certains médicaments génériques, que le coût de revient soit supérieur au prix de remboursement par l’assurance maladie.

Si nos décisions étaient prises en considération, peut-être éviterions-nous certains débats… (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Je soutiens ces amendements importants. Alors que l’on parle de souveraineté dans différents domaines, il faut affirmer notre volonté en la matière.

C’est vrai, des aides ont été octroyées. Mais celles-ci ne suffiront pas en l’absence d’une politique volontariste visant à accompagner l’implantation et le développement des entreprises dans notre pays.

Des filières économiques, notamment la chimie, sont en difficulté. Il convient d’agir pour sauvegarder l’emploi et augmenter l’activité sur notre territoire, d’autant que nous avons tous les atouts requis, y compris en matière de recherche, pour construire des filières d’excellence.

Si l’on n’est pas un peu ambitieux dans l’accompagnement des entreprises, au-delà des subventions – d’ailleurs, ne serait-il pas plus pertinent de leur substituer des prêts garantis par l’État ? –, on n’y arrivera pas.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Des prêts remboursables !

M. Michel Canévet. Chacun sait qu’au regard de l’état de nos comptes publics nous n’avons plus les moyens de verser autant de subventions.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. Je suis complètement d’accord avec Corinne Imbert ; cela fait des années qu’ensemble nous travaillons sur ce sujet.

Madame la ministre, je suis aussi d’accord avec ce que vous avez dit. Mais il y a une différence importante entre ce que le ou la ministre peut dire d’un point de vue politique et ce qui est ensuite appliqué par l’administration.

C’est là le vrai sujet : bien souvent, le CEPS n’applique pas ce qui a été voté ou ce que peuvent dire par ailleurs les ministres.

C’est pourquoi nous remettons aujourd’hui sur le tapis une disposition que nous avons déjà adoptée il y a quatre ans.