M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’année dernière, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires alertait déjà le Gouvernement : le navire Sécurité sociale poursuivrait en 2024 une navigation business as usual, sans voir l’iceberg vers lequel il fonçait… Pourtant, pour la santé, pour le social comme pour le climat, il n’y a pas de business as usual : il y a un naufrage annoncé !
Un an et quatre ministres de la santé plus tard, force est de constater qu’il n’y a plus de capitaine pour orienter les finances sociales. Le budget 2024 de la sécurité sociale était manifestement insincère : le Gouvernement avait surestimé les recettes de près de 5 milliards d’euros et sous-estimé les dépenses de 2 milliards d’euros.
Il n’y a aucune surprise pour le Sénat : nous avions rejeté l’Ondam en le jugeant insuffisant et, précisément, insincère. À raison !
Il n’y a aucune surprise non plus pour les écologistes : nous défendons, aux côtés de nos alliés du Nouveau Front populaire, l’esprit de la sécurité sociale de 1945.
La droite a déconstruit la sécurité sociale depuis la création de cette dernière. Elle a désuni les caisses, séparé et étatisé la gestion des risques sociaux, opposé les assurés entre retraités et actifs, entre malades, supposément fraudeurs et profiteurs, et cotisants, entre travail et travailleurs. (M. Laurent Burgoa proteste.)
Après ces attaques contre « la sociale », la droite a eu la bonne idée de créer les lois de financement de la sécurité sociale. Chaque année, le Parlement examine désormais, à la place des travailleuses et des travailleurs, les comptes de la « sécu », pour constater les déficits successifs et pour réduire les droits sociaux, sans aucun cadrage pluriannuel de surcroît.
Si planifier sur un an est déjà trop peu pour gouverner, une telle échéance n’a aucun sens si l’on veut garantir le fonctionnement de l’hôpital, nos retraites et nos prestations sociales.
Cette année encore, le PLFSS présente un déficit : 18 milliards d’euros cette fois ! Pourtant, si l’on réunit artificiellement le solde des administrations de sécurité sociale, notre système fonctionne parfaitement : à l’équilibre en 2024, il est même excédentaire en 2025.
Avec ce chiffre monstrueux de 18 milliards d’euros de déficit, la droite justifie donc les mesures d’économies antisociales suivantes. La revalorisation des retraites est insuffisante. Le flicage des prestations sociales et de santé est inédit.
M. Xavier Iacovelli. Il y a un « flicage » ?
Mme Anne Souyris. Le remboursement des consultations médicales par la sécurité sociale est en baisse : de 80 % en 1945, il est désormais à 70 % et le Gouvernement souhaite le faire passer à 65 %, comme vous venez de l’indiquer, madame la ministre de la santé.
Le budget pour l’hôpital, derrière une hausse apparente, cache en réalité une diminution.
Enfin, la droite sénatoriale a une nouvelle idée : une contribution de solidarité par le travail. Sept heures de travail non payées ! Il s’agit d’une nouvelle journée de solidarité déguisée, autrement dit, d’une nouvelle corvée d’Ancien Régime ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous nous opposerons à ces mesures.
Toutefois, nous reconnaissons que tout n’est pas à jeter dans ce projet. (Ah ! sur les mêmes travées.)
Premièrement, nous revenons sur les allégements de cotisations sociales patronales, qui ont smicardisé les travailleurs, pour la première fois depuis trente ans. C’est une bonne chose. Pour augmenter les salaires, nous proposerons d’aller encore plus loin en ce sens, d’autant que, sans ces exonérations non compensées par l’État, qui représentent un manque à gagner pour la sécurité sociale, cette dernière ne serait pas déficitaire.
Deuxièmement, la réforme de la taxe soda, proposée par le Nouveau Front populaire, est une avancée réelle. Elle permettra de réduire la teneur en sucre de ces produits.
Troisièmement, la fin de la consultation médicale pour accéder aux séances Mon soutien psy va dans le bon sens.
Quatrièmement, les centres de santé communautaire sont pérennisés.
Cinquièmement, la vaccination contre la méningite dans le cadre de la campagne contre le virus du papillome humain (HPV, Human Papillomavirus) est généralisée.
Sixièmement, l’annualisation de l’examen bucco-dentaire M’T dents sera une bonne chose, à condition – je m’adresse à vous, madame la ministre de la santé – qu’aucun enfant ne soit laissé sur le bord du chemin. En effet, sans complémentaire santé pour rembourser ce rendez-vous préventif, les enfants y auront-ils accès ? Le texte reste plus qu’alarmant sur ce sujet, laissant aux mutuelles le soin de payer presque la moitié de l’examen.
Le texte dans son ensemble est inquiétant. Plutôt que de restreindre les droits sociaux et faire payer les malades, donc les plus fragiles d’entre nous, vous auriez pu choisir d’autres mesures pour rétablir l’équilibre financier de la sécurité sociale. C’est ce que nous souhaitons défendre aujourd’hui.
Tout d’abord, nous proposons de rétablir la justice sociale en faisant contribuer à leur juste mesure les revenus du capital au travers de la CSG, en taxant les superprofits des entreprises, en augmentant de 1 % la fiscalité sur les successions et sur les donations et en récupérant le manque à gagner des exonérations de cotisations non compensées.
Ensuite, nous proposons de faire entrer la sécurité sociale dans le nouveau régime climatique, en mettant à contribution les responsables du changement du climat et de l’effondrement de la biodiversité, ainsi que les empoisonneurs, grâce à une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières.
Je ne parle même pas des pesticides, que nous aurions souhaité taxer également, car ils sont responsables de nombreuses maladies, parfois reconnues comme maladies professionnelles, à l’image de Parkinson pour les agriculteurs. Une taxe sur ces produits permettrait aussi d’ailleurs de favoriser la recherche, par exemple sur les cancers pédiatriques.
Enfin, nous proposons de mettre en place une réelle fiscalité comportementale. L’idée n’est pas neuve : en 1861, le chansonnier Gustave Nadaud appelait déjà à « frappe[r] le vin et la bière » et à « n’épargne[r] point les tabacs ».
En premier lieu, nous proposons d’établir une trajectoire fiscale relative aux produits du tabac. L’objectif est de porter le paquet de vingt cigarettes à 16 euros en 2027.
En deuxième lieu, nous défendons une réforme de la fiscalité des alcools, qui tuent chaque année l’équivalent de la population de la ville d’Albi, allant d’une taxe sur les bières sucrées, qui sont développées par les alcooliers pour attirer les jeunes, jusqu’à la mise en place d’un prix unitaire minimum de l’alcool, qui a notamment fait ses preuves en Écosse, en passant par des mesures sur les publicités.
En troisième lieu, nous proposerons de nouveau au Sénat de taxer les publicités pour les jeux d’argent et de hasard. J’espère que cet amendement adopté l’année dernière saura vous convaincre de nouveau, mes chers collègues, et que, cette fois, madame la ministre, notre vote sera respecté.
En dernier lieu, nous souhaitons nous attaquer aux pratiques « anti-santé publique » des industriels de l’agroalimentaire, en taxant les sucres ajoutés et les produits n’affichant pas le Nutriscore. Je compte sur vous, mesdames, messieurs, les représentants de la Nation. C’est une urgence de santé publique.
Pour conclure, nous appelons solennellement à soutenir financièrement les établissements médico-sociaux, notre hôpital public et les Ehpad. S’agissant de ces derniers, il nous faut reconstruire leur modèle. La loi Grand Âge, madame la ministre, n’est toujours pas présentée : quand arrivera-t-elle ? Là encore, je compte sur vous.
Vous l’aurez compris, face aux attaques à pas feutrés du « socle commun » contre les conquis sociaux, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires défendra le patrimoine de celles et de ceux qui n’en ont pas. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Annie Le Houerou et Solanges Nadille applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2025, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, nous inquiète comme jamais, car il met à mal les fondements mêmes de notre protection sociale.
Ce budget arrive au Sénat après une procédure inédite, sans vote, fût-ce par une adoption au travers d’un 49.3, des dépenses par l’Assemblée nationale.
Ce budget est bien loin des attentes de nos concitoyens. Il ne répond pas aux enjeux budgétaires, comme nous avons pu le souligner lors de l’examen de la motion d’irrecevabilité déposée par notre groupe. Il ne permet ni de résoudre les déficits ni de proposer la moindre trajectoire de retour à l’équilibre. Il vise à augmenter timidement les recettes et à réduire drastiquement les dépenses en les mettant à la charge des malades.
Ce budget cache en réalité une vision politique que nous refusons : laisser filer les déficits pour simuler l’inefficacité de notre système de sécurité sociale, issu du Conseil national de la Résistance. En effet, nous nous éloignons toujours plus du principe selon lequel chacun participe selon ses moyens et bénéficie selon ses besoins. Ce principe de solidarité nationale est menacé un peu plus chaque année depuis sept ans, et nous atteignons cette fois un point de bascule.
Le Sénat a rendu en 2024 deux rapports d’information symptomatiques d’une double dérive de notre système de santé : d’une part, Financiarisation de l’offre de soins : une OPA sur la santé ?, d’autre part, Hausse des tarifs des complémentaires santé : l’impact sur le pouvoir d’achat des Français. L’ultralibéralisme macroniste en vigueur depuis sept ans a conduit à favoriser la financiarisation de notre offre de soins.
M. Xavier Iacovelli. Ultralibéralisme ? Allez dans un pays libéral, vous verrez !
Mme Annie Le Houerou. Le risque d’une privatisation de notre protection sociale par le biais des complémentaires santé est réel. Laisser toujours plus de dépenses à la charge du patient, des mutuelles ou des assurances privées conduit à les rendre inabordables pour les plus fragiles et à rompre le principe d’égalité d’accès aux soins.
Je m’étonne que Les Républicains et la droite sénatoriale se soient associés à ce projet de budget macroniste, que nous pouvons qualifier d’insincère et d’infidèle par rapport aux principes que nous défendons. Puisque Mme la rapporteure générale exprime son attachement à notre sécurité sociale, elle aura l’occasion de soutenir certaines de nos propositions, nous laissant entrevoir quelques avancées au Sénat… (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales sourit.)
Madame la ministre de la santé, le Gouvernement présente fièrement une hausse de l’Ondam de 2,8 %. En réalité, cette augmentation couvre l’inflation, à hauteur de 1,8 %, et une hausse de quatre points des cotisations de retraites dues à la CNRACL. Quid des mesures du Ségur de la santé, non financées ? Quid des déficits qui conduisent de nombreux établissements publics de santé ou du secteur médico-social à ne plus payer leurs cotisations à l’Urssaf ?
L’hôpital public a besoin de notre soutien et de moyens, tout comme les collectivités territoriales. Celles-ci mettent en œuvre au quotidien les mesures de solidarité à destination des familles et des plus âgés, mais elles se trouvent asphyxiées par votre méthode, par laquelle vous imposez, sans concertation aucune, des coups de rabot : fonds de précaution figurant au PLF, augmentation de leurs charges au travers des quatre points de cotisation supplémentaires à la CNRACL. Vous donnez ainsi le coup de grâce aux villes et aux départements, déjà exsangues.
Pour pérenniser le système français, il est de notre responsabilité – c’est une exigence – d’assurer l’équilibre budgétaire des différentes branches de la sécurité sociale, lesquelles ne peuvent fonctionner avec un déficit permanent. Le peu de recettes nouvelles présentées ne permettra pas le retour à cet équilibre. Je reste étonnée de voir la majorité sénatoriale soutenir cette fuite en avant des déficits, alors que, dans ses rangs, on dénonce cette logique depuis des années.
Nous avions perçu un signe positif avec la proposition faite par le gouvernement Barnier de réduire les insensés allégements généraux de cotisations. Nous proposons d’aller plus loin avec une sortie des exonérations des salaires excédant deux Smic. Ainsi, nous dégagerons 8 milliards d’euros de recettes sur les 80 milliards d’euros d’allégements généraux.
Nous irons chercher les exonérations ayant montré leur inefficacité pour l’emploi et pour la compétitivité de nos entreprises. Nous compléterons ces ressources par une contribution des revenus exceptionnellement élevés et par une fiscalité comportementale chère à notre rapporteure générale.
Toutefois, d’autres recettes proposées par Mme le rapporteur Deseyne pour la branche autonomie nous excèdent. Faire travailler les seuls salariés un jour de plus sans être payés n’est respectueux ni de la justice sociale ni du travail. (Mme Chantal Deseyne et M. Laurent Burgoa s’exclament.)
Notre groupe propose des recettes raisonnables, à la juste hauteur des besoins, pour assurer un retour à l’équilibre à terme, sans ponctionner toujours plus les salariés, les malades ou les retraités. Annonce du report de la revalorisation de 2 % des retraites, au 1er juillet prochain au lieu du 1er janvier, revalorisation finalement de 1 %, annoncée par M. Wauquiez – à quel titre ? – et proposée au travers d’un amendement de Mme Gruny : pour les retraités, le compte n’y sera pas !
Côté dépenses, nous nous opposerons à toute augmentation du reste à charge qui pèse sur les malades et sur les plus vulnérables. Je pense à la hausse du ticket modérateur ou à la diminution des indemnités journalières.
Nous revendiquons une loi de programmation pluriannuelle pour la santé, tout comme une loi pour le grand âge, promise, mais toujours pas présentée pour un examen en 2025, malgré l’attente tant des citoyens que des professionnels.
Nous proposerons de mener une réelle politique de prévention en matière de santé, car celle-ci est le levier le plus efficace pour réduire nos dépenses. La dissociation des dépenses en question de celles qui sont incluses dans l’Ondam, issue d’un amendement socialiste et ajoutée au texte par le Gouvernement après le passage du PLFSS à l’Assemblée, constitue une avancée qui doit être suivie d’un investissement à la hauteur des enjeux.
Invisibilisée dans votre budget, la santé mentale est pourtant supposée être la grande cause du Premier ministre.
Invisibilisée, la politique familiale l’est aussi alors que les familles monoparentales attendent des dispositifs nouveaux, notamment la réforme du congé parental.
Invisibilisés, le renoncement aux soins et les prises en charge tardives faute de médecins le sont également.
Nous, socialistes, considérons qu’il est possible de concilier la justice, fiscale et sociale, et le rétablissement des comptes de la sécurité sociale. Nous nous battrons pour préserver l’accès aux services publics et aux soins, de la crèche à l’Ehpad. Nous refuserons de vendre la protection sociale à des acteurs ayant une logique lucrative, dont les effets délétères sont dévoilés par de nombreux scandales.
J’espère que le Gouvernement et sa majorité sénatoriale se saisiront du sérieux de nos propositions et que nous sortirons de notre débat avec un budget structurant, qui permette d’améliorer la santé de nos concitoyens et qui soit rassurant pour l’avenir et pour la protection des droits des travailleurs, des assurés et des familles.
Ainsi, nous préserverons une sécurité sociale à la hauteur des besoins de chacun, car telle est la promesse de fraternité de notre République. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, faut-il le rappeler encore, la sécurité sociale est le premier budget de la Nation.
Ainsi, au sortir d’une Seconde Guerre mondiale qui laissa le pays exsangue d’un point de vue moral et humain, la France fit le choix historique de confier à la Nation et au Parlement le financement et la prise en charge de la solidarité nationale, des politiques de santé et des risques de la vie. D’autres pays n’ont pas fait ce choix et ont laissé au privé la gestion de la santé des populations, source parfois d’efficacité et de rigueur comptable, très souvent d’un lot d’inégalités et d’exclusions.
Certes, ces politiques sont des dépenses, mais des dépenses supposées utiles, solidaires et justes, qui permettent a priori à nos concitoyens d’être pris en charge de la meilleure des façons et de la plus égale des manières, partout où ils se trouvent.
Pourtant, mes chers collègues, la justice n’exclut pas la responsabilité. La dette sociale participe à part entière de la dette de l’État. Sous le septennat douloureux du président Macron, cette dette a continué à se creuser malgré les réformes injustes, particulièrement celle des retraites qui, sans être une trahison, puisqu’elle fut largement assumée avant la réélection du président, n’en a pas moins été un acte de brutalité sociale envers les travailleurs les plus modestes.
Comme chaque année, le même questionnement lancinant nous saisit. Quelque 662 milliards d’euros de dépenses de sécurité sociale, soit près d’un quart de notre richesse nationale, et une progression prévue de 18 milliards d’euros : normalement, mes chers collègues, avec une telle somme, nos hôpitaux devraient être les meilleurs du monde, notre espérance de vie progresser et notre natalité être dynamique ; les Français devraient pouvoir se soigner sans crainte de la facture, de l’attente d’un spécialiste ou de la file dans un service d’urgence, et sans s’inquiéter d’obtenir le médicament nécessaire.
Pourtant, partout où nous portons nos regards, la situation est dramatique. Nos soignants souffrent encore et toujours. Les proches aidants, soutien vital à notre système de santé, ne sont pas reconnus, alors qu’ils permettent, par leur abnégation, d’économiser des centaines de milliards d’euros et apportent à des millions de nos concitoyens les soins et l’attention nécessaire pour mener la vie la plus normale le plus longtemps possible.
Plus grave encore, notre natalité, ciment de la prospérité et, soit dit en passant, de tout l’équilibre financier de notre système social, est en baisse structurelle. Dans de nombreux territoires, même les plus urbanisés, le manque de médecins se conjugue maintenant avec le manque de médicaments, voire avec le manque de pharmacies.
Mes chers collègues, le constat est sombre, mais il est malheureusement juste. La question n’est pas tant de savoir si nous dépensons trop, mais surtout pourquoi aucun paramètre social et sanitaire ne s’améliore.
Dans une fuite en avant austéritaire et à l’effet récessif, le Gouvernement souhaite rogner les droits sociaux des Français. Si des économies sont nécessaires, elles ne doivent ni toucher aux classes populaires et moyennes, ni toucher à la France laborieuse, ni diminuer les droits sociaux des Français, alors même que la récession revient.
Pour toutes ces raisons, notre système national de sécurité sociale – c’est l’une des pierres angulaires de notre vision politique, vous vous en doutez – ne peut continuer à être ouvert à tous les vents d’une gestion et d’une immigration anarchiques. (Ah ! sur les travées du groupe SER.)
M. Xavier Iacovelli. Enfin ! Trois minutes pour le dire !
M. Christopher Szczurek. Face à ce constat, il n’y aurait qu’une solution pour préserver notre système social : la rupture. La rupture avec des politiques nocives, la rupture pour améliorer le coût du travail, la rupture pour organiser un système de retraites plus juste, incitant à commencer le travail le plus tôt possible et non à connaître la pénibilité la plus longue qui soit, la rupture pour faire bénéficier prioritairement les Français des fruits sociaux des lourds impôts dont ils s’acquittent par leur travail.
La rupture, nous craignons que vous n’y soyez favorables. Je disais déjà au début du mois d’octobre dernier que le problème de la classe politique française était non pas sa compétence, mais son conformisme. Dès lors, si rupture il doit y avoir, avant d’être financière, elle doit être politique. (M. Aymeric Durox applaudit.)
M. Jérôme Durain. Montrez l’exemple !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous paierons 55 milliards d’euros d’intérêts sur notre dette en 2025, et le budget de la sécurité sociale en 2024 enregistrera un déficit de 18 milliards d’euros. Nous faisons face à une urgence pour l’avenir de notre pays et de nos enfants : laisser filer la dette serait suicidaire !
Le PLFSS qui nous est proposé s’intègre dans le plan du Premier ministre, lequel souhaite ramener le déficit de 6,1 % à 5 % du PIB en 2025. Il vise à limiter le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d’euros. Ce n’est pas un PLFSS d’austérité, comme j’ai pu l’entendre, car les dépenses augmentent de 2,8 %, soit 18 milliards d’euros, et les recettes de 3,5 %.
L’Ondam, fixé à 264 milliards d’euros, a augmenté de plus de 60 milliards d’euros depuis 2019. Les budgets des branches maladie – la hausse de celle-ci équivaut à 9 milliards d’euros –, vieillesse, famille et accidents du travail et maladies professionnelles augmentent de 2 % à 3 %, celui de la branche autonomie de 6 %.
Ce budget s’intègre dans la politique de modération des dépenses du gouvernement Barnier, lequel préconise 60 milliards d’euros d’efforts, dont 20 milliards d’euros seraient issus de recettes supplémentaires et 40 milliards d’euros d’une baisse des dépenses publiques. De 10 milliards d’euros à 14 milliards d’euros d’économies proviendraient des prestations qui sont notre sujet aujourd’hui.
Il n’est pas question d’une diminution des soins pour nos compatriotes.
Tout d’abord, 4 milliards d’euros d’économies proviendront de la diminution des allégements de cotisations patronales. Je suis d’accord avec la proposition de la rapporteure, qui souhaite protéger les allégements proches du Smic.
Ensuite, 4 milliards d’euros de baisse des dépenses seront liés au report de l’indexation des retraites sur l’inflation au 1er juillet prochain, report qui ne concerna pas le minimum vieillesse. J’ai d’ailleurs déposé un amendement pour que toutes les retraites en dessous du Smic soient revalorisées au 1er janvier prochain, tout en étant dans l’ensemble favorable au nouveau projet proposé par la commission.
De plus, sont envisagés la modération des dépenses de santé avec la hausse du ticket modérateur – il faudra en tenir compte pour les Français qui n’ont pas de mutuelle – et un meilleur encadrement des dépenses de certains examens complémentaires.
Enfin, de nouvelles recettes sont prévues pour équilibrer la CNRACL, par le biais d’une hausse du taux de cotisation des employeurs publics. La commission a souhaité étaler cette augmentation sur quatre ans, au lieu de trois ans. J’y souscris, car les budgets des collectivités sont en difficulté.
Les dépenses supplémentaires de 18 milliards d’euros figurant dans ce PLFSS permettront, en premier lieu, de confirmer les engagements pris à l’égard des professionnels de santé et en faveur tant des petites retraites, situées sous le plafond de 85 % du Smic, que de la réforme de la petite enfance, tendant à garantir l’accueil du jeune enfant.
Ces dépenses confirmeront, en deuxième lieu, les engagements pris en faveur des agriculteurs : dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE), soutien à l’installation des jeunes agriculteurs et calcul de la retraite sur les vingt-cinq meilleures années. Des mesures complémentaires viendront à l’occasion de l’examen du projet de loi agricole.
Ces dépenses confirmeront, en troisième lieu, le développement des soins palliatifs pédiatriques et des équipes mobiles, à domicile, en Ehpad et dans les territoires.
En dernier lieu, la santé mentale sera concernée par ces dépenses, avec l’accès direct au psychologue et l’ouverture d’une filière dédiée à la psychiatrie dans les services d’accès aux soins (SAS). Il faudrait aussi assurer un meilleur suivi des malades psychotiques après leur sortie de l’hôpital en signalant mieux le non-retour à la consultation, ce qui signifie souvent l’arrêt du traitement.
Je souhaite exprimer mon accord avec les propositions des rapporteurs des différentes branches : lutter plus intensément contre la fraude avec une carte Vitale sécurisée, favoriser la vaccination contre les papillomavirus et les méningocoques et la prévention, lutter contre les actes redondants et favoriser l’utilisation du dossier médical partagé (DMP), contrôler l’utilisation des dispositifs, lutter contre la pénurie de médicaments, renforcer la prévention au travail et la lutte contre l’usure professionnelle, enfin, prendre en compte la dénatalité.
Je me félicite que l’amendement visant à exonérer de cotisations vieillesse les médecins retraités, qui s’est heurté à l’article 40 de la Constitution, soit repris par le Gouvernement.
Concernant l’autonomie, le PLFSS tend à créer 6 500 postes en Ehpad, soit un par établissement. Il faut, monsieur le ministre, que cette mesure soit inscrite dans une trajectoire de 50 000 emplois d’ici à 2029. Celle-ci est indispensable pour prendre en charge la dépendance, qui augmente avec le vieillissement.
En effet, le nombre de personnes de plus de 85 ans doublera entre 2020 et 2040. Pour créer ces 50 000 emplois, il faut investir 2,5 milliards d’euros par an, ce qui aurait été plus facile sans la suppression de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle…
Mme Annie Le Houerou. Ça, c’est sûr !
M. Daniel Chasseing. … même si ces mesures ont donné du pouvoir d’achat à nos compatriotes, à hauteur de 25 milliards d’euros.
En compensation – il s’agirait d’une légère compensation –, j’ai déposé à titre personnel un amendement visant à créer une journée de solidarité supplémentaire, laquelle rapporterait 2,4 milliards d’euros.
Parmi les habitants des pays de l’OCDE, nous sommes ceux qui travaillent le moins. S’il était adopté, cet amendement conduirait à travailler dix minutes de plus par semaine. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. Daniel Chasseing. Comme nous l’avons fait lorsque nous avons rencontré des difficultés au cours de notre histoire, nous devons aujourd’hui faire preuve de solidarité pour prendre en charge, ensemble, le vieillissement et la dépendance. Vous savez, monsieur le ministre, que c’est absolument nécessaire.
De même, il est impératif de maintenir les aides à l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. C’est un investissement durable. En outre, l’apprentissage est un ascenseur social. Un tiers des apprentis sont en effet issus de familles modestes. Nous espérons que la réduction du seuil d’exonération des cotisations sociales pour les apprentis au 1er janvier 2005 n’aura pas d’effet négatif.
Nous devons aussi redonner sa valeur au travail. À cet égard, je pense qu’il faut pérenniser la loi pour le plein emploi – ce n’est pas l’objet du texte –, qui visait à donner à tous les bénéficiaires du RSA dignité et émancipation, grâce à un accompagnement très personnalisé permettant à ceux d’entre eux qui le peuvent de retrouver progressivement un emploi.
La réforme qui a porté à 64 ans l’âge de départ à la retraite et à quarante-trois ans la durée de cotisation– cette durée était déjà prévue depuis la réforme Hollande-Touraine – est indispensable si l’on veut soutenir notre régime par répartition.
Ce serait une folie financière, compte tenu des difficultés que nous connaissons actuellement, de revenir à l’âge légal de départ à 62 ans et à quarante-deux annuités de cotisations. Ce serait envoyer un message d’irresponsabilité à nos créanciers.
L’abrogation d’une telle réforme coûterait 27 milliards d’euros et pourrait entraîner une envolée des taux d’intérêt, qui nous obligerait à mettre en œuvre un programme d’économies. Peut-être faut-il réfléchir, avec les partenaires sociaux, à l’introduction d’une dose de capitalisation.
En conclusion, nous sommes favorables à la réduction du déficit de l’État à 5 % du PIB. L’effort qui est demandé dans ce PLFSS est modéré et proportionné. Il ne réduit pas les soins et ne revient pas sur les engagements antérieurs.
Nous espérons améliorer les dispositions du texte relatives à la prise en charge des malades, au financement de la dépendance, à la prévention, à l’apprentissage, à la préservation du pouvoir d’achat des retraités. Alors que des économies sont nécessaires, ce PLFSS est responsable, juste et équilibré. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)