Je serai attentif au soutien que vous voudrez bien manifester à l'endroit de ces initiatives. L'investissement de notre pays pour les Sdis dépend aussi de notre capacité à rendre attractif sur le long terme cet engagement dès le plus jeune âge. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Anne-Sophie Patru et Émilienne Poumirol applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, j'ai reçu hier l'Association des maires ruraux de France, et nous avons eu l'occasion d'échanger à propos de la sécurité civile, mais aussi des polices municipales et des gardes champêtres. Nous avons évidemment une attention et une sensibilité toutes particulières à la ruralité.

Les difficultés de recrutement des sapeurs-pompiers volontaires sont amplifiées en secteur rural. Vous le savez, nous travaillons sur les sujets de reconnaissance et d'attractivité du volontariat ; un décret est notamment en cours d'arbitrage…

Mme Émilienne Poumirol. Qu'attendez-vous pour le publier ?

M. Nicolas Daragon, ministre délégué. … quant à la bonification du nombre de trimestres pris en compte pour le calcul de la retraite des sapeurs-pompiers volontaires, mais aussi des bénévoles des associations agréées de sécurité civile.

Nous n'avons pu trancher en quelques semaines ce qui n'a pu être décidé en plus d'un an : vous ne m'en voudrez pas, mesdames, messieurs les sénateurs. Mais nous continuons d'y travailler et espérons aboutir bientôt.

J'en viens à trois sujets importants, qui sont étroitement connectés : l'accompagnement des Sdis et des collectivités en général par les assureurs ; le financement par ces derniers de l'activité de sécurité civile ; enfin, leur présence dans la gouvernance. Il faudra mettre sur la table ces trois questions si l'on veut un débat serein.

Pour ce qui est des secours sanitaires, monsieur le sénateur, je partage votre propos : le tarif national d'indemnisation des carences ambulancières est fixé à 209 euros, quand le coût réel d'une intervention est supérieur à 400 euros. On le voit, les Sdis supportent en partie une charge qui devrait incomber entièrement au ministère de la santé, avec lequel nous aurons évidemment à échanger dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, afin d'améliorer les modalités de prise en charge.

Précisément, le Beauvau apportera une réponse aux questions de financement, que nous ne saurions arbitrer ici. Les départements et les communes, j'y insiste, seront partie prenante de ce travail – je sais combien le Sénat y est sensible.

M. le président. La parole est à M. Pascal Martin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pascal Martin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les récentes inondations qui ont ravagé l'Espagne et nombre de départements français rappellent, s'il en était encore besoin, le caractère vital des services d'intervention en cas de catastrophe naturelle.

Dans notre pays, ce sont les services départementaux d'incendie et de secours qui sont au centre du dispositif d'aide aux victimes. Leur excellence n'est plus à prouver, comme en témoigne la position de la France comme premier contributeur du mécanisme de protection civile de l'Union européenne.

Aujourd'hui, les Sdis sont cependant menacés par un effet de ciseau.

D'un côté, les besoins ne vont malheureusement pas cesser d'augmenter. Le changement climatique, en particulier, ne peut que multiplier l'occurrence et l'intensité des phénomènes climatiques extrêmes, qu'il s'agisse des tempêtes ou des feux hors norme. On peut également penser au phénomène de retrait-gonflement des argiles, qui va fragiliser un nombre considérable de bâtiments sur le territoire national ; et je n'oublie pas la lutte contre les risques industriels et technologiques.

D'un autre côté, dans le contexte budgétaire que l'on connaît, les moyens financiers qui sont alloués aux Sdis tendent à stagner, voire à régresser.

Certes, des économies dans la gestion du service sont envisageables. Elles ne peuvent passer que par un effort de mutualisation des ressources, notamment par la création de plateformes de gestion et de traitement des appels communes aux sapeurs-pompiers et au Samu.

Pour intéressantes que soient ces pistes côté dépenses, elles ne régleront pas structurellement le problème : nous ne pouvons faire l'économie d'une réforme du financement des Sdis. Je remercie donc nos collègues du RDSE d'avoir inscrit cet indispensable débat à l'ordre du jour de la Haute Assemblée.

La fiscalité des Sdis a déjà été partiellement adaptée à la montée en charge de leur activité. Je pense à l'exonération du malus écologique et de l'accise sur les produits énergétiques, l'ex-TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) pour les carburants utilisés par l'ensemble de leurs véhicules, exonération votée ici même, faut-il le rappeler, et inscrite dans la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, texte d'initiative sénatoriale que j'ai eu moi-même l'honneur de déposer avec trois de mes collègues.

Néanmoins, nous allons avoir besoin d'une réforme plus fondamentale. À l'heure actuelle, les Sdis sont quasi intégralement financés par le conseil départemental et le bloc communal. Le rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) de 2022 et celui de la mission Falco de 2023 ont souligné combien ce système est à bout de souffle face à l'évolution des risques et de la sollicitation opérationnelle.

M. Pascal Martin. De nombreuses pistes sont sur la table pour le réformer. Permettez-moi d'évoquer celles qui me semblent les plus prometteuses.

Premièrement, il est proposé de moderniser la part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances attribuée aux Sdis : assiette, fraction versée, péréquation, plusieurs leviers peuvent être actionnés pour en augmenter le rendement.

Deuxièmement, on peut envisager le versement aux Sdis d'une quote-part de la taxe de séjour et la création d'une contribution nouvelle sur les locations de type Airbnb.

Troisièmement, certains évoquent – je suis le premier à le faire ce soir – la possibilité d'élargir la taxe Gemapi (taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations), pour en faire une taxe sur les risques majeurs. À ce propos, nous sommes plus réservés. Politiquement, un tel élargissement serait délicat pour les collectivités, alors même que, en la matière, la solidarité nationale devrait jouer à plein.

C'est pourquoi la quatrième piste me semble plus intéressante. Elle recouvre deux voies plus originales qui pourraient être explorées : primo, l'élargissement de la possibilité de facturation par les Sdis de prestations qui ressortissent au secteur privé ; secundo, l'action des Sdis permettant aux compagnies d'assurance de réaliser des économies, il serait légitime qu'une fraction des gains des secondes revienne aux premiers, comme cela a cours dans certains pays anglo-saxons ou en Suisse – c'est le principe de la « valeur du sauvé ».

Ces deux dernières pistes sont véritablement disruptives, car elles impliquent en quelque sorte un changement de culture de la part des Sdis. Mais, face à la montée en puissance des périls naturels, il va falloir se résoudre à décloisonner le secteur public et le secteur privé en matière d'intervention et de secours.

On parle de plus en plus d'adaptation au changement climatique ; on ne pourra à notre sens s'adapter à une France réchauffée de 4 degrés qu'en revoyant totalement le financement des Sdis dans le sens que j'ai indiqué. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE. – Mme Émilienne Poumirol et M. Ronan Dantec applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Pascal Martin, je veux le souligner, la France est le premier contributeur de l'Union européenne en matière de formation et de déploiement – vous le savez bien, vous qui êtes expert du sujet.

En ce moment même, nous sommes, me semble-t-il, le seul pays étranger à contribuer à la gestion de la catastrophe sans précédent qui s'est produite en Espagne, à Valencia – vous me permettrez de prononcer ce nom à l'espagnole, mesdames, messieurs les sénateurs, car je m'inquiète, depuis le début de ce débat, chaque fois que j'entends le mot « Valence » ! (Sourires.)

Cinquante sapeurs-pompiers y ont donc été mobilisés tout récemment ; compte tenu du délai qu'il a fallu pour que nous puissions enfin envoyer des forces en soutien aux sapeurs-pompiers espagnols, on mesure bien combien notre système, organisé nationalement, est pertinent.

Concernant la mutualisation des moyens des Sdis, une vingtaine de plateformes communes d'appel d'urgence 15-18 sont en cours d'expérimentation et vont être évaluées. Nous devons aussi travailler sur les achats mutualisés, auxquels procèdent d'ores et déjà un certain nombre de départements. J'ai évoqué la procédure, prévue dans le pacte capacitaire, qui permet d'abaisser de 30 % le coût d'achat d'un camion. Il nous faut déployer ce type d'opérations plus souvent, afin de faire des économies d'échelle.

En matière de financement, je partage vos orientations. Nous étudierons toutes les options, mais, en effet, la piste doit être évoquée d'une facturation des prestations, notamment de secours, qui pourraient être évitées, sur le modèle de ce qui a longtemps été fait, par exemple, avec la « carte neige ».

La question de la participation des assureurs doit également être posée : je le disais, nous allons devoir discuter à la fois de la taxe et de la gouvernance, étant entendu par ailleurs que plus nous ferons de prévention, plus, à mesure que le niveau de risque sera abaissé, les assureurs diminueront leurs primes.

Je souscris à la totalité de vos propos, monsieur le sénateur ; nous nous rendrons prochainement dans votre département pour la relance du Beauvau, et vous aurez l'occasion d'évoquer ces pistes.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les services départementaux d'incendie et de secours, ainsi que l'ensemble de nos sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires, on pense évidemment aux effets du changement climatique. Celui-ci s'accélère. L'observatoire européen Copernicus vient de le démontrer : l'année 2024 sera la plus chaude jamais enregistrée.

Dans tous nos départements, nous connaissons désormais trop bien les conséquences d'un tel état de fait : inondations, feux de forêt, crues, tornades, canicule, sécheresse…

Les interventions se multiplient, se diversifient et courent sur des périodes de plus en plus longues. La pression logistique et opérationnelle qui pèse sur les Sdis ne cesse de croître. À titre d'exemple, il y a un an, lors du passage de la tempête Ciarán, le Sdis de Seine-Maritime a dû réaliser près de 600 interventions pour les seules journées des 2 et 3 novembre.

Les conséquences du dérèglement climatique poussent également les Sdis à adapter leurs techniques et à renforcer leurs moyens et ressources. En plus de développer la formation, ils doivent désormais se doter de nouveaux équipements nécessaires à la lutte contre des risques auxquels ils étaient autrefois peu confrontés. Ces évolutions devraient accroître les coûts qu'ils supportent d'au moins 20 % d'ici à 2040.

Parmi les nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les sapeurs-pompiers, il y a aussi la désertification médicale et les difficultés de nos services de santé à assumer leurs missions – je pense en particulier aux carences ambulancières.

Lorsque les services d'urgence ferment régulièrement, comme c'est le cas à Lillebonne ou à Fécamp, dans mon département, les services d'incendie et de secours sont évidemment davantage mis à contribution.

Certes, le secours à la personne fait partie de leurs missions, mais ils sont de plus en plus fréquemment contraints de se déplacer pour des interventions qui ne relèvent a priori pas de leur champ de compétences. Ils transportent de plus en plus souvent de plus en plus de personnes vers des lieux de soins de plus en plus éloignés. En vingt ans, ces sursollicitations ont augmenté de 85 %, sans que le poids financier afférent ait été comblé.

De surcroît, dans le contexte inflationniste actuel, les Sdis sont eux aussi soumis à l'augmentation des prix du matériel ou des carburants. Aussi le montant de leurs dépenses ne fait-il que croître, sachant que leurs budgets sont assurés pour plus de la moitié par les départements et pour un tiers par les communes et les intercommunalités – cela a été rappelé.

Vu le sort budgétaire que réserve aux collectivités le projet de loi de finances pour 2025, on voit mal comment départements, communes et intercommunalités pourront répondre aux besoins des Sdis, en fonctionnement, en équipement, en matériel, en véhicules, etc., d'autant que, en parallèle, ce même projet de loi de finances affiche une baisse des moyens affectés par l'État à la sécurité, ce qui risque d'accroître encore la pression budgétaire sur les collectivités !

Quant au projet de loi de financement de la sécurité sociale, il prévoit une hausse de 4 points par an pendant trois ans du taux de cotisation des employeurs territoriaux à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, ce qui aura un impact considérable sur les Sdis !

Il convient donc de trouver de nouvelles ressources. Soyez assuré, monsieur le ministre, que nous formulerons des propositions en ce sens lors des débats budgétaires qui vont nous mobiliser dans les prochains jours.

Des travaux parlementaires – plusieurs collègues les ont évoqués, et je note des convergences – ont également défriché des pistes en matière de financement spécifique des Sdis. Je pense à l'augmentation de la fraction de TSCA qui leur est allouée ou à la création d'une nouvelle taxe départementale additionnelle à la taxe de séjour, qui permettrait de faire contribuer les touristes au financement des services d'incendie et de secours. Voilà des pistes qui méritent d'être examinées.

Enfin, monsieur le ministre, j'ai entendu vos propos sur le décret relatif à la bonification des retraites des sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli au moins dix ans de service. Nous en attendons la publication, et nos volontaires, eux, n'ont que trop attendu : il est temps que cette bonification devienne effective !

Dans les prochaines semaines, j'en suis sûr, nous nous rendrons les uns et les autres, à l'invitation de nos services d'incendie et de secours, aux célébrations de la Sainte-Barbe. Nous y dirons combien l'engagement des sapeurs-pompiers est précieux ; nous y honorerons la mémoire des disparus. Mais il convient aussi de garantir à nos Sdis les moyens de protéger l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDSE. – Mme Émilienne Poumirol et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Madame la sénatrice Brulin, je partage évidemment le diagnostic que vous avez posé à propos du changement climatique.

Le plan présenté tout récemment par le Premier ministre répond pour partie au défi, mais il convient aussi que nous fassions des progrès pour ce qui est d'inculquer à l'ensemble de nos concitoyens une véritable culture de la prévention. Les plans de communaux de sauvegarde s'inscrivent dans une démarche qu'il va falloir généraliser.

Vous avez raison de le souligner, en quelques heures nous sommes capables de mobiliser des centaines de volontaires. L'exemple du phénomène climatique qui s'est produit en Ardèche le montre : 800 sapeurs-pompiers ont pu être mobilisés en une heure, signe que les modes d'alerte et de mobilisation de nos volontaires fonctionnent.

Pour ce qui est de la sursollicitation des Sdis en matière de transport sanitaire, la réforme du transport sanitaire urgent, via la mise en place d'un système de garde pour les ambulances privées, a fait diminuer le nombre de carences de 14 % en 2023. Cette bonne pratique doit être généralisée.

Quant au budget de la sécurité civile pour 2025, il est en effet en baisse de 3 % par rapport à l'exercice précédent. Cela s'explique tout simplement par le décalage de la commande prévue d'avions bombardiers d'eau Canadair : ces appareils ne seront pas disponibles avant 2030, et nous avons préféré nous orienter vers l'option d'une commande à un nouveau consortium européen, ce qui va nous permettre de disposer d'un avion bombardier d'eau français. En réalité, le budget est donc étalé, plutôt que réduit.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE. – Mme Patricia Schillinger et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier le groupe RDSE d'avoir mis à l'ordre du jour de notre assemblée ce débat essentiel sur le financement des services départementaux d'incendie et de secours. Ce sujet est fondamental, tant le financement des Sdis tend d'année en année à se précariser.

Je n'aborderai pas ce soir, car il a été longuement évoqué, le problème du statut du volontariat et de l'arrêt Matzak ; en tant qu'ancienne présidente de Sdis, je suis bien sûr très sensible à la complémentarité entre les professionnels et les volontaires, ainsi qu'à la nécessité de maintenir du statut de sapeur-pompier volontaire.

Je n'évoquerai pas non plus – derechef, il en a déjà été beaucoup question – le sujet de la prévention des risques climatiques.

Je concentrerai mon intervention sur les aspects financiers, ainsi que sur un point qui me tient à cœur, à savoir la politique de prévention en santé menée auprès de nos sapeurs-pompiers.

En application des lois du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité et du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, les contributions des communes au budget des Sdis sont figées : elles ne peuvent augmenter davantage que l'inflation.

Aussi le département est-il aujourd'hui le principal financeur des Sdis : il contribue à leur budget à hauteur des deux tiers. Heureusement, depuis 2005, une partie de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances, la fameuse TSCA, leur est affectée par l'État à cet effet.

Cependant, et à titre d'exemple, dans mon département de la Haute-Garonne, cette dotation est aujourd'hui calculée en fonction de la population du département telle qu'elle fut recensée en 2002, soit environ 1,1 million d'habitants. Mais la population haut-garonnaise s'est accrue depuis lors de 17 000 à 20 000 personnes chaque année ; ainsi s'établit-elle en 2024 à 1,45 million d'habitants, soit une augmentation de plus de 387 000 habitants, l'équivalent d'une ville comme Nantes ou Nice, qui n'est pas prise en compte dans le calcul des contributions versées par l'État et par les communes et qui doit donc être compensée par le département.

Or, vous le savez, monsieur le ministre, les collectivités territoriales sont financièrement exsangues, et votre PLF pour 2025 ne fait qu'accentuer leurs difficultés. Dès lors, comment les départements pourront-ils encore financer et soutenir les Sdis dans leur gestion des nouveaux défis et des nouveaux risques ?

Face à l'augmentation de la population et à l'émergence de risques liés au dérèglement climatique ou à l'évolution de la menace, il apparaît aujourd'hui indispensable de réformer le mode actuel de financement des Sdis, fondé sur les contributions du département et du bloc communal.

Il conviendrait en particulier d'augmenter le taux de la fraction de TSCA qui leur est dévolue, tout en la modernisant, en actualisant son assiette et en tenant compte de la forte évolution de la pression démographique.

Il est par ailleurs nécessaire de mettre en place un pacte capacitaire spécifiquement dédié au risque inondation, comme cela a été fait pour les incendies après les feux qui ont touché la Gironde en 2022. Un tel pacte permettrait notamment l'acquisition de moyens de pompage de grande puissance, sans qu'il y ait besoin de faire appel au mécanisme d'aide européen.

La prise en compte de la « valeur du sauvé » constitue également un enjeu fort pour les Sdis : il s'agit de faire en sorte qu'ils apparaissent non plus comme une charge ou un coût, mais comme un service public de proximité à valoriser, bénéfique pour l'ensemble de la société.

Une autre piste de financement a été évoquée, à savoir le versement d'une quote-part de la taxe de séjour perçue par les communes.

Parmi les nouveaux défis auxquels sont confrontés les Sdis, il y a aussi celui de la protection de la santé de nos sapeurs-pompiers.

Avec ma collègue Anne-Marie Nédélec, ici présente, j'ai rédigé au nom de la commission des affaires sociales du Sénat un rapport d'information sur les cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier.

Ce rapport met en lumière la polyexposition de nos pompiers à des substances toxiques, dont certaines sont reconnues comme cancérogènes, telles que les fumées toxiques, l'amiante, les retardateurs de flamme, les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS), les perturbateurs endocriniens, les protoxiques ou les hydrocarbures aromatiques polycycliques.

Pour répondre au développement de ces risques, le rapport préconise d'élargir la présomption d'imputabilité au service aux types de cancer dont le lien avec l'activité de sapeur-pompier est reconnu par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), comme le font d'autres pays tels que le Canada, les États-Unis ou encore l'Australie.

En outre, le rapport insiste sur la nécessité de mettre en place une véritable politique de prévention au sein des Sdis, laquelle se heurte à la faiblesse des moyens qui leur sont accordés.

Ainsi, alors qu'un nouveau modèle de cagoule filtrante devrait être bientôt disponible et que la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises s'apprête à en discuter, son coût d'au moins 50 euros, contre quelque 15 euros pour le modèle actuel, rend peu crédible l'idée d'en équiper rapidement les sapeurs-pompiers.

C'est pourquoi nous appelons de nos vœux la création d'une dotation exceptionnelle consacrée aux équipements de protection individuelle (EPI) et aux cagoules.

Sans une réponse concrète et rapide de l'État, les délais de réponse seront amenés à s'allonger, ce qui entraînera de fait une dégradation de la qualité de ce service public, qui est souvent le dernier présent dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP. – M. Pierre Barros applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Je vous remercie de votre intervention, madame Poumirol, et de votre rapport sur les cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier.

La DGSCGC est en train de travailler sur le sujet, avec la création d'une matrice emploi-tâche-exposition, en partenariat avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Un protocole de nettoyage des EPI contaminés à l'amiante est également en cours d'élaboration, ainsi qu'une étude sur l'exposition des sapeurs-pompiers aux fumées des feux de forêt, réalisée par l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp).

Les EPI novateurs offrent une meilleure protection thermique et un taux de filtration des particules fines de 70 %, contre 0 % actuellement. Nous recherchons une tenue polyvalente pour éviter d'importants surcoûts et l'inconfort de certains équipements – mais vous savez tout cela parfaitement, ayant vous-même travaillé sur ces questions.

Pour ce qui concerne le financement, je vous invite à venir découvrir la Bourgogne, le 12 décembre prochain, quitte à traverser la France. (Sourires.) Nous travaillerons sur ces sujets, sachant que les pactes capacitaires ont tenu compte du risque d'inondation via des acquisitions de matériel lourd et que l'achat de pompes spécifiques est toujours en projet.

Nous reverrons ces questions, que vous avez évoquées, dans le cadre du Beauvau. Vous avez mentionné la taxe de séjour : j'ai évoqué cette piste avec David Lisnard aujourd'hui même. Vous découvrirez la position des communes sur ce point lors des débats, dont je ne doute pas qu'ils seront animés.

M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus, pour le groupe Les Républicains.

Mme Annick Petrus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité civile, fondement de notre République, repose sur une organisation à même de répondre efficacement aux besoins spécifiques de nos territoires.

Depuis quelques années, ces derniers sont de plus en plus confrontés à de nouveaux risques – aucun territoire n'y échappe. La crise du volontariat, qui s'y ajoute, impose de trouver sans cesse des mesures incitatives qui affectent le budget, qu'on le veuille ou non.

À Saint-Martin, cette organisation est en pleine transformation avec la création, en janvier prochain, d'un service territorial d'incendie et de secours (Stis) autonome, projet essentiel auquel j'ai l'honneur de participer activement en tant que membre du comité de pilotage.

Beaucoup de territoires ultramarins font face à tous ces défis. Les risques naturels, notamment les cyclones et les inondations, combinés aux exigences liées à l'activité portuaire et touristique, appellent une organisation locale plus réactive et adaptée. Notre territoire de Saint-Martin pourrait être doublement, voire triplement affecté : le fait qu'il s'agisse du seul centre de secours de l'île implique une autosuffisance opérationnelle en cas de catastrophe majeure, dans l'attente des premiers renforts.

Notre modèle actuel, qui est dépendant du Sdis de la Guadeloupe, avec lequel nous sommes conventionnés depuis 2007, a montré ses limites. Le choix de créer un Stis autonome s'est imposé à nous dans la mesure où les recrutements opérés à notre place par la Guadeloupe n'apportaient aucune garantie en termes de fidélisation du personnel et nous exposaient aux demandes de droit à la mobilité à tout instant, alors même que le coût d'un retour sur le continent n'est pas budgétisé.

Cette nouvelle organisation et ce fonctionnement autonome permettront de renforcer les moyens humains et matériels consacrés à la gestion des risques climatiques, industriels et sanitaires, puisque nous disposerons de notre propre schéma territorial d'analyse et de couverture des risques (Stacr). Avec une administration autonome et un niveau opérationnel en phase avec les enjeux, nous serons mieux à même d'anticiper une gestion opérationnelle sans faille en attendant l'arrivée des renforts et de répondre à la crise du volontariat, qui touche tous les territoires français.

Pour atteindre ces objectifs, il est impératif de garantir un financement pérenne et ambitieux des Sdis, qui repose aujourd'hui essentiellement sur les contributions des collectivités locales. Or ces dernières, surtout les ultramarines, font face à des contraintes budgétaires importantes, amplifiées par l'insularité.

Ainsi, le coût de fonctionnement de notre Stis est estimé à plus 9 millions d'euros, charge qui incombera entièrement et uniquement à la collectivité, à l'instar de ce qui se passe dans toutes les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution. Celles-ci cumulent les compétences d'une commune, d'un département et d'une région, mais avec des ressources financières limitées par leur statut.

Cette spécificité renforce la nécessité d'un accompagnement de l'État, car il est primordial que la collectivité puisse assumer cette responsabilité sans compromettre la réalisation d'autres priorités essentielles pour le territoire. Les besoins sont clairs et nombreux : renouveler les équipements obsolètes, recruter du personnel administratif pour répondre à la création des différents services, renforcer la formation des sapeurs-pompiers, proposer des mesures incitatives pour fidéliser les sapeurs-pompiers volontaires et anticiper les crises potentielles avec des outils modernes, comme les systèmes d'alerte précoce pour les inondations.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.