PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous pouvons tous en convenir, malgré de nombreux progrès accomplis au cours des dernières années au sujet des violences intrafamiliales, les violences commises spécifiquement sur les enfants sont encore bien trop nombreuses. La Ciivise avance ainsi le chiffre de 160 000 victimes par an pour les seules violences sexuelles commises sur mineur au sein du cercle familial, estimation probablement sous-évaluée, ces violences étant par essence cachées et intimes.

Au regard de ce constat, la proposition de loi de notre collègue Maryse Carrère semblait donc bienvenue.

Ce texte, reprenant l’une des recommandations de la Ciivise, institue une ordonnance de sûreté de l’enfant victime de violences. Toutefois, et c’est le sens du rapport de notre collègue Marie Mercier, notre droit n’est pas dépourvu d’outils juridiques pour la protection des mineurs – Mme la ministre vient de le rappeler –, y compris dans des situations d’urgence, outils qui relèvent du juge des enfants, du juge aux affaires familiales ou du procureur de la République. Dans un premier temps, nous nous sommes donc demandé si le juge des enfants n’avait pas toutes les compétences requises pour protéger un enfant, sans avoir besoin de ce texte.

Néanmoins, le juge des enfants que nous avons entendu en audition nous a expliqué qu’il ne pouvait intervenir que lorsque les deux parents étaient défaillants et qu’il ne pouvait confier l’enfant à un parent protecteur. C’était donc bien au juge aux affaires familiales d’intervenir dans ce cas.

Nous nous sommes donc tournés vers ces juges qui, eux, nous ont expliqué que l’assignation à bref délai et l’ordonnance de protection pouvaient déjà servir à cela et qu’il n’était pas nécessaire d’ajouter une couche de procédure supplémentaire.

Alors, pourquoi ce texte ?

En réalité, cette proposition de loi est utile : si les outils existent, ils sont perfectibles, y compris de l’avis des professionnels eux-mêmes. Je pense à cet égard aux échanges que j’ai pu avoir avec le président du tribunal de Sens, dans le département de l’Yonne, qui, n’hésitant jamais à faire un peu de pédagogie, m’a expliqué les limites de l’assignation à bref délai en comparaison d’une éventuelle procédure d’urgence dédiée à l’enfant.

En effet, l’assignation impose au juge de statuer sur le fond dans l’urgence, ce qu’il ne peut pas toujours faire et ce qui conduit certaines juridictions surchargées à émettre un refus systématique a priori. L’ordonnance de protection permet a contrario de protéger, tout en laissant aux magistrats le temps de juger sur le fond.

Le bénéfice de l’ordonnance de protection telle qu’elle existe aujourd’hui peut en effet être étendu aux enfants, notamment depuis une récente décision de la Cour de cassation. Pour autant, cet outil est principalement destiné à la protection du conjoint victime, les enfants du couple n’étant alors concernés qu’à titre accessoire.

Ainsi, dans le cas où les violences ne s’exerceraient que sur les enfants, ce qui est fréquent en cas d’inceste, une ordonnance de protection ne pourrait être délivrée.

Si un changement de notre droit fait donc sens, la proposition de loi dans sa version initiale n’est pas satisfaisante pour les raisons qui ont été évoquées à l’instant : la création d’une nouvelle procédure serait source de confusion, au détriment de l’efficacité attendue sur un tel sujet.

L’auteure du texte a donc fait le choix de réécrire le texte : plutôt que de créer un nouveau dispositif ad hoc qui se superposerait aux outils actuels, elle propose d’élargir le dispositif de l’ordonnance de protection aux cas vraisemblables de violences commises dans le cercle familial proche à l’encontre d’un enfant.

L’ordonnance de protection deviendrait ainsi l’outil général de protection judiciaire d’urgence à la disposition du juge aux affaires familiales, puisqu’elle couvrirait l’entièreté du foyer familial, et non plus le seul couple. Précisons que les juges se sont bien approprié cette ordonnance et qu’ils n’auront donc aucun mal à en étendre le périmètre.

Le groupe UC et moi-même ne pouvons que soutenir cette nouvelle version de la proposition de loi, qui permet de répondre à la réalité des violences faites aux enfants et de prévoir un dispositif plus clair, pour le plus grand bénéfice de nos magistrats.

Le sous-amendement n° 17 d’Evelyne Corbière Naminzo est également le bienvenu, dans la mesure où il vise à faire entrer les enfants victimes dans le champ de l’ordonnance provisoire de protection immédiate. Certes, cette ordonnance ne sera véritablement mise en œuvre qu’en février prochain, mais est-il nécessaire que nous légiférions de nouveau sur ce sujet ultérieurement, alors qu’il serait naturel de prendre d’emblée ces enfants en compte, comme pour l’ordonnance de protection ?

En fin de compte, le dispositif que nous examinons aujourd’hui n’est peut-être pas totalement abouti, notamment parce que la réécriture que l’on nous propose est toute récente, mais je suis certaine que la navette parlementaire permettra de l’enrichir opportunément.

C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi remaniée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles tous les ans, le Parlement a adopté un certain nombre de dispositifs pour lutter contre ce fléau.

La loi adoptée en mars dernier prévoit la suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement en cas de poursuite, de mise en examen ou de condamnation.

En parallèle, nous avons œuvré continuellement au renforcement du dispositif de l’ordonnance de protection des femmes victimes de violences conjugales depuis sa création en 2010. Toutefois, cette ordonnance, même si elle permet à une femme vraisemblablement victime de violences conjugales d’obtenir une mesure de protection judiciaire pour elle et ses enfants, ne suffit pas à protéger les enfants victimes de violences en cas d’urgence.

Nous discutons donc aujourd’hui d’une proposition de loi prévoyant la mise en place d’une ordonnance de sûreté pour les enfants victimes, sur le modèle de l’ordonnance de protection, ou, plutôt, compte tenu de ce qu’a indiqué à l’instant l’auteure du texte, d’un dispositif étendant à ces enfants le champ de l’ordonnance de protection.

L’essentiel est de mettre les enfants en sécurité dès que possible. Le juge aux affaires familiales doit pouvoir prononcer des mesures temporaires pour protéger l’enfant victime de violence, en statuant en urgence sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Le principe de précaution a toujours guidé le magistrat appelé à délivrer une ordonnance de protection : les enfants devraient donc en bénéficier, tout autant que les adultes.

La présomption d’innocence ne doit pas empêcher de prendre des mesures pour protéger en urgence l’intégrité physique et la santé mentale de l’enfant. Les enfants n’ont évidemment ni les ressources physiques, ni les ressources psychologiques, ni les ressources financières pour fuir un agresseur issu de leur propre cercle familial.

Une mise en sécurité rapide, la plus précoce possible, est nécessaire, d’autant qu’il arrive très fréquemment que le parent mis en cause, tant qu’il n’est pas poursuivi en justice, ne soit pas éloigné de l’enfant. Il en résulte que l’enfant victime continue de subir des violences durant des semaines, voire des mois, alors même que les institutions sociales et les autorités judiciaires ont été informées d’une situation de grave danger présumée.

Il n’existe ni protection ni justice si la parole de l’enfant est mise en cause. Ne pas mettre en sûreté un enfant qui a dévoilé les violences qu’il a subies, c’est le dissuader de parler et le renvoyer au silence. Les enfants dénonçant les agressions dont ils sont victimes ne devraient jamais être laissés sans protection.

Interdire au parent accusé d’entrer en contact avec l’enfant présumé victime est une avancée majeure quand on connaît les stratégies de manipulation des agresseurs. Ces derniers bénéficient souvent d’un niveau de protection et de crédibilité élevé au sein du cercle familial. Il n’est pas rare que les pères agresseurs rejettent la faute sur les mères protectrices, lesquelles prennent tous les risques pour protéger leurs enfants, y compris celui d’être placées en garde à vue.

Il est donc indispensable de soustraire les enfants victimes de violences à toute pression éventuelle des parents accusés : c’est pourquoi nous voterons en faveur de l’ordonnance protégeant ces enfants.

Nous déposerons néanmoins plusieurs sous-amendements à l’amendement de Mme Carrère afin de renforcer le dispositif, notamment pour faire en sorte que le dépôt de plainte ne soit plus obligatoire. Dans la mesure où 88 % des violences incestueuses ne font pas l’objet d’une plainte, l’ordonnance de protection doit permettre de protéger l’enfant à partir d’un simple signalement, dès lors qu’il est à redouter que de nouvelles violences soient commises.

Pour que l’intérêt supérieur de l’enfant ne soit pas qu’une formule creuse dans notre droit, nous devons nous doter d’outils plus ambitieux. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je souhaite remercier Maryse Carrère de nous permettre de discuter cet après-midi d’un sujet absolument majeur, de nature quasi civilisationnelle : celui de la protection que notre société doit aux enfants victimes de violences, alors que, dans notre pays, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les trois minutes, qu’un enfant sur cinq en moyenne serait concerné par ces violences, qu’un enfant meurt chaque semaine sous les coups de ses parents, et que 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année. Comment faire pour mettre un terme à tout cela ?

La proposition de loi touche à un domaine essentiel et apparaît comme une solution utile, même si elle ne constitue pas, bien sûr, l’unique moyen de lutter contre ces violences.

Elle vise à permettre au juge aux affaires familiales de délivrer une ordonnance de sûreté pour protéger des enfants vraisemblablement victimes d’inceste ou d’autres violences particulièrement graves, sur le modèle de l’ordonnance de protection destinée, elle, à protéger les victimes de violences conjugales.

Ce texte est utile parce qu’aujourd’hui il n’existe aucun mécanisme efficace pour protéger, en cas d’urgence, les enfants victimes de violences.

Nous disposons certes de mesures pour protéger ces enfants, mais, de par leur nature, elles ne permettent pas de répondre à l’ensemble des cas de violences qui leur sont faites ; parfois, elles contribuent même à laisser de nombreux enfants sous le même toit que leurs agresseurs, et ce pendant des années – c’est un fait.

En effet, l’ordonnance de protection, une procédure que l’on connaît bien, permet au juge de prononcer en urgence des mesures qui renforcent éventuellement la protection de l’enfant, mais celle-ci ne peut être délivrée que si l’agresseur est aussi l’auteur de violences conjugales. En d’autres termes, tant que la violence concerne seulement l’enfant, et pas l’un des parents, celui-ci ne peut pas être mis à l’abri de son agresseur par le biais de ce dispositif.

Or très nombreux sont les cas d’inceste qui ne s’accompagnent pas de violences conjugales. Pourtant, ces incestes existent bel et bien et relèvent tout autant de l’urgence que les incestes d’enfants vivant dans des foyers où leurs mères subissent des violences conjugales. Pour le dire simplement, on ne peut pas décider de moins protéger un enfant victime d’inceste parce que sa mère n’est pas battue.

C’est précisément à cet enjeu que ce texte entend répondre.

Près de 90 % des victimes d’inceste ne portent pas plainte. Pour les 10 % d’entre elles qui le font, souvent tardivement, la justice réagit encore parfois trop tard, voire pas du tout.

Nous sommes collectivement très mauvais quand il s’agit de faire face aux violences incestueuses et, plus globalement, aux violences faites aux enfants. Ce texte ne permettra évidemment pas de résoudre tous les problèmes, car l’ensemble de nos politiques, qu’elles soient de nature sociale, familiale, scolaire, judiciaire, pénale ou policière, doivent être améliorées. Le chantier est immense.

Quand il y a vraisemblablement inceste ou violence grave, faut-il que le juge puisse prononcer une interdiction de contact ou suspendre l’exercice de l’autorité parentale ? L’ordonnance de sûreté est-elle utile ? Pour nous, la réponse est oui.

Aussi longtemps que notre droit n’intégrera pas un tel mécanisme, certains enfants victimes de violences, qui auront pourtant été repérés, passeront entre les mailles du filet.

Ce texte pourrait sans doute être amélioré : nous sommes là pour cela, et c’est donc ce que nous nous emploierons à faire cet après-midi. Les outils actuels de protection des enfants victimes peuvent-ils également être améliorés ? Oui, indiscutablement.

Pour conclure, je veux dire que l’objectif de mieux protéger les enfants victimes de violences sera servi par l’adoption de cette proposition de loi dans une version améliorée, laquelle pourra ensuite être éventuellement enrichie lors de la navette parlementaire. Car le rejet du texte, fût-il justifié par des raisonnements juridiques étoffés et intelligents, ne nous permettra pas de sauver un seul enfant ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, CRCE-K, RDSE et UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le constat qui nous conduit à discuter de cette proposition de loi cet après-midi est accablant : 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles au sein de leur famille.

Évidemment, ce sujet nous préoccupe tous. Il apparaît donc légitime que nous nous interrogions sur le meilleur dispositif qui permettrait de protéger ces enfants.

La présidente Maryse Carrère a pris une initiative très intéressante, qui repose sur plusieurs principes sur lesquels je reviendrai et qui ont conduit le groupe socialiste à déposer un certain nombre d’amendements.

Par ce texte, notre collègue propose que le juge puisse délivrer une ordonnance afin qu’une série de mesures soient prises pour protéger les enfants victimes.

Plus précisément, elle prévoit de confier cette faculté au juge aux affaires familiales, conformément à ce que les représentants de ces magistrats spécialisés ont eux-mêmes souhaité. Ils se considèrent comme étant les plus à même de traiter cette question, contrairement à notre intuition initiale qui nous aurait peut-être amenés à attribuer cette compétence aux juges des enfants. Ceux-ci estiment a contrario que cette compétence ne peut pas relever de leur mission, dès lors qu’il y a un parent protecteur ; la faculté de prononcer un placement à domicile aurait posé une difficulté juridique et les aurait obligés à se livrer à des contorsions juridiques quelque peu risquées.

Il est donc proposé que le juge aux affaires familiales puisse être saisi, sans obligation de dépôt de plainte : celui-ci disposerait d’un délai de quinze jours pour prendre une ordonnance de sûreté, ce qui nous paraît un peu trop long.

Sont prévues, dans ce cadre, des mesures extrêmement fortes, sur lesquelles nous portons une appréciation différente : le retrait de l’exercice de l’autorité parentale et la possibilité d’imposer le port d’un bracelet antirapprochement, non seulement à l’auteur des violences, mais aussi à la potentielle victime.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un certain nombre d’amendements qui, tout en s’inscrivant dans cette réflexion globale, tendent à modifier le dispositif prévu et à traduire la position de notre groupe.

Nous proposons de réduire à six jours le délai de délivrance de l’ordonnance de sûreté, de supprimer la possibilité pour le juge d’ordonner le port d’un bracelet antirapprochement – obliger un enfant de 4 ans à porter un tel bracelet sur le chemin de son école maternelle nous semble d’une violence inouïe –, et de remplacer la possibilité de retrait de l’exercice de l’autorité parentale par celle d’une simple suspension.

La présidente Maryse Carrère, en lien avec la rapporteure et nos collègues qui ont participé de près aux travaux de la commission, a finalement choisi de proposer une rédaction différente de son texte, qui a pour avantage de s’inscrire dans le prolongement des dispositifs préexistants, puisque, par le simple ajout d’un critère, elle en étend le bénéfice aux enfants victimes de violences.

Mélanie Vogel l’a en effet rappelé à l’instant, il est inexact d’affirmer que l’ordonnance de protection, dans sa version actuelle, protégerait l’enfant, car cela n’est véritablement le cas que dans la mesure où il y a également des violences conjugales. Autrement dit, l’ordonnance de protection peut bénéficier aux victimes de violences, et donc éventuellement aux enfants, mais pas aux enfants s’ils sont les seules victimes. Il reste donc un interstice à combler.

Il est vrai qu’il existe déjà de nombreuses procédures, lesquelles sont assez complexes : si les juges en ont l’habitude, ce n’est pas le cas des justiciables. Or cela compte ! Par exemple, madame la ministre, l’assignation à bref délai n’est pas une réalité. (Mme la ministre déléguée manifeste son étonnement.) En effet, qui dit assignation dit avocat – et vous connaissez mon attachement à cette profession ! Il s’agit d’un processus très formalisé et lourd, qui prend nécessairement beaucoup de temps, parce qu’il implique que la victime rassemble un certain nombre de pièces, que son avocat engage les démarches auprès de la présidence du tribunal et qu’il obtienne une date pour l’audience…

Par ailleurs, nous sommes favorables à ce qu’une plainte soit déposée, parce qu’il nous semble que l’enquête est un paramètre important. Et, pour qu’il y ait enquête, il faut une plainte, quand bien même le juge aux affaires familiales potentiellement saisi pourrait déclencher une enquête sociale – ce n’est pas une enquête pénale – et saisir le parquet, qui, lui-même, pourrait prendre des mesures.

L’argument qui peut nous être opposé consiste à dire qu’un tel dépôt de plainte compliquerait les choses. Mais ce n’est pas le cas ! Déposer plainte est extrêmement simple, d’autant que celle-ci ne doit être produite qu’au moment de la procédure elle-même.

Mes chers collègues, nous traitons d’une matière extraordinairement délicate : nous parlons d’enfants qui ont parfois verbalisé la violence dont ils ont fait l’objet et pour lesquels il revient à un parent de gérer la situation et de faire en sorte qu’ils puissent s’adapter aux mesures prononcées. Il semble donc nécessaire que ce soit le parent protecteur qui endosse ce rôle et puisse déposer plainte, afin qu’une enquête soit diligentée si, naturellement, les services de police l’estiment justifiée.

Nous sommes en outre favorables à la suspension de l’exercice de l’autorité parentale du parent coupable et, donc, à un allégement de son droit de visite et de son droit de garde, ainsi qu’à la possibilité pour le juge de statuer sur la résidence de l’enfant. Car, je le rappelle, une femme victime de violences conjugales ne peut décider seule de la résidence de son enfant si l’autre parent n’en est pas d’accord.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ces mesures nous semblent davantage protectrices pour l’enfant.

C’est la raison pour laquelle notre groupe soutiendra cette proposition de loi, sous réserve du sort qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons cet après-midi entend répondre au fléau insupportable des violences physiques ou sexuelles infligées aux enfants, beaucoup trop souvent dans le cadre familial.

Ainsi, l’instauration d’une ordonnance de sûreté spécifique aux enfants victimes de violences peut constituer une réponse juridique efficace, sur le modèle de l’ordonnance de protection en cas de violences conjugales.

Depuis trop longtemps, la société française, comme tant d’autres, s’est contentée de palliatifs, refusant de regarder en face la gravité des drames qui se jouent derrière les portes closes. Les chiffres, hélas ! parlent d’eux-mêmes : 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles. Chacune de ces vies est marquée à jamais ; ce n’est pas seulement un échec individuel, c’est aussi un échec collectif.

La loi doit faire en sorte de protéger les membres les plus faibles de notre société, une catégorie à laquelle appartiennent nos enfants. La récurrence de ces drames et leur diffusion dans la société choquent la population et appellent une réponse judiciaire et pénale à la hauteur de l’émotion suscitée.

À cet égard, l’ordonnance de sûreté de l’enfant victime, en favorisant la mise en œuvre de mesures d’urgence pour protéger les enfants exposés à des violences ou à des abus, répond dans son principe à une exigence d’efficacité et de célérité de la justice.

Certes, le travail effectué en commission a permis de relever un certain nombre de difficultés techniques qu’entraînerait l’adoption de ce dispositif et son manque d’efficacité, mais nous considérons que l’État doit être intraitable lorsqu’il s’agit de défendre nos enfants. Face aux monstres qui détruisent des vies, il ne faut laisser aucune place à la compromission.

Cette proposition de loi constitue avant tout un outil de protection. Sur le modèle de l’ordonnance de protection des victimes de violences conjugales, elle offre une nouvelle faculté aux juges, lorsqu’un cas d’inceste est avéré, pour protéger plus efficacement les enfants victimes.

Aussi, nous approuvons le principe sur lequel repose ce texte et nous voterons les modifications proposées par son auteure pour le rendre plus efficace et mieux applicable.

Face à des procédures judiciaires nécessairement longues et complexes, la proposition de loi permettra d’accélérer les actions préalables de protection de l’enfant victime. Cette rapidité d’action est, ici, synonyme d’efficacité et de sécurité.

Ce texte est un premier jalon, qui permettra d’améliorer notre droit et nos procédures judiciaires afin de protéger les enfants et, surtout, punir les faits incestueux.

Mes chers collègues, protéger un enfant, ne pas laisser plus longtemps un bourreau briser une vie en devenir, c’est préserver l’avenir. Nous voterons donc en faveur de cette proposition de loi, non pas seulement par choix politique, mais aussi par devoir moral, celui de protéger ceux qui n’ont pas encore de voix pour se défendre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les chiffres sont glaçants : en France, toutes les trois minutes, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle. Ce sont, chaque année, 160 000 jeunes victimes qui voient ainsi leur vie basculer.

Parce que ce sont justement des enfants et que les violences subies se déroulent majoritairement dans le cadre familial, leur souffrance reste invisible ; il leur est en outre impossible de la surmonter.

Pour peu qu’ils soient frappés par un handicap, c’est encore pire : ils ont alors un risque 2,9 fois plus élevé d’être victimes de violences sexuelles. Lorsque leur handicap est lié à une déficience intellectuelle ou à une maladie mentale, le risque est 4,6 fois plus élevé…

Notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est particulièrement attentive à ces faits de société. Ainsi, à la fin de l’année dernière, elle a une nouvelle fois auditionné le juge des enfants, Édouard Durand, coprésident de la Ciivise.

À cette occasion, celui-ci nous a convaincus, s’il en était encore besoin, de la nécessité d’agir sans faillir contre cette réalité terrifiante, non seulement en raison du coût social que ce fléau fait peser sur la société, mais surtout parce que le viol est un anéantissement de l’être et que l’impunité des violeurs d’enfants est absolument intolérable. Il nous a aussi rappelé combien il est nécessaire d’entendre la parole de l’enfant en toutes circonstances, selon l’adage « je te crois, je te protège », pour lui permettre de sortir de ce néant absolu.

Trop souvent, malheureusement, l’accompagnement fait défaut, à tel point que le juge Durand parle d’un second anéantissement. L’absence de soutien social correspond selon lui à répondre « tu mens » à la malheureuse victime.

Certes, de nombreuses initiatives ont vu le jour en matière de lutte contre les violences sexuelles sur les enfants. Je pense notamment au plan de lutte contre les violences faites aux enfants 2020-2022, qui a renforcé le 119 et qui a permis le contrôle systématique des antécédents judiciaires des professionnels et bénévoles exerçant une activité en contact avec des mineurs. Je pense bien évidemment à la création de la Ciivise ou à l’adoption, en 2021, de la loi Billon visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.

L’initiative de notre collègue Maryse Carrère s’inscrit dans cet esprit. La proposition de loi que nous examinons cet après-midi entend créer un nouveau dispositif de protection judiciaire de l’enfant victime de violences.

Toutefois, l’intérêt d’instituer une ordonnance de sûreté de l’enfant est apparu limité à notre commission des lois, d’une part, parce que le droit en vigueur répond déjà largement aux objectifs de ce texte, d’autre part, parce que la proposition de loi comporte moins de mesures de protection que celles dont dispose le juge aux affaires familiales lors de l’octroi d’une ordonnance de protection.

En outre, contrairement à l’ordonnance de protection, aucune sanction pénale n’a été prévue en cas de violation des mesures prononcées par le juge aux affaires familiales dans le cadre de l’ordonnance de sûreté. La portée du texte s’en trouve, de ce fait, considérablement amoindrie.

C’est la raison pour laquelle Maryse Carrère nous proposera un amendement de réécriture de l’article unique qui permettra d’atteindre le même objectif de protection de l’enfant victime de violences, mais dans le cadre d’une ordonnance de protection élargie aux cas vraisemblables de violences commises dans le cercle familial proche et nécessitant, par suite, une protection judiciaire d’urgence.

Madame la ministre, mes chers collègues, notre groupe souscrit pleinement à l’objectif qui sous-tend cette proposition de loi. Nous saluons l’initiative prise par notre collègue pour ajuster son texte et enrichir le dispositif de l’ordonnance de protection, afin d’y inclure les violences sur les enfants, notamment sexuelles. C’est la raison pour laquelle nous voterons en faveur de la proposition de loi ainsi amendée.

Seuls comptent pour nous l’efficacité de la réponse, les besoins fondamentaux de l’enfant et sa nécessaire protection. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC. – Mme Evelyne Corbière Naminzo et M. Laurent Somon applaudissent également.)