M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Remplacer le mot :
cinquième
par le mot :
sixième
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylviane Noël, rapporteure. Favorable.
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Antoinette Guhl. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes enfin réunis dans cet hémicycle pour parler du logement, premier poste de dépense des Français et secteur frappé depuis plusieurs années par une crise sans précédent.
Nous serons tous d’accord sur ce point, vous y compris, madame la ministre : si, à ce titre, diverses mesures ont été votées en 2024, elles restent insuffisantes face à l’ampleur du problème. (Mme la ministre le concède.)
En la matière, nous faisons bel et bien face à plusieurs facteurs combinés, qui exigent une réponse globale et ambitieuse. Or c’est précisément le contraire de ce que nous avons fait ces dernières années, en égrenant de petites mesures en autant de textes de loi… Cette approche parcellaire est d’autant plus dommageable que, les décrets d’application tardant parfois à être publiés, cette législation reste en partie inapplicable.
Qui peut contester les effets de la crise du logement aujourd’hui ? Qui peut nier la pénurie de logements, notamment dans les grandes villes et les zones tendues, et ses conséquences pour les plus précaires ? Je pense en particulier à notre jeunesse.
Avec cette proposition de loi, nous nous penchons sur la prolifération des locations de courte durée, dont les effets sont proprement catastrophiques.
Pour les habitants permanents des territoires concernés, ce phénomène entraîne une raréfaction de l’offre de logements : il provoque en effet un vaste mouvement de spéculation immobilière conduisant à créer des villes de résidences secondaires.
Mes chers collègues, à l’instar de Fabrice Luchini, permettez-moi de paraphraser Roland Barthes : une ville n’est belle que quand elle est habitable. Elle cesse d’être intéressante quand elle n’est plus que « visitable ». C’est pourquoi la régulation du marché des meublés de tourisme, et donc de plateformes comme Airbnb, est une nécessité absolue.
Nous sommes tous d’accord sur ce point : il faut réguler. Mais suivant quel objectif ? La priorité du groupe écologiste est claire : il s’agit avant tout de protéger les habitants permanents ; d’aider les jeunes, les familles et les plus précaires ; et de donner aux élus locaux les moyens d’assurer une régulation efficace – enjeu sur lequel Mme la ministre a insisté à juste titre.
La location de courte durée doit être encadrée. Le but n’est pas de l’empêcher, mais de faire en sorte qu’elle s’inscrive harmonieusement dans la vie de nos villes. C’est un enjeu considérable pour nos concitoyens.
Je pourrais citer l’exemple de la zone littorale de Saint-Malo, chère à mon collègue Daniel Salmon,…
M. Daniel Salmon. Ah !
Mme Antoinette Guhl. … mais je préfère m’en tenir au cas de Paris, que je connais mieux.
À Paris, 100 000 logements ont été créés en dix ans : c’est tout à fait considérable. Mais, dans le même temps, 43 000 à 60 000 nouvelles annonces Airbnb ont été recensées. Sans avoir été réduit à néant, l’effort de construction a été neutralisé à moitié par la prolifération des meublés touristiques.
À Paris comme à Saint-Malo, le phénomène Airbnb n’est pas la seule cause de la crise du logement, mais il a indéniablement une part de responsabilité. À côté des habitations vacantes et des lits froids des résidences secondaires, les plateformes en question contribuent à l’inaccessibilité des logements.
Je n’ignore pas que beaucoup de nos concitoyens trouvent un intérêt à ce type de location, que ce soit pour compléter leurs revenus ou pour voyager. Mais ces activités ont un impact significatif pour nos villes : j’y insiste, elles heurtent de plein fouet nos politiques publiques, qu’il s’agisse du logement, des transports, de la gestion des déchets ou du tourisme lui-même. Or le secteur du meublé touristique n’en assume pas les conséquences. La taxe de séjour ne compense qu’une infime partie des coûts liés au tourisme – transports, gestion des déchets, contrôle, etc. Il est temps de rétablir un équilibre.
Nous saluons les conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) dans leur diversité, traduisant des accords sur de nombreux points. Je pense, par exemple, à la rénovation énergétique des logements mis en location ou à la fiscalité.
Sur ces différents sujets, nous avons trouvé un compromis donnant le pouvoir aux élus locaux face aux mastodontes du meublé touristique. Désormais, ces derniers devront prendre en compte les politiques publiques locales.
Le présent texte nous offre un équilibre devenu indispensable entre les avantages dont disposent ces plateformes et les nuisances qu’elles provoquent dans nos villes. Je pense, plus précisément, au bal des valises à roulettes, qui perturbe nos quartiers, nos rues, nos halls d’immeubles, bref notre vie quotidienne.
Nous voterons donc ce texte, mais nous restons convaincus de la nécessité d’apporter une réponse globale et ambitieuse. Il faut assurer à la fois la création de nouveaux logements, notamment sociaux, la régulation du marché immobilier, ainsi que la protection des plus vulnérables et de la jeunesse. (Mme la ministre acquiesce.) Nous en reparlerons, je n’en doute pas, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE-K, et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après plus de deux ans de discussions, au cours desquels nous avons connu plusieurs remaniements, une dissolution et le début d’une nouvelle législature, nous arrivons enfin au terme de ce parcours législatif.
Le 28 octobre dernier, cette proposition de loi relative à la régulation des meublés de tourisme a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire. Nous pourrons désormais répondre aux attentes de nos territoires, qui font face à une pénurie de logements et où une forte pression s’exerce sur le marché locatif.
Ce texte marque une première étape, et une étape cruciale, dans la lutte contre la crise du logement. Il dote nos maires d’outils qu’ils attendaient de longue date pour encadrer les locations de meublés, en particulier dans les communes touchées par le surtourisme et la spéculation immobilière, comme chez moi, au Pays basque.
Je le répète, nos élus locaux attendaient ce texte depuis longtemps. D’ailleurs, bien des lois devraient être conçues de cette manière, en partant des situations observées sur le terrain pour proposer des outils adaptables à chaque territoire. Nous le savons tous : les réalités locales ne sont pas les mêmes que l’on se trouve sur le littoral atlantique, dans le Cantal, en Alsace ou dans le Nord.
Dorénavant, toutes les communes pourront fixer des quotas de meublés de tourisme et définir des zones réservées aux résidences principales. Cette faculté permettra de redonner vie aux centres-villes, désertés par les commerces comme par les habitants.
Par ailleurs, les maires pourront limiter la durée de location des résidences principales à 90 jours par an, contre 120 jours actuellement. Pour mieux encadrer et suivre ces locations, un numéro d’enregistrement deviendra obligatoire pour toutes les résidences, principales comme secondaires.
Il faut laisser la main aux élus intercommunaux ou communaux, car, in fine, ce sont eux qui connaissent le mieux la situation de leur territoire. En leur offrant de nouveaux outils, nous leur témoignons avant tout notre confiance. C’est à eux que revient le soin d’assurer une régulation adaptée à chaque situation.
L’une des priorités de cette proposition de loi était de réformer une fiscalité inéquitable : désormais, le propriétaire d’un meublé de tourisme non classé, à Bidart par exemple, bénéficiera d’un abattement réduit à 30 %, contre 50 % aujourd’hui, pour un chiffre d’affaires annuel maximal de 15 000 euros.
Madame la ministre, il est toutefois essentiel de préserver nos gîtes ruraux et nos chambres d’hôtes, qui contribuent au rayonnement et à l’animation de nos campagnes et de nos territoires montagnards. Il faut faire attention à ce que ces offres ne subissent pas une double fiscalisation, notamment par le biais de la mutualité sociale agricole (MSA). Nous y veillerons lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF).
Les meublés de tourisme classés et les chambres d’hôtes bénéficient aujourd’hui d’un abattement de 50 %, jusqu’à 77 700 euros de chiffre d’affaires annuel.
À cet égard, je tiens à insister sur les difficultés propres aux territoires de montagne : bien qu’ils dépendent du tourisme, ces derniers ont un besoin urgent de logements accessibles pour les jeunes qui y vivent et pour les travailleurs saisonniers, eux aussi essentiels à l’économie locale. On comprend, dès lors, l’importance d’un juste équilibre entre régulation et incitation.
Cette avancée est significative, mais il ne s’agit que d’un premier pas. Il nous faut absolument aller plus loin, en portant de 30 % à 50 % le taux d’abattement pour les locations nues de longue durée. Ce faisant, on protégera plus efficacement les propriétaires louant des logements à l’année.
Cette mesure n’a pas été retenue dans le cadre du présent texte. Je le regrette sincèrement et je ne manquerai pas de la défendre de nouveau lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.
Enfin, je tiens à remercier chaleureusement nos collègues députés Inaki Echaniz et Annaïg Le Meur, présents en tribune : depuis plus de deux ans, ils ont fait preuve d’un grand volontarisme sur ces sujets. Ils se sont battus pour faire aboutir le présent texte, dont nos territoires ont tant besoin.
Les élus du groupe socialiste voteront bien évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent texte, qui a fait l’objet d’un compromis lundi 28 octobre dernier en commission mixte paritaire, tente de répondre à la crise du logement que subissent nombre de nos territoires.
Non seulement les coûts de construction, les taux d’intérêt et le coût du foncier augmentent, mais les loyers sont eux aussi en hausse régulière depuis un an : à l’évidence, cette crise est multifactorielle et une loi, seule, ne saurait y répondre intégralement.
Cette proposition de loi s’attaque à un problème bien spécifique : l’éviction par les locations touristiques des locations destinées à l’habitation.
Telle ou telle mesure pourra peut-être dissuader certains propriétaires de louer leurs biens en meublés de tourisme, à condition bien sûr d’être reprise dans le PLF… Je pense notamment à l’alignement du régime fiscal des meublés de tourisme sur celui des locations de longue durée, ainsi qu’à la possibilité, pour les conseils municipaux, de réduire à 90 jours le nombre maximal de jours de location touristique des résidences principales.
En outre, en matière de performance énergétique, cette proposition de loi aligne les obligations des meublés de tourisme sur celles des locations meublées de longue durée. Ce faisant, elle vient combler une lacune qui s’apparentait à une anomalie.
Ce nouveau cadre devrait décourager plus fortement les plus gros propriétaires à recourir au meublé de tourisme. Il permettra ainsi de contenir certains abus pouvant restreindre l’accès au logement. Ces propriétaires seront-ils pour autant incités à proposer leur logement en meublé d’habitation ? Quelles mesures entend-on prendre en faveur de l’offre ?
L’article 2 ouvre deux nouvelles possibilités aux communes : premièrement, délimiter des secteurs où les nouveaux logements, quels qu’ils soient, devront être à usage exclusif de résidence principale ; deuxièmement, fixer dans certaines zones soit un nombre maximal d’autorisations temporaires pouvant être délivrées soit la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire de changement d’usage.
J’approuve l’objectif de cette proposition de loi, mais, à mon sens, ses dispositions ne suffiront pas à favoriser l’offre de logement à coût abordable. Il faudra faire bien plus pour changer réellement la donne…
Je le soulignais en préambule, la crise du logement est multifactorielle. Nous pouvons certes agir sur les meublés de tourisme et, à cet égard, le présent texte nous permet de franchir une première étape. Toutefois, j’y insiste, ces meublés ne sont pas seuls responsables des problèmes actuels.
C’est indéniable : dans certains cas, l’explosion du nombre de meublés de tourisme a donné lieu à des abus, qui ont eux-mêmes provoqué des tensions. Mais reconnaissons aussi qu’il s’agit là d’une offre touristique complémentaire et diversifiée, contribuant au dynamisme économique de certains de nos territoires.
D’autres leviers pourraient être actionnés pour encourager l’offre, notamment la revalorisation du statut du bailleur. Il faut rééquilibrer les relations entre propriétaire et locataire en offrant une meilleure protection aux bailleurs : ces derniers seront ainsi incités à proposer leurs biens sur le marché locatif de longue durée.
Madame la ministre, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendront toute initiative à même de lutter contre la crise du logement. Dans ce domaine, ils continuent d’attendre la mise en œuvre d’une vraie politique de l’offre, seule à même de proposer au plus grand nombre des logements de longue durée à un coût abordable. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Antoinette Guhl et M. Bernard Buis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons, le présent texte n’est qu’une partie de la réponse à la crise majeure que connaît actuellement le secteur du logement. Néanmoins, nous devons saisir toutes les occasions d’améliorer la situation, et cette proposition de loi en est une.
Dans certains territoires, la prolifération des meublés touristiques aggrave les difficultés existantes : lorsqu’elle se substitue à la location de longue durée, cette offre provoque l’attrition des logements disponibles en résidence principale.
J’ai déjà eu l’occasion de le souligner, les réponses à cette situation me paraissent principalement de nature réglementaire et non fiscale. À mon sens, c’est l’évolution de la réglementation et des pouvoirs confiés aux élus locaux pour réguler le marché à l’échelle locale qui favorisera véritablement le retour à la location de longue durée.
Je tiens à saluer le travail accompli par notre rapporteure, Sylviane Noël, qui, avec ses homologues de l’Assemblée nationale, a su trouver des compromis constructifs. Leur travail donne aux élus de nos territoires de plus grandes marges de manœuvre pour réguler la location de courte durée.
Les dispositions fiscales du présent texte, mesures que j’ai été chargé de rapporter pour le Sénat, m’inspirent une réelle satisfaction. La rédaction à laquelle nous sommes parvenus en CMP conserve très largement les apports du Sénat, qui visaient à rendre la fiscalité des meublés touristiques à la fois plus lisible, plus juste et plus équilibrée.
Ainsi, dans sa version issue de la CMP, l’article 3 réforme les paramètres fiscaux du régime micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) applicable aux meublés de tourisme.
Cet article suit une ligne directrice claire : simplifier le régime fiscal applicable aux revenus des locations meublées. Nous sommes donc revenus sur le dispositif, par trop complexe, de zonages multiples proposé par l’Assemblée nationale. Ce dernier se serait révélé contre-productif, d’autant que – ne l’oublions pas – le micro-BIC est censé être un régime simplifié.
Le Sénat est également parvenu à simplifier ce régime en harmonisant les taux d’abattement et les plafonds avec ceux de divers dispositifs existants.
De même, les régimes micro-BIC applicables, d’une part, aux meublés de longue durée et, de l’autre, aux meublés touristiques non classés sont désormais distingués clairement, afin d’encourager le premier type de location.
En outre, l’article 3, tel qu’adopté en CMP, maintient l’incitation au classement des meublés de tourisme, dans une logique de montée en gamme et de mise en valeur de la qualité de l’accueil dans nos territoires. Il s’agit, à mon sens, d’un bon choix.
Enfin, je me réjouis que nous ayons évité, lors de la CMP, d’aborder tel ou tel point dont le Sénat n’avait pas débattu en première lecture. Nos collègues députés souhaitaient certes assez ardemment engager ces discussions, mais un tel procédé n’aurait pas été conforme à la règle dite de l’entonnoir.
L’article 4 faisait revenir dans le calcul de la plus-value de cession des loueurs de meublés touristiques non professionnels les amortissements déduits du revenu de la location de ces biens. Nous nous sommes entendus avec nos collègues députés pour renvoyer ce débat au PLF pour 2025, où cette disposition figure à l’article 24.
Je tiens à saluer l’état d’esprit dans lequel nos collègues rapporteurs de l’Assemblée nationale ont abordé cette CMP. Si, malgré quelques divergences, nous avons pu conduire nos travaux à leur terme en vue d’une adoption de ce texte, c’est grâce à leur désir de faire converger les points de vue, afin de préparer l’avenir dans les meilleures conditions.
L’équilibre auquel nous aboutissons constituera, je l’espère, une véritable avancée en matière de logement, au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi avant tout de saluer les auteurs de cette proposition de loi, présents en tribune : nos collègues députés Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz.
Si législation rime parfois davantage avec complexification qu’avec solution, le présent texte – reconnaissons-le – est à la fois attendu par les élus locaux, nécessaire pour les saisonniers et profitable pour nos territoires.
Nul ne peut ignorer les difficultés que les Français rencontrent pour se loger à un prix abordable, en particulier dans les communes les plus attractives, celles des zones dites tendues.
La crise du logement persiste et signe, alors que le prix des loyers a connu une hausse ininterrompue depuis quarante ans, notamment dans le parc locatif privé. Ainsi, à qualité constante, les loyers d’habitation ont été multipliés par 2,6 entre 1984 et 2020. Nombreux sont les Françaises et les Français qui n’arrivent plus à se loger à l’année près de leur lieu de travail.
Dans les zones particulièrement touristiques, comme certains littoraux ou certains territoires de montagne, qu’il s’agisse des côtes finistériennes, des massifs isérois ou des plateaux du Diois, l’importance des résidences secondaires dans le parc total et l’essor des meublés de tourisme alimentent ce phénomène, suscitant un sentiment de frustration et de déclassement.
Mes chers collègues, je le déclarais à cette tribune le 21 mai dernier : il n’est pas acceptable que des saisonniers ou des étudiants ne puissent se loger dans des conditions décentes. À l’évidence, il était nécessaire de légiférer. Je me réjouis donc du travail accompli au cours de la navette parlementaire. Je salue à la fois les apports du Sénat et les compromis trouvés avec nos collègues députés.
La Haute Assemblée est à l’origine de plusieurs avancées.
Je pense bien évidemment à la rédaction de l’article 1er, lequel soumet l’octroi de l’autorisation de changement d’usage pour les locaux concernés à un diagnostic de performance énergétique (DPE) de classe A à E dès l’entrée en vigueur du présent texte, puis a minima à un DPE de classe D au 1er janvier 2034.
Je pense également à la réorganisation de la fiscalité des logements meublés de tourisme. Pour le calcul de l’impôt sur le revenu, les taux d’abattement sur les revenus locatifs sont réduits à 30 % pour les meublés de tourisme non classés, avec un plafond d’éligibilité à 15 000 euros, et à 50 % pour les meublés classés, avec un plafond d’éligibilité à 77 700 euros.
Ces mesures pleines de sagesse ont été tracées par la plume du Sénat et je me félicite qu’elles soient conservées dans la version finale du présent texte. De même, je me dois de saluer les compromis trouvés avec nos collègues députés au cours d’une commission mixte paritaire qui – rappelons-le – a duré plus de quatre heures.
Les élus locaux en sortent gagnants : ils disposeront de compétences élargies afin de mieux réglementer l’implantation des locaux à usage touristique. La définition de la location meublée touristique a ainsi fait l’objet d’une harmonisation rédactionnelle. En outre, les résidences-services, catégorie comprenant un certain nombre de résidences étudiantes, ont été exclues du calcul des quotas d’autorisations temporaires de changement d’usage.
L’article 2 bis a été, quant à lui, entièrement réécrit.
Tout d’abord, les règlements de copropriété pourront être révisés afin de proscrire la location en meublé de tourisme. Cette interdiction pourra être adoptée à la majorité des membres du syndicat représentant au moins deux tiers des voix. Je précise que seuls sont concernés les lots à usage d’habitation ou destinés aux activités libérales.
Ensuite, tout nouveau règlement de copropriété devra préciser s’il est possible ou non de louer en meublés de tourisme des lots d’habitation.
L’article 1er A autorise l’universalisation du numéro de déclaration ou d’enregistrement des meublés de tourisme auprès d’une mairie. À ce titre, on exigera des preuves solides afin de mieux lutter contre la fraude à la notion de résidence principale.
S’il convient, sur ce point, d’attendre la parution du décret d’application, il s’agit là d’une rédaction satisfaisante, reprenant partiellement les dispositions d’un amendement déposé par ma collègue Nadège Havet, que j’avais cosigné et que le Sénat avait adopté en séance au printemps dernier.
Enfin, les élus de notre groupe saluent le rétablissement de l’article 1er bis encadrant la possibilité pour la commune d’abaisser de 120 à 90 le nombre de jours de location d’une résidence principale chaque année. Cette rédaction accorde davantage de souplesse aux conseils municipaux, qui, parce qu’ils connaissent parfaitement les situations locales, sont les mieux à même de répondre aux besoins spécifiques des communes.
Mes chers collègues, au terme des discussions en séance, puis en commission mixte paritaire, nous disposons aujourd’hui d’un texte transpartisan.
Utile à bien des égards, cette proposition de loi est attendue par nos élus locaux et, plus largement, par nos concitoyens. Empressons-nous de la voter et souhaitons collectivement sa promulgation rapide, afin qu’elle puisse être appliquée le plus tôt possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « encadrer la location de meublés touristiques ne résoudra pas tous les déséquilibres de notre marché locatif, car ceux-ci sont multifactoriels. Seule une réflexion globale permettra de renforcer l’attractivité de la location permanente. » C’est par ces mots que j’ai pris soin de nuancer la portée de ce texte en première lecture ; et c’est par ces mêmes mots que je tiens à rappeler le contexte dans lequel, aujourd’hui comme hier, nos débats s’inscrivent malheureusement.
Ne nous y trompons pas. La crise du logement que traverse notre pays est bien sûr sociale et économique ; mais, à plus d’un titre, elle est également politique.
Le blocage du parcours résidentiel provoque, chez les uns, l’impression d’une assignation à résidence et, chez les autres, un sentiment de déclassement. Je pense notamment aux jeunes, qui, contrairement à leurs aînés, ne peuvent accéder à la propriété. Le phénomène est particulièrement marqué dans les classes moyennes.
Cette situation est vécue comme une injustice d’autant plus grande que, dans le même temps, se développent les résidences secondaires et les meublés de tourisme. En entravant des projets de vie, elle met à mal le pacte social. Elle menace la solidarité et la cohésion nationale.
Face à ce diagnostic alarmant, nous devons agir avec rapidité et avec force, tant sur la demande que sur l’offre. À plus long terme, il est indispensable de refonder notre politique du logement.
Madame la ministre, vous le savez aussi bien que nous : en la matière, nous avons besoin d’un vaste projet de loi traduisant des orientations à la fois claires et ambitieuses, et, surtout, apportant un véritable soutien financier, en particulier aux collectivités territoriales. C’est un enjeu de mobilisation politique.
Face à l’effet d’éviction qu’entraînent les meublés de tourisme sur le parc de logements et à leurs nombreuses externalités négatives, telles que l’augmentation des prix du foncier, la raréfaction de l’offre, le blocage du parcours résidentiel, etc. cette proposition de loi est bienvenue. Il devenait urgent de maîtriser leur essor et de donner aux élus locaux de nouveaux outils pour évaluer, réguler et contrôler leur développement sur le territoire, tout en favorisant l’habitat permanent.
En ce sens, nous approuvons la généralisation de la déclaration avec enregistrement de toute location meublée touristique, l’extension et la facilitation du recours par la commune au régime d’autorisation préalable au changement d’usage, l’instauration d’une servitude de résidence principale pour les constructions nouvelles dans certaines zones délimitées ainsi que la possibilité offerte à la commune d’abaisser à 90 jours le nombre maximal de jours de location d’une résidence principale.
Toutefois, je regrette que nous n’ayons pu aller plus loin dans la conciliation des préoccupations divergentes de territoires dont les deux dynamiques, économique et locative, sont différentes. Le développement de la location de meublés de tourisme recouvre des réalités distinctes selon les zones : territorialiser la politique du logement devrait ainsi nous permettre de mieux appréhender ces spécificités.
Si l’essor incontrôlé de ce type de locations entraîne de grandes difficultés de logement pour les résidents permanents de communes très touristiques, affectant leur vitalité ou la diversification de leur économie, il constitue également un levier indispensable au dynamisme économique de certaines communes et permet une meilleure agilité de l’offre immobilière touristique par rapport à l’offre hôtelière traditionnelle, souvent insuffisante, notamment en zone rurale.
C’est pourquoi nous attendions de la commission mixte paritaire la réintroduction d’un objectif d’aménagement du territoire permettant une meilleure prise en compte des particularismes économiques locaux, par exemple ceux des stations classées de tourisme, une catégorie recouvrant notamment les stations de montagne et thermales. Prenons garde à ne pas complexifier la situation économique de certains de nos territoires ruraux sous couvert de simplification.
Une distinction entre zone rurale, où le développement des meublés de tourisme ne contribue pas à l’effet d’éviction que combat ce texte, et zone tendue nous semblait ainsi opportune.
L’essor de la location de meublés touristiques peut certes engendrer des déséquilibres, mais il ne saurait résumer à lui seul les causes profondes de l’attrition du marché locatif. La crise du logement dans laquelle la France est engluée est multisectorielle et appelle des réponses diverses, dont la pertinence dépend de l’exactitude du diagnostic établi et des symptômes identifiés.
Si cette proposition de loi apporte une réponse appropriée à l’effet d’aubaine créé par les locations de meublés touristiques aux dépens du secteur de la location résidentielle de longue durée, elle ne doit toutefois pas nous détourner de la tâche qui nous attend.
Pour autant, parce que ce texte est utile et parce qu’il apporte des outils concrets à nos élus locaux, notre groupe votera en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)