M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, auteure de la question n° 111, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon l’ONU, la situation à Gaza est apocalyptique et des milliers de Palestiniens courent le risque imminent de mourir. Le système de santé est confronté à un effondrement total. Les structures de santé ont été en grande partie bombardées. Le personnel médical est une cible.
Au mois de mai 2024, l’intensification des bombardements à Rafah et les ordres d’évacuation militaire ont entraîné, une nouvelle fois, le déplacement d’environ un million de personnes.
Selon l’Unicef, les familles déplacées vivent dans un dénuement total. Les conditions de vie sont indescriptibles : absence d’eau, de nourriture, de médicaments et de soins.
En mai 2024, répondant à une question orale que je lui avais posée, le gouvernement de l’époque s’était déclaré disposé à accueillir cinquante enfants, comme il l’avait annoncé. Or, d’après nos informations, seulement seize enfants, tous en provenance d’Égypte, où ils étaient hospitalisés après leur sortie de Gaza, ont été accueillis. Où en sommes-nous à ce jour ?
Le 19 novembre 2023, le Président de la République avait annoncé qu’un porte-hélicoptères configuré pour du soutien hospitalier, avec une capacité de quarante lits, aurait vocation à traiter les cas les plus graves et à permettre la prise en compte de civils blessés, afin de les faire soigner dans les hôpitaux alentour si nécessaire. Quid de l’occupation actuelle de ces quarante lits ?
Enfin, cinq médecins de l’association Palmed France, qui permet régulièrement à des délégations médicales et chirurgicales de se rendre à Gaza, se sont vu refuser l’entrée sur place. L’association souhaite que la France sollicite l’Organisation mondiale de la santé et le coordonnateur des activités gouvernementales des territoires à cet égard.
Le Gouvernement peut-il intervenir en ce sens ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Madame la sénatrice Poncet Monge, je vous remercie d’avoir rappelé l’engagement de la France et du Président de la République.
Vous connaissez notre position constante sur le sujet. La France se mobilise pour la reprise du dialogue politique dans la région, afin que deux États, Israël et l’État palestinien, puissent à terme vivre côte à côte, en sécurité.
Nous œuvrons pour un cessez-le-feu, la libération inconditionnelle de tous les otages, l’accès sans entrave de l’aide humanitaire, aussi bien pour la population civile gazaouie que pour la population libanaise, et la fin des combats. Avec nos partenaires – Israël, les pays arabes et la communauté internationale – nous travaillons à la recherche de perspectives politiques crédibles, garantissant la sécurité et l’accès à l’aide humanitaire.
La France est en première ligne. Elle a été la première nation occidentale à soigner des civils gazaouis. Le porte-hélicoptères français médicalisé, le Dixmude, stationné en Égypte du 27 novembre 2023 au 27 janvier 2024, a permis la prise en charge de plus de 120 blessés dans un état grave. Le dispositif sanitaire a été mis en place en partenariat avec les autorités égyptiennes, les Nations unies, le Croissant-Rouge égyptien, et avec le soutien de nombreux partenaires, notamment de l’Union européenne.
Vous l’avez mentionné, la France a accueilli sur son territoire dix-sept enfants palestiniens blessés ou malades. Ils sont actuellement pris en charge par notre système de soins, avec une dernière évacuation sanitaire le 30 juillet dernier.
Au-delà de la question de Gaza, je tiens à rappeler l’engagement de la France pour l’aide humanitaire au Liban : la grande conférence internationale organisée le 24 octobre avec plus de soixante-dix partenaires a permis de lever 1 milliard d’euros, dont 800 millions d’euros pour l’aide humanitaire et 200 millions d’euros pour le soutien aux forces armées libanaises.
Madame la sénatrice, notre engagement est collectif. Il est celui d’un pays qui sait combien sa sécurité est liée à celle du Proche-Orient et qui est décidé à y faire entendre sa voix singulière.
Je profite de l’occasion pour indiquer que M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, se rendra de nouveau sur place, en Israël et dans les territoires palestiniens, jeudi prochain.
renforcement du droit de préemption des collectivités locales pour la protection des terres agricoles
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 172, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
M. Jean-Baptiste Blanc. Je souhaite remercier mon collègue Lucien Stanzione d’avoir bien voulu inverser l’ordre des questions, me permettant ainsi de poser plus tôt la mienne, qui était destinée à Mme la ministre de l’agriculture.
Je tiens à alerter sur la nécessité de renforcer le droit de préemption des collectivités locales pour la protection des terres agricoles. Les dispositifs légaux actuels sont de plus en plus détournés, et nos communes en souffrent. Je pense notamment à la commune de Caumont-sur-Durance, dans le département de Vaucluse. Cela dit, elle est loin, je le sais, d’être la seule concernée.
Face à la hausse des implantations illégales dans des zones agricoles et inondables, la commune de Caumont-sur-Durance a établi un partenariat avec la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) visant à exercer un droit de préemption sur les terrains agricoles destinés à la vente qui ne sont pas acquis par des exploitants agricoles.
Cependant, des pratiques récentes ont mis en évidence des lacunes dans l’application de ce droit, notamment au travers de manœuvres visant à limiter son efficacité. En effet, des propriétaires cherchant à esquiver la préemption de leur terrain par les municipalités concluent des baux emphytéotiques. Bien qu’une telle pratique soit légale, elle sert en l’espèce à perpétuer l’utilisation non conforme des terres agricoles.
Face à un tel détournement du cadre légal, qui compromet tant les objectifs de protection des espaces agricoles que le respect de la régulation, comment le Gouvernement envisage-t-il de renforcer l’efficacité du droit de préemption pour sanctionner les stratégies visant à en diminuer la portée ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur Blanc, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de la ministre Annie Genevard, qui est aujourd’hui en déplacement dans l’Aude et le Tarn auprès de nos agriculteurs et viticulteurs, comme elle s’y était d’ailleurs engagée.
Vous soulevez une question épineuse sur le caractère frauduleux des baux emphytéotiques. Il est en effet difficile de qualifier a priori le caractère frauduleux d’un tel bail dans la perspective d’une préemption.
La jurisprudence est venue apporter des précisions casuistiques. Elle indique notamment que, si le bail prévoit un transfert du droit réel de propriété en fin de contrat, ce dernier sera soumis au droit de préemption.
Il appartient donc au notaire chargé d’établir le bail de déterminer si celui-ci est soumis au droit de préemption. À cet égard, je ne puis que recommander à l’ensemble de la profession notariale la plus grande vigilance.
Les Safer exercent leur droit de préemption conformément à leur mission, qui est de garantir le maintien de l’usage agricole. Le cahier des charges qu’elles demandent aux candidats repreneurs et l’étude qu’elles réalisent selon les priorités des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles contribuent également à cet objectif.
Par ailleurs, les collectivités qui possèdent des pouvoirs d’aliénation peuvent les exercer sur des baux emphytéotiques ou se prémunir contre des constructions illicites en zone naturelle ou agricole. Il convient de souligner que ce pouvoir a été renforcé par la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
inquiétudes des jeunes agriculteurs
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, auteur de la question n° 090, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
M. Alain Duffourg. Monsieur le ministre, je me permets de relayer aujourd’hui une demande formulée par le président des jeunes agriculteurs du département dont je suis élu, le Gers ; elle vaut d’ailleurs pour l’ensemble de la profession.
Comme vous le savez, une manifestation de grande ampleur a eu lieu au début de l’année 2024. Le gouvernement précédent s’était engagé à faire droit aux demandes légitimes de cette profession. Il n’en a rien été !
La situation de nos agriculteurs est très délicate. J’aimerais donc solliciter en leur nom des mesures qui pourraient, me semble-t-il, être prises d’urgence.
La première demande concerne le dégrèvement de la taxe foncière sur le foncier non bâti. La seconde porte sur l’indemnisation des planteurs de coriandre ; l’État s’y était engagé, mais les promesses n’ont pas été tenues, d’où une perte réelle pour la profession.
Vous le savez, dans le département du Gers, il y a deux filières importantes : l’élevage des palmipèdes à foie gras, d’une part, et la viticulture, d’autre part.
La première a été touchée par l’influenza aviaire. L’État s’était engagé en 2023-2024 à allouer une aide de 85 % à la suite des pertes de volatiles. Mais l’aide a été diminuée. Je demande donc au Gouvernement de bien vouloir rétablir les montants annoncés initialement.
La seconde a subi de nombreux aléas climatiques ces trois dernières années ; la grêle, le gel, le froid et la pluie ont entraîné une baisse du pouvoir d’achat des viticulteurs. À cela s’ajoute la surtaxe chinoise sur l’armagnac et les vins. Je souhaite que le Gouvernement agisse sur ce dossier.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur Duffourg, je voudrais tout d’abord vous remercier de votre engagement auprès des jeunes agriculteurs ; le Gouvernement, par la voix, notamment, de ma collègue Annie Genevard partage tout à fait votre préoccupation.
En réponse à la baisse des rendements agricoles due aux conditions climatiques, un soutien aux agriculteurs a été annoncé en août dernier, via un dégrèvement partiel de la taxe foncière sur le non-bâti. Le dispositif a prouvé son utilité. La procédure illustre la simplification attendue : aucune démarche du propriétaire ou de l’exploitant n’est requise.
Par ailleurs, les demandes d’aide à la conversion en agriculture biologique pour la coriandre ont connu une hausse importante en 2024, particulièrement en Occitanie.
Cette hausse est essentiellement liée au montant important de la prime associée à cette culture, sans lien avec une hausse de la demande de coriandre bio. Si la préfecture de région a appliqué un plafonnement à trois hectares sur les surfaces cultivées en coriandre, une exception a été apportée, afin de prendre en compte la situation des jeunes agriculteurs, pour lesquels le plafonnement a été rehaussé à neuf hectares.
Les résultats de la stratégie vaccinale contre l’influenza aviaire sont très satisfaisants. Le ministère de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt a donc reconduit la même stratégie qu’en 2023 depuis le 1er octobre 2024. Les modalités de financement du reste de la campagne pour 2025 sont en arbitrage.
Enfin, le cadre de l’assurance récolte sur la viticulture a, vous le savez, été réformé. Il repose sur un partage équitable du risque. Les aléas courants sont pris en charge par les agriculteurs. Les aléas significatifs sont pris en charge par l’assurance récolte pour les exploitants ayant fait le choix de s’assurer. L’indemnisation se déclenche alors au-delà de 20 % de pertes. Les primes d’assurance sont l’objet d’une subvention publique à hauteur de 70 %.
Enfin, les aléas catastrophiques sont pris en charge par l’État, via la solidarité nationale, pour tous les agriculteurs, assurés ou non.
modalités de subvention et d’indemnisation des viticulteurs souscrivant une assurance multirisque climatique et sanitaire
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 114, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, permettez-moi de relayer une inquiétude majeure de nos viticulteurs, confrontés à des risques sanitaires et climatiques croissants, amplifiés par le changement climatique et par le recul de l’usage de produits phytosanitaires.
Depuis quelques années, la filière viticole fait face, en Gironde et dans toute la France, à des aléas tels que le gel, la grêle ou les maladies cryptogamiques comme le mildiou, l’oïdium ou encore le black-rot.
Ces maladies, qui sont aggravées par l’humidité et par les vagues de chaleur, s’installent désormais régulièrement dans nos vignes, rendant le travail de nos viticulteurs toujours plus difficile.
Aujourd’hui, il devient quasiment impossible de distinguer les dégâts liés au climat de ceux causés par les infections sanitaires.
Aussi, les viticulteurs qui prennent la précaution de souscrire à une assurance climatique avec complémentaire sanitaire sont, de manière incompréhensible, pénalisés à double titre. D’un côté, un abattement sanitaire est systématiquement appliqué par l’État et les assureurs sur les indemnisations climatiques ; de l’autre, leur couverture sanitaire n’ouvre droit ni à la subvention de la politique agricole commune (PAC) ni au fonds de solidarité nationale (FSN).
Monsieur le ministre, pourquoi cette injustice persistante ? Pourquoi la France ne reconnaît-elle pas la nécessité d’inclure l’aléa sanitaire dans les conditions de soutien de la PAC et du fonds de solidarité nationale, alors même que l’Union européenne l’autorise ?
Face à un futur dans lequel le climat et le sanitaire s’entremêleront encore davantage, je vous demande d’envisager une révision de la position de la France ou, du moins, une expérimentation dérogatoire pour les viticulteurs ayant souscrit une double assurance.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur Gillé, les maladies que vous citez, en particulier le mildiou, sont des maladies courantes, contre lesquelles les agriculteurs disposent de moyens de lutte bien établis.
C’est pourquoi, en vertu de la réglementation européenne, les pertes sanitaires, quand bien même elles seraient amplifiées par les conditions climatiques, n’entrent pas en ligne de compte dans le dispositif assurantiel comme dans l’indemnisation de solidarité nationale.
Cependant, les aléas sanitaires plus atypiques sont pris en charge par le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), qui bénéficie de financements publics pour l’indemnisation des agriculteurs à hauteur de 65 %.
Si, pour les viticulteurs et agriculteurs qui souscrivent une double assurance climatique et sanitaire, les règles européennes excluent la possibilité d’ouvrir une expérimentation dérogatoire au plan stratégique national (PSN) de la France pour la PAC, le Gouvernement est pleinement mobilisé face à la multiplication des aléas.
La réforme de l’assurance récolte, mise en œuvre depuis 2023, a permis d’améliorer la prise en charge des aléas affectant les viticulteurs, qui peuvent tous bénéficier, désormais, de l’indemnisation de solidarité nationale.
L’État est également présent aux côtés des agriculteurs lors des crises. Au début de cette année, un fonds d’urgence de 80 millions d’euros a ainsi permis de soutenir les viticulteurs dont les revenus avaient le plus fortement baissé.
Par ailleurs, l’État accompagne les viticulteurs dans leur effort de réduction de l’usage des produits phytosanitaires en travaillant au développement de solutions permettant de protéger les cultures dans ce contexte d’adaptation.
Dans cette perspective, un appel à manifestation d’intérêt « prise de risque amont-aval et massification de pratiques (Praam) visant à réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques sur les exploitations agricoles » a été lancé en juillet dernier. Il prévoit de financer à hauteur de 90 millions d’euros des projets innovants de recherche et des solutions de substitution, notamment l’expérimentation de nouvelles formes de contractualisation couvrant la prise de risque liée au changement des pratiques.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, je vous demande d’examiner cette situation d’assez près. Il semble en effet que la France aborde cette question différemment des autres pays européens.
Mme la ministre de l’agriculture est en déplacement dans l’Aude. Vous le savez, la crise viticole que nous traversons, particulièrement en Gironde, est l’une des plus graves depuis la Seconde Guerre mondiale. Une réponse collective est donc vraiment nécessaire.
interdiction de la benfluraline
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la question n° 125, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le ministre, hasard du calendrier, le 14 février dernier, j’exprimais dans cet hémicycle tout mon amour et tout mon attachement aux filières de l’endive et de la chicorée.
Le règlement d’exécution 2023/149 de la Commission européenne du 20 janvier 2023 ne renouvelle pas les produits à base de benfluraline, dont le Bonalan, qui est utilisé par ces filières pour lutter notamment contre les chénopodes. Les autorisations de mise sur le marché ont donc été retirées et l’utilisation des stocks n’est plus permise.
Aucune solution de substitution n’a cependant été trouvée pour permettre aux producteurs de maintenir leur activité, si ce n’est un désherbage manuel, extrêmement coûteux en main-d’œuvre.
La filière de la chicorée et la filière endivière font partie intégrante du patrimoine des Hauts-de-France, en particulier du département du Nord. La maîtrise des cultures est assurée par une filière structurée et implantée majoritairement dans les plaines de Flandre.
Les étapes de la transformation de la plante sont assurées par plus de 200 planteurs, sécheurs et torréfacteurs, au moyen d’une technologie spécialisée et performante, qui garantit des produits sains et de qualité.
Ces filières assurent à elles seules la quasi-totalité de la production nationale et près d’un quart de la production mondiale. Elles sont donc source d’exportations pour la France. Pourtant, leur avenir est très incertain.
Les professionnels sont bien conscients qu’il n’est plus possible aujourd’hui d’autoriser le Bonalan, eu égard à son impact négatif pour notre planète ; ils ne le demandent d’ailleurs plus vraiment. Toutefois, monsieur le ministre, nous partageons tous le même mantra : « Pas d’interdiction sans solution ! »
Nous risquons aujourd’hui de voir s’éteindre cette filière historique et traditionnelle française et d’assister à l’arrivée massive d’une chicorée indienne qui est à mille lieues de nos normes et exigences environnementales.
Lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, votre prédécesseur avait affirmé que des travaux étaient lancés au sein de la direction générale de l’alimentation, pour identifier les solutions de substitution possibles parmi les herbicides autorisés. Il avait évoqué la mise en œuvre d’expérimentations dès cette année, afin de dégager de nouvelles pistes pour 2025.
Où en est-on, monsieur le ministre ? Quel accompagnement proposez-vous à ces filières dans l’attente de ces produits phytosanitaires ? Et en cas d’échec, quels seraient les recours ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Madame la sénatrice Lermytte, la demande de renouvellement de l’approbation européenne pour la benfluraline a fait l’objet d’une évaluation scientifique par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), qui a conclu, en 2019, que la substance ne répondait pas aux critères d’approbation de la réglementation actuelle.
La France a alors mandaté l’AESA pour évaluer l’effet de diverses méthodes d’atténuation des risques, qui permettraient de maintenir l’approbation.
En 2022, l’AESA a toutefois maintenu ses conclusions, ce qui a conduit la Commission européenne à ne pas renouveler l’approbation de la benfluraline.
À la demande de la France, le délai de grâce maximal pour la distribution et l’utilisation des stocks de produits a été porté à quinze mois. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a retiré les autorisations de mise sur le marché et permis l’utilisation des stocks jusqu’au 12 mai 2024. Cette période a été finalement prolongée d’un mois, compte tenu des pluies exceptionnelles qui ont retardé les semis en 2024.
La filière a été tenue régulièrement informée de l’avancée des travaux européens et des initiatives prises par la France pour conserver un usage sûr.
Afin d’anticiper la préparation au retrait de la benfluraline, une dérogation a été octroyée en avril 2024 pour expérimenter l’efficacité et la sélectivité d’une autre substance active, l’halauxifène-méthyl. En parallèle, une convention spécifique à hauteur de 100 000 euros a été signée avec l’Association des producteurs d’endives de France (Apef) pour la réalisation en 2024 et 2025 d’essais de désherbage avec des molécules de substitution.
Les résultats obtenus avec plusieurs produits montrent que la benfluraline est substituable dans des conditions techniques acceptables.
En 2025, il pourra être envisagé de reconduire les dérogations octroyées en 2024. Pour les perspectives moins immédiates, le désherbage des chicorées a été recensé parmi les usages prioritaires du plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes.
L’Apef a en outre déposé une lettre d’intention pour conduire un projet dans le cadre du Parsada (plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures).
agriculture en crise et retard dans la concrétisation des mesures annoncées
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, auteur de la question n° 144, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
M. Lucien Stanzione. En pleine crise agricole, la filière viticole du Sud-Est est plongée dans un profond désarroi.
Il y a peu, j’interpellais Mme la ministre de l’agriculture pour lui demander quels étaient son projet et son programme pour l’agriculture, particulièrement celle du sud de la France.
J’ai appris cette nuit que Mme la ministre était en déplacement dans l’Aude pour y faire de nouvelles annonces. Il était temps, car la colère de nos agriculteurs ne cesse, à juste titre, de monter !
J’apprends par ailleurs ce matin que de grandes surfaces vendent le litre de vin de côtes-du-rhône de qualité à 1,90 euro, alors que son coût de production est au moins 50 % plus élevé. Comment voulez-vous que les viticulteurs s’y retrouvent ?
Qu’en est-il du dispositif d’arrachage viticole dans le Sud-Est, ouvert le 15 octobre dernier ? Quand aura lieu sa mise en place concrète ? Pourquoi, en outre, n’est-il pas conditionné à des usages de diversification destinés à la production alimentaire humaine ?
Les remontées de terrain révèlent déjà que les structures viticoles les plus en difficulté risquent de devoir arracher la totalité de leurs vignes et qu’elles sont menacées de disparition. Dans ce contexte, l’enveloppe annoncée de 120 millions d’euros sera sûrement insuffisante.
Par ailleurs, la communication à propos du plan Agriculture climat Méditerranée, grâce auquel les agriculteurs pourront bénéficier, via un appel à projets, d’une aide globale de 30 millions d’euros, doit encore être renforcée.
Ce projet est en effet très largement méconnu dans le Sud-Est et dans la région Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur). Or ce plan est essentiel pour l’avenir de ces territoires particulièrement vulnérables face au changement climatique. Qu’en sera-t-il, monsieur le ministre ? Et quand ce plan sera-t-il mis en œuvre ?
Enfin, la question de l’eau est au cœur de l’agriculture de demain. Sans arbitrage de l’État, sans stratégie globale claire ni plan de financement, que sera l’agriculture méridionale de demain dans le cadre de projets d’irrigation, tel que le projet Hauts de Provence rhodanienne (HPR) ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur Stanzione, le secteur agricole est en effet confronté depuis plusieurs années à diverses crises, climatiques, sanitaires ou économiques.
Pour accompagner les agriculteurs face à ces défis, l’État finance des plans d’investissement visant à adapter l’agriculture au changement climatique dans le cadre de France 2030 et de la planification écologique.
Il a également mis en place la réforme de l’assurance récolte pour accompagner économiquement les agriculteurs victimes de catastrophes climatiques.
Au-delà de ces mesures structurelles qui se traduisent dans divers plans sectoriels – plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes, plan gouvernemental renforcé de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage –, l’État met également en place dans des délais très rapides des dispositifs de soutien économique.
L’État soutient donc les agriculteurs et continuera à appuyer les filières en fonction des besoins. Les récentes annonces qui ont été faites aux éleveurs une nouvelle fois victimes de maladies vectorielles en sont une illustration.
En ce qui concerne les filières que vous citez, 3,6 millions d’euros ont bénéficié aux producteurs de cerises au titre de l’aide exceptionnelle mise en place en 2023. La filière a également bénéficié d’un guichet dédié permettant de financer des agroéquipements spécifiques pour accompagner la lutte contre les ravageurs et les conséquences du changement climatique.
Enfin, la filière lavandicole bénéficie d’un accompagnement important : un dispositif d’assistance technique doté de 1,1 million d’euros et géré par FranceAgriMer sera notamment lancé prochainement à la suite de l’avis favorable du comité spécialisé.
Nous pouvons nous en féliciter, car cette coconstruction entre l’État et la filière a permis de définir, en complément de mesures d’urgence, des actions structurelles dont la filière avait besoin.
Vous pouvez compter sur la ministre de l’agriculture – elle s’y est engagée – pour apporter des réponses rapides face aux situations urgentes que vivent nos agriculteurs.
situation des futurs propriétaires de maison individuelle face aux faillites de constructeurs et à l’obligation légale de garantie des chantiers