M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour la réplique.
Mme Anne Souyris. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces explications. Néanmoins, je vous rappelle l’existence du principe de précaution. Étant donné que l’Allemagne a déjà classé le TFA comme substance reprotoxique, pourquoi la France ne l’imiterait-elle pas en attendant les résultats de ces études ?
hausse des contributions dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs dans le secteur du bâtiment et avenir de la filière bois
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, auteur de la question n° 176, transmise à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.
M. Simon Uzenat. Je souhaite interroger le Gouvernement sur la hausse prévue des contributions dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (REP PMCB).
Ce dispositif est issu de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, qui avait pour ambition, notamment, « de favoriser les produits les meilleurs pour l’environnement et de permettre de réduire le prix des produits vertueux ». Or nous constatons que les textes réglementaires d’application qui se sont succédé depuis 2020 produisent des effets inverses et pénalisent dangereusement les produits qui stockent du carbone – je pense en particulier au bois –, à l’encontre même des objectifs de décarbonation pourtant reconnus encore récemment comme prioritaires, et notamment dans le bâtiment, avec la réglementation environnementale (RE) 2020.
Selon les estimations de la Fédération nationale du bois, l’écocontribution telle qu’elle est initialement prévue pour 2025, doit augmenter de 50 % et pourrait donc pénaliser la filière bois, avec un montant fixé à 15 euros la tonne commercialisée contre 1 à 2 euros la tonne de béton ou d’acier. Il y a d’autres exemples, comme le bardage bois, qui serait facturé 11,60 euros la tonne contre 1,26 euro pour un bardage fibrociment.
Un arrêté du 20 février 2024 a certes modifié le cahier des charges des éco-organismes de la REP PMCB, mais de vives inquiétudes demeurent au regard des très importantes distorsions de concurrence que pourraient induire ces décisions qui ne reconnaissent pas suffisamment les propriétés écologiques du bois.
Plusieurs éco-organismes ont même décidé de geler les hausses prévues de cette contribution financière que versent les entreprises. La filière pourrait en effet se retrouver grandement fragilisée si rien n’est fait pour corriger ces contradictions.
Des discussions sont en cours, mais je voudrais savoir comment le Gouvernement entend garantir la cohérence entre les ambitions affichées en matière de décarbonation et l’équité économique et écologique de la mise à contribution des entreprises.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de la consommation. Monsieur le sénateur Uzenat, vous attirez mon attention sur la mise en œuvre de la filière à responsabilité élargie des producteurs des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, la REP PMCB, et plus particulièrement sur les conséquences de celle-ci sur les professionnels du bois.
La mise en place de cette filière, vous le savez, était très attendue par de nombreuses parties prenantes, notamment les collectivités locales, qui supportent aujourd’hui une partie des coûts de gestion des déchets du bâtiment et font face au phénomène des dépôts sauvages.
En ce qui concerne le cas particulier du bois, le Gouvernement est attentif à la situation économique de ce secteur. Ainsi, plusieurs mesures ont d’ores et déjà été prises pour permettre de diminuer l’enveloppe globale des coûts supportés pour le bois.
Des arrêtés ont ainsi été récemment publiés pour contraindre les éco-organismes à faire évoluer la structure du barème d’écocontribution bois, afin qu’elle soit différenciée entre les produits en bois frais, d’une part, et les produits bois secs et rabotés, majoritairement importés, d’autre part, ce qui constitue une première avancée face au risque de distorsion de concurrence que vous évoquez.
Il est également imposé aux éco-organismes de prévoir un abattement de contribution pour les produits générant des déchets parmi les mieux valorisés, ce qui va également favoriser le bois. Le gain pour la filière est estimé à près de 45 millions d’euros.
Par ailleurs, un projet de décret est en cours de validation, qui permettra de mutualiser les obligations de reprise sans frais des distributeurs de produits et de matériaux de construction entre sites proches. Cela devrait permettre un gain pour l’ensemble de la filière REP d’au moins 180 millions d’euros.
Enfin, les éco-organismes ont commencé à mettre en place des primes pour les produits intégrant des matériaux issus de ressources renouvelables gérées durablement et ont été incités à amplifier ces primes, ce qui devrait également profiter à la filière bois.
gendarmeries : loyers impayés par l’état
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 091, transmise à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, les impayés de l’État envers les collectivités pour les loyers des casernes de gendarmerie devraient, semble-t-il, être régularisés d’ici à la fin de l’année, mais cela ne saurait suffire.
Nous craignons en effet que les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2025 ne soient pas à la hauteur des besoins, ce qui ferait courir le risque d’un renouvellement de cette situation. Il s’agit donc, non pas de simples retards de paiement, mais d’un problème budgétaire.
Un rapport du Sénat a déjà montré que l’enveloppe allouée aux travaux nécessaires pour les casernes était systématiquement inférieure de 50 % aux besoins d’investissement. Les collectivités, mais aussi les bailleurs, qui construisent pour rendre service à l’État en lui permettant d’assurer ses opérations, ne peuvent pas être, comme on dit chez moi, « à retour ».
Or, pour prendre un seul exemple, la commune de Terres-de-Caux, en Seine-Maritime, m’a signalé que les loyers versés n’étaient pas ajustés en fonction de l’évolution des taux d’intérêt des emprunts contractés pour financer la construction du casernement. Le déséquilibre financier s’élèverait ainsi à 35 000 euros pour l’exercice 2024.
Loin des déclarations laissant entendre que les collectivités contribueraient au déficit du pays, on voit bien au contraire qu’elles investissent et qu’elles contractent des emprunts pour garantir les services publics à la population, notamment en construisant et en entretenant ces bâtiments pour le compte de l’État.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les collectivités ne seront pas pénalisées dans cet engagement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Madame la sénatrice Brulin, dans un contexte marqué par un engagement exceptionnel et partiellement imprévu de nos forces de sécurité intérieure, en Nouvelle-Calédonie notamment, des ouvertures de crédits supplémentaires sont sollicitées pour le programme 152 dans le cadre d’un projet de loi de finances de fin de gestion.
Dans l’attente, la tension qui pèse sur la trésorerie de la gendarmerie a conduit à donner la priorité au financement des activités opérationnelles, pour permettre la poursuite de l’engagement des unités de gendarmerie au service de la sécurisation du territoire national.
Aussi, outre le report de certains investissements, la mise en paiement de certains loyers a été retardée. La mesure porte sur le report des seuls loyers de septembre, octobre et novembre souscrits auprès de bailleurs institutionnels métropolitains, collectivités ou sociétés anonymes.
Les baux faisant l’objet d’un report de paiement représentent un montant total de 90 millions d’euros.
Les bailleurs les plus fragiles, notamment les particuliers, ne sont pas concernés, de même que l’ensemble des bailleurs des outre-mer.
Par ailleurs, pour permettre aux bailleurs concernés de signaler les difficultés particulières auxquelles cette mesure pourrait les exposer, une procédure de recensement des baux devant faire l’objet d’une mesure d’exception a été mise en place par le ministre de l’intérieur, en lien avec les directions départementales des finances publiques.
Dans tous les cas, le ministère de l’intérieur s’engage à procéder au règlement des loyers et des intérêts moratoires associés courant décembre, dès lors que les crédits supplémentaires sollicités auront été débloqués.
De manière plus globale, le ministre de l’intérieur souhaite conduire une réflexion de fond sur le devenir du modèle immobilier de la gendarmerie. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit notamment de reprendre l’entretien du parc domanial.
Je m’associe enfin à vos propos : en tant qu’élu local, je sais bien qu’en France les collectivités contribuent à l’investissement et non au déficit.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je tiens à rappeler que seules 649 casernes sur plus de 3 700 en France sont la propriété de l’État, ce qui montre bien le réel engagement des collectivités pour permettre à ce dernier de s’éloigner des règles du marché. On ne peut pas imaginer qu’elles soient pénalisées pour cet effort. Nous serons donc extrêmement vigilants lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.
lutte contre les infractions et atteintes faites aux élus
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 022, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le ministre, en Moselle, de nombreux maires, excédés par la multiplication des incidents contre lesquels ils s’épuisent à combattre, de plus en plus souvent au péril de leur intégrité physique, viennent de signer, avec le préfet du département, un protocole relatif au traitement des infractions et atteintes faites aux élus dans le ressort de la cour d’appel de Metz.
Ce texte, qui vise à améliorer la lutte contre les violences et autres atteintes faites aux maires, à leurs adjoints et aux élus en général, pour que force reste à la loi, réunit la Fédération des maires de Moselle, l’Association des maires ruraux de la Moselle, des procureurs de la République du ressort, le département de la Moselle et le commandement de la direction interdépartementale de la police nationale et du groupement de gendarmerie départementale. Il associe ainsi tous les échelons institutionnels directement concernés par cette problématique.
Aussi, pour que cette union des forces soit couronnée de succès, il conviendrait d’en faire la promotion via une campagne dans les médias qui viendrait affirmer et appuyer la volonté intraitable de l’État de mettre un terme à des comportements et des actes inadmissibles dans nos sociétés, où le vivre ensemble implique le respect de la loi et de ses représentants. Il faudrait le faire à très court terme, car il y a véritablement urgence ! Cela vous semble-t-il envisageable, monsieur le ministre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Mizzon, les violences inacceptables dont sont trop souvent victimes les élus, quelle que soit la fonction qu’ils exercent, provoquent, chaque fois avec la même force, l’indignation et la colère de chacun d’entre nous. Mais vous avez raison, monsieur le sénateur : il faut surtout agir !
L’arsenal juridique existe ; le Sénat a contribué à le muscler en prenant l’initiative du texte devenu la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Il faut l’utiliser pleinement !
Pour ce qui concerne le ministère de l’intérieur, la vigilance et la mobilisation sont au rendez-vous.
Comme vous le savez, un Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calaé) a été créé en mai 2023 et un certain nombre de dispositifs opérationnels ont été mis en œuvre, notamment un service d’aide téléphonique dédié aux élus, une dotation en boutons d’appel d’urgence, à titre expérimental – j’en ai personnellement bénéficié pendant un certain temps –, ou encore une dotation en caméras.
Par ailleurs, la police nationale met des chargés de mission à disposition des associations d’élus. La gendarmerie, pour sa part, conduit des opérations « Présent pour les élus ».
La prévention est un autre axe majeur de ce travail, avec l’enregistrement des coordonnées des élus, pour une meilleure réactivité en cas d’appel d’urgence au 17, le renforcement de la surveillance des permanences, ou encore une formation à la gestion des comportements agressifs. Des mesures spécifiques d’accompagnement aux élus victimes d’infractions ont aussi été mises en place : facilitation du dépôt de plainte, information immédiate des autorités judiciaires, ou encore création d’un réseau de plus de 3 000 référents.
Collectivement, nous ne devons laisser passer aucune de ces dérives honteuses.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir évoqué l’exemple très concret du protocole extrêmement utile qui a été signé à Metz. Vous pouvez compter sur le soutien et sur la détermination du Gouvernement. Nous serons intraitables !
Je saisis cette occasion pour saluer le travail remarquable qu’accomplissent quotidiennement nos élus locaux. Je vous invite volontiers, en coordination avec les associations d’élus – l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France – à faire la promotion de ce protocole : ce sera tout à fait judicieux pour diffuser cette bonne pratique à l’échelle nationale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le ministre, si j’évoque cette question, c’est bien pour mieux faire connaître les dispositions que vous venez de rappeler, dont beaucoup ont été votées par le Sénat. Pour qu’elles aient du succès, encore faut-il qu’elles soient mieux connues des administrés et en particulier de ceux qui sont animés de mauvaises intentions !
Depuis des années, nous ne faisons souvent que répondre, réagir, riposter. Nous ne passons pas assez souvent à l’offensive de manière spontanée. Or cela s’impose si l’on veut que, en 2026, notre pays connaisse une pluralité de candidats aux élections municipales, ce qui serait important pour la démocratie locale, sans laquelle il n’y a pas de démocratie du tout !
situation de la médecine scolaire
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 082, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Mme Laure Darcos. Deux rapports récents, le premier publié conjointement par l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et celle de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), le second rédigé par Robin Reda, alors député, ont dressé un constat inquiétant sur la médecine scolaire et la santé à l’école.
Ce constat doit nous inciter à réagir rapidement. La santé psychologique de nos jeunes, vous le savez, ne cesse de se dégrader, au point que la santé mentale a été érigée en grande cause nationale en 2025.
Les médecins titulaires et contractuels en activité sont trop peu nombreux. La démographie médicale a fortement décru entre 2017 et 2021, et les départs à la retraite vont s’accélérer dans les deux prochaines années. Dans le département de l’Essonne, la situation n’est guère reluisante, avec un peu moins de 14 postes en équivalent temps plein (ETP) pourvus sur 36, alors que le nombre d’élèves à prendre en charge ne cesse d’augmenter !
Plusieurs enjeux doivent être considérés.
Comment garder les médecins titulaires à leur poste ? Il est urgent, selon moi, de réévaluer leur grille indiciaire et de redéfinir rapidement des missions et des objectifs de santé qui ont du sens et qui sont réalisables.
Comment attirer de nouveaux médecins contractuels ? Un salaire attractif est indispensable ; il doit être cohérent avec celui des médecins titulaires en début de carrière.
Comment revaloriser un métier que les médecins scolaires exercent dans des conditions matérielles de plus en plus précaires, sans locaux, sans moyens pour les dépistages, sans accès partagé aux données de santé, sans véhicule pour les déplacements, sans assistante médicale ?
Comment assurer une meilleure coordination avec les autres professionnels de santé, au plus près des usagers ?
Comment, enfin, mieux associer les médecins scolaires au processus de décision des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) dans le cadre de la scolarisation inclusive ?
Dans ce contexte bien sombre, il est urgent d’agir.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est la suivante : quelles initiatives fortes entendez-vous prendre dans les prochaines semaines pour revaloriser la médecine scolaire et répondre aux besoins de santé grandissants des élèves ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alexandre Portier, ministre délégué auprès de la ministre de l’éducation nationale, chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel. Madame la sénatrice Darcos, les constats des inspecteurs généraux que vous citez rejoignent ceux que le ministère de l’éducation nationale dresse également.
La médecine scolaire connaît de réelles difficultés, qui se traduisent par deux constats : d’une part, la moitié des postes de médecins scolaires n’est actuellement pas pourvue ; d’autre part, les missions et dossiers confiés à la médecine scolaire se multiplient, des demandes d’instruction en famille aux aménagements d’examen.
Comme vous le savez, afin de renforcer l’attractivité du métier d’infirmière scolaire, le ministère a revalorisé leur rémunération, en mai dernier, à hauteur de 200 euros net par mois.
Par ailleurs, pour répondre aux difficultés que vous avez très justement soulevées, je vous informe que Mme la ministre Anne Genetet et moi-même souhaitons relancer les concertations, qui sont très attendues, et réunir prochainement tous les professionnels qui œuvrent pour la santé de nos élèves.
Il conviendra à cette occasion d’analyser la situation de façon objective et d’examiner les pistes d’amélioration en matière d’organisation de la santé scolaire et de missions des personnels mobilisés ; vous avez évoqué plusieurs d’entre elles.
Nous nous appuierons sur les préconisations du rapport des inspections générales, qui doivent permettre de dessiner les contours d’une santé scolaire renouvelée, mais les parlementaires seront bien sûr associés à cette réflexion.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.
Mme Laure Darcos. Je vous remercie de ces nouvelles : vous allez pouvoir travailler sur ces questions.
L’efficacité de la politique de santé scolaire passe aussi par l’amélioration de l’offre de soins, indispensable pour assurer le relais des diagnostics des médecins scolaires. Je compte sur vous pour mener à bien une réflexion interministérielle sur ce sujet très important, conformément à ce que vous venez d’annoncer.
enseignants non remplacés dans le secondaire
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 137, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale.
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, j’ai été interpellé le 7 octobre dernier par le maire de Sausset-les-Pins au sujet de l’absentéisme grandissant des professeurs du collège Pierre-Matraja, notamment dans des matières fondamentales comme le français ou les mathématiques.
Plus précisément, au cours de l’année scolaire 2023-2024, plus de 1 500 heures d’enseignement n’ont pas été remplacées dans cet établissement, ce qui représente une perte de 30 % du temps d’apprentissage pour certaines classes. De nombreux élèves subissent ces absences pour la troisième année consécutive ; les lacunes que cela occasionne – dans des manières fondamentales, je le redis – auront incontestablement un impact sur la suite de leur scolarité.
Je ne remets nullement en cause les causes pleinement légitimes de l’absentéisme de ces enseignants, et nous sommes tous conscients des difficultés de recrutement que connaît, hélas ! le secteur éducatif ; cette crise des vocations a des effets considérables sur le fonctionnement de nos collèges. Cependant, force est de constater qu’aucun changement profond ne se fait jour, malgré l’action que les gouvernements précédents étaient censés mener, depuis sept ans, pour remédier à cette situation.
Dès lors, ma question est la suivante : quelles solutions pérennes peut-on mettre en œuvre pour lutter contre l’absentéisme des professeurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alexandre Portier, ministre délégué auprès de la ministre de l’éducation nationale, chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel. Monsieur le sénateur Le Rudulier, je vous remercie de votre question, qui me donne l’occasion d’affirmer que le remplacement des enseignants absents est une priorité du Gouvernement, car il s’agit d’une attente des familles, envers lesquelles nous avons une obligation de résultat ; nous devons donc y consacrer des moyens qui soient à la hauteur des enjeux.
Vous le savez comme moi, la réussite scolaire, qui figure dans l’intitulé de mon portefeuille, est impossible à atteindre lorsqu’il n’y a pas d’enseignant dans la classe. C’est la base de notre mission, et nous devons évidemment tout faire pour éviter ces situations qui ont un coût quotidien pour les élèves.
On ne résoudra pas ce problème par un coup de baguette magique ; plusieurs réponses doivent être mobilisées.
La première réponse est d’abord organisationnelle, de manière à réduire drastiquement les besoins de remplacement. La moitié des 15 millions d’heures perdues chaque année dans le second degré découle de contraintes institutionnelles. Depuis la rentrée 2024, notre objectif est de positionner 100 % des formations et des réunions en dehors du temps scolaire. Cela peut sembler une évidence, mais ce n’a pas toujours été le cas. Il faut désormais une règle claire pour mettre fin à ces absences évitables.
La seconde réponse passe par une meilleure efficacité des remplacements de courte durée, c’est-à-dire de ceux de moins de quinze jours.
Cela fait partie des missions prioritaires du pacte enseignant. Les résultats sont déjà visibles : pour l’année scolaire 2023-2024, à l’échelle nationale, nous avons multiplié par trois le taux d’efficacité du remplacement de courte durée. Ce sont 2 millions d’heures qui ont ainsi été assurées : c’est loin d’être neutre ! Dans le projet de loi de finances pour 2025, nous prévoyons d’amplifier cette dynamique en doublant les moyens dédiés à ces missions.
S’agissant des absences de plus de quinze jours, qui sont hautement pénalisantes, le taux de remplacement s’élève à près de 95 %. C’est déjà bien, mais je suis conscient de la situation dans laquelle se trouvent les élèves pâtissant des 5 % manquants, ainsi que leurs familles. C’est pourquoi le ministère travaille, en lien étroit avec les rectorats, à l’optimisation de notre potentiel de remplacement, afin de garantir la continuité des enseignements partout sur le territoire. Il reste des secteurs où les remplacements sont plus difficiles à assurer qu’ailleurs.
Concernant la situation du collège Pierre-Matraja de Sausset-les-Pins, sur laquelle vous m’interrogez plus spécifiquement, je confirme que cet établissement a connu des besoins de remplacement récurrents au cours de l’année scolaire 2023-2024, en particulier en lettres modernes. Cet établissement fait l’objet d’un suivi régulier de la part des services du rectorat de l’académie d’Aix-Marseille, en lien avec la cheffe d’établissement, et que la priorité est donnée à ce collège dans les recrutements de contractuels en cours. Nous continuerons d’y veiller avec attention.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, il y a vraiment urgence. Je comprends votre stratégie, mais la justice administrative a déjà constaté l’échec de l’État, son impuissance en la matière, en le condamnant même à réparer le préjudice causé à certains enfants ayant connu une rupture de scolarité. Nous comptons sur vous !
nombre de mineurs non scolarisés à mayotte
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, auteur de la question n° 145, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale.
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le ministre, à Mayotte, plus de la moitié de la population a moins de 25 ans. Le manque d’infrastructures scolaires suffisantes constitue un réel problème pour le suivi scolaire de nos jeunes. Certains d’entre eux se retrouvent sans perspectives d’insertion sur le marché du travail.
En 2020, le rapport du Défenseur des droits intitulé Établir Mayotte dans ses droits indiquait que 52 000 élèves étaient scolarisés dans le premier degré à Mayotte. Au mois de janvier 2024, les représentants de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) de Mayotte m’ont indiqué, à l’occasion d’un entretien, que près de 20 000 enfants sont actuellement non scolarisés à Mayotte.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous m’indiquiez si ces chiffres sont exacts.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alexandre Portier, ministre délégué auprès de la ministre de l’éducation nationale, chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel. Monsieur le sénateur Omar Oili, Mayotte fait effectivement face à un choc démographique, lié à une forte pression migratoire. Ce choc a actuellement un fort impact sur le premier degré et se répercutera bientôt sur les collèges et les lycées.
À la rentrée 2024, 63 800 élèves sont scolarisés à Mayotte dans le premier degré, soit un millier de plus qu’à la rentrée précédente.
Pour faire face à ces besoins, 1 063 emplois d’enseignants ont été créés dans le premier degré depuis 2018, ce qui a permis d’absorber le flux et même de rattraper le retard. Ainsi, entre 2019 et 2023, le taux de scolarisation à l’âge de 5 ans est passé de 85 % à 95 %, ce qui représente une nette amélioration.
Si les emplois et la solidarité nationale sont au rendez-vous, ce qui manque, vous le savez bien, ce sont d’abord les classes.
Une convention a été signée en 2021 entre l’Agence française de développement (AFD), l’Association des maires de Mayotte, la préfecture et le rectorat pour accompagner les communes dans la construction d’écoles. Dans le même temps, nous renforçons les moyens du centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés (Casnav).
Toutefois, tous les enfants présents sur le territoire ne sont pas connus des services de l’éducation nationale ; je ne peux donc confirmer le chiffre de 20 000 enfants non scolarisés que vous mentionnez. Selon les informations dont je dispose, ce serait entre 6 000 et 10 000 enfants qui seraient non scolarisés à Mayotte, dont la moitié sont âgés de 3 ans.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous mettons tout en œuvre, avec les services de l’État à Mayotte, en particulier ceux de l’éducation nationale, pour y assurer la scolarisation de tous les enfants. Cela reste une priorité absolue pour moi-même et l’ensemble du Gouvernement : il faut qu’à Mayotte comme partout ailleurs sur le territoire de la République, tous les enfants qui doivent être scolarisés puissent l’être.