compte rendu intégral
Présidence de M. Loïc Hervé
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie-Pierre Richer,
M. Mickaël Vallet.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 30 octobre 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
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Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
inquiétudes pour l’avenir des industries en meuse
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Antoine, auteure de la question n° 122, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie.
Mme Jocelyne Antoine. Le département de la Meuse connaît des vagues de désindustrialisation successives, avec des répercussions économiques et sociales dramatiques pour un territoire rural déjà fragilisé.
Plusieurs entreprises, autrefois piliers de l’emploi local, sont aujourd’hui en proie à de graves difficultés financières.
Je dois évidemment évoquer la situation de la papeterie Stenpa, à Stenay, où 130 emplois sont menacés. Moins d’un an après sa reprise par un fonds d’investissement étranger, cette papeterie quasi centenaire se retrouve une nouvelle fois au bord du gouffre, puisque les promesses d’investissement n’ont pas été tenues.
À cela s’ajoute un nouveau coup dur pour l’emploi local et le tissu économique meusien avec l’annonce de la fermeture par Bonduelle de son site de Saint-Mihiel, où 159 salariés risquent de perdre leur travail.
Sans un engagement fort de l’État pour identifier et accompagner des repreneurs, la désindustrialisation des territoires ruraux ne pourra être stoppée.
Dans des territoires comme la Meuse, où l’industrie constitue le dernier rempart contre l’exode rural, ces fermetures constituent de véritables drames. Nos petites communes souffrent déjà d’une baisse démographique et du vieillissement de leur population ; la disparition des emplois industriels contribue à l’accélération de ces dynamiques négatives.
Dans ce contexte sombre, heureusement, il y a parfois des éclaircies.
Il arrive ainsi que des salariés se réunissent en société coopérative participative (Scop) pour donner un nouveau souffle à leur entreprise. C’est le cas pour l’emblématique fabricant de laines Bergère de France, et pour La Meusienne, producteur de tubes en acier inoxydable. Cependant, là aussi, un accompagnement technique et financier important est nécessaire pour que ces initiatives soient couronnées de succès.
Il est difficile de faire le tour de cette question cruciale en deux minutes, madame la secrétaire d’État. Aussi, j’aurais plaisir à vous accueillir dans mon département pour échanger davantage sur le sujet et approfondir la question.
Dans l’attente, permettez-moi de vous adresser ces deux questions : que comptez-vous faire pour préserver l’emploi industriel, et notamment pour accompagner les entreprises en difficulté dans la Meuse ? Une révision de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite loi Florange, est-elle à l’ordre du jour pour éviter que des fonds d’investissement ne se retirent sans investir durablement dans les entreprises locales ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de la consommation. Madame la sénatrice Antoine, je vous remercie de cette invitation dans votre département, qui est historiquement marqué d’une empreinte industrielle forte. Il est malheureusement aujourd’hui confronté aux difficultés que vous avez évoquées.
Avant toute chose, je veux vous assurer qu’avec mes collègues du Gouvernement, Antoine Armand et Marc Ferracci, nous sommes aux côtés des salariés, de leurs représentants et des élus locaux pour réunir toutes les parties prenantes autour de la table, trouver des compromis et identifier des solutions pour préserver les sites et les emplois.
Vous m’alertez plus précisément sur les situations de Stenpa, de Bergère de France et du site de Bonduelle à Saint-Mihiel. Dans ces trois cas, l’État s’est attaché, avec les partenaires locaux, à favoriser des reprises, avec des succès notables. C’est notamment le cas de la reprise par une Scop, qui vient d’être validée, de Bergère de France.
Sachez en tout cas que nous sommes, pour chacune de ces situations, pleinement mobilisés avec les services de l’État, tels que le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises (Dire) et les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés (CRP).
Parmi leurs missions, ces instances s’assurent aussi que les projets de reprise par des investisseurs reposent sur une vision industrielle pérenne et une stratégie de moyen ou long terme.
Vous avez parfaitement raison de le souligner, madame la sénatrice, il s’agit d’un enjeu fondamental pour que les entreprises d’un territoire comme le vôtre puissent se développer structurellement sans être soumises à des stratégies d’investissement agressives.
Je termine en vous assurant de l’attention du Gouvernement sur ces sujets, qui sont, vous l’avez également souligné, de véritables enjeux d’aménagement du territoire, notamment pour notre ruralité.
avenir du dispositif « rebond industriel » pour la communauté d’agglomération morlaix communauté
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 163, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. Jean-Luc Fichet. Morlaix Communauté s’est portée candidate, fin septembre 2022, à l’appel à manifestation d’intérêt national (AMI) France 2030 intitulé « Rebond industriel ».
Cet AMI visait à accompagner les territoires touchés par des restructurations économiques : 54 projets industriels pour un potentiel de 110 millions d’euros et la création de 300 emplois. L’agglomération de Morlaix a été retenue en décembre 2022 parmi les neuf territoires concernés au niveau national.
Le programme consistait tout d’abord en une phase d’ingénierie de janvier à avril 2023, avec la mise à disposition d’un cabinet de conseil pour 100 jours-hommes, pour un coût de 150 000 euros. Ensuite était prévue une phase d’investissement sur douze à dix-huit mois, mobilisant une enveloppe de crédits de 1,5 million d’euros de soutien à l’investissement productif dédiée au financement de projets industriels innovants et structurants pour le territoire.
Un comité de pilotage a eu lieu de janvier à avril 2023 afin d’identifier les projets innovants et les structures porteuses. L’idée était d’aller vite pour provoquer un choc industriel. Les dossiers priorisés et validés par le comité de pilotage territorial dans le cadre du dispositif « Rebond industriel » devaient être soumis au comité de pilotage ministériel opérationnel, placé auprès du Premier ministre, pour examen lors d’une réunion le 4 octobre 2023.
Nous sommes en octobre 2024 et le choc industriel prévu n’est pas arrivé. En effet, seules deux entreprises ont été financées, à hauteur de 340 000 euros. Trois entreprises qui avaient prévu leur investissement ne sont aujourd’hui pas financées : Hemarina, entreprise innovante agissant dans la transplantation d’organes ; Sermeta, entreprise industrielle phare du pays de Morlaix ; et Ineo défense.
Ma question est simple : ces entreprises sélectionnées sur le territoire disposeront-elles des sommes « levier » nécessaires à leurs investissements, et, si tel n’est pas le cas, que deviendront les fonds non utilisés fléchés pour les entreprises du pays de Morlaix ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de la consommation. Monsieur le sénateur Fichet, le territoire de Morlaix Communauté a en effet été lauréat de la première vague de l’AMI « Rebond industriel ».
La phase d’ingénierie a permis, vous l’avez rappelé, d’identifier 54 projets. En complément des moyens d’ingénierie, le dispositif sanctuarise des crédits qui visent à soutenir des projets participant à la dynamique de rebond et de diversification du tissu industriel de ce territoire.
Les projets recherchés par l’AMI sont donc des projets matures, avec un fort impact territorial, environnemental et sociétal. Ainsi, les entreprises Primel Gastronomie et Bosch-ELM Leblanc ont bien été aidées par le dispositif, pour un montant cumulé de 343 700 euros. Les deux entreprises ont signé leur contrat de subvention avec Bpifrance en décembre 2023.
Je vais maintenant vous répondre sur les trois autres entreprises que vous avez évoquées et qui se sont vu notifier un refus.
Le projet de l’entreprise Ineo Défense n’a pas pu faire l’objet d’un soutien, compte tenu du droit européen en matière d’aides d’État.
S’agissant du projet Sermeta, qui visait à soutenir l’industrialisation de pièces pour chaudières à gaz, il entrait en contradiction avec les objectifs de planification écologique du Gouvernement.
Enfin, pour le projet de l’entreprise Hemarina, l’Agence de l’innovation en santé (AIS) n’a pas considéré les essais cliniques suffisamment probants.
Monsieur le sénateur, comme vous l’avez indiqué, le territoire disposait d’une enveloppe de crédit de 1,5 million d’euros. Sachez que le reliquat, qui s’élève donc à plus de 1 million d’euros, reste affecté au territoire de Morlaix Communauté. Les services de l’État et Bpifrance vont donc poursuivre l’identification de nouveaux projets industriels aux côtés de la communauté d’agglomération.
défense de nos industries stratégiques
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 174, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, dans le Sud Grenoblois, tout un écosystème industriel pourrait disparaître si l’usine Vencorex n’était pas reprise. Fragilisée par la concurrence chinoise et placée en redressement judiciaire, cette entreprise est au cœur de la chimie locale.
Avec sa voisine Arkema, dont l’État est actionnaire, elle produit du chlore, de l’eau oxygénée, des tolonates – des composants pour peintures et vernis – et du perchlorate, un élément du carburant de la fusée Ariane. Avec le chlore, Framatome produit notamment des éponges de zirconium pour le gainage des réacteurs nucléaires. La fermeture de Vencorex aurait donc des conséquences en cascade catastrophiques.
Toujours en Isère, le fabricant de panneaux solaires Photowatt, essentiel pour la transition énergétique, est en train de mourir du dumping étranger, notamment chinois, comme GE Hydro voilà quelques années. En Savoie, une usine Ferroglobe produisant du silicium a fermé en 2022 et le site de Niche Fused Alumina (NFA), qui produit de l’alumine et du corindon blanc, indispensables à des usages de pointe, a failli être liquidé.
À chaque fois, les plans sociaux s’enchaînent et un riche savoir-faire s’éteint. Depuis la pandémie, qui nous a rappelé combien la dépendance à l’égard de pays étrangers posait problème, le Gouvernement ne cesse de parler de souveraineté industrielle, mais les actes ne suivent pas. Face à la mondialisation débridée, l’État reste trop souvent attentiste.
Salariés et élus locaux ne cessent pourtant de vous interpeller, ainsi que le Premier ministre, sur les conséquences de ces fermetures pour l’emploi, pour la balance commerciale et pour notre souveraineté.
Quels moyens l’État se donne-t-il pour faire pression sur les grands groupes, dont il est parfois actionnaire ? Seriez-vous prêts, notamment, à nationaliser temporairement Vencorex, comme cela a été fait avec succès pour les Chantiers de l’Atlantique ? Plus largement et à moyen terme, comment comptez-vous agir à l’échelon européen pour mettre fin à cette hémorragie ? Cela passe, selon nous, par un véritable protectionnisme, avec des droits de douane, des quotas et des critères sociaux et environnementaux.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de la consommation. Monsieur le président Gontard, vous interrogez le Gouvernement sur l’accompagnement des entreprises industrielles fragiles et, de manière plus générale, sur notre action en matière de défense de nos industries stratégiques.
Concernant tout d’abord l’accompagnement des entreprises fragiles, avec mes collègues Antoine Armand et Marc Ferracci, nous sommes aux côtés des salariés, de leurs représentants et des élus locaux pour, dans chacune des situations, mettre toutes les parties prenantes autour de la table et encourager les efforts de chacun pour être en mesure de sauver une usine, du savoir-faire, un site, des emplois.
Dans le cas de NFA, que vous avez évoqué plus précisément, notre travail collectif a porté ses fruits, puisque 119 emplois ont été sauvés à La Bathie, en Savoie, alors que l’entreprise était en redressement judiciaire.
Vous avez cité également l’usine Vencorex au Pont-de-Claix, en Isère. Cette entreprise du secteur de la chimie est actuellement en redressement judiciaire. Marc Ferracci et ses équipes sont en lien permanent avec les organisations syndicales, la direction et les élus. Le ministre porte une attention particulière au devenir des salariés et, plus largement, à la pérennité de la plateforme du Pont-de-Claix, aussi bien pour des enjeux environnementaux que de sécurité.
Au-delà de ces cas particuliers, notre action vise à défendre des mesures structurelles pour nos industries stratégiques. Nous sommes bien conscients, monsieur le président Gontard, des fragilités de certaines filières, mais nous continuerons à nous battre pour les protéger. Vous avez d’ailleurs évoqué l’échelon européen, qui est primordial à cet égard. Je pense au Clean Industrial Deal, qui doit nous permettre de mieux protéger notre filière de l’acier.
Enfin, nous agissons également pour le secteur de l’automobile, avec l’instauration de droits de douane allant de 30 % à 50 % sur les véhicules électriques importés de Chine.
Le Gouvernement, vous l’avez compris, sera à vos côtés et ceux des élus pour défendre l’industrie et notre souveraineté industrielle.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces éléments de réponse.
Sur Vencorex, j’y insiste, il y a urgence à intervenir. Plus de 500 emplois, voire bien plus, sont en jeu. Deux sites chimiques sur dix-huit sont concernés : avec la fermeture du site du Pont-de-Claix, puis de celui de Jarrie, c’est l’ensemble de la chimie française qui risque de s’effondrer.
Vous dites que M. le ministre Marc Ferracci suit cela de près. Nous avons effectivement eu quelques réunions, mais nous aimerions aussi qu’il puisse se rendre sur place. J’invite également le Premier ministre à venir rapidement dans notre région parce que ce qui se joue, au-delà de la fermeture d’une entreprise, c’est la survie d’un écosystème, avec des implications très importantes, notamment sur notre souveraineté.
traitement des déchets de l’amiante
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 019, transmise à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, par le nombre de ses victimes – 100 000 à l’horizon 2025 –, l’amiante constitue un scandale sanitaire historique qui n’a pas fini de faire parler de lui.
Devant nous est ouvert l’immense chantier du désamiantage et du traitement des déchets, véritable enjeu de santé publique et de sécurité sanitaire compte tenu de la dangerosité de ce matériau. Le volume de ces déchets est estimé entre 300 000 et 600 000 tonnes par an. La fourchette est large faute de chiffrage précis, mais il faut savoir que 97 % de ces déchets sont enfouis dans le sol.
Quelques solutions alternatives sont en cours de développement ou existent déjà, notamment l’inertage par vitrification, qui détruit totalement l’amiante.
Dès 2014, un rapport sénatorial préconisait la mise en place d’une structure interministérielle chargée d’une coordination publique. Allant plus loin dans le même esprit, des associations de victimes proposaient la création d’un pôle public d’éradication de l’amiante regroupant acteurs publics et privés de la filière du désamiantage.
La feuille de route pour le traitement des déchets d’amiante, censée éviter leur stockage et qui avait été inscrite dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, était attendue pour 2023. Elle n’a toujours pas été rendue publique et il semble qu’aucun projet ne soit en cours pour imaginer, tester et développer au niveau adéquat des méthodes alternatives à l’enfouissement.
J’ajoute que cette inaction, couplée aux coûts importants demandés par les entreprises spécialisées pour démonter et évacuer les déchets, conduit à des comportements inadaptés et dangereux, avec notamment des dépôts sauvages dans l’espace public de déchets hautement toxiques.
Ma question est donc double, madame la secrétaire d’État : quelles suites comptez-vous donner aux différentes préconisations émises depuis dix ans en matière de recyclage des déchets d’amiante ? Pouvez-vous préciser les intentions du Gouvernement, si elles existent, quant à la constitution d’une véritable filière de repérage, de détection et d’éradication de l’amiante ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de la consommation. Madame la sénatrice Gréaume, vous interrogez le Gouvernement sur la gestion des déchets amiantés, qui sont dangereux et dont les modalités de transport, de traçabilité et de traitement sont particulièrement encadrées au niveau tant français qu’européen.
Pour en améliorer la collecte, la loi antigaspillage de 2020 est venue renforcer les moyens d’action du maire et les sanctions contre les responsables de dépôts sauvages de déchets. Cette loi a également conduit à la mise en place, en 2023, de la filière à responsabilité élargie des producteurs des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (REP PMCB), afin de faciliter, notamment, la prise en charge des déchets amiantés issus de ces activités.
La solution aujourd’hui privilégiée à l’échelon européen reste l’enfouissement. En effet, cette technique, bien que ne permettant pas de détruire les fibres d’amiante, constitue un moyen sûr de traiter ces substances en permettant d’éviter leur dispersion dans l’environnement.
Pour autant, madame la sénatrice, les solutions alternatives à l’enfouissement font l’objet d’une attention particulière en France. L’inertage par vitrification, que vous avez évoqué, reste d’une capacité très limitée, avec des coûts associés bien supérieurs au stockage.
Fin 2021, les travaux de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) et du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) ont permis d’identifier en France quatre projets de procédés thermochimiques alternatifs. L’efficacité de ces procédés doit maintenant être confirmée. Ainsi, l’État encadre actuellement, avec l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), une étude visant à s’assurer de leur viabilité technique. Des expérimentations sont en cours sur notre territoire.
Des travaux sont également en cours au niveau européen, sous l’égide de la Commission, sur les différentes technologies de traitement des déchets amiantés.
Vous le voyez, le Gouvernement est résolument engagé pour que ces déchets soient pris en charge dans les meilleures conditions, le cas échéant grâce à des solutions innovantes de nature à réduire le recours à la mise en décharge.
cop29 à bakou
M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 129, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Monsieur le président, madame la ministre, la 29e conférence des Nations unies sur le changement climatique se tiendra à Bakou du 11 au 22 novembre 2024.
En 2009, les pays les plus riches ont accepté de mobiliser collectivement 100 milliards de dollars par an pour les pays en développement afin de les aider à s’adapter au changement climatique. Un nouvel objectif de financement devrait être formalisé lors de la COP29. C’est dire l’importance de ce rendez-vous.
Mais pourquoi à Bakou, en Azerbaïdjan, un pays qui vit des hydrocarbures, notamment russes, un État autoritaire qui présente un bilan désastreux en matière de droits de l’homme et qui réprime toutes celles et tous ceux qui expriment des opinions dissidentes ? De nombreuses arrestations, de journalistes notamment, ont ainsi eu lieu lors de manifestations pour la défense de l’environnement. On vient même d’assassiner un opposant notoire au régime, réfugié sur le territoire français.
Qui plus est, cet État mène des opérations hostiles contre la France en Nouvelle-Calédonie, en nous traitant de colonisateurs. L’Azerbaïdjan n’est pas une grande puissance militaire, mais c’est une puissance d’influence malveillante qui ne se prive pas d’attaquer fortement la France.
Enfin, ce pays veut remettre en cause l’intégrité territoriale de l’Arménie et pratique le nettoyage ethnique sur 100 000 Arméniens dans le Haut-Karabagh. Les plus hauts responsables de l’État, le président Aliyev en tête, continuent aujourd’hui encore à tenir des propos belliqueux et parlent d’une guerre prochaine.
La COP29 à Bakou sera vraiment la COP de la honte !
Une quarantaine de ministres y participeront. Notre ministre de la transition écologique y sera. Pour autant, madame la ministre, la France a-t-elle fait entendre fortement sa voix pour dénoncer le lieu où va se tenir ce très grand rendez-vous sur le plan écologique ? Transmettra-t-elle à cette occasion un message fort à l’encontre de ce régime qui porte atteinte aux droits de l’homme et qui met en cause la liberté dans l’ensemble de la région ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de la consommation. Madame la sénatrice Carlotti, fin 2023, les Nations unies ont choisi l’Azerbaïdjan pour présider la COP29 en fonction de leurs propres règles et en suivant le principe de rotation géographique. L’Azerbaïdjan a été choisi par consensus par le groupe Europe de l’Est, l’un des cinq groupes géographiques de l’ONU.
La France, fidèle à son engagement climatique et à l’héritage de l’accord de Paris de décembre 2015, reste pleinement engagée dans les négociations climatiques. C’est pourquoi la ministre Agnès Pannier-Runacher se rendra à Bakou pour la COP29.
Les enjeux de cette COP sont importants.
Il s’agit de trouver un accord sur le nouvel objectif collectif quantifié sur la finance climat mondiale, qui doit succéder à l’objectif de 100 milliards de dollars par an entre 2020 et 2025.
Il s’agira aussi d’étudier l’article 6 sur les marchés carbone afin de définir un cadre international sur ce sujet.
Il faudra, enfin, travailler à l’atténuation, notamment pour définir le cadre des futures contributions nationales que chaque pays doit présenter d’ici au mois de février 2025 pour actualiser son programme de baisse d’émissions et respecter la trajectoire de 1,5 degré.
Pour autant, madame la sénatrice, les droits de l’homme sont toujours au cœur de notre diplomatie, conduite par mon collègue Jean-Noël Barrot sous l’autorité du Président de la République. Nous serons donc très vigilants sur la participation de la société civile et sur le respect de ses droits lors de cette COP29. Nous avons d’ailleurs déjà fait passer des messages dans ce sens à la présidence de l’Azerbaïdjan, qui est tenue de respecter les règles des Nations unies à cet égard.
surveillance sanitaire de l’acide trifluoroacétique
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, auteure de la question n° 124, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, l’eau que nous buvons est massivement contaminée par un polluant éternel, l’acide trifluoroacétique, autrement nommé TFA. Cette contamination a été révélée cet été par plusieurs rapports du Réseau européen d’action sur les pesticides et de l’association Générations Futures. Selon ces travaux, 100 % des eaux de surface et souterraines testées sont contaminées. Pire, 94 % des eaux du robinet sont, elles aussi, contaminées.
La concentration de TFA dans l’eau du robinet dépasse bien souvent la limite européenne de substances perfluoroalkylées et de polyfluoroalkylées (PFAS), fixée à 500 nanogrammes par litre, avec une moyenne de 740 nanogrammes de TFA par litre.
À Paris, la contamination explose, avec une moyenne de 2 100 nanogrammes par litre. Il n’y a là rien de surprenant quand on sait que les zones de captage de l’eau potable ne sont protégées ni de l’épandage de pesticides, probablement responsable de la présence de TFA, ni des forages pétroliers, responsables de la pollution aux hydrocarbures de l’eau, comme à Nonville, en Seine-et-Marne, où Eau de Paris et la Ville de Paris ont attaqué en justice deux projets de forage.
Malgré la volonté d’agir de plusieurs villes, à l’instar de Paris, rien n’est possible sans une aide systémique de l’État en matière de mesures et de prévention. Il faudrait de surcroît obliger les industries polluantes à participer à cet effort.
Le plus alarmant reste évidemment l’absence de surveillance toxicologique de ces composés chimiques, et ce malgré les alertes des scientifiques. En effet, la classification du TFA comme métabolite non pertinent par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) place le TFA en dehors de tout cadre réglementaire contraignant. Pourquoi cela, madame la ministre, alors que l’Allemagne a récemment demandé de classer le TFA comme substance reprotoxique ?
Nous devons faire preuve d’autant plus de précautions que le caractère éternel de ce polluant a pour conséquence une accumulation inéluctable dans l’eau tant que les sources de ce métabolite sont utilisées et répandues dans l’environnement. Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement va-t-il se saisir de la question de la pollution au TFA ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de la consommation. Madame la sénatrice Souyris, dès novembre 2022, le Gouvernement a saisi l’Anses au sujet des PFAS afin de déterminer des valeurs toxicologiques de référence et de faire le bilan de la contamination des milieux, notamment l’eau, par ces composés.
Les éléments de l’Anses font partie intégrante du plan d’action interministériel sur les PFAS publié en avril 2024. Ce plan s’attache, dans un objectif de prévention, à réduire les émissions de PFAS, la contamination des milieux, ainsi que l’exposition des populations et des écosystèmes.
Concernant plus spécifiquement le TFA, sachez que la présence de cette substance est mesurée dans les eaux dans le cadre de la campagne nationale exploratoire mise en œuvre par le laboratoire d’hydrologie de Nancy sur la période 2024-2026. La Commission européenne a demandé à l’Allemagne de soumettre un dossier de classification pour le TFA à l’Agence européenne des produits chimiques en mars 2024. L’issue de ces travaux sur les dangers de ce métabolite permettra d’éclairer la question.
En juillet 2024, la Commission européenne a saisi l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour qu’elle fixe les valeurs toxicologiques de référence pour le TFA. Les conclusions de ces travaux sont attendues pour fin octobre 2025. Elles contribueront à déterminer les valeurs de gestion dans les différents milieux, dont les eaux, fondées sur des données scientifiques validées par la communauté internationale. Dans l’attente de ces résultats, madame la sénatrice, il n’apparaît pas opportun de solliciter de nouvelles expertises.