Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Di Folco,

Mme Véronique Guillotin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Hommage à Louis Mermaz, ancien sénateur

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris la disparition, le 15 août dernier, à l'âge de 92 ans, de Louis Mermaz. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)

Sénateur de l'Isère pendant dix ans, de 2001 à 2011, Louis Mermaz fut un témoin privilégié et un acteur de premier plan de la vie politique de la Ve République.

Mes premiers mots iront à sa famille ainsi qu'à toutes celles et à tous ceux qui ont partagé ses engagements et l'ont accompagné tout au long de sa vie, jusqu'à ses obsèques qui se sont déroulées le jeudi 22 août en l'église Saint-Pierre de Limours et auxquelles j'étais moi-même présent.

Ce professeur agrégé d'histoire fut un fidèle parmi les fidèles de François Mitterrand. Il écrivit dans ses mémoires : « J'avais été dès le début attiré par le rayonnement de François Mitterrand parce qu'il était porteur d'une ambition pour le pays. Avec lui, je savais que je contribuais à l'accomplissement de mes rêves. »

Il est à ses côtés dès 1957 au sein de l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR). En 1965, il est un de ses premiers soutiens lors de la campagne pour l'élection présidentielle, puis, en 1967, il est élu député de l'Isère.

En 1971, après le congrès d'Épinay, il devient membre de la direction nationale du parti socialiste ; il y est chargé des fédérations.

Louis Mermaz est ensuite au cœur des campagnes présidentielles de 1974 et de 1981. Après l'élection de François Mitterrand le 10 mai 1981 et les élections législatives qui s'ensuivent, il est élu président de l'Assemblée nationale. Il souhaite alors garantir le rôle du Parlement face à l'exécutif et lui rendre « ses droits et sa dignité ».

Cet homme discret s'imposa comme une figure incontournable de l'État en alternant de hautes responsabilités à l'Assemblée nationale et des fonctions ministérielles dans les gouvernements de Pierre Mauroy, de Michel Rocard, d'Édith Cresson et de Pierre Bérégovoy.

En parallèle de son ascension politique au niveau national, Louis Mermaz cultiva son ancrage local en devenant maire de Vienne, mandat qu'il exerça pendant trente ans, de 1971 à 2001, puis conseiller général de l'Isère, département qu'il présida de 1976 à 1985, et conseiller régional de Rhône-Alpes. En tant qu'élu local, Louis Mermaz n'eut de cesse de dénoncer, de la part de l'État, « une politique qui […] conduit de plus en plus à l'apparition de petits déserts administratifs ». Des années plus tard, il trouva au Sénat, sur toutes les travées, de nombreux soutiens à cette cause qui lui tenait à cœur.

Élu sénateur de l'Isère, il siégea à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées jusqu'à son retrait de la vie politique, en 2011. Il fut également membre de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, qui rendit ses travaux en 2006, et participa avec passion et opiniâtreté aux débats en séance sur tous les projets de loi relatifs à l'immigration, à l'intégration et au droit d'asile, sujets qui furent le point focal de son mandat sénatorial.

Sa très grande culture politique fut précieuse à notre assemblée. Au-delà de l'homme d'État, nous garderons dans nos mémoires le souvenir d'un homme affable, doté d'un esprit vif et d'un compas moral inébranlable. Il laisse le souvenir d'un homme fidèle, tant dans ses convictions que dans ses amitiés, fidèle aussi au Sénat : il ne manquait quasiment jamais, jusqu'à récemment, nos vœux de début d'année.

Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie attristée et nos sincères condoléances à son épouse Annie et à sa fille Laure, ainsi qu'aux membres du groupe socialiste et à tous ceux qui ont partagé ses engagements – j'ai notamment évoqué les noms d'un certain nombre d'anciens Premiers ministres qui siégèrent un temps ici même, au Sénat.

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous propose d'observer un moment de recueillement en hommage à Louis Mermaz. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Michel Barnier, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le président, de me permettre d'associer le Gouvernement, comme je l'ai fait devant l'Assemblée nationale, à ce moment de recueillement et à cet hommage que vous rendez si justement à la mémoire de Louis Mermaz.

Il se trouve que, lorsque nous nous sommes connus, nous étions voisins : il était président du département de l'Isère, où je suis né, au moment même où je présidais le département voisin de la Savoie. Le garde des sceaux, Didier Migaud, fut son collaborateur.

J'avais pour Louis Mermaz beaucoup de respect : il était un grand monsieur et un homme d'État, ce qu'il démontra dans ses différentes fonctions. Il avait beaucoup d'humour et beaucoup de rigueur, et il eut cette grande qualité qu'est la fidélité politique : comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, il fut l'un des tout premiers compagnons de François Mitterrand, avec lequel il partageait non seulement des convictions, socialistes, mais aussi la passion de la littérature et de l'histoire – je ne doute pas qu'ils eurent nombre de conversations sur ces thèmes.

Les membres du Gouvernement partagent très sincèrement votre peine, celle de ses proches, de sa famille, de ses amis et du groupe socialiste.

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole – cela est valable pour tout le monde, à l'exception du Premier ministre ! (Sourires.)

rachat du fabricant de doliprane par un fonds américain

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question a été adressée au Premier ministre, car elle a trait tant à la souveraineté industrielle qu'à la souveraineté sanitaire.

Monsieur le ministre de l'économie, qui allez me répondre, je veux vous parler d'un sujet fiévreux, qui me donne bien mal à la tête, à savoir la priorité fixée par le Gouvernement en 2023 sous le titre : « garantir l'accès pour tous aux médicaments ». J'associe à ma question ma collègue du Calvados Sonia de La Provôté, présidente de la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments.

Voilà un an, le ministre de la santé insistait sur la démarche de « reconquête sanitaire » voulue par le Président de la République. Quelle n'est pas aujourd'hui notre incompréhension de constater que le Gouvernement soutient la décision de Sanofi de vendre sa filiale Opella, qui produit le Doliprane, la Lysopaïne ou le Maalox, à un fonds américain !…

Monsieur le ministre, je vous ai bien entendu garantir que le Gouvernement exigerait un certain nombre d'engagements économiques et que cette vente ne remettrait en question ni la production de Doliprane en France ni l'approvisionnement du marché français.

Pour autant, nous ne partageons pas votre optimisme. Pis, nous n'acceptons pas ce changement de cap de la part du Gouvernement, car il est en contradiction totale avec la volonté affichée de relocaliser la production de médicaments.

Mme Anne-Sophie Romagny. Au-delà de l'avenir des salariés, ce sont en effet tant notre souveraineté industrielle que notre souveraineté sanitaire qui sont menacées. C'est une question de santé publique !

Comment ne pas se rappeler que, durant la crise du covid-19, nous manquions cruellement de Doliprane ? Et que dire de la perspective d'une introduction en bourse dans trois ans et des risques associés d'une offre publique d'achat (OPA) étrangère ? Quelles garanties pouvez-vous nous apporter à long terme ?

Ma question est donc double.

Pourquoi, en l'espèce, ne pas opposer votre veto, alors que l'État avait menacé de le faire pour la vente de Biogaran et qu'un fonds français était prêt à acheter Opella ?

Qu'en est-il du guichet unique destiné à soutenir la relocalisation de la production des médicaments essentiels et qu'en est-il des trente-six recommandations de la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes SER et GEST. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous salue au moment de prendre la parole pour la première fois devant vous, sur un sujet absolument essentiel à deux titres – vous l'avez rappelé, madame la sénatrice Romagny.

Il y va premièrement de notre stratégie industrielle : il s'agit de produire en France des médicaments utiles, et même indispensables, à nos concitoyens.

Il y va deuxièmement de l'approvisionnement, qui est également une question de souveraineté sanitaire. C'est parce que, sous l'autorité du Premier ministre, nous sommes préoccupés par ce sujet que je me suis rendu à Lisieux avec Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'industrie. Parlant de Lisieux, j'ai aussi une pensée pour le site de Compiègne, qui est aussi important pour notre souveraineté sanitaire.

Je ne suis pas optimiste, madame la sénatrice : je suis déterminé, sous l'autorité du Premier ministre, à obtenir des garanties extrêmement fermes.

M. Rachid Temal. Lesquelles ?

M. Antoine Armand, ministre. J'ai eu l'occasion de le dire en premier lieu aux salariés du site de Lisieux : le Doliprane sera produit en France. J'y insiste : il continuera d'être produit en France.

Parmi les garanties exigées, qui sont en cours de discussion, il y a le maintien de l'emploi, non pas sur quelques mois, mais bien sur la durée,…

M. Antoine Armand, ministre. … le maintien de l'empreinte industrielle, le maintien de la recherche et développement et, bien sûr, la localisation du siège en France, tout cela non pour faire des rodomontades, mais parce que nous avons besoin de telles garanties pour mener à bien la stratégie qui est la nôtre. L'objectif est en effet de produire de nouveau en France ce médicament qu'est le Doliprane, et ce depuis le principe actif, dont nous relocalisons la production dans le pays, jusqu'au produit fini.

Aussi, rien n'est exclu à ce stade : nous ne nous interdisons absolument rien, et nous mènerons pleinement à son terme la procédure légale applicable aux investissements étrangers en France. Je le dis ici après l'avoir dit ailleurs : j'étudie la possibilité d'une prise de participation directe de l'État à la gouvernance, car les entreprises qui sont soutenues et ont été soutenues par le gouvernement de la France ne sauraient l'être à n'importe quelle condition. Soyez assurée, madame la sénatrice, de ma détermination ! (M. François Patriat applaudit.)

M. Mickaël Vallet. Gauchiste !

situation au proche-orient

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Akli Mellouli. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, depuis un an déjà, le peuple palestinien subit les affres de ce que les enquêtes, si elles sont conduites, qualifieront sans aucun doute de génocide. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)

Voilà un an déjà que Gaza est enfermée dans une spirale de destruction et de mort.

Voilà un an déjà que le monde a pris conscience du double standard qui gangrène notre discours et nos actions. Cette vérité cruelle heurte nos consciences, mais elle perdure, insidieuse, dans nos actes et nos choix politiques.

Voilà un an déjà que, dans notre propre pays, la voix de celles et de ceux qui réclament l'application du droit international est non seulement ignorée, mais caricaturée et criminalisée.

Voilà un an déjà que, dans cette région du monde où la diplomatie française avait autrefois un rôle prépondérant, notre voix a été réduite au silence. Discréditée, elle est désormais le reflet d'une politique qui a tourné le dos à la justice et au droit.

À force de fermer les yeux sur les violations du droit international, nous assistons aujourd'hui à une escalade dangereuse, et Israël, dans une impunité totale, se permet d'attaquer délibérément les troupes de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), pourtant garantes de la paix, et parmi lesquelles se trouvent des soldats français.

Pour autant, je refuse de perdre l'espoir que notre pays puisse regagner la place qui lui revient sur la scène internationale, mais cet espoir ne pourra se concrétiser que si nous rétablissons le respect du droit humanitaire le plus élémentaire.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, la France a-t-elle la capacité et la volonté de défendre avec vigueur une solution humanitaire immédiate et efficace à Gaza ?

Concrètement, quelles actions proposez-vous pour répondre à l'appel des médecins et des ONG internationales, qui réclament l'ouverture d'urgence d'un corridor humanitaire ? Alors que 500 camions seraient nécessaires chaque jour pour faire face à la crise, 15 seulement parviennent actuellement à passer. Et cette situation ne s'arrange pas : elle s'étend désormais au Liban. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, la France ne détourne les yeux d'aucune violation du droit international : elle se trouve toujours du côté du droit international. Et si, comme la France, tous les pays du monde avaient immédiatement appelé à un cessez-le-feu, à l'acheminement sans entrave de l'aide humanitaire, à la libération inconditionnelle des otages ; si, comme la France, tous les pays du monde avaient acheminé 1 200 tonnes d'aide humanitaire par toutes les voies, terrestre, aérienne et maritime ; si, comme la France à bord de son porte-hélicoptères le Dixmude, tous les pays du monde avaient consenti à soigner les enfants de Gaza ;…

M. Jean-Noël Barrot, ministre. … si, comme la France, tous les pays du monde avaient consenti à sanctionner les colons extrémistes et violents en Cisjordanie ; si, comme la France, tous les pays du monde consentaient aujourd'hui à soutenir financièrement l'Autorité palestinienne ; et si, comme la France, tous les pays du monde continuaient de plaider pour une solution à deux États, un État de Palestine vivant en paix et en sécurité aux côtés d'un État d'Israël, alors sans doute, monsieur le sénateur, n'en serions-nous pas au point où nous en sommes.

Vous appelez le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, à en faire plus, et vous êtes là dans votre rôle, celui de contrôler l'action du Gouvernement. Mais je veux vous inviter, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous joindre à nos efforts et à vous saisir de ce levier que vous avez entre les mains, que l'on appelle la diplomatie parlementaire, pour alerter les opinions publiques et les parlements, partout dans le monde, sur la nécessité d'agir en suivant l'exemple donné par la France, afin que cesse le feu, que cessent les souffrances, que cessent les violences et qu'advienne la paix. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI – M. Stéphane Demilly applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour la réplique.

M. Akli Mellouli. Monsieur le ministre, il faut parfois sortir de l'incantation pour passer à l'action. En tout état de cause, vous pouvez dès aujourd'hui agir sans les autres pays en reconnaissant l'État d'Israël… (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.), pardon, de Palestine. Voyez ce lapsus, il est révélateur, mes chers collègues : je suis quant à moi, sans discussion, pour deux États ! Vous pouvez agir, disais-je, monsieur le ministre, en reconnaissant l'État de Palestine comme l'ont reconnu les deux chambres du Parlement français dans des résolutions adoptées en 2014.

Monsieur le ministre, sachez qu'il ne saurait y avoir de solution à deux États sans diplomatie et sans respect du droit international ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

perspectives pour les soignants dans un contexte de maîtrise des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins.

Madame la ministre, pendant longtemps, le Sénat s'est senti très seul – très seul ! – lorsqu'il alertait, chaque automne, sur la dérive des comptes publics, et notamment de ceux de la sécurité sociale.

On nous regardait comme des Cassandre au moment de balayer, chaque année, en nouvelle lecture, les amendements de maîtrise des dépenses que le Sénat avait introduits. Mais c'était oublier que Cassandre avait raison et que c'est pour ne pas l'avoir écoutée que Troie a connu la ruine.

Aujourd'hui, madame la ministre, le Gouvernement semble avoir pris la mesure de la situation budgétaire et des risques que la France courrait à l'ignorer plus longtemps. Vous avez pris l'opinion publique à témoin et proposez des mesures de redressement des comptes.

C'est très vrai dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 : ce texte prévoit de véritables efforts, souvent difficiles, partagés par beaucoup, et je ne doute pas que nous aurons des débats riches et parfois vifs, ici même, dans cet hémicycle, sur chacune des mesures que vous présenterez.

Mais, si des efforts sont nécessaires, pour ce qui est de la sécurité sociale notamment, ils ne sauraient constituer le seul horizon d'acteurs qui, pour beaucoup, ont le sentiment d'être déjà au bout de leurs possibilités, dans un système qui fonctionne mal. Je pense aux soignants, aux personnels des établissements de santé, à ceux des établissements médico-sociaux, et à tant d'autres.

Madame la ministre, si nous approuvons la démarche d'assainissement des comptes, que pouvez-vous dire aux acteurs du monde social et aux assurés sociaux ? Comment les convaincre que maîtriser des comptes à la dérive est synonyme non pas d'abandon, mais d'engagement pour l'avenir ? Quels chantiers lancer pour que nos dépenses sociales, qui sont d'un montant considérable, profitent mieux à tous et pour que soit garanti l'avenir de la sécurité sociale et de notre système de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le président Mouiller, je ne sais si les comptes sont à la dérive ; ce que je pense, c'est que notre système de financement et nos comptes ne sont plus adaptés aux enjeux démographiques et aux enjeux de santé du moment.

Pour ce qui est du PLFSS dont nous allons débattre dans les semaines à venir, je veux rappeler qu'il ne s'agit pas d'un texte de rigueur : il y est prévu que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) augmente de 9 milliards d'euros, ce qui est considérable.

M. Mickaël Vallet. De combien est l'inflation ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Il n'y a pas non plus de crainte à avoir pour les soignants : nous respectons nos engagements conventionnels, par exemple auprès des médecins généralistes, qui verront le tarif de leur consultation passer à 30 euros, comme cela avait été négocié avec eux par l'assurance maladie.

Nous respectons aussi les engagements du Ségur, c'est-à-dire les augmentations salariales, et, bien sûr, le « Ségur investissement », qui acte la nécessaire transformation des bâtiments de nos établissements de santé. J'y insiste : la trajectoire est respectée !

Cela étant, vous l'avez dit, monsieur le président Mouiller, ce qui est devant nous, c'est l'avenir. Or, cet avenir, il faut que nous le construisions ensemble. La prévention doit donc être, dans notre système de santé, l'élément à développer en priorité. Vieillir en bonne santé ou dans la meilleure santé possible réduira de facto les frais d'assurance maladie. Actuellement, l'assurance maladie couvre 80 % des considérables dépenses de soins des Français ; il y a dix ans, elle en couvrait 76 %. Dans le même temps, la part couverte par les assurances complémentaires est passée de 13 % à 12 %.

Nous avons donc beaucoup à faire en matière de structuration et de financement du système. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse. C'est dans une situation d'urgence que nous devons prendre des décisions, nous l'entendons. Mais le Sénat va être porteur de propositions de réformes de fond en matière de santé et de dépendance. C'est par les réformes, en effet, que nous éviterons de nous retrouver l'année prochaine dans les mêmes débats, car nous nous serons dotés de réelles perspectives d'avenir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

réseau de l'enseignement français à l'étranger

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Samantha Cazebonne. Madame la ministre de l'éducation nationale, si nous ne pouvons qu'être à vos côtés lorsque vous saluez l'engagement des personnels de l'éducation sur le territoire hexagonal et dans les outre-mer, nous ne pouvons oublier ceux de notre réseau d'enseignement français à l'étranger.

Ces personnels, à l'heure où nous parlons, se trouvent en Ukraine, au Liban, en Israël, au Burkina Faso, en Iran et dans 135 autres pays. Ils servent la France et les enfants de nos compatriotes, qui sont, grâce aux bourses scolaires, de toutes conditions sociales.

Leur dévouement fait notre fierté autant que celui de leurs collègues en France. Ils portent eux aussi les valeurs de la République, souvent dans des contextes où leur vie et celle de leur famille peuvent être exposées. Les élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, réunis cette semaine à Paris, nous l'ont une nouvelle fois rappelé.

Notre réseau scolaire international, qui compte 600 écoles, voit ses effectifs d'élèves augmenter dans le cadre de l'objectif « Cap 2030 » fixé par le Président de la République. Plus de deux tiers des enseignants du réseau sont de droit local ; nous ne pouvons donc nous priver de l'expertise des titulaires de l'éducation nationale, véritables piliers de ce système.

En 2019, une note de service a fait évoluer les conditions de détachement : l'on est passé d'une tacite reconduction à des détachements limités à deux périodes de trois ans. Si cette réforme pouvait se justifier à l'époque, elle a perdu de sa pertinence au regard de la recrudescence des conflits géopolitiques, des restrictions de déplacement qui ont prévalu pendant la crise sanitaire et des problématiques liées aux visas, entre autres. Désormais, les enseignants sont de plus en plus réticents à postuler pour l'étranger. De plus, la contrepartie promise lors de cette réforme était la valorisation des acquis de l'expérience. Tenir cet engagement et mettre en place à cet effet un groupe de travail devient impératif.

C'est pourquoi, avec le soutien des parlementaires français de l'étranger et de l'ensemble des forces syndicales représentant les personnels de l'éducation exerçant hors de France, nous vous demandons l'allongement de la durée des détachements à neuf ans. Cette possibilité existe déjà, à titre d'exception, mais elle doit devenir la règle.

Ce réseau d'enseignement unique au monde permet à la France de tisser des liens diplomatiques, économiques et culturels, grâce à ses milliers d'anciens élèves, étrangers et français, mais aussi grâce à ses personnels. Madame la ministre, y a-t-il meilleur moment qu'aujourd'hui pour témoigner à ces derniers notre attachement et notre soutien ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale.

Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale. Madame la sénatrice Samantha Cazebonne, je veux réaffirmer mon engagement à soutenir ce réseau exceptionnel d'écoles françaises à l'étranger. En tant que ministre de l'éducation nationale, je pense aussi à ces écoles-là, qui font – pas de doute ! – notre fierté.

J'entends pleinement les préoccupations exprimées, sur place, par les enseignants. Je rappelle que la mesure prise en 2018 par Jean-Michel Blanquer, qui limite le détachement à deux fois trois ans, avait pour objectif de donner à un plus grand nombre d'enseignants l'occasion d'enseigner à l'étranger, mais également d'éviter les difficultés rencontrées lors du retour en France. Nos enseignants et nos encadrants, je l'ai dit, sont notre fierté, qu'ils exercent en France métropolitaine, dans nos outre-mer ou à l'international. Et je suis, vous le savez, très sensible aux enjeux qui sont les leurs.

Vous pouvez compter sur moi, madame la sénatrice, pour trouver le nécessaire point d'équilibre entre deux exigences : d'une part, répondre aux besoins du réseau et des enseignants et prendre en compte les contraintes liées à la mobilité internationale ; d'autre part, ouvrir la mobilité à l'étranger à davantage de personnels titulaires – tel était le sens initial de la mesure de 2018, et je sais que vous y aviez été, à l'époque, très favorable.

Je suis aussi consciente des difficultés de l'expatriation : je connais ses défis, et je connais aussi ses désillusions, au moment du retour en France. Mon ministère a donc bien pris en compte ces enjeux, je vous l'assure, par la publication d'un guide du départ, qui sera complété par un guide du retour à la fin de l'année 2024.

Mais tout cela ne suffit pas. Nous proposons aussi une formation consacrée aux enjeux des parcours internationaux.

Je regrette cependant le retard pris dans la mise en place du groupe de travail que vous avez évoqué ; celui-ci permettrait pourtant d'identifier les mesures pouvant être mises en œuvre avant, pendant et après le détachement. J'ai donc demandé que ce groupe de travail soit mobilisé au plus vite et que ses conclusions me soient remises à la fin de l'année 2024.

Notre réseau, madame la sénatrice, est d'une qualité exceptionnelle, mais je suis aussi consciente des difficultés de recrutement que rencontrent certains de nos établissements. C'est pourquoi j'ai demandé une évaluation précise de chaque situation, car nous devons pouvoir garantir la continuité et la qualité de l'enseignement dans ces structures. Or, vous l'avez souligné, il est des pays dans lesquels il est à l'heure actuelle très difficile de recruter. Il convient donc de poursuivre le développement de ces établissements : il y va du rayonnement de la France.

Soyez assurée que je serai toujours à vos côtés pour renforcer et développer ce réseau, qui est le plus vaste au monde, et l'un des plus beaux. Que tant de personnes non françaises souhaitent que leurs enfants le rejoignent prouve d'ailleurs la grande qualité de notre pédagogie à la française, que je continuerai à défendre et à soutenir. (M. François Patriat applaudit.)

compensation aux départements de l'extension de la prime ségur