M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Comme je l’ai déjà indiqué, il serait inconventionnel de recréer des offres de fourniture de gaz à prix fixe.
Un prix repère de vente de gaz naturel est publié chaque mois par la CRE et l’article 1er de la proposition de loi confère pour la première fois une base légale à ce dispositif, au sein de l’article L. 100-2 du code de l’énergie.
En outre, par le biais d’un amendement déposé à l’article 24, nous proposerons d’aller plus loin encore en déclinant cette base légale sur le plan opérationnel. Je précise que la CRE nous a indiqué être très favorable à une telle évolution.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Je le confirme : ce sujet est traité plus en détail par l’amendement n° 177, déposé à l’article 24.
Le Gouvernement émet donc à son tour un avis défavorable, à moins que M. Gay ne retire son amendement.
M. le président. Monsieur Gay, l’amendement n° 131 est-il maintenu ?
M. Fabien Gay. Madame la ministre, je suis comme M. Jadot, je ne retire jamais un amendement ! Que voulez-vous, j’ai la tête dure. (Sourires.)
Monsieur le rapporteur, j’ai entendu vos explications ; mais il se trouve que j’ai lu très attentivement l’avis de la CRE et que son appréciation du sujet diffère très largement de la vôtre. Je vais lire ce texte…
M. Alain Cadec, rapporteur. Ah non ! (Nouveaux sourires.)
M. Fabien Gay. Si, si ! J’en ai bien le temps, d’autant que cette citation est courte. « La publication additionnelle d’un prix repère “offre à prix fixe” divise les acteurs : les deux associations de consommateurs et la fédération syndicale y sont favorables, tandis que les quatre associations d’entreprises gazières et les cinq fournisseurs expriment leur opposition. »
Nous avons donc un débat politique, dans le cadre duquel les associations de consommateurs expriment leur accord, là où les fournisseurs alternatifs sont en opposition. La CRE, sans donner son avis, indique qu’il est possible de publier, chaque mois ou chaque trimestre, un PRVG. Voilà la réalité !
Ne pas publier ce prix repère relève bien d’un choix politique, qui consiste à prendre le parti des fournisseurs alternatifs de gaz, heureux qu’il n’y ait plus de tarif réglementé du gaz.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Cadec, rapporteur. Monsieur Gay, la question est, en effet, essentiellement politique.
M. Fabien Gay. Ah !
M. Alain Cadec, rapporteur. C’est la raison pour laquelle, je le redis, nous avons déposé, à l’article 24, un amendement qui va encore plus loin. Il déclinera cette base légale sur le plan opérationnel : on ne peut pas faire mieux ! C’est politique, c’est vrai, mais c’est un choix.
M. le président. L’amendement n° 45, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Promouvoir l’économie circulaire dans le secteur de l’énergie en favorisant la réutilisation, le recyclage et la valorisation des moyens de production et des déchets énergétiques ».
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. L’intégration de l’économie circulaire dans nos politiques énergétiques est non seulement une nécessité environnementale, mais également une stratégie essentielle pour renforcer la sécurité de l’approvisionnement, la souveraineté nationale et la gestion durable des matériaux critiques. En repensant nos systèmes de production et de consommation énergétiques, nous pouvons à la fois réduire notre empreinte écologique et garantir une résilience économique et industrielle à long terme.
Les matériaux critiques, tels que les terres rares, le lithium, le cobalt et le nickel, sont essentiels aux technologies de production d’énergie renouvelable, comme les panneaux solaires, les batteries et les éoliennes. Notre dépendance aux importations de ces matériaux expose le pays à des risques géopolitiques et économiques considérables, comme le démontre une étude de l’Institut national de l’économie circulaire (Inec).
Ainsi, intégrer l’économie circulaire dans nos politiques énergétiques est essentiel pour réduire notre dépendance aux importations et stabiliser les chaînes d’approvisionnement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L’amendement ne me paraît pas pertinent, car il est doublement satisfait.
En effet, l’économie circulaire est déjà citée au 2° du I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, code qui mentionne également le respect de l’environnement.
Par ailleurs, sur l’initiative de Didier Mandelli, nous avons adopté en commission un amendement à l’article 5 de la proposition de loi, relatif à la nécessité de renouveler les parcs éoliens, qui concentrent les principaux enjeux en matière de recyclage.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, votre amendement me plaît ! J’ai d’ailleurs souhaité que mon cabinet porte une attention particulière à la question de la durabilité, notamment en ce qui concerne les carburants, les ressources et le cycle de vie de nos infrastructures. L’économie circulaire doit y trouver toute sa place.
Je comprends des propos du rapporteur que cet objectif est déjà pris en compte, mais, je le redis, je suis favorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Il s’agit d’une nécessité impérative ! Le repowering, ce n’est pas l’économie circulaire. On peut parfaitement augmenter la puissance de nos éoliennes sans rien recycler ou réutiliser.
L’économie circulaire est donc un enjeu essentiel de souveraineté, mais également un enjeu international : nous ne pourrons fonder notre révolution énergétique et climatique sur un nouvel extractivisme dont les conséquences sociales, environnementales et politiques seront catastrophiques pour les pays du Sud ! L’extraction des métaux et des terres rares a aujourd’hui lieu dans des conditions abominables. Je suis favorable à l’exploitation de mines sur notre territoire, mais cela ne suffira pas.
J’y insiste, l’économie circulaire est donc doublement impérative, à la fois pour satisfaire à nos besoins et éviter une nouvelle et dramatique division internationale du travail.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 69 rectifié quater est présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et O. Richard, MM. Delcros, Henno, Kern, Folliot et Cambier, Mmes Saint-Pé et Antoine et MM. J.M. Arnaud et Pillefer.
L’amendement n° 98 rectifié quater est présenté par Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Brault, Capus, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, L. Vogel et Wattebled.
L’amendement n° 106 rectifié est présenté par M. Longeot.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Garantir aux foyers notamment ruraux ne disposant pas d’une solution de raccordement adaptée à un réseau de chaleur, de gaz ou d’électricité, l’accès à l’énergie, sans coût excessif au regard de leurs ressources ; »
La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié quater.
M. Claude Kern. Il convient de faire la distinction entre les zones urbaines et rurales, dont la consommation d’énergie présente des caractéristiques distinctes.
Aussi serait-il plus adapté de distinguer les bâtiments selon qu’ils disposent ou non d’une solution de raccordement à des réseaux de chaleur ou de gaz naturel. Identifier les bâtiments raccordables et ceux qui ne le sont pas permettra la prise en compte des spécificités énergétiques des zones rurales.
M. le président. Les amendements nos 98 rectifié quater et 106 rectifié ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 69 rectifié quater ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. La politique énergétique tient déjà compte des spécificités des zones rurales, par exemple au travers de la péréquation. Il en va de même pour la précarité énergétique : en application de la loi, l’État veille à « garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie, bien de première nécessité, ainsi qu’aux services énergétiques ».
L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.
M. le président. Monsieur Kern, l’amendement n° 69 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Madame la ministre, l’objet de mon amendement vise bien à distinguer les zones rurales dépourvues de possibilité de raccordement.
Je le maintiens donc, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
Article 2
Le 4° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie est abrogé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 31 est présenté par MM. Michau, Montaugé, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 79 est présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour présenter l’amendement n° 31.
M. Jean-Jacques Michau. L’article 2 vise à supprimer la trajectoire de hausse de la composante carbone de la fiscalité énergétique dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies.
Nous sommes au contraire favorables au maintien de cette taxe carbone, qui vise à pénaliser les émissions de CO2 et à inciter les acteurs économiques à être plus vertueux en modifiant et en adaptant leurs comportements aux exigences de la transition écologique.
La nécessité de transformer radicalement nos modes de production et de consommation pour faire face à l’urgence écologique rend incontournable l’accroissement de la fiscalité écologique, dont le but est de réorienter notre économie vers un mode de production et de consommation plus sobre et décarboné.
Certes, le mouvement des « gilets jaunes » a rappelé au Gouvernement que la transition écologique doit être une transition juste et qu’il faut penser la fiscalité écologique en veillant à concilier fin du monde et fin du mois. Ainsi, le caractère fortement régressif de cette fiscalité, qui pénalise plus particulièrement les ménages aux revenus modestes, mais aussi ceux qui, en milieu rural, sont contraints de recourir à l’automobile, a conduit le Gouvernement à geler la trajectoire de la taxe.
Cependant, des études démontrent que, dans l’absolu, les Français, y compris ruraux, ne sont pas défavorables à une telle taxe si cette dernière est compensée par la création de transports, d’emplois et de services de proximité dans les zones périphériques et rurales.
Dès lors, les recettes de cette taxe doivent être plus transparentes et ciblées sur les populations les plus touchées en finançant des aides appropriées.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour présenter l’amendement n° 79.
M. Yannick Jadot. Même constat, même diagnostic : voilà plus de vingt ans que la construction de notre politique climatique repose aussi sur la fiscalité carbone. Le consensus des économistes est absolu sur le fait que la décarbonation nécessite de prévoir une trajectoire de cette fiscalité.
J’ai participé aux négociations du Grenelle de l’environnement, avec le président Sarkozy. La fiscalité du carbone faisait déjà partie des enjeux. Dès le début, nous avons insisté sur cette idée : pas un euro collecté qui ne soit un euro redistribué. Le comité pour la fiscalité écologique présidé par Christian de Perthuis et le rapport Rocard allaient également en ce sens.
Si, au lieu de revenir sur la trajectoire de la fiscalité carbone, on ne développe pas la logique redistributive de cette fiscalité, nous courrons vers l’échec. Les « gilets jaunes » se sont soulevés après l’accélération, sans aucune redistribution, de la fiscalité du carbone. Collecter de l’argent afin d’offrir à ceux qui doivent parcourir 30 à 40 kilomètres pour travailler, aller chez le médecin ou faire du sport des alternatives ou des aides pour changer de mode de mobilité est donc essentiel.
Acter, avec ce texte, une telle rupture en matière de politique climatique n’est pas sérieux !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. J’entends vos arguments, mes chers collègues, mais ces amendements ne me semblent pas opportuns.
En effet, leur adoption aurait pour objet d’éroder l’ambition du texte, qui veille à la soutenabilité fiscale, et donc à l’acceptabilité sociale, de la transition écologique afin de favoriser l’atteinte des objectifs de celle-ci.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. J’espère, madame la ministre, que vous êtes bien consciente du contenu de l’article que vous soutenez. Il faudra, ensuite, défendre le fait que la France s’affranchit de toute trajectoire de décarbonation, en rupture complète avec nos engagements européens !
Vous avez soutenu des gouvernements qui ont fait de la fiscalité carbone une fiscalité de rendement. Durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la logique de rendement budgétaire a été accentuée. Vous n’avez jamais accepté le caractère organisé et redistributif de la fiscalité carbone !
Nous pouvons en débattre, mais rejeter à ce point l’idée d’une trajectoire sérieuse de décarbonation est une rupture des engagements européens de la France. Ce ne sera pas la première fois – on l’a vu sur d’autres sujets –, mais je vous invite à réviser la position du Gouvernement, parce qu’elle est irresponsable !
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Cet amendement a l’intérêt de poser la question de la fiscalité énergétique.
Revenons au récent rapport de la Cour des comptes sur ce sujet, qui dresse des constats sur la structure de la fiscalité de l’énergie en France. Celle-ci relèverait d’un empilement de décisions historiques, sans véritable visée environnementale, et elle pèserait largement sur les particuliers, notamment les plus modestes. Ainsi, en 2022, les particuliers payaient 27 euros par mégawattheure, contre 14 euros pour les professionnels. Il s’agit donc bien d’une fiscalité de rendement, et non d’une fiscalité écologique à dimension climatique.
Madame la ministre, ma question est simple : que pensez-vous des orientations définies dans le rapport de la Cour des comptes ? Je suppose que vous avez une idée sur ce sujet fondamental.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31 et 79.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Après le 7° de l’article L. 100-2, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis Poursuivre un effort de recherche et d’innovation en direction de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone mentionné au troisième alinéa de l’article L. 811-1, en soutenant notamment les réacteurs électronucléaires de troisième génération, les petits réacteurs modulaires, les réacteurs électronucléaires de quatrième génération, dont ceux refroidis au sodium, le projet international de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire, dénommé projet ITER, la fermeture du cycle du combustible, le projet de centre de stockage en couche géologique profonde, dénommé projet Cigéo, le couplage entre la production d’énergie nucléaire et celle d’hydrogène bas-carbone et les projets importants d’intérêt européen commun sur l’hydrogène ; »
2° Après le 5° du I de l’article L. 100-4, sont insérés des 5° bis à 5° septies ainsi rédigés :
« 5° bis De maintenir la part du nucléaire dans la production d’électricité à plus de 60 % à l’horizon 2030 et un mix de production d’électricité majoritairement nucléaire à l’horizon 2050 ;
« 5° ter De décarboner le mix électrique à plus de 90 % ainsi que le mix énergétique à plus de 50 % à l’horizon 2030 ;
« 5° quater De construire au moins 27 gigawatts de nouvelles capacités installées de production d’électricité d’origine nucléaire, dont au moins quatorze réacteurs électronucléaires de troisième génération et quinze installations de petits réacteurs modulaires, à l’horizon 2050. Pour atteindre cet objectif, la construction de 9,9 gigawatts de capacités installées doit être engagée d’ici 2026 et celle de 13 gigawatts de capacités installées et d’une première installation de petits réacteurs modulaires d’ici 2030. D’ici le dépôt de la prochaine loi prévue en application du premier alinéa du I de l’article L. 100-1 A, la construction de six réacteurs électronucléaires de troisième génération supplémentaires, représentant 9,9 gigawatts de capacités installées, doit être étudiée ;
« 5° quinquies De maintenir en fonctionnement toutes les installations de production d’électricité d’origine nucléaire, sous réserve de la protection des intérêts mentionnés au premier alinéa de l’article L. 593-1 du code de l’environnement, avec pour objectifs l’atteinte d’une capacité installée de production d’au moins 63 gigawatts jusqu’en 2035 et d’une disponibilité moyenne de cette capacité installée de 75 % à l’horizon 2030 ;
« 5° sexies De maintenir en fonctionnement toutes les installations nécessaires à la mise en œuvre du traitement et de la valorisation des combustibles usés, sous réserve de la protection des intérêts mentionnés au premier alinéa de l’article L. 593-1 du code de l’environnement, en pérennisant et en complétant les usines de retraitement-recyclage au-delà de 2040 ;
« 5° septies De recourir à une part de matières recyclées dans la production d’électricité d’origine nucléaire à hauteur de 10 % à l’horizon 2030 et 20 % à l’horizon 2040 ; ».
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaitais intervenir à ce stade de la discussion, car l’article 3 est particulièrement important. En effet, il acte la relance de la filière française du nucléaire, un sujet éminemment sensible sur lequel la commission des affaires économiques travaille et s’est engagée depuis de nombreuses années.
Pour mémoire, pendant l’examen de la loi Climat et Résilience en 2021, nous nous étions opposés à la fermeture de réacteurs nucléaires en l’absence d’étude d’impact sur la sûreté nucléaire, la sécurité de l’approvisionnement et la réduction des gaz à effet de serre. Lors de la discussion de la loi Nouveau nucléaire en 2023, nous avons abrogé l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique d’ici à 2035.
Ainsi, le Sénat dans son ensemble, et particulièrement la commission des affaires économiques, a souhaité mettre le nucléaire au cœur de l’agenda législatif. C’est pourquoi nous avons voulu, avec l’article 3, graver la relance du nucléaire dans le marbre de la loi. Nous y actons la construction de quatorze EPR2, conformément à l’objectif fixé par le Président de la République dans son discours prononcé à Belfort en 2022. Toutefois, nous allons plus loin en intégrant le scénario « N03 » de RTE, le plus nucléarisé, parce que nous considérons qu’il s’agit d’un minimum à atteindre.
J’entends les remarques, notamment de la part de Yannick Jadot, selon lesquelles nous serions trop ambitieux en envisageant davantage que les quatorze EPR2, avec quinze SMR et, potentiellement, six EPR2 supplémentaires en cas de réindustrialisation. Pourquoi avons-nous voulu afficher cette ambition forte ? Pourquoi pensons-nous qu’il faut maintenir une part d’au moins deux tiers de nucléaire dans notre mix énergétique en 2030, et une part majoritaire en 2050 ? La raison en est que les acteurs de la filière du nucléaire l’attendent et le demandent. Si nous voulons qu’ils puissent investir et mobiliser des financements, il leur faut un cap clair et cohérent, qui leur donne de la prévisibilité. Tel est l’objet de cet article 3.
J’ajoute, enfin, que nous voulons un nucléaire plus innovant, en n’oubliant pas les petits réacteurs modulaires et les réacteurs de quatrième génération, et plus propre, en permettant le traitement et le recyclage des déchets.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, combien cet article 3 nous tient à cœur et combien il est important que nous le votions pour fixer un cap clair et exprimer une ambition forte.
M. le président. L’amendement n° 80, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. J’entends vos réflexions et les convictions que vous avez défendues dans votre discours, madame la présidente. J’y insiste, cette proposition de loi traduit un exercice de programmation sur dix ans, qui doit être révisé tous les cinq ans. On peut dire ce que l’on veut, mais nous ne pourrons pas avoir quatorze EPR2 et quinze SMR avant 2035 ! Il faudra au moins quinze ans, au vu des retards régulièrement constatés pour ce type de construction. Nous sommes donc hors du cadre de la discussion que nous devrions avoir.
Ensuite, comme cela a déjà été évoqué, nous ne disposons d’aucune évaluation ! Souvenez-vous, lorsque nous avons auditionné Luc Rémont, PDG d’EDF, celui-ci nous indiquait que le design de l’EPR2 était en cours de finalisation… En d’autres termes, nous n’y sommes pas encore !
Nous ne connaissons pas encore les conditions de financement, alors que chaque EPR2 coûtera au moins 13 milliards d’euros – au-delà même de savoir si le projet est ou non faisable. Mon désaccord ne porte pas tant sur les six EPR2 supplémentaires, puisque je désapprouve déjà les quatorze premiers ! Ce scénario est le plus risqué puisque nous parlons d’une échéance à plus de quinze ans, alors que nous devons résoudre notre équation énergétique d’ici à 2035.
Notre priorité absolue devrait donc être les énergies renouvelables. Malheureusement, alors que nous entendons dans les discours qu’il faut marcher sur deux jambes – le nucléaire et les énergies renouvelables –, la réalité est que la seconde est en permanence sacrifiée. On pense que les problèmes du nucléaire, qui existent depuis cinquante ans, seront résolus en dix ans !
J’en appelle donc à la responsabilité, raison pour laquelle je suis contre cet objectif – ce rêve ! – d’EPR. J’ai bien compris que tout le monde adorait les EPR, et il y a même à l’Assemblée nationale un groupe politique qui s’appelle EPR. Si ce n’est pas de l’idéologie et du dogmatisme…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Sans surprise, l’avis de la commission est défavorable.
Contrairement à ce que vous venez de dire, mon cher collègue, les dispositions de l’article 3, que vous souhaitez supprimer, ont bel et bien fait l’objet d’une évaluation préalable.
En effet, depuis 2021, le Gouvernement a organisé des ateliers, une concertation publique, une concertation nationale et des groupes de travail. Il a même dévoilé en janvier un avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique, certes abandonné en mars, mais qui a fait l’objet d’une étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, du Conseil national de la transition écologique (CNTE) et du Conseil supérieur de l’énergie (CSE). Que voulez-vous de plus ?
Par ailleurs, la question est éminemment politique, mais votre discours est idéologique ! Vous êtes contre, point à la ligne.
M. Yannick Jadot. Et le prix ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Il n’est nullement question de sacrifice, monsieur le sénateur. Notre objectif est bien de marcher sur deux jambes, le nucléaire et les énergies renouvelables.
Je suis favorable à la relance du nucléaire, parce qu’elle nous permettra de franchir des étapes difficiles. D’ailleurs, dans mon département de l’Ain, j’ai milité pour l’installation d’EPR2 sur le site de la centrale du Bugey. Ils feront partie des six premiers réacteurs, ce dont je suis fière. Nous espérons que leur production en série dégagera des gains économiques et de temps.
Je défendrai toutefois plusieurs amendements sur cet article, dont nous pourrons débattre, mais il faut avancer en matière de relance du nucléaire.
L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Madame la ministre, vous dites que ce serait la solution la plus opérationnelle, la plus pragmatique. Mais même au Bugey, rien ne sera installé avant 2040. Nous avons du travail d’ici là !
Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dans le monde en 2024, il aura été installé davantage de capacités de production éolienne et photovoltaïque que de capacités nucléaires durant les dernières décennies ! Quand la France, pour son équation électrique, s’intéressera-t-elle aux énergies que l’on développe partout et qui font l’objet d’une guerre économique totale, notamment avec les Chinois et les Américains ? Pourquoi nous affranchirions-nous de telles perspectives industrielles, qui favoriseront l’accompagnement de nos territoires ?
Oui, nos territoires ont besoin d’usines et d’emplois. Mais on peut tourner le problème dans tous les sens, les seules possibilités dans les années qui viennent sont l’éolien et le photovoltaïque. Ce sont les moyens d’action les plus rapides, et donc ceux qui nous permettront de résoudre l’équation. Il n’y a donc aucun dogmatisme, c’est simplement la réalité. Lisez les études : les énergies renouvelables coûtent moins cher que le nucléaire. Que l’on soit pour ou contre, c’est une réalité économique !
Attention donc : rêver de 2040 ne permet pas de répondre aux besoins des dix ans qui viennent !