Sommaire
Présidence de Mme Sylvie Robert
Secrétaires :
Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Catherine Conconne.
2. Mise au point au sujet de votes
3. Prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi
M. Gilbert Bouchet, auteur de la proposition de loi
M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi
Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure de la commission des affaires sociales
Mme Corinne Féret, rapporteure de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 2 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
Adoption de l’article.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Adoption, par scrutin public n° 8, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
Suspension et reprise de la séance
4. Élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Texte élaboré par la commission
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Suspension et reprise de la séance
5. Modification de l’ordre du jour
6. Programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de loi
M. Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques
M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques
7. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
8. Programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie. – Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l’énergie
Mme Olga Givernet, ministre déléguée
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 77 de M. Yannick Jadot. – Rejet.
Amendement n° 130 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 40 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 34 rectifié de M. Jean-Jacques Michau. – Adoption.
Amendement n° 30 de M. Jean-Jacques Michau. – Devenu sans objet.
Amendement n° 118 rectifié de M. Bernard Buis. – Adoption.
Amendement n° 78 de M. Yannick Jadot. – Rejet.
Amendement n° 131 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 45 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques
Amendement n° 80 de M. Yannick Jadot. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
10. Communication d’un avis sur un projet de nomination
11. Programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie. – Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 179 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 119 rectifié de M. Bernard Buis. – Rejet.
Amendement n° 180 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 47 de M. Jean-Jacques Michau. – Rejet.
Amendement n° 133 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 143 rectifié du Gouvernement. – Rejet par scrutin public n° 9.
Amendement n° 134 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 144 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 145 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 128 rectifié de M. Bernard Buis. – Rejet.
Amendement n° 165 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 146 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 81 de M. Yannick Jadot. – Rejet.
Amendement n° 115 de M. Daniel Gremillet. – Adoption.
Amendement n° 181 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 9 rectifié bis de M. Franck Menonville. – Retrait.
Amendement n° 99 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Non soutenu.
Amendement n° 182 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 39 de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Amendement n° 100 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Amendement n° 166 rectifié de M. Bernard Buis. – Retrait.
Amendement n° 5 de M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis. – Adoption.
Amendement n° 46 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 32 de M. Jean-Jacques Michau. – Rejet.
Amendement n° 167 rectifié de M. Bernard Buis. – Retrait.
Amendement n° 148 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 82 de M. Yannick Jadot. – Rejet.
Amendement n° 52 de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Amendement n° 21 rectifié de M. Claude Kern. – Retrait.
Amendement n° 22 rectifié de M. Claude Kern. – Retrait.
Amendement n° 56 de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Amendement n° 168 rectifié de M. Bernard Buis. – rejet.
Amendement n° 55 de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Amendement n° 151 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 53 de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Amendement n° 153 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 54 de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Amendement n° 43 rectifié de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 63 rectifié de M. Sébastien Fagnen. – Devenu sans objet.
Amendement n° 41 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 171 rectifié bis de M. Philippe Grosvalet. – Rejet.
Amendement n° 42 rectifié de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 20 rectifié bis de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Amendement n° 169 rectifié de M. Bernard Buis. – Retrait.
Amendement n° 44 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 3 de M. Daniel Fargeot. – Non soutenu.
Amendement n° 172 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 59 de Mme Catherine Belrhiti. – Adoption.
Amendement n° 83 de M. Yannick Jadot. – Rejet.
Amendement n° 8 de M. François Bonneau. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 61 de Mme Catherine Belrhiti. – Retrait.
Amendement n° 109 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 36 de M. Rémi Cardon. – Rejet.
Amendement n° 110 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 37 de Mme Catherine Conconne. – Rejet.
Amendement n° 84 de M. Yannick Jadot. – Adoption.
Amendement n° 23 rectifié de M. Claude Kern. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Henri Cabanel. – Rejet.
Amendement n° 85 de M. Yannick Jadot. – Rejet.
Amendement n° 173 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 6 de M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Alexandra Borchio Fontimp,
Mme Catherine Conconne.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 10 octobre 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Mise au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Lors des scrutins nos 5, 6 et 7, respectivement sur l’article 1er A, l’article 1er et l’article 2 constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d’enseignement publics et privés sous contrat du premier et du second degrés et à garantir davantage de transparence dans les procédures d’affectation et de financement des établissements privés sous contrat, j’ai été indiquée comme ayant voté contre, alors que je souhaitais voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de ces mises au point, ma chère collègue. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.
3
Prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves, présentée par MM. Gilbert Bouchet, Philippe Mouiller et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 542 [2023-2024], texte de la commission n° 670 [2023-2024], rapport n° 669 [2023-2024]).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements.)
M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes très heureux de nous retrouver aujourd’hui pour l’examen de cette proposition de loi.
En introduction, madame la présidente, je vous propose de donner la parole, pour quelques mots, à notre collègue Gilbert Bouchet, qui a tenu à être présent dans cet hémicycle pour l’examen de ce texte pour lequel il s’est beaucoup mobilisé, avec le soutien de plusieurs associations, depuis plusieurs mois. Nous sommes très honorés de sa présence ; le combat qu’il mène pour les personnes concernées par la maladie de Charcot est bon et juste ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Bouchet.
M. Gilbert Bouchet, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux bien évidemment, en retour, saluer Philippe Mouiller, qui a beaucoup travaillé sur cette proposition de loi, ainsi que Mmes les rapporteures et tous nos collègues qui, sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée, se sont mobilisés pour ce texte ; je crois en effet qu’il a recueilli des signatures de tous les groupes politiques, ce qui me fait grand plaisir.
Lorsque la maladie vous tombe dessus, il faut la combattre ; c’est ce que j’essaie de faire. Il faut dire aussi combien certaines situations administratives posent problème, dans nos départements. Il faut parfois plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour les régler, c’est loin d’être facile. Ce texte doit permettre d’aller beaucoup plus vite. Je veux aussi remercier le président du Sénat, Gérard Larcher, de lui avoir apporté un soutien absolu ; j’en suis très heureux.
Je continue à mener mon combat pour mon département de la Drôme, avec mes collègues Bernard Buis et Marie-Pierre Monier, mais aussi pour toutes les victimes de cette maladie ; on en parle certes de plus en plus, mais il faut absolument lui consacrer plus de moyens. L’Arsla (Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique), dont des représentants sont présents dans nos tribunes, peut en témoigner. Cette maladie peut frapper tout le monde !
Mes chers collègues, par avance mille mercis pour votre vote de ce texte ! (Applaudissements nourris et prolongés sur toutes les travées, ainsi qu’au banc du Gouvernement.)
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Mouiller.
M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi. Ce texte a reçu le soutien de l’ensemble des groupes politiques du Sénat. Je m’en félicite, et j’espère que l’Assemblée nationale l’inscrira bientôt à son ordre du jour, car le temps presse pour apporter des solutions aux personnes atteintes de cette maladie.
Cette proposition de loi, que Gilbert Bouchet et moi vous présentons aujourd’hui, a fait l’objet d’un long travail avec les associations qui s’occupent des victimes de la maladie de Charcot, ou sclérose latérale amyotrophique (SLA).
Je compléterai les quelques mots que Gilbert Bouchet a pu vous adresser en vous donnant lecture du propos qu’il m’a confié.
« J’ai dû, écrit-il, avant d’obtenir ce terrible diagnostic, subir de multiples examens médicaux. Pour moi – je me dois ici de remercier l’équipe médicale qui me suit à Lyon –, le diagnostic est vite tombé. Je sais toutefois que ce n’est pas le cas de tous les patients atteints, notamment les sujets jeunes, car cette hypothèse n’est pas tout de suite retenue.
« Rappelons qu’on dénombre en France entre 6 000 et 7 000 personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique et environ 1 000 nouveaux cas par an, ce qui en fait l’une des maladies rares les plus fréquentes. Quand on détecte la SLA, il y a urgence : cette maladie ne permet pas de prendre du temps, il faut agir le plus rapidement possible pour le bien-être du malade. Il est donc nécessaire de comprendre cette maladie pour accompagner au mieux les personnes qui en sont atteintes et leurs familles ou accompagnants.
« La SLA est une maladie complexe, car elle s’exprime sous différentes formes et avec des vitesses d’évolution multiples, rendant les activités simples de la vie quotidienne progressivement difficiles, voire impossibles, à accomplir.
« Toutefois, la chronologie et le rythme de progression de l’atteinte motrice sont spécifiques à chaque patient, ce qui empêche toute anticipation des besoins de compensation du handicap.
« De ce fait, à l’heure actuelle, il n’est pas toujours aisé d’obtenir du matériel adapté. Dans mon cas, écrit Gilbert Bouchet, la procédure d’évaluation de l’équipe pluridisciplinaire a conclu à la prescription d’un matériel qui, lorsque la décision a été rendue, ne m’était plus d’aucune utilité. J’ai dû acheter moi-même le fauteuil électrique qui convenait à mon handicap à ce moment-là, sans attendre la dégradation de mon état de santé.
« En collaboration avec l’Arsla, nous avons détecté des freins dans la prise en charge sociale des malades, notamment le décalage entre les procédures et la temporalité de la maladie, ainsi que le traitement inégal des personnes en fonction de leur âge.
« Ce texte vise à répondre à ces freins, en adaptant la prise en charge des malades aux spécificités de la SLA et des autres maladies évolutives graves.
« Mais le combat contre ces maladies ne devra pas s’arrêter là. Il est important d’encourager la recherche pour trouver les moyens de ralentir ou de stabiliser la maladie, jusqu’à une possible guérison, et surtout de continuer de former les personnes afin qu’elles puissent prodiguer les soins appropriés.
« Je pense par exemple aux patients bénéficiant d’une trachéotomie, qui ont un degré de dépendance plus important et ont besoin d’une surveillance accrue par des aides humaines formées au maniement des respirateurs et aux techniques d’aspiration trachéale.
« Il faut également sensibiliser le plus grand nombre à cette pathologie, en menant des actions aux échelles tant nationale que locale, comme dans mon département de la Drôme, où le Lions Club se mobilise pour aider les associations. »
En conclusion de son propos, Gilbert Bouchet tenait à remercier le président du Sénat, Gérard Larcher, ainsi que l’ancien président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, d’avoir permis l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée. Il remercie aussi, plus largement, tous les membres du Sénat qui, dans tous les groupes politiques, se sont mobilisés en très grand nombre.
Je tiens, à mon tour, à remercier une nouvelle fois Gilbert Bouchet pour son combat.
Ce texte a également été inspiré par les difficultés dont nous ont informés les associations qui accompagnent les personnes atteintes de la maladie de Charcot. L’une des missions de ces associations est le prêt aux malades d’aides techniques essentielles à leur autonomie et à leur survie : puisque les dispositifs publics actuels ne sont pas adaptés à la maladie, ce sont aujourd’hui les bénévoles qui se mobilisent pour permettre aux malades d’être correctement accompagnés.
La SLA est une maladie au pronostic dramatique, responsable de handicaps moteurs évolutifs touchant progressivement toutes les capacités motrices du patient.
Or, monsieur le ministre, les dispositifs de droit commun en matière de compensation du handicap et de la perte d’autonomie échouent à soutenir décemment les personnes atteintes de cette maladie.
Que constate-t-on ? D’une part, le temps administratif de traitement des demandes de compensation est, le plus souvent, en décalage avec le rythme de progression de la maladie. D’autre part, dans leur majorité, les patients et leurs familles doivent faire face à d’importants restes à charge qui leur imposent des choix insupportables, entre le temps de présence d’un accompagnant au chevet du patient et telle ou telle aide technique, par exemple.
Face à ces constats, l’objectif des auteurs de la présente proposition de loi est d’apporter une réponse spécifique à cette pathologie aux caractéristiques hors normes, ainsi qu’à toute autre situation qui aurait les mêmes conséquences.
À cette fin, le texte adapte les procédures devant la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) afin de permettre aux personnes atteintes d’une maladie évolutive grave d’obtenir une décision directe et rapide sur la base d’un certificat médical ou de la prescription d’un ergothérapeute. Nous simplifions les procédures.
Les travaux de la commission l’ont conduite à mettre en avant la nécessité de mieux coordonner les acteurs, notamment les centres de référence pour les maladies rares, et d’identifier plus systématiquement les dossiers relatifs à ce type de pathologie.
Par ce texte, nous entendons également répondre aux difficultés particulières de prise en charge que rencontrent les personnes pour qui la SLA est diagnostiquée après l’âge de 60 ans, soit la majorité des malades.
Ces personnes relèvent en effet de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), qui présente des différences majeures de prise en charge, tant pour les aides techniques que pour les aides humaines, par rapport à la prestation de compensation du handicap (PCH). Par exemple, le reste à charge moyen pour les aides techniques s’élève à quelque 16 000 euros dans le cadre de l’APA, soit deux fois plus que dans le cadre de la PCH. Pour nombre de familles, la situation est intenable !
Nous avons été particulièrement attentifs à cette inégalité de traitement. Nous estimons que la levée de la barrière d’âge de 60 ans est nécessaire dans cette situation particulière, même si elle devait créer un précédent.
Je veux, en conclusion de mon propos, remercier chaleureusement nos deux rapporteures, Laurence Muller-Bronn et Corinne Féret, qui se sont mobilisées sur ce sujet, ont beaucoup travaillé et reçu nombre d’interlocuteurs pour élaborer leur rapport sur cette cause essentielle, qui mobilise tous les membres de notre assemblée. En mon nom propre et au nom de Gilbert Bouchet, je veux redire combien nous attendons le soutien de l’ensemble du Sénat à cette proposition de loi. (Vifs applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer notre collègue Gilbert Bouchet, qui porte cette proposition de loi, et à le remercier pour son témoignage fort.
J’ai aussi une pensée pour Claude, Alfred et Pascal, que j’ai pu suivre en préparant ce rapport, mais qui ne sont plus là aujourd’hui.
Le texte que nous examinons vise à pallier les lacunes de notre système de protection sociale dans l’accompagnement des malades atteints de sclérose latérale amyotrophique, lacunes qui peuvent laisser dans le désarroi des familles déjà choquées par le diagnostic et frappées par les conséquences de la maladie.
La SLA est une maladie rare et incurable, elle est due à une dégénérescence progressive des motoneurones. Son incidence est d’environ 1 700 nouveaux cas par an, soit 4 à 5 cas par jour, ce qui en fait l’une des maladies rares les plus fréquentes.
La SLA se caractérise par un affaiblissement progressif des muscles des jambes et des bras, des muscles respiratoires, ainsi que des muscles de la déglutition et de la parole. De multiples formes de handicap apparaissent ainsi au fil de l’évolution de la maladie. Toutefois, comme l’a rappelé Philippe Mouiller, la chronologie et le rythme de progression de l’atteinte motrice sont spécifiques à chaque patient, ce qui empêche toute anticipation des besoins de compensation du handicap.
Les personnes pour lesquelles la SLA a été diagnostiquée avant l’âge de 60 ans s’adressent à leur maison départementale des personnes handicapées afin de demander les aides et les droits auxquels elles peuvent prétendre, notamment la prestation de compensation du handicap. La décision d’attribution de la PCH est prise sur la base de l’évaluation réalisée par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH.
Or les délais de traitement des demandes apparaissent, de manière générale, difficilement compatibles avec une maladie qui progresse aussi vite.
Si la réglementation donne à la MDPH quatre mois pour statuer, le délai réel de réponse varie selon les départements, nous le savons bien, et peut aller jusqu’à six mois, voire neuf mois, ce qui est beaucoup trop long. Les modalités de traitement des dossiers doivent absolument s’adapter à la maladie, monsieur le ministre !
Aujourd’hui, les familles doivent s’adapter à la maladie, subir ces délais beaucoup trop longs et souvent avancer les frais des équipements et des assistances humaines. En outre, les besoins de la personne peuvent s’aggraver avant même que sa demande ait abouti. Par ailleurs, la procédure se révèle complexe pour les familles qui doivent constituer de leur propre initiative un dossier pour chaque nouvelle demande.
Au regard de ces constats, la présente proposition de loi vise à améliorer et à faciliter l’accès aux aides des personnes atteintes de la maladie.
L’article 1er instaure une procédure dérogatoire applicable dans le cas où les besoins de compensation et d’accompagnement humain résultent d’une maladie évolutive grave telle que la SLA. La liste des maladies concernées serait fixée par décret.
La signature d’un seul membre de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH suffira pour proposer directement à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), sur la base d’une prescription médicale, les adaptations du plan de compensation du handicap et les aides humaines nécessaires. Dès la première réunion, la CDAPH statuera sur ces adaptations.
La commission a considéré que les spécificités de la maladie de Charcot, ainsi que de toute autre pathologie d’évolution rapide causant des handicaps sévères et irréversibles, justifient ce traitement dérogatoire.
Cependant, pour répondre efficacement aux besoins des personnes atteintes de telles pathologies, il faut pouvoir identifier d’emblée leur dossier. Cela nécessite également une meilleure coordination avec les équipes médicales.
La commission a donc souhaité rendre systématique l’identification par la MDPH, dès leur dépôt, des dossiers relatifs à une pathologie comme la SLA ; elle a prévu que ces dossiers seront traités en partenariat avec les centres de référence pour maladies rares, qui sont au nombre de vingt-deux en France. Ces centres disposent de leur propre équipe pluridisciplinaire, qui procède en principe tous les trois mois à une évaluation des besoins des patients.
La commission a donc permis que l’accès à la procédure dérogatoire prévue à l’article 1er puisse se faire sur la base de l’évaluation d’un centre de référence compétent en matière de SLA.
Enfin, la commission a précisé que la procédure dérogatoire s’appliquerait dès l’ouverture des droits auxquels la personne atteinte de SLA peut prétendre, en fonction de ses besoins de compensation ; ainsi, on évitera aux patients de devoir refaire, à chaque fois, un nouveau dossier.
Avant que ma collègue rapporteure Corinne Féret ne vous présente les autres dispositions de la proposition de loi, je vous invite, mes chers collègues, à voter ce texte attendu par les familles concernées et les associations. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Féret, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, à mon tour, à saluer notre collègue Gilbert Bouchet, qui nous a offert un témoignage fort, très émouvant, qui nous oblige à agir pour améliorer le quotidien des personnes atteintes de la maladie de Charcot. Je pense aussi à toutes les personnes que Laurence Muller-Bronn et moi-même avons auditionnées.
J’aborderai pour ma part une autre difficulté à laquelle de nombreux malades sont confrontés, à savoir le traitement différencié de leurs besoins de compensation en fonction de leur âge.
Le bénéfice de la PCH est en effet réservé aux personnes dont l’âge est inférieur à une limite fixée par décret à 60 ans, même si les personnes dont la SLA a été diagnostiquée avant cet âge peuvent continuer à bénéficier de cette prestation au-delà.
Lorsque le diagnostic de la SLA intervient au-delà de cette barrière d’âge, la personne atteinte de la maladie ne peut pas bénéficier de la PCH. Elle peut alors demander l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, pour améliorer sa prise en charge. Il existe toutefois des différences majeures entre les deux prestations.
En effet, l’ensemble des aides attribuées au titre de l’APA est rattaché à un plan d’aide global dont le montant est déterminé dans la limite d’un plafond mensuel pour chaque groupe iso-ressources (GIR). Dans ce cadre, non seulement le plan d’aide ne permet généralement pas de financer la présence continue d’intervenants auprès du malade, mais il ne couvre que difficilement les nombreuses aides techniques dont ce dernier a besoin.
Selon l’Arsla, une trentaine d’aides techniques sont nécessaires au cours de la durée de vie du patient à compter du diagnostic. Or le reste à charge peut être deux fois plus élevé dans le cadre de l’APA que dans celui de la PCH.
Cette prise en charge limitée concerne la majorité des personnes atteintes de SLA. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ne dispose pas de données consolidées à l’échelon national sur cette pathologie, mais on peut estimer qu’entre les deux tiers et les trois quarts des personnes atteintes de SLA relèvent de l’APA.
L’article 2 de la proposition de loi crée donc une exception à la barrière d’âge de 60 ans, âge au-delà duquel il n’est plus possible de prétendre à la PCH. Les personnes dont l’âge est supérieur à cette limite, mais dont les besoins de compensation résultent des conséquences d’une maladie évolutive grave telle que la SLA pourraient ainsi bénéficier de la PCH.
La différence de traitement entre les personnes dont la maladie est diagnostiquée avant 60 ans et celles dont la maladie se déclare après cet âge a des répercussions directes sur les conditions de vie des patients et sur leurs choix thérapeutiques. La suppression de cette situation inéquitable nous paraît donc légitime.
En conséquence, les personnes atteintes d’une telle pathologie pourraient, pour la prise en charge de leurs besoins de compensation, être accompagnées par leur MDPH et bénéficier également du dispositif dérogatoire de l’article 1er.
La commission a approuvé cette réponse au traitement inéquitable auquel sont confrontées les personnes touchées par la SLA après 60 ans. En cohérence avec les modifications apportées à l’article 1er, elle a qualifié plus précisément le champ des maladies concernées par cette suppression de la barrière d’âge.
J’estime que l’on pourrait, plus généralement, s’interroger sur le bien-fondé de cette barrière d’âge de 60 ans pour le bénéfice du droit à la compensation. C’est un réel problème, qu’il nous faudra aborder.
En outre, d’autres enjeux relatifs à l’accès aux aides techniques ne relèvent pas de la loi, mais mériteraient d’être également pris en considération. En particulier, il serait pertinent de favoriser le remboursement de la location de certaines aides techniques, compte tenu de la brièveté de leur utilisation. L’enjeu de la formation des intervenants à domicile au maniement des aides techniques doit aussi être mieux pris en compte.
Enfin, l’article 3 prévoit que la CNSA apportera aux départements un concours financier afin de compenser le surcroît de dépenses de PCH occasionné par le dispositif. Faute de statistiques sur les montants versés au titre de la PCH et de l’APA à la population concernée, nous estimons ce surcoût à un montant proche de 30 millions d’euros par an.
En vous remerciant de votre attention, je vous invite à mon tour, mes chers collègues, à voter cette proposition de loi extrêmement attendue. Il s’agit d’une cause qui nous concerne tous. Ce texte pourra apporter une meilleure considération et un meilleur accompagnement à celles et ceux qui sont atteints de cette maladie. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Madame la présidente, monsieur le président du Sénat, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le sénateur Gilbert Bouchet, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous dire que la proposition de loi sur laquelle nous sommes amenés à travailler cet après-midi a retenu toute mon attention dès son dépôt, en avril dernier.
Elle a retenu mon attention en tant que parlementaire, mais aussi en tant que collègue, monsieur le sénateur Bouchet. Je tiens à vous assurer de toute ma compassion, de mon écoute, de mon respect et de mon amitié. Elle a aussi retenu mon attention en tant qu’homme, en tant que citoyen, car elle me touche personnellement, à plusieurs égards.
Je salue donc cette initiative parlementaire sur un sujet majeur, qui concerne la dignité des individus et l’effectivité de leurs droits. Loin des clivages politiques, ce texte nous rassemble ; nous nous devons d’agir vite pour mettre fin à une situation qui est loin d’être satisfaisante.
Nous devons agir vite, car l’objet de ce texte, précisément, c’est le temps. C’est le temps d’espérance de vie des personnes atteintes de la maladie de Charcot, de deux ans en moyenne. C’est le temps d’évolution rapide de la maladie, qui se heurte au temps administratif, un temps toujours trop long quand les jours sont comptés, un temps qui ne permet pas d’accompagner dignement les personnes.
L’objet de ce texte, c’est aussi l’âge : en moyenne, cette maladie se déclare à 68 ans ; à cet âge-là, on a droit à l’allocation personnalisée d’autonomie, accessible à partir de 60 ans. D’un montant allant de 762 à 1 955 euros, cette prestation aide à payer les dépenses qui permettent de rester à domicile, chez soi, auprès de ses proches. Lorsque la maladie se déclare avant 60 ans, les personnes malades ont accès à la prestation de compensation du handicap ; elles peuvent la demander avant ou après cet âge.
Parce qu’il s’agit d’une maladie rare, les personnes atteintes de la maladie de Charcot ont aussi accès aux centres de référence pour les maladies rares, et l’assurance maladie prend en charge 100 % des frais de santé.
Votre proposition de loi porte sur deux éléments majeurs : les délais pour obtenir la PCH auprès de la maison départementale des personnes handicapées, d’une part, et un accès dérogatoire à la PCH, après 60 ans, d’autre part.
Nous faisons la même analyse de la situation. Le constat est le suivant : les délais de traitement des dossiers par les MDPH sont trop longs. Les besoins de la personne évoluent parfois plus vite que le traitement de sa demande et les familles avancent des frais de taille pour compenser. C’est absolument regrettable et néfaste pour la personne, qui se sent rapidement impuissante.
L’État prend toute la mesure de ce problème. Lors de la Conférence nationale du handicap de 2023, le Président de la République a réaffirmé son attention à la réduction des délais d’accès aux droits. Cela fait partie de la feuille de route des MDPH élaborée par les administrations, qui est aujourd’hui stabilisée.
Dans le cadre de la proposition de loi qui nous intéresse, une coordination entre la MDPH et le centre de référence pour les maladies rares pourra être mise en place pour repérer, en amont de la demande faite à la MDPH, les dossiers des personnes ayant une pathologie d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles. Une coordination similaire est aussi envisageable dans le cadre de l’APA. Cela permettra d’anticiper et d’accompagner plus rapidement les malades et leurs proches.
L’État prend également toute la mesure du problème lié aux fauteuils roulants électriques, sur lequel vous m’avez interpellé. Pour simplifier la procédure d’acquisition, je porte une attention toute particulière au travail parlementaire mené actuellement. Mon ministère est pleinement engagé afin que les discussions puissent aboutir prochainement.
Concernant la dérogation à la barrière d’âge pour l’octroi de la PCH, la réflexion doit se poursuivre. La dérogation proposée revient en effet sur une distinction ancienne et, pour tout dire, originelle, entre l’APA et la PCH. Je ne disconviens pas de l’importance de savoir dépasser, dans des circonstances exceptionnelles, des catégories qui nous enferment trop. Il y va de notre humanité et du sens même de notre système de protection.
Pour autant, je ne peux manquer d’être attentif à un risque : comment garantir l’égalité du droit à toutes les personnes concernées par une autre pathologie ou un handicap ?
Monsieur le président Mouiller, nous avons eu l’occasion d’en parler et vous connaissez ma position : nous pouvons et nous devons améliorer les droits des personnes atteintes de la maladie de Charcot sans créer des inégalités entre les personnes en situation de handicap. Nous reviendrons sur cette question lors de la discussion de l’article 2.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est question, au fond, de notre modèle de protection sociale, de sa capacité à accompagner les personnes en perte d’autonomie, quels que soient leur âge et la diversité de leur handicap ou de leur maladie invalidante.
Il est question de notre modèle de fraternité, qu’il me revient aujourd’hui de faire vivre, mais dont je dois aussi garantir l’équité, le bon fonctionnement et la cohérence.
Ce rôle fait aussi de moi, aujourd’hui, votre interlocuteur sur ce sujet ô combien crucial. Je conçois ce rôle comme un honneur. Il nous faudra peut-être revenir sur la méthode proposée, mais il n’en reste pas moins que cette proposition de loi est un texte essentiel, à la hauteur de l’enjeu, des personnes et de ce qu’elles traversent, ainsi que leurs familles et leurs aidants.
Je salue donc cette belle initiative parlementaire, ainsi que les victimes de la SLA, leurs familles et les associations mobilisées à leurs côtés. Nous avons l’objectif commun de voir aboutir ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui, qui est soutenu par 318 de nos collègues, issus de tous les groupes politiques de cette assemblée, témoigne de la volonté de faciliter la prise en charge des patients atteints de maladies évolutives graves, telle la sclérose latérale amyotrophique.
Je tiens tout d’abord à remercier à mon tour notre collègue Gilbert Bouchet, lui-même touché par la maladie, dont le témoignage a été particulièrement émouvant.
Je remercie également les rapporteures Laurence Muller-Bronn et Corinne Féret des travaux qu’elles ont menés avec l’objectif de dégager un consensus afin d’avancer très rapidement sur ce sujet.
Mise en lumière en 2014 avec le Ice bucket challenge, la sclérose latérale amyotrophique, plus connue sous le nom de maladie de Charcot, est une maladie neurodégénérative comme les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson, dont la particularité est une dégénérescence des motoneurones qui commandent les muscles moteurs.
Ainsi, à mesure que la maladie progresse, la personne atteinte de SLA souffre de paralysie, d’une impossibilité de parler, de déglutir, donc de se nourrir, avant de voir sa capacité respiratoire touchée.
L’espérance de vie d’une personne souffrant de SLA est en moyenne de deux ans une fois posé le diagnostic, bien que 10 % à 15 % des malades vivent plus de cinq ans et que 5 % vivent plus de dix ans après l’annonce de la maladie.
Cette maladie est considérée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « l’une des plus cruelles au monde ». L’écrivain Bertrand Poirot-Delpech parlait d’« emmurement vivant ».
En France, chaque année, 1 700 nouveaux cas sont diagnostiqués, soit près de cinq nouveaux cas par jour. La SLA touche majoritairement des personnes entre 50 ans et 70 ans, mais le profil des malades est très divers.
Il existe deux formes de SLA : d’une part, la SLA sporadique, qui représente environ 80 % des cas ; d’autre part, la SLA génétique, liée à la mutation de quinze à quarante gènes, qui concerne 20 % des cas. Dans ce second cas, la transmission est donc familiale et l’on peut voir des patients atteints dès l’enfance.
Pour les formes génétiques, la recherche a avancé considérablement, permettant d’espérer des thérapies géniques. Il existe aujourd’hui un médicament en accès dérogatoire, le Tofersen, qui permet de faire reculer, à tout le moins de ralentir, l’évolution de la maladie.
Aujourd’hui, la prise en charge des personnes atteintes de SLA se fait au sein de centres multidisciplinaires SLA, qui assurent une prise en charge continue, adaptée et interdisciplinaire des patients. La FilSLAN (filière nationale de santé maladies rares : sclérose latérale amyotrophique et maladies du neurone moteur) compte à ce jour 22 centres situés dans les centres hospitaliers universitaires (CHU), lesquels ne prennent malheureusement en charge qu’environ 70 % des patients.
Ces structures doivent théoriquement revoir les patients tous les trois mois pour adapter régulièrement les prescriptions. En pratique, ces délais sont plus longs par manque de place dans les hôpitaux. Cela fait partie des améliorations nécessaires, car les patients non suivis dans ces centres sont souvent inondés d’informations diverses et complexes, ce qui fait qu’eux et leurs familles se retrouvent isolés et dans le plus grand désarroi.
Face à ce destin implacable, en l’absence de traitement curatif, ce texte vise donc à améliorer la prise en charge sociale des malades et à faciliter l’accès aux aides et aux accompagnements. Ces besoins en accompagnement peuvent être des aides techniques ou humaines puisque six à sept intervenants doivent parfois se relayer chaque jour auprès des malades. Une véritable coordination est donc nécessaire pour mieux accompagner le patient et sa famille.
Aussi, dans son article 1er, le texte prévoit une procédure dérogatoire et accélérée du traitement des demandes d’adaptation du plan personnalisé de compensation du handicap des personnes atteintes de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles. En effet, pour les maladies dont l’évolution est parfois très rapide, le temps administratif de traitement du dossier ne correspond pas à celui de la progression de la maladie.
La durée moyenne d’instruction d’une demande de PCH par les MDPH varie en fonction du département et de la complexité du dossier. Il n’est pas rare – c’est d’ailleurs le plus courant – que celle-ci soit de plus de six mois pour les personnes atteintes de la maladie de Charcot. Au regard de la vitesse de progression de la maladie, il arrive que l’aide ne soit plus adaptée lorsqu’elle est accordée. Cette procédure est également complexe pour les familles, qui doivent multiplier les dossiers de demande à chaque fois qu’une nouvelle adaptation est nécessaire.
Ainsi, le texte prévoit que, à la suite d’une demande portée par une personne malade et sur la base d’une prescription médicale, un membre de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH pourra proposer directement à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, les adaptations du plan personnalisé de compensation nécessaires. La CDAPH devra, de plus, statuer de manière prioritaire sur ces adaptations, dès sa première réunion suivant la réception de la demande.
Au regard de l’évolutivité rapide et des spécificités de cette maladie, je salue l’amendement de Mmes les rapporteures, qui a pour objet une identification systématique, dès leur dépôt, de ces dossiers par la MDPH et leur traitement accéléré, en partenariat avec les centres de référence maladies rares en charge du suivi du patient concerné.
L’article 2 prévoit une autre avancée, attendue par les malades, à savoir l’exception à la barrière de 60 ans pour bénéficier de la prestation de compensation du handicap. En effet, il existe une différenciation, ou plutôt une inégalité, dans l’attribution des aides aux personnes atteintes notamment de SLA, selon que le diagnostic de maladie neurodégénérative est prononcé avant ou après 60 ans.
Au regard de la réglementation en vigueur, seules les personnes dont la maladie a été diagnostiquée avant 60 ans peuvent bénéficier d’aides financées par la prestation de compensation du handicap, les personnes dont la maladie a été diagnostiquée après 60 ans ne bénéficient que de l’APA, et ce alors même que les aides attribuées à ce titre ne permettent pas de financer l’ensemble des aides techniques dont le malade a besoin. N’étant par exemple pas incontinentes, les personnes atteintes de SLA n’ont pas droit au GIR 1, c’est-à-dire au montant d’aide maximal pouvant être accordé au titre de l’APA, alors que leur prise en charge est très lourde.
Pourtant, à terme, pour tous les malades, la prise en charge vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept est une nécessité.
Selon l’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, pour les aides techniques, le reste à charge total est de 8 000 euros dans le cadre de la PCH et de 16 000 euros – le double ! – dans le cadre de l’APA. Qui plus est, la PCH est plafonnée, ce qui conduit les patients à choisir parmi ces aides techniques. C’est intolérable !
À titre d’exemple, les malades doivent renoncer au fauteuil de type A1, sous peine de ne pouvoir bénéficier du fauteuil de type A2, plus complexe, qui devient pourtant rapidement nécessaire. Il existe également des robots pour aider les gestes des membres supérieurs, qui ne sont pas remboursés par l’assurance maladie et ne le sont qu’en partie seulement par la MDPH. Il est donc primordial de pouvoir faire bénéficier l’ensemble des malades, quel que soit leur âge, des aides au titre de la PCH.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera bien évidemment ce texte, qui représente une avancée que les patients et leur famille attendent.
Je souhaite néanmoins aller plus loin et évoquer les difficultés auxquelles sont encore confrontées les personnes atteintes de SLA et leurs familles.
Tout comme Mmes les rapporteures, pour ce qui concerne les matériels, je juge indispensable de permettre le remboursement de leur location et non plus uniquement celui de leur achat. Ces matériels pourraient ainsi être réutilisés ou réadaptés en fonction des patients.
De plus, les patients atteints de SLA se heurtent souvent au manque de personnel formé au maniement des aides techniques, par exemple aux techniques d’aspiration trachéale.
Bien plus, certaines sociétés de services à la personne refusent ce type de malades ou appliquent des tarifs plus élevés, ce qui entraîne un reste à charge extrêmement important.
Quand les malades souhaitent devenir particuliers employeurs, il reste à leur charge des frais comme les indemnités de fin de contrat ou de licenciement ou les frais inhérents à la médecine préventive du travail.
Il est donc primordial de renforcer la formation des auxiliaires de vie sociale (AVS), ainsi que leur rémunération, afin de rendre leur métier un peu plus attractif.
J’en viens aux aides financières. Si le fonds départemental de compensation du handicap peut octroyer des aides, notamment afin de financer l’achat de matériel, celles-ci sont accordées de manière très inégale en fonction des territoires. Tout dépend en effet de la situation financière de ces derniers et nous savons que celle-ci est loin d’être au mieux en ce moment !
Ainsi, d’un point de vue financier, sur l’ensemble des frais qu’ils engagent, le reste à charge demeure très important pour les malades et leur famille.
Afin d’améliorer la prise en charge des personnes atteintes de SLA comme de leur famille, il convient également de créer davantage de structures d’accueil adaptées à des personnes dont le handicap peut être lourd. C’est un point important. Au sein de ces structures pourraient cohabiter leurs proches, afin que ceux-ci puissent également avoir un peu de répit. Je fais ici référence à la question de l’habitat inclusif.
Avant de conclure, j’aborderai un sujet qui préoccupe également les personnes atteintes de SLA, celui de leur fin de vie.
Monsieur le ministre, en cet instant, je tiens à rendre un hommage particulier à Loïc Résibois, que nous avons auditionné à deux reprises avant l’été – d’une part, dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi, d’autre part, à l’occasion de l’examen du projet de relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie – et qui est décédé voilà quelques semaines. Je salue sa dignité et son courage. Son combat nous engage. J’espère que M. le Premier ministre tiendra sa promesse de présenter le texte sur la fin de vie au début de l’année prochaine.
Il est temps de répondre à ces souffrances tout simplement avec humanité, pour que chaque patient puisse vivre sa fin de vie avec sérénité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. Avant tout, monsieur Gilbert Bouchet, je tiens à saluer votre témoignage et votre courage.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot est liée à une dégénérescence des cellules qui dirigent et contrôlent les muscles volontaires centraux et périphériques.
La SLA est la plus fréquente des maladies des motoneurones, 1 000 nouveaux cas environ étant comptabilisés chaque année en France. Elle apparaît le plus souvent entre 50 et 70 ans. La forme familiale ne représente que 10 % des cas. Il n’y a pas de cause environnementale. La forme liée à l’atteinte de la moelle épinière entraîne des troubles de la motricité des membres supérieurs et inférieurs. La forme liée à des lésions du tronc cérébral entraîne des troubles de la parole et de la déglutition.
Les fonctions intellectuelles sont conservées tout au long de la maladie, ainsi que la vision, l’ouïe, le toucher. L’évolution est imprévisible : c’est une maladie progressivement handicapante. Un bilan doit être établi régulièrement pour permettre d’apporter les aides nécessaires.
Malheureusement, il n’existe pas de traitement efficace pour l’instant. L’espérance de vie est propre à chaque patient. Plusieurs études sont en cours pour permettre de prédire l’évolution de la SLA et pour développer des médicaments ou des thérapies cellulaires.
Le traitement actuel consiste surtout en une prise en charge pluridisciplinaire – kinésithérapie, traitement myorelaxant, orthophonie – et une prise en charge de la dénutrition, et ce au travers d’un réseau de référence dans une vingtaine de CHU en France, notamment à Lyon, où le diagnostic est réalisé. Les frais médicaux sont remboursés à 100 %, mais tel n’est pas le cas des aides nécessaires.
Cette proposition de loi de Gilbert Bouchet et Philippe Mouiller vise à améliorer la prise en charge de l’accompagnement, qu’il soit humain ou technique, compte tenu de l’évolution rapide des troubles moteurs entraînés par la maladie.
Actuellement, avant 60 ans, après le diagnostic de SLA, le patient s’adresse à la MPDH dans laquelle la CDAPH prend la décision d’attribuer la PCH, sur la base de l’évaluation de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH. Les délais moyens de traitement de ces demandes sont de six mois, ce qui est parfaitement incompatible avec l’évolution rapide de la maladie.
Si elle était adoptée, cette proposition de loi contribuerait à corriger cette difficulté en instaurant une procédure dérogatoire de traitement des demandes de PCH pour les maladies « d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles », telles que la SLA. Ces dossiers de demande seraient alors étudiés en priorité sur la base de l’évaluation du centre de référence SLA.
Par ailleurs, les centres de référence procédant tous les trois mois à une évaluation du patient, la MDPH pourrait désormais s’appuyer sur ces évaluations pour étudier les demandes d’adaptations du plan de la PCH, ce qui permettrait de réduire les délais.
Ce texte vient corriger une seconde anomalie. Actuellement, les personnes diagnostiquées après 60 ans ne peuvent percevoir que l’APA, laquelle se révèle souvent moins avantageuse que la PCH. Il s’agit donc de lever la barrière d’âge pour l’attribution de la PCH aux personnes atteintes de la SLA ou de pathologies similaires, afin que celles-ci bénéficient de l’aide nécessaire.
Enfin, l’article 3 du texte prévoit une participation financière de la CNSA aux départements pour compenser le surcoût des nouvelles dépenses de PCH.
La proposition de loi de Gilbert Bouchet et de Philippe Mouiller est tout à fait pragmatique et pertinente pour améliorer la prise en charge de la SLA et de pathologies similaires.
Je remercie et je félicite les rapporteures Corinne Féret et Laurence Muller-Bronn. Elles ont fait évoluer positivement cette proposition de loi.
M. Gilbert Bouchet. Bravo !
M. Daniel Chasseing. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Chantal Deseyne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves, dont nos collègues Gilbert Bouchet et Philippe Mouiller sont à l’origine.
Je tiens tout d’abord à saluer les auteurs de ce texte – tout particulièrement Gilbert Bouchet pour son engagement face à cette maladie. Leur initiative témoigne d’une véritable sensibilité aux besoins criants des malades et de leurs familles, qui se battent au quotidien contre cette pathologie. En inscrivant cette question à l’ordre du jour de nos travaux, ils prouvent qu’ils sont non seulement des législateurs, mais aussi des acteurs sensibles et engagés dans une cause juste.
Je ne reviens pas sur l’évolution de la maladie, qui a déjà été rappelée. Il s’agit d’une maladie qui progresse rapidement, à un rythme qui est spécifique à chaque patient, rendant difficile toute anticipation des besoins de compensation.
Pour les patients ayant déclaré la maladie avant 60 ans, ces aides peuvent être financées par la PCH. Cependant, le délai de traitement des demandes par les maisons départementales des personnes handicapées est souvent en décalage avec la progression de la maladie.
Bien que la réglementation prévoie un délai de quatre mois pour que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées statue sur l’attribution de cette prestation, ce délai peut atteindre six ou neuf mois dans certains départements. Or le protocole national de diagnostic et de soins pour la SLA recommande des bilans trimestriels et des ajustements réguliers. Cela signifie que la prise en charge n’est pas toujours immédiate, ce qui oblige souvent les familles à avancer les frais.
Des procédures d’urgence existent, comme la PCH provisoire, permettant au président du conseil départemental d’accorder une prestation dans un délai de quinze jours ouvrés. Toutefois, ces dispositifs manquent de garanties uniformes et leur application reste inégale selon les départements.
Comme cela a été rappelé, une autre inégalité touche les personnes dont la maladie évolue après 60 ans. Elles ne peuvent plus bénéficier de la PCH et doivent se tourner vers l’APA, qui est beaucoup moins favorable. Le reste à charge pour les familles est estimé à 8 000 euros si le patient bénéficie de la PCH, mais grimpe à 16 000 euros lorsqu’il est éligible à l’APA.
Il est important de souligner que la majorité des personnes atteintes de SLA sont concernées par l’APA. Les données fournies par la FilSLAN montrent en effet que 79 % des patients atteints de SLA ont plus de 60 ans, 21 % ayant moins de 60 ans. En d’autres termes, les trois quarts des malades relèvent du régime de l’APA, qui est moins avantageux.
Cette situation appelle une réforme de la prise en charge afin d’alléger le fardeau financier des familles et d’offrir un soutien équitable à tous les patients, quel que soit leur âge.
L’article 1er de cette proposition de loi introduit une procédure dérogatoire pour les personnes touchées par une maladie évolutive grave comme la SLA. Cette procédure permettra d’accélérer l’adaptation des plans de compensation par la MDPH, afin de répondre aux besoins urgents des patients sans passer par la procédure standard.
L’article 2 prévoit d’autoriser l’accès à la PCH même après 60 ans pour les personnes dont la maladie évolutive grave est diagnostiquée plus tardivement, supprimant ainsi la barrière d’âge.
L’article 3 prévoit un financement supplémentaire de la CNSA pour soutenir cette mesure.
Ce texte représente une avancée significative vers une prise en charge plus équitable et plus rapide des personnes atteintes de SLA et d’autres maladies évolutives graves.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous invite à soutenir très largement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Véronique Guillotin et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce jour d’examen de la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves, je tiens à exprimer à Gilbert Bouchet mon amitié et mon admiration pour son courage face à la maladie et sa mobilisation afin de faire aboutir ce texte. Les membres du groupe RDPI se joignent à moi.
Le texte dont nous entamons la discussion a pour objet d’améliorer la prise en charge des personnes atteintes de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), que nous connaissons mieux sous le nom de maladie de Charcot.
Cette maladie neurodégénérative rare est due à une dégénérescence progressive des motoneurones. Cette maladie vous crucifie en neutralisant les muscles un à un. Elle se caractérise par un affaiblissement progressif des muscles des jambes et des bras, des muscles respiratoires, ainsi que des muscles de la déglutition et de la parole.
Sa survenue est imprévisible, son évolution rapide. À tout moment, une vie peut basculer. De multiples formes de handicap apparaissent alors au fil de l’évolution de la maladie, rendant les gestes de la vie quotidienne difficiles, voire impossibles.
Les besoins d’aides humaines et techniques se font alors très nombreux. Il faut accomplir un véritable parcours du combattant pour les obtenir. C’est une double, voire une triple peine pour le malade et sa famille. En plus de la maladie et de la souffrance, les prises en charge financières ne sont pas adaptées, ce qui ampute gravement le budget des familles.
Si la prise en charge sanitaire des patients atteints de la maladie de Charcot s’appuie aujourd’hui sur une filière nationale de santé maladies rares et sur des équipes pluridisciplinaires, la prise en charge financière des patients atteints de cette maladie se révèle aujourd’hui inadaptée. Il s’agit d’y remédier. C’est là tout l’objet de cette proposition de loi.
Les démarches visant à obtenir la prestation de compensation du handicap auprès des MDPH pour les personnes ayant contracté cette maladie avant 60 ans se révèlent en effet trop longues et inadaptées à une pathologie aussi évolutive.
En moyenne, selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, il faut six mois, voire neuf mois dans certains départements, aux personnes atteintes de cette maladie pour que leur demande de prestation soit traitée. C’est trop long. S’il existe bien une procédure d’urgence, celle-ci est incertaine et inégalement appliquée selon les territoires.
Aux délais de traitement et aux conséquences financières qui en résultent pour les patients et leurs familles s’ajoute une inégalité d’accès liée à l’âge. Seules les personnes de moins de 60 ans ou ayant été diagnostiquées avant d’avoir atteint cet âge, ainsi que celles qui ont exercé une activité professionnelle au-delà de cet âge limite, peuvent ainsi bénéficier de la prestation de compensation du handicap.
L’allocation personnalisée d’autonomie qui se substitue alors ne permet pas de faire face aux besoins techniques et humains. Il en résulte un reste à charge important : 16 000 euros dans le cadre de l’APA, contre 8 000 euros dans le cadre de la PCH, selon l’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique.
Face à ce constat, vous proposez, cher Gilbert, chers collègues, d’aménager les procédures et les conditions d’accès à la prestation de compensation du handicap pour accélérer la prise en charge des patients et accroître le nombre de bénéficiaires.
Cette proposition de loi instaure ainsi une procédure dérogatoire de traitement des demandes d’adaptation du plan personnalisé de compensation du handicap devant la MDPH.
Elle introduit par ailleurs une exception à la barrière d’âge de 60 ans pour bénéficier de la PCH. Il faut en effet que cesse la différence de traitement entre ceux dont la maladie se serait déclarée avant 60 ans et les autres. Il s’agit là d’une nécessité quand on sait qu’environ les trois quarts des personnes atteintes de la maladie de Charcot relèveraient aujourd’hui de l’APA.
L’article 3 prévoit enfin le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aux départements afin de compenser le surcoût engendré par l’évolution de ce dispositif.
La commission des affaires sociales a adopté en commission plusieurs amendements visant notamment à rendre systématique l’identification par les MDPH, dès leur dépôt, des dossiers relatifs à une sclérose latérale amyotrophique ou à préciser les champs des maladies concernées.
Nous saluons ces apports.
Mes chers collègues, de nombreuses familles sont touchées par cette maladie : 1 700 nouveaux cas sont ainsi diagnostiqués chaque année. Nous ne pouvons rester insensibles et inactifs face aux difficultés que ces malades et leurs familles rencontrent.
Je félicite nos deux rapporteures de leur travail.
Sur ce sujet majeur, le groupe RDPI votera bien évidemment cette proposition de loi essentielle et tant attendue par les malades et leurs familles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je souhaite remercier le Premier ministre d’avoir entendu l’appel des associations en nommant une ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap. Je salue sa décision.
Cette proposition de loi que nous devrions adopter à l’unanimité – c’est bien ce qui semble se dessiner – vise à améliorer la prise en charge de la maladie de Charcot, dont aucun traitement curatif n’est connu à ce jour.
Proposé par nos collègues Gilbert Bouchet, dont je salue le courage, et Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales, dont je salue l’engagement, ce texte porte sur une maladie à laquelle nous sommes, tous ici, particulièrement sensibles. D’ailleurs, 318 d’entre nous l’ont cosigné.
La sclérose latérale amyotrophique, communément appelée maladie de Charcot, bouleverse la vie des personnes qui en sont atteintes et celle de leurs familles. Elle impose des défis émotionnels, médicaux et financiers immenses.
Caractérisée par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire, des muscles de la parole et de la déglutition, puis des muscles respiratoires, elle devient rapidement handicapante, jusqu’à rendre les patients prisonniers de leur corps.
Cela a été rappelé, la variabilité des symptômes et leur développement sont différents selon les patients. La prise en charge de cette maladie pernicieuse est donc particulièrement complexe, chaque patient nécessitant une approche personnalisée, qui évolue en fonction de ses besoins spécifiques et de la progression de la maladie.
Selon l’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, une trentaine d’aides techniques, complexes et onéreuses, sont ainsi nécessaires au cours de la durée de vie du malade à compter du diagnostic. À cela, il faut ajouter les aides humaines. Le reste à charge est significatif : il s’élève à 8 000 euros pour un bénéficiaire de la PCH, à 16 000 euros si le malade est éligible à l’APA.
Autre difficulté : la maladie progresse beaucoup plus vite que le temps qu’il faut aux MDPH pour traiter les dossiers, alors que les besoins du patient sont parfois dépassés !
À cela s’ajoute une injustice de traitement selon l’âge : le malade de plus de 60 ans bénéficie non pas de la PCH, mais de l’APA, laquelle est bien insuffisante pour accéder aux aides humaines et techniques.
La proposition de loi que nous examinons est très attendue : elle permettra d’aménager les procédures et les conditions d’accès à la prestation de compensation du handicap, pour les personnes atteintes. Les quelques modifications apportées par nos rapporteures, dont je salue le travail, ont amélioré le dispositif initial ; nous les en félicitons.
Ainsi, les dossiers relatifs à une pathologie comme la SLA seront traités prioritairement par la MDPH pour une prise en charge plus rapide des personnes concernées. Par ailleurs, les patients pour qui le diagnostic sera posé après l’âge de 60 ans pourront bénéficier de la PCH.
Ce texte nous offre surtout l’occasion de parler de la maladie de Charcot, la moins rare des maladies rares et « suffisamment forte pour gagner à tous les coups », selon la formule de l’« invincible » Olivier Goy.
Je crois utile de rappeler quelques chiffres, même s’ils ont déjà été évoqués. Chaque jour, cinq personnes décèdent de la sclérose latérale amyotrophique, et autant voient leur vie basculer à l’annonce de ce terrible diagnostic. Environ 8 000 personnes seraient actuellement atteintes en France. Selon certaines études européennes, le nombre de cas augmenterait de 20 % d’ici à 2040. Une fois le diagnostic posé, l’espérance de vie est en moyenne de trois ans à cinq ans.
Favoriser l’accès aux soins, améliorer la qualité de vie des patients, surtout, et de leurs proches, renforcer l’information et la formation des professionnels de santé et des aidants, soutenir la recherche – je crois que c’est essentiel – afin de développer de nouvelles thérapeutiques, mais également de s’occuper des autres maladies neurodégénératives, sensibiliser nos concitoyens à cette maladie au pronostic sombre : autant de défis qu’il nous appartient de relever collectivement !
Monsieur le ministre, avant la dissolution, Catherine Vautrin avait assuré que le remboursement intégral des fauteuils roulants, promesse du Président de la République, serait effectif avant la fin de l’année. Cette mesure de justice sociale est très attendue !
Mais il reste encore beaucoup à faire ! Je souhaite que nous poursuivions nos efforts dans la lutte contre la SLA. Nous le devons à tous ces « combattants ». C’est dans cet esprit que le groupe du RDSE apportera bien évidemment tout son soutien à la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, cher Philippe Mouiller, mes chers collègues, nous allons aujourd’hui nous prononcer sur la proposition de loi relative à l’amélioration de la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique, plus communément appelée maladie de Charcot, et d’autres maladies évolutives graves.
Le texte a été déposé par nos collègues Gilbert Bouchet et Philippe Mouiller, dont je tiens à saluer l’initiative et le travail. Je remercie également les rapporteures Laurence Muller-Bronn et Corinne Féret. Par ailleurs, j’associe à mon propos ma collègue Anne-Sophie Romagny, qui, étant retenue aujourd’hui, ne pourra pas s’exprimer avec moi au nom du groupe Union Centriste.
La maladie de Charcot est une maladie rare. Elle est aujourd’hui considérée comme la plus répandue des maladies impactant le neurone moteur en France. Entre 6 000 et 7 000 personnes sont actuellement concernées dans notre pays.
Nous ne disposons pas, à l’heure actuelle, de traitement capable de guérir ces patients. Cependant, nous avons la capacité d’apporter des améliorations aux dispositifs de prise en charge les concernant. C’est précisément sous cet angle que le présent texte aborde la maladie.
Tout d’abord, je souhaiterais faire un point de clarification. Si le texte concerne essentiellement les personnes atteintes de la maladie de Charcot, nous n’oublions pas les personnes atteintes de pathologies évolutives graves entraînant notamment une diminution de la capacité à marcher, à parler, à s’alimenter et à respirer. Ces personnes pourront également bénéficier des dispositions dont nous allons débattre.
Ensuite, j’aimerais vous dire quelques mots sur les spécificités de cette maladie, qui nécessite une prise en charge adaptée.
Les travaux de nos rapporteures ont mis en lumière les multiples formes de handicap qui apparaissent ainsi au fil de son évolution. Les activités simples de la vie quotidienne deviennent progressivement difficiles, voire impossibles. Toutefois, la chronologie et le rythme de progression de l’atteinte motrice sont spécifiques à chaque patient, ce qui empêche toute anticipation des besoins de compensation du handicap.
S’il est impossible de compenser les besoins par anticipation, il existe un dispositif de prise en charge permettant aux patients de faire face à leurs besoins du quotidien ; je pense par exemple aux aides humaines, ainsi qu’à l’adaptation de leur logement ou de leur véhicule. Les personnes dont la SLA a été diagnostiquée avant l’âge de 60 ans bénéficient d’une prise en charge à 100 % de leurs frais de santé par l’assurance maladie, et elles peuvent demander en complément une prestation de compensation du handicap.
Le cœur du texte est l’article 1er, relatif à l’efficacité du traitement des dossiers des personnes atteintes des pathologies précitées, afin de permettre à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de les identifier directement.
Pour que la personne puisse percevoir la prestation de compensation du handicap, la CDAPH doit se prononcer sur la base de l’évaluation de l’équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées.
La réglementation donne à la CDAPH un délai de quatre mois pour statuer sur une demande de PCH. Seulement, en réalité, ce délai varie selon les départements ; il peut doubler, voire, dans certains cas, aller jusqu’à neuf mois.
Les délais de traitement des dossiers, qu’il s’agisse d’une ouverture de droits ou d’une actualisation d’une demande de PCH, se révèlent bien trop longs au regard de la rapidité de l’évolution de la maladie.
En effet, les familles doivent souvent avancer les frais occasionnés par la compensation des handicaps, alors que les besoins du malade peuvent avoir changé avant même que la demande n’ait abouti.
Si des procédures spéciales existent pour permettre l’attribution d’une PCH de manière plus rapide, ce n’est qu’à titre provisoire.
C’est pour pallier la longueur de ces délais de traitement et leur inégalité selon les territoires que l’article 1er instaure une procédure dérogatoire des demandes de traitement des PCH dans le cas de maladies évolutives graves comme la SLA.
Un amendement des rapporteures en commission a d’ailleurs permis d’enrichir le dispositif en rendant systématique l’identification par la MDPH, dès leur dépôt, des dossiers relatifs à une telle pathologie et en prévoyant que ces dossiers soient traités en partenariat avec les centres de référence pour les maladies rares chargés du suivi des personnes concernées.
Toutefois, je souhaiterais soulever deux points de vigilance auxquels la commission a été attentive.
La rédaction initiale du texte prévoyait que la liste des maladies concernées par cette procédure dérogatoire serait fixée par arrêté. Cette formulation n’étant pas assez précise, la commission a fait le choix de circonscrire le champ des pathologies concernées en destinant le dispositif aux « pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles ».
Il est envisagé dans le texte d’introduire au sein de cette procédure dérogatoire la possibilité pour un membre de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH de proposer directement à la CDAPH, sur la base d’une prescription médicale ou de la prescription d’un ergothérapeute présentée par le demandeur, les adaptations nécessaires au plan personnalisé de compensation. La collégialité est un élément essentiel dans le traitement des dossiers des patients. Dans ces circonstances, il faudra veiller en pratique à ce que le membre de l’équipe pluridisciplinaire désigné pour proposer des adaptations à la MDPH ne soit pas soumis à une trop grande responsabilité.
L’article 2 renforce le dispositif prévu par l’article 1er en supprimant la condition d’âge, fixée à un âge inférieur à 60 ans au moment du diagnostic, pour bénéficier de la PCH. Actuellement, les personnes pour lesquelles le diagnostic de la SLA est posé après leur soixantième anniversaire ne peuvent pas bénéficier de la PCH. Une telle différence de traitement emporte des conséquences directes sur les conditions de vie des patients et sur leurs choix thérapeutiques.
Grâce à l’article 2, les personnes atteintes d’une telle pathologie pourraient également bénéficier du dispositif de l’article 1er dans les mêmes conditions que les patients âgés de moins de 60 ans. Cela me semble plus juste.
Enfin, l’article 3 prévoit un concours financier de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aux départements, afin de compenser le surcroît de dépenses de PCH occasionné par le dispositif.
Les gages financiers semblent souvent bien cosmétiques. Au moment où les budgets annoncent une maîtrise importante des dépenses, nous attendons que soient apportées des garanties, afin que les départements soient intégralement compensés de cette dépense supplémentaire.
Au regard des éléments étayés par les rapporteures et par les membres de la commission des affaires sociales, le groupe Union Centriste est bien évidemment favorable à l’amélioration de la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves. Il votera sans réserve la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de nos collègues Gilbert Bouchet et Philippe Mouiller nous invite à réfléchir à l’amélioration de la prise en charge des maladies évolutives graves, notamment celle de la sclérose latérale amyotrophique.
Je veux saluer ici le courage et la détermination de notre collègue Gilbert Bouchet, qui était présent à l’ouverture de cette séance. Je remercie également le président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, d’avoir cherché à associer largement à cette proposition de loi, indépendamment des divergences politiques sur d’autres sujets, pour qu’elle rassemble le plus possible de signataires. Après votre interpellation, monsieur le président, l’intégralité du groupe CRCE-K a su répondre présent en vingt-quatre heures sur cet objectif.
Cela a été souligné, la sclérose latérale amyotrophique, également appelée maladie de Charcot, est une pathologie neuromusculaire progressive dont on compte chaque année 1 700 nouveaux cas chez des personnes dont l’âge se situe entre 50 ans et 70 ans. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), son origine est encore complexe à déterminer, mais elle serait multifactorielle. Il existe des facteurs génétiques, mais également des facteurs environnementaux, comme l’exposition aux métaux lourds.
Monsieur le ministre, j’attire votre attention à cet égard. Dans le bassin minier du nord de la France, et plus particulièrement du Pas-de-Calais, nous subissons encore aujourd’hui les conséquences de la pollution au plomb des raffineries de métaux.
Je pense notamment – ma collègue Cathy Apourceau-Poly m’a demandé d’insister sur ce point – à l’entreprise Metaleurop, qui a contaminé au plomb les sols de la ville d’Évin-Malmaison ; on compte des milliers de victimes et des enfants atteints de graves troubles neurologiques.
Il y a donc un travail à effectuer pour éviter les contaminations en responsabilisant davantage les entreprises pollueuses.
Cette proposition de loi pointe les difficultés rencontrées par les malades à concilier l’évolution rapide de la maladie et les lenteurs administratives des délais de traitement des dossiers par les maisons départementales des personnes handicapées. Patienter en moyenne cinq mois apparaît à contretemps du rythme d’évolution de la maladie.
Vous proposez donc, mes chers collègues, de créer une procédure dérogatoire simplifiée et accélérée devant les MDPH. Selon le rapport de la commission des affaires sociales, cette procédure d’urgence existe déjà et permet d’attribuer une prestation à titre provisoire dans un délai de quinze jours. Dès lors, il faudrait la généraliser, afin de garantir aux personnes concernées des délais rapides, tout en maintenant l’analyse des besoins par une équipe pluridisciplinaire.
J’en profite pour rappeler notre attachement aux MDPH, dont la responsabilité dans les délais de traitement incombe principalement au manque de moyens humains et financiers mobilisés par les gouvernements successifs.
Nous étions inquiets des conséquences de la procédure dérogatoire pour les personnes handicapées en créant, finalement, un système à deux vitesses. Je le dis très sincèrement ici, nous sommes rassurés par les modifications introduites en commission pour limiter cette procédure dérogatoire aux pathologies d’évolution rapide causant des handicaps sévères et irréversibles.
La proposition de loi prévoit également la création d’une exception pour les personnes atteintes de la maladie de Charcot, afin de bénéficier de la PCH après 60 ans. La suppression de cette barrière d’âge de 60 ans est un progrès ; nous espérons une suppression totale à terme. Notre groupe – dois-je le rappeler ? – le demande depuis 2015 en déposant un amendement sur chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale ; comme la majorité sénatoriale l’a accepté dans ce texte, elle y sera, n’en doutons pas, favorable lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Je termine en évoquant le financement du dispositif. Le texte prévoit une compensation des dépenses aux départements par la CNSA. La contribution de cette dernière aux départements, dont les dépenses d’accompagnement de la perte d’autonomie progressent chaque année, est indispensable. Mais nous refusons – je le dis nettement – que les 30 millions d’euros supplémentaires reposent uniquement sur les salariés. La CNSA étant financée à 90 % par les salariés et les retraités, la solidarité des entreprises devrait jouer beaucoup plus fortement.
Loin de toute polémique sur ce texte, nous n’avons pas déposé d’amendement pour mettre à contribution les entreprises au financement de la perte d’autonomie. Pour autant, au pays de Voltaire et de Hugo, je demeure convaincue que, sur ce sujet comme sur d’autres, la question de la justice fiscale se pose pour répondre aux défis de notre société.
Vous l’aurez compris, notre groupe votera cette proposition de loi pour apporter une réponse concrète aux difficultés rencontrées par les personnes atteintes de maladies évolutives graves. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et RDSE ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons la nécessaire proposition de loi qui permet d’aménager les procédures et les conditions d’accès à la PCH pour les personnes atteintes de pathologies d’évolution rapide causant des handicaps sévères et irréversibles, comme la sclérose latérale amyotrophique, dite maladie de Charcot.
Pour nous, législateur, l’heure de modifier une procédure inadaptée est venue. En effet, bien que la CDAPH bénéficie de quatre mois pour statuer sur l’octroi de la PCH, en réalité, le délai moyen est de presque six mois, pouvant même aller jusqu’à neuf mois ! Il arrive ainsi que des patients reçoivent la décision de la commission ou les matériels demandés après leur décès ou alors que leur situation a nettement évolué, rendant le plan de compensation inadapté. Nous devions donc nous attaquer à ce dysfonctionnement.
Dans une tribune publiée au mois de juin 2023 dans le journal Le Monde, Valérie Goutines Caramel, présidente de l’association pour la recherche sur la SLA (Arsla), relève que le « temps nécessaire à l’administration pour statuer sur des dossiers ne coïncide pas avec le temps des malades, qui voient leur situation se dégrader inexorablement ». Elle ajoute qu’il est « urgent de repenser le parcours de soins et d’adapter les politiques publiques aux besoins réels des patients ».
Aussi, nous nous réjouissons que la proposition de loi instaure pour ce type de maladie une procédure dérogatoire de traitement des demandes d’adaptation du plan PCH et qu’elle en permette le bénéfice aux personnes dont la maladie s’est déclenchée après 60 ans. En effet, la majorité des personnes atteintes de la maladie de Charcot relèvent de l’APA, qui couvre mal les nombreuses aides techniques dont elles ont besoin. Il est choquant que beaucoup renoncent ainsi à certains dispositifs médicaux pour des raisons financières, creusant les inégalités sociales de santé.
Les personnes handicapées subissent déjà une perte de revenus, alors qu’elles font face à de multiples coûts supplémentaires liés à leur handicap. Selon l’Observatoire des inégalités, plus le handicap est sévère, plus le revenu est faible, et le niveau de pauvreté élevé. L’économiste Thomas Blavet constate que, selon les estimations, le surcoût lié au handicap serait plus important quand la personne handicapée est âgée de moins de 60 ans que quand elle est âgée de 60 ans et plus, quelle que soit la configuration familiale, y compris à cause des critères d’éligibilité à la PCH.
Il faut donc aller plus loin et appliquer enfin l’article 13 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui prévoit la fin de la « distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge » de survenue du handicap, et ce dans l’attente d’une prestation unique d’autonomie pour tous, personnes handicapées comme personnes âgées, et de la fin de la barrière d’âge, que les écologistes appellent de leurs vœux.
Il faut aussi diminuer le reste à charge, qui est encore souvent trop important, même pour les personnes qui reçoivent la prestation. Selon l’association pour la recherche sur la SLA, le reste à charge total sur les aides techniques est deux fois plus important dans le cas de l’APA que dans celui de la PCH.
L’accompagnement des aidants et des aidantes doit aussi être amélioré et les effets de leur rôle sur leur santé physique comme psychologique doivent être mieux pris en compte.
En outre, nous invitons à un effort de financement de la recherche sur d’éventuelles incidences de facteurs environnementaux. Selon une fondation dédiée exclusivement à la recherche sur la maladie de Charcot, « bien qu’aucune cause environnementale directe – j’insiste sur l’adjectif “directe” – n’ait été retenue, les recherches épidémiologiques effectuées partout dans le monde démontrent d’une manière constante que les facteurs environnementaux peuvent jouer un rôle dans le déclenchement de la maladie ». Ils peuvent soit l’accélérer, soit, au contraire, le retarder. Nous pouvons mentionner le tabac, qui est évidemment un facteur d’accélération, le sport de haut niveau, l’exposition à des pesticides, aux métaux lourds ou encore à une toxine présente dans certaines algues.
Nous soutenons également d’autres demandes de l’association pour la recherche sur la SLA, comme l’accélération du diagnostic pour mettre fin à l’errance des patients, le renforcement de la coordination du parcours de soins, l’amélioration de l’évaluation et du financement des nouvelles thérapeutiques.
Enfin, nous nous félicitons que la commission ait adopté des amendements tendant à bonifier le texte ; ces mesures vont dans le sens de propositions émanant du Conseil national consultatif des personnes handicapées et renforcent la coordination entre les équipes des centres de référence pour les maladies rares, chargées de l’expertise médicale, et les équipes des MDPH, ce qui permet d’améliorer le délai de réponse aux besoins des malades.
Vous l’avez compris, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera avec détermination cette utile proposition de loi. (M. Philippe Mouiller et Mme Évelyne Perrot applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. « Un philosophe qui a traversé et ne cesse de traverser plusieurs états de santé a passé par autant de philosophies. » Avec Nietzsche, dans Le Gai Savoir, on voit, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la maladie comme un instrument de connaissance : le corps pense.
Le corps pense, et il s’agit d’harmoniser le corps et l’esprit… avec sagesse !
Législateurs, nous souhaitons être artisans de l’harmonisation, aider l’homme à exercer son corps dans l’état qui se dégrade et l’enfermement dans un monde sans mouvement physique possible. La SLA est probablement une des maladies les plus dramatiques ; elle illustre cette pensée et, pour nous, la nécessité d’agir.
Le texte qui nous réunit ce jour a pour objet l’amélioration de la prise en charge sociale des personnes atteintes de maladies évolutives graves comme la sclérose latérale amyotrophique, en facilitant l’accès aux aides et aux réseaux de professionnels au chevet des patients.
J’ai connu cinq cas. Trois sont des proches : René, mon premier adjoint ; Michèle, la présidente de l’association des élus de mon canton ; Jean Manuel, mon ami et confrère vétérinaire. Ma pensée et ma voix sont pour eux aujourd’hui.
Elles sont également pour Loïc Résibois, voisin samarien, que j’ai rencontré et qui est parti trop tôt, voilà quelques semaines. Vous l’aviez auditionné ici dans le cadre des travaux sur le texte relatif à la fin de vie. Son épouse poursuit le combat.
Grâce à Gilbert Bouchet, dont je salue le courage, la présence et le témoignage, grâce aussi à l’engagement de Philippe Mouiller, le Sénat a souhaité entendre la voix de ceux que la maladie emprisonne dans leur corps et celle des aidants qui accompagnent la souffrance.
Dépourvu de la capacité de soulager, le législateur décide aujourd’hui d’alléger administrativement et financièrement les personnes en perte d’autonomie.
Ce texte se distingue de celui sur la fin de vie, qui prolonge les demandes des malades atteints par cette pathologie d’avoir l’assurance de pouvoir choisir l’issue. Il permet en premier lieu d’amoindrir l’anxiété d’une fin prédite comme épouvantable par un accompagnement facilité et adapté.
Aujourd’hui, la SLA, ce sont 8 000 patients ; ce sont cinq nouveaux diagnostics par jour. Cette maladie concerne l’ensemble de la population, jeunes ou seniors. Mon département, la Somme, fait l’objet d’une attention particulière, car cinq cas ont été recensés en quinze ans dans une même rue, et l’agence Santé publique France a été saisie.
Je le rappelle, 89 % des malades expriment l’envie de vivre et le besoin de moyens pour combattre la maladie. Cela passe par l’accès à des traitements innovants, mais aussi par une prise en charge qui entende les besoins évolutifs, dans un cadre administratif respectant les souffrances et la nécessité d’anticiper l’urgence des besoins et leur évolution, comme l’accompagnement technique pour le bien-être physique, mais aussi la vie sociale, via l’assistance humaine, la communication ou les distractions culturelles.
Le 5 juin dernier, la commission des affaires sociales du Sénat, sous la présidence de notre collègue Philippe Mouiller, a adopté la présente proposition de loi, qui met en place une procédure dérogatoire devant la MDPH pour déclencher le plan personnalisé de compensation du handicap, lève le critère de 60 ans pour l’obtention de la PCH et compense le surcroît de dépenses occasionnées avec le concours financier de la CNSA aux départements.
La grande majorité des malades SLA vivent à domicile, où leur sont prodigués les soins et les mesures d’accompagnement. Les plus proches organisent l’aménagement du logement selon les normes requises. Encore faut-il que la réalisation soit techniquement possible, dans les temps, et que la capacité financière du malade et de la famille soit suffisante pour anticiper les besoins à venir au rythme de la maladie.
Les aides humaines – je pense aux soins médicaux, aux soins corporels, aux repas, ainsi qu’aux matériels, comme le fauteuil roulant électrique, le lit médicalisé, le lève-malade – et les logistiques d’assistance par intelligence artificielle, comme les commandes vocales et audio pour téléphone, télévision, ordinateur, lumière et autres appareils, représentent des dépenses importantes.
Les retours d’expérience concernant la situation des malades vivants seuls sont souvent dramatiques. Mais je dois saluer l’exemple du Morbihan, qui mérite d’être suivi.
À la différence de ce qui se pratique pour la maladie d’Alzheimer, il n’existe pas d’établissement d’accueil dédié ponctuellement ou définitivement, en dehors du service hospitalier de soins palliatifs – quand il y en a un ! –, lorsque le patient est en situation de fin de vie.
Fort heureusement, les associations pallient le vide, proposant une écoute aux malades et à leurs aidants et les orientations pour trouver des solutions au rythme de l’évolution de la maladie. Elles ont accompagné depuis quarante ans 35 000 patients et proches. Je tiens à les remercier, comme je tiens à remercier Gilbert de son témoignage, ainsi que la commission des affaires sociales de l’attention portée à cette pathologie bien particulière qu’est la maladie de Charcot en dehors du débat sur la fin de vie.
Le choix est celui de parler de la prise en charge d’un combat outillé contre cette terrible maladie avec l’assurance que les prises en charge seront facilitées pour l’ensemble des malades, quel que soit l’âge au moment de la déclaration de la maladie.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Laurent Somon. Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains votera le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie Mercier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, cher Gilbert, c’est Marguerite Yourcenar qui a su parler de la dégradation physique. Elle disait ceci : « Corps, mon vieux compagnon, nous périrons ensemble. Comment ne pas t’aimer, forme à qui je ressemble, puisque c’est dans tes bras que j’étreins l’univers ? »
Je ne reviendrai pas sur la description de la SLA. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui crée une procédure dérogatoire devant la MDPH pour les maladies évolutives graves comme la SLA. Il est envisagé de supprimer la limite d’âge de 60 ans pour l’accès à la prestation de compensation du handicap. Les personnes de plus de 60 ans ne peuvent évidemment bénéficier que de l’APA, dont le montant est, bien évidemment aussi, insuffisant pour couvrir les besoins spécifiques liés à de telles pathologies.
Cette proposition de loi est une avancée certaine, mais les patients méritent encore davantage. Sans traitement curatif, seuls les traitements symptomatiques améliorent vraiment significativement la qualité de vie des patients. À ce titre, je veux insister sur le rôle capital des aidants. La recherche sur la SLA et autres maladies neurodégénératives graves progresse, mais des défis importants demeurent. Des associations comme l’Arsla jouent un rôle crucial en finançant des projets de recherche, mais il faut augmenter la prise en charge de ces pathologies complexes, développer des thérapies plus efficaces et, à terme, évidemment, trouver un traitement curatif.
Mais, pour cela, monsieur le ministre – nous comptons sur vous –, il faut des moyens. Si la France se positionne à l’avant-garde de la recherche sur les maladies graves, cancers, maladies rares, avec une organisation de la recherche reconnue à l’échelle internationale, elle doit absolument maintenir une politique volontariste et solidaire, impliquant une forte mobilisation de l’ensemble des partenaires du système de santé et de recherche. Un financement adéquat et pérenne est nécessaire. Car, malgré des efforts notables, les financements publics alloués à la recherche sur ces maladies restent insuffisants face aux besoins, et certaines pathologies bénéficient de financements plus importants que d’autres, ce qui crée des disparités dans l’avancement des recherches.
Les coûts élevés de la recherche de pointe, les difficultés de financement des essais cliniques, la complexité des partenariats public-privé, freinés par des procédures administratives et juridiques longues et coûteuses et – osons le dire – par des divergences d’intérêts ou de priorités sont autant d’obstacles à surmonter.
La France doit continuer à investir dans la recherche sur les maladies graves, veiller à une répartition plus équitable des ressources, favoriser des financements pérennes et des collaborations efficaces entre tous les acteurs concernés. Elle doit absolument maintenir son niveau d’excellence au service des patients.
La loi vient des gens. Merci, cher Gilbert, mon voisin d’hémicycle, d’avoir contribué à la rédaction de cette proposition de loi ! Merci à nos patients, qui nous donnent de formidables leçons de vie ! Merci à Olivier Goy, qui écrit dans son livre Invincible : « La mort ne va pas m’empêcher de vivre et de vivre intensément. » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE et RDPI.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves
Article 1er
La section 2 du chapitre VI du titre IV du livre Ier du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifiée :
1° (nouveau) Après l’article L. 146-7, il est inséré un article L. 146-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 146-7-1. – La maison départementale des personnes handicapées identifie, à leur dépôt, les demandes de compensation des personnes atteintes de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et des personnes handicapées.
« Elle organise le traitement de ces demandes en partenariat avec les centres désignés en qualité de centre de référence pour une maladie rare ou un groupe de maladies rares dont l’expertise porte sur les pathologies mentionnées au premier alinéa. » ;
2° Avant le dernier alinéa de l’article L. 146-8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À la demande de la personne concernée, lorsque ses besoins de compensation et d’accompagnement résultent des conséquences d’une pathologie mentionnée à l’article L. 146-7-1, un membre de l’équipe pluridisciplinaire propose à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées l’attribution des droits et prestations et les adaptations du plan personnalisé de compensation du handicap nécessaires au regard de l’évaluation d’un centre désigné en qualité de centre de référence pour une maladie rare ou un groupe de maladies rares, ou déterminées par une prescription médicale ou par la prescription d’un ergothérapeute présentée par le demandeur. La commission statue sur ces adaptations lors de sa première réunion suivant la réception de la demande. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article.
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cher Gilbert, ce n’est pas sans émotion que je prends la parole à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique.
J’ai une pensée toute particulière pour notre collègue Gilbert Bouchet, à qui j’apporte mon soutien en toute amitié. Je les remercie, lui et Philippe Mouiller, de s’être emparés de ce sujet éprouvant pour les patients atteints de cette maladie neurodégénérative, qui touche chaque année 1 000 nouvelles personnes.
Ces patients ont besoin, comme leurs proches aidants, d’être accompagnés au mieux, ce qui nécessite en premier lieu de leur donner toute leur place au sein du débat public. Ne serait-ce que pour cette raison, il est précieux que la présente proposition de loi nous réunisse aujourd’hui pour continuer à sensibiliser les pouvoirs publics et les citoyens.
Notre mobilisation collective doit en effet être amplifiée, notamment en ce qui concerne les moyens alloués à la recherche.
J’ai assisté l’an dernier à la cérémonie des lauréats organisée chaque automne par l’association pour la recherche sur la SLA. Des témoignages de malades, d’aidants et de scientifiques qui l’ont ponctuée, j’ai retenu un cri du cœur contre le manque de fonds.
Pour l’heure, ce texte apporte des avancées concrètes à ceux qui se battent au quotidien contre cette maladie.
Son article 1er instaure ainsi une procédure dérogatoire de traitement des demandes d’adaptation du plan personnalisé de compensation du handicap pour l’ouverture des droits auxquels la personne atteinte de SLA peut prétendre, en fonction de ses besoins.
Ce cadre dérogatoire prend tout son sens au regard des spécificités de la maladie de Charcot et de la rapidité avec laquelle elle progresse.
Je pense toutefois, de manière plus générale, que les délais actuels de traitement des demandes – ils s’étendent bien au-delà des quatre mois prévus par la réglementation et peuvent atteindre neuf mois dans certains départements – doivent nous interroger et nous inciter à allouer aux maisons départementales des personnes handicapées les moyens de fonctionner dans de bonnes conditions.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Chasseing, Mmes Lermytte et L. Darcos, MM. Wattebled, V. Louault, A. Marc et Brault, Mme Herzog, MM. Canévet et Kern, Mme Sollogoub, M. Delcros, Mme Jouve et M. Chatillon, est ainsi libellé :
Alinéa 6, dernière phrase
Après le mot :
ces
insérer les mots :
attributions et
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. L’article 1er prévoit que l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH réalise un bilan sur le handicap et la dépendance, puis que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées statue sur les demandes d’adaptation du plan personnalisé de compensation du handicap lors de sa première réunion suivant la réception de la demande.
Le présent amendement vise à ce que cette dernière obligation s’applique également aux demandes d’attribution des droits et prestations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. Cette proposition est cohérente avec les travaux de la commission des affaires sociales, qui souhaite que la procédure dérogatoire s’applique non pas seulement aux adaptations du plan personnalisé de compensation du handicap, mais dès l’ouverture des droits et l’attribution des prestations. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Le II de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les personnes d’un âge supérieur à la limite mentionnée au I mais dont les besoins de compensation résultent des conséquences d’une pathologie d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles mentionnée à l’article L. 146-7-1 du présent code. »
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Paul Christophe, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je partage pleinement votre objectif d’améliorer la prise en charge des personnes atteintes de SLA, sur les plans tant de l’accompagnement que de l’adaptation de leur domicile ou de leur véhicule.
Pour des questions d’équilibre et d’égalité – le président Mouiller et moi-même en discutions hier encore –, les moyens pour y parvenir me semblent néanmoins plus ouverts.
Je considère à ce titre qu’il est possible d’améliorer certains dispositifs existants. Je pense en particulier à l’hospitalisation à domicile ou encore aux 200 centres de ressources territoriaux (CRT), dont les interventions pluridisciplinaires à domicile sont rapides à mettre en œuvre et n’entraînent – point important – aucun reste à charge pour les personnes concernées.
Ces centres, dont le nombre sera porté à 500 d’ici à 2028, disposent généralement de médecins, d’infirmiers et d’ergothérapeutes tout à fait opérants.
Il est donc possible de les renforcer et de les spécialiser davantage, avec l’appui des agences régionales de santé. Celles-ci pourraient identifier au moins un CRT par département et lui confier une mission spéciale d’accompagnement des personnes âgées atteintes de maladies rares, quand ces maladies entraînent une perte d’autonomie rapide et importante.
Soyons attentifs à ne pas exposer demain les départements à un risque de traitement inéquitable entre les personnes en situation de handicap, selon l’âge de survenue de leur maladie.
Cette volonté nous anime tous, me semble-t-il, et nous pouvons nous prémunir contre ce risque en travaillant avec les collectivités concernées.
Dans sa récente déclaration de politique générale, le Premier ministre nous a invités à coconstruire soigneusement nos politiques publiques. Voilà une précaution à laquelle – je n’en doute pas – votre assemblée est particulièrement sensible.
Il nous faudra sans doute continuer à y travailler, en parallèle, pour préparer l’avenir. En somme, mesdames, messieurs les sénateurs, il nous faut agir vite et bien, mais aussi dans la durée. Je sais pouvoir compter sur vous.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, je salue votre ouverture sur la question de la prise en charge des malades atteints de SLA.
Le Sénat est une chambre pragmatique. Vous nous offrez la possibilité de faire évoluer le dispositif et de nous appuyer sur ce maillage territorial de près de 500 centres.
Toutefois, en dépit de récentes améliorations, cette organisation n’est pas encore opérationnelle. Ce sont pourtant des réponses immédiates qu’attendent les malades, au premier rang desquels Gilbert Bouchet.
Faisons en sorte que ce texte s’applique le plus rapidement possible, quitte à travailler par la suite sur ses évolutions afin de lever les dernières ambiguïtés.
Par pragmatisme, le Sénat préfère tenir les choses et les rendre opérationnelles. Il saura les faire évoluer en fonction des intérêts communs.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Le 3° de l’article L. 223-8 du code de la sécurité sociale est complété par un g ainsi rédigé :
« g) Du surcroît du coût mentionné au b du présent 3° résultant de l’application du 3° du II de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles ; » – (Adopté.)
Article 4
I. – Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
II. – Les conséquences financières résultant pour l’État du I sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – Les conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
Mme Cécile Cukierman. Il y a un début à tout, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Paul Christophe, ministre. Je salue le pragmatisme évoqué à l’instant, ainsi que notre volonté commune d’avancer collectivement sur un sujet auquel nous sommes tous sensibles.
Afin de récompenser la belle unanimité dont vous avez témoigné dans vos prises de parole, mon amendement tend à lever le gage.
S’il ne présume pas des travaux de la navette parlementaire, il témoigne de l’engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Merci !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Féret, rapporteure. Cet amendement ayant été déposé très tardivement, la commission n’a pas pu l’examiner.
À titre personnel, j’y suis naturellement favorable. Je remercie le Gouvernement de son soutien à cette proposition de loi.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l’ensemble de la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 8 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l’adoption | 335 |
Le Sénat a adopté. Et je constate qu’il l’a fait à l’unanimité ! (Applaudissements prolongés.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je salue ce vote unanime et tiens à remercier les collègues qui se sont impliqués sur ce texte, le Gouvernement pour sa mobilisation – la levée de gage est un signe –, ainsi que nos rapporteures pour le travail réalisé. J’adresse également, bien entendu, un message chaleureux à Gilbert Bouchet.
Monsieur le ministre, nous avons écouté attentivement votre première intervention au Sénat. Le message était important, au nom de cette cause qui nous rassemble très largement.
Le texte va maintenant poursuivre son chemin parlementaire et devrait être repris par l’Assemblée nationale. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous espérons que vous mettrez le même enthousiasme à l’y défendre. Puisse la parole du Sénat se traduire en actes le plus rapidement possible. Nous le devons aux malades et à l’Arsla. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures douze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, présentée par Mme Annick Billon, M. Bruno Retailleau, Mme Françoise Gatel et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 551 rectifié [2023-2024], texte de la commission n° 662 [2023-2024], rapport n° 661 [2023-2024]).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
Texte élaboré par la commission
Mme la présidente. Je donne lecture du texte élaboré par la commission.
proposition de loi visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet
Article unique
I. – À l’article L. 2113-8-1 A du code général des collectivités territoriales, les mots : « la première réunion du conseil municipal, celui-ci », sont remplacés par les mots : « le premier renouvellement général des conseils municipaux intervenant après ladite création, le conseil municipal ».
II. – Sous réserve des décisions de justice ayant force de chose jugée, le I est applicable aux communes nouvelles dont le conseil municipal n’a pas fait l’objet d’un renouvellement à la date de publication de la présente loi.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, à la rapporteure de la commission des lois pendant sept minutes, puis au Gouvernement et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.
La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l’examen de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, le rapporteur de la commission des lois, notre ancien collègue Jean-Patrick Courtois, accueillait « sans optimisme excessif » l’institution des communes nouvelles, dont le succès ne semblait pas assuré.
Ce fut ainsi avec prudence que le Sénat adopta ce dispositif, restant attentif à la nécessité « de favoriser les regroupements qui permettront aux élus de conduire véritablement une politique locale ».
Il était alors évident que ce dispositif conçu sur des bases théoriques nécessiterait des ajustements ultérieurs pour atteindre pleinement ses objectifs. Il revenait donc naturellement à notre assemblée de veiller, en s’appuyant sur des retours d’expérience, à répondre concrètement à ses difficultés d’application sur le terrain.
C’est dans cet esprit que s’inscrit la présente proposition de loi, dont je salue les auteurs. Elle contribue à résoudre une incohérence du régime juridique en vigueur tout en assurant l’attrait du modèle des communes nouvelles.
La commission a adopté la proposition de loi à l’unanimité dans le cadre de la procédure de législation en commission, en y apportant une simple clarification rédactionnelle.
Pragmatique, ce texte tend à assouplir le dispositif applicable aux communes nouvelles récemment créées en cas de démission ou de décès du maire.
En principe, l’élection du maire et de ses adjoints nécessite un conseil municipal complet. Ce principe général est propre à assurer la pleine représentativité de la commune dans son organe exécutif.
Il connaît toutefois des exceptions : dans les communes de moins de 500 habitants, le conseil municipal est ainsi « réputé complet » même si deux sièges sont vacants.
Par ailleurs, des procédures allégées permettent de compléter le conseil municipal sans procéder à son renouvellement intégral. Citons le recours aux suivants de liste dans les communes de plus de 1 000 habitants et l’organisation d’élections partielles complémentaires dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Toutefois, pour une jeune commune nouvelle, il est impossible de recourir à de telles procédures allégées : un renouvellement intégral s’impose. Or, cela pose des difficultés spécifiques, ce renouvellement ayant pour effet la réduction brutale de la taille du conseil municipal, jusqu’alors composé de l’ensemble des conseillers municipaux des anciennes communes.
Face à ces difficultés, une première exception au principe de complétude du conseil municipal a été introduite par la loi du 1er août 2019 visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, dite loi Gatel : l’exécutif d’une commune nouvelle récemment créée peut être élu par un conseil municipal incomplet, intervenant avant la première réunion du conseil municipal.
Cette exception est toutefois limitée dans son application : elle ne couvre que la courte période allant de la création de la commune nouvelle à la première réunion de son conseil municipal.
Par conséquent, les auteurs de la proposition de loi souhaitent que les règles de droit commun relatives à l’obligation de renouvellement du conseil municipal incomplet ne s’appliquent pas aux communes nouvelles jusqu’au premier renouvellement général, et non jusqu’à la seule première réunion du conseil municipal.
Le renouvellement anticipé du conseil municipal serait obligatoire seulement dans l’hypothèse où ce dernier aurait perdu le tiers de ses membres.
Cette modification, qui tend à éviter un renouvellement intégral prématuré, rejoint la volonté constante du législateur de faciliter la transition de l’ancienne commune vers la commune nouvelle, en s’appuyant sur un modèle de retour progressif au droit commun.
Les aménagements successifs du régime des communes nouvelles, intervenus en 2015 et en 2019, visent à ce titre plusieurs objectifs : premièrement, éviter l’exclusion rapide des élus des anciennes communes, ceux-là mêmes auxquels on doit l’initiative du projet de fusion ; deuxièmement, assurer la représentation de toutes les communes historiques ayant fusionné ; troisièmement encourager l’adhésion au projet de fusion et permettre l’adaptation des anciens projets communaux au nouveau cadre en formation.
Une période transitoire se déroulant en deux phases est ainsi prévue.
Dans un premier temps, les communes nouvelles récemment créées peuvent maintenir en fonction l’ensemble de leurs conseillers municipaux.
Dans un second temps, lors du premier renouvellement du conseil municipal de la commune nouvelle, le nombre de membres est ajusté pour correspondre à celui qui est prévu pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure.
À titre d’exemple, si deux communes comptant respectivement 1 000 et 300 habitants décident de fusionner, elles passeraient d’un effectif de vingt-six conseillers municipaux au moment de leur création à dix-neuf conseillers après le premier renouvellement.
Ce n’est qu’à partir du deuxième renouvellement général que l’effectif du conseil municipal, déterminé en fonction de sa strate démographique réelle, se conformerait au droit commun.
La présente proposition de loi garantit, à cet égard, une nécessaire continuité dans la gouvernance des communes nouvelles. Il convient en effet que les jeunes communes nouvelles ne soient pas lésées par des dispositions générales mal adaptées au cadre juridique qui leur est applicable.
La proposition de loi permet de satisfaire à cet objectif sans instaurer de régime dérogatoire disproportionné : il s’agit d’assurer l’efficacité de la période transitoire prévue par la loi dans l’hypothèse spécifique de la démission ou du décès du maire.
Elle le fait sans remettre en cause les situations légalement acquises, ni altérer la substance du cadre transitoire, ni dépasser ses limites.
Le présent texte contribue à affiner le dispositif existant avec pragmatisme. La commission des lois vous propose donc de l’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Daniel Chasseing et Michel Masset applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Évelyne Perrot. Bravo !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure Nadine Bellurot, madame la sénatrice Annick Billon, auteure de cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que nous examinons aujourd’hui illustre la nécessité de trouver des solutions adaptées à des situations qui n’avaient pas été forcément anticipées par le législateur, mais qu’il nous faut résoudre avec intelligence et clarté, en veillant à garantir la sécurité juridique.
La création des communes nouvelles est – je le rappelle – à la seule main des élus locaux. L’inventeur de ce dispositif, l’ancien président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard, souhaitait que toutes les communes soient fortes et vivantes. Il considérait que le rapprochement de communes volontaires pouvait être, en cas de nécessité, un gage d’efficacité.
Au 1er janvier 2024, notre pays comptait 796 communes nouvelles regroupant 2 500 communes et 2,5 millions d’habitants.
La présente proposition de loi vise à améliorer la règle de droit. Si nos communes nouvelles donnent « satisfaction » – elles sont créées sur l’initiative des élus locaux –, elles peuvent néanmoins se trouver, malgré les améliorations et ajustements législatifs successifs, dans une situation absolument unique.
Prenons l’exemple de Rives-du-Fougerais, une commune nouvelle de Vendée qui a été créée le 1er janvier 2024 après la fusion de trois communes de moins de 1 000 habitants. Il montre bien la nécessité d’adapter le cadre existant à des situations absolument exceptionnelles et imprévisibles.
Permettez-moi de remercier de nouveau la sénatrice Annick Billon : elle a alerté la première le Gouvernement sur cette situation particulière, qui pose de graves difficultés.
Mme la rapporteure le rappelait : considérant que la mise en œuvre du dispositif de communes nouvelles nécessitait – à l’image d’une famille qui se recompose – du temps et des étapes successives pour garantir son succès, le code général des collectivités territoriales contient, pour ces communes, des dispositions transitoires.
La commune de Rives-du-Fougerais a donc été mise en difficulté à la suite du décès de son maire. En l’absence de régime spécifique, son nombre de conseillers municipaux devait passer, deux mois seulement après sa création, de trente-sept à vingt-trois, soit une évolution très violente risquant de mettre en péril l’harmonie de cette commune nouvelle.
Le cadre juridique actuel est en effet très strict : si le conseil municipal devient incomplet entre l’arrêté préfectoral de création de la commune nouvelle – pris très souvent en décembre – et la première réunion du conseil municipal qui procède à l’élection du maire – elle a souvent lieu en janvier –, alors il n’est pas nécessaire d’organiser une nouvelle élection municipale.
En revanche, si la vacance intervient après la première réunion du nouveau conseil municipal, alors le caractère impératif de la désignation du maire et ses adjoints implique un retour devant les électeurs. Il peut donc être nécessaire, deux mois après la création d’une commune nouvelle, de procéder à de nouvelles élections !
Dans le cas de Rives-du-Fougerais, c’est un événement imprévisible et tragique, le décès du maire, Claude Clerjaud, dont je veux ici saluer la mémoire et l’engagement, qui a conduit à cette situation : compte tenu du moment du décès et de l’incomplétude du conseil municipal, la loi imposait un renouvellement du conseil municipal et, par voie de conséquence, une réduction de l’effectif des conseillers municipaux de trente-sept à vingt-trois.
Comment peut-on expliquer, deux mois après une élection, à quatorze conseillers municipaux qu’ils ne pourront plus siéger ?
Je remercie les auteurs de cette proposition de loi d’avoir identifié une solution permettant de remédier, de manière sécurisée, à cette situation.
Il s’agit de recourir à un dispositif dont nous avons longuement discuté la semaine dernière, l’exception d’incomplétude du conseil municipal, et de l’élargir à ces communes afin d’éviter un retour devant les électeurs qui fragiliserait terriblement le processus.
La proposition d’Annick Billon et ses collègues contribue à la recherche d’une stabilité institutionnelle précieuse et nous la soutenons.
La disposition sera valable pour toutes les communes nouvelles qui seraient confrontées à cette situation, à condition qu’elles n’aient pas déjà connu un renouvellement antérieur.
Je conçois que tout cela est bien complexe…
Je veux par ailleurs saluer l’excellent travail de Nadine Bellurot : ses modifications permettent de sécuriser le texte et d’éviter d’éventuels recours. La solution qu’elle propose écarte notamment le risque de censure constitutionnelle, au motif que nous aurions créé un dispositif dérogatoire « abusif ».
La rédaction retenue par la commission des lois permet donc – je le répète – de rendre cette disposition applicable aux seules communes nouvelles qui n’ont pas fait l’objet d’un renouvellement à la date de la publication de la loi.
Il s’agit là, mesdames, messieurs les sénateurs, d’un ajustement nécessaire et pertinent. Il montre combien les parlementaires, qui sont toujours très attentifs aux difficultés de nos territoires, peuvent faire des propositions de modifications, mais surtout apporter des solutions.
Je vous en remercie. Cette proposition de loi vous ressemble, parce qu’elle est empreinte de sagesse. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mmes Patricia Schillinger et Cécile Cukierman applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Aymeric Durox. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail de la commission des lois.
Il nous permet d’examiner un texte qui, sur le papier, peut sembler anodin, mais qui, en pratique, viendrait fluidifier, s’il était adopté, la mise en place des communes nouvelles et l’élection de leur maire.
En effet, vivant moi-même dans une commune nouvelle qui s’est constituée voilà près de dix ans, j’ai pu constater sur le terrain que, lorsqu’il existe un projet de territoire partagé et cohérent au-delà des clivages partisans et que ce projet est accompagné par les pouvoirs publics, la fusion de communes – ou ce mariage consenti – peut être une bonne solution pour nos concitoyens.
Si notre position, au Rassemblement national, a toujours été et restera celle de la préservation du triptyque commune-département-État, nous sommes également disposés à aider les communes qui souhaitent volontairement s’unir pour agréger leurs moyens en termes de budget et de personnel, afin de rendre à leurs habitants un service public efficient.
Comme dans la vie, le moment le plus fondamental pour une commune nouvelle est sa naissance, c’est-à-dire sa constitution et l’élection de son exécutif directement après la fusion des communes concernées, deux ou davantage – la commune nouvelle dans laquelle je vis a rassemblé cinq communes.
La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui vise à étendre une dérogation, déjà présente dans le droit commun, au principe de complétude du conseil municipal pour élire le maire et les adjoints d’une commune nouvelle.
Ainsi, le conseil municipal incomplet d’une commune nouvelle serait autorisé, jusqu’au premier renouvellement général, à élire son exécutif sans procéder au préalable à un renouvellement intégral pour pourvoir des sièges vacants.
L’objectif de ce texte est donc d’éviter l’organisation d’une élection intégrale dans le cas où un nouveau maire devrait être élu, afin de ne pas évincer trop rapidement les élus locaux à l’origine du projet de création de la commune nouvelle, c’est-à-dire les artisans du projet de territoire commun.
Il s’agit ainsi d’assurer la continuité de la gouvernance des communes nouvelles, de garantir l’attractivité de leur modèle et de donner de la lisibilité et un cap clair pour les élus locaux.
Ce sont des éléments essentiels tant nous avons constaté, ces dix dernières années, que l’application stricte du principe de retour aux élections pour les communes nouvelles dont le conseil municipal était incomplet avait diminué brutalement les effectifs de celui-ci pour plusieurs raisons.
D’une part, la jurisprudence du Conseil d’État ne permet pas de faire appel aux suivants de liste pour compléter le conseil municipal d’une commune nouvelle.
D’autre part, il n’est pas possible de procéder à des élections partielles complémentaires dans les communes de moins de 1 000 habitants ayant fusionné, car cela conduirait à organiser un scrutin sur une partie seulement du territoire communal.
Il nous semble que cette proposition de loi doit faire consensus et qu’elle va dans le bon sens pour régler ce problème technique qui a, pour autant, des conséquences pratiques notables sur la constitution de communes nouvelles dans nos territoires.
C’est la raison pour laquelle les sénateurs du Rassemblement national voteront en faveur de ce texte sans aucune réserve.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Corinne Bourcier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’est pas simplement technique : en répondant à un cas de figure oublié par le code général des collectivités territoriales, elle constitue une réelle avancée pour la gestion de nos communes nouvelles.
Autoriser l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet revient à déroger au droit commun afin de permettre le bon fonctionnement de ces communes que je connais bien.
C’est pourquoi le Sénat a adopté ce texte en commission en juin dernier conformément à la procédure de législation en commission.
Ce vote aura de réelles implications sur le fonctionnement de nos institutions locales. Il garantira en effet la continuité dans la gouvernance de ces communes nouvelles en cas de vacance du poste de maire peu avant la première réunion du conseil municipal, par exemple en cas de démission ou de décès.
Nous savons à quel point le phénomène de démission d’élus locaux s’est dramatiquement répandu ces derniers temps. Occuper un mandat local a des conséquences immédiates sur la vie personnelle et professionnelle des élus, alors que nous connaissons un contexte de hausse des incivilités et des violences à leur encontre. N’oublions pas la complexité des procédures administratives et des réglementations qui pèsent sur l’exercice de leurs missions.
Pourtant, les élus locaux ne ménagent jamais leurs efforts pour œuvrer au service des habitants de leur territoire.
Voter ce texte, c’est envoyer un signal de pragmatisme et de confiance aux élus locaux. En permettant l’élection du maire par un conseil municipal incomplet dans une commune nouvelle, nous affirmons par cette dérogation notre confiance en la capacité des élus à s’occuper de leurs affaires locales de manière responsable.
L’adoption de cette proposition de loi permet enfin d’éviter de renouveler intégralement le conseil trop rapidement. Après une élection, il est primordial de stabiliser les équipes et les objectifs afin de pouvoir faire avancer collectivement les projets de territoire et les services publics. Cette continuité est essentielle pour la gestion quotidienne des affaires locales.
Dans ce type de situation, le renouvellement intégral du conseil municipal serait aberrant. Cela entraînerait des coûts, des procédures administratives et des délais considérables. La gestion de la commune nouvelle serait alors totalement paralysée, ce qui pénaliserait directement les habitants.
Cette proposition de loi permet de simplifier le fonctionnement de ces communes. Toute mesure permettant de faciliter l’exercice de la démocratie locale est la bienvenue.
Ce texte apporte ainsi des évolutions concrètes, qui sauront répondre à certaines difficultés de terrain. Nous sommes nombreux, au sein de cet hémicycle, à avoir occupé un mandat d’élu local. Nous savons donc que les imprévus peuvent être nombreux.
J’en profite pour saluer les trois auteurs de cette proposition de loi, ainsi que la rapporteure. Comme cela a été rappelé, ce texte a été voté à l’unanimité en commission.
Il répond à des remontées du terrain au sein des communes nouvelles de nos territoires, dont certains d’entre nous peuvent témoigner.
La flexibilité offerte par cette proposition de loi permet d’anticiper les imprévus et de faire face aux situations de crise nécessitant une prise de décision urgente. Cela garantit la continuité de la mise en œuvre des projets locaux. Nous savons bien ici, au Sénat, combien la constance et la pérennité sont importantes, en particulier lorsqu’il est question d’investissements locaux.
Notre position unanime sur ce texte, quelles que soient les sensibilités de chacun d’entre nous, prouve une fois encore l’utilité de celui-ci et nous pouvons nous féliciter de son adoption collégiale.
Pour ces différentes raisons, le groupe Les Indépendants - République et Territoires réaffirme son soutien à ce texte, conformément à notre vote en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Annick Billon et Évelyne Perrot applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est issue d’une réflexion croisée entre trois sénateurs : Annick Billon, Françoise Gatel et Bruno Retailleau.
Ce texte fut déjà travaillé avant la période estivale dans le cadre de la procédure de législation en commission, mais son vote en séance, initialement prévu en juin, s’est trouvé suspendu par l’actualité politique, la dissolution de l’Assemblée nationale – cela n’a échappé à personne… Bien que deux des auteurs de ce texte ne siègent désormais plus parmi nous pour cause de destin ministériel, les problématiques locales auxquelles cette proposition de loi entend fournir une réponse demeurent.
Permettez-moi de rendre hommage à Françoise Gatel. Madame la ministre, vous avez toujours été une ardente défenseure des communes, cet échelon de responsabilité et de liberté. Je sais, chère Françoise, que vous porterez ce combat au niveau ministériel au nom d’une certaine idée de la France que nous partageons tous ici, au-delà des clivages partisans.
Alors, certes, la commune nouvelle est une exception dans le paysage institutionnel, mais c’est une révolution silencieuse qui a permis d’appliquer un principe qui a valeur constitutionnelle : la subsidiarité. Contrairement à ce que l’on entend parfois, il ne s’agit pas d’un principe purement technocratique ; c’est un principe selon lequel l’individu doit être responsable de son destin, chaque collectivité, chaque commune, devant régler ses problèmes elle-même, mutualisant ce qui doit l’être.
C’est une conception profondément différente de l’approche verticale, centralisée. Elle consiste à dire qu’il n’y a pas de responsabilité sans liberté d’action et que tout ce qui entrave celle-ci – schémas directeurs, non-indexation des dotations, prélèvements financiers de l’État sur les capacités d’action des collectivités locales, etc. – se fait malheureusement au détriment de l’intérêt général et de la performance publique.
La commune nouvelle, c’est tout le contraire. Au lieu de se voir imposer un schéma venu d’en haut, partant parfois d’une croyance erronée selon laquelle les grands ensembles sont toujours plus pertinents que les échelons de proximité, elle repose sur une idée simple : ce qui fonctionne, c’est la volonté du terrain de mutualiser sans s’éloigner.
Mais il est vrai que, dans certains cas, la constitution de communes nouvelles a pu s’accompagner de certaines difficultés procédurales, notamment dans le cas où un nouveau maire doit être élu durant la période qui suit immédiatement la création de la commune nouvelle.
Il y a une règle générale qui s’applique et qui s’impose à toutes les communes de France : l’élection d’un maire s’effectue par un conseil municipal complet. Concrètement, cela est garanti par le mécanisme des « suivants de liste » dans les communes dont la population est égale ou supérieure à 1 000 habitants ou par le biais d’élections partielles complémentaires dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Or, durant la mandature qui suit immédiatement la constitution d’une commune nouvelle, il est impossible d’actionner ces outils.
Nous avions d’ores et déjà identifié, en 2019, cette problématique. Nous avions dès lors introduit une dérogation permettant, même en cas de vacance de sièges avant la première réunion d’installation du conseil municipal de la commune nouvelle, de procéder à l’élection du maire et des adjoints.
Mais cette dérogation ne couvre pas l’hypothèse – plausible – d’un remplacement du maire suivant de près la constitution de la commune nouvelle, un scénario susceptible d’engendrer des baisses brutales de l’effectif du conseil municipal, ce qui peut fragiliser et freiner la mise en place du projet municipal de la commune nouvelle.
Pour remédier à cela, les auteurs de la présente proposition de loi prévoient d’étendre la période durant laquelle le maire peut être élu par un conseil municipal incomplet jusqu’au premier renouvellement général suivant sa création.
À grand trait, et en cinq minutes, je me suis efforcé, mes chers collègues, de résumer la philosophie et l’objectif de cette proposition de loi qu’un grand nombre d’entre nous partagent, puisqu’un accord très large a été trouvé en commission.
J’ajouterai un dernier mot pour remercier vivement notre rapporteure, Nadine Bellurot, pour la qualité de son travail.
Vous l’aurez compris, mes chers collèges, les membres du groupe Les Républicains voteront cette proposition de loi, en espérant qu’elle pourra prospérer rapidement à l’Assemblée nationale, idéalement en y faisant l’objet d’un vote conforme… (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Annick Billon applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays se distingue par une spécificité bien connue : son émiettement communal. Avec plus de 34 000 communes, la France est en tête des pays européens en termes de nombre de communes. Ce maillage dense est certes une richesse, permettant une proximité sans égale entre les élus et les citoyens, mais c’est aussi un défi administratif.
Pour tenter de rationaliser cette organisation territoriale, la loi de 2010 a introduit le dispositif des communes nouvelles, qui est destiné à encourager la fusion de communes existantes, tout en respectant leur identité locale.
Depuis la mise en place de ce dispositif, des améliorations successives ont été adoptées pour en renforcer l’attractivité, par exemple la garantie, pendant les trois premières années, du maintien du niveau des dotations de l’État.
Le législateur a également veillé à préserver l’identité communale des collectivités fusionnées, en donnant plus de place aux conseillers municipaux des anciennes communes et en facilitant la transition de l’ancienne commune vers la commune nouvelle.
Le dispositif des communes nouvelles se heurte toutefois encore à certaines difficultés pratiques. L’incomplétude des conseils municipaux en est une.
En effet, lorsque des sièges deviennent vacants après la création d’une commune nouvelle, les règles actuelles imposent souvent un renouvellement intégral du conseil municipal, ce qui complique la gouvernance et déstabilise ces jeunes collectivités.
Pour répondre à ce problème, la loi de 2019 a déjà introduit une première dérogation au principe de complétude, permettant à un conseil municipal incomplet de procéder à l’élection de l’exécutif, mais uniquement si la vacance de sièges intervenait avant la première réunion du conseil municipal.
Bien que cette mesure ait constitué une avancée notable, elle demeure insuffisante dans les cas où une vacance de sièges survient peu de temps après cette première réunion.
C’est précisément pour pallier cette lacune que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été élaborée. Elle vise à étendre cette dérogation pour permettre l’élection du maire et des adjoints par un conseil municipal incomplet, et ce jusqu’au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle et non plus seulement jusqu’à la première réunion du conseil.
Cette mesure pragmatique permettra d’éviter l’organisation d’élections complémentaires inutiles, tout en préservant la place des élus locaux qui ont pris l’initiative du projet de fusion.
Ce texte a une portée limitée – il faut le reconnaître –, puisqu’il ne concerne qu’un nombre restreint de collectivités. D’après les informations transmises par les services de l’État, seules vingt-huit communes nouvelles seraient directement concernées par cette mesure.
Toutefois, il n’en reste pas moins crucial, car il contribue à renforcer l’attractivité du dispositif des communes nouvelles en simplifiant leurs modalités de gouvernance et en assurant une transition plus fluide vers le droit commun.
L’objectif de cette initiative est double : éviter l’éviction trop rapide des élus qui ont participé à la construction du projet municipal ; garantir la continuité de la gouvernance des communes nouvelles, tout en favorisant leur stabilité et leur développement.
Le texte procède ainsi à un assouplissement du cadre juridique régissant les communes nouvelles, en le rapprochant de la réalité locale.
La commission des lois a approuvé sans difficulté cette initiative qui vise in fine à rendre plus attractif le modèle des communes nouvelles et à encourager leur développement harmonieux sur le territoire français.
Le groupe RDPI se prononce en faveur de cette proposition de loi. Certes, celle-ci est d’une portée limitée en termes de nombre de bénéficiaires, mais elle n’en constitue pas moins une avancée importante, témoignant de notre soutien aux élus locaux qui s’engagent courageusement dans un projet de fusion de leurs communes. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)
En soutenant cette proposition de loi, nous affirmons notre volonté de simplifier le cadre juridique et de renforcer la dynamique de modernisation territoriale engagée par nos élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons fait consensus.
Nous touchons ici à un principe qui est parfois rigide, mais qui se situe au cœur de la promesse démocratique d’une municipalité : le maire et ses adjoints doivent être élus par un conseil municipal complet. C’est un impératif de confiance et de représentation des citoyens.
Toutefois, ce principe, comme tout principe, particulièrement en droit, fait l’objet d’exceptions. Strictement encadrées par le code général des collectivités territoriales, elles visent à éviter des effets déraisonnables ou indésirables, par exemple l’organisation trop fréquente d’élections complémentaires.
Concernant les communes nouvelles, la problématique à laquelle la proposition de loi répond avait déjà été identifiée par le Sénat en 2019.
Il avait été constaté que l’incomplétude des conseils municipaux dans les jours qui suivaient la création d’une commune nouvelle obligeait à organiser des élections générales trop rapidement. Cela avait pour conséquence de faire baisser le nombre de conseillers brutalement, alors que le législateur a prévu une période de transition.
Madame la ministre, chère Françoise, vous aviez alors souhaité, en tant que coauteure de la proposition de loi de l’époque, vous prémunir de toute atteinte disproportionnée au principe de conseil municipal complet pour l’élection d’un exécutif local.
Il fut alors décidé que le maire ou les adjoints d’une commune nouvelle récemment créée pourraient être élus par un conseil municipal incomplet en cas de vacance de sièges intervenant avant la première réunion du conseil municipal de la commune nouvelle suivant sa création.
Finalement, les problématiques rencontrées par les communes nouvelles ont persisté et nous conduisent à étendre encore davantage la dérogation au principe. En effet, l’état du droit conduit, dans certaines situations, à l’inverse de l’objectif de stabilité et de prévisibilité pour la période de transition voulu par le législateur.
Ainsi, grâce au dispositif proposé aujourd’hui, les communes nouvelles pourraient bénéficier de la dérogation permettant au conseil incomplet d’élire le maire et les adjoints jusqu’au premier renouvellement. Cela permettrait aux élus qui ont porté la création d’une commune nouvelle d’avoir le temps de s’y investir sans en être évincés très rapidement, tout en conservant un garde-fou dans le cas où le tiers des sièges serait vacant.
Je me réjouis que nous puissions entériner l’adoption de cette proposition de loi pour au moins deux raisons.
La première, c’est que nous réglons ici une question de sécurité juridique, de lisibilité et de compréhension du droit. Les normes doivent être comprises pour être consenties. Chaque fois que le législateur simplifie ou améliore la loi, sans qu’elle perde en efficacité et en adaptabilité aux situations particulières, cela renforce notre lien de confiance avec les citoyens et les élus locaux.
Je m’en réjouis également, car le Sénat fait une nouvelle fois la preuve de sa proximité avec les problématiques de terrain. Ce texte est un très bon exemple du caractère ascendant des propositions que notre assemblée formule. Je remercie à ce titre Annick Billon de nous avoir exposé en commission la genèse de ce texte, à savoir la situation à laquelle a été confrontée la commune nouvelle de Rives-du-Fougerais, en Vendée.
Qu’importe l’opinion que chacun d’entre nous porte sur le principe des communes nouvelles, ce texte est facilitateur pour les territoires volontaires. Je précise que le Lot-et-Garonne n’est pas un département particulièrement friand de ce dispositif… (Sourires.)
Ces discussions nous rappellent toutefois les débats qui existent encore aujourd’hui concernant la création de ces communes nouvelles. Il est impératif que ce processus reste un choix du territoire, qu’il soit consenti par les citoyens et que l’État ne le pousse pas à marche forcée.
M. Michel Masset. Alors que ce dispositif a maintenant plusieurs années, il serait également nécessaire de disposer d’une évaluation afin de connaître en détail ses impacts démocratiques, budgétaires et en matière de services publics.
En définitive, comme ce fut le cas en commission, le groupe du RDSE s’inscrit dans cette dynamique qui se met au service des élus et votera en faveur de ce texte qui vient conforter la place des élus dans la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – MM. Louis Vogel et Guy Benarroche applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste.
Mme Annick Billon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier le président du Sénat, Gérard Larcher, le président de mon groupe, Hervé Marseille, et le ministre, néanmoins ancien collègue, Bruno Retailleau, qui ont facilité l’inscription de ce texte dans un délai contraint.
Les cosignataires sont nombreux, ce qui illustre l’intérêt constant de notre chambre pour les collectivités, mais aussi le fait qu’il ne s’agit pas d’un sujet propre à la Vendée. Ainsi, au 1er janvier 2024, la France comptait 804 communes nouvelles rassemblant 2 575 communes et 2,5 millions d’habitants.
En 2022, l’inspection générale de l’administration (IGA) en dressait le bilan et pointait l’insuffisance des fusions de communes, ainsi que l’essoufflement du dispositif. Il est donc impératif de remédier aux difficultés rencontrées par les élus pour garantir la pérennité des communes nouvelles.
Je suis honorée que cette proposition de loi compte deux ministres actuels parmi ses auteurs : Bruno Retailleau, désormais ministre de l’intérieur, et Françoise Gatel, présidente sortante de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, désormais ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat. (Bravo ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Madame la ministre, chère Françoise, je tiens à vous remercier et à saluer votre engagement constant et vos nombreux travaux afférents aux collectivités, en particulier sur les communes nouvelles. Vous aviez travaillé à mes côtés sur le regroupement en 2019 de trois communes vendéennes : Les Sables-d’Olonne.
Le texte que je vous présente aujourd’hui s’inscrit justement dans la lignée de la loi Gatel. Il a été pensé pour apporter une réponse aux difficultés rencontrées par une commune nouvelle vendéenne : Rives-du-Fougerais.
Je précise qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé. Selon les services de l’État, vingt-huit communes nouvelles pourraient être confrontées au même problème.
Quel est le constat aujourd’hui ? Le code général des collectivités territoriales impose à toute commune nouvelle de présenter un conseil municipal complet pour procéder à l’élection de son maire.
Il prévoit une dérogation en cas de vacance de siège entre la date de création de la commune nouvelle et la première réunion du conseil municipal. Mais il ne prévoit rien concernant la période qui court entre la première réunion du conseil municipal et le premier renouvellement général.
Prenons l’exemple de Rives-du-Fougerais. Deux mois et demi après la création de cette commune nouvelle, le maire, Claude Clerjaud, est décédé – j’en profite pour saluer sa mémoire et son engagement.
Du fait d’un conseil municipal incomplet, la loi nécessitait qu’il soit procédé, quelques mois seulement après sa création, à de nouvelles élections générales dans la commune nouvelle issue de trois communes de moins de 1 000 habitants. Le conseil municipal aurait alors dû passer de trente-sept membres à vingt-trois et se soumettre à l’obligation nouvelle de parité.
Or la réussite d’une commune nouvelle tient au travail de mutualisation et aux efforts communs réalisés en amont par les élus, ainsi qu’au bon déroulement de la période transitoire jusqu’aux élections générales.
Nous avons tous été des élus locaux. Nous savons l’implication et le travail que représente un mandat. Les élus qui se sont engagés dans la création d’une commune nouvelle doivent pouvoir poursuivre leur mission.
Cette proposition de loi porte donc en son article unique un objectif simple : compléter la loi afin de permettre aux élus en place d’exercer leur mandat sereinement et jusqu’au renouvellement général.
Comme vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera ce texte qui est une réponse concrète à une problématique réelle. L’engagement des élus est crucial. Nous devons les encourager et les soutenir, en facilitant l’exercice de leur mandat.
Notre vote d’aujourd’hui constituera une première étape et j’appelle de mes vœux, madame la ministre, une inscription rapide de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Je termine en remerciant notre rapporteure, Nadine Bellurot, pour son travail à nos côtés. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord – et je veux le dire sans ambages ! –, ce texte ne nous pose aucun problème particulier.
Il marque la volonté de régler une situation oubliée, en tout cas une situation qui s’est révélée au fur et à mesure de l’élargissement du nombre de communes nouvelles, et nous devons, au-delà de notre avis sur ce dispositif, légiférer pour régler cette difficulté et faire ainsi entrer dans le droit commun la question du renouvellement des maires des communes nouvelles.
Cependant, je veux apporter quatre précisions pour qu’il n’y ait pas de malentendu entre nous.
Premièrement, j’ai écouté avec attention l’auteure de cette proposition de loi et je veux ici préciser que, si un grand nombre de collègues l’ont effectivement signée, cette possibilité n’a pas été ouverte à l’ensemble des sénateurs, sciemment, si bien que la grande majorité des signataires se trouve d’un certain côté de l’hémicycle… (Mme Annick Billon s’exclame.)
Deuxièmement, nous avons souvent tendance, y compris nous, les parlementaires, à vouloir aller trop vite : nous ne prenons pas le temps d’étudier toutes les conséquences d’une décision, si bien que nous oublions certaines particularités de telle ou telle situation. Je n’en fais pas particulièrement grief aux gouvernements précédents, encore moins au gouvernement actuel, madame la ministre, n’ayant pas encore eu le temps de juger sur pièces…
Troisièmement, nous regardons habituellement ce type de proposition de loi avec précaution, car il est toujours délicat de partir d’un cas particulier pour adopter une loi qui devient alors le principe général s’appliquant à tous. En l’espèce, cela a été dit, ce texte permet d’apporter une solution au cas particulier d’une commune de Vendée, même s’il ne semble pas que cela pose de problème pour d’autres collectivités.
Quatrièmement, il est vrai – je ne veux pas, là non plus, qu’il y ait de malentendu – que le code général des collectivités territoriales a besoin, à certains endroits, qu’on y remette un peu d’ordre.
Nous voterons donc en faveur de cette proposition de loi, mais je vous rassure, il ne s’agit pas pour notre groupe de faire sienne cette nouvelle sainte trinité mise en avant par le ministre de l’intérieur, également coauteur de cette proposition de loi : de l’ordre, de l’ordre et de l’ordre !
Plus simplement, et ceux qui m’ont déjà entendue sur le sujet savent comment je vais conclure, nous avons la volonté de fluidifier, de faciliter et de permettre aux élus locaux et aux collectivités de pouvoir fonctionner le mieux possible pour répondre aux besoins de leur population. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous intéressons une nouvelle fois aujourd’hui spécifiquement aux collectivités que nous représentons, et c’est parfaitement justifié.
Une semaine après un premier texte qui n’a pas été voté par le Sénat – on retrouve d’ailleurs la même équipe au banc des commissions, mais je prédis que le résultat ne sera pas le même –, le texte qui nous intéresse cet après-midi vise à assouplir les critères de complétude d’un conseil municipal, critère nécessaire à son action. Plus précisément, il s’agit de résoudre un certain nombre de problèmes liés aux règles encadrant l’élection du maire d’une commune nouvelle.
Nous le savons tous, pour le vivre, nos communes font face à de grandes difficultés pour trouver des citoyens s’engageant dans la vie démocratique locale, en particulier au sein des conseils municipaux.
Le constat du manque d’attractivité de la fonction d’élu local est partagé par nous tous et fait l’objet d’une réflexion permanente.
Ce manque d’attractivité pèse sur la vie démocratique, car il complique la constitution de listes dans les petites communes et le maintien d’un quorum nécessaire pour conduire l’action locale.
C’est l’une des raisons pour lesquelles, dès 2010, la loi a permis la constitution de communes nouvelles. Cependant, une difficulté est apparue avec les règles d’élection du maire. Les auteurs du texte ont rappelé justement que le conseil municipal est composé, jusqu’au prochain renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, de l’ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des anciennes communes. Or, si les communes composant la commune nouvelle comptent moins de 1 000 habitants, il n’existe pas de suivant de liste. Ainsi, dans ce cas, s’il ne manque qu’une personne dans ce conseil municipal, toute vacance du poste de maire entraîne une nouvelle élection intégrale pour pouvoir de nouveau élire un maire.
Au-delà des complexités organisationnelles majeures, du coût de telles élections, des difficultés de constitution des listes, il est politiquement compliqué d’empêcher les élus ayant participé à la création de la commune nouvelle de continuer à participer à son développement et à son éclosion.
La rapporteure a aussi mis en avant que l’organisation du renouvellement avait conduit à « une baisse souvent brutale du nombre de conseillers municipaux ».
En effet, il est actuellement prévu que l’effectif du conseil municipal décroît progressivement à chaque nouvelle élection, ce qui permet le maintien du contact des citoyens avec une structure nouvelle qu’ils doivent s’approprier. Le retour à un effectif légal ordinaire n’est prévu qu’après le deuxième renouvellement général.
Cette progressivité serait donc mise à mal et bien trop accélérée par la nécessité d’écourter le mandat municipal afin d’élire un conseil municipal pour l’élection d’un nouveau maire.
Aussi, les auteurs et la rapporteure ont fait le choix de permettre l’application de la dérogation prévue à l’article L. 2113-8-1 A du code général des collectivités territoriales autorisant l’élection du maire en cas de conseil municipal incomplet.
Cette dérogation n’est pas absolue, cette élection ne pouvant pas avoir lieu si plus d’un tiers des sièges du conseil municipal étaient vacants.
Au groupe GEST, nous sommes conscients qu’il s’agit d’une loi de résilience face à une désertion de plus en plus grande des fonctions électives au sein de nos communes.
L’enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) de novembre 2023, dont nous parlons souvent, le rappelait : « Le répertoire national des élus (RNE) établi en juillet 2023 permet d’estimer le nombre de démissions à environ 1 300 sur les trois dernières années, soit un rythme de 450 démissions dans l’année, contre 350 par an au cours de la précédente mandature. »
Le groupe GEST milite, vous le savez, pour une réforme du statut de l’élu qui aille plus loin, avec une formation, une protection et des rémunérations adéquates pour tous les élus. Il faut une capacité fiscale et d’action renouvelée à l’échelon local, bref, un renouveau démocratique fondé sur une participation citoyenne réelle. Il n’y a rien de tel dans les textes que nous avons votés ces dernières années et nous devons nous attacher à voter des lois de nature à répondre de manière urgente à ces préoccupations. Sans ces changements majeurs, cette proposition de loi ne constituera qu’un pansement temporaire. Même si les pansements ont parfois du bon… Si elle est nécessaire, elle est cependant loin d’être suffisante. J’incite donc le Gouvernement et Françoise Gatel – je sais qu’elle en a la volonté – à travailler sur le sujet. Le Sénat sera là pour l’y aider.
Le groupe GEST votera ce texte, tout en rappelant qu’il est plus que temps de susciter l’engagement de tous les citoyens dans l’action locale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Patricia Schillinger et M. Pierre-Antoine Levi applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Éric Kerrouche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de faire original sur ce sujet en intervenant en tant que dernier orateur. (Sourires.)
Pour aller relativement vite, je veux simplement dire que les communes nouvelles constituent une particularité au sein de nos collectivités territoriales. Les communes nouvelles, c’est l’anti-loi Marcellin ; c’est la perspective de pouvoir se réunir si on le souhaite ; c’est la perspective de faire ensemble si on le veut bien.
Depuis les initiatives prises par Jacques Pélissard, qui ont abouti à la loi de 2010 de réforme des collectivités territoriales, en passant par la loi de 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), et jusqu’au texte visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires de 2019 – Mme la ministre le connaît bien –, les élus, et le Sénat en particulier, sont au chevet des communes nouvelles.
Néanmoins, le rapport flash de la délégation aux collectivités territoriales que nous avons pu commettre, Françoise Gatel et moi-même, a montré qu’il était nécessaire d’améliorer la situation de ces communes nouvelles, que ce soit fonctionnellement ou financièrement, et nous nous y sommes d’ailleurs employés pendant l’examen du dernier projet de loi de finances.
En effet, la progression du nombre de communes nouvelles a été importante à partir de 2015, puis a progressivement ralenti dans le temps. Or nous devons avoir comme perspective qu’il n’existe aucun facteur désincitatif susceptible de gêner soit le fonctionnement des communes nouvelles, soit la création de nouvelles structures de ce type.
Ce texte apporte tout simplement un traitement particulier à un cas particulier, mais il n’en demeure pas moins qu’il faut traiter toutes les difficultés qui peuvent concerner ces communes nouvelles. Or l’une des caractéristiques essentielles de leur régime, c’est la diminution progressive dans le temps des conseillers municipaux, c’est-à-dire que l’on passe en douceur d’un état antérieur, qui est marqué par la pluralité, à un autre, qui est marqué par la singularité. En l’espèce, le fait de remplacer, dans le code général des collectivités territoriales, les mots : « la première réunion du conseil municipal » par les mots : « le premier renouvellement général des conseils municipaux » va tout simplement permettre d’éviter des renouvellements électoraux qui sont inutiles et qui peuvent, d’une certaine façon, briser la dynamique propre à la commune nouvelle qui vient de se mettre en place. C’est tout le cœur du sujet.
Bien entendu, et sans surprise, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera pour ce texte, qui – je m’inscris dans les pas de Cécile Cukierman – aurait pu être sans problème un texte transpartisan. Plus fondamentalement, madame la ministre, pour conclure, je dirai que le texte d’aujourd’hui est un bon exemple de ce qu’il est possible de faire : de temps en temps, il importe d’observer les problèmes locaux et de les traiter en partant du bas vers le haut, plutôt que d’imposer des solutions prescriptives du haut vers le bas. C’est une bonne idée qu’il faut sûrement reprendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Annick Billon applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de M. Alain Marc.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 9 octobre, M. Claude Raynal, président de la commission des finances, a demandé l’inscription à l’ordre du jour d’un débat sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme et sur l’orientation des finances publiques.
Nous pourrions inscrire ce débat à l’ordre du jour du mardi 29 octobre, le soir.
Dans l’organisation de ce débat, nous pourrions attribuer, après l’intervention liminaire du Gouvernement et les interventions des commissions des finances et des affaires sociales, un temps de parole d’une heure pour les groupes politiques.
Par ailleurs, nous pourrions fixer le délai limite pour l’inscription des orateurs des groupes au lundi 28 octobre à quinze heures.
Y a-t-il des oppositions ?…
Il en est ainsi décidé.
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Programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, présentée par M. Daniel Gremillet, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 555 [2023-2024], texte de la commission n° 643 [2023-2024], rapport n° 642 [2023-2024], avis n° 644 [2023-2024]).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la loi quinquennale sur l’énergie est encore attendue.
Sur l’initiative des commissions des affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale, la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi Énergie-climat, avait fixé le principe d’une telle loi.
Son objectif était – et demeure – de consacrer la préséance du Parlement sur l’administration et de la politique sur le technique dans le secteur, stratégique, de l’énergie.
Depuis lors, le code de l’énergie dispose qu’une loi détermine, tous les cinq ans, les objectifs de notre politique énergétique nationale.
Cette loi doit couvrir la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), la réduction de la consommation énergétique, le développement des énergies renouvelables, la diversification du mix électrique, la rénovation énergétique des bâtiments et l’autonomie énergétique dans les outre-mer.
Elle doit prévaloir sur quatre documents réglementaires : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le plan national intégré en matière d’énergie et de climat (Pniec) et la stratégie de rénovation à long terme.
Or aucune loi quinquennale sur l’énergie n’a pour l’heure été votée.
Certes, l’actuelle ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a porté un projet de loi sur la souveraineté énergétique, dont le titre premier était consacré à la programmation énergétique, en décembre 2023. Cependant, ce projet de loi n’a pas survécu au remaniement de janvier 2024, alors que seules des consultations sur les documents réglementaires avaient été engagées.
C’est pourquoi le Sénat, qui a toujours plaidé pour légiférer sur la stratégie énergétique, a déposé sa propre proposition de loi ; elle a été très largement adoptée en commission, le 31 mai dernier, et devait être examinée en séance le 10 juin suivant. La dissolution aura décalé son examen jusqu’à aujourd’hui. Je me réjouis que la programmation énergétique soit de nouveau à l’agenda.
Le « Pacte législatif d’urgence », présenté par les présidents des groupes Les Républicains, en juillet dernier, prévoit l’élaboration d’une loi de programmation et de transition énergétique. Dans son discours de politique générale du 1er octobre dernier, le Premier ministre a, quant à lui, annoncé que les travaux de planification énergétique allaient reprendre immédiatement.
C’est donc le moment d’avancer, de manière transpartisane, constructive, consensuelle, sur ce sujet crucial, car l’absence de loi quinquennale sur l’énergie portant stratégie énergétique pose une vraie difficulté politique et juridique. Elle instille de l’incertitude, alors que la transition énergétique nécessite, pour réussir, une stratégie claire, des normes adaptées et des moyens suffisants.
L’absence de loi de programmation pose problème eu égard aux engagements pris. Le principe d’une loi quinquennale sur l’énergie est issu d’un compromis trouvé lors de la commission mixte paritaire réunie à l’occasion de la loi Énergie-climat de 2019. Je rappelle que c’est l’Assemblée nationale qui, saisie du texte en premier, l’avait proposé. De son côté, le Sénat avait fortement soutenu cette proposition, suggérant l’intégration au champ de ce texte de la rénovation énergétique et de l’autonomie énergétique, dès 2019, puis de l’hydroélectricité et de l’hydrogène, en 2021, et du stockage, en 2023.
Respecter les compromis de commission mixte paritaire, c’est une marque de confiance essentielle pour la démocratie parlementaire, madame la ministre.
L’absence de loi de programmation pose aussi problème au regard de l’application de la loi.
Le code de l’énergie prévoit qu’une loi de programmation doive intervenir à compter du 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, et que les documents réglementaires soient compatibles avec ses objectifs.
Par ailleurs, la PPE et la SNBC doivent être adoptées dans les six mois suivant l’adoption de cette loi. Des outils très concrets, tels que les appels d’offres, les comités régionaux ou les zones d’accélération doivent contribuer à l’atteinte des objectifs fixés par celle-ci. Sans ce texte, c’est toute la mécanique administrative qui peut être grippée.
L’absence de loi de programmation pose également problème au regard du cadre européen.
Actualisés lors de la loi Énergie-climat de 2019, nos objectifs énergétiques sont à jour du « paquet d’hiver » de 2016, mais pas du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » de 2021. Il faut donc intégrer les règlements : je pense à ceux sur le climat, l’aviation ou le maritime. Il faut aussi intégrer les directives : je pense à celles sur les énergies renouvelables ou sur l’efficacité énergétique.
Ces directives, qui proposent des objectifs ambitieux, doivent être transposées d’ici à 2025. Il faut s’atteler, dès à présent, à cet exercice de transposition – et non pas de surtransposition –, en choisissant toujours les options les moins créatrices de normes et les plus protectrices de nos intérêts.
L’absence de loi de programmation pose par ailleurs problème au regard des attentes soulevées.
Dès 2021, le précédent gouvernement avait lancé des concertations préalables : 30 000 contributions ont été reçues et 200 jeunes consultés. Les entreprises, les collectivités et les citoyens sont donc dans l’expectative.
Dans sa délibération du 19 janvier dernier, sur l’ancien projet de loi présenté par Mme Pannier-Runacher, le Conseil national de la transition écologique (CNTE) demandait « la présentation d’un calendrier de travail sur l’élaboration de la programmation énergie-climat ».
Dans son avis du 25 janvier suivant, le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) regrettait « la suppression du titre programmatique qui aurait permis de fixer un cap indispensable à la réussite de la transition énergétique et climatique ». Quels que soient les acteurs, économiques ou environnementaux, on constate une forte attente pour légiférer.
L’absence de loi de programmation pose en outre problème au regard des besoins identifiés.
Afin de réussir la transition énergétique, les filières économiques attendent un État stratège, un cap clair, prévisible et légitime, pour réaliser leurs investissements et mobiliser leurs financements.
La filière nucléaire est demandeuse d’une assise législative actant la construction de nouveaux réacteurs. C’est un point crucial pour nous, qui estimons que seule la loi peut offrir à la relance du nucléaire l’ambition politique et la protection juridique dont elle a besoin. On a trop souvent reproché au plan Messmer d’avoir été imposé par décret, de manière technocratique. Légiférons pour donner à la relance du nucléaire une légitimité démocratique et la mettre à l’abri des soubresauts politiques et des accroches contentieuses.
Les filières renouvelables sont aussi demandeuses d’une loi pour diversifier la production ou modérer la consommation. Ayons à l’esprit que le fonctionnement des marchés de l’énergie ne conduira pas naturellement à la transition énergétique. Il faut, au contraire, mobiliser des outils de régulation pour catalyser les investissements et infléchir les comportements.
De la même façon, nous soutenons une ambition forte en matière d’hydroélectricité, de chaleur, de biogaz, de biocarburants, toutes ces énergies locales souvent sous-estimées, mais qui sont pourtant indispensables pour diffuser la transition énergétique jusque dans les territoires ruraux. Quel que soit le secteur, nucléaire comme renouvelables, on constate une forte attente pour légiférer.
Enfin, et surtout, l’absence de loi de programmation pose un problème démocratique. Parce qu’elle induit des changements ou, à tout le moins, des questionnements, la transition énergétique doit être l’objet d’un examen au Parlement. Même au Parlement européen, un débat a bien eu lieu sur ces sujets, dans le cadre de l’examen du paquet « Ajustement à l’objectif 55 ». C’est désormais à la représentation nationale de se prononcer.
C’est dans ce contexte que la présidente Dominique Estrosi Sassone, le président Bruno Retailleau et moi-même avons souhaité présenter une proposition de loi de programmation et de simplification dans le secteur de l’énergie.
Composée de vingt-cinq articles, dont treize sur la programmation et onze sur la simplification, elle vise à acter la relance du nucléaire pour maintenir, a minima, un mix nucléaire aux deux tiers en 2030 et majoritaire en 2050.
Elle est le fruit de mes travaux dans le cadre du groupe d’études Énergie, que je préside depuis près de dix ans.
J’ai acquis la conviction que, dans le domaine de l’énergie, l’essentiel des sujets peuvent et doivent relever d’un compromis national. Pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon de 2050, la promotion de toutes les énergies décarbonées, nucléaire comme renouvelables, est une évidence. Il faut se hisser à la hauteur des enjeux, sortir des postures et avancer de manière ambitieuse, mais concrète, dans le sens de la transition et de la souveraineté énergétiques.
L’examen de cette proposition de loi sera l’occasion d’un débat parlementaire de fond et de qualité, comme nous en avons l’habitude au Sénat.
Je souhaite que nous posions les bases d’un mix plus résilient, plus décarboné, à même de relever les défis que nous avons devant nous : la réduction des émissions de GES, la réduction de la consommation fossile et l’augmentation de la consommation électrique.
Au total, nous devons tout à la fois maximiser la production, adapter les réseaux, réduire la consommation, favoriser les rénovations et protéger les consommateurs. C’est une lourde tâche que nous devrons conduire ces prochaines années ; débattons-en dès aujourd’hui !
Je remercie la présidente Estrosi Sassone et le président Darnaud, qui ont rendu ce débat possible, ainsi que les rapporteurs Alain Cadec, Patrick Chauvet et Didier Mandelli, qui ont consolidé le texte initial. Je salue également la ministre de l’énergie, Olga Givernet, avec qui nous avons eu des débats constructifs. J’associe à mes remerciements les membres du groupe Énergie du Sénat, les membres de la commission des affaires économiques, l’ensemble des organisations que nous avons auditionnées, ainsi que les fonctionnaires du Sénat qui nous ont accompagnés dans nos travaux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, j’ai été désigné rapporteur du titre Ier de la proposition de loi, qui porte sur la programmation.
La proposition de loi fixe en effet une programmation énergétique ambitieuse. Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, elle prévoit de maximiser la production d’énergie, nucléaire comme renouvelable, et de maîtriser la consommation, via les rénovations énergétiques et les économies d’énergie.
L’article 1er consacre les grands principes des systèmes électriques et gaziers, dont les participations de l’État dans certaines entreprises, EDF et Engie, la propriété publique de certains réseaux ou encore la péréquation tarifaire en électricité et le prix de référence du gaz.
L’article 2 tend à abroger la trajectoire de hausse de la composante carbone des taxes intérieures sur la consommation d’énergie, dont le gel avait été annoncé en 2018.
L’article 3 a pour objet d’acter la relance du nucléaire, avec au moins 27 gigawatts de nouveau nucléaire, dont quatorze EPR2 (Evolutionary Power Reactor 2) et quinze SMR (Small Modular Reactor). L’objectif est de cranter dans la loi, dès 2024 et a minima, le scénario N03 de Réseau de transport d’électricité (RTE), c’est-à-dire le plus nucléarisé. L’enjeu est de conserver un mix nucléaire aux deux tiers en 2030, et majoritaire en 2050. Six EPR2 supplémentaires sont même proposés pour couvrir les besoins en cas de réindustrialisation, ce que nous souhaitons tous.
Une version résolument moderne du nucléaire est souhaitée avec, d’ici à 2030, des objectifs de décarbonation du mix électrique de 90 %, de disponibilité des installations nucléaires de 75 %, et de recours aux matières recyclées de 10 %. Un effort de recherche et d’innovation en direction du cycle du combustible nucléaire est également prévu.
L’article 4 consacre les différentes flexibilités, dont au moins 6,5 gigawatts d’hydrogène, 1 gigawatt de batteries et 4 mégatonnes de captage du carbone d’ici à 2030.
L’article 5 promeut les énergies renouvelables, avec au moins 29 gigawatts de capacités pour l’hydroélectricité, 45 % de chaleur, 20 % de biogaz et 50 térawattheures de biocarburants d’ici à 2030 ou 2035.
Les articles 6 et 7 prévoient une baisse de 15 % des émissions de GES des carburants du secteur du transport et une part de 5,5 % de carburants renouvelables d’ici à 2030.
Les articles 8 et 11 consacrent une réduction de 50 % des émissions de GES, de 30 % de la consommation finale totale et de 45 % de la consommation primaire fossile d’ici à 2030. Pour ce faire, et sous réserve de la sécurité d’approvisionnement, l’arrêt du recours aux centrales électriques à charbon est prévu d’ici à 2027.
L’article 9 a pour but d’accompagner la rénovation énergétique, avec 900 000 rénovations par an, soutenues par MaPrimeRénov’, dès 2030, et jusqu’à 2 500 térawattheures d’économies par an, soutenues par les certificats d’économies d’énergie, dès 2026.
Dans le cadre de nos travaux, nous avons auditionné une trentaine de personnalités, issues d’une vingtaine d’organismes, qui ont toutes indiqué soutenir la proposition de loi.
Concernant la filière nucléaire, le groupe EDF a salué l’inscription de six EPR2, correspondant à 10 gigawatts de capacités, et a précisé que d’autres réacteurs étaient nécessaires. De son côté, la Société française d’énergie nucléaire (Sfen) a appelé à inscrire dans la loi, non seulement ces 10 gigawatts, dès 2026, mais aussi 25 gigawatts de capacités d’ici à 2050. Quant à RTE, il a confirmé que le texte se rapprochait de son scénario N03.
Les filières renouvelables et de l’hydrogène ont, quant à elles, jugé les objectifs pertinents.
Au total, nous avons déposé une trentaine d’amendements techniques, une moitié en commission et l’autre en séance publique.
En commission, nous avons ajusté les objectifs en ce qui concerne l’énergie nucléaire, en matière de disponibilité des installations, de recours au recyclage et de développement des réseaux, et nous avons conforté ceux qui s’appliquent aux énergies renouvelables en promouvant l’énergie hydrolienne, le froid renouvelable et le stockage hydraulique.
En séance, nous proposerons de consolider les objectifs de production en complétant celui qui s’attache au cycle du combustible nucléaire et en relevant celui qui concerne les réacteurs de quatrième génération. Nous proposerons des ajustements sur la consommation, en complétant l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et en ajustant celui de réduction des consommations fossiles et totales.
En définitive, la programmation énergétique proposée répond aux attentes des acteurs auditionnés, elle est très ambitieuse et offre un horizon mobilisateur en faveur de la transition énergétique.
Je tiens à remercier l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Daniel Gremillet, la présidente de la commission, Mme la ministre, et tous nos collègues qui ont œuvré sur ce dossier. Au nom de notre commission, je vous invite donc à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai été désigné rapporteur du titre II de cette proposition de loi, lequel porte sur la simplification. Il doit permettre d’accélérer la production d’énergie et d’hydrogène, nucléaire comme renouvelable, de mobiliser les collectivités territoriales et de protéger les consommateurs d’énergie.
Une première série de mesures concerne l’énergie nucléaire.
L’article 14 modifie la loi du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite loi Nouveau Nucléaire, afin de prolonger ses dispositions à vingt-sept ans, de faciliter l’implantation des petits réacteurs modulaires SMR en dehors des installations existantes et d’allonger les concessions d’occupation du domaine maritime à cinquante ans.
L’article 15 modifie aussi cette loi pour appliquer plusieurs dispositions au projet de fusion Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor) : la dérogation à l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), le bénéfice de la raison impérative d’intérêt public majeur et la dérogation à la loi Littoral.
L’article 16 renforce les sanctions à l’encontre des intrusions dans les installations nucléaires.
La deuxième série de mesures de simplification porte sur les collectivités territoriales.
L’article 17 étend les sociétés locales de production d’énergie renouvelable aux projets d’hydrogène.
L’article 18 élargit aux projets d’éolien en mer et d’hydrogène la contribution au partage territorial de la valeur dont les communes et leurs groupements doivent bénéficier sur chaque appel d’offres d’électricité ou de gaz renouvelables.
La troisième série de mesures a trait aux énergies renouvelables.
L’article 19 applique le bilan carbone prévu pour réduire les émissions, mais aussi pour soutenir les industriels, aux projets hydroélectriques attribués par guichets ouverts.
L’article 20 facilite la dérogation au débit réservé et les augmentations de puissance pour les installations hydroélectriques.
L’article 21 autorise, à titre expérimental et pour les concessions hydroélectriques échues, le passage du régime des concessions vers celui des autorisations, afin de sortir enfin du contentieux européen.
L’article 22 renforce les sanctions contre les projets agrivoltaïques alibis.
Une dernière série de mesures concerne la protection des consommateurs.
L’article 23 dote la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de compétences pour surveiller les contrats de long terme en électricité et en gaz renouvelables, et favoriser l’essor des installations d’hydrogène, d’une part, et du captage du carbone, d’autre part.
L’article 24 encadre la définition des offres, la modification des contrats et l’information des consommateurs et complète le comparateur d’offres du médiateur national de l’énergie.
Les dispositions ainsi proposées sont issues des travaux d’application des lois de la commission des affaires économiques du Sénat, en particulier du rapport de Daniel Gremillet sur la loi Nouveau Nucléaire et du mien sur la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi Aper. Nous avions tous deux identifié des dispositions à ajuster ou à compléter.
Tout comme le titre Ier, concernant la programmation, le titre II, qui s’attache à la simplification, fait l’objet d’un accueil très positif parmi les acteurs auditionnés. Les filières nucléaire et renouvelables ainsi que les associations d’élus locaux ont ainsi plébiscité les mesures de simplification qui les concernent.
La CRE et le médiateur national de l’énergie, quant à eux, ont accueilli très positivement les mesures de régulation et de protection proposées, tout en suggérant des compléments.
Parmi les trente amendements techniques que nous avons déposés, plusieurs concernent ces dispositions de simplification et de régulation.
En commission, nous avons conforté certaines mesures de simplification.
Ainsi, nous avons appliqué l’allongement de celles qui sont prévues pour les réacteurs nucléaires aux installations d’entreposage liées.
Plus encore, nous avons prévu qu’une menace sur la sécurité d’approvisionnement permette un recours aux centrales électriques à charbon après 2027.
Enfin, nous avons intégré les technologies de captage du carbone dans la prochaine loi de programmation.
Nous avons également complété les mesures de régulation.
Tout d’abord, nous avons donné à la CRE une base légale pour la détermination du prix de référence du gaz.
En outre, nous avons décliné sur un plan plus opérationnel les compétences attribuées à la CRE en matière d’hydrogène et de captage du carbone.
Enfin, nous avons complété les mesures de protection des consommateurs en intégrant les propositions de la CRE et du médiateur national de l’énergie.
En séance, nous proposerons de consolider certaines mesures de simplification, s’agissant du bilan carbone appliqué aux projets hydroélectriques et des contrôles d’urbanisme réalisés sur les installations agrivoltaïques.
Nous proposerons aussi de conforter certaines dispositions de protection en précisant le rôle de la CRE dans la détermination du prix de référence du gaz ou dans la certification des réseaux d’hydrogène.
Au total, la simplification normative proposée convient aux acteurs auditionnés. Elle offre des outils concrets en faveur de la transition énergétique.
Je remercie Daniel Gremillet pour ce texte d’intérêt général qui fixe un cap et qui permettra d’accompagner la décarbonation ainsi – j’en forme le vœu – que la mise en œuvre d’une véritable politique de réindustrialisation de notre pays.
Je remercie également la présidente de notre commission ainsi que la ministre et, à mon tour, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission, à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable partage pleinement les objectifs des auteurs de ce texte.
La transition énergétique est une nécessité évidente pour nous tous. Nous saluons à ce titre l’ambition de l’Union européenne, qui, dans le cadre de la loi européenne sur le climat adoptée en 2021, s’est fixé un objectif intermédiaire de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990. Nous devons maintenant être collectivement à la hauteur de cette ambition.
Pour ce faire, il convient d’abord d’établir un plan stratégique puis de définir des moyens pour l’exécuter. Les gouvernements précédents ont malheureusement choisi d’inverser ces deux étapes et nous ont proposé une chronologie à l’envers qui manque donc cruellement de cohérence.
La loi Aper, examinée au fond par notre commission avec la commission des affaires économiques en novembre 2022, a ainsi prévu des mesures permettant de développer les énergies renouvelables, tandis que la loi Nouveau Nucléaire du 22 juin 2023, examinée par notre commission, a accompagné la relance du nucléaire, sans qu’à aucun moment nous débattions de la stratégie d’ensemble du mix énergétique qui nous permettrait d’atteindre nos objectifs climatiques.
Sur un sujet aussi crucial pour l’avenir de notre pays, un débat parlementaire est pourtant indispensable.
Je remercie mes éminents collègues Daniel Gremillet et Dominique Estrosi Sassone, ainsi que Bruno Retailleau, pour cette proposition de loi qui comble une lacune regrettable.
Le texte fixe un objectif de réduction des émissions brutes de gaz à effet de serre de 50 % d’ici à 2030, conforme aux engagements internationaux de la France.
Pour y parvenir, il repose sur deux piliers : la réduction de 30 % de la consommation énergétique par rapport à 2012 et la décarbonation du mix énergétique, avec une part d’énergie décarbonée supérieure à 50 % en 2030. Je souscris pleinement à ces objectifs.
Les travaux de la commission se sont concentrés sur le volet des énergies renouvelables, essentiel pour atteindre nos objectifs énergétiques. Cette programmation énergétique fixe des objectifs pour 2030 ; à cette date, la relance du nucléaire n’aura pas encore produit ses effets, puisque la livraison des six premiers EPR2 est prévue pour 2035 à 2037.
Pour atteindre nos objectifs de décarbonation et garantir la sécurité de nos approvisionnements, il est donc nécessaire d’accélérer le développement des énergies renouvelables. Le Sénat en a d’ailleurs approuvé le principe lors de l’adoption de la loi Aper en 2022.
Le texte initial de cette proposition de loi prévoit des objectifs pour l’hydrogène décarboné, les biocarburants, le biogaz et l’énergie hydraulique. Nous avons enrichi cette programmation en fixant des objectifs pour l’énergie photovoltaïque, en mentionnant l’énergie hydrolienne et en précisant que le repowering sera privilégié pour le développement de l’énergie éolienne.
En parallèle à cet axe relatif aux énergies renouvelables, qui constitue le principal apport de notre commission à ce texte, nous souhaitons également alerter sur la question des puits de carbone.
Pour atteindre l’objectif de réduction des émissions nettes de 55 % d’ici à 2030, nous devons à la fois réduire nos émissions brutes par rapport à 1990 de 50 % et augmenter la capacité d’absorption de nos puits de carbone.
Malheureusement, cette capacité a été divisée par deux au cours des deux dernières décennies, pour des raisons que je ne développerai pas ici. Nous invitons le gouvernement qui se met tout juste en place à prendre en compte cette réduction dans sa programmation énergétique et à engager sans délai un plan pour restaurer ces puits de carbone, faute de quoi l’objectif de réduction nette des émissions restera hors d’atteinte.
Enfin, je souhaite vous faire part d’une réflexion sur les technologies de captage et de stockage du CO2 : celles-ci doivent être réservées aux émissions incompressibles et non servir de prétexte pour retarder les efforts nécessaires de transition énergétique.
En résumé, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ne peut que saluer cette programmation nécessaire, complétée sur le volet des énergies renouvelables. Nous formons le vœu que le Gouvernement se saisisse de cette opportunité pour organiser un véritable débat au Parlement sur ce sujet, qui suscite tant d’attentes chez nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
7
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur, une délégation de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) composée de seize parlementaires issus de huit pays de l’Alliance atlantique : l’Espagne, la Grèce, la Hongrie, le Luxembourg, le Portugal, la Turquie, la Roumanie et le Royaume-Uni.
L’Assemblée parlementaire de l’Otan assure le lien entre les parlements des pays membres et l’organisation internationale ; elle constitue à ce titre un forum de discussion privilégié et, par ses rapports et ses résolutions, un instrument utile et efficace de la diplomatie parlementaire.
Après Paris, où elle rencontrera nos industriels de la défense, la délégation, conduite par le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, notre collègue Cédric Perrin, se rendra à Belfort pour une visite au 1er régiment d’artillerie et au 35e régiment d’infanterie, puis à l’Institut franco-allemand de recherche de Saint-Louis, dédié à l’armement.
Nous souhaitons à nos collègues une visite fructueuse ainsi que la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la ministre déléguée se lèvent et applaudissent.)
8
Programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie
Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie.
Discussion générale (suite)
Mme Olga Givernet, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, chargée de l’énergie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un honneur pour moi de prononcer mon premier discours à cette tribune, sur un sujet majeur pour notre pays.
Les décisions que nous prenons aujourd’hui en matière de politique énergétique auront des répercussions dans dix, vingt ou trente ans, et jusqu’à la fin du siècle ; elles influeront sur la place de la France dans le monde dans plusieurs dizaines d’années.
Nous l’avons constaté par le passé avec le plan Messmer, quand la France a lancé, au début des années 1970, son premier programme électronucléaire. Ces décisions prises il y a plus d’un demi-siècle ont permis à notre pays de devenir le plus attractif d’Europe.
Le sujet énergétique se trouve donc au cœur de notre économie, de nos infrastructures, de notre industrie et de notre empreinte sur l’environnement ; il s’agit d’un véritable enjeu de souveraineté.
Pour ces raisons, notre besoin est clair : une énergie abondante, décarbonée et compétitive. Décarbonée, car nous devons répondre à l’urgence climatique ; abondante, car il nous faut relocaliser un certain nombre de productions pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles ; enfin, compétitive pour notre industrie et nos concitoyens, afin de continuer à protéger leur pouvoir d’achat, comme nous l’avons fait au moment de la covid-19 et depuis l’invasion russe en Ukraine.
Je crois pouvoir affirmer que nous partageons tous ici ces objectifs, mais nous pouvons éventuellement diverger tant soit peu sur la façon d’y parvenir. C’est pourquoi je tiens à vous remercier, monsieur le sénateur Daniel Gremillet. Je connais votre implication sincère et toujours efficiente sur les sujets relatifs à l’énergie.
Votre texte présente le mérite premier de proposer une voie pour les générations à venir, que nous partageons sur plusieurs points. J’ai souhaité que nous puissions avancer ensemble sur tous les autres, ceux qui nous posaient une difficulté.
Ma position est claire : j’ai entendu reprendre chaque amendement déposé par le précédent gouvernement avant l’été et les travailler avec les rapporteurs. Grâce à ce travail en commun, je souhaite que nous aboutissions à un texte sur lequel nous pourrions tous nous retrouver.
Je mesure toute l’importance de disposer d’un cadre législatif solide sur l’avenir énergétique de la France ; c’est pourquoi nous avons entamé dès mon arrivée au ministère un important travail de coconstruction, et je remercie nos équipes pour leur mobilisation.
Je sais gré aux rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet de leur disponibilité et de leur écoute. Nous sommes parvenus à trouver de nombreux points d’accord, voire de consensus. J’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, que ceux-ci pourront emporter votre assentiment, notamment sur la définition d’un cap clair pour les trente prochaines années.
Ce cap, le Président de la République l’a indiqué à Belfort, en 2022. Il s’agit d’une stratégie reposant sur quatre piliers : deux pour la consommation, auxquels je tiens tout particulièrement, sobriété et efficacité énergétique, et deux pour la production d’énergie décarbonée, avec le nucléaire et les énergies renouvelables.
Ces dernières recouvrent tous les vecteurs. Tout le monde pense à l’électricité, mais il s’agit aussi du biogaz, de la chaleur et des biocarburants. Avec Agnès Pannier-Runacher, nous avons mené des travaux sur la stratégie française énergie-climat jusqu’en 2023, lesquels ont enrichi nos réflexions.
Pour répondre à cette stratégie, je porte trois objectifs qui tiennent en un simple mot : maîtriser.
Maîtriser les prix pour protéger les consommateurs et œuvrer en faveur du pouvoir d’achat de toutes les familles sur l’ensemble du territoire.
Maîtriser nos consommations en poursuivant nos efforts en matière de sobriété et d’efficacité énergétique. Nous entendons ainsi les réduire de 30 % d’ici à 2030, en faisant porter un effort particulier sur les énergies fossiles, avec une baisse de 45 %. Nous nous rejoignons sur ces objectifs, monsieur le sénateur Gremillet : ceux-ci correspondent à l’article 5 de votre proposition de loi.
Enfin, nous souhaitons maîtriser nos outils de production en nous appuyant sur la relance du nucléaire et sur le développement des énergies renouvelables. Il s’agit du choix le plus pertinent d’un point de vue écologique et économique, de celui qui répond le mieux à nos besoins de court et de long termes, du plus sûr pour notre sécurité d’approvisionnement et donc pour notre souveraineté – ne nous enfermons pas dans une seule technologie ! Enfin, c’est le choix le plus consensuel.
Nous disposons des talents, des ressources et des technologies pour atteindre ces objectifs.
En ce qui concerne le nucléaire, notre proposition est claire : nous entendons nous assurer que les centrales fonctionnent de façon sûre et compétitive, poursuivre l’exploitation des centrales existantes et développer le nouveau nucléaire avec un haut niveau d’exigence et de sûreté.
Notre projet comprend ainsi six EPR de deuxième génération à Penly, Gravelines et Bugey. Huit réacteurs supplémentaires sont à l’étude, ainsi que de petits réacteurs nucléaires et des réacteurs nucléaires innovants. Tels sont les objectifs sur lesquels nous avons tenté de converger avec les rapporteurs et que nous avons proposés par voie d’amendement.
Notre volonté à long terme consiste à poursuivre, au-delà de 2040, la stratégie française pour l’aval du cycle du combustible, dans la perspective de fermeture dudit cycle.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, abordons d’abord la production de chaleur. Nos objectifs dans ce domaine sont ambitieux, mais réalistes : nous voulons multiplier par cinq le biogaz d’ici à 2030, en privilégiant l’injection dans les réseaux, et nous aspirons à doubler notre capacité en matière de chaleur renouvelable d’ici à 2035.
Ensuite, concernant l’électricité, il convient d’évoquer l’éolien en mer. J’ai connaissance des craintes de certains, ici ou là, à propos d’un impact paysager, de la conciliation des usages avec les activités de pêche, notamment, ou les migrations de certains oiseaux.
C’est la raison pour laquelle nous avons lancé, en début d’année, une grande concertation à l’échelle nationale sur toutes nos façades maritimes. Nous devons développer l’éolien en mer sur l’ensemble de notre domaine maritime en nous assurant de son acceptabilité partout et en tout temps. Cette concertation inédite s’est déroulée dans le cadre de la planification maritime que vous avez inscrite dans la loi l’année dernière.
Ne misons pas uniquement sur l’éolien flottant, mais également sur l’éolien en mer accepté, efficace, respectueux des usages et de la biodiversité. Notre objectif est ambitieux : atteindre 45 gigawatts de capacités à l’horizon 2050, dont 18 gigawatts d’ici à 2035.
S’agissant du photovoltaïque, nous visons une multiplication par cinq de notre capacité d’ici à 2035, mais cet objectif n’aura de sens qu’assorti de l’accompagnement de projets industriels. C’est ce qui se profile : plusieurs usines de très grande capacité sont en préparation.
Concernant l’éolien terrestre, là encore, je connais vos réticences, celles des élus locaux, et je les entends. Pour autant, vous le savez, il s’agit d’une énergie qui fonctionne et qui se révèle très compétitive. Il nous faut donc continuer à la développer et maintenir le rythme actuel d’installations annuelles. Nous devons le faire en travaillant sur son développement et, surtout, en ne freinant pas les projets soutenus par les élus et qui trouvent leur chemin, nous en avons bien conscience. Ce sujet peut également donner lieu à une véritable conciliation, comme nous tenons à la mener pour l’éolien en mer.
Enfin, l’hydroélectricité représente environ 12,5 % de la production électrique. Nous devons réinvestir dans ce domaine pour préserver notre compétitivité.
M. François Bonhomme. Très bien !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Plusieurs options sont à l’étude pour garder la pleine maîtrise des barrages et éviter les mises en concurrence.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Tel est l’objectif de la mission d’information lancée par les députés Marie-Noëlle Battistel et Philippe Bolo, laquelle nous permettra de disposer de tous les éléments pour analyser le régime juridique le plus adapté.
Je suis consciente que ce sujet connaît un blocage qui dure depuis trop longtemps, nous l’avons évoqué à plusieurs reprises. Les conclusions de la mission nous permettront enfin de résoudre les contentieux et de prendre une décision éclairée sur le sujet.
Telle est, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, notre ambition concernant le mix énergétique de la France : nous le souhaitons équilibré. Tout cela ne pourra évidemment pas se concrétiser sans les réseaux électriques, pour lesquels nous prévoyons des investissements massifs d’ici à 2040 : 100 milliards d’euros pour le réseau de distribution et autant pour le réseau de transport.
Cette proposition de loi me permet de détailler tout l’engagement du Gouvernement pour assurer la sécurité énergétique de la France.
Sortons des énergies fossiles, préservons notre attachement au nucléaire et aux renouvelables, protégeons les consommateurs.
Ma volonté est de faire de la France une grande nation de l’énergie, un objectif dont je sais qu’il est également le vôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que l’indépendance énergétique est au cœur de toutes nos préoccupations, nous devons, plus que jamais, faire preuve d’ambition et d’efficacité pour relever ces défis majeurs pour notre avenir et pour celui des générations futures.
La guerre en Ukraine nous a douloureusement rappelé nos insuffisances et notre dépendance en matière énergétique. Non sans mal, nous avons réussi un virage impressionnant, à la fois au niveau national et au niveau européen.
À ce titre, je tiens à rappeler l’adoption de plusieurs textes, notamment sur l’accélération des énergies renouvelables, sur la relance du nucléaire ou encore sur l’industrie verte. Nous avons également fait évoluer la réglementation en y apportant simplification et flexibilité.
Je suis fier d’avoir porté, avec le groupe Les Indépendants et d’autres collègues, des sujets tels que l’encadrement de l’agrivoltaïsme, repris dans la loi Aper de 2023. Notre groupe s’est toujours positionné très clairement pour un mix énergétique faisant la part belle au couple énergies renouvelables-nucléaire.
Dans ses conclusions rendues au début de juillet, la commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 soutient que la décarbonation du pays passera par une électrification des usages. Afin de faire face à la progression significative de la consommation électrique dans les années à venir, il convient donc d’élaborer un plan national d’électrification pour la couvrir : prolongation optimisée du parc nucléaire, essor raisonnable des moyens de production renouvelables, développement de l’énergie hydraulique, nouveaux réacteurs, etc.
Cela étant dit, la proposition de loi qui nous est proposée contient des dispositions intéressantes. Nous sommes conscients de l’impatience des acteurs des secteurs concernés par la programmation énergétique : il est primordial de disposer d’un cap.
La relance du nucléaire est un enjeu vital. Dès lors, les dispositions de ce texte allant dans ce sens sont les bienvenues : l’utilisation d’une part de matière recyclée dans la production nucléaire est particulièrement intéressante, dont le traitement et la revalorisation des déchets constituent des points importants. Il est essentiel que nous nous donnions des objectifs et des moyens en ce domaine, condition essentielle de l’acceptabilité sociale de ce mode d’énergie.
Le groupe Les Indépendants - République et Territoires croit également aux promesses de l’hydrogène vert. Des objectifs chiffrés et ambitieux en permettront une production plus importante. Cependant, un maillage précis en vue de son déploiement sur nos territoires demeure la condition de son émergence. J’ai notamment à l’esprit les besoins du transport routier : la voiture à hydrogène est une réalité, mais il n’en est pas de même de l’accès à une station.
J’en profite pour évoquer les transports aériens, un sujet qui me tient particulièrement à cœur en tant qu’élu de Haute-Garonne. Avec mon collègue député Jean-François Portarrieu, j’ai rendu au mois de mai un rapport à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur la décarbonation du secteur de l’aéronautique.
S’il est certain que le secteur aéronautique contribue de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre, la croissance du trafic aérien sera une réalité de demain. Travaillons à faciliter la décarbonation de ce secteur, qui joue un rôle de premier plan dans l’économie mondiale, en facilitant le commerce international, le tourisme et les échanges culturels. Il ne fait aucun doute que les évolutions technologiques attendues dans ce domaine trouveront des applications très positives dans tous les modes de transport.
Plusieurs recommandations sont émises afin de permettre le développement d’une aviation décarbonée : électrification, hydrogène, innovation dans la conception, optimisation des opérations, des trajectoires, ou encore développement des carburants durables, dits SAF (Sustainable Aviation Fuel).
Certaines dispositions de cette proposition de loi ouvrent dès lors une porte à l’innovation, et donc au progrès, nous permettant de nous montrer vertueux et ambitieux, alors que la décroissance prêchée par certains serait tout à fait mortifère.
Enfin, concernant les barrages, un dossier défendu depuis longtemps par notre groupe, nous voyons d’un bon œil le régime d’expérimentation proposé. Une solution doit impérativement voir le jour avec la Commission européenne ; il y va de la sécurité énergétique de la France et de l’Union européenne. N’oublions pas non plus le bois, ma chère Anne-Catherine Loisier.
Madame la ministre, je profite de cette discussion pour vous demander de nous fournir un calendrier et des perspectives claires sur les prochaines étapes concernant la programmation de l’énergie. Comme vous le comprenez, il s’agit d’une préoccupation majeure de cet hémicycle.
Ce texte nécessaire est, certes, perfectible, mais il est encourageant ; c’est pourquoi notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parfois, les crises révèlent des évidences. Ainsi, les conséquences du conflit ukrainien sur le marché de l’énergie ont déclenché une prise de conscience collective sur le caractère éminemment stratégique des politiques publiques liées à l’énergie. Assurer un approvisionnement fiable et, si possible, bon marché doit faire partie des priorités d’un exécutif pour le développement, la souveraineté et la prospérité d’un pays.
La politique énergétique est donc redevenue, comme durant les crises pétrolières des années 1970, un sujet majeur de préoccupation de nos concitoyens, frappés de plein fouet par des choix dogmatiques funestes qui ont enfermé la France dans un schéma qui ne correspond ni à ses intérêts ni à ses atouts. Même les membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) le disent désormais : nous devons passer du dogmatisme au pragmatisme.
Première étape : s’appuyer sur nos succès.
Il fallut beaucoup d’audace et une sacrée vision pour lancer le plan Messmer en 1973 à partir d’une page blanche et ainsi desserrer l’étau des chocs pétroliers successifs imposés par les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Une électricité produite sur notre sol, essentiellement par l’industrie nucléaire et l’hydraulique, permettait d’assurer une certaine souveraineté, dont nous avons profité durant des décennies. Nier cette réalité relèverait de la schizophrénie.
Deuxième étape : s’accorder sur les atouts et les faiblesses de notre pays.
La France ne dispose ni du potentiel hydraulique de la Norvège ni des opportunités qu’ont les régions inondées de soleil toute l’année, et encore moins de réserves fossiles. Comme toujours en politique, il s’agit de faire des arbitrages, si possible en faveur de la technologie la moins mauvaise, en se fiant davantage à des critères scientifiques qu’à des lubies dogmatiques.
Troisième étape : la constance.
Dire tout et son contraire est rarement porteur d’une politique publique cohérente. En matière d’énergie, domaine dans lequel le développement des projets se heurte à une inertie importante, c’est véritablement une catastrophe. C’est pourtant à cela que nous avons assisté depuis 2017 avec la fermeture des réacteurs de Fessenheim, puis l’arrêt du programme Astrid (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration), avant un changement total d’orientation avec le retour en grâce du nucléaire.
Aujourd’hui, quel est donc notre cap ? Les collectivités territoriales ne manquent pas de documents de planification pour atteindre la multitude d’objectifs fixés, le plus souvent, au niveau international : les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddett) pour les régions, les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les schémas directeurs pour les départements, le tout décliné dans des plans d’action établis commune par commune. Mais cette architecture globale n’a de sens que si elle s’inscrit dans un cadre clair qui définit les priorités à l’échelle nationale et fixe les axes de progrès de telle ou telle filière de production, en cohérence avec les atouts géologiques et technologiques de notre pays.
Cette programmation pluriannuelle de l’énergie existe bel et bien : engagée en 2019, elle devait être révisée avant le 1er juillet 2023 pour actualiser les objectifs. Pourtant, en dépit de nombreuses demandes d’inscription au calendrier parlementaire, les gouvernements Philippe, Borne et Attal ont lourdement procrastiné.
M. François Bonhomme. C’est trop bête !
M. Stéphane Piednoir. Pour pallier ce qui ressemble à un refus d’obstacle bien regrettable, nous avons, au Sénat, pris le dossier à bras-le-corps en élaborant notre propre texte législatif sous la houlette, notamment, de Daniel Gremillet.
Le point de départ est un consensus quasi unanime sur la nécessité de décarboner notre mix énergétique, déjà plutôt vertueux : avec environ six tonnes de CO2 émises par habitant, la France occupe la septième place des pays de l’OCDE, qui émettent en moyenne près de huit tonnes de CO2 par habitant, très loin des quinze tonnes de l’Amérique du Nord. Comme dans toute compétition, il est souvent plus difficile de progresser au classement quand on est déjà dans le peloton de tête, mais la vertu n’empêche pas les efforts.
Nous aurons l’occasion de débattre de chacun de ces sujets dans quelques instants, mais je veux évoquer quelques points particuliers.
Le texte permet d’acter la fin de la fin du nucléaire parce qu’il n’y a pas d’alternative crédible, surtout quand on veut réindustrialiser le pays tout en abandonnant les énergies fossiles. Le vent et le soleil ne pourront pas tout. Osons donc affirmer la nécessité de faire fonctionner nos centrales pendant soixante, quatre-vingts ou cent ans (M. Yannick Jadot s’exclame.), et engageons parallèlement les grands projets d’EPR afin d’éviter l’effet falaise.
Dans le prolongement de cette logique, je vous proposerai un amendement visant à sanctuariser notre stock d’uranium appauvri, ces 320 000 tonnes qui nous assureront des siècles de production électronucléaire lorsque les projets de réacteurs à neutrons rapides arriveront à maturité.
Un mot, enfin, sur les SMR, un secteur dont vous connaissez particulièrement bien l’effervescence, madame la ministre. Les rapports d’expertise, notamment celui de l’Opecst, doivent permettre de faire un diagnostic précis afin d’encourager les innovations dont nous avons besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « s’attaquer à l’épée de Damoclès redoutable de la dette écologique », c’est la volonté qu’a affichée le Premier ministre, ici même, il y a deux semaines. Lors de sa déclaration de politique générale, il a ainsi annoncé que « les travaux de planification » allaient reprendre « immédiatement ».
Nous y sommes favorables, et c’est ce à quoi le Sénat s’attelle aujourd’hui au travers de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, présentée par notre collègue Daniel Gremillet.
Si nous voulons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de transition écologique et énergétique, et si nous voulons réussir la réindustrialisation de notre pays, nous devons engager la France dans une planification énergétique complète, secteur par secteur, qui livre un véritable plan de bataille pour les prochaines décennies. Cela permettra dans le même temps d’envoyer un signal fort à l’ensemble des acteurs du secteur de l’énergie qui attendent de la clarté.
Sans vision de long terme, la France ne pourra pas devenir le premier grand pays industriel à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone. C’était d’ailleurs l’objectif originel recherché par la loi Énergie-climat de 2019 qui avait fixé le principe d’une loi quinquennale sur l’énergie, la fameuse loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC).
Alors que ce texte avait été annoncé pour juillet 2023, la ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher avait finalement dévoilé un projet de loi relatif à la souveraineté énergétique à la fin de l’année. Celui-ci s’inscrivait dans la suite des travaux menés durant l’été par sept groupes de travail auxquels nous étions plusieurs à avoir participé. Mais nos espoirs ont été vite refroidis lorsque Bercy a supprimé le volet relatif à la programmation du projet de loi au mois de janvier 2024, avant d’annoncer que celle-ci serait actée par voie réglementaire.
Il faut rappeler les attentes fortes de notre chambre quant à la possibilité d’examiner une loi de programmation énergétique. Sur des enjeux aussi cruciaux, il nous semble important que le Parlement puisse s’exprimer. En effet, les décisions qui seront prises engageront la France pendant plusieurs années.
Adoptée en commission le 29 mai dernier, cette proposition de loi a vu son examen interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale, avant d’être réinscrite à l’ordre du jour du Sénat il y a quelques semaines.
Malgré certaines réserves sur lesquelles je reviendrai, avec mes collègues du groupe RDPI, nous nous prononcerons favorablement sur le dispositif présenté, car nous en partageons l’esprit. Sa philosophie et plusieurs des objectifs fixés sont d’ailleurs largement inspirés de la stratégie française pour l’énergie et le climat annoncée en septembre 2023.
Comme je le disais en introduction, il y a urgence à agir. L’année 2024 sera la plus chaude jamais enregistrée et le Giec estime que la trajectoire du réchauffement climatique augmentera de 3,2 degrés Celsius d’ici à 2100. Nous devrons réussir à faire en six ans ce que nous avons fait en trente ans.
Le défi à relever est exceptionnel. Il faut poursuivre et amplifier nos efforts. Ainsi, en France, nous avons pu atteindre en 2023 une baisse record des émissions de CO2 de près de 6 % en une seule année. Cette baisse s’est poursuivie au premier semestre de 2024. Elle serait jusqu’aux deux tiers structurelle et attribuable à l’effet des politiques mises en place. Elle est aussi rendue possible grâce à l’Europe et résulte de l’action de la France dans ce cadre : plan de relance, Pacte vert et nouvelle définition de la taxonomie favorable au nucléaire. Car oui, au Sénat, nous n’avons pas le nucléaire honteux.
Comme je le rappelais déjà en février dernier, la relance de ce secteur créera 100 000 emplois dans les dix ans à venir. Elle doit nous permettre de répondre à plusieurs enjeux : réduire nos émissions, baisser la facture pour les ménages, tenir nos engagements de sortie des énergies fossiles, participer à la réindustrialisation de la France et renforcer la souveraineté énergétique de notre pays dans un contexte géopolitique de plus en plus instable.
Pour réussir à atteindre la neutralité carbone, il nous faudra compter sur toutes les énergies décarbonées, nucléaire comme renouvelables. C’est en marchant sur ces deux jambes que nous relèverons les défis de la neutralité carbone et de la réindustrialisation.
Au total, les dépenses de l’État en faveur de la décarbonation seront en hausse en 2024, pour atteindre près de 40 milliards d’euros à l’horizon 2027.
Les collectivités et les entreprises jouent également un rôle clé dans la réorientation des financements vers la décarbonation. Aussi, elles doivent pouvoir se projeter. Je prendrai un exemple finistérien : la liquidation de la société quimpéroise Sabella a été un coup dur pour l’hydrolien français. L’absence d’appel à projets empêche le déploiement industriel de ces turbines qui utilisent les courants marins pour produire de l’électricité, offrant ainsi une solution de choix pour nos îles. Pour rappel, la Bretagne concentre un cinquième du potentiel national, soit un gigawatt. Si l’hydrolien a fait ses preuves depuis 2022, d’un point de vue technologique, il lui faut de la visibilité.
Enfin, sans entrer en détail dans le texte, mon groupe présentera plusieurs amendements visant à introduire certains objectifs de décarbonation supplémentaires, notamment sur le biogaz, les biocarburants et l’éolien, ou via un objectif de production d’électricité décarbonée comprenant un mix d’origine renouvelable et nucléaire.
D’autres points du texte nous apparaissent en revanche plus sensibles. Je pense par exemple à certains objectifs excessifs de l’article 3 sur le nucléaire ou sur l’expérimentation du régime d’autorisation pour les barrages hydroélectriques prévue à l’article 21.
Toutefois, les membres de notre groupe se retrouvent globalement dans ce texte, qu’ils voteront. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – M. Daniel Gremillet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelle confiance pouvons-nous attendre des citoyens quand le Gouvernement contourne le Parlement ?
Si la dissolution nous a permis d’éviter temporairement un contournement démocratique, quid de cette proposition de loi ? Sera-t-elle un rappel à l’ordre de vos obligations légales ? Ou la première pierre d’un débat démocratique et constructif ? Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur votre logique gouvernementale ? (M. Michel Savin renchérit.)
Cette proposition de loi est tout de même un symbole.
Elle est symbolique d’un contexte politique qui va mal, où chaque camp se retranche dans ses clivages et où l’intérêt général est oublié sur fond de majorité relative.
Plus grave encore, concernant le sujet qui nous rassemble aujourd’hui, la dissolution de l’Assemblée nationale a mis à l’arrêt des pans entiers de la politique environnementale alors que l’action en matière climatique est urgente.
Ce texte faisait suite à la décision du gouvernement démissionnaire de renoncer à légiférer sur la loi quinquennale de programmation sur l’énergie, pourtant prévue par la loi Énergie-climat de 2019. C’est précisément cette décision qui est gravissime pour notre démocratie, d’autant qu’elle se répète et nous rappelle d’autres débats, celui sur l’accord économique et commercial global (Ceta), par exemple.
Qu’est-ce que cela signifie sinon que les lois ne servent à rien et que l’on peut s’y soustraire aisément ? Surtout, mes chers collègues, cela pose la question de notre rôle, de notre mandat, et plus largement des limites de la représentation nationale. Quel message cela envoie-t-il à nos concitoyens sinon que le Parlement peut être facilement contourné et les lois aussi ? C’est un signal de plus dans la crise politique et démocratique que nous vivons.
En réaction – et je salue cette initiative –, les sénateurs du groupe Les Républicains, particulièrement Daniel Gremillet, ont présenté leur propre texte, quand – il faut le signaler – les députés du groupe écologiste avaient pris la même initiative au début du mois d’avril dernier.
Composé de vingt-sept articles portant tant sur la programmation que sur la simplification, ce texte fixe enfin un cap. Certes, nous ne serons pas tous d’accord sur l’orientation à fixer, mais nous devrons en débattre, et ce dans un cadre parlementaire. Ce débat sera, je l’espère, discipliné et constructif, et le dogmatisme devra laisser la place au pragmatisme. Nous avons la responsabilité d’envoyer au secteur de l’énergie et à ses acteurs un signal politique clair pour accompagner le développement de la filière.
Néanmoins, nous allons nous heurter une fois encore à certains choix qui laissent augurer un examen complexe et houleux du projet de loi de finances pour 2025 : comment développer les énergies bas-carbone, accompagner l’électrification des usages ou inciter à des pratiques vertueuses et à des investissements verts, quand il faut également garder raison dans un objectif de préservation des finances publiques ? Tout cela ne va pas ensemble.
Les incitations et les aides seront difficilement envisageables dans un contexte de coupes budgétaires. Alors que le budget du ministère de la transition écologique a déjà été amputé de 2 milliards d’euros en février dernier, on constate une baisse draconienne des crédits du fonds vert dans le projet de loi de finances pour 2025, qui seraient réduits de 2,5 milliards à 1 milliard d’euros. Ce fonds permet pourtant aux collectivités de financer des projets vertueux pour l’environnement. Alors qu’on ajoute des obligations environnementales dans les marchés publics, on accusera ensuite les collectivités de dépenser trop !
Je rappelle que le Haut Conseil pour le climat s’est alarmé le 4 avril dernier des « dérives de calendrier » dans la publication des textes essentiels à notre trajectoire énergétique et climatique, ainsi que des reculs opérés sur le front de l’environnement, notamment pour tenter d’éteindre la crise agricole.
Notre transition écologique ne peut rester une variable d’ajustement soumise aux crises politiques, à la conjoncture économique et à la personnalité du couple exécutif.
Dans ce contexte d’urgence et face aux défis climatiques, la France a besoin d’accélérer, notamment pour atteindre ses objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050 et de réduction de 55 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Or les orientations énergétiques et les politiques d’adaptation du pays n’ont toujours pas été fixées. J’ai bien dit que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre était de 55 %, comme l’a fixé le cadre européen actualisé, et non de 50 %, comme le prévoit ce texte. Je présenterai d’ailleurs un amendement à ce sujet.
Une fois encore, le manque de méthode est à déplorer. Les décisions sont prises en silo. Un peu là, moins ici : ce n’est pas ainsi que nous ferons preuve de hauteur de vue et que nous aurons une stratégie globale. Tel est vraiment notre mal français. Au lieu de nous contenter de l’à-peu-près, ne sommes-nous pas capables d’aborder les problèmes dans leur globalité, de nous fixer des objectifs en fonction des enjeux et des parties prenantes, de définir des étapes, de tenir nos engagements et, bien sûr, d’évaluer les résultats ?
La baisse de 5,8 % des émissions de gaz à effet de serre en France, en 2023, selon les données publiées par le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), est un indicateur très positif. Cela prouve que les efforts paient. Il est urgent d’être raisonnable et de prévoir ensemble une poursuite de cette réduction, d’autant que la Commission européenne vient de rappeler à l’ordre la France au sujet des énergies renouvelables. Il est temps de nous hâter ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi Énergie-climat prévoyait en 2019 le principe d’une loi quinquennale sur l’énergie, consacrant ainsi la stratégie du Parlement dans la détermination des grandes orientations énergétiques de notre pays.
Le renoncement du Gouvernement à légiférer en la matière était préjudiciable, autant pour le pays que pour les filières qui, nous l’avons vu, souffrent d’un manque de cap. Les récentes lois d’accélération auraient eu davantage d’impact si elles avaient pu être précédées d’une véritable loi de programmation.
Dans ce contexte, le travail de notre collègue Daniel Gremillet et des rapporteurs Patrick Chauvet et Alain Cadec est d’autant plus pertinent. Il replace le Parlement au centre de la définition de la politique énergétique et porte la vision d’une économie décarbonée et compétitive.
Le groupe Union Centriste salue les propositions en matière de relance du nucléaire et de développement des énergies renouvelables. À ce sujet, je veux insister sur le fonds Chaleur, madame la ministre, notamment sur le bois énergie que vous n’avez pas cité et qui assure pourtant un rôle crucial dans la transition énergétique de la France. Je le rappelle, en matière de chaleur, le bois énergie est la première source d’énergie renouvelable, plébiscitée par les Français.
Je salue les propositions de nos collègues visant à améliorer l’efficacité énergétique et à soutenir les interconnexions, ainsi que la flexibilité du système électrique. En effet, la politique énergétique doit servir notre économie et la réindustrialisation de notre pays.
Entre 2021 et 2024, le prix moyen de l’électricité payé par les entreprises industrielles s’est accru de 67 %. Ce phénomène s’observe dans les mêmes proportions dans l’ensemble des pays européens. Cela confirme que, à court terme, l’énergie est bien un coût qu’il faut absolument maîtriser pour maintenir la compétitivité et la réindustrialisation de nos entreprises et de nos territoires. À ce titre, la proposition de loi prévoit de réduire les coûts des réseaux de distribution et de transport d’électricité.
À long terme, nous le savons, le prix de l’énergie est un signal de la compétitivité structurelle d’une économie. Et c’est là que le bât blesse pour l’ensemble des pays européens : les coûts de l’électricité resteraient en moyenne supérieurs de 40 % à ceux des États-Unis, de la Chine ou encore de l’Inde d’ici à 2050. Je salue les travaux de la commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050, présidée par notre collègue Franck Montaugé, dont le rapporteur était Vincent Delahaye.
Ce texte, enfin, poursuit une stratégie engagée dans les années 1970 et confirmée lors du conseil de politique nucléaire de février dernier, dite de fermeture du cycle. Celle-ci est d’autant plus urgente que la commission d’enquête a lancé l’alerte sur le fait que les stocks d’uranium pourraient se raréfier dans les années 2060. Grâce à la fermeture du cycle, l’ambition est précisément de faire en sorte que, par le retraitement des combustibles dès aujourd’hui, la France dispose demain de suffisamment d’énergie pour des centaines d’années avec des réacteurs de quatrième génération.
Ainsi, l’annonce de la prolongation de l’exploitation des usines de retraitement des combustibles de La Hague et de Marcoule tout comme la poursuite du projet d’enfouissement des déchets dans le cadre du centre industriel de stockage géologique (Cigéo) doivent permettre à la France de renforcer sa maîtrise du cycle aval du combustible.
Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Daniel Gremillet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis après de longs mois, voire de longues années, d’atermoiements de la part des gouvernements précédents, qui refusaient en réalité le débat global sur les questions énergétiques que, sur toutes les travées, nous avons été nombreuses et nombreux à exiger et à réclamer, parfois même en nous agaçant.
Nous avons vu le Gouvernement avancer projet de loi par projet de loi, découpant notre politique énergétique par petits bouts : un petit texte sur les énergies renouvelables, un petit autre sur l’accélération du nucléaire. À un moment donné, il fallait pourtant bien avoir une vision globale, mais le Gouvernement le refusait.
Certes, il faut le dire et Daniel Gremillet l’a rappelé, Mme Pannier-Runacher, en décembre 2023, avait prévu un texte global. Mais il y eut le remaniement ministériel. Le « petit Mozart de Bercy » et son nouveau ministre de l’industrie et de l’énergie Roland Lescure ont décidé d’enterrer le texte, ce dernier allant même jusqu’à expliquer dans une interview au journal Le Figaro qu’il n’y aurait plus de débats sur les questions énergétiques faute de majorité à l’Assemblée nationale et que toutes les mesures seraient prises par voie réglementaire.
C’est dans ce contexte que notre collègue Daniel Gremillet a décidé, avec la droite sénatoriale, de présenter une proposition de loi pour provoquer le débat, et je l’en félicite parce qu’il a mené un travail sérieux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce débat devait avoir lieu, ici, au lendemain des élections européennes. Mais patatras ! Le président de la République a décidé la dissolution, ce qui a entraîné des élections législatives dont on connaît le résultat : les perdants sont devenus les gagnants, les gagnants sont devenus les perdants, les ennemis d’hier sont devenus des amis… (Sourires.)
Madame la ministre, je vous pose la question : ce texte, qui visait à ce que nous ayons un débat, est-il devenu un projet de loi gouvernemental ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et RDSE.) Parce que ce n’est plus du tout la même chose !
Par exemple, même si mon intention n’est pas de dire que le travail n’a pas été sérieusement mené, on ne peut pas décider dans le cadre d’une proposition de loi de construire six, huit, quatorze ou vingt EPR. Pourquoi ? Encore une fois, je suis favorable à la relance du nucléaire, mais pour prendre une telle décision, il faut un projet de loi avec une étude d’impact et l’avis du Conseil d’État. Ce n’est donc pas la même chose que trancher ce débat en deux jours dans le cadre d’une proposition de loi. Tout le monde le sait, ici, même la droite sénatoriale.
De plus, ce texte est, en réalité, devenu caduc, et je vais m’en expliquer. Daniel Gremillet propose, par exemple, que l’on construise quatorze EPR2 et quinze SMR. Il prévoit même six EPR2 supplémentaires, pour un total de vingt EPR2 à terme. C’est très bien, mais il faudra que l’énergéticien EDF ait une capacité d’investissement pour y parvenir. Or le Gouvernement, soutenu par la droite sénatoriale et par la Macronie, prévoit dans le projet de loi de finances pour 2025 de transformer la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crime) en une taxe sur les capacités de production, de sorte que cela représentera 3 milliards d’euros de taxe pour EDF. Je vous le dis, nous voterons contre, et j’espère que nous serons nombreux à le faire.
Madame la ministre, il y a là une première incohérence. Soit le Gouvernement veut relancer le nucléaire, mais il faut alors qu’il donne la capacité à EDF de le faire, soit il considère qu’il faut en réalité « taper » les énergéticiens. Je vous proposerai, pour ma part, un amendement dans la cadre du projet de loi de finances visant à instaurer une taxe sur les acteurs alternatifs pour « taper » la rente de ceux qui ne produisent rien. Nous pourrons peut-être nous mettre d’accord là-dessus.
Deuxième incohérence, les auteurs de la proposition de loi veulent électrifier les usages – et je les soutiens –, mais le Gouvernement fait un autre choix dans le projet de loi de finances en prévoyant d’augmenter la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et de rehausser la TVA sur la partie abonnement des factures d’électricité de 5,5 % à 20 %.
Madame la ministre, vous allez alourdir la fiscalité sur l’électricité alors qu’au sein même du Gouvernement vous ne parvenez pas à vous accorder pour augmenter la fiscalité sur le gaz !
M. Vincent Delahaye. Eh oui !
M. Fabien Gay. Vous allez donc pénaliser davantage l’électricité que le gaz bien que vous affichiez la volonté d’électrifier les usages. Mettez-vous d’accord et revenez nous dire ce que vous voulez vraiment faire !
Troisième problème, quand allons-nous débattre de l’après-Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire) et du nouveau calcul des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) ? Le véhicule législatif ne peut pas être le projet de loi de finances (PLF) – on nous l’a répété un certain nombre de fois. Le problème, madame la ministre, c’est que votre gouvernement a décidé de l’inscrire dans le PLF pour 2025.
Quatrième problème, on sait qu’une politique globale doit pouvoir s’appuyer sur les collectivités territoriales. Mais votre gouvernement a décidé une nouvelle ponction de 5 milliards d’euros sur les collectivités. (M. Stéphane Piednoir s’exclame.)
M. Daniel Salmon. C’est plus encore !
MM. Michel Savin et François Bonhomme. Ça va changer !
M. Fabien Gay. Comment pourront-elles mener des politiques ambitieuses en matière écologique ?
Cinquième problème,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Fabien Gay. Tout le monde m’interrompt ! Vous ne voulez pas débattre, mes chers collègues ? (Sourires.)
En commission, j’avais fait adopter un amendement – certains de ceux qui étaient présents alors sont désormais ministres – visant à faire vivre le projet d’Ecocombust à la centrale de Cordemais. Cela figure dans le texte, madame la ministre, à l’article 8.
M. le président. Veuillez conclure ! Vous avez dépassé votre temps de parole.
M. Fabien Gay. Mais EDF a décidé de ne pas en tenir compte. Quel est l’avis de votre gouvernement et de la droite sénatoriale sur ce sujet ? Allez-vous dire que vous êtes contre cette mesure, alors que vous étiez pour au mois de juin dernier ?
M. le président. Concluez !
M. Fabien Gay. Quand vous aurez résolu toutes ces incohérences, nous pourrons commencer à avoir un débat sérieux. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Michel Savin. Voilà un modéré !
M. Yannick Jadot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer le travail de Daniel Gremillet, d’Alain Cadec et de Patrick Chauvet.
Ce texte est utile, car, comme nous l’avons dit dès le début, notre pays a impérativement besoin d’une programmation de l’énergie. Les retards accumulés depuis maintenant plus d’un an sont dramatiques. Ils démontrent le désintérêt des gouvernements successifs pour le sujet et leur mépris pour le Parlement.
Les conséquences sont bien évidemment dramatiques pour le climat. La France est l’un des pays qui se réchauffent le plus au monde, soumis au retrait-gonflement des argiles, aux pertes agricoles, aux inondations, aux canicules, aux feux de forêt… À l’approche du débat budgétaire, nous devons nous rappeler que le coût de l’inaction, demain, sera beaucoup plus élevé que le coût de l’action, aujourd’hui.
L’enjeu est aussi celui de notre souveraineté. La guerre en Ukraine a démontré combien notre dépendance, et trop souvent notre complaisance, vis-à-vis des régimes pétroliers nous coûte cher.
Notre économie est touchée. Notre mix énergétique, vous le savez, dépend majoritairement des énergies fossiles, que nous importons pour plus de 100 milliards d’euros chaque année. Je le redis, tout cela nous coûte extrêmement cher.
En outre, pour revenir sur la question de la concurrence, tant que nous dépendrons d’énergies fossiles que nous ne produisons pas, notre énergie coûtera beaucoup plus cher que dans le reste du monde.
Notre responsabilité est donc de décarboner massivement. En effet, puisque notre trajectoire climatique nous impose d’électrifier de plus en plus nos usages et nos modes de production, il nous faut déployer rapidement des énergies décarbonées.
Nous saluons l’objet de cette proposition de loi qui est de rappeler le Gouvernement à ses obligations, y compris européennes. La France s’est fixé pour objectif de baisser de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre et elle s’est engagée au niveau européen à atteindre une part de 44 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici à 2030. Il faut respecter ces engagements.
Nous saluons aussi l’inscription dans le texte de la sortie des énergies fossiles avec des objectifs renforcés pour 2030, d’une meilleure information du consommateur et des objectifs ambitieux en matière de rénovation thermique. Mais soyons sérieux ! Compte tenu des coups portés au budget de la rénovation thermique, les objectifs affichés ne seront pas tenus.
En revanche, cher Daniel Gremillet, sans surprise, nous divergeons sur les priorités. En effet, vous donnez la priorité absolue au nucléaire. Rappelons tout de même que, sur ce point, les dispositions de cette proposition de loi dépassent largement le périmètre de la loi quinquennale ou de la programmation pluriannuelle. Notre objectif a été fixé à l’horizon 2035. Or il n’y aura pas un EPR2 en service à cette date. De plus, comme l’a dit Fabien Gay, le texte n’a donné lieu à aucune étude d’impact et n’a pas fait l’objet d’un avis du Conseil d’État.
Reconnaissons-le, dans cet hémicycle, vous avez une passion pour les EPR. Et toute passion porte une part d’irrationalité. La vérité sur le nouveau nucléaire, c’est que l’EPR de Flamanville a douze ans de retard et représente un surcoût de 16 milliards d’euros. Même surcoût pour Hinkley Point ! Quant aux EPR2, personne ne peut en déterminer le prix aujourd’hui puisque leur design n’est pas encore finalisé. Mais on sait qu’il sera d’au moins 13 milliards d’euros par tête de pipe, sans avoir le début d’une idée pour le financer.
Franchement, comment donc sérieusement imaginer de construire quatorze EPR2, quinze SMR et peut-être six EPR2 de plus avant 2035 ? Ce n’est pas sérieux !
En réalité, que l’on soit pour ou contre ces EPR2, ils ne seront pas opérationnels avant cette échéance. D’ici 2035, si l’on souhaite développer des solutions décarbonées, il faut déployer les énergies renouvelables. Cette question est partiellement abordée dans le texte, mais il faut reconnaître que ses auteurs sont un peu frileux sur l’éolien et le photovoltaïque, alors même que, partout dans le monde, ce sont les énergies qui se développent le plus vite.
En 2030, l’éolien et le solaire fourniront plus de la moitié de l’électricité dans dix pays européens, parmi lesquels figurent la quasi-totalité de nos voisins : je pense aux Britanniques, aux Allemands, aux Belges ou encore aux Espagnols. Il est temps que la France respecte ses engagements européens et « mette le paquet » pour atteindre ces objectifs.
Nous devons travailler en priorité à améliorer notre politique industrielle. Le nucléaire existant a besoin de compétences, de savoir-faire et, incontestablement, d’usines, car chacun sait que nous en avons encore pour des décennies.
En revanche, madame la ministre, c’est bien beau de parler de pactes éolien et solaire, mais la réalité, c’est que le Gouvernement abandonne les entreprises dans les territoires. Vous souvenez-vous du rachat d’Alstom ? C’était à l’époque où Emmanuel Macron était ministre de l’économie…
M. François Bonhomme. C’est fini !
M. Yannick Jadot. Sachez que General Electric s’apprête à licencier 60 % de son personnel en Loire-Atlantique !
M. le président. Mon cher collègue, vous dépassez allègrement le temps de parole qui vous est imparti…
M. Yannick Jadot. Je conclus, monsieur le président : il nous faut réfléchir à notre politique industrielle, parce que notre souveraineté énergétique en dépend.
Madame la ministre, nous attendons du Gouvernement qu’il dépose un texte nous permettant de tenir nos engagements européens et de mener à bien la transition énergétique dont nous avons tellement besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Fabien Gay applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article L. 100-1 A du code de l’énergie prévoit qu’« avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique ».
Cette loi de programmation, prévue par la loi Énergie-climat de 2019, consacre la primauté des politiques sur les techniciens dans le secteur stratégique de l’énergie.
Or, depuis 2019, aucun gouvernement n’a mis à l’ordre du jour un tel projet de loi, qui doit permettre à la France de répondre concrètement aux défis de la transition énergétique et à l’urgence climatique. Notre groupe, comme d’autres d’ailleurs, a dénoncé à de multiples reprises ce renoncement gouvernemental. Le Parlement se trouve ainsi dessaisi d’enjeux primordiaux pour l’avenir de notre pays. Nous sommes face à un déni démocratique.
Madame la ministre, permettez-moi de vous présenter mes félicitations républicaines pour votre nomination. Il est aujourd’hui de votre responsabilité de présenter un véritable projet de loi lançant le débat parlementaire et démocratique sur la stratégie énergétique de la France sur le long terme, en cohérence avec nos engagements internationaux et européens.
La proposition de loi de nos collègues du groupe Les Républicains que nous examinons ce soir a donc toute sa légitimité dans le contexte actuel.
Pour autant, ce texte ne permet d’atteindre que partiellement les objectifs de programmation de la loi Énergie-climat. C’est ainsi que la question des moyens financiers nécessaires pour atteindre ces objectifs n’est pas abordée.
Quelles sont les raisons qui poussent à choisir tel scénario de mix plutôt qu’un autre ? Quel scénario est-il préférable de retenir pour notre pays au regard du coût moyen actualisé de chaque composante du mix, des enjeux de performance des filières industrielles, des objectifs d’indépendance et de souveraineté nationale, de l’effet prix sur les consommateurs et des considérations géopolitiques ?
Durant la discussion du texte, nous défendrons un certain nombre d’amendements déclinant les grandes orientations que défendent les sénateurs socialistes dans le domaine de l’énergie et qui s’inspirent du scénario N03 de RTE. Le Gouvernement présentera, lui aussi, des amendements qui tendent sans doute à souligner certaines faiblesses du texte, dont les auteurs affichent pourtant de fortes ambitions. Pour nous, il est difficile d’en juger sans étude d’impact…
La présente proposition de loi porte sur des sujets beaucoup plus vastes. Alors que l’on vient de légiférer, il y a quelques mois seulement, sur la simplification et l’accélération des procédures dans le domaine de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables, le texte prévoit de nouveau de modifier les nouvelles mesures de simplification : ce point fera l’objet de l’un de nos amendements.
Il comporte aussi de nombreuses mesures qui, pour certaines, auraient mérité un examen plus poussé : cela montre, encore une fois, la nécessité d’une étude d’impact… Ainsi, quelles sont les implications des nouvelles mesures relatives au partage territorial de la valeur prévu par la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ?
Les nouveaux dispositifs visant à faciliter l’investissement des collectivités territoriales dans les projets d’énergies renouvelables auraient, eux aussi, dû être évalués.
D’autres dispositions emportent mon adhésion, comme celles qui contribuent à soutenir l’hydroélectricité, tant la petite que la grande. Il est impératif – vous l’avez dit, madame la ministre – de sortir enfin du contentieux européen qui pèse sur les perspectives de la filière hydroélectrique.
Le texte contient d’autres mesures positives, notamment celles qui tendent à renforcer la protection du consommateur, en matière de prix notamment.
Pour conclure, quelques jours après la présentation des orientations budgétaires du projet de loi de finances pour 2025, je tiens à affirmer mon opposition à ce que le secteur de l’énergie soit plus particulièrement mis à contribution pour renflouer les caisses de l’État.
Le projet d’un relèvement très sensible de la taxe sur l’électricité au-delà de son niveau d’avant-crise me semble particulièrement préoccupant, en particulier pour les foyers les plus modestes. Dans la même logique, il est à craindre que la perspective d’une contribution exceptionnelle sur les dividendes d’EDF ait des répercussions sur les classes populaires et moyennes, un sujet sur lequel nous reviendrons au cours des débats sur le projet de loi de finances pour 2025.
Soyez assurée que les sénateurs socialistes seront pleinement mobilisés pour faire valoir leurs propositions ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte constitue une avancée que nous reconnaissons.
Durant des années, le Rassemblement national a été presque le seul parti à défendre le nucléaire comme source d’énergie décarbonée, soutenable et souveraine, garantissant à la France un secteur industriel d’excellence, et permettant d’assurer tant la croissance de l’économie française qu’une décarbonation réelle, à l’inverse d’autres modèles présentés comme vertueux. (M. Yannick Jadot s’exclame.)
Comme cela a été rappelé, il faut admettre qu’en l’espace de vingt ans les gouvernements gaullistes ont impulsé la plus grande aventure industrielle et écologique que le pays ait connue. Cinquante-huit réacteurs ont été érigés dans tous les territoires, ce qui a permis à la France de se doter d’une énergie plus que compétitive, décarbonée, et à EDF de devenir l’une des plus grandes compagnies énergétiques du monde.
Malgré ce formidable atout, le nucléaire en France a souffert de décennies d’hésitations et de reculs dont les conséquences ont été analysées en 2023 par la commission d’enquête parlementaire visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France.
Jusqu’à une période très récente, le consensus des experts ayant voix au chapitre pour ce qui est des décisions prises par la France, y compris les experts de RTE, prévoyait que la consommation électrique de notre pays serait stable dans les années 2000 avant de s’orienter à la baisse. Il serait trop long d’exposer l’ensemble des raisons d’un tel fiasco ; l’explication principale tient à la croyance irrationnelle dans les vertus de la mondialisation, des contre-chocs pétroliers et de la construction européenne.
Face à la réalité, la relance – trop tardive – du nucléaire en France ne fut actée qu’à la suite du discours prononcé par le Président de la République à Belfort le 10 février 2022.
Depuis cette annonce, aucune mise à jour n’est intervenue, bien que la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat ait prévu le vote d’une loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat avant le 1er juillet 2023. Aucun nouvel objectif n’a été fixé non plus.
Or l’adoption d’une loi de programmation de l’énergie volontariste, qui garantirait une relance du nucléaire, même si elle demeure insuffisante – disons-le –, est plus que nécessaire pour donner une véritable impulsion à la politique énergétique de notre pays.
Quoi qu’il en soit, cette proposition de loi de programmation manque encore d’ambition. À l’heure où les défis de la transition écologique imposent une électrification intensive des usages tant privés que professionnels, une nouvelle page de l’histoire du nucléaire français doit s’écrire.
Bien que le texte reprenne de nombreuses dispositions que nous défendons depuis des années, nous pensons qu’il convient de soutenir une programmation plus énergique, en fixant un objectif de nouvelles capacités installées de production d’électricité d’origine nucléaire d’au moins 32 gigawatts, dont au moins vingt réacteurs de troisième génération à l’horizon 2050.
Enfin, il va de soi qu’une loi de programmation devrait exclure définitivement les énergies éoliennes – une gabegie coûteuse d’argent public ne profitant qu’à quelques acteurs intéressés et écologiquement inutile – qui se révéleront un jour être un immense scandale.
Parce que nous maintenons une grande défiance à l’égard des énergies intermittentes, et même si nous reconnaissons la bonne volonté de ses auteurs, nous nous abstiendrons sur ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Martine Berthet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 441 jours, c’est le retard pris pour la discussion d’une nouvelle loi quinquennale de l’énergie. C’est aussi le retard pris pour définir l’avenir de notre politique énergétique et l’adapter aux évolutions technologiques.
Alors que la loi Énergie-climat de 2019 exigeait la présentation d’une loi de programmation pluriannuelle de l’énergie avant juillet 2023, et malgré plusieurs promesses successives puis une ébauche de texte, les précédents gouvernements ont échoué à atteindre cet objectif, nous laissant face à un vide législatif depuis plus d’un an.
Cette absence de cadre n’a permis l’actualisation ni de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ni du plan national intégré énergie-climat (Pniec). Résultat : un flou persistant pour les entreprises, les collectivités et les citoyens, un affaiblissement de la réponse à notre sécurité énergétique et économique et à l’urgence climatique.
Madame la ministre, ce texte est crucial. Aussi, je tiens à remercier notre collègue Daniel Gremillet de nous avoir permis d’en discuter aujourd’hui : celui-ci permettra de garantir notre indépendance énergétique en assurant tout d’abord le caractère public d’une large part de notre production et de sa distribution.
La proposition de loi fixe un cadre tout en simplifiant les normes ; elle permet ainsi d’aller plus loin dans l’innovation et la décarbonation, tant dans les secteurs de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone que dans ceux des énergies renouvelables, notamment de l’énergie hydraulique. Ce cap clair sera vital pour développer le nouveau nucléaire ou le stockage du renouvelable.
Avant d’aborder l’importance que peut revêtir ce texte pour la compétitivité de notre économie, je tiens à évoquer l’article 21, qui prévoit enfin, après plus de quinze ans, une solution intéressante au contentieux qui nous oppose à l’Union européenne au sujet des concessions, arrivées à leur terme, de certains de nos barrages hydroélectriques. Il s’agit en l’espèce d’une expérimentation du régime d’autorisation d’une durée de trois ans, qui permettrait de fait l’optimisation de notre potentiel hydroélectrique par EDF, désormais plus encline à faire les investissements tant attendus.
J’en viens à présent aux attentes de nos industriels, en particulier les industries électro-intensives, hyper électro-intensives et électrosensibles. Leur survie dépend des conditions d’accès à une électricité à un prix stable et compétitif. L’accord signé entre l’État et EDF en novembre 2023 en vue de préparer l’après-Arenh devait répondre à cette exigence.
Pour autant, l’absence d’une régulation préalable, ainsi que le manque de transparence et l’insuffisante liquidité actuelle du marché de gros entravent le développement d’un marché de l’électricité efficace, dynamique et innovant.
Ainsi, les industries électro-intensives, qui ont besoin que les prix se situent entre 35 et 55 euros par mégawattheure, se trouvent aujourd’hui confrontées à des tarifs avoisinant les 80 euros. Cette situation menace leur compétitivité face à des concurrents internationaux bénéficiant de tarifs bien plus favorables.
Nous nous devons de protéger ces industries vitales pour notre économie. Aussi, le renforcement des compétences de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) que visait l’un de mes amendements, avant qu’il ne soit déclaré irrecevable en application de l’article 45 de la Constitution, aurait permis d’améliorer la transparence des marchés de gros, tout en garantissant une meilleure liquidité. Je déplore le sort réservé à cet amendement. J’espère néanmoins pouvoir insérer ces dispositions essentielles, qui répondent du reste aux recommandations de la CRE et de l’Autorité de la concurrence (ADLC), dans le projet de loi de finances pour 2025.
Nous ne pouvons plus attendre. Il est de notre responsabilité d’agir avec détermination et bon sens, cohérence et ambition, pour définir une stratégie énergétique à la hauteur des défis à venir, comme le prévoit ce texte.
Madame la ministre, mes chers collègues, il est temps de garantir à nos entreprises, à nos concitoyens et à nos collectivités territoriales une énergie fiable, décarbonée et compétitive. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui définit une programmation énergétique nationale nous permettant d’accélérer notre transition énergétique et de conforter notre souveraineté dans ce domaine.
En l’absence de texte gouvernemental, un certain désordre juridique règne dans le domaine de l’énergie, ce qui met en péril les projets d’énergies renouvelables pilotés notamment par nos territoires.
La situation actuelle ne nous permettra pas d’atteindre les objectifs climatiques européens fixés dans l’accord de Paris.
Les différentes filières concernées ont besoin d’objectifs clairs et d’une stratégie pérenne, notamment pour mobiliser leurs financements. Je pense bien sûr à la filière nucléaire, déterminante pour notre souveraineté énergétique, et dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre maintes fois au Sénat. Je pense aussi aux filières renouvelables comme l’hydroélectricité, la chaleur, le biogaz ou encore les biocarburants, si essentiels pour réussir la transition énergétique.
La proposition de loi tente de répondre à ces impératifs et semble bénéficier d’un accueil positif de la part des acteurs concernés.
Dans le temps qui m’est imparti, je souhaite me pencher sur nos objectifs en matière d’énergie nucléaire, qui sont insuffisamment pris en compte parmi les objectifs généraux mentionnés dans le code de l’énergie, et ce malgré les très nombreuses lois examinées depuis 2015.
L’article 3 du présent texte vise à faire figurer la relance du nucléaire dans le titre préliminaire du code de l’énergie, ce qui est déterminant pour notre politique énergétique nationale. Il n’est pas nécessaire de rappeler ici que le conflit russo-ukrainien a mis en lumière l’importance d’un mix énergétique majoritairement nucléaire d’ici à 2050.
L’énergie nucléaire est un véritable levier de souveraineté, compte tenu de notre capacité de production qui s’élève à environ 345 térawattheures pour l’année en cours. Il s’agit également d’un levier de transition énergétique, ses émissions ne dépassant pas 6 grammes de CO2 par kilowattheure. Cette énergie mobilise enfin une filière d’excellence, qui comprend 3 200 entreprises et représente 220 000 emplois directs et indirects dans notre pays.
Les rapporteurs l’ont rappelé, on ne doit pas opposer l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables. Il s’agit de les développer de façon complémentaire dans un seul et même but, celui de maximiser la décarbonation du système électrique, tout en augmentant notre indépendance énergétique.
Nous n’avons pas le choix pour sortir des énergies fossiles et assurer notre sécurité d’approvisionnement à l’horizon 2030.
Nos objectifs en matière d’énergies renouvelables sont plutôt bien pris en compte parmi les objectifs mentionnés par le code de l’énergie. Il est néanmoins nécessaire de les renforcer, de les chiffrer, et d’en faciliter les démarches administratives.
En effet, pour suivre ces dossiers au sein de mon conseil municipal, permettez-moi de vous dire, non sans ironie, madame la ministre, que c’est parfois – et paradoxalement ! – une « usine à gaz » que de se lancer dans des projets hydroélectriques ou bioénergétiques. Je vous invite à découvrir les projets engagés dans ma ville ; vous y serez bien accueillie, et les acteurs de terrain pourront vous fournir un certain nombre d’informations. (Mme la ministre déléguée opine.)
Je salue enfin la volonté de la commission de veiller à la soutenabilité fiscale et, par voie de conséquence, à l’acceptabilité sociale de la transition énergétique.
Car chaque choix énergétique, nous le savons, se traduit par une facture adressée aux consommateurs. Depuis plusieurs années, nos concitoyens font face à un contexte de hausse des prix difficilement soutenable, notamment pour les foyers modestes vivant dans des logements mal isolés.
Mes chers collègues, parce qu’il est urgent d’instaurer une stratégie pérenne, résiliente et soutenable dans le domaine de l’énergie, le groupe Union Centriste votera, comme l’a dit Anne-Catherine Loisier, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi était une bonne réponse politique au refus du précédent gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi fixant les objectifs de la PPE pour les cinq prochaines années.
Si le contexte a changé, la proposition de loi est restée figée au 8 juin dernier. Comment désormais ne pas y voir un projet de loi ?
Et pourtant, comme cela a été dit, ce texte ne comporte ni étude d’impact ni avis du Conseil d’État, et ne prend pas en compte les conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050.
Les objectifs que la proposition de loi définit, notamment celui qui consiste à atteindre des capacités installées de production d’au moins 6,5 gigawatts d’hydrogène décarboné à l’horizon 2030 et d’au moins 10 gigawatts à l’horizon 2035, sont-ils atteignables ?
Concernant la technologie de captage du dioxyde de carbone, nous devons veiller à ce que cette solution n’apparaisse pas comme le miracle nous permettant de nous dispenser des efforts nécessaires de décarbonation de notre industrie et de sobriété. D’où viennent ces objectifs de 4 mégatonnes pour 2030 et de 15 mégatonnes pour 2050 ? S’agit-il d’estimations de l’industrie ? Les technologies de captage sont-elles mûres ? Et à quel coût ?
Dans un contexte de forte hausse des prix de l’énergie, marqué par la nécessité de réduire globalement notre consommation énergétique, une tarification sociale et progressive de l’énergie résidentielle est indispensable. Une telle mesure permettrait de mettre en œuvre les modalités d’une transition écologique socialement plus juste et en conditionne le succès.
L’article 5 du texte vise à développer la production nationale de chaleur et de froid renouvelables à l’horizon 2030, de biocarburants et de biogaz, et d’énergie hydraulique. Ces objectifs sont-ils réalistes ? Les filières des biocarburants et du biogaz sont-elles prêtes et capables de satisfaire cette ambition ?
Le rapport de la mission d’information sur le développement d’une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert, que j’ai présidée et dont le rapporteur était Vincent Capo-Canellas, a mis en évidence un certain nombre d’enjeux liés à la concurrence des usages. Je pense d’abord à celui de la disponibilité des matières premières utilisées pour fabriquer ces carburants, en particulier la biomasse ; je pense ensuite à celui de leur meilleure utilisation possible au regard de leur rendement et des alternatives pour contribuer à la décarbonation de tel ou tel secteur.
Pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur des transports notamment, il est indispensable de raisonner plutôt en termes de bilan carbone et d’efficacité énergétique qu’en termes de technologies. Nous devons établir des priorités sans regret, c’est-à-dire privilégier les usages pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles.
Enfin, l’accélération du changement climatique constitue un enjeu majeur pour notre gestion de la ressource en eau. Comme le prévoit le code de l’énergie, cette préoccupation doit être, de manière constante et transversale, au cœur de notre politique énergétique afin de répondre à l’urgence écologique et climatique.
Aujourd’hui, notre groupe s’interroge sur ce texte et sur le calendrier de son examen, alors même que le sujet abordé est essentiel. Comment se fixer des objectifs chiffrés sans avoir établi au préalable un rapport sérieux et complet ?
Nous demandons un plan d’action à l’État, notamment via l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), afin de fixer une trajectoire claire et partagée en matière de transition énergétique et écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylviane Noël. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi en premier lieu de saluer les principaux auteurs de cette proposition de loi salutaire, nos collègues Daniel Gremillet, Dominique Estrosi Sassone et Bruno Retailleau, dont le texte vient combler le vide législatif laissé par l’absence de loi de programmation énergétique qu’exigeait pourtant la loi Énergie-climat de 2019.
L’objectif est clair : prévoir des mesures concrètes pour simplifier la mise en œuvre de notre politique énergétique. C’est dans ce cadre que je souhaite aborder un aspect clé pour la cohérence globale du dispositif que nous adopterons, un élément très spécifique du diagnostic de performance énergétique (DPE), qui évalue la performance énergétique des bâtiments et concerne aujourd’hui près de 30 millions de logements en France.
Le mode de calcul du DPE a déjà fait l’objet de très nombreuses controverses, mais je veux aujourd’hui concentrer mon intervention sur l’une de ses caractéristiques qui est très particulière et méconnue : l’application d’un coefficient de conversion aux logements chauffés à l’électricité.
Depuis que l’accord de Paris a placé la lutte contre le réchauffement climatique au rang des priorités, le tout électrique est mis à l’honneur dans tous nos usages de consommation, qu’il s’agisse de nos modes de déplacement, de production ou de chauffage.
Pourtant, peu le savent : le DPE pénalise lourdement les logements anciens chauffés à l’électricité, puisqu’il multiplie artificiellement par 2,3 la consommation réelle des logements affichée au compteur, tandis que, pour les autres énergies fossiles comme le gaz ou le fioul, aucune pénalité n’est appliquée, bien que celles-ci émettent d’importantes quantités de gaz à effet de serre.
La pénalité infligée aux logements chauffés à l’électricité est d’autant plus incohérente que 90 % de la production française d’électricité est d’origine nucléaire ou hydraulique et, donc, décarbonée.
Ainsi, deux logements rigoureusement identiques, qui disposent de la même isolation et des mêmes caractéristiques techniques, seront classés différemment au titre du DPE si l’un est chauffé à l’électricité et l’autre chauffé au gaz : ce dernier, qui émet 227 grammes de CO2 par kilowattheure, obtiendra une note bien plus favorable que le logement chauffé à l’électricité qui n’émet pourtant que 40 grammes de CO2 par kilowattheure. Admettez qu’il y a de quoi en perdre son latin ! (Mme la ministre acquiesce.)
Alors que nous sommes sur le point de connaître les effets concrets de la mise en œuvre de la loi Climat et Résilience, qui interdira à la location les logements classés G dès 2025 et F dès 2028, et alors que notre pays connaît une crise du logement et de l’immobilier sans précédent, ce sont potentiellement des millions de logements qui pourraient être exclus du champ locatif ou commercial, parce qu’ils sont considérés comme des passoires thermiques.
Cela représente 8,5 millions de logements à l’échelle de notre pays ! J’ai fait le calcul pour mon seul département, où plus de 50 % des habitations sont chauffées à l’électricité : ce sont près de 160 000 logements actuellement classés en E, F et G. Cela vous donne une idée de l’ampleur du séisme qui nous attend, et ce par la simple application de critères artificiels qui pénalisent et dévalorisent injustement ces logements.
J’ajoute que cette manipulation réglementaire dégrade la performance environnementale du parc de l’habitat français, ce que l’Europe ne manque pas de nous reprocher, alors que, paradoxalement, nous sommes parmi les plus vertueux.
Madame la ministre, s’agissant d’une disposition de nature réglementaire, vous seule pouvez mettre fin à ce contresens écologique. Si nous abaissions le coefficient de conversion à 1, comme je le prévois dans la proposition de loi que j’ai déposée il y a tout juste un an, nous ferions un pas décisif vers une évaluation plus juste et équitable des logements chauffés à l’électricité.
Aucune raison scientifique, technique ou climatique ne justifie ce biais grossier et injuste dont l’étrange origine et la persistance ne pourraient s’expliquer que par la volonté tenace et efficace de sauvegarder certains intérêts commerciaux. Il s’agirait d’une mesure de justice sociale, d’une disposition cohérente, qui plus est en phase avec nos ambitions climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Au vu des nombreuses questions que vous m’avez posées, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, et avant que nous n’entrions davantage dans le détail, je souhaite apporter quelques éclairages sur l’action du Gouvernement.
Comme vous l’avez noté, nous discutons aujourd’hui d’une proposition de loi, dont les procédures d’examen sont, par définition, différentes de celles qui prévalent pour un projet de loi. Sachez qu’en matière de planification énergétique, le Gouvernement dispose bel et bien d’une première copie. Cependant, pour le moment, je préfère que nous fassions avancer le débat afin de discerner d’éventuels points de convergence et de discuter d’un cadre législatif qui permettrait cette planification.
Plusieurs d’entre vous ont abordé la question du calendrier et se sont interrogés sur les prochaines étapes.
Nous souhaitons que la programmation pluriannuelle de l’énergie soit examinée rapidement, de sorte que les enjeux énergétiques soient calmement débattus. Chacun doit avoir en tête que les débats seront sans doute sereins au Sénat, mais que ce ne sera probablement pas le cas à l’Assemblée nationale.
C’est aussi la raison pour laquelle la question du dépôt d’un projet de loi, dans les circonstances politiques que vous connaissez, monsieur le sénateur Gay, se pose. Ce ne serait pas une bonne idée de présenter un projet de loi qui n’aurait d’autre intérêt pour certains que de leur permettre de sanctionner le Gouvernement, alors qu’il serait préférable de travailler dans l’intérêt des Français et d’apporter une réponse claire, notamment aux entreprises, aux différents sujets déjà évoqués. (M. Yannick Jadot opine.)
En effet, les entreprises souhaitent une stabilité des prix et davantage de visibilité. Au travers de cette planification, nous devons leur proposer des contrats, notamment en termes de production nucléaire, qui leur garantissent une forme d’indépendance.
Madame la sénatrice Noël, la question du DPE ne sera pas abordée durant ces débats, mais nous sommes tout à fait conscients du caractère pénalisant du coefficient que vous évoquez. Agnès Pannier-Runacher et moi-même travaillons d’ailleurs d’ores et déjà à une rectification du dispositif du DPE.
Enfin, à mon sens, l’énergie est d’abord une question de territoire.
Des projets sont à l’étude dans chacun de vos départements, et c’est avec plaisir que j’irai voir sur place comment les différents territoires mettent à profit leurs particularités pour produire de l’énergie – ici à l’aide d’un barrage hydroélectrique, là grâce à l’éolien marin, ailleurs encore par des centrales nucléaires.
Je vous remercie de votre implication et je me réjouis du débat qui s’ouvre.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie
TITRE Ier
ACTUALISER LA PROGRAMMATION ÉNERGÉTIQUE NATIONALE
Chapitre Ier
Fixer une programmation énergétique ambitieuse
Avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 77, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 100-1 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Garantit une réduction des émissions de gaz à effet de serre compatible avec l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 afin de limiter l’élévation de la température à 1,5° C par rapport aux niveaux préindustriels. »
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. Par cet amendement, nous entendons inscrire au cœur de cette proposition de loi un objectif qui nous est commun : éviter le chaos climatique.
Il faut respecter à la fois l’esprit et la lettre de l’accord de Paris, donc l’affirmer d’emblée : nous voulons garantir un volume de réduction des émissions de gaz à effet de serre compatible avec cet accord. Dans la suite de cette discussion, nous aurons l’occasion d’en rappeler plus précisément les objectifs.
Mes chers collègues, c’est précisément l’esprit du présent texte. L’article 6 impose par exemple aux fournisseurs de carburants de réduire de 14,5 % l’intensité de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Quant à l’article 8, il entend conforter la sortie des énergies fossiles.
J’y insiste, cette proposition de loi devrait mieux prendre en compte les dispositions de l’accord de Paris.
M. Alain Cadec, rapporteur. Avis défavorable. (M. Yannick Jadot s’exclame.) Si vous voulez des explications, je pourrai vous en donner !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 est effectivement partagé. La France s’est fixé ce but, jugé compatible avec les efforts que nous engageons.
Je vous le confirme : notre pays contribuera pleinement à l’effort mondial exigé par l’accord de Paris. Toutefois, il ne peut à lui seul garantir l’atteinte des objectifs fixés à ce titre, lesquels supposent la collaboration des États du monde entier.
À cet égard, la rédaction que vous proposez est source d’insécurité juridique, alors même que – je le répète – la France s’est fixé elle-même l’objectif de neutralité carbone. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 130, présenté par M. Gay, Mmes Corbière Naminzo, Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui évalue l’opportunité d’une maîtrise publique du secteur de l’énergie s’appuyant notamment sur la propriété publique des moyens de production. Ce rapport évaluera les modalités possibles de la création d’un établissement public industriel et commercial dénommé Groupe Énergie de France, GEDF, chargé d’assurer le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique, l’intégration industrielle et l’unité sociale du système énergétique national.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Avant tout, je tiens à dire qu’il est plaisant d’avoir, au banc du Gouvernement, une ministre qui répond à un certain nombre de nos interrogations : nous avons le sentiment d’engager un débat, ce qui est précisément le rôle du Parlement.
Madame la ministre, vous nous dites que l’énergie, pour vous, c’est une question de territoire. Pour notre part, nous avons une autre vision, mais les points de vue peuvent bien sûr se confronter. À nos yeux, l’énergie, c’est de l’aménagement du territoire ; sa vocation est de répondre aux besoins des populations, de produire là où c’est nécessaire. C’est précisément pourquoi nous prônons un service public unifié.
Le 2 septembre dernier, nous avons déposé une proposition de loi pour nationaliser TotalEnergies et Engie ; placées au côté d’EDF, ces nouvelles entreprises publiques permettraient de créer un grand service public de l’énergie. C’est une idée que je défends régulièrement dans cet hémicycle et un projet auquel nous travaillons depuis maintenant deux ans.
L’État disposerait ainsi d’un bras armé pour répondre à deux besoins : premièrement, continuer à décarboner notre mix énergétique, qui, comme chacun sait, dépend encore essentiellement des énergies fossiles ; deuxièmement, sortir 15 millions de personnes de la précarité énergétique, notamment via un tarif, différent du prix, se rapprochant des coûts de production.
Nous disposerions dès lors de trois établissements publics industriels et commerciaux (Épic) distincts : le premier pour l’électricité, le deuxième pour le gaz et le troisième pour le pétrole.
Madame la ministre, cette idée doit faire son chemin ; elle mérite d’être débattue. C’est pourquoi nous proposons que le Gouvernement se saisisse de notre proposition de loi et remette des rapports sur le sujet. Pour ma part, je suis à votre disposition pour y travailler avec un membre de la majorité.
Je précise que notre proposition de loi est chiffrée : elle coûte 193 milliards d’euros, somme amortissable en sept à dix ans. Elle porte en elle la promesse d’un nouveau service public de l’énergie, différent de celui qu’a créé Marcel Paul par la loi du 8 avril 1946 et marquant une nouvelle étape de la nationalisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Mon cher collègue, les dispositions de cet amendement me semblent tout à fait inédites.
Vous l’avez rappelé vous-même d’entrée de jeu, il s’agirait de créer un service public de l’énergie englobant à la fois l’électricité, le gaz et le pétrole. Or une telle structure serait contraire au cadre européen : les directives du 13 juillet 2009 régissant les marchés de l’électricité et du gaz organisent une mise en concurrence dans ces deux secteurs.
Un tel service public serait aussi contraire au cadre national. En effet, la loi de nationalisation du 8 avril 1946, votée notamment par vos collègues de l’époque, n’a jamais concerné le marché public du pétrole.
M. Fabien Gay. Il n’est pas interdit d’innover !
M. Alain Cadec, rapporteur. La commission émet donc, évidemment, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous proposez que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la création d’un Épic Groupe Énergie de France.
L’organisation du système énergétique national repose sur un ensemble d’institutions dont les missions sont aujourd’hui clairement établies. Ce point a d’ailleurs été largement discuté lors de l’examen de la proposition de loi Brun, en avril 2024, texte qui a notamment acté formellement la détention à 100 % du capital d’EDF par l’État.
La création d’un tel groupe public ne semble ni étayée ni éclairée par d’éventuels bénéfices : le Gouvernement émet en conséquence un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, la proposition de loi Brun, qui a fait l’objet de trois lectures dans notre assemblée, ne procède pas à la renationalisation, mais à la ré-étatisation d’EDF. En effet, cette entreprise garde son statut de société anonyme : on est bien loin d’un nouveau service public démocratisé impliquant les usagères et les usagers – je vous ferai parvenir le texte de notre proposition de loi et vous pourrez le constater par vous-même.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison : en l’état, ces dispositions sont contraires au droit européen. Mais, sur ces questions, nous proposons précisément d’engager un débat politique, et même un combat politique, en posant la question suivante : pourquoi ne pas employer cet outil que l’on appelle le service public pour répondre à un certain nombre de besoins humains dans tel ou tel domaine ?
Pour notre part, nous considérons que l’énergie doit être mise à l’abri du secteur marchand, reconnue comme un besoin fondamental et placée sous domaine public. Un tel projet suppose une lutte politique.
Prenons garde ! Se contenter de répondre à chaque question posée que « de toute façon, on ne peut rien faire ; le débat est intéressant, mais il est interdit d’y réfléchir, car cette idée n’est pas conforme au droit européen », c’est nourrir le désespoir et, de facto, le vote pour l’extrême droite.
Le Parlement doit aussi être le lieu de débats et de luttes politiques. Certains persistent à penser que l’énergie doit être un bien marchand, soumis aux aléas du marché ; mais – on l’a vu au cours des trois dernières années – de telles idées nous conduisent droit dans le mur.
Nous proposons un autre chemin. Bien sûr, je ne m’attends pas à ce que la droite sénatoriale vote une loi de nationalisation plus ambitieuse encore que celle de Marcel Paul. (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.) Mais, a minima, il faut avoir ce débat : c’est pourquoi nous demandons la remise d’un rapport.
Je le répète, je suis à disposition pour travailler sur ce sujet, y compris avec quelqu’un qui est en désaccord avec notre projet. Le rôle du Parlement, c’est au moins d’en débattre.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 130.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
Après le 3° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, sont insérés des 3° bis et 3° ter ainsi rédigés :
« 3° bis Garantir le maintien du principe de péréquation tarifaire et l’existence des tarifs réglementés de vente d’électricité, la détention par l’État de la totalité des parts du capital de l’entreprise dénommée « Électricité de France », conformément à l’article L. 111-67, la propriété publique du réseau de distribution d’électricité, conformément à l’article L. 322-4, la propriété publique du réseau de transport d’électricité, la sécurité d’approvisionnement en électricité ainsi que la recherche d’exportations dans ce secteur ;
« 3° ter Garantir le maintien d’un prix repère de vente de gaz naturel, publié par la Commission de régulation de l’énergie, la détention par l’État d’une partie du capital de l’entreprise dénommée « Engie », conformément à l’article L. 111-68 du présent code, la propriété publique du réseau de distribution de gaz, conformément à l’article L. 432-4, la sécurité d’approvisionnement en gaz, ainsi que la diversification des importations dans ce secteur ; ».
M. le président. L’amendement n° 40, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au 2° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, après le mot : « nécessité », sont insérés les mots : « notamment en favorisant une tarification sociale et progressive selon le niveau de consommation des ménages et leur composition » ;
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet amendement vise à inscrire à l’article L. 100-2 du code de l’énergie une nouvelle exigence pour la politique énergétique.
Dans un contexte géopolitique incertain favorisant l’instabilité des prix de l’énergie, nous devons protéger les ménages autant que faire se peut. Voilà pourquoi nous souhaitons favoriser une tarification sociale et progressive de l’énergie résidentielle. Ce faisant, l’on pourra engager une transition écologique socialement plus juste : c’est la condition sine qua non du succès de la transition énergétique.
En outre, une telle tarification permettra de répondre à l’urgence sociale. Je pense en particulier à nos concitoyens les plus affectés par la hausse des prix de l’énergie, les dépenses énergétiques étant par nature captives et progressant régulièrement dans le budget des ménages depuis plusieurs années.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Mon cher collègue, non seulement nous sommes défavorables à ces dispositions sur le fond, mais, sur la forme, ces dernières soulèvent une difficulté juridique majeure.
La construction des TRVE s’en trouverait déstabilisée, ce qui nuirait in fine aux consommateurs. Je rappelle au passage que, pour le gaz, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en date du 7 septembre 2016 et un arrêt du Conseil d’État du 19 juillet 2017 ont mis fin aux tarifs réglementés de vente. Ces derniers se sont éteints le 1er juillet 2023, en application de la loi Énergie-climat de 2019.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, la tarification progressive que vous proposez serait très complexe à mettre en œuvre. Vous vous souvenez comme moi de la loi Brottes de 2013 : ce texte, qui mettait en œuvre une tarification semblable, avait été censuré par le Conseil constitutionnel.
Or nous disposons aujourd’hui d’un autre outil, à savoir le chèque énergie, pour aider les ménages modestes quelle que soit l’énergie qu’ils utilisent.
Enfin, les dispositions que vous suggérez contreviendraient au droit communautaire.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet à son tour un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Madame la ministre, pour savoir ce qu’il adviendra du chèque énergie pour des millions de familles, nous attendons l’issue des débats budgétaires…
La Cour des comptes l’a souligné dans divers rapports : en la matière – je pense notamment au bouclier énergétique –, on a dépensé des dizaines de milliards d’euros d’aides, dont ont bénéficié des ménages qui en réalité n’en avaient pas besoin. Il aurait fallu concentrer l’effort sur les familles les plus en difficulté.
Il paraît juste que les premiers kilowattheures soient gratuits pour les ménages les plus modestes : s’il y avait une volonté politique, nous pourrions – j’en suis sûr – trouver le chemin d’une telle tarification progressive.
Je le souligne à mon tour, il s’agit là d’une dépense contrainte, qui représente des montants très élevés. À l’heure où l’on parle de nouvelles fiscalités, y compris sur le gaz, il est temps d’affiner nos dispositifs. Rien ne justifie que l’on traite les familles françaises de la même manière, qu’elles soient pauvres ou qu’elles soient riches.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Michau, Montaugé, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
et l’existence
Par les mots
, l’existence de prix stables et abordables de l’électricité reflétant les coûts complets du système de production électrique, le maintien
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. La crise énergétique a révélé la défaillance du marché européen de l’électricité ainsi que son incapacité à répondre à l’urgence écologique et sociale, et donc, en la matière, aux trois défis du XXIe siècle : la décarbonation de notre économie ; la sécurité de notre approvisionnement énergétique ; et le maintien de prix à la fois abordables pour nos ménages et compétitifs pour tous nos concitoyens.
En effet, à partir de l’été 2021, les prix de l’électricité ont explosé, atteignant des pics non seulement sans précédent, mais décorrélés de nos coûts de production. Cette situation a entraîné de graves conséquences pour tous les acteurs économiques, à commencer par une hausse vertigineuse des factures.
De même que l’inflation, la volatilité des prix nuit gravement à l’activité économique. Les entreprises ont besoin de visibilité à long terme au sujet de leurs coûts de production ; or l’énergie représente souvent une grande part de ces derniers.
À nos yeux, la volatilité des prix de l’électricité ne doit pas devenir une donnée structurelle. Alors que la réforme du marché européen de l’énergie est en cours, nous devons veiller à ce que ces prix ne soient pas indexés sur ceux des énergies fossiles. À l’inverse, ils doivent refléter fidèlement les coûts complets de notre système de production d’électricité.
Notre amendement tend à compléter en ce sens l’alinéa 2 du présent article.
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par MM. Michau, Montaugé, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
l’existence
par les mots :
le maintien
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 34 rectifié et défavorable à l’amendement n° 30.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le Gouvernement approuve évidemment votre objectif : garantir, pour l’électricité, un prix à la fois stable et abordable, représentatif des coûts du système électrique. C’est précisément ce que nous avons défendu à l’échelle européenne, avec la refonte des textes relatifs au marché de l’électricité.
Toutefois, ces objectifs sont déjà mentionnés à l’article L. 100-2 du code de l’énergie : je vous suggère donc de retirer l’amendement n° 34 rectifié.
En revanche, pour ce qui concerne l’amendement rédactionnel n° 30, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur Michau, l’amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Michau. Oui, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 30 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 118 rectifié, présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin et Patriat, Mme Havet, M. Omar Oili, Mme Phinera-Horth, M. Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
transport d’électricité
insérer les mots :
, conformément aux articles L. 111-19, L. 111-41 et L. 111-42
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. À l’instar de l’amendement COM-11 rectifié, relatif au réseau de distribution d’électricité, adopté en commission, cet amendement vise à lever une ambiguïté en apportant la précision suivante : le principe de propriété publique du réseau de transport s’apprécie au regard des autres dispositions législatives du code de l’énergie prévoyant, premièrement, que le capital du gestionnaire du réseau de transport est détenu en totalité par Électricité de France, l’État ou d’autres entreprises appartenant au secteur public et, deuxièmement, que ce gestionnaire est propriétaire des actifs nécessaires à son activité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement intéressant, qui a pour objet la propriété du réseau public de transport d’électricité, tend à renvoyer à des dispositions plus précises du code de l’énergie.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Cet amendement vise à lever une ambiguïté relative à la propriété publique du réseau de transport d’électricité, afin d’assurer la cohérence des dispositions de cette proposition de loi avec celles du code de l’énergie traitant du même sujet.
Ces clarifications sont bienvenues et le Gouvernement émet à son tour un avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 78, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
d’exportations dans ce secteur
par les mots :
de solidarité électrique européenne par le développement des interconnexions
II. – Alinéa 3
Remplacer le mot :
diversification
par les mots :
réduction graduelle
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. L’article 1er réaffirme, bien sûr à juste titre, l’importance de la sécurité de notre approvisionnement et, partant, de notre souveraineté.
En revanche, il a le tort de traduire une vision très exportatrice de notre électricité. Tous les scenarii le soulignent : d’ici à 2035, horizon somme toute proche, notre problème sera en réalité de boucler notre équation énergétique. Nos usages et nos modes de production vont probablement largement s’électrifier, sans que nous disposions forcément de l’offre à même de satisfaire la demande.
Dès lors, nous préférons mettre l’accent sur la solidarité électrique européenne et sur les interconnexions : on sait à quel point ces dernières sont gages de souveraineté à l’échelle de notre continent et de stabilité du marché.
En outre, cet article insiste sur la nécessité de diversifier nos approvisionnements gaziers, alors même qu’il faut sortir du gaz !
Permettez-moi de vous renvoyer aux travaux de la commission d’enquête sénatoriale relative à Total : dans ce cadre, nous avons appelé la France à mettre un terme à ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe.
Le GNL – on le sait – est extrêmement polluant. Il est beaucoup plus polluant que le gaz naturel ; quand il vient d’Amérique du Nord, c’est du gaz de schiste, lequel est plus polluant que le pétrole et même, selon certaines estimations, que le charbon… L’enjeu est donc non pas de diversifier nos importations de gaz, mais bien d’y mettre fin ; et, pour cela – nous y reviendrons –, il faut renforcer nos objectifs de production d’énergies renouvelables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Mon cher collègue, de telles dispositions ne nous semblent pas opportunes. D’une part, elles éroderaient l’ambition énoncée à l’article 1er. De l’autre, elles se révéleraient redondantes. En effet, l’article 9 de la proposition de loi relève déjà de 20 % à 30 % l’objectif de réduction de la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2030, en commençant par le gaz.
J’ajoute que les mécanismes de solidarité européenne évoqués sont prévus, pour l’énergie électrique, par la réforme du marché européen de l’électricité proposée en 2023 et, pour le gaz, par le paquet gaz présenté en 2021.
Quant aux interconnexions, elles figurent d’ores et déjà dans notre droit national.
Aussi, je vous prie de bien vouloir de retirer votre amendement, même si je pense que vous ne le ferez pas !
M. Yannick Jadot. Jamais ! (Sourires.)
M. Alain Cadec, rapporteur. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Disposer de marges sur le système électrique est un enjeu majeur pour notre sécurité d’approvisionnement : il y va en effet de notre souveraineté énergétique.
Ainsi, la France a vocation à conserver un solde exportateur positif, ce qui fut le cas pendant trente-neuf des quarante dernières années.
En outre, les précisions prévues dans cet amendement figurent déjà pour l’essentiel dans notre droit. Pour l’électricité, le code de l’énergie contient un objectif de développement des interconnexions ; et, pour le gaz, le même code fixe l’objectif d’une réduction progressive de la consommation d’énergies fossiles.
Aussi, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Jadot, l’amendement n° 78 est-il maintenu ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Le jour où notre collègue retirera un amendement… (Sourires.)
M. Yannick Jadot. Je maintiens mon amendement, monsieur le président.
Madame la ministre, avant la guerre en Ukraine, l’économie européenne s’est largement construite, à bas coût, sur le gaz russe : on sait combien nous avons payé cette dépendance.
Quoi qu’il en soit, le gaz russe était acheminé par gazoduc ; comment peut-on croire qu’en y substituant du GNL en provenance du monde entier l’on obtiendra la même équation de prix et la même garantie d’approvisionnement ? On se berce d’illusions !
Le GNL transporté par tankers va par définition au plus offrant : aucun lien contraignant n’associe l’acheteur au vendeur. Si nous refusons d’admettre qu’il faut à tout prix sortir du gaz, nous dépendrons d’un marché mondial en proie à la guerre économique. Dès qu’elle amorcera sa reprise, la Chine monopolisera les tankers de GNL et nous serons en difficulté – sans parler des enjeux de pollution que j’ai mentionnés précédemment.
Bref, si nous voulons être souverains en matière énergétique, le GNL est la pire des solutions.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. J’estime que M. Jadot pose une question absolument fondamentale.
Nous travaillons tous aujourd’hui au développement d’énergies décarbonées ; et, à un horizon qui n’est peut-être pas si lointain, nous pourrions disposer d’un système énergétique totalement décarboné. Comment les prix seront-ils fixés ?
Vous le savez : à l’heure actuelle, c’est la dernière centrale appelée, laquelle fonctionne en général au gaz naturel, qui dicte le prix à partir duquel tout est élaboré, notamment le prix que paient les consommateurs, tous autant qu’ils sont, pour leur électricité. C’est là, me semble-t-il, toute la question posée par cet amendement.
Madame la ministre, pourrez-vous nous expliquer, maintenant ou plus tard dans ce débat, comment votre gouvernement compte aller vers un mix complètement décarboné ? Comment un tel système fonctionnera-t-il concrètement ?
Il s’agit non seulement de s’affranchir du gaz naturel, comme le souligne notre collègue, mais de savoir quelle sera finalement l’énergie marginale, permettant de faire fonctionner la dernière centrale ou la dernière unité de production appelée sur le réseau ? Je vous remercie par avance d’expliciter les orientations et la vision du Gouvernement sur cette question.
M. le président. L’amendement n° 131, présenté par M. Gay, Mmes Corbière Naminzo, Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Après les mots :
régulation de l’énergie
insérer les mots :
et la création d’un prix repère « offres fixes »
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Est exclue de la construction du prix repère de vente de gaz naturel l’indexation sur l’inflation des coûts commerciaux ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Parallèlement à la fin des tarifs réglementés de vente de gaz, on a décidé la publication par la CRE d’un prix repère de vente de gaz naturel (PRVG), censé accompagner les consommateurs et consommatrices résidentiels dans le choix de leur offre de fourniture gazière.
Le but affiché était de refléter la construction d’une offre de marché par un fournisseur efficace. Ce prix repère traduit donc les variations mensuelles et trimestrielles du prix du gaz. En conséquence, il est susceptible de différer sensiblement des tarifs d’une offre à prix fixe.
Mes chers collègues, à la suite de nos échanges avec plusieurs associations de consommateurs, parmi lesquelles l’UFC-Que Choisir, nous vous proposons d’exclure l’indexation des coûts commerciaux sur l’inflation de la construction du PRVG. En effet, une part non négligeable de ces coûts est imputable aux démarchages téléphonique et physique, ainsi qu’à la publicité.
Pour être utile au consommateur final, le PRVG devrait être établi sur la base de coûts stables et transparents, indépendants de la performance moyenne des fournisseurs. À défaut, ce prix repère est détourné de son objectif premier et ne sert qu’à favoriser le positionnement des fournisseurs.
De plus, il faut souligner que de nombreux consommateurs optent pour des offres à prix fixe sur un ou deux ans pour échapper aux fluctuations du marché. Ces particuliers doivent eux aussi pouvoir se référer à des offres à un prix repère fixe, comme les consommateurs ayant opté pour des offres à prix variable ; or, pour l’heure, cette possibilité ne leur est pas ouverte.
Aussi, nous souhaitons garantir la publication d’un tarif de référence pour les offres à prix fixe en complément du PRVG. La CRE elle-même le relève dans une délibération de mai dernier : une telle publication « présenterait l’intérêt de mettre en avant la diversité des offres de marché et permettrait aux consommateurs de comparer les offres à prix fixe avec une référence homogène ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Comme je l’ai déjà indiqué, il serait inconventionnel de recréer des offres de fourniture de gaz à prix fixe.
Un prix repère de vente de gaz naturel est publié chaque mois par la CRE et l’article 1er de la proposition de loi confère pour la première fois une base légale à ce dispositif, au sein de l’article L. 100-2 du code de l’énergie.
En outre, par le biais d’un amendement déposé à l’article 24, nous proposerons d’aller plus loin encore en déclinant cette base légale sur le plan opérationnel. Je précise que la CRE nous a indiqué être très favorable à une telle évolution.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Je le confirme : ce sujet est traité plus en détail par l’amendement n° 177, déposé à l’article 24.
Le Gouvernement émet donc à son tour un avis défavorable, à moins que M. Gay ne retire son amendement.
M. le président. Monsieur Gay, l’amendement n° 131 est-il maintenu ?
M. Fabien Gay. Madame la ministre, je suis comme M. Jadot, je ne retire jamais un amendement ! Que voulez-vous, j’ai la tête dure. (Sourires.)
Monsieur le rapporteur, j’ai entendu vos explications ; mais il se trouve que j’ai lu très attentivement l’avis de la CRE et que son appréciation du sujet diffère très largement de la vôtre. Je vais lire ce texte…
M. Alain Cadec, rapporteur. Ah non ! (Nouveaux sourires.)
M. Fabien Gay. Si, si ! J’en ai bien le temps, d’autant que cette citation est courte. « La publication additionnelle d’un prix repère “offre à prix fixe” divise les acteurs : les deux associations de consommateurs et la fédération syndicale y sont favorables, tandis que les quatre associations d’entreprises gazières et les cinq fournisseurs expriment leur opposition. »
Nous avons donc un débat politique, dans le cadre duquel les associations de consommateurs expriment leur accord, là où les fournisseurs alternatifs sont en opposition. La CRE, sans donner son avis, indique qu’il est possible de publier, chaque mois ou chaque trimestre, un PRVG. Voilà la réalité !
Ne pas publier ce prix repère relève bien d’un choix politique, qui consiste à prendre le parti des fournisseurs alternatifs de gaz, heureux qu’il n’y ait plus de tarif réglementé du gaz.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Cadec, rapporteur. Monsieur Gay, la question est, en effet, essentiellement politique.
M. Fabien Gay. Ah !
M. Alain Cadec, rapporteur. C’est la raison pour laquelle, je le redis, nous avons déposé, à l’article 24, un amendement qui va encore plus loin. Il déclinera cette base légale sur le plan opérationnel : on ne peut pas faire mieux ! C’est politique, c’est vrai, mais c’est un choix.
M. le président. L’amendement n° 45, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Promouvoir l’économie circulaire dans le secteur de l’énergie en favorisant la réutilisation, le recyclage et la valorisation des moyens de production et des déchets énergétiques ».
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. L’intégration de l’économie circulaire dans nos politiques énergétiques est non seulement une nécessité environnementale, mais également une stratégie essentielle pour renforcer la sécurité de l’approvisionnement, la souveraineté nationale et la gestion durable des matériaux critiques. En repensant nos systèmes de production et de consommation énergétiques, nous pouvons à la fois réduire notre empreinte écologique et garantir une résilience économique et industrielle à long terme.
Les matériaux critiques, tels que les terres rares, le lithium, le cobalt et le nickel, sont essentiels aux technologies de production d’énergie renouvelable, comme les panneaux solaires, les batteries et les éoliennes. Notre dépendance aux importations de ces matériaux expose le pays à des risques géopolitiques et économiques considérables, comme le démontre une étude de l’Institut national de l’économie circulaire (Inec).
Ainsi, intégrer l’économie circulaire dans nos politiques énergétiques est essentiel pour réduire notre dépendance aux importations et stabiliser les chaînes d’approvisionnement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L’amendement ne me paraît pas pertinent, car il est doublement satisfait.
En effet, l’économie circulaire est déjà citée au 2° du I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, code qui mentionne également le respect de l’environnement.
Par ailleurs, sur l’initiative de Didier Mandelli, nous avons adopté en commission un amendement à l’article 5 de la proposition de loi, relatif à la nécessité de renouveler les parcs éoliens, qui concentrent les principaux enjeux en matière de recyclage.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, votre amendement me plaît ! J’ai d’ailleurs souhaité que mon cabinet porte une attention particulière à la question de la durabilité, notamment en ce qui concerne les carburants, les ressources et le cycle de vie de nos infrastructures. L’économie circulaire doit y trouver toute sa place.
Je comprends des propos du rapporteur que cet objectif est déjà pris en compte, mais, je le redis, je suis favorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Il s’agit d’une nécessité impérative ! Le repowering, ce n’est pas l’économie circulaire. On peut parfaitement augmenter la puissance de nos éoliennes sans rien recycler ou réutiliser.
L’économie circulaire est donc un enjeu essentiel de souveraineté, mais également un enjeu international : nous ne pourrons fonder notre révolution énergétique et climatique sur un nouvel extractivisme dont les conséquences sociales, environnementales et politiques seront catastrophiques pour les pays du Sud ! L’extraction des métaux et des terres rares a aujourd’hui lieu dans des conditions abominables. Je suis favorable à l’exploitation de mines sur notre territoire, mais cela ne suffira pas.
J’y insiste, l’économie circulaire est donc doublement impérative, à la fois pour satisfaire à nos besoins et éviter une nouvelle et dramatique division internationale du travail.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 69 rectifié quater est présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et O. Richard, MM. Delcros, Henno, Kern, Folliot et Cambier, Mmes Saint-Pé et Antoine et MM. J.M. Arnaud et Pillefer.
L’amendement n° 98 rectifié quater est présenté par Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Brault, Capus, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, L. Vogel et Wattebled.
L’amendement n° 106 rectifié est présenté par M. Longeot.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Garantir aux foyers notamment ruraux ne disposant pas d’une solution de raccordement adaptée à un réseau de chaleur, de gaz ou d’électricité, l’accès à l’énergie, sans coût excessif au regard de leurs ressources ; »
La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié quater.
M. Claude Kern. Il convient de faire la distinction entre les zones urbaines et rurales, dont la consommation d’énergie présente des caractéristiques distinctes.
Aussi serait-il plus adapté de distinguer les bâtiments selon qu’ils disposent ou non d’une solution de raccordement à des réseaux de chaleur ou de gaz naturel. Identifier les bâtiments raccordables et ceux qui ne le sont pas permettra la prise en compte des spécificités énergétiques des zones rurales.
M. le président. Les amendements nos 98 rectifié quater et 106 rectifié ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 69 rectifié quater ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. La politique énergétique tient déjà compte des spécificités des zones rurales, par exemple au travers de la péréquation. Il en va de même pour la précarité énergétique : en application de la loi, l’État veille à « garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie, bien de première nécessité, ainsi qu’aux services énergétiques ».
L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.
M. le président. Monsieur Kern, l’amendement n° 69 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Madame la ministre, l’objet de mon amendement vise bien à distinguer les zones rurales dépourvues de possibilité de raccordement.
Je le maintiens donc, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
Article 2
Le 4° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie est abrogé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 31 est présenté par MM. Michau, Montaugé, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 79 est présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour présenter l’amendement n° 31.
M. Jean-Jacques Michau. L’article 2 vise à supprimer la trajectoire de hausse de la composante carbone de la fiscalité énergétique dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies.
Nous sommes au contraire favorables au maintien de cette taxe carbone, qui vise à pénaliser les émissions de CO2 et à inciter les acteurs économiques à être plus vertueux en modifiant et en adaptant leurs comportements aux exigences de la transition écologique.
La nécessité de transformer radicalement nos modes de production et de consommation pour faire face à l’urgence écologique rend incontournable l’accroissement de la fiscalité écologique, dont le but est de réorienter notre économie vers un mode de production et de consommation plus sobre et décarboné.
Certes, le mouvement des « gilets jaunes » a rappelé au Gouvernement que la transition écologique doit être une transition juste et qu’il faut penser la fiscalité écologique en veillant à concilier fin du monde et fin du mois. Ainsi, le caractère fortement régressif de cette fiscalité, qui pénalise plus particulièrement les ménages aux revenus modestes, mais aussi ceux qui, en milieu rural, sont contraints de recourir à l’automobile, a conduit le Gouvernement à geler la trajectoire de la taxe.
Cependant, des études démontrent que, dans l’absolu, les Français, y compris ruraux, ne sont pas défavorables à une telle taxe si cette dernière est compensée par la création de transports, d’emplois et de services de proximité dans les zones périphériques et rurales.
Dès lors, les recettes de cette taxe doivent être plus transparentes et ciblées sur les populations les plus touchées en finançant des aides appropriées.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour présenter l’amendement n° 79.
M. Yannick Jadot. Même constat, même diagnostic : voilà plus de vingt ans que la construction de notre politique climatique repose aussi sur la fiscalité carbone. Le consensus des économistes est absolu sur le fait que la décarbonation nécessite de prévoir une trajectoire de cette fiscalité.
J’ai participé aux négociations du Grenelle de l’environnement, avec le président Sarkozy. La fiscalité du carbone faisait déjà partie des enjeux. Dès le début, nous avons insisté sur cette idée : pas un euro collecté qui ne soit un euro redistribué. Le comité pour la fiscalité écologique présidé par Christian de Perthuis et le rapport Rocard allaient également en ce sens.
Si, au lieu de revenir sur la trajectoire de la fiscalité carbone, on ne développe pas la logique redistributive de cette fiscalité, nous courrons vers l’échec. Les « gilets jaunes » se sont soulevés après l’accélération, sans aucune redistribution, de la fiscalité du carbone. Collecter de l’argent afin d’offrir à ceux qui doivent parcourir 30 à 40 kilomètres pour travailler, aller chez le médecin ou faire du sport des alternatives ou des aides pour changer de mode de mobilité est donc essentiel.
Acter, avec ce texte, une telle rupture en matière de politique climatique n’est pas sérieux !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. J’entends vos arguments, mes chers collègues, mais ces amendements ne me semblent pas opportuns.
En effet, leur adoption aurait pour objet d’éroder l’ambition du texte, qui veille à la soutenabilité fiscale, et donc à l’acceptabilité sociale, de la transition écologique afin de favoriser l’atteinte des objectifs de celle-ci.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. J’espère, madame la ministre, que vous êtes bien consciente du contenu de l’article que vous soutenez. Il faudra, ensuite, défendre le fait que la France s’affranchit de toute trajectoire de décarbonation, en rupture complète avec nos engagements européens !
Vous avez soutenu des gouvernements qui ont fait de la fiscalité carbone une fiscalité de rendement. Durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la logique de rendement budgétaire a été accentuée. Vous n’avez jamais accepté le caractère organisé et redistributif de la fiscalité carbone !
Nous pouvons en débattre, mais rejeter à ce point l’idée d’une trajectoire sérieuse de décarbonation est une rupture des engagements européens de la France. Ce ne sera pas la première fois – on l’a vu sur d’autres sujets –, mais je vous invite à réviser la position du Gouvernement, parce qu’elle est irresponsable !
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Cet amendement a l’intérêt de poser la question de la fiscalité énergétique.
Revenons au récent rapport de la Cour des comptes sur ce sujet, qui dresse des constats sur la structure de la fiscalité de l’énergie en France. Celle-ci relèverait d’un empilement de décisions historiques, sans véritable visée environnementale, et elle pèserait largement sur les particuliers, notamment les plus modestes. Ainsi, en 2022, les particuliers payaient 27 euros par mégawattheure, contre 14 euros pour les professionnels. Il s’agit donc bien d’une fiscalité de rendement, et non d’une fiscalité écologique à dimension climatique.
Madame la ministre, ma question est simple : que pensez-vous des orientations définies dans le rapport de la Cour des comptes ? Je suppose que vous avez une idée sur ce sujet fondamental.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31 et 79.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Après le 7° de l’article L. 100-2, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis Poursuivre un effort de recherche et d’innovation en direction de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone mentionné au troisième alinéa de l’article L. 811-1, en soutenant notamment les réacteurs électronucléaires de troisième génération, les petits réacteurs modulaires, les réacteurs électronucléaires de quatrième génération, dont ceux refroidis au sodium, le projet international de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire, dénommé projet ITER, la fermeture du cycle du combustible, le projet de centre de stockage en couche géologique profonde, dénommé projet Cigéo, le couplage entre la production d’énergie nucléaire et celle d’hydrogène bas-carbone et les projets importants d’intérêt européen commun sur l’hydrogène ; »
2° Après le 5° du I de l’article L. 100-4, sont insérés des 5° bis à 5° septies ainsi rédigés :
« 5° bis De maintenir la part du nucléaire dans la production d’électricité à plus de 60 % à l’horizon 2030 et un mix de production d’électricité majoritairement nucléaire à l’horizon 2050 ;
« 5° ter De décarboner le mix électrique à plus de 90 % ainsi que le mix énergétique à plus de 50 % à l’horizon 2030 ;
« 5° quater De construire au moins 27 gigawatts de nouvelles capacités installées de production d’électricité d’origine nucléaire, dont au moins quatorze réacteurs électronucléaires de troisième génération et quinze installations de petits réacteurs modulaires, à l’horizon 2050. Pour atteindre cet objectif, la construction de 9,9 gigawatts de capacités installées doit être engagée d’ici 2026 et celle de 13 gigawatts de capacités installées et d’une première installation de petits réacteurs modulaires d’ici 2030. D’ici le dépôt de la prochaine loi prévue en application du premier alinéa du I de l’article L. 100-1 A, la construction de six réacteurs électronucléaires de troisième génération supplémentaires, représentant 9,9 gigawatts de capacités installées, doit être étudiée ;
« 5° quinquies De maintenir en fonctionnement toutes les installations de production d’électricité d’origine nucléaire, sous réserve de la protection des intérêts mentionnés au premier alinéa de l’article L. 593-1 du code de l’environnement, avec pour objectifs l’atteinte d’une capacité installée de production d’au moins 63 gigawatts jusqu’en 2035 et d’une disponibilité moyenne de cette capacité installée de 75 % à l’horizon 2030 ;
« 5° sexies De maintenir en fonctionnement toutes les installations nécessaires à la mise en œuvre du traitement et de la valorisation des combustibles usés, sous réserve de la protection des intérêts mentionnés au premier alinéa de l’article L. 593-1 du code de l’environnement, en pérennisant et en complétant les usines de retraitement-recyclage au-delà de 2040 ;
« 5° septies De recourir à une part de matières recyclées dans la production d’électricité d’origine nucléaire à hauteur de 10 % à l’horizon 2030 et 20 % à l’horizon 2040 ; ».
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaitais intervenir à ce stade de la discussion, car l’article 3 est particulièrement important. En effet, il acte la relance de la filière française du nucléaire, un sujet éminemment sensible sur lequel la commission des affaires économiques travaille et s’est engagée depuis de nombreuses années.
Pour mémoire, pendant l’examen de la loi Climat et Résilience en 2021, nous nous étions opposés à la fermeture de réacteurs nucléaires en l’absence d’étude d’impact sur la sûreté nucléaire, la sécurité de l’approvisionnement et la réduction des gaz à effet de serre. Lors de la discussion de la loi Nouveau nucléaire en 2023, nous avons abrogé l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique d’ici à 2035.
Ainsi, le Sénat dans son ensemble, et particulièrement la commission des affaires économiques, a souhaité mettre le nucléaire au cœur de l’agenda législatif. C’est pourquoi nous avons voulu, avec l’article 3, graver la relance du nucléaire dans le marbre de la loi. Nous y actons la construction de quatorze EPR2, conformément à l’objectif fixé par le Président de la République dans son discours prononcé à Belfort en 2022. Toutefois, nous allons plus loin en intégrant le scénario « N03 » de RTE, le plus nucléarisé, parce que nous considérons qu’il s’agit d’un minimum à atteindre.
J’entends les remarques, notamment de la part de Yannick Jadot, selon lesquelles nous serions trop ambitieux en envisageant davantage que les quatorze EPR2, avec quinze SMR et, potentiellement, six EPR2 supplémentaires en cas de réindustrialisation. Pourquoi avons-nous voulu afficher cette ambition forte ? Pourquoi pensons-nous qu’il faut maintenir une part d’au moins deux tiers de nucléaire dans notre mix énergétique en 2030, et une part majoritaire en 2050 ? La raison en est que les acteurs de la filière du nucléaire l’attendent et le demandent. Si nous voulons qu’ils puissent investir et mobiliser des financements, il leur faut un cap clair et cohérent, qui leur donne de la prévisibilité. Tel est l’objet de cet article 3.
J’ajoute, enfin, que nous voulons un nucléaire plus innovant, en n’oubliant pas les petits réacteurs modulaires et les réacteurs de quatrième génération, et plus propre, en permettant le traitement et le recyclage des déchets.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, combien cet article 3 nous tient à cœur et combien il est important que nous le votions pour fixer un cap clair et exprimer une ambition forte.
M. le président. L’amendement n° 80, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. J’entends vos réflexions et les convictions que vous avez défendues dans votre discours, madame la présidente. J’y insiste, cette proposition de loi traduit un exercice de programmation sur dix ans, qui doit être révisé tous les cinq ans. On peut dire ce que l’on veut, mais nous ne pourrons pas avoir quatorze EPR2 et quinze SMR avant 2035 ! Il faudra au moins quinze ans, au vu des retards régulièrement constatés pour ce type de construction. Nous sommes donc hors du cadre de la discussion que nous devrions avoir.
Ensuite, comme cela a déjà été évoqué, nous ne disposons d’aucune évaluation ! Souvenez-vous, lorsque nous avons auditionné Luc Rémont, PDG d’EDF, celui-ci nous indiquait que le design de l’EPR2 était en cours de finalisation… En d’autres termes, nous n’y sommes pas encore !
Nous ne connaissons pas encore les conditions de financement, alors que chaque EPR2 coûtera au moins 13 milliards d’euros – au-delà même de savoir si le projet est ou non faisable. Mon désaccord ne porte pas tant sur les six EPR2 supplémentaires, puisque je désapprouve déjà les quatorze premiers ! Ce scénario est le plus risqué puisque nous parlons d’une échéance à plus de quinze ans, alors que nous devons résoudre notre équation énergétique d’ici à 2035.
Notre priorité absolue devrait donc être les énergies renouvelables. Malheureusement, alors que nous entendons dans les discours qu’il faut marcher sur deux jambes – le nucléaire et les énergies renouvelables –, la réalité est que la seconde est en permanence sacrifiée. On pense que les problèmes du nucléaire, qui existent depuis cinquante ans, seront résolus en dix ans !
J’en appelle donc à la responsabilité, raison pour laquelle je suis contre cet objectif – ce rêve ! – d’EPR. J’ai bien compris que tout le monde adorait les EPR, et il y a même à l’Assemblée nationale un groupe politique qui s’appelle EPR. Si ce n’est pas de l’idéologie et du dogmatisme…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Sans surprise, l’avis de la commission est défavorable.
Contrairement à ce que vous venez de dire, mon cher collègue, les dispositions de l’article 3, que vous souhaitez supprimer, ont bel et bien fait l’objet d’une évaluation préalable.
En effet, depuis 2021, le Gouvernement a organisé des ateliers, une concertation publique, une concertation nationale et des groupes de travail. Il a même dévoilé en janvier un avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique, certes abandonné en mars, mais qui a fait l’objet d’une étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, du Conseil national de la transition écologique (CNTE) et du Conseil supérieur de l’énergie (CSE). Que voulez-vous de plus ?
Par ailleurs, la question est éminemment politique, mais votre discours est idéologique ! Vous êtes contre, point à la ligne.
M. Yannick Jadot. Et le prix ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Il n’est nullement question de sacrifice, monsieur le sénateur. Notre objectif est bien de marcher sur deux jambes, le nucléaire et les énergies renouvelables.
Je suis favorable à la relance du nucléaire, parce qu’elle nous permettra de franchir des étapes difficiles. D’ailleurs, dans mon département de l’Ain, j’ai milité pour l’installation d’EPR2 sur le site de la centrale du Bugey. Ils feront partie des six premiers réacteurs, ce dont je suis fière. Nous espérons que leur production en série dégagera des gains économiques et de temps.
Je défendrai toutefois plusieurs amendements sur cet article, dont nous pourrons débattre, mais il faut avancer en matière de relance du nucléaire.
L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Madame la ministre, vous dites que ce serait la solution la plus opérationnelle, la plus pragmatique. Mais même au Bugey, rien ne sera installé avant 2040. Nous avons du travail d’ici là !
Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dans le monde en 2024, il aura été installé davantage de capacités de production éolienne et photovoltaïque que de capacités nucléaires durant les dernières décennies ! Quand la France, pour son équation électrique, s’intéressera-t-elle aux énergies que l’on développe partout et qui font l’objet d’une guerre économique totale, notamment avec les Chinois et les Américains ? Pourquoi nous affranchirions-nous de telles perspectives industrielles, qui favoriseront l’accompagnement de nos territoires ?
Oui, nos territoires ont besoin d’usines et d’emplois. Mais on peut tourner le problème dans tous les sens, les seules possibilités dans les années qui viennent sont l’éolien et le photovoltaïque. Ce sont les moyens d’action les plus rapides, et donc ceux qui nous permettront de résoudre l’équation. Il n’y a donc aucun dogmatisme, c’est simplement la réalité. Lisez les études : les énergies renouvelables coûtent moins cher que le nucléaire. Que l’on soit pour ou contre, c’est une réalité économique !
Attention donc : rêver de 2040 ne permet pas de répondre aux besoins des dix ans qui viennent !
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Je profite de la discussion de cet amendement pour rappeler que chaque mode de production comporte des risques : maîtrise intrinsèque des technologies, difficultés d’implantation de certaines techniques en milieu rural – je pense notamment à la méthanisation et à l’éolien. Cela concerne toutes les filières, et pas seulement la filière nucléaire.
Il est fondamental de donner de la visibilité à toutes les industries concernées. Il convient donc de pousser tous les curseurs, sans entraver la montée en puissance de certaines filières. Pour le nucléaire, il faut donner à EDF les moyens de ses ambitions, qui sont nationales.
Madame la ministre, où le Gouvernement en est-il dans les discussions avec EDF sur le financement du nucléaire ? Car nous sommes dans l’opacité la plus totale. Nous sommes, certes, favorables à lui donner les moyens dont elle a besoin, mais, en tant que parlementaires, nous appelons à davantage de clarté dans les pourparlers avec cet opérateur fondamental pour l’avenir de notre pays et notre souveraineté nationale.
La commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 a mis en évidence le flou complet qui règne en la matière. Nous avons besoin de dialogue et de clarté, mais, pour l’instant, je ne vois rien venir.
Cela étant, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain reste favorable – j’y insiste – à ce que nous poussions tous les curseurs : il n’est pas question de sacrifier le nucléaire au profit d’autres techniques. Toutes ont leur place, sur le territoire, pour faire face aux enjeux de la décarbonation et de la production d’énergie propre.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Je veux faire un commentaire général, car j’ai le sentiment que nous allons entendre des propos répétitifs tout au long de la discussion de l’article 3, qui porte sur le nucléaire, marotte d’un certain nombre de groupes politiques et d’élus. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
Je me réjouis des propos de Franck Montaugé, qui a présidé la commission d’enquête sur le prix de l’électricité, dont Vincent Delahaye était le rapporteur. Son intervention était pleine de bon sens : il a présenté une vision équilibrée de notre mix énergétique.
Monsieur Jadot, vous avez fait allusion aux problèmes du nucléaire durant les cinquante dernières années. Or il y a bien eu un problème, il y a vingt-cinq ans, lorsque le mouvement politique auquel vous appartenez a saccagé le nucléaire durable, et l’avenir des réacteurs à neutrons rapides, qui étaient opérationnels.
M. Yannick Jadot. Nous ?
M. Stéphane Piednoir. Oui, vous !
M. Yannick Jadot. Nous n’avons jamais gouverné !
M. Stéphane Piednoir. Et la fameuse gauche plurielle en 1997 ?
On peut s’intéresser aux défauts de chaque filière, l’une après l’autre. L’éolien ne produit de l’électricité qu’un quart du temps, c’est donc une source d’énergie inutile. Nous sommes totalement dépendants de la Chine pour les panneaux photovoltaïques : il est donc inutile de s’enfermer dans cette voie. Quel que soit le mode de production, nous ne sommes pas souverains.
Quand on tient des propos aussi fallacieux que les vôtres, on se discrédite pour l’ensemble du débat ! (M. Yannick Jadot proteste.) Pour évoquer un coût de 13 milliards d’euros pour un réacteur, il faut tenir compte des dysfonctionnements et des empêchements subis pour la construction du premier EPR. Peut-être faut-il croire M. Rémont lorsqu’il indique que l’EPR2 est une simplification du design de l’EPR.
Nous sommes passés à autre chose parce que nous avons dissocié notre politique énergétique de celle de l’Allemagne. Demain, nos têtes de série seront beaucoup moins chères que ce que vous annoncez, je vous le garantis.
M. Yannick Jadot. Treize milliards !
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je remercie M. le rapporteur de sa prise de position. Il est réducteur d’opposer l’ambition que nous devons avoir pour le nucléaire et l’ambition en matière d’énergies renouvelables.
Les vingt-cinq articles du texte témoignent d’une ambition marquée pour les énergies renouvelables, que nous allons confirmer – je l’espère – tout à l’heure dans cet hémicycle. Je regrette donc, monsieur Jadot, que vous oubliiez l’essentiel. La proposition de loi a été bien pensée : nous savons tous que, dans les dix années qui viennent, ce sont les énergies renouvelables qui apporteront de nouvelles capacités !
Vous trouvez dommage de voir la filière éolienne sombrer : c’est incroyable de vous entendre dire une chose pareille ! Si, en France, nous n’avons ni la capacité, ni la volonté, ni l’ambition de développer des SMR de nouvelle génération, nous allons disparaître.
Vous le savez très bien, nous avons besoin d’énergie pilotable décarbonée. Or il se trouve que le nucléaire apporte une réponse positive à l’urgence sociétale et climatique à laquelle nous faisons face.
Dès lors, affichons nos ambitions ! Le texte que nous examinons aujourd’hui nous en donne justement l’occasion.
Nous sommes très réalistes sur le nombre d’années nécessaires pour atteindre les objectifs que nous avons fixés. Mme Estrosi Sassone l’a dit tout à l’heure d’une manière très claire : sans réindustrialisation de la France, nous n’y arriverons pas.
Le texte doit servir à tracer un chemin, à fixer une stratégie. Vos propos sont contradictoires : vous l’avez dit, la construction d’un EPR nécessite entre douze et quinze ans. C’est pourquoi nous devons avoir le courage d’annoncer les choses dès à présent, sans quoi, dans la période couverte par ce texte, nous passerions à côté de l’objectif que nous cherchons à atteindre.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Gremillet. Bref, soyons au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Premièrement, toute activité humaine a un impact sur l’écosystème ; il n’existe pas d’énergie propre.
Deuxièmement, arrêtons cette manie de fixer des objectifs en pourcentages – par exemple, 50 % de nucléaire dans le mix énergétique à un horizon donné –, car cela entraîne des erreurs d’appréciation. Je propose plutôt que nous fixions des objectifs de capacité de production très ambitieux dans tout domaine.
Troisièmement, M. Jadot a raison : le nucléaire, c’est le temps long. En effet, nous parlons d’une échéance à quinze ou vingt ans. Si nous voulons électrifier les usages et continuer à décarboner notre mix énergétique, il faut investir lourdement dans les énergies renouvelables.
Dans le même temps, si nous souhaitons aller au bout des choses – c’est-à-dire réindustrialiser le pays, électrifier les usages et, évidemment, en finir avec le pétrole –, nous ne pouvons pas nous passer du nouveau nucléaire. C’est pourquoi je me réjouis que nous ayons un débat sur la question.
Aujourd’hui, il faut envoyer un signal clair à une filière dont on annonce la fin depuis quinze ans, avec l’arrêt de la construction de réacteurs. Il s’agit de redonner une impulsion politique, d’affirmer que nous voulons du nucléaire. Il faut recréer la filière et les métiers pour assurer notre souveraineté, comme en matière d’énergies renouvelables.
Du reste, nous devrons avoir un débat sur les problèmes qui subsisteront. Je me pose notamment des questions sur les quinze SMR annoncés. Où allons-nous les placer ? Sous quelle maîtrise seront-ils exploités ? Il ne s’agira certainement pas d’une maîtrise publique… Quid des conflits d’usage avec l’eau ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Fabien Gay. Aussi, je me félicite que nous nous engagions aujourd’hui à développer le nouveau nucléaire, mais cela ne saurait occulter l’ensemble des débats.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Notre politique énergétique a malheureusement souffert d’une absence de planification pendant des années. Depuis quelques années, nous nous efforçons de tracer une voie claire.
MM. Christian Redon-Sarrazy et Fabien Gay. C’est raté !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Dans ce contexte, il est essentiel de trouver des financements et de savoir où nous allons.
Où en est le financement du nouveau nucléaire ? EDF doit nous communiquer un devis finalisé d’ici à la fin de l’année. Nous espérons que nous pourrons respecter les coûts annoncés et avoir une visibilité sur la programmation.
Dès lors, débattons, planifions et ne craignons pas de parler de 2040 ! Cette échéance peut sembler lointaine, mais l’éolien en mer, dont Agnès Pannier-Runacher et moi-même annoncerons la programmation dans les prochains jours, devra, lui aussi, faire l’objet d’une planification jusqu’à l’horizon 2035-2040.
Bref, n’ayons pas peur d’évoquer toutes les énergies.
9
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean-François Picheral, qui fut sénateur des Bouches-du-Rhône de 1998 à 2008.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. Mes chers collègues, en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable, par 21 voix pour et 18 voix contre, à la nomination de M. Philippe Mauguin aux fonctions de président de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
11
Programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie
Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 179 au sein de l’article 3.
Article 3 (suite)
M. le président. L’amendement n° 179, présenté par MM. Cadec et Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
Poursuivre un
par les mots :
Renforcer l’
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques. Cet amendement, sur lequel nous avons échangé avec notre collègue Vincent Delahaye, vise à renforcer l’effort de recherche et d’innovation en direction de l’énergie nucléaire, en remplaçant le terme « poursuivre » par le terme « renforcer ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, chargée de l’énergie. Le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 119 rectifié, présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin et Patriat, Mmes Havet et Phinera-Horth, MM. Omar Oili et Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
de l’article L. 811-1,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
notamment en matière de fermeture du cycle du combustible et de couplage entre la production d’énergie nucléaire et celle d’hydrogène bas-carbone ; »
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Cet amendement vise à introduire dans le code de l’environnement la poursuite des efforts en matière de recherche et développement ou d’innovation dans le secteur nucléaire, en mentionnant explicitement les réacteurs pressurisés européens (EPR), les petits réacteurs modulaires (SMR), le projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter), le projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo), mais aussi des objectifs plus généraux tels que la fermeture du cycle du combustible nucléaire et le couplage entre la production d’énergie nucléaire et celle de l’hydrogène bas-carbone.
M. le président. L’amendement n° 180, présenté par MM. Cadec et Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après le mot :
ceux
insérer les mots :
à neutrons rapides
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° … De soutenir un programme scientifique et technologique sur le développement des réacteurs de quatrième génération à neutrons rapides refroidis au sodium, et la valorisation des matières nucléaires associées, dans la perspective d’un éventuel déploiement industriel d’un parc de tels réacteurs ; »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Cadec, rapporteur. Le présent amendement vise à renforcer le soutien apporté au développement des réacteurs de quatrième génération à neutrons rapides, refroidis au sodium, et à la valorisation des matières nucléaires associées, dans la perspective d’un éventuel déploiement industriel de la filière.
Il s’agit ici de respecter l’esprit des conclusions de la commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 119 rectifié ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Je propose à M. le rapporteur de retirer l’amendement n° 180 au profit de l’amendement n° 119 rectifié, dont la rédaction nous semble en effet plus adaptée : elle permet de poursuivre des objectifs de politique énergétique similaires, tout en restant neutres et libres sur le plan technologique.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je suis un peu surpris par le manque d’ambition qui se reflète dans la liste donnée par notre collègue Nadège Havet. Elle omet en effet de mentionner la filière graphite gaz, dont les enjeux de recherche sont extrêmement importants.
Je vous rappelle que nous ne parvenons toujours pas à percer le cœur de la centrale de Brennilis pour la vider. Ce problème se pose depuis tout de même quarante ans ! Et pour cause, la recherche en matière de graphite gaz a pris du retard.
Heureusement, nous avons mis à l’arrêt nos vieux réacteurs à sodium juste à temps avant qu’une catastrophe ne se produise.
Nous pourrions sans doute proposer un sous-amendement pour ajouter la filière graphite gaz : il est temps de démanteler la centrale de Brennilis !
M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas sérieux !
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par MM. Michau, Montaugé, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le soutien aux petits réacteurs modulaires est conditionné à l’élaboration d’une doctrine d’emploi de ces nouvelles technologies nucléaires.
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Nous sommes favorables à l’article 3, qui acte la relance du nucléaire. Toutefois, nous exprimons des réserves vis-à-vis des SMR. Ces technologies n’étant à ce jour ni matures ni stabilisées, elles devraient faire l’objet d’une doctrine d’emploi, avec, si besoin, une réglementation, voire une législation, spécifiquement associée.
Les SMR sont-ils destinés à être exportés, ou permettent-ils de répondre à des besoins précis et localisés ? Où seront-ils implantés ? Qui en seront les propriétaires ? EDF ou des acteurs privés ? Les risques de dissémination nucléaire sont réels.
Par ailleurs, pour ce type de nouvelle technologie, les questions de gestion de la sûreté, d’une part, et de gestion de la sécurité des sites, d’autre part, sont fondamentales. Quels sont les moyens pour assumer ces missions sur les sites d’implantation ?
Sur ces sujets fondamentaux, les Français devraient pouvoir disposer de réponses circonstanciées. En ce sens, nous souhaitons qu’une véritable doctrine d’emploi des SMR soit élaborée et mise en débat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement n’est pas opportun.
D’une part, il adresserait un signal négatif en direction des petits réacteurs modulaires. Or le plan national intégré énergie-climat (Pniec) et la stratégie française pour l’énergie et le climat prévoient de développer un petit réacteur modulaire et un petit réacteur innovant dès 2030.
D’autre part, l’amendement semble déjà satisfait. En effet, c’est l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) qui, en tant qu’autorité administrative indépendante, est chargée de contrôler l’ensemble des installations nucléaires de base, dont les petits réacteurs modulaires.
Le législateur n’a pas à s’immiscer dans les compétences déléguées à une autorité administrative indépendante (AAI).
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Nous ne connaissons pas encore tout le potentiel de ces technologies émergentes (Ça, c’est sûr ! sur les travées du groupe GEST.) : c’est pourquoi nous avons lancé un appel à projets dans le cadre du plan France 2030.
En outre, la PPE a vocation à définir la doctrine française en matière de politique énergétique. Je ne vois pas pourquoi nous traiterions les petits réacteurs à part.
La construction des petits réacteurs modulaires devra s’effectuer dans le strict respect des exigences de sûreté et sous le contrôle de l’ASNR. Dès lors, j’estime qu’il n’y a pas besoin de doctrine d’emploi supplémentaire : il suffit de se conformer aux règles existantes.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Les SMR n’ont pas montré tout leur potentiel, dites-vous. C’est très clair, et je ne sais quand ils le feront ! ((Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)
La doctrine, aujourd’hui, consisterait d’abord à savoir ce que l’on finance. Une multitude de start-up inventent des SMR qui resteront des projets sur le papier pendant des décennies, et c’est bien l’argent public qui abonde en grande partie la recherche nécessaire à leur développement.
Au bout du compte, nous n’aboutirons à rien du tout, car ces petits SMR n’ont de viabilité économique que s’ils sont multipliés à l’envi – il faudrait en construire plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines.
Or, comme chaque pays possède sa réglementation propre, ce n’est pas demain que nous pourrons exporter des SMR en Europe, puis dans le monde entier. Je pense en particulier à l’Afrique, dont la situation géopolitique est propice à l’implantation de SMR un peu partout.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Qui aura la maîtrise des SMR ? S’agira-t-il d’une maîtrise publique réalisée par EDF, ou va-t-on laisser ces réacteurs aux mains du privé en arrosant d’argent public un certain nombre de start-up via France 2030 et les plans de relance ?
Pour notre part, nous considérons que les SMR doivent rester sous maîtrise publique, donc d’EDF. Tant mieux si l’ASNR exerce un contrôle, c’est même la moindre des choses !
D’ailleurs, nous devrions avoir un autre débat sur l’Autorité de sûreté nucléaire, fusionnée par le gouvernement précédent avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire : avec la relance nucléaire et la construction d’EPR2 et de SMR, cette autorité aura besoin de plus de moyens pour assurer ses nouvelles missions.
J’insiste, quel est l’avis du Gouvernement sur la maîtrise des SMR ? Allons-nous continuer à soutenir des industriels privés, dont la plupart des projets ne verront jamais le jour ? Et si jamais leurs projets devaient être réalisés, cela poserait de toute façon des questions assez sérieuses…
Par ailleurs, sur le plan industriel, c’est le premier de série qui coûte cher et prend le plus de temps à développer. Il est ensuite aisé de le répliquer.
Nous devons aussi avoir un débat sur l’implantation territoriale des SMR, qui ne peuvent être construits n’importe où et n’importe comment. Pour l’instant, nous en sommes encore à l’état de projet.
Nous voterons cet amendement de nos collègues socialistes, car il va dans le bon sens et soulève des questions pertinentes.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. En tant que président de la commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050, j’ai cherché à comprendre auprès des personnes que nous avons entendues à quoi pourraient bien servir les SMR.
À une époque, nous évoquions le fait que les SMR étaient uniquement destinés à être exportés. Vraisemblablement, ces réacteurs ne serviraient pas à assurer la flexibilité du réseau au cas où, ponctuellement, la production devrait être ajustée. Ils ne constituent pas non plus, par définition, des outils pouvant assurer une production importante.
Dès lors, je ne vois que les filières industrielles pour assurer la décarbonation.
Pourquoi demandons-nous qu’une doctrine soit définie ? Parce qu’il est de la responsabilité du Gouvernement, dans ses discussions avec le Parlement, de définir les filières qui seront prioritairement concernées par ce type de réacteurs. Tel est le sens de notre amendement.
Pour terminer, j’évoquerai un point relatif à la technologie des unités de production. En France, dans le cadre militaire, nous exploitons des réacteurs à propulsion sous-marine. J’ai posé des questions sur ce sujet, mais personne n’a jamais voulu me répondre, sans doute parce que cette technologie est couverte par le secret-défense.
Je n’ai toujours pas compris pourquoi il était si difficile de transposer une technologie du domaine militaire au domaine civil, pour des puissances à peu près comparables. Peut-être allez-vous nous éclairer sur le sujet, madame la ministre ?
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Alors que nous parlons de souveraineté et de patriotisme français, je trouve surprenant d’utiliser les acronymes anglais « EPR » et « SMR »…
Plus sérieusement, nous sommes responsables de la prolifération nucléaire et des technologies que nous pourrions développer, le fantasme étant d’en vendre dans le monde entier en faisant fi, justement, des enjeux de prolifération et d’installation, mais aussi des risques et des régimes politiques.
Continuer à dépenser de l’argent dans des projets qui, encore une fois, n’ont aucune maturité à ce jour me semble aberrant.
Un ancien président de la République français disait que pour un euro dépensé pour le nucléaire, un euro le serait pour les énergies renouvelables. Il s’appelait Nicolas Sarkozy.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Le fait que la technologie utilisée par les sous-marins nucléaires ne soit pas transposable résulte davantage d’un problème d’environnement et de public que d’un problème de technologie.
En effet, ce sont des professionnels spécialisés qui embarquent à bord des sous-marins. S’agissant des SMR, ils seront installés au milieu du grand public. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Ils seront gérés par des amateurs ? Nous voilà rassurés !
M. Franck Montaugé. Justement, c’est de cela que nous voulons parler ! Il nous faut une doctrine d’emploi.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 133, présenté par M. Gay, Mmes Corbière Naminzo, Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° bis De conforter le choix durable du recours à l’énergie nucléaire en tant que scénario d’approvisionnement compétitif et décarboné. Pour la production électronucléaire, sous réserve des dispositions relatives à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement, elle vise à maintenir une puissance installée suffisante pour répondre à la demande, sur la base des consommations historiques les plus hautes, et une puissance de réserve supplémentaire pour garantir les aléas techniques majeurs ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement a trait au dimensionnement du parc de production nucléaire en France.
Tout à l’heure, notre collègue Yannick Jadot a soulevé un débat sur la surproduction d’électricité, et donc sur la coopération et la solidarité dont est capable notre pays.
Il ne s’agit pas de dire que nous sommes les meilleurs en Europe ou dans le monde, mais il faut faire vivre la question de la solidarité. La France ne fait d’ailleurs pas défaut, car elle est au cœur du marché européen, et particulièrement des interconnexions.
Trop souvent, on pense que le parc nucléaire tourne à plein régime. C’est faux : en plus de quarante ans, nos cinquante-huit réacteurs n’ont fonctionné que deux fois en simultané. Du fait de la corrosion sous contrainte, la moitié de nos réacteurs ont été arrêtés. Même en cas de fonctionnement normal, un quart de notre parc nucléaire est à l’arrêt.
Aussi cet amendement vise-t-il à bien dimensionner le parc de production, dès le départ, en fonction de nos besoins. Ne nous en tenons pas au strict minimum.
M. le président. L’amendement n° 143 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5 :
Après le mot :
et
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
de viser un mix de production d’électricité majoritairement nucléaire à l’horizon 2050 sous réserve de la protection des intérêts mentionnés au premier alinéa de l’article L. 593-1 du code de l’environnement ;
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Accroître la production d’énergie décarbonée nécessite une relance inédite du nucléaire et l’accélération du déploiement des énergies renouvelables, deux énergies complémentaires.
Leur part respective dans le mix énergétique dépend des contraintes techniques et industrielles. Eu égard aux contraintes industrielles et de sûreté nucléaire, il ne peut être exclu que la part du nucléaire en 2050 soit légèrement inférieure à 50 %, en particulier en cas d’électrification massive des usages.
Ainsi, il convient de conserver le maximum de latitude possible à l’horizon 2050, au bénéfice du service rendu aux consommateurs d’électricité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. La commission n’est pas favorable à ces amendements, pour trois raisons.
Tout d’abord, leur adoption conduirait à supprimer une disposition déjà adoptée par le Sénat. Lors de l’examen de la loi Nouveau nucléaire de 2023, notre collègue Daniel Gremillet avait proposé, à l’article 3, de faire adopter un objectif de mix majoritairement nucléaire à l’horizon 2050.
Ensuite, ces amendements contreviendraient à l’ambition fixée par la présente proposition de loi, ce qui aurait pour effet de la dénaturer complètement.
Enfin, ils vont à l’encontre des positions des acteurs économiques, qui nous ont tous demandé de conserver l’article tel qu’il est rédigé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 133 ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Le Gouvernement est plutôt favorable à l’amendement n° 133. Toutefois, je vous propose de le retirer au profit de notre amendement n° 143 rectifié, afin de consolider la modification suggérée.
M. le président. Monsieur Gay, l’amendement n° 133 est-il maintenu ?
M. Fabien Gay. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 143 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 9 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 249 |
Pour l’adoption | 51 |
Contre | 198 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 134, présenté par M. Gay, Mmes Corbière Naminzo, Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° quater De construire de nouveaux réacteurs nucléaires et des petits réacteurs modulaires sous maîtrise publique, avec l’objectif qu’au moins 9,9 gigawatts de nouvelles capacités soient engagées d’ici 2026 et que des constructions supplémentaires représentant 13 gigawatts soient engagées au-delà de cette échéance ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Dans le texte de la commission, il est proposé de construire 15 SMR et 14 EPR2, plus éventuellement 6 EPR2 supplémentaires…
Je le répète, je vois là toute la limite de cette proposition de loi : on prendrait une telle décision sans étude d’impact, sans avis du Conseil d’État, mais aussi sans débat sur la question de l’eau. Or, dans les trente prochaines années, la construction de 20 EPR2, combinée au remplacement des réacteurs existants, ne manquerait pas d’amplifier les conflits d’usage que l’on connaît, surtout au vu des sécheresses prévues. Ne pas avoir ce débat tout à fait sérieux nous mettrait en difficulté.
C’est pourquoi, pour notre part, nous proposons d’en rester à l’objectif initial de 6 EPR2 ; on verra bien ensuite.
La seconde question est celle du financement de ces projets. Le coût de 6 EPR2, c’est 67 milliards d’euros. Aujourd’hui, EDF n’a pas cet argent.
Nous vous posons donc de nouveau, madame la ministre, la question que nous avons déjà posée dans la discussion générale et que notre collègue Franck Montaugé a réitérée tout à l’heure : comment votre gouvernement compte-t-il assurer le financement des six premiers EPR2 ? Où pense-t-il trouver ces 67 milliards d’euros ?
La question est d’autant plus pressante que votre gouvernement, dans son projet de budget 2025, a pris la décision de ne plus taxer les rentes inframarginales, mais de frapper la production des énergéticiens, EDF au premier chef.
Si ce budget est voté – c’est bien votre intention, puisque votre gouvernement le propose –, on amputera EDF de 3 milliards d’euros, tout en laissant les roquets alternatifs continuer à se gaver sans remettre un rond dans le pot commun !
Là, vous allez avoir un problème : vous ne pouvez à la fois prendre la décision de relancer le nucléaire en fixant un objectif de 20 nouveaux EPR, soit un investissement de 200 milliards d’euros, et instaurer une fiscalité extrêmement négative sur la production. Ce sont tout de même deux signaux complètement différents que vous envoyez là !
C’est pourquoi, madame la ministre, je le redis, nous vous remercions de bien vouloir répondre à cette question.
M. le président. L’amendement n° 144 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Première phrase
Remplacer les mots :
Construire au moins
par les mots :
Tendre vers
et les mots :
au moins quatorze réacteurs électronucléaires de troisième génération et quinze installations de
par les mots :
des réacteurs électronucléaires de grande puissance et des
2° Deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La construction d’au moins 10 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires installées, dont six réacteurs électronucléaires de grande puissance, est engagée d’ici 2026 et la construction supplémentaire d’au moins 13 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires installées, dont huit réacteurs électronucléaires de grande puissance et un petit réacteur modulaire, est engagée d’ici 2030.
3° Troisième phrase
Après la référence :
L. 100-1 A,
rédiger ainsi la fin de la phrase :
la construction d’au moins 10 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires installées est étudiée.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. L’objectif du Gouvernement est bien d’engager, d’ici à 2026, un programme de construction de 10 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires, au travers de 6 EPR2, pour une mise en service entre 2035 et 2045. S’y ajoute le développement d’un petit réacteur modulaire, ainsi que les SMR soutenus dans le cadre du plan France 2030. Les travaux relatifs aux 8 réacteurs supplémentaires sont en cours.
À mon sens, il importe d’éviter de figer prématurément la puissance totale et le nombre de réacteurs qui seront construits à l’horizon 2050, afin de se préserver une latitude suffisante en matière d’innovation et de diversité des projets. Il convient aussi, selon moi, de ne pas s’enfermer dans une technologie : on étudie la possibilité de construire 6 réacteurs supplémentaires, mais ceux-ci ne seraient pas forcément de troisième génération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L’amendement n° 144 rectifié du Gouvernement tend à consolider l’ambition initiale de l’auteur de la proposition de loi.
La rédaction proposée permettrait de cranter la construction de nouvelles capacités de 23 gigawatts d’ici à 2030, ce qui correspond aux 14 EPR2 que nous prévoyions et à un premier SMR, et de 27 gigawatts d’ici à 2050, en accord avec le scénario N03 de RTE. Elle conserve également l’étude, d’ici à la prochaine loi quinquennale sur l’énergie, de 10 gigawatts supplémentaires, soit 6 EPR2 supplémentaires, en cas de réindustrialisation.
La commission s’en remet donc à la sagesse de notre assemblée sur cet amendement.
À l’inverse, adopter l’amendement n° 134 éroderait l’ambition initiale de l’article 3. La rédaction suggérée ne permettrait de cranter que la construction de 23 gigawatts d’ici à 2030, correspondant aux 14 EPR2 et à un premier SMR.
J’ajoute que mentionner la nécessité d’une maîtrise publique poserait une difficulté au regard des règles de la commande publique. Au reste, elle n’est pas nécessaire, puisque la loi Nouveau Nucléaire du 22 juin 2023, qui doit servir de socle à la relance du nucléaire, ne permet la construction d’EPR2 que dans les sites existants déjà nucléarisés, excluant une complète ouverture à la concurrence.
L’avis de la commission sur l’amendement n° 134 est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 134 ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Je remercie le rapporteur de son avis de sagesse sur l’amendement du Gouvernement et je sollicite le retrait de l’amendement n° 134 à son profit.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais je n’ai pas entendu votre réponse sur le financement.
On peut avoir tout un débat sur le nombre de réacteurs à construire – 6, 14 ou 20 –, mais même pour les 6 premiers, l’addition est déjà de 67 milliards d’euros. Comment EDF peut-elle trouver cette somme, avant même la taxe que vous allez lui imposer ? Elle ne l’a pas, car elle a déjà été amputée de beaucoup d’argent, notamment à cause de l’Arenh et de l’Arenh+, qui lui auront coûté 8,4 milliards d’euros.
Et maintenant, voilà la nouvelle taxe ! Vous aussi, chers collègues de la droite sénatoriale, il faudra que vous nous disiez ce que vous en pensez, car on ne peut à la fois défendre 20 nouveaux EPR2 et cette taxe sur les unités de production.
Vous imaginez le signal qu’on envoie à EDF ! L’entreprise va se dire : « Pourquoi irais-je investir dans de nouvelles capacités de production nucléaire si c’est pour être taxée ? Plus je vais produire, plus je serai taxée, alors que mes concurrents, qui, eux, n’investissent pas un seul euro dans la production et se contentent de revendre l’énergie que je leur fournis, peuvent rester tranquilles. » Il y a là, je le redis, une contradiction extrêmement forte.
C’est pourquoi, au point où nous en sommes du débat, madame la ministre, je me permets d’insister : il faut que vous nous répondiez, pour que l’on y voie plus clair sur cette question. J’étudierai cette réponse et, si elle nous convient (Sourires.), je retirerai mon amendement au profit du vôtre.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Dans le prolongement des propos de Fabien Gay, je crois qu’il faut prendre le temps d’entrer un peu plus avant dans les détails, comme l’a fait la commission d’enquête que j’ai présidée.
En réalité, ces investissements colossaux peuvent être financés par trois techniques : le recours à des fonds souverains ; la mise en place d’une base d’actifs régulée à partir des équipements nucléaires à construire ; enfin, la mise en place de contrats pour différence et de contrats de type PPA (Power Purchase Agreement). Ces trois techniques peuvent être combinées.
Quelle réflexion mène le Gouvernement sur cette question fondamentale ? Quelles orientations retient-il pour le financement du nouveau nucléaire, mais aussi du grand carénage, c’est-à-dire de la prolongation de la durée de vie des réacteurs existants ? S’y ajoute la question des réseaux de transport et de distribution. Tous ces projets aboutissent à une somme gigantesque.
Nous voulons connaître la position du Gouvernement sur ces questions absolument fondamentales, qui surdéterminent le reste. Notre efficacité en dépend, tout comme, de fait, notre souveraineté économique nationale. Je vous remercie donc de bien vouloir nous répondre, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Je voudrais abonder dans le sens de mes collègues. EDF fait déjà face à un mur d’investissement absolument colossal – on parle de 100 à 150 milliards d’euros ! – autour du carénage, des démantèlements, quand le temps en viendra, ou encore du traitement des déchets : les sommes en jeu sont astronomiques.
Rappelez-vous la façon dont le projet de Hinkley Point a été négocié par Emmanuel Macron quand il était ministre de l’économie : tous les surcoûts retomberont sur EDF, donc in fine sur le contribuable français ! Telle a été la magie de l’action de M. Macron : faire des contrats avec des Chinois exclus de bien des pays pour espionnage industriel et mettre tous les surcoûts sur le dos d’EDF !
Fabien Gay a rappelé la somme de 67 milliards d’euros qui correspond à la facture révisée des 6 EPR2 prévus. Mais elle ne comprend pas les frais financiers. C’est pourquoi je parlais de 13 milliards d’euros au moins par réacteur.
Certes, le financement n’est pas totalement le sujet de la proposition de loi, mais il va tout de même bien falloir trouver de l’argent ! Nous sommes tous extrêmement sérieux dès qu’il s’agit du budget. Eh bien, on ne peut pas ainsi faire valser les milliards sans s’interroger sur leur provenance, ainsi que sur la rentabilité et l’efficacité des dépenses, y compris, in fine, dans le prix du kilowattheure.
M. le président. Monsieur Gay, l’amendement n° 134 est-il maintenu ?
M. Fabien Gay. Je n’ai pas entendu de réponse de Mme la ministre… Par conséquent, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 145 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer les mots :
et d’une disponibilité moyenne de cette capacité installée de 75 % à l’horizon 2030
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Aux termes de l’article 3, toutes les installations de production d’électricité d’origine nucléaire seraient maintenues, avec un objectif de capacité installée de 63 gigawatts jusqu’en 2035 et un taux de disponibilité de cette capacité installée de 75 % à l’horizon 2030.
Le Gouvernement partage l’objectif de maintenir en fonctionnement les réacteurs nucléaires existants aussi longtemps que les exigences de sûreté le permettent. Je tiens d’ailleurs à rappeler que, quand j’étais députée, j’avais fait adopter un amendement visant à étudier la possibilité de porter la longévité des réacteurs à soixante ans, voire au-delà.
Je suis donc favorable à une amélioration de la disponibilité du parc. En revanche, je ne juge pas souhaitable d’inscrire dans la loi un objectif chiffré de disponibilité, car celle-ci peut être affectée par des facteurs tels que la crise du covid-19 ou des exigences de sûreté, comme on a pu le constater avec les problèmes dus à la corrosion sous contrainte.
Je vous invite par conséquent à adopter le présent amendement, qui vise à supprimer l’objectif chiffré de disponibilité des réacteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Je trouve cet objectif de disponibilité plutôt intéressant, car il traduit la volonté de disposer d’un parc nucléaire résilient, même si j’entends les arguments de Mme la ministre.
L’avis de la commission est donc favorable.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J’essaie de comprendre la logique initiale du texte, même si l’on voit bien que, avec le présent amendement, le Gouvernement se veut plus prudent.
À ce propos, je veux rendre hommage à Mme la ministre, qui a présidé un groupe de travail sur la sobriété énergétique auquel j’ai eu l’honneur d’appartenir. Ce groupe de travail a eu une efficacité redoutable, puisque la consommation électrique ne repart pas en France : bravo, madame la ministre ! (Sourires.)
J’en reviens à la logique de cet alinéa. On dit que l’on veut absolument garder, le plus longtemps possible, toute la capacité de production nucléaire existante ; on veut encore y ajouter 6, 14, voire 20 EPR, plus des SMR ; enfin, si j’ai bien entendu Daniel Gremillet tout à l’heure, on a évidemment besoin, d’ici à 2035, de mettre le paquet sur les énergies renouvelables. Mais qui va acheter toute cette électricité ? Il n’y a pas la demande pour une telle production ! On aura donc des prix négatifs sur le marché, c’est couru d’avance !
Quand on fait de la planification, on a une colonne pour la demande et une colonne pour la production ; il existe une certaine marge d’erreur, mais on essaie de les faire correspondre. À l’inverse, on est en train de faire ici quelque chose d’hallucinant, de manière en outre complètement déconnectée du marché européen : à aucun moment on n’observe ce qui se passe au Portugal et en Espagne, où l’on va arriver à 75 %, voire à 80 % d’électricité renouvelable dans le mix, avec des prix de marché bien inférieurs à ceux qui ont cours en France. Certes, c’est depuis la crise de la covid-19, et ce n’est pas lié uniquement à la fluctuation de l’offre et de la demande ; il n’en reste pas moins que ce que l’on est en train de faire dans notre pays, depuis le discours de Belfort et avec ce genre de propositions de loi, même si l’on ne sait pas trop en l’occurrence où elle finira, c’est tout simplement de ruiner la France !
On prépare le crash d’EDF : on aura de l’électricité qui sera vendue bien moins cher que son coût de production et des clients électro-intensifs qui choisiront des pays où c’est moins cher encore. Tout cela ne marche pas, et il serait temps que l’on reprenne un peu conscience de la situation !
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Il serait intéressant, selon moi, de maintenir dans le texte cet objectif de disponibilité.
Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut donner de la perspective aux acteurs de la filière, EDF au premier chef, pour ce type de production. Fixer un objectif de disponibilité, c’est aussi motiver et éclairer les engagements de la Nation à l’égard de l’opérateur énergétique majeur qu’est EDF.
Je ne pense donc pas que ce soit une bonne chose que de supprimer cet objectif, même si je puis entendre vos arguments, madame la ministre : il y aurait selon moi plus d’inconvénients à supprimer cet objectif qu’à le conserver.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Cadec, rapporteur. Je souhaite formuler une petite remarque en passant : ce qu’il y a de bien avec M. Dantec, c’est sa modestie : il sait tout et il a toujours raison !
M. Ronan Dantec. Je suis d’accord ! (Sourires.)
M. Alain Cadec, rapporteur. Il n’y en a pas un autre dans l’hémicycle qui soit comme vous, monsieur Dantec, vous êtes incontestablement le champion ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Lorsque nous avons inscrit dans ce texte un objectif de disponibilité de 75 %, c’était en réponse à la situation de crise que nous avions connue au cours des années précédentes : il était nécessaire, là encore, de rappeler aux producteurs d’électricité qu’il était indispensable de revoir leur copie en matière de capacité de production à un instant t.
J’ai entendu l’argument de Mme la ministre et je suis d’accord avec sa proposition de ne pas chiffrer l’objectif. Ce qui importe, c’est que ceux qui sont aux commandes comprennent que le Parlement est très attaché à cette obligation de résultat : il faut à chaque instant avoir une capacité de production injectable et pilotable. Je le dis aussi à notre collègue Ronan Dantec, parce que cette garantie doit répondre aux soucis de nos concitoyens et des collectivités, mais aussi permettre la réindustrialisation de la France.
M. Ronan Dantec. Ça ne marche pas !
M. Daniel Gremillet. Nous soutiendrons donc l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. On peut toujours faire des plans sur la comète. Rappelons-nous ce qui était prévu, en 1973, dans le plan Messmer : 1 000 térawattheures de consommation d’électricité en 2000. Or, à cette date, elle ne s’élevait en réalité qu’à quelque 450 térawattheures ; la prévision était complètement à côté ! Le résultat, ç’a été un parc surdimensionné, qui produisait pratiquement à perte ; en tout cas, on vendait à perte aux autres pays européens, bien contents d’acheter cette électricité bon marché payée par le contribuable français !
Et voilà que l’on repart dans la même direction, en se disant que la consommation d’électricité va exploser. Certes, il devrait y avoir des augmentations tangibles de consommation, avec les pompes à chaleur et l’électrification des transports. Mais ces hausses sont chiffrées ; ainsi, on évalue la consommation supplémentaire dans le secteur des transports à quelque 60 térawattheures.
Or on va plutôt, avec ce texte, vers des productions d’électricité qui vont se révéler démesurées : on va se retrouver avec un parc sous-exploité, alors même que, comme on l’a rappelé tout à l’heure, le nucléaire ne représente tout de même pas de petits investissements.
On demande, à cet alinéa, que le parc fonctionne à 75 % ; mais il ne fonctionnera peut-être qu’à 50 % faute de demande. On le voit bien aujourd’hui, même si les productions renouvelables sont variables, voire intermittentes pour le solaire, il y a des moments dans la journée, de plus en plus fréquents, où le prix du mégawattheure est négatif.
Or je ne sais pas comment EDF va réussir à engranger des profits avec de plus en plus de mégawattheures négatifs, d’autant que les autres pays avancent à marche forcée sur les énergies renouvelables : au-delà du continent européen, je note que 450 gigawatts de capacité ont été installés l’an dernier à l’échelle mondiale ; d’ici à 2030, ce sera 1 000 gigawatts par an. Mais nous, nous resterons avec notre superbe parc nucléaire, dont personne ne voudra l’électricité !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Ce qui est bien, dans ce genre de débats, c’est que l’on a affaire à des devins ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’y apprends beaucoup de choses, parce que, pour certains, l’avenir est déjà écrit. On n’a donc plus besoin de faire des rapports, on peut cesser de faire de la prospective : j’invite tous mes collègues de l’Opecst à arrêter de plancher sur les nouvelles technologies à dix, vingt ou trente ans : nous avons déjà parmi nous les sachants, nous avons un puits de science à nos côtés, profitons-en allégrement ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations amusées sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. Absolument !
M. Stéphane Piednoir. Plus sérieusement, il y a, me semble-t-il, une différence entre la puissance installée et la consommation.
M. Ronan Dantec. Là, on est d’accord !
M. Stéphane Piednoir. Le problème, c’est que l’électricité, aujourd’hui, ne représente qu’un quart de la consommation d’énergie en France.
M. Daniel Salmon. Tout à fait !
M. Stéphane Piednoir. Si j’ai bien compris les différents rapports et documents de prospective, on veut faire passer cette proportion à 55 %, par un changement des usages.
On pense bien sûr à l’électrification des transports, mais ce n’est pas le plus important : le changement majeur viendra de l’industrie, car c’est là que sont les plus gros consommateurs d’énergie. Ainsi de l’hydrogène, dont on a déjà parlé au cours du débat : tout le monde sait qu’il est actuellement produit par des procédés qui sont extrêmement polluants. Si l’on veut passer demain à une électrolyse de masse, il nous faudra de l’électricité de masse ! C’est là, en fait, qu’est le gap : si l’on veut réindustrialiser notre pays, il faut lui permettre d’accéder à une électricité à bon marché.
Par ailleurs, mes chers collègues, quand je vous entends parler, j’ai l’impression que vous n’avez pas vécu la même crise de l’énergie que nous. J’ai l’impression que vous n’avez pas entendu les Français se plaindre, des mois durant, de leurs factures d’électricité, qui ont dépassé des sommets incroyables.
Aujourd’hui, vous nous dites que ce n’est pas grave, que le vrai danger, c’est que l’on va produire de l’électricité à perte. Pardonnez-moi, mais il me semble que nous ne sommes pas dans le même débat et que nous ne vivons pas sur la même planète ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Mes chers collègues, on peut avoir ce débat sans s’envoyer à la tête des expressions comme « les sachants », « vous avez toujours raison », « vous êtes des devins »…
M. Alain Cadec, rapporteur. Mais c’est vrai ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Yannick Jadot. Pardonnez-moi, mais on dispose tout de même aujourd’hui de chiffres sur les coûts de l’électricité qui sont incontestables : il faut lire les rapports de l’Agence internationale de l’énergie et de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) : on y constate que les énergies renouvelables sont meilleur marché. Et c’est tant mieux : faisons-en une chance !
En revanche, on sait que le mégawattheure produit par un EPR reviendra à 130 euros, ce qui est tout de même assez cher ! Regardez les difficultés que rencontre le gouvernement britannique pour faire accepter par ses citoyens que ce seront eux, en tant que consommateurs, qui paieront le prix du kilowattheure nucléaire, sans subvention publique.
Ce sont des débats importants, que l’on peut tout de même avoir, entre nous, sans s’envoyer des invectives qui nous éloignent du débat de fond sur les coûts réels des différentes énergies, sur leur disponibilité et sur ce qu’on sera capable de faire dans les années qui viennent.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. L’article 3 est au cœur du sujet.
M. Laurent Somon. C’est le cœur du réacteur ! (Sourires.)
M. Fabien Gay. Un désaccord subsiste entre nous, même s’il faut que nous avancions.
On a beaucoup subventionné les énergies renouvelables pour en arriver à la situation actuelle. Or, ce qui nous a permis d’investir dans le réseau et d’amorcer la pompe pour le développement des énergies renouvelables, ce sont bien les trente ans de rente nucléaire que l’on a vécus.
Aussi, prenons garde : ce qui coûte cher aujourd’hui sera peut-être rentable demain, et nous en vivrons pendant trente ans ; inversement, les économies d’aujourd’hui peuvent se payer demain. C’est bien pourquoi je plaide pour un service public unifié, qui permette d’investir dans le réseau lorsque la production est rentable, et vice-versa ; telle est la force d’une entreprise intégrée, idée à laquelle, à une autre époque, la droite libérale elle-même était favorable… Mais passons !
Pour ma part, je pense qu’il faut que l’on ait un débat sur ce dont nous aurons besoin à l’avenir. Je ne sais pas prévoir sur trente ou quarante ans. En revanche, ce qui est sûr, c’est que nous aurons besoin de plus d’électricité. En effet, même si nous faisons attention à notre consommation – cela s’impose, et nous nous y employons déjà –, si l’on veut électrifier l’ensemble du parc des voitures thermiques, soit 39 millions de véhicules, ce n’est pas 60 térawattheures qu’il faudra, mais 150 à 200 térawattheures, ou a minima 80 à 100 térawattheures si l’on se contente d’en électrifier la moitié.
Nous avons l’ambition de réindustrialiser le pays, me semble-t-il. Eh bien, je ne sais pas où cela nous mènera dans les vingt prochaines années, mais cette volonté est réelle, et cela pose tout un tas de questions en cascade. Je suis favorable à ce que nous nous donnions une haute ambition, tant pour le nucléaire que pour les énergies renouvelables.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 128 rectifié, présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin et Patriat, Mmes Havet et Phinera-Horth, MM. Omar Oili et Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° sexies D’assurer la disponibilité d’installations permettant le retraitement et la valorisation des combustibles usés, en veillant à favoriser la gestion durable des substances radioactives, la sécurité d’approvisionnement et la maîtrise des coûts ; »
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Cet amendement vise à adapter la rédaction de l’article en retenant un objectif de disponibilité des installations nécessaires au traitement et au recyclage des combustibles nucléaires usés.
M. le président. L’amendement n° 165, présenté par MM. Cadec et Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 9
1° Remplacer le mot :
traitement
par le mot :
retraitement
2° Après la référence :
article L. 593-1 du code de l’environnement
rédiger ainsi la fin de l’alinéa :
, en faisant du retraitement et du recyclage des combustibles usés leur principal mode de gestion, en pérennisant, renouvelant et complétant les usines de retraitement-recyclage au-delà de 2040 et en définissant des modalités d’organisation et de gestion adaptées ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 128 rectifié.
M. Alain Cadec, rapporteur. Le présent amendement a pour objet de compléter l’objectif énoncé à l’article 3 en matière de retraitement et de recyclage.
En ce qui concerne l’amendement n° 128 rectifié, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. La politique française de retraitement et de valorisation des combustibles nucléaires usés permet de diminuer le besoin en uranium naturel, tout en conduisant au conditionnement des déchets les plus radioactifs sous une forme particulièrement stable, en vue de leur stockage.
Le dernier conseil de politique nucléaire a validé le lancement d’un programme d’ampleur visant à poursuivre au-delà de 2040 la stratégie française pour l’aval du cycle du combustible.
Il semble indispensable que ce programme d’ampleur soit mené par Orano en tenant compte des impératifs de gestion durable des substances radioactives. Il conviendra notamment que les filières nucléaires examinent les innovations à prendre en compte dans une logique de préparation de la fermeture du cycle de sécurité d’approvisionnement.
Il importera qu’Orano mène ce programme en évitant toute interruption de service qui affecterait in fine le parc électronucléaire d’EDF. Orano doit également tenir compte de la maîtrise des coûts.
Il faut enfin que le schéma de financement et de gouvernance de l’aval du cycle du combustible comporte les incitations nécessaires à son succès.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 128 rectifié ; il demande par conséquent le retrait de l’amendement n° 165 à son profit.
M. le président. L’amendement n° 146 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° septies De recourir à une part de matières recyclées dans les combustibles nucléaires utilisés pour la production d’électricité d’origine nucléaire permettant de réduire la consommation d’uranium naturel d’au moins environ 10 % à l’horizon 2030 et d’au moins environ 20 % à l’horizon 2040, par rapport à un scénario d’absence de recyclage, sous réserve de la protection des intérêts mentionnés au premier alinéa de l’article L. 593-1 du code de l’environnement et de la prise en compte des besoins pour le long terme ; ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Si le Gouvernement partage l’objectif de tendre vers la fermeture du cycle du combustible, la proportion de matières recyclées pour le fonctionnement des réacteurs nucléaires relève d’une optimisation économique et industrielle à laquelle il convient de laisser une latitude suffisante, au bénéfice de l’efficacité d’ensemble.
Cette optimisation peut, par exemple, conduire à prendre en compte la situation du marché de l’uranium ou à conserver des matières en vue d’une consommation ultérieure dans des réacteurs de quatrième génération. Au demeurant, les exigences de sûreté peuvent également contraindre ce fonctionnement.
Il s’agit donc à la fois d’adapter la rédaction du dixième alinéa de l’article 3 en conséquence et de préciser que l’objectif quantitatif porte sur la part de consommation d’uranium naturel évitée par le recyclage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L’objet de cet amendement allant dans le sens de la proposition de loi, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Après le 9° de l’article L. 100-2, sont insérés des 9° bis et 9° ter ainsi rédigés :
« 9° bis Développer les réseaux de distribution de transport d’électricité, afin d’intégrer la nouvelle production d’électricité nucléaire et renouvelable et d’accompagner l’électrification des usages, en veillant à l’accélération des délais et à l’abaissement des coûts unitaires ;
« 9° ter Optimiser le système électrique, favoriser la flexibilité de l’offre et de la demande d’électricité et développer le stockage de l’électricité, notamment hydraulique, par batterie ou par électrolyse ; »
2° Le I de l’article L. 100-4 est ainsi modifié :
a) Au 10°, les mots : « 20 à 40 % des consommations totales d’hydrogène et d’hydrogène industriel » sont remplacés par les mots : « 33 % d’hydrogène renouvelable dans la consommation d’hydrogène industriel et 77 % d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone dans la consommation totale d’hydrogène » ;
b) Après le même 10°, sont insérés des 10° bis à 10° quater ainsi rédigés :
« 10° bis D’atteindre des capacités installées de production d’au moins 6,5 gigawatts d’hydrogène décarboné produit par électrolyse à l’horizon 2030 et 10 gigawatts à l’horizon 2035 ;
« 10° ter D’atteindre des capacités installées de stockage d’électricité par batteries stationnaires ou embarquées d’au moins 1 gigawatt à l’horizon 2030 et 3 gigawatts à l’horizon 2050 ;
« 10° quater D’atteindre un recours annuel aux technologies de captage et de stockage du dioxyde de carbone d’au moins 4 mégatonnes à l’horizon 2030 et 15 mégatonnes à l’horizon 2050 ; ».
M. le président. L’amendement n° 81, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. Mes chers collègues, vous connaissez mon ambition pour les énergies renouvelables et pour tous les systèmes qui favorisent la décarbonation. Pour autant, là, vous y allez fort ! (Sourires.) Comment atteindre 6,5 gigawatts de capacités installées pour l’hydrogène d’ici à 2030, alors qu’une capacité d’à peine 1 gigawatt est actuellement en service à l’échelon mondial ?
Il en va de même pour les capacités des batteries, d’autant que l’objectif inscrit à cet article ne tient pas compte de la réflexion menée, y compris à l’échelle européenne, sur leur impact et sur l’économie circulaire à développer.
Pour le groupe GEST, ces objectifs ne sont pas réalistes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Supprimer l’article 4, alors que celui-ci fixe de nouveaux objectifs en matière de flexibilités, ne me paraît pas souhaitable. L’adoption de cet amendement reviendrait à supprimer une disposition déjà adoptée par le Sénat. Plus encore, elle contreviendrait à l’ambition fixée par la proposition de loi.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. L’article 4 fixe les objectifs en matière de développement de réseaux électriques, d’hydrogène, de batteries, de capacité de flexibilité électrique et de captage de dioxyde de carbone.
Monsieur Jadot, vous voulez non pas du nucléaire, mais des énergies renouvelables. Mais il faut aussi garantir la stabilité du réseau. C’est pourquoi le Gouvernement estime nécessaire de procéder à des développements ambitieux dans ce domaine, même s’il convient d’être prudent dans la fixation d’objectifs quantitatifs et de prendre en compte les moyens de flexibilité de manière plus intégrée que ne le prévoit l’article 4.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Mme la ministre insiste sur la sécurisation du réseau. Il se trouve que le rapporteur Alain Cadec est sénateur des Côtes-d’Armor et que c’est dans ce département que Goscinny a installé le village d’Astérix.
On est ici un peu dans la logique du célèbre village gaulois : on installe un SMR à Babaorum, ce qui permet de faire fonctionner la forge électrique du village – sauf que cela ne fonctionne plus ainsi depuis très longtemps !
La stabilité du réseau est d’abord européenne, grâce à des productions massives d’énergies renouvelables provenant du sud de la péninsule ibérique – je ne parle pas des câbles qui viendront peut-être un jour d’Afrique du Nord, car c’est encore une autre question, mais, si l’on fait de la prospective, il faudra intégrer ce paramètre, car ce sera vraiment très peu cher –, et grâce au grand éolien des îles Britanniques, qui change la donne du système électrique de la Bretagne, puisqu’un câble irlandais arrive actuellement dans cette région.
Par conséquent, alors que le système électrique sera européen, nous nous représentons comme une forteresse assiégée qui aurait besoin d’hydrogène pour stabiliser son réseau ! Ça, c’est le monde d’hier ! Pourquoi chercher à le renforcer ?
Je suis pour ma part extrêmement surpris de la manière dont on fait de la prospective. En effet, quand on prévoit autant d’EPR d’ici à vingt ans, c’est bien de prospective qu’il s’agit, même si celle-ci porte sur un monde qui n’existe déjà plus.
M. le président. L’amendement n° 115, présenté par M. Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
et d’accompagner l’électrification des usages
par les mots :
, d’accompagner l’électrification des usages, d’adapter ces réseaux aux effets du changement climatique et de garantir leur cybersécurité
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement a pour objet d’intégrer les enjeux de résilience au changement climatique et de cyberrésilience dans l’adaptation nécessaire des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité, ainsi que nous l’avons fait à l’occasion de l’examen du projet de loi Nouveau Nucléaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Kern. Même avis ! (Sourires.)
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Cet amendement vise à intégrer les enjeux de résilience au changement climatique et de cybersécurité, des enjeux majeurs qui sont au cœur des réflexions actuellement menées à l’échelon national dans le cadre du plan national d’adaptation au changement climatique, ainsi qu’à l’échelon européen avec la directive sur la résilience des entités critiques.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement, sous réserve d’une modification de la formulation relative à la cybersécurité, afin de la mettre en cohérence avec le code de la défense, modification qui pourra être apportée à l’occasion de la navette parlementaire.
M. Ronan Dantec. Il y aura donc une navette ? Voilà une information ! (Sourires.)
M. Fabien Gay. Pour la navette parlementaire ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L’amendement n° 181, présenté par MM. Cadec et Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
veillant
insérer les mots :
à la planification des infrastructures,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement, qui a fait l’objet de discussions avec Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d’enquête sur ce thème, vise à insister sur la planification des infrastructures des réseaux de distribution d’électricité, dans le cadre de l’objectif afférent au développement des réseaux de distribution et de transport d’électricité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par M. Menonville, Mmes Loisier, N. Goulet et O. Richard, MM. Kern, Vanlerenberghe, Canévet, Bonneau et Lafon, Mmes Billon, Guidez, Antoine et Housseau et MM. J. M. Arnaud et Courtial, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
d’électricité
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
en développant notamment les moyens de production thermiques décarbonés et le stockage de l’électricité, en particulier hydraulique, par électrolyse, par batterie et par le recours prioritaire aux systèmes de recharge pilotables pour véhicules électriques ; »
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 99 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 182, présenté par MM. Cadec et Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 9°… Encourager les opérations d’autoconsommation individuelle ou collective, mentionnées aux articles L. 315-1, L. 315-2 et L. 448-1 du code de l’énergie, sans préjudice de la propriété publique et de l’équilibre financier des réseaux de distribution d’électricité ou de gaz ; »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement, qui a lui aussi fait l’objet de discussions avec Vincent Delahaye, vise à promouvoir les opérations d’autoconsommation individuelle ou collective, en laissant inchangés la propriété publique et l’équilibre financier des réseaux publics de distribution d’énergie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Il s’agit ici de préciser que l’un des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie est d’encourager le développement de l’autoconsommation, sans contrevenir à l’équilibre financier des réseaux de distribution d’électricité ou de gaz.
Si le Gouvernement partage l’objectif d’autoconsommation, il ne lui paraît pas forcément pertinent de le rappeler dans les grands objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
C’est pourquoi, sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par MM. Montaugé, Michau, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) La deuxième phrase du 1° est complétée par les mots : « de manière territorialisée » ;
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Il s’agit d’introduire de la planification territoriale énergétique et de tenir compte des spécificités et contraintes de chaque territoire, tout en garantissant une juste répartition de l’effort de réduction de l’empreinte carbone sur l’ensemble du territoire. Je vous rappelle en effet que nous avons comme objectif une décarbonation totale en 2050 et une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990.
La territorialisation des politiques de transition écologique, qui a un lien fort avec les collectivités locales, permettrait de garantir une plus grande acceptabilité sociale, avec une juste répartition de l’effort entre territoires et un partage de la valeur. C’est bien ce qui est en train de se passer pour les énergies renouvelables, le déploiement du photovoltaïque, la méthanisation, etc. sur le territoire.
Pour le vivre dans mon département, je sais que ce n’est pas facile, mais il me paraît nécessaire d’impliquer les élus locaux et les populations dans ces politiques. Il faut faire de la pédagogie sur la problématique générale de la transition écologique ; de tels thèmes s’y prêtent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Tout d’abord, il existe déjà des outils de territorialisation de la politique nationale en matière d’énergie et de climat.
Ensuite, il y a des modalités de répartition de l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, ce sont les États, et non les collectivités ou les entreprises, qui sont parties à l’accord de Paris de 2015. En application de cet accord, les États doivent ainsi soumettre des contributions déterminées au niveau national (CDN). C’est à cette échelle que doit juridiquement s’apprécier l’effort des États dans la lutte contre le changement climatique.
La commission émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Je partage l’analyse de la commission.
Dans son rapport annuel de 2020, le Haut Conseil pour le climat indique que la territorialisation des objectifs de réduction des émissions risquerait de provoquer un débat stérile, qui croise à des logiques de responsabilités communes, mais différenciées, souvent bloquantes. On l’observe très bien à l’échelon international avec les négociations climatiques.
Certes, il existe des COP régionales, grâce auxquelles l’État peut accompagner les territoires dans leurs objectifs. Pour atteindre ces objectifs climatiques, la démarche doit se faire de conserve entre l’État et les collectivités territoriales.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Nous n’avons pas la même lecture de cet amendement.
Le rapporteur va encore dire que je joue au sachant, mais je rappelle que j’ai été le porte-parole des collectivités territoriales à l’échelon mondial dans les négociations climatiques. Et pour tenir les objectifs mondiaux et nationaux, ainsi que les fameuses contributions nationales déterminées, il faut bien que tous les territoires fassent leur part du travail ! Sinon, on ne tient pas les objectifs de l’accord de Paris.
Rappeler dans la loi qu’il faut s’appuyer sur les dynamiques territoriales relève du bon sens. Il ne s’agit évidemment pas d’aller jusqu’à une contribution nationale déterminée à l’échelle de chaque région.
J’ai assisté avec M. Béchu, alors ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à ces grands raouts régionaux des COP régionales, avec le fameux Mondrian, qui allait tout de même très loin en termes de planification pour fixer, à l’échelle de chaque région, l’effort à consentir sur les transports, sur le développement du renouvelable, etc.
Est-ce à dire que le Gouvernement revient sur ce qui était déjà une planification régionale ? (Mme la ministre déléguée fait un signe de dénégation.) Pourquoi demande-t-il alors le rejet d’un amendement qui va dans le sens des COP régionales, alors que, a priori, il les soutient toujours ?
J’avoue être totalement perdu, mais j’attends vos éclaircissements, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Je partage en partie les propos qui viennent d’être tenus. En effet, nous avons engagé des COP régionales, voire des COP départementales, et nous savons que l’énergie sera un facteur extrêmement important pour réduire les émissions carbone.
Les comités régionaux de l’énergie (CRE) permettaient de fixer les quantités à produire au regard des objectifs souhaités, chaque territoire devant choisir en fonction du terrain et de ses capacités en hydroélectricité, en géothermie, en énergie nucléaire ou en éolien. Dans mon département, pour ne prendre que cet exemple, 1 000 éoliennes ont déjà été appareillées.
Il est important que les COP régionales, au travers des comités régionaux de l’énergie, puissent décliner les quantités à produire et que les territoires aient le droit de choisir ce qui leur paraît le plus opportun et le moins dégradant pour l’environnement : avoir 2 000 éoliennes sur le territoire départemental de la Somme, c’est insupportable !
En revanche, je ne partage pas les propos qui ont été tenus sur le gaz. Le gaz vert existe et, dans un département agricole, la méthanisation est extrêmement importante pour conserver l’élevage et la production agricole.
Madame la ministre, moi non plus, je ne comprends pas votre réponse : les COP régionales déclinées en COP départementales, voire à l’échelon des EPCI, doivent permettre de choisir les modalités permettant de produire une énergie qui soit plus propre, qu’elle soit nucléaire ou qu’elle soit verte. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 100 rectifié bis, présenté par Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Brault, Capus, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos et MM. Grand, V. Louault, A. Marc, L. Vogel et Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 4° quater, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° D’encourager l’autoconsommation, notamment au sens de l’article L. 315-2, en assouplissant les conditions réglementaires pour le déploiement des projets au niveau local, que ce soit en milieu urbain ou en zone rurale ; »
La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. L’autoconsommation d’électricité constitue un moyen efficace pour accélérer la transition écologique et sécuriser l’approvisionnement énergétique. Elle s’inscrit donc pleinement dans la stratégie française visant à améliorer la résilience du mix énergétique.
Aujourd’hui, la part d’autoconsommation en France avoisine 2 %, alors qu’elle dépasse 10 % au Portugal et en Autriche, 20 % en Italie et en Autriche et même 30 % en Suède.
Cet amendement vise à faire du développement de l’autoconsommation d’électricité, notamment collective, un pilier de la politique énergétique et climatique française, en rattrapant le retard sur nos voisins européens et en menant une action résolue pour lever les freins, notamment réglementaires et fiscaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement n° 181 visant à encourager les trois formes d’autoconsommation – individuelle, collective et étendue –, sous réserve de deux principes protecteurs pour les réseaux, à savoir leur propriété publique et leur équilibre financier. C’est suffisant.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dany Wattebled. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 100 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 166 rectifié, présenté par M. Buis et Mme Havet, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
bas-carbone
par les mots :
électrolytique bas-carbone
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. La directive dite RED III exclut l’hydrogène produit à partir de gaz naturel.
Cet amendement vise à introduire l’hydrogène produit à partir de gaz naturel, afin d’atteindre l’objectif de 77 % d’utilisation d’hydrogène propre dans l’industrie en 2030.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Sur cet amendement, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Cet amendement vise à transformer une partie des objectifs relatifs à l’hydrogène de la directive RED III.
Cependant, pour une parfaite transposition de la directive, il faudrait compléter cet amendement, d’une part, en portant cet objectif à 2035, et, d’autre part, en prévoyant la possibilité d’utiliser des voies alternatives pour atteindre les objectifs fixés. En l’espèce, il s’agit d’atteindre soit 42 % d’hydrogène uniquement renouvelable dans la consommation d’hydrogène industrielle en 2030 et 60 % en 2035, soit 33,6 % d’hydrogène uniquement renouvelable dans la consommation d’hydrogène relative en 2030 et 48 % en 2035.
Cette voie est ouverte si l’objectif d’énergie renouvelable dans le mix électrique est atteint – 44 % en 2030 – et si la part de l’hydrogène électrolyte renouvelable ou bas-carbone ou de ses dérivés utilisés dépasse en France 77 % en 2030 et 80 % en 2035.
Voilà rappelés tous les objectifs. La rédaction actuelle de la proposition de loi prévoit bien le second cas ouvert par la directive nous permettant de bénéficier de notre électricité bas-carbone. Je vous propose de nous en tenir à la rédaction actuelle.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Nadège Havet. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 166 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 120 rectifié est présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin et Patriat, Mmes Havet et Phinera-Horth, MM. Omar Oili et Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile.
L’amendement n° 158 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 10° ter De favoriser le développement des flexibilités nécessaires pour assurer la sécurité d’approvisionnement et optimiser le fonctionnement du système électrique, telles que la modulation de la consommation et de la production électrique et le stockage d’énergie ;
La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 120 rectifié.
Mme Nadège Havet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 158.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Cet amendement vise à étendre l’objectif de développement du stockage pour formuler un objectif plus global portant sur l’ensemble des flexibilités de la modulation de la consommation et du stockage, dans le respect de la neutralité technologique.
Cette proposition est cohérente avec les conclusions de la commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050. Elle l’est également avec la réforme du marché européen de l’électricité.
Selon les travaux de RTE dans son rapport Futurs énergétiques 2050 : les scénarios de mix de production à l’étude permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, le système électrique nécessitera entre 28 et 64 gigawatts de flexibilité en 2050, incluant la modulation de la production, la demande et le stockage.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande donc d’adopter cet amendement en faveur de la flexibilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 120 rectifié et 158.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par M. Mandelli, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, afin de stocker les émissions de dioxyde de carbone des usages pour lesquels il n’existe pas de technologie ou d’alternative permettant de réduire ces émissions ou dans des situations transitoires
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis. Il s’agit de préciser que la solution de captage et de stockage de CO2 peut être pertinente dans un certain nombre de cas, notamment pour certains secteurs industriels, mais qu’elle ne peut nullement être exonératoire pour l’ensemble des producteurs de gaz carbonique.
Il n’est pas question, passez-moi l’expression, de monter des usines à gaz partout en s’exonérant de toute autre solution de remplacement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Il s’agit d’une précision utile, qui figure d’ailleurs dans la stratégie Capture, stockage et utilisation du carbone (CSUC).
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le rapporteur pour avis, je serais d’accord avec cet amendement si n’y figurait pas l’expression « ou dans des situations transitoires », qui risque de limiter le développement d’alternative technologique et de créer des effets de verrouillage.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 46, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La captation et la valorisation de CO2 doivent faire l’objet d’une évaluation rigoureuse afin de confirmer la stratégie retenue.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet article vise à renforcer les flexibilités, notamment celles qui sont relatives au captage et stockage de CO2.
La technologie de captage, utilisation et stockage de CO2 ne constitue aujourd’hui qu’une piste de recherche parmi les nombreuses solutions de décarbonation de notre économie.
Lors du Conseil national de l’industrie, au mois de juin 2023, le gouvernement a annoncé le lancement d’une consultation publique sur un projet de stratégie de captage, stockage et utilisation de CO2. Plus largement, la question de ce recours fait l’objet de débats parmi les acteurs économiques. Certains acteurs plaident pour l’utiliser davantage ; à l’inverse, d’autres appellent à cibler son utilisation sur la décarbonation de l’industrie plutôt que la production d’hydrogène.
De nombreuses questions, voire contradictions, ont été soulevées sur ce point dans le rapport sénatorial d’information sur la décarbonation des transports du mois de juillet dernier.
Comment se fixer des objectifs chiffrés sans avoir au préalable mené un rapport sérieux et complet ? En ce sens, nous souhaitons un plan d’action de l’État, notamment via l’Ademe, afin de pouvoir fixer une trajectoire claire et partagée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Adopter cet amendement ne paraît pas souhaitable.
Sur la forme, il s’agirait davantage d’une disposition normative que d’une disposition programmatique, qui trouverait donc mal sa place dans le titre Ier de la proposition de loi.
Sur le fond, nous venons déjà d’adopter un garde-fou plus substantiel au recours aux dispositifs de captage et de stockage du dioxyde de carbone, grâce au vote de l’amendement n° 5.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Il existe déjà une planification large et détaillée concernant la capture et le stockage du CO2 : les feuilles de route pour les cinquante sites les plus émetteurs, la stratégie CCUS publiée à l’été dernier, le rapport de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), ainsi que le rapport de l’Ademe. Le Haut Conseil pour le climat reconnaît la pertinence de ce levier dans le cadre d’une stratégie globale et ne remettant pas en cause les orientations du Gouvernement.
Je ne crois pas que cet amendement soit utile. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 32, présenté par MM. Michau, Montaugé, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’utilisation de ces technologies ne peut être considérée comme un substitut aux efforts de décarbonation que doivent réaliser les secteurs d’activité fortement émetteurs de CO2.
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. L’alinéa 10 vise à favoriser le déploiement des technologies de captage et de stockage du carbone. Il fixe un objectif ambitieux, celui d’atteindre un recours annuel à ces technologies d’au moins 4 mégatonnes à l’horizon 2030 et 15 mégatonnes à l’horizon 2050.
Ces nouvelles technologies, qui consistent à capturer le dioxyde de carbone produit par divers processus industriels, à le transporter, puis à le stocker sous la terre ou sous la mer, suscitent un intérêt et un engouement croissants, notamment du fait de l’accroissement de la valeur financière de la tonne de carbone.
Pour autant, ces technologies n’ont à cette date fait la preuve ni de leur fiabilité ni de leur efficacité. Les coûts de ces infrastructures, non seulement de captage et de stockage, mais aussi de transport, restent très élevés, alors que les bénéfices attendus demeurent incertains, ces technologies n’étant pas encore matures.
En outre, force est de souligner que le bilan carbone de ces technologies demeure controversé. Elles sont, en effet, fortement consommatrices d’énergie, et le transport du CO2 capté nécessitera quant à lui la création de centaines de kilomètres de canalisations supplémentaires.
Il s’agit donc de compléter cet alinéa en précisant que le recours à ces technologies ne peut être considéré comme un substitut aux efforts de décarbonation que doivent réaliser les secteurs d’activité fortement émetteurs de CO2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L’objet de cet amendement est quasi identique à celui de l’amendement n° 46.
Par conséquent, pour les mêmes raisons, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Le Gouvernement est d’accord sur le principe édicté par cet amendement, mais cela relève du niveau réglementaire et non législatif. Par conséquent, il émet un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 167 rectifié, présenté par M. Buis et Mme Havet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
«…° De souter 3,6 TWhPCI de carburants de synthèse maritimes dans les ports français d’ici à 2030 ; ».
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 167 rectifié est retiré.
L’amendement n° 148, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
c) Le 11° est abrogé.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Cet amendement vise à supprimer les objectifs actuels de développement des effacements en cohérence avec l’amendement n° 158. Il s’agit de privilégier le principe d’un objectif global qui porte sur l’ensemble des flexibilités, dans le respect de la neutralité technologique.
Cette proposition est cohérente avec les conclusions de la commission d’enquête du Sénat. Elle l’est également avec la réforme du marché européen de l’électricité. Selon les travaux de RTE dans son rapport sur les futurs énergétiques, en 2050, le système électrique nécessitera entre 28 et 64 gigawatts de flexibilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
Le I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le 4° est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– les mots : « renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 33 % au moins de cette consommation » sont remplacés par les mots : « décarbonées à 58 % au moins de la consommation finale brute d’énergie » ;
– le taux : « 38 % » est remplacé par le taux : « 45 % » et le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 20 % » ;
– après le mot : « chaleur », sont insérés les mots : « et de froid » ;
b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « À l’horizon 2030, la production nationale de chaleur renouvelable doit atteindre au moins 297 térawattheures, celle de froid renouvelable au moins 2 térawattheures, celle de biocarburants au moins 50 térawattheures et celle de biogaz au moins 60 térawattheures. » ;
2° Le 4° bis est complété par les mots : « , avec pour objectif d’atteindre 29 gigawatts de capacités installées de production à l’horizon 2035, dont 6,7 gigawatts pour les stations de transfert d’énergie par pompage » ;
3° Le 4° ter est ainsi modifié :
a) À la fin, les mots : « d’ici à 2024 » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ces capacités de production, qui consistent prioritairement en des installations flottantes, respectent des exigences de sécurité des installations électriques, de conciliation avec les activités économiques ou récréatives, de qualité des paysages et de préservation de la biodiversité. » ;
4° (nouveau) Après le 4° quater, sont insérés des 4° quinquies à 4° septies ainsi rédigés :
« 4° quinquies De développer la production d’électricité issue d’installations utilisant l’énergie cinétique des courants marins ou fluviaux, avec pour objectif d’atteindre une capacité installée d’au moins 1 gigawatt à l’horizon 2030 et d’au moins 5 gigawatts à l’horizon 2050 ;
« 4° sexies De favoriser le développement des capacités de production d’électricité d’origine photovoltaïque, avec pour objectif d’atteindre une capacité installée d’au moins 50 gigawatts à l’horizon 2030 ;
« 4° septies De privilégier, pour les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent, le renouvellement des installations existantes à l’installation de nouvelles ; ».
M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 82, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
- le taux : « 33 % » est remplacé par le taux : « 44 % » et le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 45 % » ;
II. – Alinéa 11
Supprimer les mots :
, qui consistent prioritairement en des installations flottantes,
et les mots :
, de conciliation avec les activités économiques ou récréatives, de qualité des paysages
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. Nous voici parvenus à l’examen des dispositions relatives au renouvelable.
Depuis le début de nos discussions, nous avons, à raison, renvoyé le Gouvernement à ses obligations sur la PPE. Mais, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, nos obligations sont également européennes.
Nos objectifs en matière d’énergies renouvelables (EnR), qui sont définis dans la directive dite RED III, ont été validés par notre pays et sont très clairs : le taux d’EnR dans la consommation européenne finale doit atteindre 42,5 % d’ici à 2030. Pour la France, l’objectif est, selon la Commission européenne, de 44 %.
Nous proposons donc de porter la part des énergies renouvelables dans la commission finale de 33 %, comme le prévoit le texte actuellement, à 44 %. En outre, nous souhaitons que les énergies renouvelables représentent 45 %, et non pas seulement 40 %, de la production d’électricité.
Mon amendement vise également l’éolien offshore. Certes, je trouve que c’est une très bonne idée de soutenir l’éolien offshore flottant. Mais l’éolien offshore classique, c’est-à-dire l’éolien offshore posé, a encore un énorme potentiel, me semble-t-il. Nous ne voulons donc pas d’une forme de préférence ou de priorité accordée au premier au détriment du second.
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par MM. Montaugé, Michau, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Après les mots :
cette consommation
insérer les mots :
en 2030 ; à cette date, pour parvenir à cet objectif
2° Compléter cet alinéa par les mots :
en 2030 et 71 % au moins en 2035 ; pour parvenir à cet objectif en 2030
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet amendement et ceux que je présenterai dans quelques instants ont pour objet de mettre la proposition de loi en cohérence programmatique avec la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec) et le plan national intégré en matière d’énergie et de climat qui en découle.
Ainsi l’amendement n° 52 vise-t-il à porter l’objectif de consommation d’énergies décarbonées à l’horizon 2030 de 58 %, comme le prévoit la rédaction actuelle, à 71 %.
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Kern, Delcros, Henno, Laugier et Canévet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer le mot :
décarbonées
par les mots :
renouvelables à 44 % de la consommation finale d’énergie brute en 2030, et celle des énergies décarbonées
II. – Alinéa 5
1° Au début
Insérer les mots :
le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 42 % »,
2° Remplacer le taux :
45 %
par le taux :
56 %
III. – Alinéa 7
1° Première phrase
a) Après le mot :
nationale
insérer les mots :
d’électricité renouvelable doit atteindre au moins 255 térawattheures, celle
b) Remplacer les mots :
celle de biocarburants au moins 50 térawattheures et celle de biogaz au moins 60 térawattheures
par les mots :
et celle de biogaz au moins 71 térawattheures
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À l’horizon 2035, la production nationale d’électricité renouvelable doit atteindre au moins 389 térawattheures, celle de chaleur renouvelable au moins 390 térawattheures, celle de froid renouvelable au moins 3,8 térawattheures et celle de biogaz au moins 138 térawattheures.
IV. – Alinéas 9 à 11
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
3° Le 4 ter est abrogé.
V. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le 11°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les objectifs de production pour chaque filière d’énergie renouvelable sont précisés par la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1. »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Pour nous faire gagner du temps, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié est retiré.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 121 rectifié est présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin et Patriat, Mmes Havet et Phinera-Horth, MM. Omar Oili et Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile.
L’amendement n° 149 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– les mots : « 40 % de la production d’électricité, » sont supprimés ;
II. – Alinéa 7
Après l’année :
2030,
insérer les mots :
la production d’électricité décarbonée doit atteindre au moins 560 térawattheures au périmètre de la Métropole continentale, dont au moins 200 térawattheures d’origine renouvelable et 360 térawattheures d’origine nucléaire,
La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 121 rectifié.
Mme Nadège Havet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 149.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Nous souhaitons inscrire dans la proposition de loi un objectif ambitieux de production d’électricités décarbonées, décomposé en un objectif de production en énergies renouvelables et en un objectif de production nucléaire.
C’est la traduction de la stratégie du Gouvernement : développer l’ensemble des moyens de production décarbonés pour accélérer notre transition énergétique et répondre à l’augmentation de la consommation d’électricité.
Nous avons une ambition de réindustrialisation pour la France. Nous devons être au rendez-vous !
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Kern, Delcros, Henno, Laugier, Canévet et Cambier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5 :
Remplacer le taux :
45 %
par le taux :
52 %
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– après la deuxième occurrence du mot : « renouvelable », sont insérés les mots : « et de récupération » ;
III. – Alinéa 7
Après les mots :
chaleur renouvelable
insérer les mots :
et de récupération
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié est retiré.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 122 rectifié ter est présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin et Patriat, Mmes Havet et Phinera-Horth, MM. Omar Oili et Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile.
L’amendement n° 150 rectifié bis est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 5
Remplacer le pourcentage :
20 %
par le pourcentage :
15 %
II. - Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- les mots : « de la consommation de gaz » sont remplacés par les mots : « du gaz injecté dans les réseaux » ;
III – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
IV. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
doit atteindre au moins 297 térawattheures, celle de froid renouvelable au moins 2 térawattheures, celle de biocarburants au moins 50 térawattheures et celle de biogaz au moins 60 térawattheures
par les mots :
et de récupération doit atteindre au moins 297 térawattheures, celle de biocarburants environ 48 térawattheures et celle de biogaz environ 50 térawattheures dont au moins 44 térawattheures injectés dans les réseaux.
La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 122 rectifié ter.
Mme Nadège Havet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 150 rectifié bis.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Cet amendement a pour objet d’adapter les objectifs de production et d’incorporation de biogaz, ainsi que de chaleur renouvelable, afin de les mettre en cohérence avec le document d’orientation de la programmation pluriannuelle de l’énergie qui a été présenté à la fin de l’année 2023.
La France, dont la politique de développement de biométhane est ambitieuse, affiche le meilleur taux de croissance de production de ce gaz en Europe. Les nouveaux objectifs rehaussés proposés à l’horizon 2030 permettent de lancer un signal clair à la filière en fixant un cap solide et encore plus ambitieux. Ils devront être atteints grâce aux dispositifs de soutien budgétaire et aux nouvelles mesures de financement extrabudgétaire.
M. le président. L’amendement n° 56, présenté par MM. Montaugé, Michau, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À l’horizon 2035, la production nationale de chaleur renouvelable doit atteindre au moins 330 térawattheures et celle de froid renouvelable au moins 2,5 térawattheures.
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Afin, là encore, de mettre la proposition de loi en cohérence avec les objectifs de la Sfec, nous souhaitons inscrire dans le texte l’objectif d’une production de froid renouvelable d’au moins 2,5 térawattheures à l’horizon 2035.
M. le président. L’amendement n° 168 rectifié, présenté par M. Buis et Mme Havet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Les mots : « d’ici à 2024 » sont remplacés par les mots : « et d’atteindre au moins 18 gigawatts de capacités installées de production à l’horizon 2035 » ;
II. – Alinéas 14 et 15
Rédiger ainsi ces alinéas :
« 4° sexies De développer les capacités de production d’électricité photovoltaïque avec pour objectif de porter d’ici à 2030 les capacités raccordées au réseau de transport d’électricité à au moins 10 gigawatts par an ;
« 4° septies De développer les capacités de production d’électricité issues d’installations terrestres utilisant l’énergie mécanique du vent avec pour objectif de raccorder au réseau de transport d’électricité au moins 2 gigawatts par an, chaque année entre 2025 et 2030 ; ».
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 55, présenté par MM. Montaugé, Michau, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Remplacer les mots : « de porter progressivement le rythme d’attribution des capacités installées de production à l’issue de procédures de mise en concurrence à au moins 1 gigawatt par an d’ici à 2024 » par les mots : « d’atteindre une capacité installée d’au moins 4 gigawatts à l’horizon 2030 et d’au moins 18 gigawatts à l’horizon 2035 » ;
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet amendement a pour objet la production d’électricité issue d’installations utilisant l’énergie mécanique du vent implantées en mer, c’est-à-dire d’éoliennes, qu’elles soient flottantes ou posées.
Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi omet d’adapter cet objectif fixé par la Sfec. Pourtant, nous en connaissons l’importance, voire le caractère structurant pour la réussite de la transition écologique et énergétique.
Nous souhaitons inscrire dans le texte l’objectif d’au moins 4 gigawatts à l’horizon 2030 et d’au moins 18 gigawatts à l’horizon 2035.
M. le président. L’amendement n° 151 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ces capacités de production respectent les exigences de sécurité des installations électriques et visent un objectif de conciliation des différents usages. » ;
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Cet amendement vise à supprimer la priorisation de l’éolien flottant. En effet, la France est déjà pionnière en la matière. Le 15 mai dernier, le Gouvernement a annoncé le nom du premier parc éolien flottant commercial au monde qui se verrait attribuer un tarif d’achat ; il s’agit d’un parc de 250 mégawatts, au sud de la Bretagne.
Néanmoins, ne nous cantonnons pas à l’éolien flottant. Il faut également que nous puissions avoir des éoliennes posées. C’est une question d’égalité des territoires. Dans certaines régions, comme en Normandie, il n’est pas possible d’avoir de l’éolien flottant.
Il paraît donc plus approprié de laisser les différentes options ouvertes, afin de pouvoir choisir selon les cas en fonction des contraintes techniques.
M. le président. L’amendement n° 53, présenté par MM. Montaugé, Michau, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
et 75 gigawatts à l’horizon 2035
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Toujours afin de mettre la proposition de loi en cohérence avec la Sfec, nous souhaitons inscrire dans le texte l’objectif de production d’électricité photovoltaïque de 75 gigawatts à l’horizon 2035.
M. le président. L’amendement n° 153 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 4° septies De poursuivre le développement des capacités de production d’électricité à partir d’installations terrestres utilisant l’énergie mécanique du vent, en favorisant à la fois le développement de nouvelles installations ainsi que le renouvellement des installations existantes ; ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Afin de supprimer la priorité accordée au seul renouvellement de nos capacités existantes en matière d’éolien terrestre, le Gouvernement souhaite, par cet amendement, préciser que le développement de cette énergie décarbonée et très compétitive repose aussi sur les nouvelles capacités de production.
Il existe de belles initiatives dans les territoires ; je pense par exemple à ce que j’ai pu observer lors d’un déplacement à Valsonne. Faisons en sorte de ne pas les freiner !
M. le président. L’amendement n° 54, présenté par MM. Montaugé, Michau, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …° De favoriser la production d’électricité issue d’installations utilisant l’énergie mécanique du vent implantées au sol, avec pour objectif d’atteindre une capacité installée d’au moins 33 gigawatts à l’horizon 2030 et d’au moins 40 gigawatts à l’horizon 2035 ; ».
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Nous souhaitons que soit inscrit dans le texte l’objectif d’atteindre une capacité d’au moins 33 gigawatts à l’horizon 2030 et d’au moins 40 gigawatts à l’horizon 2035 en matière d’éolien terrestre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Ces différents amendements visent à modifier les objectifs afférents aux énergies renouvelables.
La commission émet un avis de sagesse sur les amendements identiques nos 121 rectifié et 149, sur les amendements identiques nos 122 rectifié ter et 150 rectifié bis, sur l’amendement n° 151 rectifié et sur l’amendement n° 153 rectifié. En revanche, elle est défavorable aux autres amendements qui viennent d’être présentés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Nous avons eu un beau débat sur l’éolien. Je tiens à réaffirmer la position du Gouvernement : avoir un développement équilibré entre les énergies renouvelables et le nucléaire. Ne nous enfermons pas dans l’une ou l’autre des options.
Le Gouvernement partage globalement l’avis de la commission, tout en émettant un avis de sagesse sur l’amendement n° 53.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. La Commission européenne a déjà indiqué que la France ne respectait pas le paquet Fit for 55, notamment la directive dite RED III sur les EnR. En effet, notre pays ne déclare pas d’objectifs en matière d’énergies renouvelables, comme la loi européenne le prévoit. Si je comprends bien, vous vous apprêtez donc à voter dans cet hémicycle un texte illégal au regard du droit européen…
La France a validé un paquet et des ambitions européennes sur le climat et la transition énergétique. Là, nous ne sommes même plus dans la sous-transposition ; nous sommes dans un monde parallèle, où l’engagement européen n’existerait pas ! Je m’étonne vraiment que le Gouvernement s’obstine à défendre un texte illégal au regard du droit européen.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Il y a un élément qui m’échappe. Je ne comprends pas la position de la commission et du Gouvernement sur nos amendements visant à mettre le texte en cohérence avec la stratégie française pour l’énergie et le climat et avec le plan national intégré en matière d’énergie et de climat.
Nous proposons simplement de fixer des objectifs à l’horizon 2030 et à l’horizon 2035, avec une programmation pluriannuelle conforme aux habitudes de matière de PPE. Cela vous gêne-t-il ? J’aimerais bien avoir quelques explications.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Cadec, rapporteur. Vous nous demandez si cela nous gêne, monsieur Montaugé ? Oui, cela nous gêne.
M. Franck Montaugé. Pourquoi ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Parce que c’est comme ça ! (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Franck Montaugé. Ce n’est pas une réponse !
M. Alain Cadec, rapporteur. Je fais comme vous, chers collègues. Bien souvent, quand nous vous demandons : « Pourquoi ? », vous nous répondez : « Parce que c’est comme ça ! » (Mêmes mouvements.)
Sérieusement, vous pensez vraiment que nous avons décidé des dispositions qui figurent dans la proposition de loi au doigt mouillé ou selon notre caprice du moment ?
M. Franck Montaugé. Dans ce cas, expliquez-nous ! Nous ne demandons qu’à comprendre !
M. Alain Cadec, rapporteur. Même si vous avez l’air de croire que nous vivons dans un village d’irréductibles Gaulois, nous ne sommes tout de même pas complètement abrutis ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Monsieur le rapporteur, avec tout le respect que je vous dois, vos derniers propos ne sont pas à la hauteur des enjeux de ce débat.
En l’occurrence, c’est de l’avenir de certains emplois industriels, par exemple ceux de General Electric à Saint-Nazaire, qu’il s’agit ; les fabrications d’éoliennes y sont en grande difficulté.
Nous sommes en train de sortir de l’industrie de l’éolien, parce que nous ne sommes jamais clairs sur les objectifs quantitatifs. Pourquoi vouloir rétablir une sorte de priorité qui n’existe nulle part ailleurs sur l’éolien flottant, au moment où la Belgique, l’Allemagne et le Danemark se sont mis d’accord sur un objectif de 150 gigawatts d’éolien offshore supplémentaire ?
Regardez les chiffres : aujourd’hui, c’est Vestas qui domine totalement l’industrie européenne des éoliennes, donc les emplois dans ce domaine !
Certains des propos que je viens d’entendre ne me semblent pas du tout à la hauteur des ambitions industrielles qu’un grand pays capable de planifier se doit d’avoir. Je pense qu’un débat sérieux s’impose. Avoir un parc expérimental de 250 mégawatts d’éolien flottant en Bretagne, c’est sans doute très bien. Mais ce n’est pas ce qui va nous permettre de rivaliser avec les centaines de gigawatts d’éolien offshore planté qui sont installés ailleurs en Europe.
Des industries sont en train de disparaître, alors qu’il y avait des sous-traitants en Vendée, un site à Saint-Nazaire et même un soutien très fort : par exemple, les marins-pêcheurs de Saint-Nazaire soutiennent le parc éolien.
Nous sommes en train de casser la dynamique qui était celle de notre pays à cause de politiques de stop and go, comme cela avait déjà été le cas sous Nicolas Sarkozy pour le photovoltaïque. Résultat, la France est aujourd’hui un nain en matière d’EnR, alors que celles-ci sont la principale source d’énergie dans le monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 121 rectifié et 149.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 122 rectifié ter et 150 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 74 est présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et O. Richard et MM. Delcros, Henno et Longeot.
L’amendement n° 101 rectifié bis est présenté par Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Brault, Capus, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. A. Marc, L. Vogel et Wattebled.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- après le mot : « carburant », sont insérés les mots : « , 8 % de la consommation de gaz de pétrole liquéfié » ;
La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 74, ce qui est un bien joli numéro ! (Sourires.)
M. Michel Canévet. En effet, monsieur le président, le département de la Haute-Savoie est un haut lieu d’utilisation du gaz liquide, notamment dans les communes rurales ! (Nouveaux sourires.)
Il importe de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier, si j’ose dire. Nous devons avoir plusieurs modes d’alimentation énergétique, afin de diversifier la production pour éviter tout risque.
Nous savons que nous pourrons disposer de biopropane demain, car il y a une politique volontariste en la matière. Nous devons satisfaire les besoins des zones rurales. Je pense en particulier aux Côtes-d’Armor. En Bretagne centrale, nombre de maisons sont alimentées par du gaz liquide. Il convient d’en tenir compte et de soutenir ce mode d’alimentation énergétique.
M. le président. L’amendement n° 101 rectifié bis n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 74 ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Il ne me semble pas souhaitable d’ajouter dans le texte un objectif de 8 % de consommation de gaz de pétrole liquéfié (GPL) d’ici à 2030.
Nous avons déjà inscrit un objectif en faveur des solutions pour les foyers ruraux non raccordés aux réseaux d’électricité, de gaz ou de chaleur en adoptant les amendements identiques nos 69 rectifié quater, 98 rectifié quater et 106 rectifié, qui avaient pour objet de compléter l’article L. 100-2 du code de l’énergie. Le gaz de pétrole liquéfié peut ainsi être soutenu dans ce cadre plus général.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Canévet. Je retire cet amendement !
M. Franck Montaugé. Je souhaite interpeller M. le rapporteur sur la tenue et la teneur de nos échanges.
Pour ma part, je fais toujours en sorte de respecter mes interlocuteurs, même quand je ne partage pas leur point de vue. Mes collègues et moi apprécions peu les anathèmes qui nous ont été lancés et les insinuations selon lesquelles nous ne serions pas capables de comprendre des explications.
Nous sommes là pour débattre, dans le respect réciproque. L’usage veut que lorsque des parlementaires déposent des amendements ou posent des questions, ils reçoivent des avis motivés et des réponses sur le fond.
Nous vous respectons, monsieur le rapporteur ; nous vous demandons simplement la même chose en retour. Il faut cesser de procéder par anathèmes ou par attaques ad hominem. Cela, ce n’est pas le Sénat ! Ne singeons pas ce qui se pratique ailleurs, si vous voyez ce que je veux dire, et que je n’approuve pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Cadec, rapporteur. Je souhaite simplement répondre à mon collègue Montaugé : si je l’ai blessé, je le prie de m’en excuser.
M. Franck Montaugé. Ce n’est pas une question personnelle !
M. Alain Cadec, rapporteur. Je n’ai peut-être pas été très agréable. Mais reconnaissez tout de même que vous et vos petits camarades ne l’êtes pas toujours non plus. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Yannick Jadot. Nous ne sommes pas des « petits camarades » !
M. Alain Cadec, rapporteur. Appelez cela comme vous voulez, cher collègue ! (Mêmes mouvements.)
Mme Audrey Linkenheld. Ça dérape, ça dérape…
M. Alain Cadec, rapporteur. Quoi qu’il en soit, sachez que je n’ai pas voulu vous blesser, monsieur Montaugé. Je vous prie donc de m’excuser pour les propos que j’ai pu tenir.
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ces objectifs de capacité de production doivent être corrélés à la mise en œuvre d’un schéma national et régional de mobilisation de la biomasse » ;
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Les dispositions de cet amendement font suite aux réflexions menées dans le cadre des travaux de la mission d’information sur les biocarburants que j’ai eu l’honneur de présider et dont notre collègue Vincent Capo-Canellas était le rapporteur.
Cette mission a mis en évidence les enjeux liés à la concurrence des usages des biocarburants, s’agissant tant de la disponibilité des matières premières utilisées pour fabriquer ces carburants, en particulier la biomasse, que de leur meilleure utilisation possible au regard de leur rendement et des alternatives pour contribuer à la décarbonation de tel ou tel secteur.
Nous souhaitons renforcer le suivi des ressources de biomasse au travers d’instances, de schémas nationaux permettant d’élaborer une stratégie nationale de mobilisation de cette énergie et de schémas régionaux, afin de suivre leur évolution, les tensions éventuelles, ainsi que les répercussions sur la biodiversité et les puits de carbone.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. La demande de nos collègues est doublement satisfaite.
D’une part, une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse et des schémas régionaux de la biomasse existent déjà depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
D’autre part, un exercice de modélisation de la biomasse a été réalisé dans le cadre de la stratégie française pour l’énergie et le climat et du plan national intégré en matière d’énergie et de climat.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Devinaz, l’amendement n° 43 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert-Luc Devinaz. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 152 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 4° quinquies D’explorer le potentiel de production d’électricité issue d’installations utilisant l’énergie cinétique des courants marins ou fluviaux ;
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Cet amendement vise à supprimer les objectifs chiffrés pour l’hydrolien introduits en commission.
Certes, j’ai bien conscience que vous avez déjà fait le travail. Certes, la PPE actuelle ne fixe pas d’objectifs chiffrés pour l’hydrolien, mais la future PPE pourra prévoir le lancement de premiers appels d’offres commerciaux sur l’hydrolien, sous réserve de l’évolution des coûts de la technologie.
En outre, les chiffres proposés sont hors de portée. À titre d’exemple, l’ensemble du potentiel brut pour l’hydrolien marin en France est estimé aujourd’hui à environ 5 gigawatts, hors contraintes techniques.
M. le président. Le sous-amendement n° 187, présenté par M. Fagnen et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
I - après les mots :
« D’explorer »,
Ajouter les mots :
« et de développer ».
II - Compléter cet alinéa par les mots suivants :
avec pour objectif d’atteindre une capacité installée d’au moins 1 gigawatt en 2035 et 5 gigawatts à l’horizon 2050;
La parole est à M. Sébastien Fagnen.
M. Sébastien Fagnen. Ce sous-amendement vise à fixer 2035, plutôt que 2030, comme date cible d’une puissance installée de 1 gigawatt. En effet, les échanges avec les industriels ont mis montré qu’une mise en service pleine et entière nécessitait au moins dix ans.
Force est de constater aujourd’hui que les appels d’offres commerciaux tardent à être engagés. Pourtant, nous avons sous les yeux l’exemple britannique de la réussite de l’installation d’hydroliennes. Et plusieurs industriels présents sur notre territoire sont prêts à s’engager dans cette voie. Les démonstrations ont d’ailleurs fait leurs preuves.
Mme la ministre déléguée rappelait à l’instant la puissance potentielle qui existe en France. J’évoquerai pour ma part le raz Blanchard, au large des côtes de la Manche, mais aussi le passage du Fromveur, en Bretagne.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par MM. Fagnen, Devinaz, Montaugé et Michau, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer l’année :
2030
par l’année :
2035
La parole est à M. Sébastien Fagnen.
M. Sébastien Fagnen. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. La commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 152 rectifié.
Elle demande de retrait de l’amendement n° 63 rectifié ou, à défaut, émet un avis défavorable.
Enfin, elle se ralliera à la position du Gouvernement sur le sous-amendement n° 187.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Le sous-amendement n° 187 vise à réintroduire des objectifs chiffrés nouveaux, ce qui n’est pas l’intention du Gouvernement. J’émets donc un avis défavorable.
Mon avis est défavorable également sur l’amendement n° 63 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. L’hydrolien n’est pas considéré à sa juste mesure dans ce pays, me semble-t-il.
Certes, la technologie est évidemment difficile à mettre en œuvre, mais il existe déjà des hydroliennes dans le monde. Nous en avons une en Bretagne, avec la société Sabella ; elle produit depuis plusieurs années. Simplement, il n’y a jamais eu de tarifs de rachat mis en place en France. Comment voulez-vous que le système puisse fonctionner ? Un industriel n’a aucune visibilité.
Pourtant, l’hydrolien est une énergie renouvelable prédictible : les courants, nous les connaissons. C’est vraiment un atout très important dans le monde des renouvelables.
Je pense donc que nous devons conserver des objectifs. Nous avons, me semble-t-il, bien plus de visibilité sur la faisabilité d’hydroliennes que sur de futurs petits réacteurs modulaires (SMR) complètement hypothétiques et chimériques.
À un moment donné, il faut avoir une vraie volonté politique pour mettre en place les hydroliennes que nous attendons, notamment dans l’ouest de la France, où nous avons de très forts courants.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen, pour explication de vote.
M. Sébastien Fagnen. Le Président de la République, que je me permets de citer, a déclaré vouloir ne « pas lâcher la bataille de l’hydrolien ».
Nous avons connu voilà quelques années un échec cuisant avec la fermeture d’une entreprise d’hydroliennes un mois après son inauguration – l’ironie mordante des Normands prend le pas sur le tragique de la situation ! –, faute de soutien franc et massif de la part de l’État.
Alors que la technologie est aujourd’hui plus mature et que des industriels français se sont pleinement engagés dans le développement de cette industrie – notre collègue vient de le rappeler –, il est regrettable de retirer des objectifs chiffrés susceptibles de compléter utilement et fortement le mix énergétique que nous appelons toutes et tous de nos vœux.
Élu d’un territoire qui contribue depuis des décennies à la production électrique française, qu’il s’agisse de la centrale de Flamanville ou du retraitement des combustibles usés à La Hague, je connais les enjeux de l’éolien offshore ; l’un de nos camarades écologistes les a rappelés tout à l’heure.
Il y a sur mon territoire des industriels pleinement investis qui s’engagent dans des politiques de formation et qui réalisent un travail considérable pour rendre cette technologie enfin mature. Aujourd’hui, elle l’est. J’ai fait référence à l’exemple britannique tout à l’heure.
Je regrette donc sincèrement que, en ne retenant pas d’objectifs chiffrés, nous privions d’atouts fondamentaux pour réussir le mix énergétique.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Je voudrais souligner à mon tour le potentiel de développement de l’hydrolien dans notre pays. Nous avons la chance de posséder le second espace maritime le plus étendu au monde, et ce dernier recèle des possibilités de production énergétique insoupçonnées.
Comme cela a été relevé, des expérimentations ont démontré ce potentiel. De nombreuses entreprises de notre pays développent des projets qui s’appuient sur une technologie mature.
Soutenons donc vigoureusement la technologie hydrolienne ! (M. Sébastien Fagnen applaudit.)
Mme Marion Canalès. Bravo !
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 63 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 41, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« … De mobiliser davantage la biomasse énergétique en priorisant la sécurité alimentaire, la préservation de la biodiversité et le potentiel de stockage de carbone forestier. À cette fin les conditions de mobilisation de la biomasse pour chaque filière et ressource seront précisées par la stratégie nationale prévue à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement ; ».
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet amendement vise à compléter les objectifs de politique énergétique fixés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie par un nouvel objectif : mobiliser davantage la biomasse énergétique en faisant de la sécurité alimentaire, de la préservation de la biodiversité et du potentiel de stockage de carbone forestier des priorités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L’amendement ne me paraît pas opportun, et cela pour deux raisons.
D’une part, il est satisfait par le droit existant : depuis la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi Énergie-climat, l’article L. 100-2 du code de l’énergie fixe en effet pour objectif de « valoriser la biomasse à des fins de production de matériaux et d’énergie ».
D’autre part, les dispositions de cet amendement s’articuleraient mal avec ce droit existant. En effet, l’objectif ferait référence à la stratégie nationale bas-carbone mentionnée à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement. Or il serait plus pertinent de faire référence à la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse mentionnée à l’article L. 211-8 du code de l’énergie.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Les dispositions de cet amendement prêtent à confusion.
Le choix de reléguer au second plan la mobilisation de la biomasse énergétique par rapport aux trois objectifs non énergétiques que sont la sécurité alimentaire, la préservation de la biodiversité et le potentiel de stockage de carbone forestier n’a pas tellement sa place dans le code de l’énergie. Il serait plus pertinent de l’inscrire dans le code de l’environnement.
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 171 rectifié bis, présenté par MM. Grosvalet et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et MM. Roux et Masset, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« … De développer la production d’électricité issue de centrales à biomasse, notamment à partir de granulés de bois ; ».
La parole est à M. Philippe Grosvalet.
M. Philippe Grosvalet. Madame la ministre, j’ai retenu de votre propos liminaire que vous vouliez faire feu de tout bois. C’est ce que je vous propose au travers de cet amendement, qui vise à intégrer la biomasse – notamment le pellet de bois – dans notre mix énergétique, de façon à convertir progressivement nos centrales à charbon.
J’y reviendrai demain à l’occasion de la séance de questions au Gouvernement : il est temps que cette dimension nouvelle se concrétise dans nos deux dernières centrales à charbon.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement ne me semble pas opportun.
Premièrement, il serait satisfait par le droit existant, puisque, je le répète, l’article L. 100-2 du code de l’énergie fixe, depuis la loi Énergie-climat, un objectif de valorisation de la biomasse à des fins énergétiques. Plus encore, depuis la loi depuis du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi Aper, l’article L. 141-9-1 dudit code prévoit la substitution des centrales recourant aux énergies fossiles par celles qui recourent à la biomasse.
Deuxièmement, les dispositions de cet amendement ne respecteraient pas le principe de neutralité technologique. En effet, les granulés de bois seraient la seule technologie à laquelle il serait explicitement prévu de recourir.
Troisièmement, il ne comporte aucun garde-fou, notamment pour prévenir les conflits d’usage en matière de biomasse, d’émissions de gaz à effet de serre ou de polluants atmosphériques.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, nous avons pu échanger sur la fermeture des centrales à charbon.
La production d’électricité à partir de biomasse ne pourra être développée que sous conditions, notamment en soutien d’activités industrielles.
Cette activité ne constitue pas une priorité d’usage de la biomasse. Elle devra être examinée à l’aune de l’usage en cascade de la directive RED III sur les énergies renouvelables, qui privilégie les usages matériaux par rapport aux usages énergétiques. En tout état de cause, il ne semble pas souhaitable d’en faire un objectif législatif.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 171 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« 4°… De veiller à la préservation de la ressource en eau, au regard des conflits d’usage potentiels, dans le contexte du changement climatique, sans préjudice du nécessaire fonctionnement des installations de production d’électricité ; »
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet amendement vise à intégrer la question fondamentale de la préservation de la ressource en eau dans un contexte de réchauffement climatique et de conflits d’usage potentiels.
En effet, qu’il s’agisse de la production hydroélectrique, du refroidissement des centrales nucléaires, de la production sylvicole et agricole pour la biomasse ou d’autres ressources mobilisant d’importantes quantités d’eau pour la production d’énergie ou de chaleur ou dans le cadre des process liés à la fabrication des équipements nécessaires à ces installations de production, l’accélération du changement climatique est un enjeu majeur pour notre gestion de la ressource en eau.
Dès lors, il apparaît essentiel que, de manière constante et transversale, cette préoccupation soit au centre de la politique énergétique et figure parmi ses objectifs, afin, comme le prévoit l’article L. 100-4 du code de l’énergie, de « répondre à l’urgence écologique et climatique ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Les dispositions de cet amendement me semblent intéressantes.
Tout d’abord, le titre préliminaire du code de l’énergie – il date de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte complétée par la loi Énergie-climat du 8 novembre 2019 –, ne mentionne quasiment pas l’articulation des activités de production d’énergie avec les effets du changement climatique. C’est une regrettable omission imputable à l’obsolescence de ce titre, qu’il convient donc de corriger.
Ensuite, la rédaction de cet amendement me semble suffisamment souple pour ne pas entraîner de difficultés pour les centrales hydroélectriques ou nucléaires. En effet, elle précise que cet objectif doit être poursuivi « sans préjudice du nécessaire fonctionnement des installations de production d’électricité ».
Pour ces raisons, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Comme je l’ai dit précédemment, j’apporte une attention particulière à la durabilité, notamment à tout ce qui concerne nos sources et ressources.
Le sujet de la disponibilité de la ressource en eau dans le contexte de changement climatique est majeur et le Gouvernement y est très attentif. Je tiens toutefois à signaler que cette préoccupation figure déjà dans le code de l’environnement.
J’émets donc un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mmes Briante Guillemont et M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et MM. Roux, Daubet et Masset, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard le 31 décembre 2024, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la nécessité d’inclure le solaire thermique au rang des technologies éligibles au crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Si je ne doute pas un seul instant du sort qui sera réservé à cet amendement, je saisis cette occasion, madame la ministre, pour vous interroger.
Pour rappel, le crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte, adopté dans le cadre de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte et entré en vigueur le 14 mars dernier, a pour ambition d’accompagner les entreprises dans le financement de projets industriels clés de la transition énergétique et de permettre à la France de se positionner comme leader de l’industrie verte en Europe.
Madame la ministre, pour quelle raison le solaire thermique n’est-il pas retenu, au même titre que le photovoltaïque, l’éolien, les batteries ou encore les pompes à chaleur dans le champ des filières clés de la transition énergétique ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Le développement du solaire thermique est une brique importante dans l’atteinte des objectifs nationaux de production de chaleur renouvelable. La remise d’un rapport gouvernemental sur ce sujet ne nous semble pas nécessaire.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Le solaire thermique est en effet un oublié des politiques publiques françaises.
Il s’agit pourtant d’une technologie d’une extrême simplicité, qui présente un intérêt majeur dans un périmètre de rénovation thermique, où, à l’inverse du chauffage, dont la part diminue dans la consommation des ménages, l’eau chaude reste un poste très important, bien souvent plus important. Dans ces conditions, il est assez peu compréhensible que le solaire thermique ne soit pas soutenu davantage.
De plus, à l’échelle d’un ménage, l’amortissement se fait sur plusieurs dizaines d’années, d’où la nécessité absolue de soutenir et de développer cette technologie.
Au-delà de la remise d’un rapport, cette ambition passe surtout par une véritable volonté gouvernementale.
Alors que le photovoltaïque dépend pour une immense majorité de composants fabriqués en Chine, les chauffe-eau solaires thermiques demeurent, en outre, une technologie française ou européenne.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. J’ai bien compris le refus du rapport ; ainsi que je vous l’ai expliqué, je m’y attendais.
Ma question, qui s’adresse à Mme la ministre, est la suivante : oublié jusqu’ici, le solaire thermique sera-t-il éligible au crédit d’impôt, au même titre que les autres industries ?
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié bis est retiré.
Article 6
À la fin du premier alinéa de l’article L. 641-6 du code de l’énergie, les mots : « à au moins 15 % en 2030 » sont remplacés par les mots : « et pour que la quantité de carburants et d’électricité produits à partir de source renouvelable fournie à ce secteur entraîne une réduction de l’intensité d’émission de gaz à effet de serre d’au moins 14,5 % d’ici à 2030 » – (Adopté.)
Article 7
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 641-6 est ainsi rédigé :
« La contribution des biocarburants et du biogaz avancés produits à partir des matières premières énumérées à l’annexe IX, partie A, de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et des carburants renouvelables d’origine non biologique dans l’énergie fournie au secteur des transports, est d’au moins 1 % en 2025 et 5,5 % en 2030, dont une part de carburants renouvelables d’origine non biologique d’au moins 1 point de pourcentage en 2030. » ;
2° L’article L. 661-1-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « un objectif » sont remplacés par les mots : « des objectifs » ;
– le mot : « avancés » est remplacé par les mots : « conventionnels et avancés et de carburants renouvelables d’origine non biologique » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont fixées par voie réglementaire : » ;
c) Le 1° est complété par les mots : « , ainsi que des carburants renouvelables d’origine non biologique » ;
d) Au 2°, les mots : « l’objectif mentionné », sont remplacés par les mots : « les objectifs mentionnés ».
M. le président. L’amendement n° 169 rectifié, présenté par M. Buis et Mme Havet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La contribution des carburants de synthèse non fossiles dans la quantité totale d’énergie fournie au secteur du transport maritime est d’au moins 4,7 % en 2030, dont au moins 1,2 % de carburants renouvelables d’origine non biologique.
La parole est à Mme Havet.
Mme Nadège Havet. Cet amendement tend à fixer des objectifs d’utilisation des biocarburants dans le secteur du transport maritime.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. La modification proposée ne me semble pas souhaitable. Les carburants de synthèse étant une technologie très neuve, il est prématuré de fixer un objectif contraignant dans le secteur du transport maritime.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Les objectifs d’utilisation de carburants de synthèse dans le secteur des transports sont en cours d’évaluation. Ils feront l’objet d’une transposition par ailleurs.
Les objectifs relatifs au secteur maritime influeront sur la compétitivité des ports français. Dans l’idéal, ils doivent donc être établis en cohérence avec les pratiques des États membres disposant d’une façade maritime concurrente de la nôtre.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Havet, l’amendement n° 169 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nadège Havet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 169 rectifié est retiré.
L’amendement n° 44, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
et est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces mesures privilégient les usages les plus pertinents et prennent en compte le rendement énergétique et le coût des technologies des carburants ou vecteurs énergétiques. »
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Afin d’atteindre les objectifs de décarbonation du secteur des transports notamment, il est indispensable de raisonner en termes de bilan carbone et d’efficacité énergétique, plutôt qu’en termes technologiques.
Si la batterie électrique semble privilégiée pour les véhicules légers, d’autres questions se posent pour les autres modes de transport. Ainsi, pour produire de l’hydrogène, il faut de l’électricité. Or, lorsque l’on utilise de l’hydrogène comme carburant pour les poids lourds, le rendement tombe à 35 % contre 75 % si l’on utilise directement l’électricité.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons intégrer la notion essentielle de rendement énergétique aux mesures de décarbonation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement, d’ailleurs satisfait par le droit existant, n’est pas opportun.
Si davantage de critères se révélaient nécessaires, ils devraient être présentés dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, plutôt que dans les titres préliminaires du code de l’énergie.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Les nouvelles technologies exploitent souvent des ressources plus durables, mais avec une efficacité réduite ou un coût plus élevé.
En les privant d’un soutien, la proposition que contient cet amendement pourrait empêcher certaines technologies émergentes de voir le jour. La filière biocarburants a pourtant besoin de technologies en rupture avec les technologies actuelles pour exploiter de nouvelles ressources et assurer l’exploitation de ressources plus durables.
Les mécanismes d’incitation, tels que la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (Tiruert), tiennent déjà compte des rendements et des coûts, tout en veillant aux effets sur les prix à la consommation.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 3 n’est pas soutenu.
Article 8
I. – Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 100-4 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du 2°, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;
b) À la première phrase du 3°, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 45 % » ;
2° L’article L. 311-5-3 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – À compter du 1er janvier 2027, sous réserve du respect des projets de reconversion des installations de production d’électricité à partir de charbon vers des combustibles bas-carbone et sauf en cas de menace pour la sécurité d’approvisionnement en électricité, aucune autorisation d’exploiter mentionnée à l’article L. 311-5 ne peut être délivrée ou maintenue pour les installations de production d’électricité à partir de charbon situées sur le territoire métropolitain continental. »
II. – L’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon est ainsi modifiée :
1° À l’article 1er et au premier alinéa de l’article 39, les mots : « au II » sont remplacés par les mots : « aux II et III » et les mots : « du même II » sont remplacés par les mots : « des mêmes II et III » ;
2° Au premier alinéa du I de l’article 22, les mots : « du II » sont remplacés par les mots : « des II et III » et les mots : « au même II » sont remplacés par les mots : « aux mêmes II et III ».
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. À cet article 8, nous avions adopté en commission un amendement par lequel nous acceptions la fermeture des centrales à charbon au 1er janvier 2027, « sous réserve du respect des projets de reconversion des installations de production d’électricité à partir de charbon vers des combustibles bas-carbone ».
Or, depuis 2015, les salariés de la centrale électrique de Cordemais se sont mobilisés avec leur syndicat, la CGT, pour monter un projet qu’ils ont porté seuls, parfois contre l’avis de la direction d’EDF. Ils ont démontré par des tests sa faisabilité, tandis que l’entreprise Paprec envisageait de s’installer à proximité pour construire une usine de black pellets.
Au mois de juin dernier, quand la commission adoptait cet amendement, nous étions dans un moment politique où, après les atermoiements de ses prédécesseurs ministres de l’énergie ou de la transition énergétique, Roland Lescure devait décider de l’avenir de ce projet.
Les quatre mois qui nous séparent de ce vote ont été riches en événements : depuis lors, le PDG d’EDF a annoncé que le projet ne se ferait pas, au motif qu’il manquerait 70 millions d’euros.
Je pose donc la question, à laquelle j’associe d’ailleurs mon collègue Philippe Grosvalet et d’autres élus du territoire : maintenant qu’elle est au Gouvernement, la droite sénatoriale, qui avait adopté cet amendement, laissera-t-elle mourir la centrale à charbon de Cordemais et ses 350 emplois en enterrant un projet de conversion industrielle énergétique porté par ses salariés ?
Cela dit entre parenthèses, ce projet montre qu’il y a beaucoup d’intelligence ouvrière dans notre pays.
Quelle est donc votre position, madame la ministre ? Pour l’heure, les salariés et leurs syndicats, qui attendent toujours d’être reçus par le ministère, trouvent porte close. Vous devriez au moins les recevoir ! (M. Philippe Grosvalet applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 172, présenté par MM. Cadec et Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % »
par les mots :
les mots : « de 20 % » sont remplacés par les mots : « à hauteur de 30 % »
II. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 45 % »
par les mots :
les mots : « de 40 % » sont remplacés par les mots : « à hauteur de 45 % »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement vise à consolider les objectifs de réduction de la consommation fossile et totale.
Pour ce faire, il est proposé d’utiliser l’expression « à hauteur de », qui est commune dans notre programmation énergétique lorsqu’il est question de la consommation, les pouvoirs publics ayant moins de prise sur cette dernière que sur la production.
À titre d’illustration, l’article L. 100-4 du code de l’énergie fait référence à « environ 7 % » en 2023 en ce qui concerne la réduction de la consommation totale.
M. le président. L’amendement n° 59, présenté par Mme Belrhiti, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Remplacer les mots :
du respect
par les mots :
de la mise en œuvre
2° Après le mot :
reconversion
insérer les mots :
portés par l’exploitant
La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. Cet amendement vise à introduire une précision rédactionnelle pour assurer la bonne coordination entre le soutien public annoncé et les projets de reconversion d’installation de production d’électricité à partir du charbon, tels qu’ils sont portés par les exploiteurs des centrales. En effet, les projets de reconversion de centrales à charbon vers des combustibles bas-carbone sont des projets à long terme, qui suivent généralement des calendriers de plusieurs années.
L’adoption du présent amendement permettrait de s’assurer que les projets de reconversion bas-carbone suivent le calendrier le plus approprié pour leur mise en œuvre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Avis favorable. (MM. Fabien Gay et Philippe Grosvalet s’exclament.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Cette précision rédactionnelle ne semble pas de nature à clarifier le texte. En effet, des projets de reconversion peuvent, le cas échéant, être portés par d’autres acteurs que l’exploitant.
Par ailleurs, la rédaction proposée reste imprécise. Les termes « sous réserve des projets de reconversion » laissent entendre que l’interdiction ne s’applique que sous réserve de la mise en œuvre de ces projets, alors que le sens recherché est que l’interdiction s’applique « sauf pour ces projets ».
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, de grâce, pas de jeu de dupes ! Il reste trois centrales à charbon. À Saint-Avold, il n’existe à ma connaissance aucun projet de ce genre. À Gardanne, vous avez enterré le projet, y compris dans sa dimension portuaire. Et à Cordemais, le projet vient d’être enterré par EDF !
On peut toujours voter un amendement, mais, madame la ministre, quelle est la réalité concrète ? Voilà un projet fruit de l’intelligence ouvrière, porté à bout de bras par 350 salariés, qui ont montré, contre l’avis de la direction d’EDF, que leur idée était faisable et pérenne, et qu’elle pouvait même créer de l’emploi. Ils sont allés chercher Paprec, qui a dit « banco ! » pour monter l’usine.
Alors qu’il ne manquait plus que le feu vert gouvernemental, Mme Pompili s’est prononcée contre, puis Mme Pannier-Runacher a dit oui, avant de se rétracter. Ensuite, M. Macron a répondu : « Pourquoi pas ? », tandis que Roland Lescure ne savait pas… Quel est donc votre avis à vous, madame la ministre ? Comptez-vous enterrer le projet sans recevoir les salariés ? Laisserez-vous la colère gronder ? Il faut que vous nous répondiez !
Je veux bien voter l’amendement de notre collègue, mais c’est du flan, car il n’existe aucun autre projet de reconversion ! Aucun exploitant ni personne n’en porte. Et le Gouvernement ne dit rien !
Avant que nous ne nous prononcions, je souhaite au moins vous entendre sur le seul projet existant, celui de Cordemais. Vous devez vous exprimer maintenant, madame la ministre. Et je le répète : ouvrez aux salariés mobilisés la porte de votre ministère ! Ayez l’intelligence de leur dire droit dans les yeux que le projet qu’ils portent depuis dix ans sera enterré, et la transition énergétique avec lui.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. J’ai déjà reçu les représentants des syndicats à l’échelle nationale, et nous avons prévu de recevoir leurs représentants locaux au ministère.
Je tiens toutefois à réitérer notre ambition de sortir des énergies fossiles en 2027, ce qui passe nécessairement – c’est un objectif absolu – par la fermeture des centrales à charbon.
Je suis bien sûr favorable à ce que nous puissions travailler, au cas par cas, sur des projets bien identifiés. En revanche, lorsqu’un état des lieux débouche sur la conclusion que les porteurs de projets ne seront pas à même de les mettre en œuvre, je tiens plutôt à ce que l’on accompagne les salariés en vue de leur requalification.
Je préfère cette option, plutôt que de les renvoyer vers une filière de production susceptible de fermer de nouveau dans cinq ou huit ans. Certains salariés ont vécu cette situation : après la suppression de leur emploi, ils ont été renvoyés vers d’autres centrales, qui ont fermé à leur tour… Cela n’est pas humain. Nous devons réfléchir à des solutions cohérentes. C’est dans cet esprit très humaniste que j’agirai. (M. Fabien Gay proteste.)
M. Philippe Grosvalet. Humaniste ?
M. le président. L’amendement n° 83, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
et sauf en cas de menace pour la sécurité d’approvisionnement en électricité
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. Je tiens à dire que la réponse qui est faite sur le projet de Cordemais n’est à la hauteur ni de nos ambitions de transition énergétique, ni du volontarisme et de la créativité du personnel de la centrale.
Cet amendement vise à garantir l’objectif qu’a rappelé Mme la ministre à l’instant, à savoir la fermeture des centrales à charbon en 2027.
Les modifications apportées en commission pour préférer l’exigence d’une « menace », plutôt que d’une « menace grave » pesant sur la sécurité d’approvisionnement, afin de déroger exceptionnellement à l’interdiction du recours aux centrales à charbon après 2027, ne nous semblent pas opportunes.
Il est important selon nous de conserver l’idée de gravité et de proportionnalité des risques pour atteindre l’objectif. Pour toutes ces raisons, il est proposé ici de ne pas retenir cette dérogation à l’interdiction d’exploitation des centrales.
Il est dommage, par ailleurs, que l’on n’envisage pas plus sérieusement les projets de substitution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Adopter l’amendement de mon collègue – et non petit camarade – M. Jadot ne me paraît pas souhaitable.
D’une part, ses dispositions iraient bien plus loin que le droit existant. En effet, le décret mentionné à l’article 36 de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, fait référence à « une menace sur la sécurité d’approvisionnement », ce qui a été admis par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 août 2022.
D’autre part, adopter cet amendement reviendrait sur les travaux du Sénat.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. Yannick Jadot. Merci, camarade ! (Sourires sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Nous nous retrouvons sur cet objectif de sortie du charbon pour la production d’électricité à partir de 2027.
Je tiens à réaffirmer le besoin d’EDF et des autres exploitants en matière d’accompagnement de leur personnel et de recherche de perspectives de carrière. Pour autant, je comprends également l’intention de l’auteur de la proposition de loi au regard de l’impératif d’assurer la sécurité d’approvisionnement.
En ce sens, une autre solution serait de conserver l’exigence d’une « menace grave », comme il était prévu dans le texte initial.
Sur cet amendement, je m’en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.
M. Philippe Grosvalet. Je reviendrai sur ce sujet demain, madame la ministre, mais je ne puis rester sans réagir quand vous dites que des solutions seraient apportées aux salariés.
Comme cela a été dit, nous parlons ici de 350 salariés, donc 350 familles, qui viennent d’apprendre par la presse – comme moi d’ailleurs… – qu’ils allaient perdre leur emploi. Ces mêmes salariés me disaient il y a encore quelques jours qu’à la sortie de l’école leurs enfants leur demandaient s’ils allaient devoir changer de maison ou d’école.
Qu’est-ce qu’on leur propose ? Une usine pour fabriquer des tuyaux, alors que, en Loire-Atlantique, on fabrique des avions et des bateaux ! J’espère que vous le savez, madame la ministre, et que je n’ai pas besoin de vous faire un dessin. On fabriquera même demain le futur porte-avions de notre pays – il est dommage que M. Retailleau ne soit pas là, parce qu’il avait défendu ce projet.
Dans notre département, 2 000 salariés de la métallurgie viennent de l’étranger, parce que nous ne sommes pas capables de trouver sur le territoire une telle main-d’œuvre. Et vous arrivez avec ce « cadeau » : vous auriez une solution pour les salariés…
Madame la ministre, pour l’ensemble des salariés, des familles, des élus, c’est une véritable insulte, alors même que ce projet de conversion est une idée originale des salariés eux-mêmes, portée par tout un territoire depuis plus de huit ans, qui est intelligente et qui fonctionne ! (Mme Anne-Catherine Loisier le conteste.) Il s’agit de brûler des pellets de façon raisonnée et pour un temps déterminé, pas de manière permanente, de façon à gérer la transition énergétique dans le temps.
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas comprendre votre propos sur la centrale de Cordemais, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Vous voyez bien, madame la ministre, que la question de la centrale de Cordemais nous tient à cœur, que nous soyons élus du territoire ou que, comme moi, nous nous rendions tous les ans à la rencontre des salariés pour observer comment les choses se passent.
Madame la ministre, après tant d’atermoiements, on ne peut accepter votre discours. Et que vous ne receviez pas les salariés et que votre porte reste fermée est insupportable !
M. Fabien Gay. Ne me dites pas sérieusement que vous les avez reçus. Ne me racontez pas d’histoires, je les ai tous les jours au téléphone ! Je puis vous dire que je le saurais dans l’heure si vous deviez recevoir les représentants de la CGT, le syndicat ultra-majoritaire à Cordemais.
Pour l’instant, votre porte est fermée – je le sais, parce que je les ai encore eus au téléphone ce matin –, sauf si vous les avez reçus à l’heure du dîner, ce que je ne crois pas. Madame la ministre, il faut maintenant les rencontrer !
Par ailleurs, on propose maintenant à ces salariés de devenir métallos, c’est-à-dire de se tourner vers un autre statut que celui de gazier-électricien. On ne peut pas non plus l’accepter, parce que ce n’est pas le même métier. Comme l’a dit Philippe Grosvalet, il y a beaucoup de métallurgie en Loire-Atlantique, et on n’y trouve pas assez de personnes qualifiées.
Je rappelle que le projet de reconversion qui est sur la table s’appuie sur la transition énergétique et que ce chantier a été lancé par les salariés eux-mêmes. Vous enterrez ainsi l’intelligence ouvrière ! Même la direction d’EDF et les différents gouvernements n’avaient pas eu cette idée…
Enfin, comme le système électrique ne sera pas stabilisé durant les dix prochaines années, on va avoir un problème pour passer les pointes de consommation, que ce soit en hiver ou en été.
Voilà pourquoi on attend une autre réponse de la part du Gouvernement ! Que proposez-vous concrètement, madame la ministre, pour la centrale de Cordemais ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je vous ai dit que j’avais rencontré les syndicats à l’échelon national. J’ajoute qu’une réunion est prévue le 21 octobre, à neuf heures.
M. Philippe Grosvalet. Pour dire quoi ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. La porte du ministère est donc bien ouverte, et j’espère que vous aurez l’information en temps réel…
M. le président. L’amendement n° 8 n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
M. le président. Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, il est minuit passé. Je vous propose de poursuivre nos débats pour achever l’examen du chapitre Ier de la proposition de loi.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Après l’article 8
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par Mme Belrhiti, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard, le 31 décembre 2024, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité publie un rapport sur la sécurité d’approvisionnement nationale métropolitaine.
Ce rapport comprend une étude spécifique sur les centrales de Cordemais et Saint-Avold, y intégrant l’étude des congestions locales des zones d’implantation des centrales, ainsi que les besoins de production nécessaires pour assurer la décongestion des points de congestion relevés.
Ce rapport est publié sur le site du gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, transmis à la Commission de régulation de l’énergie et au ministre en charge de l’énergie.
La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
M. le président. L’amendement n° 61 est retiré.
Article 9
Le I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le 7° est complété par les mots : « , avec pour objectif de tendre, à l’horizon 2030, vers 900 000 rénovations d’ampleur par an, dont 200 000 rénovations globales, au sens de l’avant-dernier alinéa du 17° bis de l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation, soutenues par la prime de transition énergétique mentionnée au II de l’article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, sous réserve des caractéristiques et conditions d’octroi définies au même II ; »
2° Après le même 7°, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis D’atteindre des niveaux annuels d’économies d’énergie compris entre 1 250 et 2 500 térawattheures cumulés actualisés de 2026 à 2030 et de 2031 à 2035, soutenues par les certificats d’économies d’énergie mentionnés à l’article L. 221-1, sous réserve des caractéristiques et des modalités de fixation définies à l’article L. 221-12 ; ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 109, présenté par MM. Gontard et Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
tendre, à l’horizon 2030, vers
par les mots :
parvenir, à partir de 2025, à
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à anticiper les objectifs de rénovation thermique par rapport au présent texte, qui repousse notamment à 2030 la perspective d’atteindre 200 000 rénovations globales par an. Nous souhaitons fixer cette échéance à 2025.
Je rappelle tout de même que le précédent gouvernement, par la voix de M. Béchu, s’était engagé à ce que cet objectif soit atteint en 2024, avant de le reporter à 2025… Ce texte le décalerait de nouveau, cette fois jusqu’en 2030. Ce n’est pas sérieux !
Les gouvernements précédents annonçaient une politique ambitieuse en matière de rénovation thermique, et il me semble que nous devrions être capables de tenir les objectifs annoncés.
La loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que l’intégralité du parc immobilier doit respecter les normes relatives aux bâtiments basse consommation (BBC) d’ici à 2050. En outre, la stratégie nationale bas-carbone vise la réalisation de 370 000 rénovations performantes à partir de 2027. Or, ces dernières années, nous n’avons pas réussi à dépasser 40 000 ou 50 000 rénovations de ce type. Nous allons donc devoir accélérer !
C’est pourquoi nous souhaitons inscrire l’objectif de 2025 dans ce texte.
M. le président. L’amendement n° 36, présenté par M. Cardon, Mme Artigalas, MM. Michau, Montaugé, Devinaz, Fagnen, Bouad, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après l’année :
2030
insérer les mots :
en résorbant prioritairement les logements dits « passoires thermiques »,
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après l’avant-dernier alinéa du 17° bis de l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception au septième alinéa du 17° bis, la rénovation globale peut être réalisée par tranches, dans un délai inférieur à six ans à compter du début d’exécution des travaux, lorsqu’elle est réalisée par un propriétaire occupant son logement et à condition que les travaux soient accompagnés par un opérateur de l’État ou agréé par lui, et que les différentes phases de travaux soient planifiées dès le départ. »
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Cet amendement vise également les passoires thermiques. Nous estimons en effet nécessaire de faire de leur éradication une priorité.
La précarité énergétique s’accroît, et le nombre de logements qualifiés de passoires thermiques ne baisse pas, car trop peu de personnes s’engagent dans un parcours de rénovation. Plus de la moitié des passoires thermiques sont pourtant des maisons individuelles, mais seulement 32 % du parc privé ont fait l’objet de travaux de réhabilitation.
La raison de cette situation est simple : près de la moitié des ménages résidant en passoire thermique a des revenus modestes, voire très modestes – 37 % de ces logements sont occupés par des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté.
Il est nécessaire de recentrer l’effort budgétaire du pays sur les passoires thermiques, afin de sortir 5,6 millions de ménages de la précarité, qu’ils soient propriétaires ou copropriétaires, bailleurs ou occupants.
Dans cette perspective et dans un souci de pragmatisme, il est également proposé de permettre au propriétaire occupant de réaliser les travaux de rénovation globale en plusieurs tranches, dans le cadre d’un parcours financé et accompagné et dans un délai inférieur à six ans à compter du début d’exécution des travaux, à condition que ces derniers soient accompagnés par un opérateur de l’État ou agréé par lui et que les différentes phases de travaux soient planifiées dès le départ.
En effet, le délai actuel de dix-huit mois nécessite souvent un relogement et ne permet pas d’étaler les paiements dans le temps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Ces amendements tendent à modifier, dans des sens différents, les objectifs afférents à la rénovation énergétique.
L’amendement n° 36 vise à rénover prioritairement les passoires thermiques et à modifier la définition de la rénovation énergétique globale. Le premier point est satisfait par le droit existant et le second nécessite une réflexion d’ensemble sur la législation applicable à la rénovation énergétique, réflexion qui excède largement le cadre de cette proposition de loi.
La commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Le Gouvernement est tout à fait conscient du problème des passoires thermiques et du retard que nous avons pris, notamment en ce qui concerne les logements classés en catégorie G, sur lesquels pèsent des obligations à partir du 1er janvier prochain.
Cependant, l’objectif prévu dans l’amendement n° 109 ne paraît pas réaliste, compte tenu de la capacité actuelle des filières et de leur délai de montée en puissance, notamment en ce qui concerne les rénovations globales. C’est un sujet que nous suivons de très près et sur lequel nous formulerons très prochainement des propositions.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Concernant l’amendement n° 36, qui a pour objet de modifier le code de la construction et de l’habitation, je ne comprends pas vraiment ce qu’apporte la notion de « rénovation globale par tranches », par rapport à celle de « rénovation performante » qui est déjà inscrite au 17° bis de l’article L. 111-1 de ce code. Il n’est pas nécessaire de complexifier les définitions existantes.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je suis heureux de savoir que le Gouvernement est conscient des problèmes que représentent les passoires thermiques. Il était temps, mais c’est positif !
L’amendement n° 109 vise simplement à fixer un objectif de 200 000 rénovations globales par an à partir de 2025 – M. le rapporteur ne m’a pas répondu sur ce point.
Mme la ministre dit que ce n’est pas réaliste, alors que c’était l’objectif annoncé par M. Béchu pour 2024, puis pour 2025… Pourquoi ce qui était possible il n’y a pas si longtemps ne l’est plus maintenant ? Je veux juste clarifier les choses.
Au-delà de la fixation de cet objectif dans la loi, il est nécessaire de mettre en place une véritable politique de rénovation thermique. Nous avons les moyens de le faire ; des évolutions ont d’ailleurs été engagées, par exemple avec MaPrimeRénov’, mais il faut maintenant mettre le turbo, madame la ministre !
Nous sommes en train de préparer le budget pour 2025, et le Gouvernement cherche à économiser 60 milliards d’euros, mais je rappelle que les boucliers tarifaire et énergétique ont coûté 63 milliards d’euros en un an et demi !
Il sera compliqué d’avancer si l’on ne s’interroge pas sur la sobriété et sur les économies d’énergie. Nous devons mettre le paquet sur ce sujet, si j’ose dire, pour préparer l’avenir. Et il n’est plus possible de faire comme durant les sept années qui viennent de s’écouler.
Il faut absolument changer de politique et mettre les bouchées doubles !
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.
M. Michaël Weber. Je soutiens ces deux amendements, qui me semblent essentiels. Contrairement à l’argument du rapporteur, leurs dispositions s’inscrivent pleinement dans le champ de nos débats. En effet, quand on veut évoquer les questions de production d’énergie, on ne peut pas faire l’impasse sur les économies d’énergie.
En l’occurrence, on ne peut se satisfaire d’un discours consistant à dire que l’on est conscient du sujet… Il faut absolument mettre les bouchées doubles pour lutter contre les passoires énergétiques.
En ce qui concerne les rénovations lourdes et notre proposition de prévoir des rénovations globales par tranches, chacun sait bien que nous avons une difficulté avec les propriétaires occupants : ils ne sont pas toujours en mesure de faire face à la rénovation énergétique de leur bien.
La vertu de notre amendement est d’envoyer un signal pour accélérer la cadence. Nous pourrions ainsi répondre aux objectifs que nous nous fixons et nous réaliserions des économies d’énergie.
M. le président. L’amendement n° 110, présenté par MM. Gontard et Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Poncet Monge, Ollivier, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, et accompagnées par la puissance publique, en particulier les collectivités territoriales ;
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise le même objectif que le précédent.
Comme l’avaient montré les travaux de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, si l’on veut aller vite et fort sur la rénovation énergétique des bâtiments, nous devons nous appuyer sur les collectivités territoriales, qui doivent être au cœur de cette politique publique.
Il existe déjà, notamment à l’échelle intercommunale, des outils – les agences locales de l’énergie et du climat (Alec), les plateformes de rénovation thermique, etc. –, qui donnent souvent des résultats intéressants et qui permettent d’agir au plus près de la population et dans un climat de confiance. Or nous savons bien qu’il y a besoin de confiance, de proximité et d’ingénierie quand on s’engage dans un parcours de rénovation thermique.
De nombreuses collectivités mettent en place des outils, mais elles se retrouvent aujourd’hui dans l’incapacité de poursuivre, alors même que ces outils devraient se multiplier sur l’ensemble du territoire.
Cet amendement vise à inscrire la puissance publique, notamment les collectivités locales, au cœur des politiques de rénovation thermique, et cela avec des financements appropriés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Il n’est pas souhaitable d’adopter cet amendement, qui a pour objet d’ajouter, parmi les objectifs afférents à la rénovation énergétique, l’exigence d’un soutien public, en particulier par les collectivités territoriales.
Or c’est sur l’État, non sur ces collectivités, que doit reposer prioritairement l’effort public en matière de rénovation énergétique.
Par ailleurs, la définition de moyens budgétaires relève davantage d’une loi de finances que de la présente proposition de loi de programmation et de simplification.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Je tiens à souligner qu’il existe déjà des objectifs de rénovation pour les bâtiments des collectivités territoriales elles-mêmes. Il est en tout cas intéressant de s’appuyer sur elles pour identifier les secteurs et logements prioritaires.
Nous aurons des propositions à vous faire en la matière dans les prochaines semaines, mesdames, messieurs les sénateurs, mais, en l’occurrence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le rapporteur, ce n’est pas ici une question financière ! Les travaux des Alec et des plateformes de rénovation montrent déjà clairement l’implication des collectivités sur ces sujets.
Je suis évidemment d’accord avec vous : la question financière relève de l’État. Je propose justement d’inscrire dans la loi l’existence d’un canal entre l’État et les collectivités, afin de donner à ces dernières les moyens d’agir sur la rénovation thermique.
M. le président. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
Le 8° du I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Les mots : « parvenir à » sont remplacés par les mots : « tendre vers » et la deuxième occurrence du mot : « à » est supprimée ;
1° Après le mot : « énergétique », sont insérés les mots : « à l’horizon 2050 » et après les mots : « renouvelables », sont insérés les mots : « , à l’horizon 2030, » ;
2° Après le mot : « Constitution », la fin est ainsi rédigée : « , ainsi qu’à un même mix de production d’électricité en Corse à l’horizon 2050 ; ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 37, présenté par Mmes Conconne et Bélim, MM. Lurel, Michau, Montaugé, Devinaz, Fagnen et Bouad, Mme Artigalas, MM. Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mme Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et dans ce but, et pour chaque zone non interconnectée au réseau électrique continental, il est formalisé un document d’orientation et de programmation stratégique énergétique
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Je présente cet amendement au nom de Catherine Conconne, qui ne peut malheureusement être présente et à laquelle j’adresse à cet instant une pensée.
Cet article modifie l’article L. 100-4 du code de l’énergie pour fixer aux zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain continental l’objectif de tendre vers l’autonomie énergétique à l’horizon 2050.
En premier lieu, nous estimons qu’il est nécessaire de fixer comme objectif programmatique celui d’atteindre cette autonomie en 2050. De ce point de vue, les mots « tendre vers » ne nous semblent pas pertinents, et nous souhaitons leur substituer les termes « parvenir à » – cela maintiendrait la rédaction actuelle, plus directive et ferme, du 8° du I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie.
En second lieu, nous estimons nécessaire que les ZNI disposent d’une boussole pour atteindre les différents caps fixés : à l’horizon 2030, un mix de production d’électricité composé à 100 % d’énergies renouvelables ; à l’horizon 2050, l’autonomie énergétique.
Comme l’a souligné le groupe de travail n° 6, présidé par Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique, et Maurice Gironcel, président du Sidélec (Autorité organisatrice de la distribution d’électricité) de La Réunion, et mis en place dans le cadre des travaux préparatoires à la programmation relative à l’énergie et au climat, l’Hexagone dispose d’une telle boussole : les documents programmatiques réalisés en 2021 par RTE, Futurs énergétiques 2050.
Les ZNI ont aussi besoin, comme l’Hexagone, que soit formalisé pour chacune d’elles un document d’orientation et de programmation stratégique spécifique fixant à ces territoires une boussole, afin d’éclairer les choix politiques, notamment en vue des prochaines programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE).
M. le président. L’amendement n° 84, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. Cet amendement est identique à la première partie de celui qui vient d’être présenté pour inscrire dans la proposition de loi l’expression « parvenir à », plutôt que « tendre vers ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Ces amendements sont proches, comme Yannick Jadot vient de le souligner. Ils visent à supprimer la mention « tendre vers » pour les objectifs de mix électrique renouvelable à l’horizon 2030 et de mix énergétique autonome à l’horizon 2050 dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, les ZNI.
L’amendement n° 37 a également pour objet la formalisation d’un document d’orientation et de programmation stratégique énergétique dans chaque ZNI.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 84. En revanche, elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 37.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l’ambition qui a été mise en avant pour les territoires dénommés ZNI.
Toutefois, l’amendement n° 37 tend également à créer un document d’orientation et de programmation stratégique énergétique dans ces zones, ce qui complexifierait le mécanisme d’adoption des PPE, déjà relativement long… En outre, cela semble relever d’abord du niveau réglementaire.
C’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 84 et sollicite par conséquent le retrait de l’amendement n° 37.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Kern, Delcros, Henno, Laugier, Canévet et Cambier, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
, à l’horizon 2030,
par les mots :
et de récupération, à l’horizon 2030,
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Depuis de nombreuses années, le Sénat demande que soit exploité le potentiel de tous les gisements de nos territoires qui contribuent à la décarbonation de la chaleur, au premier rang desquels les énergies de récupération, qui doivent pouvoir trouver toute leur place dans les objectifs de la politique énergétique.
La valorisation énergétique des déchets, la récupération de la chaleur fatale générée par les sites industriels, les data centers ou encore le traitement des eaux usées sont autant de leviers qui contribuent à transformer les ressources locales de nos territoires en une énergie locale décarbonée.
Les énergies de récupération doivent donc pouvoir trouver toute leur place dans la politique énergétique et dans la réponse à apporter en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement est intéressant. En effet, il vise à ajouter les énergies de récupération aux côtés des énergies renouvelables dans l’objectif de mix renouvelable à l’horizon 2030 dans les zones non interconnectées au réseau, les ZNI.
De la sorte, son adoption permettrait de mieux valoriser la récupération de la chaleur, dans une logique de sobriété énergétique et d’économie circulaire.
L’avis de la commission est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous évoquez les énergies de récupération.
Sachez que, dans ma circonscription de l’Ain, un écoquartier de Ferney-Voltaire bénéficie de la récupération de la chaleur fatale du Cern, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire. Nous en sommes très heureux, et ce projet a d’ailleurs bénéficié d’une subvention de 11 millions d’euros de la part de l’Ademe.
Je suis donc tout naturellement favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(L’article 10 est adopté.)
Article 11
À la première phrase du 1° du I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, les mots : « réduire les » sont remplacés par les mots : « tendre vers une réduction des », le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 50 % » et, après l’année : « 2030 », sont insérés les mots : « , en excluant les émissions des absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie, ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme Briante Guillemont, MM. Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et MM. Roux, Daubet et Masset, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À la première phrase du 1° du I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, après la première occurrence du mot : « émissions », il est inséré le mot : « nettes » et le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 55 % ».
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. La loi européenne sur le climat fait de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 une obligation légale.
Alors que nous blâmons régulièrement le Gouvernement de surtransposer le droit communautaire, il ne s’agirait pas de nous placer désormais à rebours du droit européen.
Je vais écouter avec attention les arguments à l’appui de l’avis défavorable que vous ne manquerez pas d’émettre sur mon amendement, lequel ne vise qu’à une juste transposition de nos obligations légales communautaires.
Nous sommes d’accord : la diminution de la captation du carbone par la forêt pose un problème de taille pour atteindre nos objectifs climatiques.
La stratégie nationale bas-carbone, élaborée en 2018-2019, mise sur une hausse de la capacité de stockage des forêts d’ici à 2050 pour parvenir à la neutralité carbone à cette date, comme nous nous y sommes engagés. Cette hausse étant désormais impossible, nous allons devoir rééquilibrer l’équation en relevant les objectifs d’autres secteurs.
Le raisonnement visant à abaisser nos objectifs d’émission de gaz à effet de serre d’ici à l’horizon de 2030, qui sous-tend cet article, n’est donc pas recevable. L’urgence climatique nous impose de trouver des solutions viables et non de raisonner à la baisse.
M. le président. L’amendement n° 85, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À la première phrase du 1° du I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, les mots : « de 40 % » sont remplacés par les mots : « de 55 %, en excluant les émissions et absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie, entre 1990 et 2030, de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % » ;
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. Il s’agit de respecter nos obligations européennes.
Pour rappel, selon les scientifiques, si l’on veut rester dans le cadre de l’accord de Paris, il faudrait que l’Europe atteigne la neutralité carbone en 2040 et que l’objectif pour 2030 soit de 65 % de réduction. Or l’objectif qui a été validé, y compris par la France, est de 55 %. À l’instar de M. Cabanel, nous souhaitons au moins rétablir cette ambition dans le présent texte.
Par ailleurs, au-delà de cette question de pourcentage, nous regrettons que le terme « réduire » ait été remplacé par l’expression « tendre vers la réduction », qui marque un affaiblissement de nos obligations. On nous inflige une double peine !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Les amendements nos 15 rectifié bis et 85 visent à modifier l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 50 % en 2030, hors agriculture et forêt, prévu à l’article 11.
Leurs auteurs proposent ainsi de passer d’une réduction des émissions brutes de 50 % d’ici à 2030 à une réduction des émissions nettes de 55 % à la même échéance, et à supprimer l’expression « tendre vers ».
Je rappelle que la rédaction retenue, à savoir « tendre vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre en excluant les émissions et les absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie de 50 % d’ici 2030 », est issue de l’article 1er de l’avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique. Par ailleurs, cette même rédaction figure dans le plan national intégré en matière d’énergie et de climat et dans la stratégie française pour l’énergie et le climat.
Je rappelle enfin que, dans sa recommandation du 18 décembre 2023, la Commission européenne n’a fait aucune observation à ce sujet.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Les émissions du secteur de l’usage des terres et de la reforesterie sont difficilement pilotables et particulièrement incertaines. Les résultats des politiques publiques en la matière sont peu quantifiables sur des laps de temps très courts.
Notre boussole doit donc rester, pour les émissions nettes, l’atteinte de la neutralité carbone d’ici à 2050.
Par ailleurs, nous ne serons fixés sur le véritable objectif de la France pour ce vecteur qu’en 2032. D’ici là, il sera possible de prendre en compte des flexibilités liées aux événements climatiques extrêmes, comme les feux de forêt.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. L’amendement n° 173, présenté par MM. Cadec et Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la deuxième occurrence du mot :
des
par le mot :
et
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Cadec, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Mandelli, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
de favoriser l’absorption des émissions de gaz à effet de serre par les puits de gaz à effet de serre
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis. Il s’agit de favoriser le développement des puits de carbone, ce qui passe par l’adoption d’un certain nombre de mesures, notamment en ce qui concerne la forêt et l’agriculture de conservation des sols.
Si nous voulons réduire les émissions nettes, il faut bien évidemment réduire les émissions brutes, mais aussi développer ces puits de carbone.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Sur le fond, le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de renforcer les absorptions de gaz à effet de serre pour parvenir à nos objectifs climatiques.
Sur la forme, votre amendement ne s’insère pas correctement dans l’article en question.
En outre, votre dispositif semble d’ores et déjà satisfait par l’objectif de neutralité carbone à l’horizon de 2050 que la France s’est fixé. Cela suppose en effet de parvenir à un équilibre entre les émissions résiduelles, qui seront à réduire à leur minimum, et les absorptions de gaz à effet de serre, qui devront être renforcées.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. On pourra noter ce soir combien le Gouvernement a décidé d’aller contre le Pacte vert pour l’Europe, à rebours des propos tenus par les partis, et notamment par le parti présidentiel, lors de la campagne des élections européennes.
Il est tout de même assez étonnant de revenir à la fois sur l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et sur nos ambitions en matière d’énergie renouvelable.
Je suis stupéfait de la position de la France sur des dossiers européens aussi sensibles, sachant par ailleurs que notre pays est en train de céder, peut-être victime de sa propre impuissance, sur la finalisation de l’accord Union européenne-Mercosur, dont on connaît pourtant les répercussions climatiques. Tout cela est assez sidérant.
M. le président. Je mets aux voix l’article 11, modifié.
(L’article 11 est adopté.)
Après l’article 11
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 72 rectifié bis est présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et O. Richard, MM. Delcros, Henno et Kern et Mme Antoine.
L’amendement n° 102 rectifié ter est présenté par Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Brault, Capus, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. A. Marc, L. Vogel et Wattebled.
L’amendement n° 107 rectifié est présenté par M. Longeot.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du 3° du I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, après le mot : « gaz » sont insérés les mots : « , le gaz de pétrole liquéfié ».
La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 72 rectifié bis.
M. Michel Canévet. Comme Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, nous sommes particulièrement attentifs à la situation des zones rurales.
Dans ces territoires, le gaz liquide est l’un des modes d’alimentation énergétique privilégiés. Il convient donc d’être ambitieux à la matière.
Grâce au biopropane et aux innovations technologiques qui ont vu le jour dans notre pays – je pense aux échangeurs à condensation de l’entreprise Sermeta, à Morlaix, qui est le leader européen, voire mondial, sur le sujet –, les émissions de CO2 sont extrêmement faibles, quasiment à égalité avec les émissions liées à la production électrique.
Il importe donc de soutenir ces filières, en particulier celle du biopropane, qui permettra, demain, d’alimenter à moindre coût beaucoup de pavillons et de logements situés en zone rurale, où il n’existe pas de réseau adapté : non seulement il n’y a pas de desserte en gaz naturel, mais surtout le réseau électrique n’est pas dimensionné pour supporter de trop nombreuses installations électriques.
Soyons terre à terre sur le sujet et encourageons le développement de ce biogaz.
M. le président. Les amendements nos 102 rectifié ter et 107 rectifié ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement vise à ajouter un objectif en matière de gaz de pétrole liquéfié dans le champ de la prochaine loi quinquennale sur l’énergie, ce qui ne me semble pas souhaitable.
Nous avons déjà défini un objectif en faveur des solutions pour les foyers ruraux non raccordés aux réseaux d’électricité, de gaz ou de chaleur au 2° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie en adoptant l’amendement n° 69 rectifié quater, qui visait à créer l’article 1er bis. Le gaz de pétrole liquéfié peut être promu par ce vecteur plus général.
C’est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Canévet. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 72 rectifié bis est retiré.
Mes chers collègues, je vais lever la séance.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 16 octobre 2024 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Suite de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, présentée par M. Daniel Gremillet, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 643, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 16 octobre 2024, à zéro heure trente-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER