compte rendu intégral

Présidence de Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Alexandra Borchio Fontimp,

Mme Catherine Conconne.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

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Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 10 octobre 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Mise au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Lors des scrutins nos 5, 6 et 7, respectivement sur l’article 1er A, l’article 1er et l’article 2 constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d’enseignement publics et privés sous contrat du premier et du second degrés et à garantir davantage de transparence dans les procédures d’affectation et de financement des établissements privés sous contrat, j’ai été indiquée comme ayant voté contre, alors que je souhaitais voter pour.

Mme la présidente. Acte vous est donné de ces mises au point, ma chère collègue. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d'autres maladies évolutives graves
Article 1er

Prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves, présentée par MM. Gilbert Bouchet, Philippe Mouiller et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 542 [2023-2024], texte de la commission n° 670 [2023-2024], rapport n° 669 [2023-2024]).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements.)

M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes très heureux de nous retrouver aujourd’hui pour l’examen de cette proposition de loi.

En introduction, madame la présidente, je vous propose de donner la parole, pour quelques mots, à notre collègue Gilbert Bouchet, qui a tenu à être présent dans cet hémicycle pour l’examen de ce texte pour lequel il s’est beaucoup mobilisé, avec le soutien de plusieurs associations, depuis plusieurs mois. Nous sommes très honorés de sa présence ; le combat qu’il mène pour les personnes concernées par la maladie de Charcot est bon et juste ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Bouchet.

M. Gilbert Bouchet, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux bien évidemment, en retour, saluer Philippe Mouiller, qui a beaucoup travaillé sur cette proposition de loi, ainsi que Mmes les rapporteures et tous nos collègues qui, sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée, se sont mobilisés pour ce texte ; je crois en effet qu’il a recueilli des signatures de tous les groupes politiques, ce qui me fait grand plaisir.

Lorsque la maladie vous tombe dessus, il faut la combattre ; c’est ce que j’essaie de faire. Il faut dire aussi combien certaines situations administratives posent problème, dans nos départements. Il faut parfois plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour les régler, c’est loin d’être facile. Ce texte doit permettre d’aller beaucoup plus vite. Je veux aussi remercier le président du Sénat, Gérard Larcher, de lui avoir apporté un soutien absolu ; j’en suis très heureux.

Je continue à mener mon combat pour mon département de la Drôme, avec mes collègues Bernard Buis et Marie-Pierre Monier, mais aussi pour toutes les victimes de cette maladie ; on en parle certes de plus en plus, mais il faut absolument lui consacrer plus de moyens. L’Arsla (Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique), dont des représentants sont présents dans nos tribunes, peut en témoigner. Cette maladie peut frapper tout le monde !

Mes chers collègues, par avance mille mercis pour votre vote de ce texte ! (Applaudissements nourris et prolongés sur toutes les travées, ainsi quau banc du Gouvernement.)

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Mouiller.

M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi. Ce texte a reçu le soutien de l’ensemble des groupes politiques du Sénat. Je m’en félicite, et j’espère que l’Assemblée nationale l’inscrira bientôt à son ordre du jour, car le temps presse pour apporter des solutions aux personnes atteintes de cette maladie.

Cette proposition de loi, que Gilbert Bouchet et moi vous présentons aujourd’hui, a fait l’objet d’un long travail avec les associations qui s’occupent des victimes de la maladie de Charcot, ou sclérose latérale amyotrophique (SLA).

Je compléterai les quelques mots que Gilbert Bouchet a pu vous adresser en vous donnant lecture du propos qu’il m’a confié.

« J’ai dû, écrit-il, avant d’obtenir ce terrible diagnostic, subir de multiples examens médicaux. Pour moi – je me dois ici de remercier l’équipe médicale qui me suit à Lyon –, le diagnostic est vite tombé. Je sais toutefois que ce n’est pas le cas de tous les patients atteints, notamment les sujets jeunes, car cette hypothèse n’est pas tout de suite retenue.

« Rappelons qu’on dénombre en France entre 6 000 et 7 000 personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique et environ 1 000 nouveaux cas par an, ce qui en fait l’une des maladies rares les plus fréquentes. Quand on détecte la SLA, il y a urgence : cette maladie ne permet pas de prendre du temps, il faut agir le plus rapidement possible pour le bien-être du malade. Il est donc nécessaire de comprendre cette maladie pour accompagner au mieux les personnes qui en sont atteintes et leurs familles ou accompagnants.

« La SLA est une maladie complexe, car elle s’exprime sous différentes formes et avec des vitesses d’évolution multiples, rendant les activités simples de la vie quotidienne progressivement difficiles, voire impossibles, à accomplir.

« Toutefois, la chronologie et le rythme de progression de l’atteinte motrice sont spécifiques à chaque patient, ce qui empêche toute anticipation des besoins de compensation du handicap.

« De ce fait, à l’heure actuelle, il n’est pas toujours aisé d’obtenir du matériel adapté. Dans mon cas, écrit Gilbert Bouchet, la procédure d’évaluation de l’équipe pluridisciplinaire a conclu à la prescription d’un matériel qui, lorsque la décision a été rendue, ne m’était plus d’aucune utilité. J’ai dû acheter moi-même le fauteuil électrique qui convenait à mon handicap à ce moment-là, sans attendre la dégradation de mon état de santé.

« En collaboration avec l’Arsla, nous avons détecté des freins dans la prise en charge sociale des malades, notamment le décalage entre les procédures et la temporalité de la maladie, ainsi que le traitement inégal des personnes en fonction de leur âge.

« Ce texte vise à répondre à ces freins, en adaptant la prise en charge des malades aux spécificités de la SLA et des autres maladies évolutives graves.

« Mais le combat contre ces maladies ne devra pas s’arrêter là. Il est important d’encourager la recherche pour trouver les moyens de ralentir ou de stabiliser la maladie, jusqu’à une possible guérison, et surtout de continuer de former les personnes afin qu’elles puissent prodiguer les soins appropriés.

« Je pense par exemple aux patients bénéficiant d’une trachéotomie, qui ont un degré de dépendance plus important et ont besoin d’une surveillance accrue par des aides humaines formées au maniement des respirateurs et aux techniques d’aspiration trachéale.

« Il faut également sensibiliser le plus grand nombre à cette pathologie, en menant des actions aux échelles tant nationale que locale, comme dans mon département de la Drôme, où le Lions Club se mobilise pour aider les associations. »

En conclusion de son propos, Gilbert Bouchet tenait à remercier le président du Sénat, Gérard Larcher, ainsi que l’ancien président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, d’avoir permis l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée. Il remercie aussi, plus largement, tous les membres du Sénat qui, dans tous les groupes politiques, se sont mobilisés en très grand nombre.

Je tiens, à mon tour, à remercier une nouvelle fois Gilbert Bouchet pour son combat.

Ce texte a également été inspiré par les difficultés dont nous ont informés les associations qui accompagnent les personnes atteintes de la maladie de Charcot. L’une des missions de ces associations est le prêt aux malades d’aides techniques essentielles à leur autonomie et à leur survie : puisque les dispositifs publics actuels ne sont pas adaptés à la maladie, ce sont aujourd’hui les bénévoles qui se mobilisent pour permettre aux malades d’être correctement accompagnés.

La SLA est une maladie au pronostic dramatique, responsable de handicaps moteurs évolutifs touchant progressivement toutes les capacités motrices du patient.

Or, monsieur le ministre, les dispositifs de droit commun en matière de compensation du handicap et de la perte d’autonomie échouent à soutenir décemment les personnes atteintes de cette maladie.

Que constate-t-on ? D’une part, le temps administratif de traitement des demandes de compensation est, le plus souvent, en décalage avec le rythme de progression de la maladie. D’autre part, dans leur majorité, les patients et leurs familles doivent faire face à d’importants restes à charge qui leur imposent des choix insupportables, entre le temps de présence d’un accompagnant au chevet du patient et telle ou telle aide technique, par exemple.

Face à ces constats, l’objectif des auteurs de la présente proposition de loi est d’apporter une réponse spécifique à cette pathologie aux caractéristiques hors normes, ainsi qu’à toute autre situation qui aurait les mêmes conséquences.

À cette fin, le texte adapte les procédures devant la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) afin de permettre aux personnes atteintes d’une maladie évolutive grave d’obtenir une décision directe et rapide sur la base d’un certificat médical ou de la prescription d’un ergothérapeute. Nous simplifions les procédures.

Les travaux de la commission l’ont conduite à mettre en avant la nécessité de mieux coordonner les acteurs, notamment les centres de référence pour les maladies rares, et d’identifier plus systématiquement les dossiers relatifs à ce type de pathologie.

Par ce texte, nous entendons également répondre aux difficultés particulières de prise en charge que rencontrent les personnes pour qui la SLA est diagnostiquée après l’âge de 60 ans, soit la majorité des malades.

Ces personnes relèvent en effet de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), qui présente des différences majeures de prise en charge, tant pour les aides techniques que pour les aides humaines, par rapport à la prestation de compensation du handicap (PCH). Par exemple, le reste à charge moyen pour les aides techniques s’élève à quelque 16 000 euros dans le cadre de l’APA, soit deux fois plus que dans le cadre de la PCH. Pour nombre de familles, la situation est intenable !

Nous avons été particulièrement attentifs à cette inégalité de traitement. Nous estimons que la levée de la barrière d’âge de 60 ans est nécessaire dans cette situation particulière, même si elle devait créer un précédent.

Je veux, en conclusion de mon propos, remercier chaleureusement nos deux rapporteures, Laurence Muller-Bronn et Corinne Féret, qui se sont mobilisées sur ce sujet, ont beaucoup travaillé et reçu nombre d’interlocuteurs pour élaborer leur rapport sur cette cause essentielle, qui mobilise tous les membres de notre assemblée. En mon nom propre et au nom de Gilbert Bouchet, je veux redire combien nous attendons le soutien de l’ensemble du Sénat à cette proposition de loi. (Vifs applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer notre collègue Gilbert Bouchet, qui porte cette proposition de loi, et à le remercier pour son témoignage fort.

J’ai aussi une pensée pour Claude, Alfred et Pascal, que j’ai pu suivre en préparant ce rapport, mais qui ne sont plus là aujourd’hui.

Le texte que nous examinons vise à pallier les lacunes de notre système de protection sociale dans l’accompagnement des malades atteints de sclérose latérale amyotrophique, lacunes qui peuvent laisser dans le désarroi des familles déjà choquées par le diagnostic et frappées par les conséquences de la maladie.

La SLA est une maladie rare et incurable, elle est due à une dégénérescence progressive des motoneurones. Son incidence est d’environ 1 700 nouveaux cas par an, soit 4 à 5 cas par jour, ce qui en fait l’une des maladies rares les plus fréquentes.

La SLA se caractérise par un affaiblissement progressif des muscles des jambes et des bras, des muscles respiratoires, ainsi que des muscles de la déglutition et de la parole. De multiples formes de handicap apparaissent ainsi au fil de l’évolution de la maladie. Toutefois, comme l’a rappelé Philippe Mouiller, la chronologie et le rythme de progression de l’atteinte motrice sont spécifiques à chaque patient, ce qui empêche toute anticipation des besoins de compensation du handicap.

Les personnes pour lesquelles la SLA a été diagnostiquée avant l’âge de 60 ans s’adressent à leur maison départementale des personnes handicapées afin de demander les aides et les droits auxquels elles peuvent prétendre, notamment la prestation de compensation du handicap. La décision d’attribution de la PCH est prise sur la base de l’évaluation réalisée par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH.

Or les délais de traitement des demandes apparaissent, de manière générale, difficilement compatibles avec une maladie qui progresse aussi vite.

Si la réglementation donne à la MDPH quatre mois pour statuer, le délai réel de réponse varie selon les départements, nous le savons bien, et peut aller jusqu’à six mois, voire neuf mois, ce qui est beaucoup trop long. Les modalités de traitement des dossiers doivent absolument s’adapter à la maladie, monsieur le ministre !

Aujourd’hui, les familles doivent s’adapter à la maladie, subir ces délais beaucoup trop longs et souvent avancer les frais des équipements et des assistances humaines. En outre, les besoins de la personne peuvent s’aggraver avant même que sa demande ait abouti. Par ailleurs, la procédure se révèle complexe pour les familles qui doivent constituer de leur propre initiative un dossier pour chaque nouvelle demande.

Au regard de ces constats, la présente proposition de loi vise à améliorer et à faciliter l’accès aux aides des personnes atteintes de la maladie.

L’article 1er instaure une procédure dérogatoire applicable dans le cas où les besoins de compensation et d’accompagnement humain résultent d’une maladie évolutive grave telle que la SLA. La liste des maladies concernées serait fixée par décret.

La signature d’un seul membre de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH suffira pour proposer directement à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), sur la base d’une prescription médicale, les adaptations du plan de compensation du handicap et les aides humaines nécessaires. Dès la première réunion, la CDAPH statuera sur ces adaptations.

La commission a considéré que les spécificités de la maladie de Charcot, ainsi que de toute autre pathologie d’évolution rapide causant des handicaps sévères et irréversibles, justifient ce traitement dérogatoire.

Cependant, pour répondre efficacement aux besoins des personnes atteintes de telles pathologies, il faut pouvoir identifier d’emblée leur dossier. Cela nécessite également une meilleure coordination avec les équipes médicales.

La commission a donc souhaité rendre systématique l’identification par la MDPH, dès leur dépôt, des dossiers relatifs à une pathologie comme la SLA ; elle a prévu que ces dossiers seront traités en partenariat avec les centres de référence pour maladies rares, qui sont au nombre de vingt-deux en France. Ces centres disposent de leur propre équipe pluridisciplinaire, qui procède en principe tous les trois mois à une évaluation des besoins des patients.

La commission a donc permis que l’accès à la procédure dérogatoire prévue à l’article 1er puisse se faire sur la base de l’évaluation d’un centre de référence compétent en matière de SLA.

Enfin, la commission a précisé que la procédure dérogatoire s’appliquerait dès l’ouverture des droits auxquels la personne atteinte de SLA peut prétendre, en fonction de ses besoins de compensation ; ainsi, on évitera aux patients de devoir refaire, à chaque fois, un nouveau dossier.

Avant que ma collègue rapporteure Corinne Féret ne vous présente les autres dispositions de la proposition de loi, je vous invite, mes chers collègues, à voter ce texte attendu par les familles concernées et les associations. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Féret, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, à mon tour, à saluer notre collègue Gilbert Bouchet, qui nous a offert un témoignage fort, très émouvant, qui nous oblige à agir pour améliorer le quotidien des personnes atteintes de la maladie de Charcot. Je pense aussi à toutes les personnes que Laurence Muller-Bronn et moi-même avons auditionnées.

J’aborderai pour ma part une autre difficulté à laquelle de nombreux malades sont confrontés, à savoir le traitement différencié de leurs besoins de compensation en fonction de leur âge.

Le bénéfice de la PCH est en effet réservé aux personnes dont l’âge est inférieur à une limite fixée par décret à 60 ans, même si les personnes dont la SLA a été diagnostiquée avant cet âge peuvent continuer à bénéficier de cette prestation au-delà.

Lorsque le diagnostic de la SLA intervient au-delà de cette barrière d’âge, la personne atteinte de la maladie ne peut pas bénéficier de la PCH. Elle peut alors demander l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, pour améliorer sa prise en charge. Il existe toutefois des différences majeures entre les deux prestations.

En effet, l’ensemble des aides attribuées au titre de l’APA est rattaché à un plan d’aide global dont le montant est déterminé dans la limite d’un plafond mensuel pour chaque groupe iso-ressources (GIR). Dans ce cadre, non seulement le plan d’aide ne permet généralement pas de financer la présence continue d’intervenants auprès du malade, mais il ne couvre que difficilement les nombreuses aides techniques dont ce dernier a besoin.

Selon l’Arsla, une trentaine d’aides techniques sont nécessaires au cours de la durée de vie du patient à compter du diagnostic. Or le reste à charge peut être deux fois plus élevé dans le cadre de l’APA que dans celui de la PCH.

Cette prise en charge limitée concerne la majorité des personnes atteintes de SLA. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ne dispose pas de données consolidées à l’échelon national sur cette pathologie, mais on peut estimer qu’entre les deux tiers et les trois quarts des personnes atteintes de SLA relèvent de l’APA.

L’article 2 de la proposition de loi crée donc une exception à la barrière d’âge de 60 ans, âge au-delà duquel il n’est plus possible de prétendre à la PCH. Les personnes dont l’âge est supérieur à cette limite, mais dont les besoins de compensation résultent des conséquences d’une maladie évolutive grave telle que la SLA pourraient ainsi bénéficier de la PCH.

La différence de traitement entre les personnes dont la maladie est diagnostiquée avant 60 ans et celles dont la maladie se déclare après cet âge a des répercussions directes sur les conditions de vie des patients et sur leurs choix thérapeutiques. La suppression de cette situation inéquitable nous paraît donc légitime.

En conséquence, les personnes atteintes d’une telle pathologie pourraient, pour la prise en charge de leurs besoins de compensation, être accompagnées par leur MDPH et bénéficier également du dispositif dérogatoire de l’article 1er.

La commission a approuvé cette réponse au traitement inéquitable auquel sont confrontées les personnes touchées par la SLA après 60 ans. En cohérence avec les modifications apportées à l’article 1er, elle a qualifié plus précisément le champ des maladies concernées par cette suppression de la barrière d’âge.

J’estime que l’on pourrait, plus généralement, s’interroger sur le bien-fondé de cette barrière d’âge de 60 ans pour le bénéfice du droit à la compensation. C’est un réel problème, qu’il nous faudra aborder.

En outre, d’autres enjeux relatifs à l’accès aux aides techniques ne relèvent pas de la loi, mais mériteraient d’être également pris en considération. En particulier, il serait pertinent de favoriser le remboursement de la location de certaines aides techniques, compte tenu de la brièveté de leur utilisation. L’enjeu de la formation des intervenants à domicile au maniement des aides techniques doit aussi être mieux pris en compte.

Enfin, l’article 3 prévoit que la CNSA apportera aux départements un concours financier afin de compenser le surcroît de dépenses de PCH occasionné par le dispositif. Faute de statistiques sur les montants versés au titre de la PCH et de l’APA à la population concernée, nous estimons ce surcoût à un montant proche de 30 millions d’euros par an.

En vous remerciant de votre attention, je vous invite à mon tour, mes chers collègues, à voter cette proposition de loi extrêmement attendue. Il s’agit d’une cause qui nous concerne tous. Ce texte pourra apporter une meilleure considération et un meilleur accompagnement à celles et ceux qui sont atteints de cette maladie. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes. Madame la présidente, monsieur le président du Sénat, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le sénateur Gilbert Bouchet, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous dire que la proposition de loi sur laquelle nous sommes amenés à travailler cet après-midi a retenu toute mon attention dès son dépôt, en avril dernier.

Elle a retenu mon attention en tant que parlementaire, mais aussi en tant que collègue, monsieur le sénateur Bouchet. Je tiens à vous assurer de toute ma compassion, de mon écoute, de mon respect et de mon amitié. Elle a aussi retenu mon attention en tant qu’homme, en tant que citoyen, car elle me touche personnellement, à plusieurs égards.

Je salue donc cette initiative parlementaire sur un sujet majeur, qui concerne la dignité des individus et l’effectivité de leurs droits. Loin des clivages politiques, ce texte nous rassemble ; nous nous devons d’agir vite pour mettre fin à une situation qui est loin d’être satisfaisante.

Nous devons agir vite, car l’objet de ce texte, précisément, c’est le temps. C’est le temps d’espérance de vie des personnes atteintes de la maladie de Charcot, de deux ans en moyenne. C’est le temps d’évolution rapide de la maladie, qui se heurte au temps administratif, un temps toujours trop long quand les jours sont comptés, un temps qui ne permet pas d’accompagner dignement les personnes.

L’objet de ce texte, c’est aussi l’âge : en moyenne, cette maladie se déclare à 68 ans ; à cet âge-là, on a droit à l’allocation personnalisée d’autonomie, accessible à partir de 60 ans. D’un montant allant de 762 à 1 955 euros, cette prestation aide à payer les dépenses qui permettent de rester à domicile, chez soi, auprès de ses proches. Lorsque la maladie se déclare avant 60 ans, les personnes malades ont accès à la prestation de compensation du handicap ; elles peuvent la demander avant ou après cet âge.

Parce qu’il s’agit d’une maladie rare, les personnes atteintes de la maladie de Charcot ont aussi accès aux centres de référence pour les maladies rares, et l’assurance maladie prend en charge 100 % des frais de santé.

Votre proposition de loi porte sur deux éléments majeurs : les délais pour obtenir la PCH auprès de la maison départementale des personnes handicapées, d’une part, et un accès dérogatoire à la PCH, après 60 ans, d’autre part.

Nous faisons la même analyse de la situation. Le constat est le suivant : les délais de traitement des dossiers par les MDPH sont trop longs. Les besoins de la personne évoluent parfois plus vite que le traitement de sa demande et les familles avancent des frais de taille pour compenser. C’est absolument regrettable et néfaste pour la personne, qui se sent rapidement impuissante.

L’État prend toute la mesure de ce problème. Lors de la Conférence nationale du handicap de 2023, le Président de la République a réaffirmé son attention à la réduction des délais d’accès aux droits. Cela fait partie de la feuille de route des MDPH élaborée par les administrations, qui est aujourd’hui stabilisée.

Dans le cadre de la proposition de loi qui nous intéresse, une coordination entre la MDPH et le centre de référence pour les maladies rares pourra être mise en place pour repérer, en amont de la demande faite à la MDPH, les dossiers des personnes ayant une pathologie d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles. Une coordination similaire est aussi envisageable dans le cadre de l’APA. Cela permettra d’anticiper et d’accompagner plus rapidement les malades et leurs proches.

L’État prend également toute la mesure du problème lié aux fauteuils roulants électriques, sur lequel vous m’avez interpellé. Pour simplifier la procédure d’acquisition, je porte une attention toute particulière au travail parlementaire mené actuellement. Mon ministère est pleinement engagé afin que les discussions puissent aboutir prochainement.

Concernant la dérogation à la barrière d’âge pour l’octroi de la PCH, la réflexion doit se poursuivre. La dérogation proposée revient en effet sur une distinction ancienne et, pour tout dire, originelle, entre l’APA et la PCH. Je ne disconviens pas de l’importance de savoir dépasser, dans des circonstances exceptionnelles, des catégories qui nous enferment trop. Il y va de notre humanité et du sens même de notre système de protection.

Pour autant, je ne peux manquer d’être attentif à un risque : comment garantir l’égalité du droit à toutes les personnes concernées par une autre pathologie ou un handicap ?

Monsieur le président Mouiller, nous avons eu l’occasion d’en parler et vous connaissez ma position : nous pouvons et nous devons améliorer les droits des personnes atteintes de la maladie de Charcot sans créer des inégalités entre les personnes en situation de handicap. Nous reviendrons sur cette question lors de la discussion de l’article 2.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il est question, au fond, de notre modèle de protection sociale, de sa capacité à accompagner les personnes en perte d’autonomie, quels que soient leur âge et la diversité de leur handicap ou de leur maladie invalidante.

Il est question de notre modèle de fraternité, qu’il me revient aujourd’hui de faire vivre, mais dont je dois aussi garantir l’équité, le bon fonctionnement et la cohérence.

Ce rôle fait aussi de moi, aujourd’hui, votre interlocuteur sur ce sujet ô combien crucial. Je conçois ce rôle comme un honneur. Il nous faudra peut-être revenir sur la méthode proposée, mais il n’en reste pas moins que cette proposition de loi est un texte essentiel, à la hauteur de l’enjeu, des personnes et de ce qu’elles traversent, ainsi que leurs familles et leurs aidants.

Je salue donc cette belle initiative parlementaire, ainsi que les victimes de la SLA, leurs familles et les associations mobilisées à leurs côtés. Nous avons l’objectif commun de voir aboutir ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)