Sommaire

Présidence de M. Alain Marc

Secrétaires :

Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Catherine Conconne.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au gouvernement

austérité imposée aux collectivités territoriales

Mme Cécile Cukierman ; M. Michel Barnier, Premier ministre ; Mme Cécile Cukierman.

situation au liban (i)

Mme Olivia Richard ; M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

soutien du gouvernement à la filière biologique

M. Daniel Salmon ; Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt ; M. Daniel Salmon.

situation au proche-orient

M. Roger Karoutchi ; M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Roger Karoutchi.

situation à la martinique

M. Frédéric Buval ; M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer.

crise du logement

M. Dany Wattebled ; Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine.

situation des français au liban

Mme Sophie Briante Guillemont ; Mme Sophie Primas, ministre chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger ; Mme Sophie Briante Guillemont.

narcotrafic

Mme Marie-Arlette Carlotti ; M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice.

loyers impayés des gendarmeries

Mme Lauriane Josende ; M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur ; Mme Lauriane Josende.

annonces à la suite du dernier comité des finances locales

M. Thierry Cozic ; M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics ; M. Thierry Cozic.

situation en nouvelle-calédonie

M. Georges Naturel ; M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer.

crise avicole

M. Yves Bleunven ; Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

situation au liban (ii)

M. Khalifé Khalifé ; M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Khalifé Khalifé.

précarité étudiante et situation financière des universités

M. Yan Chantrel ; M. Patrick Hetzel, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. Yan Chantrel.

reconversion du site de saint-avold

Mme Catherine Belrhiti ; Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l’énergie ; Mme Catherine Belrhiti.

assurance chômage des travailleurs transfrontaliers

Mme Annick Jacquemet ; Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi.

pistes d’économies pour le budget de 2025

M. Stéphane Ravier ; M. Laurent Saint-Martin chargé du budget et des comptes publics.

Suspension et reprise de la séance

3. Communication d’un avis sur un projet de nomination

4. Réduction du nombre de conseillers municipaux dans les petites communes. – Rejet d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. François Bonneau, auteur de la proposition de loi

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée, chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat

M. Bernard Buis

M. Michel Masset

M. Hervé Maurey

Mme Cécile Cukierman

M. Guy Benarroche

M. Pierre-Alain Roiron

M. Joshua Hochart

M. Dany Wattebled

M. Philippe Bas

M. Olivier Paccaud

Mme Marie-Jeanne Bellamy

Clôture de la discussion générale.

Article unique

M. Henri Cabanel

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Philippe Grosvalet

M. Gérard Lahellec

M. André Reichardt

M. Bernard Delcros

M. Jean-Gérard Paumier

M. Éric Kerrouche

M. Jean-Marie Mizzon

M. Christian Bilhac

M. Daniel Chasseing

Mme Anne Chain-Larché

M. Guillaume Gontard

Amendement n° 9 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 7 de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Amendement n° 17 rectifié decies de M. Hervé Maurey. – Rejet.

Amendement n° 16 de M. Olivier Paccaud. – Retrait.

Amendement n° 8 de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Amendement n° 13 rectifié de M. Cédric Vial. – Retrait.

Amendement n° 6 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendement n° 4 rectifié de Mme Kristina Pluchet. – Rejet.

Amendements identiques nos 15 rectifié de M. Éric Kerrouche, 19 rectifié de Mme Sonia de La Provôté et 21 rectifié de M. Rémy Pointereau. – Adoption des trois amendements.

Amendement n° 24 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 23 de M. Joshua Hochart. – Rejet.

Amendement n° 14 de Mme Lana Tetuanui. – Retrait.

Vote sur l’ensemble

M. Henri Cabanel

Mme Anne Chain-Larché

M. Olivier Paccaud

M. Laurent Somon

M. Guy Benarroche

M. Éric Kerrouche

Mme Céline Brulin

M. Vincent Louault

M. François Bonneau

M. Fabien Genet

M. Bernard Buis

M. Stéphane Sautarel

Rejet de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission , modifié.

Suspension et reprise de la séance

5. Fermetures abusives de comptes bancaires. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. Philippe Folliot, auteur de la proposition de loi

M. Marc Laménie, rapporteur de la commission des finances

Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État chargée de la consommation

M. Christian Bilhac

M. Bernard Delcros

M. Pascal Savoldelli

M. Grégory Blanc

Mme Isabelle Briquet

M. Louis Vogel

Mme Évelyne Renaud-Garabedian

M. Bernard Buis

M. Ronan Le Gleut

Clôture de la discussion générale.

Avant l’article unique

Amendement n° 7 de Mme Mélanie Vogel. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article unique

Mme Olivia Richard

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Mme Corinne Bourcier

Amendement n° 6 de M. Christian Bilhac. – Retrait.

Amendement n° 4 de M. Éric Bocquet. – Adoption.

Amendement n° 1 rectifié de Mme Isabelle Briquet. – Devenu sans objet.

Amendement n° 8 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Devenu sans objet.

Amendement n° 5 de M. Éric Bocquet. – Adoption.

Amendement n° 11 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article unique

Amendement n° 9 de M. Bernard Buis. – Retrait.

Amendement n° 10 de M. Bernard Buis. – Rejet.

Amendement n° 2 de Mme Nathalie Goulet. – Non soutenu.

Vote sur l’ensemble

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

6. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2024

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe

Mme Catherine Dumas, vice-présidente de la commission des affaires étrangères ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; M. Jean-François Rapin.

M. Claude Kern ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

Mme Silvana Silvani ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; Mme Silvana Silvani.

Mme Mathilde Ollivier ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; Mme Mathilde Ollivier0

M. Didier Marie ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; M. Didier Marie.

M. Louis Vogel ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; M. Louis Vogel.

M. Cyril Pellevat ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

Mme Nadège Havet ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Ahmed Laouedj ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

M. François Bonneau ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

M. André Reichardt ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

Mme Marta de Cidrac ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

Conclusion du débat

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

Secrétaires :

Mme Alexandra Borchio Fontimp,

Mme Catherine Conconne.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Le président du Sénat, M. Gérard Larcher, ne peut présider notre séance, car il se rend actuellement en Côte d’Ivoire à l’invitation de la présidente du Sénat ivoirien, Mme Kandia Camara, dont il est l’invité d’honneur à l’occasion de l’ouverture de la session parlementaire du Sénat ivoirien et du colloque des Sénats africains qui doit aboutir à la création d’une association des Sénats d’Afrique.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

austérité imposée aux collectivités territoriales

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes longuement exprimé devant l’Assemblée nationale, puis devant le Sénat pour présenter votre déclaration de politique générale. À aucun moment lors de ces interventions, vous n’avez présenté précisément vos projets austéritaires, alors que vous aviez déjà en votre possession le projet de budget.

Depuis se dessine la sanction lourde que vous allez imposer aux collectivités locales. Un effort de 5 milliards d’euros leur serait demandé, alors que nous connaissons tous ici, à commencer par vous-même, monsieur le Premier ministre, les terribles difficultés qui existent.

L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) estime même à 9,5 milliards d’euros ces coupes budgétaires, auxquelles s’ajouterait la baisse probable de 1 milliard d’euros des crédits du fonds vert.

Cette ponction accrédite l’idée inacceptable répandue par MM. Le Maire et Cazenave que les collectivités seraient responsables de l’endettement. C’est honteux, alors qu’elles assument elles-mêmes leur dette.

Ce plan de casse du service public local est intolérable. Ce plan, c’est la mise à mal de l’investissement public local, alors même que les collectivités financent plus des deux tiers de l’investissement public de notre pays.

Jusqu’à présent, les collectivités locales étaient souvent le dernier rempart contre les coups de boutoir du libéralisme, un bouclier contre la paupérisation et le repli sur soi de nos concitoyens.

Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous ce choix, votre choix, contre les collectivités, leurs élus, leur population, ce choix contre votre pays et ses territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Michel Barnier, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés,…

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Sénateurs !

M. Michel Barnier, Premier ministre. J’arrive de l’Assemblée nationale, je suis encore dans cette ambiance, mais je note qu’elle est assez différente ici… (Sourires.)

M. Mickaël Vallet. Deux chambres, deux ambiances !

M. Michel Barnier, Premier ministre. Madame la présidente Cukierman, je vais vous répondre sur le fond, mais franchement, il n’est pas possible de dire que nous faisons des choix contre la France. Ce n’est pas vrai ! J’ai l’honneur, depuis un tout petit peu plus d’un mois, d’être le Premier ministre de notre pays et je trouve une situation qui remonte à assez loin et que nous devons traiter en responsabilité devant les Français. Voilà notre choix.

Je vais dire quelques mots de la préoccupation que vous exprimez au sujet des collectivités locales. Votre question, madame la présidente, est légitime ici, au Sénat, compte tenu du rôle des sénateurs.

D’abord, un fait : les dépenses des collectivités locales ont beaucoup augmenté depuis quelques années. Et je sais pourquoi. Je pense que cet argent a été bien utilisé, comme vous l’avez indiqué vous-même, et que beaucoup de ces dépenses sont des dépenses subies ou contraintes en raison, d’une part, de l’inflation, d’autre part, de décisions prises par l’État et pas toujours accompagnées par des crédits.

M. Michel Barnier, Premier ministre. Je sais tout cela. Mais ces dépenses sont bien là et, par les besoins de financement qu’elles entraînent et qui sont très importants, elles contribuent à ce qu’on appelle le déficit de la France dont nous sommes comptables, que nous devons gérer et qui crée une incertitude, un doute, tout autour de nous, en Europe, et aussi chez nous.

Or nous avons un devoir de responsabilité, que j’assume, madame la présidente, au nom du Gouvernement : réduire le déficit à 5 % du PIB l’année prochaine et essayer d’atteindre 3 % en 2029 – nous sommes déterminés à le faire.

Je pense aussi qu’il est juste de dire que cet effort doit être partagé. Ce n’est pas par plaisir que je vais présenter, ici et à l’Assemblée nationale, des mesures difficiles. Nous avons, je le redis, un devoir de responsabilité et l’obligation de partager cet effort de la manière la plus juste possible.

J’ai été président d’une assemblée départementale pendant dix-sept ans. Je ne mettrai donc jamais les collectivités locales en accusation. Jamais ! Je sais qu’elles gèrent, et cela au plus près des gens, des difficultés, des politiques publiques, des projets… Je n’ai pas oublié cette responsabilité.

Pour autant, les mesures du projet de loi de finances que nous allons présenter demain préservent les principes auxquels je tiens. Ainsi, sous réserve de la discussion parlementaire, nous protégerons les collectivités les plus fragiles. Nous allons aussi ouvrir la possibilité de reverser aux collectivités, quand la situation sera redressée, des sommes qui leur auraient été retenues ou prélevées. Ces mesures préservent aussi les dépenses d’investissement, dépenses qui sont en ce moment les plus dynamiques.

Je sais que nous allons demander un effort, mais nous allons le demander non pas dans un esprit d’accusation ou d’indifférence, mais dans un esprit de partenariat pour essayer de gérer ensemble cette situation conjoncturelle. C’est le travail que réalisent déjà Catherine Vautrin et Françoise Gatel, deux ministres que vous connaissez bien.

Nous allons ainsi vous proposer un pacte pour vérifier ensemble où sont les besoins, d’où ils viennent et quel niveau ils atteignent. Nous devons au moins être d’accord sur les chiffres pour être justes et essayer de gérer cette situation ensemble.

Nous allons accompagner ce projet de partenariat, en évitant que des dépenses nouvelles, que les collectivités locales seraient obligées de financer à la place de l’État, leur soient imposées.

Nous allons simplifier les procédures et alléger très fortement les contraintes qui pèsent sur les collectivités, contraintes qui découragent les maires dans nombre de circonstances.

Nous allons réduire certaines dépenses qui n’ont pas vraiment de sens. Nous allons donner plus de libertés aux collectivités locales : lorsqu’on a la possibilité d’adapter les politiques publiques, cela coûte souvent moins cher, cela peut même rapporter !

Je voudrais prendre un exemple que je sais sensible dans cet hémicycle comme dans les relations entre le Sénat et les précédents gouvernements : l’eau et l’assainissement. (Ah ! sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) Vous connaissez bien ce sujet, madame la présidente Cukierman, comme Françoise Gatel et d’autres sénateurs que je remercie de leur engagement : Jean-Michel Arnaud – le Sénat examinera bientôt à ce sujet une proposition de loi dont il est le premier signataire –, Alain Marc, Jean-Yves Roux ou encore Mathieu Darnaud avec lequel je me suis entretenu ce matin de cette question. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je pense qu’il est temps – cela fait presque dix ans que la loi NOTRe a été adoptée, c’était en 2015 – de clôturer cette question, qui est une vraie difficulté, peut-être une blessure dans la confiance entre l’exécutif et le Sénat. Voilà pourquoi le Gouvernement adoptera une position de clarté qui est souhaitée par le Sénat. On ne va pas revenir, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les engagements pris ou sur les transferts déjà réalisés, mais en 2026, il n’y aura plus de transfert obligatoire de compétence. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP. – M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. Michel Barnier, Premier ministre. Comme je l’ai indiqué à Mathieu Darnaud lors de notre entretien, il n’y aura plus de transfert obligatoire pour les communes qui n’ont pas encore transféré la compétence.

Nous allons continuer, avec les ministres concernés et avec vous, à travailler pour affiner cette orientation qui, je le crois, permettra de faire comprendre aux communes, malgré l’effort que nous devons faire ensemble – j’en ai parlé –, que nous souhaitons leur donner plus de libertés et leur faire davantage confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, il ne suffira pas de revenir sur des problèmes issus de la loi NOTRe, que j’avais moi-même contestée, pour que vous ayez notre crédit plein et entier, mais je vous sais gré de cette évolution. Nous aurons le débat en séance publique la semaine prochaine.

Cependant, vous avez raison sur un point : tout le monde dans notre pays doit prendre ses responsabilités. Dans un pays où il n’y a jamais eu autant de richesses et de riches et où il y a de plus en plus de pauvres et de personnes précarisées, chacun doit prendre ses responsabilités et les riches doivent contribuer à l’effort pour sortir notre pays de la logique austéritaire que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

Mme Céline Brulin. Exactement !

situation au liban (i)

M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Olivia Richard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Permettez-moi d’y associer notre collègue Olivier Cadic, très engagé sur ce sujet.

Monsieur le ministre, ce lundi 7 octobre, nous avons commémoré les terribles attaques terroristes qui ont endeuillé Israël l’an dernier. Aujourd’hui, alors que la France connaît une augmentation alarmante des actes antisémites, nous réaffirmons clairement notre solidarité avec Israël dans son aspiration à la sécurité et au retour des otages.

Il nous faut également redire tout aussi clairement notre solidarité aux populations civiles qui souffrent et meurent tous les jours à Gaza ou au Liban.

Le Hezbollah, qui gangrène le Liban, a entraîné le pays dans un conflit dont les Libanais ne veulent pas. Le Liban n’est pas le Hezbollah.

Au Liban, pays frère de la France depuis près de mille ans, la situation humanitaire se dégrade de jour en jour. Plus de deux mille personnes ont déjà trouvé la mort. Des milliers de blessés affluent dans des hôpitaux saturés. Plus d’un million de personnes fuient le sud du pays. Des dizaines de milliers d’autres quittent la capitale bombardée.

Monsieur le ministre, ce pays n’avait pas besoin d’une guerre. L’économie y était déjà à genoux. Il n’existe plus de classe moyenne, intégralement passée sous le seuil de pauvreté.

Alors, la solidarité s’organise localement, mais elle ne pourra pas tenir longtemps. Les déplacés sont hébergés dans des écoles, des églises, des gymnases, bientôt dans des maisons vides. La population ne peut pas répondre seule aux besoins humanitaires immenses.

Dans ce contexte alarmant, sur fond d’escalade dans toute la région, que peut la France, la tendre mère ? Quid de nos sept cents soldats engagés au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) à la frontière sud ? Quel accompagnement pour nos vingt-quatre mille compatriotes au Liban, qu’il va peut-être falloir bientôt évacuer ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, RDPI et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, je vous remercie de votre question au sujet du Liban, pays frère de la France et aujourd’hui au bord du gouffre.

Avant les opérations militaires israéliennes, la situation économique et sociale de ce pays était dramatique. Elle est aujourd’hui catastrophique. Vous l’avez rappelé, des milliers de morts, dont des enfants, des milliers de blessés, des centaines de milliers de déplacés ! Si rien n’est fait, le Liban pourrait ressembler demain à la Syrie d’aujourd’hui, un foyer d’instabilité où prospèrent le terrorisme, les gangs et d’où partent des centaines de milliers de civils pour trouver refuge ou asile en Europe.

C’est la raison pour laquelle, sous l’autorité du Premier ministre, le Gouvernement agit.

Il agit, d’abord, pour assurer la sécurité de nos ressortissants, celle de nos agents, mais aussi celle de nos militaires sur place mobilisés au sein de la Finul. Sophie Primas répondra tout à l’heure à une question à ce sujet.

Il agit, ensuite, en œuvrant pour amener les deux parties au conflit à cesser le feu. Comme vous l’avez rappelé, ce conflit a démarré par des actions du Hezbollah perpétrées dès le 8 octobre 2023. Il y a dix jours, nous avons posé sur la table une proposition de cessez-le-feu et nous exhortons les parties à s’en saisir.

Il agit en apportant aussi au Liban toute l’aide humanitaire dont il a besoin. J’y étais il y a dix jours avec un avion militaire chargé de deux postes sanitaires mobiles et d’une dizaine de tonnes de médicaments. Mais tout cela ne suffit pas ; c’est la raison pour laquelle je vous annonce que la France accueillera le 24 octobre une conférence internationale pour le soutien au Liban.

Enfin, nous encourageons les responsables politiques libanais à prendre leurs responsabilités pour mettre le pays sur les rails, pour que le Liban conserve son unité et sa stabilité. Il faut que le Liban se dote d’un Président. C’est ce à quoi nous l’encourageons vivement.

Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé au service du Liban et au service de la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)

soutien du gouvernement à la filière biologique

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Madame la ministre, parlons dette écologique !

L’agriculture biologique connaît une crise sans précédent depuis trois ans. Les raisons en sont multiples : des engagements non tenus, notamment le non-respect de la loi Égalim ; la multiplication des labels plus ou moins fallacieux, comme la « haute valeur environnementale » (HVE) ; la faiblesse des politiques publiques, notamment la suppression de l’aide au maintien ou les retards de paiement pour les aides bio et les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec).

Tout semble fait pour freiner le développement de la bio. Les conséquences sont désastreuses : les agriculteurs bio sont de plus en plus nombreux à « déconvertir » leur ferme. Un immense gâchis d’argent public !

En 2023, les pertes économiques pour les agriculteurs bio ont été estimées entre 250 et 300 millions d’euros. Les surfaces en première année de conversion ont chuté ; la surface agricole utile (SAU) en bio stagne.

Non, mes chers collègues, il n’y a pas deux modèles qui se valent. La bio a apporté les preuves scientifiques qu’elle est le label le plus abouti pour la santé et l’environnement. Ses externalités positives ne sont plus à prouver et on doit la payer pour cela.

La bio n’est pas une niche, ni une option ; elle doit être le cap. Si l’État entend respecter l’objectif de 21 % de surfaces agricoles en bio d’ici à 2030, il n’y a plus de temps à perdre.

Le fonds d’urgence de 105 millions d’euros mis en place en début d’année est largement insuffisant.

Il est impératif de créer de nouveaux débouchés pour cette filière, impératif de poser les bases d’un financement équilibré de la bio dans la durée, comme le préconise le rapport de la Cour des comptes.

Madame la ministre, vous engagez-vous pour une politique ambitieuse, structurelle et de long terme pour sauver l’agriculture biologique ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Franck Montaugé applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Daniel Salmon, vous m’interrogez sur la crise qui frappe la filière bio dans notre pays. Vous êtes un bon connaisseur de cette filière et vous savez que les problèmes sont d’ordre à la fois conjoncturel et structurel.

D’ordre conjoncturel, parce que l’inflation a conduit les ménages à diminuer la part de l’alimentation, notamment celle de l’alimentation bio, dans leurs dépenses.

D’ordre structurel du fait des difficultés pour ce marché à trouver des débouchés à la mesure de son intérêt et des efforts qui sont consentis par les filières elles-mêmes et par l’État.

Nous faisons d’abord face à un enjeu de revenus pour nos agriculteurs, mais aussi à un enjeu de souveraineté alimentaire et de transition écologique.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement n’a jamais cessé d’apporter son aide aux filières bio. Vous considérez qu’elle n’est pas suffisante compte tenu des difficultés qu’elles connaissent, mais je voudrais rappeler quelques éléments.

Je veux tout d’abord évoquer les aides d’urgence de trésorerie : près de 104 millions d’euros en 2023, puis 90 millions en 2024 avec des critères d’éligibilité élargis.

Des aides pérennes ont également été mises en place : un crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique à hauteur de 109 millions d’euros et plus de 50 millions d’euros pour l’écorégime.

Sur la planification écologique, le budget du fonds Avenir Bio a été porté à 18 millions d’euros par an et il est en hausse de 5 millions.

Enfin, le budget de communication pour valoriser les productions bio a été porté à 5 millions d’euros par an pour soutenir une campagne de communication massive sur la consommation de ces produits.

Le dernier point que je veux évoquer est la part des produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective : elle a été portée à 20 %.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. L’agriculture biologique est un pan essentiel de notre agriculture. Elle fait vivre des agriculteurs et je veux vous dire très solennellement que je serai à leur côté par la politique que j’entends conduire en la matière. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, quel est le bilan de la dernière décennie ? Cent mille fermes en moins, des agriculteurs en colère et déprimés, l’effondrement de la biodiversité.

Ce sont surtout énormément de coûts cachés dans notre système alimentaire. On estime ainsi à 19 milliards d’euros le coût sur la santé de l’alimentation actuelle. Faisons la vérité des prix ! Non, la bio n’est pas chère.

Monsieur le Premier ministre, vous avez introduit le principe pollueur-payeur dans notre droit. Faisons-le vivre ici et nous verrons quelle agriculture est la moins chère ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

situation au proche-orient

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, il y a trois jours, l’Élysée a publié un communiqué réaffirmant l’amitié « indéfectible » de la France à l’égard d’Israël. Pourriez-vous nous décoder cette formule ? (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Je vous remercie de votre question, monsieur Karoutchi… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Elle me permet de rappeler que la France se tient aux côtés d’Israël, pays auquel l’attachent des liens nombreux et anciens, pays dans lequel vivent 180 000 de nos compatriotes.

La France est attachée de manière indéfectible à la sécurité d’Israël. Et ce ne sont pas que des mots, ce sont des actes.

Lorsque le Hamas a perpétré contre Israël le pire massacre antisémite de notre histoire depuis la Shoah, la France a sanctionné les responsables du Hamas.

Lorsque l’Iran prend pour cible Israël ou déclenche contre ce pays une attaque balistique d’ampleur, la France mobilise ses moyens militaires pour lui faire échec. Ce fut le cas en avril comme il y a encore quelques jours.

Lorsque l’Iran menace la sécurité d’Israël en développant son programme nucléaire, c’est encore la France qui est en première ligne des efforts internationaux pour faire échec à ce programme.

Nous considérons aujourd’hui que la force seule ne peut suffire à garantir la sécurité d’Israël et des Israéliens et que le recours à la force doit désormais céder la place au dialogue et à la diplomatie.

C’est pourquoi la France, comme la plupart des pays dans le monde, appelle aujourd’hui au cessez-le-feu, à ce que la force cède la place à la diplomatie et au dialogue, à Gaza comme au Liban. Et lorsque l’on appelle à un cessez-le-feu, on ne peut pas en même temps fournir des armes offensives aux belligérants, quels qu’ils soient. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K.)

La position de la France est constante sur ce sujet. C’est une question de cohérence. La France reste fidèle à sa position : être aux côtés d’Israël et indéfectiblement attachée à sa sécurité. (M. François Patriat applaudit.)

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est le « en même temps »… (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, j’apprends que la France a pris des sanctions contre les dirigeants du Hamas seulement après le 7 octobre ! J’ose espérer que cela a été fait avant, parce que, en France, on ne négocie pas avec un mouvement terroriste. Et je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas eu de sanction bien avant cette date.

Monsieur le ministre, être amis, c’est se dire des vérités, c’est dire comment la France voit l’avenir de Gaza ou du Liban, mais ce n’est sûrement pas dire à Israël, deux jours avant la commémoration du 7 octobre, que le pays ne doit plus recevoir d’armes (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Joshua Hochart applaudit également.), surtout quand la France ne lui en livre pas, mais continue à en livrer à certains pays comme le Qatar. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Que dire de certaines déclarations ?

Vous n’y êtes pour rien, monsieur le ministre, mais que dire quand on demande à Israël de ne pas réagir trop fortement, lorsque deux cents missiles balistiques iraniens sont envoyés contre son territoire, afin de ne pas provoquer d’embrasement régional ? Quel pays au monde accepterait de s’entendre dire « S’il vous plaît, ne réagissez pas ! » après avoir reçu deux cents missiles ? Quel pays au monde accepterait cela ?

La guerre au Liban est un crève-cœur, en particulier au regard des liens de la France avec ce pays. Mais en même temps, il faut rappeler – vous le faites, monsieur le ministre, ce qui n’est pas le cas de tout le monde… – que, depuis le 8 octobre de l’année dernière, le Hezbollah bombarde tous les jours les villes du nord d’Israël, et cela dans une indifférence quasi générale. C’est inacceptable ! Quel pays au monde accepterait que ses villes soient bombardées tous les jours et qu’on lui dise : « Surtout, ne réagissez pas. »

Israël n’est pas un très grand pays, mais c’est un pays qui regarde beaucoup la France et les Israéliens se demandent aujourd’hui, au plus profond d’eux-mêmes : où est la France ? Est-ce que la France sait encore où elle habite par rapport à nous ?

Faites en sorte, monsieur le ministre, que les Israéliens retrouvent l’adresse de la France ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)

situation à la martinique

M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Frédéric Buval. Monsieur le Premier ministre, les blocages, les affrontements avec les forces de l’ordre ou encore les scènes de violences urbaines se propagent peu à peu à l’ensemble des outre-mer. C’est le cas à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane ou, ce lundi encore, en Martinique.

Nous condamnons tous fermement ces actes de violence et appelons à un retour au calme.

Pour autant, les causes de cette colère sont profondes en outre-mer. À la Martinique, c’est une mobilisation citoyenne contre la vie chère, due à l’initiative d’une association, le RPPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens), qui cristallise tous les mécontentements.

Avec les écarts de prix que nous connaissons – ils sont 40 % plus élevés que dans l’Hexagone –, les ménages martiniquais sont littéralement asphyxiés, au mépris de la promesse républicaine d’égalité, de solidarité et de fraternité.

Des propositions responsables, que je partage avec le président de la collectivité, Serge Letchimy, ont été faites à la suite de réunions de concertation avec le préfet et tous les acteurs concernés. Ces propositions pour faire baisser durablement les prix s’articulent autour de quatre axes majeurs.

Premièrement, ramener à zéro la taxation de l’octroi de mer régional et de la TVA sur une liste de cinquante-quatre produits de grande consommation.

Deuxièmement, constituer un fonds, financé par l’État et les compagnies de transport maritime, afin de compenser les frais d’approche pour une liste de produits de première nécessité.

Troisièmement, renforcer la transparence et le contrôle des marges des distributeurs et des grossistes-importateurs dans le respect du secret des affaires.

Quatrièmement, accompagner l’autonomie alimentaire, en aidant la production agricole locale par plus de diversification et de structuration pour les filières existantes.

Monsieur le Premier ministre, afin de valider ce protocole d’accord, des décisions doivent être prises en urgence par votre gouvernement. Aussi, ma question sera simple : quand allez-vous venir sur place ? Et quelles sont les mesures envisagées pour répondre au mécontentement légitime de la population martiniquaise ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Émilienne Poumirol et M. Pierre-Jean Verzelen applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des outre-mer.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de saluer votre engagement en Martinique, monsieur le sénateur Buval, pour le souci de nos compatriotes et votre condamnation claire et précise des agressions dont les forces de l’ordre ont été victimes. Je rappelle que des tirs par arme à feu les ont visées et que plus de trente policiers et gendarmes ont été blessés.

Vous avez raison de dire que, partout sur le territoire de la République, l’ordre républicain doit être respecté, ce qui n’empêche pas de regarder en face les difficultés des Antilles, et de la Martinique en particulier.

La mobilisation en faveur du pouvoir d’achat et contre la vie chère dans les outre-mer – les écarts de prix avec l’Hexagone sont inexplicables –, est assez ancienne, ce qui n’est pas une raison pour ne rien faire. Il faut accepter de dire la vérité, aller plus loin et travailler sur la baisse de ces prix.

Vous avez évoqué un certain nombre de pistes. Je ne pourrai y répondre dès cet après-midi, mais sachez, monsieur le sénateur, qu’elles font partie des propositions actuellement étudiées et discutées avec la collectivité territoriale de Martinique ainsi que les acteurs économiques.

Vous interrogez le Premier ministre sur la réponse de l’État. Vous n’ignorez pas que, dès demain, se tiendra une réunion très importante autour du préfet afin de discuter des mesures à prendre, avec l’accord le plus large possible des parties prenantes, et ce pour une mise en œuvre rapide. Je puis vous l’assurer.

Je vous indique également que l’État s’engagera sur le renforcement des moyens de l’observatoire des prix, des marges et des revenus et, plus largement, sur l’objectif d’une meilleure transparence des mécanismes de formation des prix. C’est absolument essentiel ! En effet, certaines choses ne s’expliquent pas réellement. Les contrôles doivent donc être faits dans de bonnes conditions, mais avec fermeté. Nous ne devons pas faiblir sur ce point.

Enfin, vous évoquez la souveraineté alimentaire. Vous avez raison de rappeler qu’en 2022 la Martinique était autosuffisante à hauteur de 32 % en moyenne. Le Gouvernement partage pleinement avec vous l’objectif d’améliorer ce taux, ce qui passe par des progrès dans la diversification des filières.

Comme il me reste quelques secondes, je ne peux terminer ce propos sans vous dire que, au-delà de la crise actuelle,…

M. le président. Il faut conclure !

M. François-Noël Buffet, ministre. Je devrais pourtant avoir l’habitude … (Sourires.)

M. le président. Eh oui, ce sont les habitudes de ces lieux !

M. François-Noël Buffet, ministre. Monsieur le sénateur, nous allons travailler de façon structurelle sur les moyen et long termes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. François Patriat applaudit également.)

crise du logement

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France est actuellement confrontée à une grave crise du logement. La chute des ventes du neuf – elles ont baissé de moitié au deuxième trimestre de cette année par rapport au premier trimestre de l’année dernière –, nous le prouve.

Face à cette situation préoccupante, le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a appelé les maires à « revitaliser la construction de logements ».

On ne peut que partager cet objectif. Celui-ci risque néanmoins de rester un vœu pieux.

La réalité est que les maires ne sont guère incités à construire. Plusieurs facteurs freinent cette dynamique.

Tout d’abord, il y a l’accumulation des normes environnementales, comme le zéro artificialisation nette (ZAN) ou la protection des espèces et des zones humides, qui complique leur tâche.

Par ailleurs, les recours contre les permis de construire se multiplient. Cette brochette de procédures crée de véritables blocages juridiques. Ces contestations retardent les chantiers de plusieurs mois, voire de plusieurs années, et découragent parfois les investisseurs.

Enfin, la suppression de la taxe d’habitation en 2023 a privé les communes d’une source majeure de revenus.

Je pense aussi à la baisse des droits de mutation. Pour le département du Nord, ce sont 100 millions d’euros en moins. C’est pour moi un motif d’interrogation, à l’heure où l’État cherche des recettes.

Le paradoxe devant lequel sont placés les maires est désormais le suivant : il leur faut construire davantage sans nouvelles recettes !

Votre prédécesseur avait formulé des propositions : le recours au prêt à taux zéro (PTZ), l’augmentation du volume de logements intermédiaires détenus par les organismes HLM ou la généralisation du permis d’aménager multi-sites.

Dans ce contexte, madame la ministre, quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour accélérer les procédures liées à la construction de logements neufs et inciter les maires à développer une politique du logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et sénateurs, monsieur le sénateur Dany Wattebled, c’est bien parce que le Premier ministre a compris à quel point la crise du logement était au cœur des préoccupations des Français qu’il a décidé de faire un effort particulier sur la politique du logement, en prévoyant tout d’abord un ministère du logement de plein exercice, ce qui n’était pas arrivé depuis 2017. (M. Akli Mellouli sexclame.)

Mme Audrey Linkenheld. C’est vrai !

Mme Valérie Létard, ministre. La grave crise du logement que nous traversons s’inscrit dans un contexte de dette budgétaire et écologique qui s’ajoute aux contraintes existantes.

La situation appelle des propositions pragmatiques et concrètes. Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été annoncées dès le discours de politique générale. Elles sont, je crois, de nature à apporter de premières réponses.

Le premier sujet est la relance de la primo-accession. Le Premier ministre l’a dit avec précision, il importe de développer le prêt à taux zéro (PTZ) sur tout le territoire. Cet outil est ancien et a fait ses preuves, mais il a besoin d’être proposé en tout point du territoire, urbain comme non urbain, en métropole comme hors métropole. En effet, derrière l’accession des jeunes ménages à la propriété, il y a la libération du logement locatif. Par ailleurs, aider nos compatriotes à devenir propriétaires, c’est aussi sécuriser leur trajectoire de vie en préparant leur retraite.

Le deuxième sujet est la relance de l’investissement locatif. Pour loger étudiants, travailleurs, agents publics, plusieurs travaux, dus notamment à des parlementaires, ont déjà ouvert des pistes d’aménagement (Mme Sonia de La Provôté approuve.) et j’amorcerai rapidement une série de consultations pour avancer sur ce sujet.

Concernant le logement social, vous l’avez rappelé, il faut aussi être au rendez-vous. À cet égard, vous le savez, des engagements avaient été pris en 2023 par le gouvernement précédent, à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Compte tenu de la situation budgétaire, un gel a été décidé cet été, ce qui a mis en difficulté l’ensemble des territoires, dont le vôtre, monsieur Wattebled, pour mettre en œuvre la rénovation thermique des logements sociaux.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre. Je peux vous confirmer aujourd’hui le report en 2025 de l’intégralité des crédits gelés, à hauteur de 200 millions d’euros.

D’autres chantiers sur le diagnostic de performance énergétique (DPE) et la rénovation thermique sont d’ores et déjà engagés. Ils permettront d’offrir aux parlementaires des débuts de solution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. François Patriat applaudit également.)

situation des français au liban

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous venons d’en parler, le Proche-Orient est au bord de l’embrasement.

Parallèlement à son rôle diplomatique, la France se doit d’assurer la protection de nos compatriotes. Aujourd’hui, les 21 000 Français du Liban, en majorité franco-libanais, sont extrêmement angoissés. Contrairement à d’autres pays qui ont décidé d’évacuer leurs ressortissants, nous n’avons pas, à ce stade, fait ce choix, estimant que les vols commerciaux permettaient aux Français qui le souhaitaient de partir.

Or non seulement la situation est loin de s’améliorer, avec des bombardements fréquents sur la route de l’aéroport, mais, surtout, une partie importante de nos compatriotes manquent de ressources, que ce soit pour payer les billets d’avion, actuellement hors de prix, ou pour s’installer en France.

Par ailleurs, ceux qui font ou feront le choix de rester seront confrontés à une perte d’activité. Pour les enfants, le suivi pédagogique peut difficilement être assuré. Un de nos lycées français, à savoir le lycée Abdel-Kader, ne pourra pas, quoi qu’il arrive, rouvrir ses portes, puisqu’il est actuellement occupé par 3 000 déplacés ayant fui les premiers bombardements.

Madame la ministre, beaucoup de questions se posent aujourd’hui, d’abord pour ceux qui veulent rentrer en France ou s’y installer pour la première fois : comment les aider à partir ? Comment les accueillir quand ils n’ont pas de famille ici ?

Ensuite, pour les Français qui décident de rester : quid des aides sociales et de l’enveloppe des bourses scolaires ?

Enfin, quel message adressez-vous à l’ensemble de la communauté française du Liban, alors qu’elle vit actuellement, avec le bourdonnement incessant des drones, dans la crainte d’un bombardement mal ciblé et l’incertitude d’une paix, qui, un an après les événements tragiques du 7 octobre, semble s’éloigner de jour en jour ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée du commerce extérieur et des Français de létranger. Madame Sophie Briante Guillemont, je crois que c’est votre première question d’actualité : permettez-moi de vous féliciter, en introduction à ma première réponse… (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

Vous évoquez la situation des Français établis au Liban, pour beaucoup binationaux. Nos compatriotes vivent aujourd’hui dans l’angoisse et les interrogations. Nous avons la responsabilité d’aider nos ressortissants et nos agents sur place. Aussi, nous avons renforcé les moyens de notre ambassade et de notre consulat à Beyrouth pour les recevoir, les écouter et les soutenir.

Face à la situation dramatique qui prévaut au Liban et dans toute la région, le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, en lien avec le ministère des armées, a permis hier à plus de cinquante de nos compatriotes en situation de vulnérabilité de regagner la France en utilisant un avion militaire de retour d’une mission humanitaire. Nous travaillons évidemment à l’organisation d’autres vols et à l’ouverture de places sur les vols commerciaux.

M. Xavier Iacovelli. Très bien !

Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Je comprends votre souhait d’être également attentive à leur précarité sociale. C’est un sujet sur lequel nous travaillons avec l’ambassade.

J’étais hier soir à Roissy pour accueillir nos compatriotes et je puis vous dire qu’ils sont extrêmement reconnaissants envers l’ensemble des Français et des services de l’État qui sont près d’eux pour répondre à leur détresse.

Ensuite, il y a le sujet du Liban d’une façon plus générale. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a répondu à l’ensemble des questions qui se posent sur les responsabilités diverses et variées. Nous nous efforçons d’associer tout le monde pour aller vers un cessez-le-feu. C’est très important pour nous.

Vous avez raison, madame la sénatrice, les enfants que j’ai rencontrés hier soir à leur descente d’avion avaient peur du bourdonnement des drones. Leurs témoignages étaient poignants.

Pour conclure, je vous confirme que les services de notre ambassade continueront à être soutenus. Nous n’envisageons pas d’autre solution pour l’instant. Nous sommes dans les starting-blocks et nous nous préparons à toute éventualité, mais aucune évacuation n’est encore prévue.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Ce n’est d’ailleurs pas ce que demandent nos compatriotes, qui réclament plutôt du soutien et de l’attention. C’est déjà ce que nous leur apportons et nous continuerons dans les prochains jours. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour la réplique.

Mme Sophie Briante Guillemont. Je vous remercie, madame la ministre déléguée. Les Français du Liban ont vraiment besoin d’être rassurés. Votre première réponse y contribuera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

narcotrafic

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Arlette Carlotti. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.

La guerre entre les gangs fait rage à Marseille. Un adolescent de 15 ans est abattu ; le gang adverse, qui a soif de vengeance, commandite un tueur à gages depuis une cellule de la prison de Luynes et, une fois encore, il y a un mort innocent, Nessim Ramdane, à qui je voudrais que nous rendions hommage.

Ce mécanisme, nous l’avons décortiqué dans le rapport de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France. Le seul fait nouveau, aujourd’hui, c’est l’extrême jeunesse du tueur.

Tueur à 14 ans, cela fait frémir !

Vous mesurez donc l’effroi des familles des victimes, le plus souvent des mères célibataires, dépassées par ce qui leur arrive et qui nous demandent de l’aide. L’effroi, aussi, des populations devant de tels actes de violence, qui empoisonnent leur vie quotidienne et qui leur donnent le sentiment que la République les a quittées.

Je veux que nous leur disions qu’ici, au Sénat, nous ne les abandonnerons pas et que nous donnerons une suite au travail que nous avons effectué. Nous ne nous contenterons pas d’opérations « place nette XXL » nouvelle version. Si celles-ci sont spectaculaires, elles ne visent pas, ou très peu, le haut du spectre, qui constitue le fil rouge de notre rapport.

Nous voulons une loi ambitieuse qui reprenne les nombreuses préconisations du rapport, qui ont toutes été adoptées à l’unanimité : le statut des repentis, en préparation depuis des mois ; la lutte contre le blanchiment, la corruption ; les conditions de détention des narcotrafiquants, car nos prisons sont des passoires, monsieur le garde des sceaux, et c’est depuis leur cellule que les narcos dirigent leur business. L’actualité vient une fois de plus de nous le démontrer, tout circule dans les prisons françaises : drogues, trafics en tout genre. Les surveillants disent saisir en moyenne quatre téléphones portables par cellule. Il est urgent d’agir !

Dès le mois de juillet, le rapporteur et le président de la commission d’enquête, Étienne Blanc et Jérôme Durain, ont déposé une proposition de loi. Elle a été retirée de l’ordre du jour à la demande du Gouvernement. Pourquoi ? La France, et vous le savez, monsieur le garde des sceaux, est submergée par le narcotrafic. Aujourd’hui même, des membres de DZ Mafia, tout de noir vêtus et masqués, se sont offert une conférence de presse.

Alors, monsieur le garde des sceaux, si vous considériez, vous et le Gouvernement, qu’il n’y a pas d’urgence à agir, je crois que vous feriez une grave erreur. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Marie-Arlette Carlotti, la criminalité organisée prend une ampleur inquiétante, et j’en suis parfaitement conscient. Des événements récents, que vous avez rappelés, ne font que le confirmer.

Le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, l’a souligné très justement : le phénomène est grave ! Il se développe et nous devons être à la hauteur en formulant un certain nombre de propositions dans les meilleurs délais. Des travaux avaient été entrepris par l’ancien gouvernement. Parallèlement, une commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic a formulé un certain nombre de propositions.

L’examen de la proposition de loi qui en a résulté est seulement reporté,…

Mmes Marie-Arlette Carlotti et Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Tout simplement pour me permettre d’expertiser, avec le ministre de l’intérieur, l’ensemble des mesures qu’elle contient, parce que nous souhaitons nous aussi avancer sur ce sujet, et ce dans les meilleurs délais. Vous comprenez bien qu’il y ait un certain nombre de vérifications à faire, mais je souhaite, comme vous, que nous puissions, avant la fin de l’année, débattre de ce texte.

Vous m’interrogez également sur le centre pénitentiaire d’Aix-Luynes. Il est évident que la poursuite d’activités criminelles depuis un centre de détention n’est pas admissible. Je vais poursuivre l’action déjà engagée par mon ministère pour lutter contre l’introduction de ces objets, qui sont tout à fait illicites en détention. La sécurisation des prisons, et par là même celle des surveillants et de nos concitoyens, est une priorité absolue de mon ministère.

Je souhaite savoir pourquoi tout cela s’est passé. Aussi, j’ai décidé de saisir l’inspection générale de la justice concernant le fonctionnement de ce centre pénitentiaire.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le garde des sceaux.

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Je souhaite me rendre prochainement à Marseille. J’ai proposé au ministre de l’intérieur que nous puissions y aller conjointement, ce qu’il a accepté. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Nous travaillons ensemble, à partir des propositions que vous avez formulées, pour avancer sur ce problème qui est grave. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)

loyers impayés des gendarmeries

M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Lauriane Josende. Ma question s’adresse à M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, vendredi dernier, plusieurs maires du département des Pyrénées-Orientales, dont je suis élue, ont appris que la gendarmerie nationale ne pourrait pas payer les loyers des biens immobiliers loués aux collectivités jusqu’à la fin de l’année. Elle n’en aurait tout simplement plus les moyens. Cette annonce suscite, comme vous pouvez l’imaginer, de grandes inquiétudes parmi les élus locaux.

Les loyers payés par la gendarmerie représentent, pour certaines communes, une part considérable de leur budget. Un défaut de paiement mettrait ainsi certaines d’entre elles en grande difficulté financière.

Monsieur le ministre, comment est-il possible que, dans notre pays, l’État soit dans l’incapacité de payer ses loyers, qui plus est les loyers de nos casernes de gendarmerie ? Comment cela peut-il se produire, alors que ces contrats de location ne sont pas apparus du jour au lendemain ni conclus dans l’urgence ?

Ces dépenses immobilières figuraient, bien évidemment, dans la loi de finances pour 2024, alors comment expliquer à nos élus que les crédits correspondants n’existent pas ou plus ?

J’ai bien conscience, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas responsable de cette situation. (Murmures sur les travées des groupes SER et GEST.) Cependant, vous êtes aujourd’hui notre ministre de l’intérieur et c’est à vous d’en répondre.

Quelles mesures prendrez-vous pour permettre le paiement de ces loyers dans les meilleurs délais et pour que cette situation ne se reproduise plus à l’avenir ? Pouvez-vous également nous assurer que le programme d’investissement pour la construction de nouvelles gendarmeries sera bien respecté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau, ministre de lintérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est aussi la première fois que je prends la parole depuis le banc du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Je peux vous dire que j’ai emporté avec moi au Gouvernement la conviction que le Sénat est une institution nécessaire à la République française, d’autant plus quand le contexte politique est instable.

M. Loïc Hervé. Bonne nouvelle !

M. Bruno Retailleau, ministre. Je veux aussi dire que, malgré et en dépit de la séparation des pouvoirs, rien ne pourra m’éloigner de cette institution qui mérite toute mon affection.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !

M. Bruno Retailleau, ministre. Madame la sénatrice, chère Lauriane Josende, j’ai trouvé le problème que vous évoquez en arrivant au ministère : la gendarmerie nationale n’avait plus de crédits pour payer les loyers des collectivités hébergeant des casernes, et donc nos gendarmes.

Pourquoi, me demandez-vous ? J’ai identifié trois raisons. Il y a sans doute eu une sous-évaluation des crédits nécessaires à l’origine. Ensuite, la gendarmerie a dû supporter les dépenses entraînées par les troubles en Nouvelle-Calédonie. Enfin, elle a dû engager des dépenses pour la sécurisation d’autres événements, notamment les jeux Olympiques.

Aussitôt, j’ai considéré qu’il était absolument impossible de laisser les bailleurs sociaux, mais aussi les collectivités, sans réponse. J’ai donc pris la décision d’honorer la parole et les engagements de l’État. Nous allons faire deux parts : celle des grandes collectivités et des bailleurs sociaux ayant de la trésorerie, qui seront payées en fin d’année (Exclamations sur les travées du groupe SER.) ; les plus petites collectivités et les bailleurs sociaux ayant des problèmes de trésorerie, qui seront payés très rapidement.

J’en profite pour remercier les bailleurs sociaux, petits, moyens ou grands, mais surtout les collectivités territoriales, qui investissent pour assurer à nos gendarmes des conditions d’hébergement humaines et dignes. Soyez assurés que l’État honorera sa parole. C’est la conception que je me fais du rôle de l’État dans sa permanence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour la réplique.

Mme Lauriane Josende. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je sais que vous, vous savez prendre vos responsabilités… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST. – Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Mickaël Vallet. C’est que de l’amour !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

Mme Lauriane Josende. Il est grand temps que chacun en fasse de même, surtout dans la crise que nous traversons. Celle-ci exige que nous cessions les instrumentalisations politiciennes.

Ce genre de situation ne devrait pas exister. Nous devons nous efforcer d’agir pour que cela ne se reproduise plus, car une telle défaillance n’est pas admissible dans un pays où l’État se doit de respecter ses engagements et de montrer l’exemple, notamment lorsque la sécurité des Français est en jeu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

annonces à la suite du dernier comité des finances locales

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Monsieur le Premier ministre, « La situation que je découvre est extrêmement grave ». Vous êtes bien le seul à être surpris de la gravité de notre situation budgétaire !

Nous n’avons eu de cesse, sur ces travées, d’avertir nos compatriotes sur les choix budgétaires qui ont été faits depuis sept ans. Des choix que nous avons toujours dénoncés comme iniques, et qui n’ont fait qu’organiser l’attrition des finances publiques, et ce avec le quitus permanent de la droite sénatoriale. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Les résultats sont probants : déficit à la dérive, supérieur à 6 % du PIB, soit un écart de l’ordre de 50 milliards d’euros. Je dois reconnaître que le macronisme finissant a fait fort cette année.

M. Xavier Iacovelli. Plus fort que le socialisme !

M. Thierry Cozic. Du jamais-vu !

Lorsque vous nous alertez sur le niveau d’impéritie des gouvernements macronistes, je peine à trouver la cohérence qui est la vôtre, monsieur le Premier ministre, vous qui nommez comme directeur de cabinet celui-là même qui officiait auprès de Bruno Le Maire voilà un mois.

On ne change pas une équipe qui perd !

Soixante milliards d’euros : voilà la somme qu’il vous faut trouver. Ce sont précisément les recettes fiscales détruites chaque année par le président Macron.

Vous choisissez de récupérer deux tiers de cette somme en coupant dans les dépenses, comme votre prédécesseur : vous semblez plus à l’aise avec la purge des dépenses publiques qu’avec la potion fiscale des profiteurs de crise.

Monsieur le Premier ministre, pour mettre fin à la crise, il faudrait commencer par ne pas l’aggraver. Et ce n’est pas en faisant porter le chapeau aux collectivités, comme l’a fait Bruno Le Maire, que vous y parviendrez.

M. Thierry Cozic. Les remontées de terrain à l’annonce des 5 milliards d’euros de coupes budgétaires sont édifiantes. Dois-je vous rappeler que les collectivités territoriales sont déjà à l’os !

Ma question est simple : alors que la droite sénatoriale a toujours voté tous les budgets des gouvernements macronistes (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), comptez-vous enfin changer de doctrine afin que les erreurs du passé ne se reproduisent pas ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé du budget et des comptes publics.

M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Cozic, pour dissiper tout malentendu, dans le droit fil de ce qu’a dit le Premier ministre et tout à fait en ligne avec Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, je répète que nous ne sommes pas là pour pointer du doigt ou trouver des coupables du dérapage des finances publiques. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Vous n’avez fait que cela depuis des années !

M. Mickaël Vallet. On a le nom du coupable ! Il est en Suisse !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le résultat du solde des finances publiques de 2024 n’est pas de la responsabilité des collectivités territoriales. Je le répète de nouveau ici et je tiens le même discours devant les députés.

Le redressement des comptes publics est néanmoins l’affaire de tous, et de toutes les administrations publiques. Il est donc normal que nous demandions dans le projet de loi de finances pour 2025 une contribution à l’ensemble de celles-ci. Cependant, il faut le faire à la hauteur de ce qui est possible, à la hauteur des possibilités de chacune, et, surtout, à la hauteur de ce qui est juste.

L’État devra ainsi être le premier contributeur au redressement des finances publiques. Sur les 40 milliards d’euros d’économies qui seront faites pour redresser nos comptes publics et atteindre l’objectif de déficit public de 5 %, l’État prendra sa part à hauteur de 20 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2025 que nous présenterons demain. Les administrations de sécurité sociale seront, elles, mises à contribution à hauteur de 15 milliards d’euros.

Il est vrai aussi, monsieur le sénateur, que les collectivités territoriales devront contribuer à hauteur de 5 milliards d’euros. Est-ce que toutes les collectivités doivent contribuer de la même manière ? Non ! Est-ce que l’hétérogénéité de la réalité des finances locales doit être prise en considération ? Oui !

Les propositions que nous avons faites devant le Comité des finances locales hier seront d’abord soumises à discussion. Nous devrons débattre ici et à l’Assemblée nationale et ce projet de loi de finances pourra être modifié. Ce qui est important, c’est ce que nous prenions en considération les différences entre collectivités : 450 d’entre elles seront prioritairement mises à contribution. Nous le ferons notamment à travers un fonds de précaution avec une gouvernance des collectivités territoriales, auquel nous ajouterons certains mécanismes d’écrêtement de dynamique de TVA et une baisse de deux points de compensation du FCTVA. C’est notre proposition ; elle est ouverte à la discussion.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Elle est surtout ouverte au débat parlementaire.

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour la réplique.

M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre, l’effort reposera non pas sur l’État, mais sur les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

En ces temps difficiles, la justice fiscale, et je dirai même le pouvoir de vivre, ne sont pas des mots vains. Ils sont le préalable nécessaire à toute acceptation des efforts budgétaires que vous demanderez à tous les Français. Vous pouvez compter sur nous pendant l’examen du projet de loi de finances,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Thierry Cozic. … pour que l’addition soit équitablement répartie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

situation en nouvelle-calédonie

M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Georges Naturel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre chargé des outre-mer.

Monsieur le ministre, la semaine prochaine, vous serez en Nouvelle-Calédonie. Vous avez fait le choix d’y effectuer votre premier déplacement dans les outre-mer en tant que ministre.

Je vous remercie de l’intérêt que vous manifestez ainsi à cette collectivité de la République qui traverse, depuis le 13 mai dernier, une crise politique, économique et sociale sans précédent, avec treize morts directement liés aux émeutes.

Les Calédoniens entament leur sixième mois de couvre-feu, après avoir connu douze jours d’état d’urgence.

Je souhaite relayer auprès de vous, monsieur le ministre, les alertes de nombreux maires calédoniens qui sont aux prises avec de vrais dilemmes financiers et doivent arbitrer entre des dépenses qui sont toutes aussi essentielles les unes que les autres : transport scolaire, salaire des agents municipaux, cantine scolaire, subventions aux associations, et j’en passe.

Comment reconstruire les édifices publics municipaux détruits, alors que les budgets de ces communes ne parviennent plus à assumer les charges de fonctionnement courant ?

Les populations des quatre communes du Grand Nouméa sont tout particulièrement éprouvées, et plus encore nos 12 000 concitoyens du Mont-Dore Sud, qui sont isolés depuis cinq mois.

Après les annonces du Premier ministre dans son discours de politique générale, et dans la perspective de votre prochain déplacement sur place, pouvez-vous, monsieur le ministre, indiquer à la Haute Assemblée les actions prioritaires que le Gouvernement entend engager au plus vite pour sortir la Nouvelle-Calédonie de cette crise ?

Enfin, comment le Gouvernement compte-t-il se tenir aux côtés des communes calédoniennes, qui sont, ne l’oublions pas, des collectivités de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des outre-mer.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Georges Naturel, vous l’avez dit, je me rendrai en Nouvelle-Calédonie la semaine prochaine, et ensuite dans les autres territoires ultramarins. Les circonstances sont telles qu’il était important de témoigner de notre solidarité à l’égard de tous ceux qui sont en grande difficulté en Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs mois.

J’en profite pour saluer les forces de l’ordre, mais pas seulement : tous ceux qui ont contribué à faire vivre la Nouvelle-Calédonie dans cette période en continuant à remplir leur mission, comme les enseignants ou les services de santé, doivent être associés à cet hommage.

Jusqu’à maintenant, naturellement, l’État a paré à l’urgence : plus de 400 millions d’euros, à ce jour, sont allés à la Nouvelle-Calédonie pour l’aider à faire face à des situations extrêmement difficiles, y compris pour des compétences qui ne sont pas les siennes. Dans l’urgence, l’État s’est concentré sur les fonctions régaliennes ; c’était absolument nécessaire pour que l’on puisse ensuite aller un peu plus loin.

Cela étant dit, ma visite a aussi pour objet l’effort de reconstruction indispensable dès demain. Il faut démarrer la reconstruction de nos écoles, de nos bâtiments publics et de nos entreprises.

Je me rends aussi en Nouvelle-Calédonie pour que nous nous engagions, ensemble, dans une stratégie de plus longue durée, en matière de reconstruction et de perspectives économiques.

J’y vais également pour expliquer à nos compatriotes de ce territoire et à ses élus pourquoi nous avons décidé de reporter les élections provinciales prévues à la fin de l’année. Il faut exposer les raisons de ce choix pour que les choses soient extrêmement claires. Je tiens à cette occasion à remercier le président Gérard Larcher, ainsi que le président Patrick Kanner, puisque nous utiliserons à cette fin, comme véhicule législatif, la proposition de loi organique que le groupe socialiste a déposée. La décision doit être prise dans des délais très courts ; le débat aura lieu dans cet hémicycle le 23 octobre prochain, avant un examen rapide de ce texte par l’Assemblée nationale. La réponse législative à ce problème est en effet urgente !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. François-Noël Buffet, ministre. Le temps m’est compté, mais je voudrais en conclusion préciser que nous rencontrerons aussi, évidemment, les maires de Nouvelle-Calédonie pour échanger directement avec eux et tenter de leur apporter les réponses qui conviendront le mieux à ce beau pays de Nouvelle-Calédonie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

crise avicole

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Yves Bleunven. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Madame la ministre, permettez-moi avant tout de vous féliciter pour votre récente nomination !

Nous partageons, je crois, la volonté de porter au rang de priorité nationale notre souveraineté alimentaire.

Le contexte difficile actuel suscite une immense attente du monde agricole, qui demande, vous le savez, une reprise rapide des débats sur la future loi d’orientation agricole.

Aujourd’hui, c’est particulièrement de la filière volaille que je souhaite vous parler, parce qu’elle est emblématique de l’abandon, en France, de notre souveraineté alimentaire.

La Cour des comptes a publié en septembre dernier un rapport alarmant sur l’aviculture française. Elle nous dit deux choses.

D’une part, la consommation de la viande de volaille progresse dans notre pays depuis une vingtaine d’années ; celle-ci est en passe de devenir la viande préférée des Français.

D’autre part, de façon paradoxale, la filière avicole française n’a jamais été aussi peu compétitive. Les chiffres sont vertigineux : nous importons aujourd’hui la moitié des volailles consommées sur notre territoire.

La filière est sous tension : elle connaît une instabilité sanitaire, avec l’influenza aviaire ; elle subit un déferlement de poulets ukrainiens, sans d’ailleurs que le consommateur puisse connaître l’origine de la viande présente dans les produits transformés ; enfin, elle est la cible systématique d’associations qui, sous un vernis de défense de l’environnement ou, prétendument, du bien-être animal, utilisent le contentieux juridique pour bloquer les projets de créations d’élevage.

Madame la ministre, dans ce contexte, je vous poserai deux questions précises.

Premièrement, comment allez-vous agir concrètement vis-à-vis des importations déloyales et assurer la transparence quant à l’origine des volailles dans nos assiettes ?

Deuxièmement, comment comptez-vous défendre les exploitants contre les activistes anti-élevage ? Comptez-vous redéfinir le prétendu « intérêt à agir » à l’aune de la défense de notre souveraineté alimentaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui porte sur une branche importante de la production agricole de notre pays.

Vous avez souligné que, si les Français aiment manger du poulet, une autre réalité doit être déplorée : 80 % du poulet consommé hors du domicile n’est pas français. Je suis la ministre de l’agriculture, des agriculteurs, mais aussi de la souveraineté alimentaire. Or, de ce point de vue, nous sommes pris en défaut : nous ne consommons pas suffisamment de poulet français.

Vous avez mis en évidence plusieurs éléments. Il est d’abord incontestable que le soutien apporté à l’Ukraine par la levée des droits de douane a eu des effets sur notre filière avicole. Je suis le témoin, dans ma région, de ce vrai problème. C’est pourquoi les accords qui viendront seront nettement moins permissifs en matière d’importation de produits ukrainiens qui portent préjudice à nos filières.

Mais vous avez souligné une autre raison de cette crise. On est unanime à vouloir manger du poulet français, mais on ne veut pas d’élevage de poulets près de chez soi ! C’est une vraie contradiction, qu’il nous faudra résoudre. Dans bien des régions, il est impossible d’ouvrir de nouveaux élevages, en raison de réactions du voisinage ou des associations environnementales, qui craignent les élevages de poulets dès lors qu’il s’agit d’élevages couverts : on les considère comme intensifs alors que tel n’est pas toujours le cas.

Vous avez fait allusion à des associations qui ont fait de l’intrusion dans les bâtiments d’élevage leur marque de fabrique. Il faut être très clair : l’intrusion dans un lieu privé est condamnable.

Tous ces éléments expliquent la réalité très contrastée que nous observons. Cela étant dit, je tiens à faire remarquer que, malgré la résurgence de cinq foyers de grippe aviaire, la situation sanitaire est tout de même bien maîtrisée aujourd’hui, grâce notamment aux efforts des éleveurs.

situation au liban (ii)

M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Khalifé Khalifé. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, je ne souhaite ni revenir sur l’histoire du Liban ni, à plus forte raison, commenter la situation particulièrement dramatique que vit la population libanaise depuis près de cinquante ans maintenant, tragédie qu’elle subit encore aujourd’hui dans une guerre qui n’est pas la sienne.

Monsieur le ministre, vous le savez, les innombrables résolutions prises par la communauté internationale n’ont pas été efficaces. Bien au contraire, elles ont renforcé les intérêts de certaines factions, libanaises ou non, au détriment de ceux du Liban et du peuple libanais. On sait désormais à qui profite ce crime ! Nous nous interrogeons sur la réelle résurgence d’un plan ancien visant à la désintégration du Liban.

Monsieur le ministre, vous l’avez dit, les liens entre la France et le Liban, pays plusieurs fois millénaire, sont séculaires et profonds. Cela a été démontré durant les siècles passés et l’est encore aujourd’hui ; je vous en remercie.

Mais le peuple libanais attend avec espoir une action, une initiative internationale efficace qui mette fin à l’anarchie persistante et lui permette de reconstruire son pays afin qu’il retrouve la place qu’il mérite parmi les nations civilisées.

Monsieur le ministre, comment la France entend-elle aider la population libanaise ? Comment aidera-t-elle le Liban à retrouver durablement sa souveraineté territoriale et son indépendance politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur le Liban. Ce pays que vous portez dans votre cœur, ce pays frère de la France – nous l’avons dit tout à l’heure – se trouve aujourd’hui au bord du gouffre, pour des raisons que vous avez très justement identifiées.

La communauté internationale s’est mobilisée à plusieurs reprises pour définir le cadre qui permettrait d’assurer à la fois la sécurité d’Israël et la souveraineté et l’intégrité territoriale du Liban.

Je pense en particulier à ce qui a permis de mettre fin aux hostilités en 2006, la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, pour laquelle la France a tenu la plume. C’est sur cette base-là que nous souhaitons que l’on puisse construire, après que les hostilités auront cessé, le plus rapidement possible, un dispositif politique permettant d’atteindre l’objectif qui a été manqué en 2006, permettant au Liban de redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : un pays divers, multiconfessionnel, un exemple, une illustration de ce que peut être un pays ouvert sur le monde.

Monsieur le sénateur, on peut dire que, d’une certaine manière, le Liban coule dans vos veines et je veux profiter de la question que vous me posez pour affirmer que ce qui se passe au Proche-Orient ne concerne pas seulement les experts de la politique internationale, pas seulement ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont attachés au Liban. L’embrasement régional, s’il devait advenir, nous concernerait tous, car il affecterait tous les Français. Qu’il s’agisse des prix de l’essence et du gaz, de la menace terroriste, ou de la question des migrations, tout se joue aujourd’hui, pour partie, au Proche-Orient.

C’est la raison pour laquelle, sous l’autorité du Premier ministre, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour porter un message de paix et pour œuvrer, par la voie diplomatique, afin que cesse le feu, afin que cessent les souffrances et afin que le Liban, dans son intégralité territoriale et sa souveraineté, retrouve sa vraie identité.

M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour la réplique.

M. Khalifé Khalifé. Monsieur le ministre, pensez-vous réellement que la résolution 1701 de 2006 soit encore d’actualité ?

précarité étudiante et situation financière des universités

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, avant de quitter ses fonctions, votre prédécesseure a adressé un courrier au Premier ministre pour tirer la sonnette d’alarme sur le projet de budget du ministère. Elle jugeait la proposition de faire des économies sur les établissements d’enseignement supérieur « irréaliste et dangereuse ».

Cette année, le nombre d’universités en déficit s’élève à soixante sur soixante-quinze, soit le double de l’an passé.

Après avoir subi les mesures Guerini, l’inflation, les surcoûts énergétiques et une annulation de crédits de près de 1 milliard d’euros en février dernier, nos universités sont à bout de souffle !

Les premières victimes de ces baisses de crédits, ce sont les étudiantes et les étudiants. On craint désormais des fermetures d’antennes locales, qui remettraient en cause l’accessibilité des études supérieures au plus grand nombre.

Nos universités vont devoir retarder, voire annuler, des recrutements. Cette nouvelle détérioration du taux d’encadrement va remettre en cause la réussite de toutes et de tous.

Pis, depuis la rentrée, on voit réapparaître d’interminables files d’attente d’étudiants et d’étudiantes pour l’aide alimentaire, sans compter les difficultés permanentes qu’ils rencontrent pour se loger dignement.

La baisse prévue des crédits remet en cause la revalorisation des bourses pour 2025, ainsi que l’acte II de la réforme des bourses sur critères sociaux. Cette précarité étudiante est une honte pour notre pays !

Monsieur le ministre, nos universités forment notre jeunesse et préparent l’avenir du pays. Saurez-vous les défendre et empêcher qu’elles soient sacrifiées ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Patrick Hetzel, ministre de lenseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Chantrel, permettez-moi tout d’abord de revenir sur la question étudiante, à laquelle vous avez fait référence, en citant quelques chiffres.

La rentrée 2024 est en train de se dérouler. On constate que le nombre de demandes d’accès aux bourses étudiantes est quasi équivalent à celui que nous avons connu au cours des années précédentes. Vous le savez sans doute, puisque vous connaissez très bien ce secteur. On compte aujourd’hui 750 000 boursiers, tous ministères confondus ; ces bourses sont gérées, sur l’ensemble du territoire national, par le réseau des Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires). La bourse mensuelle perçue par ces étudiants va de 145 à 633 euros, pour un budget global annuel de 2,24 milliards d’euros. De cet effort, je tire une première conclusion, importante à rappeler : la Nation est pleinement au rendez-vous pour soutenir nos étudiants.

Il convient en outre de rappeler que ces boursiers sont exonérés des frais d’inscription et des frais annexes ; ils sont évidemment prioritaires pour l’affectation des logements gérés par le réseau des Crous.

À cela s’ajoute une action très volontariste : les repas à 1 euro offerts aux étudiants boursiers, ainsi qu’à ceux, auxquels vous faisiez référence, qui peuvent être en situation de précarité. Ce programme a offert, depuis un an, plus de 22 millions de repas. Encore une fois, l’effort de la Nation est réel.

Je veux enfin évoquer quelques éléments sur la dégradation des comptes des établissements d’enseignement supérieur à laquelle vous avez fait référence. Cette dégradation, objectivement, n’est pas nouvelle : elle date de 2022 et résulte très largement d’une explosion du coût des fluides, ainsi que de l’effet de l’inflation sur les autres dépenses. En tout état de cause, cette situation donne lieu aujourd’hui à un dialogue très étroit entre mes services et les établissements concernés, mais aussi les recteurs, qui vont accompagner ces situations.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Patrick Hetzel, ministre. Soyez pleinement assuré, monsieur le sénateur, que nous ferons le maximum pour que notre service public de l’enseignement supérieur et de la recherche soit pleinement au rendez-vous, avec une attention toute particulière apportée aux étudiants les plus fragiles, comme l’a souhaité M. le Premier ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.

M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre, je suis désolé, mais votre réponse n’est pas à la hauteur de la crise de la précarité étudiante. Je note d’ailleurs que vous n’avez pas repris ici une phrase que vous avez prononcée lors de la passation de pouvoirs : vous disiez alors que l’enseignement supérieur et la recherche, ce « n’est pas une dépense, c’est un investissement ». J’ai envie de vous dire : prouvez-le en actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)

reconversion du site de saint-avold

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre déléguée chargée de l’énergie, je veux associer à ma question les plus de 450 élus – maires, conseillers départementaux, conseillers régionaux et parlementaires – qui ont signé une lettre envoyée récemment au Président de la République au sujet de l’avenir de la centrale Émile-Huchet de Saint-Avold.

Pendant plusieurs semaines, les salariés de cette centrale ont fait grève. Ils sont inquiets, car le gouvernement précédent n’a pas apporté les réponses attendues. Ils sont inquiets, car, il y a un an, le Président de la République s’était engagé à convertir les centrales à charbon vers la biomasse d’ici à 2027 – ces promesses allaient dans le bon sens. Hélas, depuis, rien n’a avancé !

Mme Pannier-Runacher s’était mobilisée pour la transition. Elle était venue sur le site et avait soutenu le projet hydrogène qui y était développé.

Aujourd’hui, il y a urgence à agir ! Les contrats de travail d’une centaine d’emplois directs prennent fin en avril 2025, ce qui affecte de facto les 150 sous-traitants présents sur le site. Un projet de conversion à la biomasse ou au biogaz, qui permettrait de sortir définitivement du charbon en 2027, a été proposé par l’industriel exploitant du site. Ce projet garantit la sécurité d’approvisionnement et est conforme à la stratégie nationale bas-carbone ; il vous a été soumis.

Nous avons besoin d’une feuille de route claire pour la mise en œuvre des engagements pris par l’État.

Dès lors, madame la ministre, ma question est simple : pouvez-vous nous dire si les projets proposés seront soutenus, de manière à rassurer les salariés et les élus, à sauver des emplois et ainsi à tenir les engagements pris par l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’énergie.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de lénergie, du climat et de la prévention des risques, chargée de lénergie. Madame la sénatrice Catherine Belrhiti, comme vous le savez, la France s’est donné un objectif clair : sortir des énergies fossiles et arrêter la production d’électricité à partir de charbon d’ici à 2027. Cette nécessité de décarbonation permet de lutter contre le changement climatique.

Nous devons désormais concilier cet objectif de décarbonation avec la recherche de solutions pour les sites concernés comme pour leurs salariés. Sachez, madame la sénatrice, que lorsqu’on s’est engagé, en tant qu’employé d’une entreprise, pour une activité, et que l’on apprend qu’il va falloir fermer, c’est difficile. Mais, sans renier le progrès que nous avons connu en matière d’énergie pendant le siècle passé, nous devons aussi prendre en compte les impacts environnementaux de cette activité.

M. Fabien Gay. Ce n’est pas le sujet !

Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Agnès Pannier-Runacher s’y était engagée en tant que ministre de la transition énergétique. Je reprends le flambeau, à ses côtés, pour que cette nécessaire transition écologique soit la plus juste possible et ne laisse personne sur le carreau.

Vous attirez mon attention sur la centrale de Saint-Avold et sur la mobilisation de 450 élus. Pour cette centrale aussi, nous défendons l’exigence de trouver des solutions. Des discussions sont en cours concernant sa reconversion au biogaz ; d’autres projets encore sont à l’étude pour donner un avenir au site. L’État se tient aux côtés des salariés du site pour trouver, au plus vite, un projet créateur d’emplois, avec un modèle économique robuste et pérenne pour le territoire. Je sais pouvoir compter sur votre soutien pour accompagner ces salariés et la transition de votre territoire. Nous sommes à vos côtés !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.

Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, j’ai bien pris acte de vos promesses. Nous attendons maintenant des actes. Surtout, nous savons que trop d’emplois sont mis en danger par cette inertie. Madame la ministre, la transition écologique doit être une opportunité industrielle : ne laissez pas la Moselle à l’écart de celle-ci ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

assurance chômage des travailleurs transfrontaliers

M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Annick Jacquemet. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail et de l’emploi. Elle porte sur les règles d’indemnisation des travailleurs frontaliers par l’assurance chômage, en particulier dans les départements de l’est de la France, de la Meurthe-et-Moselle à la Haute-Savoie.

Au Luxembourg et en Suisse, les salaires sont deux à trois fois plus élevés qu’en France. Pour un frontalier licencié, les allocations de chômage, que le droit européen laisse à la charge des pays de résidence, sont financées par l’Unédic, qui perçoit en contrepartie une maigre compensation des pays voisins. Ainsi, dans le département du Doubs, dont je suis élue, la Suisse n’a reversé que 23 % des dépenses assumées par l’Unédic entre 2012 et 2023.

L’effet est double pour nos territoires. D’une part, ces anciens salariés restent souvent longtemps au chômage, alors même que bon nombre d’entreprises et de services publics frontaliers peinent à recruter. D’autre part, compte tenu de leur niveau de vie, ils contribuent au renchérissement du coût du logement.

De surcroît, pour l’Unédic, le manque à gagner à l’échelle nationale est considérable : 800 millions d’euros, rien que pour l’année dernière ; depuis 2011, le surcoût cumulé atteint 9 milliards d’euros.

Mes collègues parlementaires ont, à maintes reprises, alerté les gouvernements successifs à ce sujet, sans succès ; je pense notamment à la question orale posée ici même par Loïc Hervé le 10 avril dernier.

Alors que l’État ponctionne, depuis 2023, une partie des excédents de l’Unédic, et à l’heure où Bercy cherche désespérément des recettes supplémentaires, ne croyez-vous pas, madame la ministre, qu’il est temps de rediscuter avec les pays voisins et, plus largement, avec nos amis européens des règles encadrant l’indemnisation du chômage des frontaliers ? Quand allez-vous sérieusement prendre ce dossier en main ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de lemploi. Madame la sénatrice Annick Jacquemet, vous avez tout dit ! Il s’agit d’un vrai sujet de préoccupation.

La question de l’indemnisation du chômage des travailleurs transfrontaliers relève d’un règlement européen. C’est à ce niveau que nous souhaitons maintenant agir résolument, au regard des chiffres que vous avez cités.

Nous avons déjà pris contact avec la Pologne, qui assurera la présidence du Conseil européen au prochain semestre ; nos partenaires polonais se sont montrés plutôt intéressés, car il faut savoir que la France n’est pas le seul pays concerné par cette question.

Mais il y a des choses que l’on peut faire, d’ores et déjà, à l’échelle nationale.

Premièrement, on peut redéfinir ce qu’est une « offre raisonnable d’emploi ».

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. En effet, aujourd’hui, bon nombre de transfrontaliers de retour en France et inscrits à France Travail sont en droit de refuser une offre d’emploi en France au motif qu’elle n’est pas raisonnable au regard des salaires offerts de l’autre côté de la frontière, que ce soit en Suisse ou au Luxembourg. Nous souhaitons revisiter cette question pour que la notion d’« offre raisonnable d’emploi » soit comprise dans le contexte du marché du travail français.

Deuxièmement, les agences France Travail peuvent offrir un accompagnement renforcé aux travailleurs transfrontaliers. Dix-neuf d’entre elles accueillent aujourd’hui l’essentiel des 77 000 travailleurs transfrontaliers. Depuis quelques semaines, elles leur fournissent un accueil spécifique et un accompagnement renforcé, dans un esprit d’incitation à un retour plus rapide sur le marché du travail.

Cela étant dit, madame la sénatrice, croyez à ma réelle détermination en la matière : dans le contexte actuel de nos finances publiques, ce genre de chiffre n’est tout simplement plus acceptable.

M. Loïc Hervé. Il faut y aller vraiment !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je serai donc heureuse de revenir devant vous dans quelques mois à l’occasion d’une prochaine question pour vous dire où nous en sommes. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

pistes d’économies pour le budget de 2025

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. (De nombreux sénateurs des groupes CRCE-K, SER et GEST quittent lhémicycle.)

M. Stéphane Ravier. Merci de cet accueil, mes chers collègues ! Comme d’habitude, le meilleur est pour la fin !

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, vous cherchez désespérément 60 milliards d’euros pour boucler le budget pour 2025. Or – je vais peut-être vous l’apprendre – il existe un gisement de plusieurs dizaines de milliards d’euros ! En l’occurrence, il s’agit uniquement de baisses des dépenses et non de hausses d’impôts : que des bonnes nouvelles !

En effet, le conseiller d’État Christophe Eoche-Duval estime à 170 milliards d’euros, soit 7 % du PIB, le prix annuel de l’insécurité dans notre pays, dans un ouvrage paru le 12 septembre dernier, Le Prix de linsécurité : Enquête sur une défaillance dÉtat, vendu 18 euros – cette publicité n’est pas rémunérée !

À Marseille, le 4 octobre, au bois de Boulogne, le 21 septembre, à Subles, le 29 septembre, Nessim, Philippine et Kylian avaient la vie devant eux, comme Thomas, Lola, Timothy, Laura, Mauranne et tant d’autres. Leur vie n’avait pas de prix et leur absence laisse une dette ineffaçable à l’égard de leur famille. Ils ont un point commun : leur mort était évitable. Ils sont les victimes de l’impunité organisée, du laxisme judiciaire, de l’immigration incontrôlée et du trafic de drogue trop souvent toléré.

Or moins nous réglons ces problèmes sources, plus nous courons à la dépense sécuritaire. Il faut en urgence briser ce cercle vicieux de l’insécurité, d’abord et avant tout pour son prix humain, mais aussi pour son coût financier démentiel.

À Marseille, les mafieux commanditent les assassinats depuis les prisons et appellent la police pour s’en vanter. Encore ce matin, le tristement célèbre cartel DZ Mafia – DZ veut dire Algérie – diffusait une allocution publique pour donner son point de vue sur la situation : l’humiliation est complète pour les institutions !

Les Français n’attendent pas un tournant d’austérité, mais un tournant d’autorité. Monsieur le Premier ministre, vous avez là un gisement de popularité et d’économie garanti. Mais pour cela, il faut assumer la rupture !

Ma question est donc simple : accepterez-vous de lever le tabou du coût de l’insécurité en proposant à la Cour des comptes d’évaluer annuellement son montant exact ? (MM. Aymeric Durox, Christopher Szczurek et Alain Duffourg applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé du budget et des comptes publics.

M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le sénateur Ravier, je ne suis pas tout à fait sûr que votre question me soit adressée, mais je veux répondre tant à la préoccupation que vous exprimez, me semble-t-il, quant à la baisse de la dépense publique en général, qu’à vos interrogations quant aux moyens que nous déployons pour la sécurité de nos concitoyens.

Je l’ai dit tout à l’heure en réponse à une autre question : oui, nous devons redresser nos comptes publics, c’est l’affaire de tous ; oui, nous devons prioritairement faire baisser la dépense publique dans notre pays. Nous avons annoncé notre ambition : les deux tiers de l’effort de 60 milliards d’euros nécessaire pour revenir à 5 % de déficit doivent passer par la baisse de la dépense publique. Au sein de ces 40 milliards, la moitié de l’effort reviendra à l’État.

Alors, où peut-on faire baisser la dépense publique sans abîmer les services publics de proximité dont bénéficient nos concitoyens ?

D’abord, il nous faut savoir retirer les boucliers de protection que nous avons mis en place pendant les crises. L’argent public a été abondamment utilisé pour protéger le pouvoir d’achat de nos concitoyens, notamment face aux hausses des factures d’électricité.

Nous devons aussi faire gagner en efficience la dépense publique. Il y aura beaucoup de travail à mener autour des opérateurs de l’État, leur fusion doit être étudiée, mais il faut aussi déterminer comment les aides à l’emploi peuvent être reciblées, repensées, pour être plus efficaces.

Mais tout cela, monsieur le sénateur, ne devra pas se faire au détriment des fonctions régaliennes de notre pays et de la sécurité de nos concitoyens. Nous veillerons en particulier au respect des lois de programmation en vigueur dans notre pays, qu’il s’agisse des moyens de la police et de la gendarmerie, de ceux de nos armées, de ceux de la justice, ou de ceux de la recherche. Oui, je peux vous le dire, les crédits de tous ces ministères resteront en hausse, pour leur sécurité, mais aussi pour leur avenir et leur investissement.

Nous avons finalement besoin de savoir baisser la dépense publique avec intelligence : cela ne doit pas seulement passer par le rabot et les coupes aveugles. L’ambition qui nous anime suscitera évidemment le débat, au sein de cet hémicycle, pendant de longues semaines, mais nous devons aussi savoir assumer les priorités du Gouvernement : la sécurité de nos concitoyens est l’une d’entre elles. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 16 octobre 2024 à 15 heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Communication d’un avis sur un projet de nomination

M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable (39 voix pour, aucune voix contre) à la nomination de M. Jean Castex aux fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes
Article unique (début)

Réduction du nombre de conseillers municipaux dans les petites communes

Rejet d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes, présentée par M. François Bonneau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 890 [2022-2023], texte de la commission n° 664, rapport n° 663).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. François Bonneau, auteur de la proposition de loi.

M. François Bonneau, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la vie d’élu est d’abord un engagement personnel, pas toujours un engagement rationnel, au service de sa commune et du collectif pour un CDD qui sera renouvelé selon son choix ou celui des habitants.

Voilà qui résume ce qu’est la fonction d’élu local, en particulier dans les petites communes. Il s’agit d’un engagement largement bénévole, souvent à temps plein. Qui plus est, les élus des communes rurales font face à de plus en plus d’incivilités. Le constat est là : près de 10 000 élus ont démissionné depuis 2020, ce qui souligne la gravité de la situation.

Dans nos territoires ruraux, la dynamique démographique et sociale évolue. Les petites communes, qui constituent l’essence même de notre tissu rural, sont confrontées à des défis de plus en plus complexes. L’un des problèmes auxquels elles font face est la difficulté à maintenir un conseil municipal complet et opérationnel : atteindre le quorum indispensable pour tenir les réunions du conseil municipal se transforme parfois en obstacle récurrent.

M. François Bonneau. Avec un nombre de conseillers fixé sans réelle considération des réalités locales, il est courant de constater que des conseils municipaux peinent à réunir suffisamment de leurs membres pour pouvoir délibérer. Cette situation paralyse les décisions et compromet le bon fonctionnement de la commune.

Au-delà de cette première difficulté, nous constatons également un taux alarmant de démissions parmi les élus locaux. Depuis le début de la mandature, les départs se multiplient – la Charente en est un exemple flagrant avec une centaine de démissions pour seulement 362 communes. Ces départs en cascade provoquent des situations d’instabilité, imposent la tenue d’élections partielles et plongent certaines communes dans d’infinies complications. Cette instabilité fragilise nos institutions locales.

Par ailleurs, le processus électoral lui-même pose problème. Constituer des listes électorales complètes se révèle un véritable casse-tête. Dans de nombreuses communes, certains candidats se présentent uniquement pour compléter des listes, sans avoir le temps ni la volonté de s’engager dans la vie municipale. Lorsque la liste n’est pas complète, la commune risque de se retrouver sous tutelle préfectorale, une situation qui ne peut être tolérée dans une démocratie locale comme la nôtre. Au fil des ans, ce désintérêt se transforme en absentéisme lors des réunions, compromettant ainsi l’équilibre et l’efficacité du conseil municipal.

Il faut souligner l’inadéquation entre le nombre de conseillers municipaux requis et la réalité démographique de nos communes rurales. Dans certaines d’entre elles, le conseil municipal représente jusqu’à 10 % de la population totale, tandis que, dans les grandes villes, ce pourcentage est infime. Ce décalage rend nécessaire une réévaluation des exigences en matière de représentation. Il est impératif de les rééquilibrer pour éviter des distorsions qui mettent en péril leur fonctionnement démocratique.

En 2023, la France comptait 3 379 communes de moins de 100 habitants et 14 977 communes de 100 à 500 habitants. Si l’on s’en tient à l’état actuel du droit, cela représente 23 653 élus pour les communes de moins de 100 habitants et 164 747 élus pour celles comprises entre 100 et 500 habitants. Ces chiffres nous rappellent combien la France est majoritairement rurale et combien l’engagement citoyen est important pour nos villages.

L’objet de ma proposition de loi visait initialement ces communes, qui sont les plus touchées par la difficulté de constituer une liste.

Le texte dont nous discutons aujourd’hui vise donc à adapter le nombre de conseillers municipaux à la réalité des petites communes et s’inscrit dans le droit fil de la réforme du statut de l’élu pour mieux accompagner les représentants de nos communes.

Il s’agit, après examen en commission des lois, de réduire le nombre de membres composant le conseil municipal pour que celui-ci soit « réputé complet », en le ramenant à cinq pour les communes de moins de 100 habitants, à neuf pour celles comptant entre 100 et 499 habitants, à onze pour celles de 500 à 1 499 habitants, à quinze pour les communes de 1 500 à 2 499 habitants, à dix-neuf pour les villes de 2 500 à 3 499 habitants.

Cette réduction permettra non seulement de faciliter la prise de décision, mais aussi d’assurer une gestion municipale plus efficiente et plus proche des besoins réels.

Quand bien même un certain nombre de nos collègues voudraient que l’on donne toute latitude aux communes pour définir le nombre de leurs élus, une telle mesure se heurterait au Conseil constitutionnel et pourrait conduire à des disproportions importantes entre communes.

Nous ne devons pas perdre de vue que nos communes rurales sont souvent les premières victimes des rigidités administratives. Cette situation est d’autant plus problématique que, si l’on exclut les résidents non permanents et les étudiants, le nombre de personnes éligibles se réduit drastiquement. Dans de nombreux cas, il a fallu mobiliser quasiment 10 % de la population, alors que le ratio est de l’ordre de 1 pour 1 000 dans les plus grandes villes.

En allégeant ces contraintes, nous permettons aux communes de mieux fonctionner et de se concentrer sur leurs missions premières : servir leurs administrés.

Il est également important de rassurer ceux qui craignent une diminution de l’influence des petites communes au sein des intercommunalités et du corps électoral des grands électeurs. La proposition de loi se limite à réduire le nombre de conseillers municipaux au sein des conseils, sans toucher à leur poids politique et à leur influence dans les instances intercommunales – il convient de le souligner. L’objectif est de simplifier et d’optimiser le fonctionnement local, sans affaiblir la voix de ces communes ni le nombre de leurs adjoints dans les instances supérieures.

Mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans une démarche de bon sens et de pragmatisme. Elle répond à un besoin de nos petites communes, qui doivent pouvoir fonctionner de manière plus fluide et plus efficace. En adaptant le nombre de conseillers municipaux à la réalité démographique et en simplifiant les exigences administratives, nous permettons à nos élus locaux de mieux gérer leurs dossiers et le quotidien de nos concitoyens. La mairie constitue bien souvent la porte d’entrée pour tout type de démarche, et c’est un service précieux.

Madame la ministre déléguée, avant de conclure, je tiens à vous remercier de l’écoute toujours attentive dont vous avez fait montre lors de l’examen de cette proposition de loi en commission.

Mes chers collègues, je vous invite à soutenir cette proposition de loi, non seulement pour le bien de nos petites communes, mais aussi pour préserver et renforcer la vitalité de notre démocratie locale. Ensemble, faisons en sorte que nos communes puissent continuer à être des lieux de vie, de solidarité et d’engagement citoyen. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous sommes actuellement confrontés à une véritable crise des vocations à l’échelon local, régulièrement mise en lumière par les travaux du Sénat.

Elle s’illustre notamment par l’accélération des démissions d’élus locaux en cours de mandat : 1 787 maires, soit plus de 5 % des maires élus en 2020, avaient démissionné de leur mandat au début du mois d’octobre 2024, ainsi que 29 000 conseillers municipaux, soit 6 % d’entre eux. Des chiffres sans précédent !

Cette crise se manifeste également par la diminution du nombre de candidats aux élections locales. En 2020, après le dernier renouvellement général des conseils municipaux, 345 communes ne disposaient pas d’un conseil municipal complet contre 228 en 2014, soit une augmentation de 51 %.

Cette situation a engendré de nombreuses difficultés de fonctionnement pour les conseils municipaux, particulièrement dans les communes rurales. Cela se traduit par le recrutement de conseillers municipaux moins motivés et moins investis dans leur mandat, un absentéisme plus élevé et des élections municipales complémentaires plus fréquentes.

Cette crise s’explique principalement par la dégradation implacable des conditions d’exercice des mandats locaux, régulièrement dénoncée par le Sénat : hausse intolérable des violences contre les élus locaux, indemnités et garanties insuffisantes pour compenser leur engagement, complexification générale des affaires publiques locales, poids croissant des exigences citoyennes, manque d’autonomie financière et de reconnaissance. Ces obstacles entravent l’action concrète de terrain et concourent gravement au mouvement de désengagement observé.

Pourtant, les élus locaux sont bien les garants de la préservation du lien social ; ils sont les sentinelles de la République. Nous avons besoin que ces femmes et ces hommes continuent de s’engager pour la vie de nos communes et de nos concitoyens.

Sur l’initiative du Sénat, des mesures fortes ont déjà été prises pour tenter d’entraver cette tendance inquiétante. Je pense notamment au statut de l’élu et à l’entrée en vigueur de la loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.

J’en viens à la présente proposition de loi, déposée par notre collègue François Bonneau, dont je salue l’initiative et avec qui j’ai travaillé en étroite collaboration. Je tiens également à remercier l’ensemble de mes collègues cosignataires du texte que j’ai moi-même déposé sur ce sujet.

Afin de combattre la crise des vocations dans la perspective des élections municipales de 2026 et de renforcer l’attractivité des mandats municipaux, l’article unique de la proposition de loi prévoyait initialement d’abaisser le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants, plus précisément de sept à cinq dans celles de moins de 100 habitants et de onze à sept dans celles de 100 à 499 habitants.

L’objectif est de permettre aux communes rurales de constituer plus facilement leur conseil municipal, dans un contexte où le nombre de conseillers municipaux peut parfois excéder le nombre d’administrés disponibles pour un engagement citoyen. À titre d’exemple, dans l’Indre, à Giroux, commune de 121 habitants, l’effectif du conseil municipal représente plus de 9 % de la population en l’état du droit, alors que, pour la commune de Châteauroux, qui compte 43 000 habitants, l’effectif exigé représente 0,09 % de la population. Il s’agit là d’un écart considérable en termes de représentativité de la population municipale au sein du conseil municipal entre les petites communes et les villes moyennes.

La commission des lois a donc accueilli favorablement cette initiative, qui, si elle ne résout pas les causes de la crise des vocations municipales, permettra aux communes rurales de constituer leur conseil municipal plus facilement. Elle a adopté cette proposition de loi après avoir apporté cinq modifications, avec l’accord de François Bonneau.

Tout d’abord, la commission a étendu la baisse du nombre de conseillers municipaux à l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants, qui sont confrontées à des tensions grandissantes pour mobiliser suffisamment de candidats. Cette extension aura le mérite de favoriser la constitution des listes.

Ensuite, la commission a souhaité modifier l’effectif des conseils municipaux des communes de moins de 500 habitants pour éviter une baisse trop brutale du nombre de conseillers municipaux dans ces communes et ne pas pénaliser celles qui réussissent à mobiliser suffisamment de candidats. L’effectif des conseils municipaux des communes de moins de 100 habitants serait donc fixé à sept, et celui des communes de 100 à 499 habitants à neuf.

Par ailleurs, la commission a adopté un amendement visant à rétablir le dispositif du conseil municipal « réputé complet » pour les communes de moins de 500 habitants, ce qui leur laissera de la souplesse. Ainsi, les communes de moins de 100 habitants devront réunir sept conseillers municipaux, mais leur conseil municipal sera « réputé complet » avec cinq membres, ce qui permettra notamment d’élire un maire sans procéder préalablement à des élections complémentaires pour pourvoir les postes vacants. De même, les communes de 100 à 499 habitants devront réunir neuf conseillers municipaux, mais leur conseil municipal pourra être « réputé complet » avec sept conseillers municipaux.

Qui plus est, la commission a apporté deux modifications pour garantir l’opérationnalité du dispositif et ainsi éviter tout effet de bord non souhaitable : d’une part, l’abaissement du nombre maximal de conseillers forains dans les communes de moins de 500 habitants, afin d’éviter que leurs conseils municipaux ne soient en quasi-intégralité composés d’élus ne résidant pas dans la commune ; d’autre part, la garantie pour les communes concernées par la baisse du nombre de conseillers municipaux de conserver le même nombre de délégués au collège électoral des sénateurs.

Enfin, lors de l’examen du texte, la commission des lois a insisté sur la nécessité de garantir aux communes concernées le même nombre d’adjoints au maire.

M. André Reichardt. Très bien !

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. En raison des règles de recevabilité financière découlant de l’article 40 de la Constitution, elle n’a pu adopter d’amendement en ce sens. J’appelle donc le Gouvernement à bien vouloir s’engager en faveur de cette disposition.

Je tiens à insister sur un point : si ce texte constitue un progrès, il est urgent d’agir parallèlement pour résoudre les causes de la crise de la démocratie locale en enrayant enfin la dégradation des conditions d’exercice des mandats locaux. Cela devra passer, entre autres, par la mise en place d’un statut de l’élu protecteur et par la généralisation du mode de scrutin de liste à l’ensemble des communes.

Je salue ainsi les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. La semaine dernière, elle a adopté un rapport d’information sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux en vue du dépôt d’une proposition de loi transpartisane.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l’adoption d’un amendement de coordination et de trois amendements identiques sur l’extension du principe du « réputé complet » pour les communes de 500 à 999 habitants, la commission des lois vous propose d’adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le sénateur François Bonneau, mesdames, messieurs les sénateurs, je salue la présence à mes côtés de Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation : c’est une grande marque de considération à l’endroit du Sénat.

Cela vient d’être rappelé, la commune est le cœur de notre démocratie, le premier kilomètre d’une action publique efficace. Comme élus et comme citoyens, nous savons tous dans cet hémicycle à quel point l’engagement municipal est précieux, exigeant et ce qu’il représente dans nos vies.

Dans les petites communes, puisque nous parlerons plus particulièrement de celles-ci, le conseiller municipal, c’est celui qui écoute et qui s’applique à résoudre les problèmes du quotidien. C’est celui qui donne de son temps pour ses concitoyens. C’est aussi celui qui reçoit les parents d’élèves, retrouve ses concitoyens à la boulangerie ou dans la rue, prête toujours une attention bienveillante à tous et cherche à inventer des possibles pour améliorer le quotidien de chacun.

Rendre ainsi service à ses concitoyens sur un territoire auquel on est attaché, en y consacrant tant d’énergie et de générosité, c’est la force, la vitalité, mais aussi l’honneur de notre République, l’illustration de ce que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat a appelé la « démocratie implicative ».

En revanche, et cela été rappelé, tous, nous connaissons la fragilité grandissante de cet engagement citoyen. Nos territoires ruraux ne sont malheureusement pas épargnés par la lassitude qui s’empare aujourd’hui des élus locaux, pour les raisons que vous avez évoquées, madame la rapporteure.

Dans son discours de politique générale ici, au Sénat, le Premier ministre a clairement exprimé la haute idée qu’il se fait du rôle de nos collectivités locales dans la République. Il a appelé à bâtir un « nouveau contrat de responsabilités entre les collectivités territoriales et l’État ».

Je sais aussi l’attention et le soutien du Sénat à la reconnaissance et à la consolidation de l’engagement des élus.

Les difficultés sont là, comme en témoignent les chiffres. Pour compléter ceux de François Bonneau, je précise que, lors des élections municipales de 2020, dans près de 3 700 communes soumises au scrutin de liste, l’élection s’est jouée avec une liste unique. En outre, depuis le mois de mars 2023, 1 466 élections partielles se sont tenues du fait de l’incomplétude des conseils municipaux.

Inlassablement, le Sénat a œuvré pour renforcer la protection des élus et pour faciliter leur engagement. Cela s’est traduit concrètement par l’adoption d’une proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, présentée par le sénateur François Bonneau et le groupe Union Centriste, dont je salue l’initiative, et signée par nombre d’entre vous, est la première pierre d’une réflexion plus large qui devra se poursuivre en impliquant étroitement les associations d’élus, mais aussi les deux chambres du Parlement.

Cette proposition extrêmement concrète apporte une réponse attendue aux difficultés des 18 000 communes de moins de 500 habitants dans la constitution de leur conseil municipal, en abaissant le nombre d’élus. Elle s’inscrit dans le prolongement de la souplesse donnée par la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite Engagement et Proximité, qui a permis d’instaurer une exception d’incomplétude des conseils municipaux.

Enrichi par la commission des lois, à partir de l’excellent travail de la rapporteure Nadine Bellurot, le présent texte reprend un certain nombre de propositions de lois défendues par votre chambre, à l’image de celle de Mme la rapporteure et du sénateur Éric Kerrouche.

Je salue également tout particulièrement le travail utile auquel ont contribué votre rapporteure, Éric Kerrouche et Didier Rambaud et qui a conduit à l’adoption du rapport d’information sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux, le 3 octobre dernier, par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Ce travail collectif et transpartisan a élargi la réflexion sur le nombre de conseillers municipaux à l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants, confrontées à des difficultés diverses de constitution d’assemblées municipales.

Le Gouvernement partage la nécessité de traiter ce sujet en retenant un nombre adapté d’élus à la situation de chaque strate. Cela répond à un véritable besoin. Il soutiendra ainsi les évolutions proposées, soit le passage de onze à neuf conseillers municipaux pour les communes de 100 à 499 habitants, de quinze à onze pour les communes de 500 à 1 499 habitants, de dix-neuf à quinze pour les communes de 1 500 à 2 499 habitants, de vingt-trois à dix-neuf pour les communes de 2 500 à 3 499 habitants.

Cette répartition respecte les strates de communes retenues au sein du code général des collectivités territoriales. Il s’agit là d’un point important, car je sais que certains amendements visent à prévoir des modalités différentes. Il nous semble nécessaire de veiller au respect des strates existantes, car chacune d’elles prévoit des droits et des devoirs pour les communes concernées : veillons à ne pas bouleverser ce qui ne pose pas véritablement problème aujourd’hui.

Au vu des échanges avec les associations d’élus, il ne semble pas pertinent de modifier la loi pour les communes de plus de 3 500 habitants, mais il convient de cibler les évolutions législatives et de les flécher sur les situations qui appellent un changement, à savoir le cas des petites communes, dans l’esprit du principe de différenciation cher au Sénat et aux collectivités.

À cet égard, je tiens à rassurer la sénatrice Lana Tetuanui : conformément à ce principe, le texte ne s’appliquera pas à la Polynésie française.

Prolongeant l’esprit d’équilibre voulu par le sénateur Bonneau et ses cosignataires, la proposition de loi tire également les conséquences – le sujet vous intéresse tout particulièrement ici ! – des modifications du nombre de conseillers municipaux sur la représentation des communes de moins de 3 500 habitants au sein du collège électoral du Sénat, et c’est heureux !

Le Gouvernement est très attaché à la préservation de la représentation de toutes nos communes, en particulier des communes rurales, lors de la désignation de la Chambre haute. Aussi, nous n’approuverons pas les amendements dont l’adoption conduirait à une remise en cause de la place des plus petites communes dans le collège électoral des sénateurs. Il y va de la préservation de ce lien essentiel entre le Sénat et tous les territoires.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. L’exemption d’incomplétude qui existe pour les communes de moins de 500 habitants est importante, car elle permet aux conseils municipaux concernés de procéder à l’élection de leur exécutif et de délibérer valablement, même en cas de démission en leur sein. Leur conseil municipal étant alors réputé complet, elles n’ont pas à procéder à son renouvellement intégral.

L’extension de cette exception aux communes de 500 à 1 000 habitants, proposée par plusieurs sénateurs, répond à un besoin qui s’exprime fortement sur le terrain. Nous y serons favorables.

Pour autant, la différenciation doit respecter le principe d’équité et d’égalité devant la loi. Dès lors, les mesures proposées pour laisser aux communes la liberté de déterminer elles-mêmes le nombre de leurs représentants sont contraires à ce principe juridique, ce qui peut poser différents problèmes ; nous aurons l’occasion d’en reparler.

Enfin, bien qu’ils aient été déclarés irrecevables, je souhaite évoquer ici plusieurs amendements visant à étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants, considérant que ce dernier favorise la parité et permet parfois de sécuriser un travail d’équipe. Aujourd’hui, la proportion des femmes dans les conseils municipaux de moins de 1 000 habitants est de 38 %, contre 49 % dans les communes de 1 000 habitants et plus.

Je salue les propositions des deux assemblées sur la généralisation du scrutin de liste. Toutefois, ce sujet d’importance mérite, je le pense, une réflexion approfondie ultérieure avec le Parlement et les associations d’élus. Une telle mesure ne saurait être mise en œuvre par voie d’un simple amendement sénatorial. Disant cela, je ne conteste bien évidemment pas le sérieux de ses auteurs.

Nous devons, me semble-t-il, mener ce travail de manière rigoureuse, dans un esprit de dialogue, comme le souhaite le Premier ministre. Je connais la persévérance, l’obstination et la détermination du Sénat. Je sais que nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet.

Monsieur le président, madame la ministre, chère Catherine Vautrin, madame la rapporteure, monsieur le sénateur Bonneau, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes tous très profondément attachés à l’engagement citoyen des élus locaux, parce que nous pensons que la commune est le fondement de la République, que les élus locaux en sont le cœur et que nous devons leur donner les moyens de réussir. Faciliter leur engagement en assouplissant et en sécurisant les conditions de constitution des conseils municipaux est une impérieuse nécessité. Nous partageons tous cette conviction.

L’examen de ce texte concrétise, et je m’en réjouis, l’engagement du Premier ministre, du Gouvernement, et tout particulièrement de la ministre Catherine Vautrin, d’œuvrer ensemble, État et Parlement, pour élaborer des solutions concrètes et utiles pour notre démocratie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, la République et la démocratie vivent dans nos territoires grâce à l’engagement des élus locaux, notamment des maires et des conseillers municipaux.

J’ai le plaisir de saluer l’engagement de M. Pierre Colomb, maire de Saint-Michel-sur-Savasse, commune de la Drôme de 600 habitants, qui est aujourd’hui présent en tribune, accompagné de tous ses conseillers municipaux. (Applaudissements.) En l’applaudissant, vous saluez l’engagement de tous les élus français.

Mais force est de constater l’existence d’une crise de l’engagement local, notamment dans les plus petites communes de France. Selon les données du ministère de l’intérieur, lors des élections municipales de 2020, 106 communes n’avaient aucun candidat.

Dans le cadre des auditions qu’elle a menées, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a dressé un autre constat alarmant : le nombre de démissions en cours de mandat atteint un niveau inédit. Au 31 janvier 2024, 1 424 maires élus en 2020 avaient renoncé à leur mandat. Et, selon les chiffres communiqués en mai 2023, les conseillers municipaux ayant quitté leurs fonctions seraient près de 30 000. Ce phénomène très inquiétant crée évidemment des difficultés de fonctionnement au sein des conseils municipaux, notamment dans les communes de moins de 500 habitants, nécessitant parfois l’organisation d’élections partielles.

Plusieurs causes permettent de comprendre un tel contexte. On peut penser à la dégradation des conditions d’exercice des responsabilités locales, à la multiplication des violences et des menaces envers les élus, à l’inflation normative ou encore au manque de reconnaissance de leur engagement.

Mais il faut également avoir en tête d’autres raisons : obligation de constituer des listes complètes lors de chaque scrutin municipal, de réunir les quorums légaux, de respecter la parité. Toutes ces contraintes, certes justifiables, représentent néanmoins un véritable casse-tête récurrent pour les élus et pour celles et ceux qui souhaitent le devenir.

Face à une telle crise, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi constitue, j’en suis convaincu, une solution adaptée. Les travaux en commission ont d’ailleurs permis de l’améliorer et d’en ajuster la portée.

La réduction du nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants et de moins de 100 habitants est aujourd’hui nécessaire, comme elle l’était en 2013, lors de la précédente diminution. Et l’extension de cette diminution aux communes de moins de 3 500 habitants me semble également pertinente.

Par ailleurs, le rétablissement de la disposition relative au conseil municipal « réputé complet », grâce à l’adoption d’amendements de Mme la rapporteure, permettra d’apporter une souplesse bienvenue.

Je pense donc que ce texte, examiné sur l’initiative de notre collègue François Bonneau, apporte, grâce au travail réalisé en commission, une réponse adaptée, équilibrée et utile à la crise de l’engagement et bien plus adéquate que ce qui figurait dans la proposition de loi initiale. Au demeurant, les dispositifs envisagés, s’ils étaient adoptés, ne modifieraient pas le collège électoral des sénateurs.

Mais est-ce suffisant ? La réponse ne devrait-elle pas s’accompagner d’une réflexion plus large sur les règles électorales, qu’il s’agisse de parité ou du mode de scrutin ?

Au-delà des règles, je pense que nous devons également continuer le travail parlementaire, tant sur le statut de l’élu que sur l’amélioration de l’accompagnement de nos édiles. Tel est le sens du texte visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie que le groupe RDPI a défendu.

À un an et demi des prochaines élections municipales, nous voterons majoritairement en faveur de la présente proposition de loi. Nous attendons avec impatience l’examen des textes portant sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux et sur l’extension du scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons s’appuie sur un constat partagé et éprouvé par nombre d’entre nous : la crise de l’engagement public local.

Cette crise est perceptible dans nos territoires, que ce soit dans les conseils municipaux, dans nos associations, auprès de nos aînés ou même dans nos entreprises. Or une société fragmentée est une société désarmée dans laquelle l’idéal républicain ne peut pas s’épanouir.

Le dispositif qui nous est soumis vise à répondre à un problème précis : le fait que les conseils municipaux soient très souvent incomplets en fin de mandat. Ce problème se pose en Lot-et-Garonne, où, je le rappelle, 80 % des communes comptent moins de 1 000 habitants. Les raisons sont plurielles : médicales, professionnelles, personnelles, manque d’intérêt. Or, au lieu de traiter cet enjeu démocratique sur le fond, on cherche, avec ce texte, à en aménager les conséquences.

Si la proposition de loi constitue une tentative louable, elle ne nous empêchera pas de remettre sur la table des réflexions globales sur l’engagement public local, donc sur le statut de l’élu protecteur, ainsi que sur le scrutin de liste pour les communes de moins de 1 000 habitants.

À l’instar de plusieurs de mes collègues, j’ai lancé une consultation sur le texte auprès des maires. Les opinions sont très mitigées.

D’abord, mes interlocuteurs considèrent que cette proposition de loi n’est pas urgente au regard des difficultés multiples qu’ils rencontrent dans l’exercice quotidien de leur mandat. Vous le savez, les communes rurales sont confrontées moins à une pénurie des vocations qu’à une complexité administrative parfois envahissante. Et je tiens à insister ici sur le rôle essentiel des secrétaires de mairie.

En outre, certains s’inquiètent, et je les rejoins parfois, d’un effet contre-productif de la mesure, qui pourrait renforcer le désengagement actuel. En effet, réduire le nombre de conseillers pourrait accroître le travail de ceux qui resteraient et qui sont déjà surchargés. Rappelons que les trois quarts des élus municipaux sont bénévoles.

D’autres questions me viennent également à l’esprit. Quelles seraient les conséquences politiques d’une telle modification sur la représentation des administrés au sein du conseil ? Et sur l’équilibre des majorités municipales ? Elles doivent être évaluées en amont avec précision.

Les règles électorales doivent être claires ; elles fondent la confiance des Français dans leurs représentants.

La proposition de loi initiale concernait les communes de moins de 500 habitants. Comme cela a été souligné, la commission a étendu le dispositif proposé à toutes les communes de moins de 3 500 habitants. Une telle mesure revêt, me semble-t-il, un caractère un peu vertical, mais elle offrirait davantage de flexibilité. J’ai toutefois bien compris qu’elle posait un problème constitutionnel. (Sourires.) Mais on peut toujours formuler cette demande !

De telles questions, légitimes, partagées et relayées par les maires eux-mêmes, devraient nous conduire à prendre le temps de la concertation, faute de quoi nous risquerions d’adopter une norme difficile à comprendre.

À une bonne et réelle question, soulevée aujourd’hui par le groupe Union Centriste, sachons ne pas apporter une réponse trop hâtive.

Madame la ministre, chère Françoise Gatel, je sais que le Gouvernement est prêt à discuter, après consultation des concernés, d’une loi sur le statut de l’élu protecteur, sur le fondement des travaux du Sénat.

Vous l’aurez compris, le RDSE est réservé sur la présente proposition de loi. Ses membres voteront une fois de plus en leur âme et conscience. Ils seront attentifs au sort réservé aux différents amendements, qui permettra d’éclairer l’esprit du texte. En tout état de cause, notre groupe soutiendra toujours les initiatives permettant de consolider la démocratie rurale et de favoriser le maintien de toutes les communes, quelle que soit leur taille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter l’auteur de cette proposition de loi, le sénateur François Bonneau, de son initiative tout à fait bienvenue.

La question des effectifs des conseils municipaux est en effet souvent évoquée par les maires que je rencontre. Elle avait fait l’objet de débats ici même voilà plus de onze ans, lors de l’examen de ce qui allait devenir la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires.

Le Sénat avait alors mis en garde contre une réduction du nombre d’élus locaux qui se ferait « automatiquement au détriment des territoires ruraux », et il n’avait finalement pas modifié les effectifs des conseils municipaux, contrairement à ce que proposait le gouvernement de l’époque.

La loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a ouvert la possibilité de considérer comme étant complets les conseils municipaux des communes de moins de 100 habitants et de moins de 500 habitants lorsqu’ils réunissent respectivement cinq et neuf membres, à défaut des sept et onze membres prévus par le code général des collectivités territoriales.

La proposition de loi que nous examinons s’inscrit donc dans le prolongement de plusieurs initiatives législatives relatives aux conseils municipaux des petites communes.

Lors de l’examen du texte en commission, le périmètre des communes concernées a été étendu. Le texte vise non plus les seules communes de moins de 500 habitants, comme le proposait son auteur, mais toutes celles de moins de 3 500 habitants.

J’ai souvent l’occasion d’évoquer avec les élus de l’Eure la question dont nous débattons aujourd’hui, et je constate que les avis sur le sujet sont partagés.

M. Hervé Maurey. Comme je l’avais fait lors de l’examen de la loi du 17 mai 2013, j’ai consulté par courrier électronique les maires de l’Eure sur le dispositif proposé. Pour une légère majorité d’entre eux, la réduction envisagée est nécessaire pour pouvoir – certains l’ont évoqué – constituer plus facilement une liste lors des élections municipales ou parce qu’il serait ainsi plus facile d’atteindre le quorum lors des réunions. Pour autant, cet avis est loin d’être général.

Un certain nombre d’édiles s’opposent en effet à cette baisse, jugeant qu’elle poserait un problème pour l’accomplissement de certaines tâches, comme la tenue des bureaux de vote ou l’animation de la vie locale. Beaucoup d’élus ne comprennent même pas une telle volonté de réduire leur nombre, certains y voyant même un « nouveau mauvais coup porté à la ruralité ».

À cela s’ajoute la question du nombre d’adjoints, qui dépend directement du nombre de conseillers municipaux. En l’état, réduire le nombre de conseillers municipaux peut entraîner une diminution du nombre d’adjoints, qui n’est pas toujours souhaitée, tant s’en faut.

Face à des attentes différentes, je pense donc qu’il est indispensable d’offrir de la souplesse aux élus. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant à permettre aux communes de moins de 3 500 habitants de choisir le nombre de leurs conseillers municipaux avant leur renouvellement, dans une fourchette comprise entre ce que prévoient respectivement l’état actuel du droit et le texte de la commission.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Hervé Maurey. J’avais également déposé un amendement visant à garantir aux communes nouvelles le droit de conserver le même nombre d’adjoints à l’issue du deuxième renouvellement suivant leur création. Dans certains cas, la diminution du nombre d’adjoints représentera près de la moitié des effectifs.

Ainsi, dans mon département, la commune de Clef-Vallée-d’Eure, qui a aujourd’hui huit adjoints pour 2 700 habitants, n’en aura plus que cinq demain. Et cela pose des problèmes dans les communes nouvelles constituées de nombreuses communes historiques et d’un grand territoire.

L’amendement en question a malheureusement été déclaré irrecevable, d’abord au titre de l’article 40 de la Constitution, puis, dans sa version à enveloppe constante, au titre de l’article 45 de la Constitution. Je le regrette vivement, car il visait à répondre à une réelle préoccupation de bon nombre d’élus de communes nouvelles.

Mes chers collègues, l’objectif du texte est majoritairement partagé par les territoires. Mais, encore une fois, une réduction imposée, rigide et uniforme du nombre de conseillers et d’adjoints créerait, de mon point de vue, des problèmes, et elle serait mal accueillie par les élus locaux, qui sont déjà soumis à rude épreuve. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Henri Cabanel et Guy Benarroche applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous nous retrouvons une nouvelle fois pour tenter de lutter contre un phénomène que nous connaissons bien et que nous combattons collectivement de manière constante : la crise de l’engagement local.

Il nous est proposé ici de nous exprimer sur la réduction du nombre de conseillers municipaux dans les petites communes.

Dans de nombreuses communes, et tout particulièrement dans les moins peuplées, les difficultés à constituer des listes complètes lors des élections sont – hélas ! – habituelles et devenues significatives lors du renouvellement de 2020.

L’enquête confiée à l’institut CSA par la délégation du Sénat aux collectivités territoriales au mois de juin dernier montre que plus de la moitié des 500 élus interrogés dans les communes de moins 3 500 habitants ont rencontré des difficultés à réunir des candidatures aux élections municipales de 2020.

Soucieuse de connaître l’avis des premiers concernés, j’avais également sondé les élus de mon département à la fin du mois de mars 2024, lors du dépôt de la proposition de loi au Sénat ; 99 élus de communes de moins de 3 500 habitants avaient alors répondu.

Un nombre important d’élus interrogés sont en effet favorables à une réduction du nombre de conseillers, au motif qu’il est de plus en plus complexe de trouver des volontaires pour s’investir dans la vie communale. C’est particulièrement intense dans les communes de moins de 1 500 habitants.

Mais ce qui ressort également de ce sondage et de la réalité sur le terrain est parfois plus complexe.

La fonction d’élu local est d’abord exigeante. Le manque d’accompagnement de ces élus anéantit leur combativité. La crise des vocations électorales qui en résulte est d’autant plus importante que les responsabilités des élus augmentent tandis que leurs moyens, eux, stagnent. Les chiffres alarmants des démissions de maires élus en 2020 – près de 4 % en quatre ans, comme l’a rappelé la rapporteure Nadine Bellurot – le démontrent.

Mais prudence ! Prudence d’abord, car les élus locaux peuvent exprimer différentes inquiétudes. Prudence surtout sur l’objectif fixé en commission de réduire le nombre de conseillers municipaux jusque dans les communes de moins de 3 500 habitants, cette disposition méritant, me semble-t-il, d’être analysée.

Les attentes des communes qui se situent en deçà d’un certain seul – disons autour de 1 000 habitants – et celles des communes qui s’apparentent à de petites villes – je pense aux communes de 3 000 habitants – sont différentes.

S’il est cohérent, face à un manque d’offre, de réduire la demande, prenons garde de ne pas omettre des parties de l’équation à laquelle nous sommes confrontés. La démocratie locale est un équilibre que nous devrons bien évidemment préserver.

Nombreux sont les élus locaux qui témoignent de l’abondance des tâches qui leur incombent et de leurs responsabilités. Mais comment faire toujours plus avec moins de moyens humains ?

Par ailleurs, qu’en est-il de l’enjeu de la représentativité ? Moins de conseillers, cela signifie moins de diversité au cours des débats, mais aussi moins de relais pour les habitants et leurs préoccupations. Nous retrouvons bien là la dichotomie entre les communes comptant de 500 à 1 000 habitants et les communes de 2 000, 3 000, voire quasiment 3 500 habitants.

Nous savons tous que les élus de nos communes, souvent bénévoles, sont fortement sollicités. Diminuer leur nombre risque donc de les pressurer davantage.

Le texte initial prévoyait une réduction drastique pour les communes de moins de 500 habitants. Le travail en commission a permis de réajuster les seuils pour tenir compte des réalités. Mais, comme je l’indiquais, entre 500 et 3 500, il y a de la marge et quantité de possibilités.

La proposition de loi apporte donc, à nos yeux, des réponses, mais elle suscite également quelques inquiétudes ; je pense en particulier à cette volonté de traiter uniformément l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants. C’est pourquoi, en l’état, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, chère Françoise Gatel, madame la rapporteure, chère Nadine Bellurot, mes chers collègues, le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui porte sur un sujet particulièrement cher au Sénat : l’organisation de nos territoires.

Nous avons eu des débats sur des questions cruciales : l’engagement au sein de nos territoires, pour nos territoires, au service de nos concitoyens. Et, récemment, nous avons longuement discuté du statut de l’élu.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires défend toujours les mesures tendant à inciter à l’engagement civique et à accompagner celles et ceux qui ont la volonté de servir leur commune. Il soutient tout ce qui permet l’émergence de citoyens impliqués dans la politique, dans la vie de la cité. Selon nous, l’engagement politique ne saurait se réduire à une carrière professionnelle. Voilà ce qui inspire nos propositions et nous permet de définir une vision claire des orientations nécessaires pour le bon fonctionnement de nos collectivités territoriales.

Nous sommes tous à l’écoute de nos territoires ; nous connaissons la grande fatigue des élus au plus près des citoyens. Néanmoins, n’oublions pas que la France compte près d’un million de candidats sur les listes lors des élections municipales, soit le plus fort ratio du monde ; on peut donc penser que l’engagement n’est pas encore totalement menacé. C’est ce qu’a rappelé une étude du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) demandée par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) au mois de novembre dernier.

Nous le savons bien, les démissions sont de plus en plus nombreuses, et le nombre d’élus n’envisageant pas de se représenter n’a jamais été aussi élevé. C’est le cas d’un maire sur deux, en l’occurrence de 55 % d’entre eux – un record en vingt ans –, selon une étude de 2022. Cela a des conséquences directes et rapides, en particulier sur les petites communes, qui peinent à obtenir ou à maintenir un nombre de conseillers municipaux suffisant pour agir.

En ramenant le nombre de conseillers municipaux de sept à cinq pour les communes de moins de 100 habitants et de onze à sept pour les communes de moins de 500 habitants, les auteurs de la proposition de loi, que je salue, espéraient éviter l’absence de liste dans certaines communes, synonyme de tutelle préfectorale, lors des prochaines élections municipales.

La commission, lors de ses travaux, a modifié la proposition initiale. Elle a d’abord prévu une moindre réduction des effectifs : le nombre de conseillers municipaux est maintenu à sept pour les communes de moins de 100 habitants et il est ramené à neuf pour les communes de moins de 500. Ensuite, le dispositif du « réputé complet » a été retenue pour ces petites communes, afin d’éviter les blocages après des démissions. C’est une très bonne chose ; cela nous paraît d’ailleurs mieux adapté face aux problèmes de fonctionnement de nos institutions locales, au sein desquelles l’engagement devient trop compliqué.

La rapporteure a aussi choisi d’étendre la réduction du nombre de conseillers municipaux aux communes comptant jusqu’à 3 499 habitants. Lorsque l’on écoute les élus locaux, qui sont tout de même les principaux concernés, on s’aperçoit – mon collègue Hervé Maurey l’a très bien dit tout à l’heure – que beaucoup redoutent une augmentation de leur charge de travail en raison de la réduction des effectifs. Je rappelle qu’ils sont presque tous bénévoles.

Un certain nombre d’organisations, à l’instar de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), ont également un avis plus nuancé, ne voyant pas dans la seule réduction du nombre de conseillers municipaux une solution face aux démissions.

Entre parenthèses, je me demande ce que la question du scrutin de liste vient faire dans ce véhicule législatif. Un tel ajout me semble motivé avant tout par des préoccupations très politiciennes. (Mme la ministre déléguée sexclame.)

En revanche, il serait bon de tester la possibilité de mettre en place des suppléances, de manière facultative, donc plus souple.

Nous devons conforter l’attachement des Français à leurs communes en permettant à celles-ci de mieux fonctionner et en facilitant l’engagement de nos compatriotes, par diverses réformes. Je pense, par exemple, aux référendums locaux, aux budgets citoyens, aux conventions citoyennes, voire aux grands débats : si les communes peuvent s’en servir à un moment donné, elles le feront.

Comme les membres de notre groupe GEST l’ont souligné lors de l’examen du texte portant création d’un statut de l’élu local, il faut mieux former, mieux rémunérer, mieux écouter les élus. Voilà des solutions pour permettre une vie démocratique locale plus forte, plus vivante, plus variée ! Elles répondraient mieux que cette proposition de loi aux problèmes auxquels nous sommes confrontés !

Imaginez que, constatant l’impossibilité d’aligner seize joueurs sur une feuille de match, les organisateurs d’un tournoi de football décident non pas d’essayer d’aider les clubs à susciter des vocations, mais de modifier les règles en ramenant le nombre de joueurs à quatorze sur la feuille et à neuf sur le terrain ! (Sourires.) Voilà qui serait, convenez-en, un bien curieux raisonnement. Or c’est celui qui inspire la présente proposition de loi…

Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire de ce texte, qui ne répond pas ou qui répond mal à la nécessité de redynamiser la vie citoyenne dans nos communes.

M. le président. Il faut conclure.

M. Guy Benarroche. Nous voterons donc à regret contre la proposition de loi, pour exprimer notre dépit face à l’incapacité de prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde et, surtout, à la consolidation de notre démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner une proposition de loi qui, bien qu’elle n’ait pas été discutée avant la dissolution de l’Assemblée nationale, conserve toute son importance.

Depuis lors, loin de rester inactive, la délégation aux collectivités territoriales a continué ses travaux sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux.

Je tiens à remercier le sénateur François Bonneau, grâce à qui ce texte a été inscrit à l’agenda du Sénat alors que les élections municipales arrivent à grands pas. Je salue également Mme la rapporteure Nadine Bellurot pour la justesse de ses propos.

Je rappellerai d’abord que les petites communes sont le cœur battant de notre démocratie locale, un espace où s’expriment pleinement les valeurs de la République et où se forge le lien de confiance entre les élus et les habitants. Et pourtant, elles sont particulièrement touchées par la crise de l’engagement local, à laquelle nous avons apporté de premières réponses, d’abord en 2019, avec la loi Engagement et proximité, puis avec la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, que nous avons adoptée à l’unanimité ici même le 7 mars dernier.

Ce texte est une réponse à un phénomène que nous connaissons bien : la difficulté croissante, pour les petites communes, de constituer des listes complètes lors des élections municipales.

Dans mon département, l’Indre-et-Loire, nombre de communes font face à un tel défi. À cet égard, j’ai une pensée pour les maires des communes de Luzé et de Marray, pour ne citer qu’elles, qui ont dû organiser des élections complémentaires.

L’enquête menée par l’institut CSA auprès de 500 élus municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants montre que plus de la moitié d’entre eux ont rencontré cette difficulté lors des élections de 2020. Ce constat, mes chers collègues, appelle une action forte et adaptée.

Par ailleurs, la réduction du nombre de conseillers municipaux n’est pas une décision publique anodine. Elle doit faire l’objet d’une analyse particulièrement fine et s’accompagner d’une nécessaire souplesse.

Lors de l’examen du texte en commission, nous avons émis un avis réservé, considérant qu’une réduction permanente et uniforme des effectifs dans l’ensemble des différentes strates ne constituait pas toujours la réponse la plus pertinente à la crise des vocations.

Nous le réaffirmons aujourd’hui : la meilleure réponse reste la reconnaissance du statut de l’élu local au moyen de dispositifs concrets, ainsi que la revalorisation du bloc communal.

C’est pourquoi, afin de ne pas pénaliser les communes qui parviennent à constituer leur conseil municipal et de ne pas empêcher des conseillers municipaux de poursuivre leur engagement local, il semble de bon sens que la loi s’adapte aux spécificités communales : il faut laisser aux communes la liberté d’ajuster l’effectif de leur conseil municipal, avec une marge de deux conseillers.

M. Michel Masset. Très bien !

M. Pierre-Alain Roiron. Les conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants pourront ainsi être réputés complets même s’ils comptent deux conseillers municipaux de moins que l’effectif légal figurant dans la présente proposition de loi.

Dans un amendement, notre collègue Éric Kerrouche propose d’étendre le dispositif dérogatoire prévu dans la loi Engagement et proximité pour les communes de moins de 500 habitants, lequel a été supprimé dans la version initiale de ce texte.

Afin de mettre un terme, dans les communes de moins de 1 000 habitants, au système de panachage qui conduit, nous le savons tous, à une chasse aux élus, dans laquelle les maires et les adjoints sont souvent en première ligne, nous appelons à une réflexion plus large et plus complète sur le mode de scrutin.

La réduction de l’effectif légal dans les petites communes est un moyen de faciliter l’émergence de listes paritaires et donc égalitaires.

Les avantages du scrutin de liste ont été mis en avant dans le rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales Renforcer lefficacité des conseils municipaux : des solutions pour 2026 : ce scrutin favorise le bon fonctionnement des équipes municipales et garantit une parité plus efficace.

Il s’agit évidemment d’une exigence démocratique. Explorée avec attention, cette question pourrait constituer une réponse durable à la crise de l’engagement.

Mes chers collègues, cet ajustement pragmatique répond – nous le savons – à une réalité de terrain, ainsi qu’aux besoins exprimés par les acteurs locaux. Au regard des modifications apportées en commission et à la lumière du rapport de la délégation aux collectivités territoriales, notre groupe votera dans sa très grande majorité cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, légiférer sur les élus locaux est essentiel ; c’est reconnaître le rôle crucial qu’ils jouent dans la vie quotidienne des citoyens.

Les élus locaux sont les garants du lien de proximité entre les administrés et les institutions. Ils veillent au bon fonctionnement des services publics, du moins ceux qu’il leur reste.

Toutefois, nous devons aussi admettre que la multiplication des conseillers entraîne parfois, dans certaines communes, des difficultés à constituer les listes. Les conseils municipaux, lieux de démocratie, peuvent par ailleurs devenir des arènes où les débats s’éternisent et où l’administration locale souffre d’une lourdeur bureaucratique.

La réduction du nombre de conseillers municipaux, associée au maintien du nombre d’adjoints, pourrait contribuer à dynamiser l’efficacité de ces instances décisionnelles.

En resserrant le cercle des élus, nous faciliterions la coordination et la réactivité face aux défis auxquels nos communes sont confrontées. Avec un conseil plus restreint, la prise de décision serait plus rapide et fluide, ce qui permettrait de répondre de manière plus immédiate aux besoins des habitants.

Cette proposition de loi favoriserait donc une gouvernance plus agile et plus moderne, adaptée aux réalités actuelles, quand les délais de réaction face aux urgences économiques, sociales ou environnementales sont de plus en plus courts.

Soulignons également un problème qui touche de nombreuses communes, à savoir le manque de participation démocratique des citoyens.

Dans de nombreux territoires, nous observons une désaffection croissante des habitants pour la vie municipale : les taux de participation aux élections locales diminuent, les réunions publiques sont peu fréquentées et les initiatives participatives, comme les conseils de quartier ou les consultations citoyennes, peinent à mobiliser.

C’est une des raisons pour lesquelles ce texte va dans le bon sens. Nous ne pouvons pas demander à une tête de liste candidate aux élections dans une commune de 499 habitants de trouver 11 colistiers. Elle peinera à les trouver et plus encore à les mobiliser.

Malheureusement, la jeunesse est la grande absente de nos échanges. Nous devons, dans les mois à venir, trouver une solution afin de la revoir s’impliquer dans nos communes par un simple vote ou, a minima, par la mobilisation démocratique. À cet égard, le récent tour de passe-passe électoral ne va pas forcément dans le bon sens.

Toutefois, nous ne saurions diminuer le nombre d’élus sans prévoir des ajustements complémentaires : cette réforme doit s’accompagner de mesures visant à renforcer la compétence et l’engagement des conseillers.

Il serait donc judicieux d’améliorer l’accès à la formation et de favoriser la conciliation entre vie politique et vie professionnelle. Il est par ailleurs plus important que jamais d’avoir une plus grande considération pour les élus communaux, au vu de la chute de l’engagement à cet échelon.

N’oublions pas que les conseillers municipaux sont les premières pierres de notre structure démocratique. Vous avez sur votre bureau, me semble-t-il, madame la ministre, une magnifique proposition de loi sur le statut de l’élu local…

L’attribution de la qualité de grand électeur à l’ensemble des élus municipaux serait un pas important vers la reconnaissance des élus des plus petites communes.

Nous prenons acte de la volonté d’étendre la diminution du nombre de conseillers municipaux à l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants, mais nous souhaitons aller plus loin et l’élargir aux plus grandes communes, celles qui comptent jusqu’à 30 000 habitants.

Adopter cette réforme, c’est faire le choix d’une gouvernance plus agile et plus en phase avec les besoins actuels de nos territoires.

Il est toutefois nécessaire, madame la ministre, de régler au plus vite les problèmes que rencontrent nos communes et nos élus. En effet, la situation économique, sociale et environnementale est très préoccupante.

Dans ce moment difficile, la chambre haute doit se tenir au plus près de nos élus. Ne les abandonnons pas ! Ils ont besoin de vous, madame la ministre, mais aussi de nous tous, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Alexis de Tocqueville disait : « C’est […] dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir. »

Qu’elle soit rurale ou urbaine, petite ou grande, la commune constitue la cellule de base, le fondement de la démocratie, et les élus municipaux, par leur engagement et leur abnégation, sont les maillons essentiels de la vitalité et du dynamisme de la démocratie locale.

Or, depuis plusieurs années maintenant, des inquiétudes se font jour à l’occasion des élections municipales s’agissant du manque de candidats, principalement dans les collectivités situées en milieu rural. Cette pénurie de candidats aux élections municipales peut porter atteinte à la démocratie locale.

Ainsi, selon le rapport d’information de Mathieu Darnaud sur l’avenir de la commune et du maire en France, 106 communes ne disposaient d’aucun candidat lors du premier tour des élections municipales de 2020, soit une augmentation de 75 % par rapport aux élections de 2014. C’est beaucoup et c’est inquiétant. Cela pourrait entraîner une véritable crise de la démocratie locale en 2026.

C’est pourquoi notre collègue François Bonneau tente, par son initiative, de prévenir le risque que représente la diminution progressive de l’engagement municipal. Cette proposition de loi permettra aux communes rurales de constituer plus facilement leur conseil municipal.

En effet, face à la décrue du nombre de candidatures lors des dernières élections, le nombre de conseillers municipaux requis peut, dans certaines communes, apparaître comme un frein. La démocratie ne constitue pas un modèle figé. Elle doit accompagner les évolutions de nos territoires.

Pour autant, si la réduction du nombre de conseillers municipaux répond à un réel problème auquel sont confrontés les maires de certaines petites communes, elle suscite également des inquiétudes chez d’autres élus.

En effet, la diminution du nombre de conseillers pourrait alourdir la charge du maire, dans la mesure où elle réduirait l’équipe municipale sur laquelle ce dernier peut s’appuyer.

Enfin, si cette initiative constitue un progrès, elle ne permettra pas à elle seule de traiter les causes de la crise de la démocratie locale que nous connaissons actuellement. L’amélioration des conditions d’exercice des mandats locaux demeure indispensable, tout comme l’instauration d’un véritable statut de l’élu.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera dans sa grande majorité en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Laurent Somon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. Philippe Bas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie et félicite François Bonneau de cette initiative utile, ainsi que Mme la rapporteure de son travail.

En vérité, j’aurais préféré ne pas avoir à soutenir ce texte. Cela aurait signifié que la vitalité de notre démocratie rurale est telle que cette proposition de loi n’était pas nécessaire. Hélas, les observations nous privent de cet espoir, même si heureusement, semaine après semaine, nous avons de nombreuses preuves du dynamisme de nos communes rurales, y compris des moins peuplées d’entre elles.

La baisse du nombre de candidats aux élections municipales est un premier facteur d’inquiétude. Sans que l’on puisse parler de « flambée », le nombre de démissions est tout de même très élevé : depuis le début de l’actuelle mandature, 4 % des maires ont démissionné de leur mandat.

Si ce phénomène ne touche pas, fort heureusement, la majorité de nos communes, la situation est suffisamment grave pour justifier à la fois une prise de conscience et des correctifs.

Il faut bien sûr – cela a été souligné – traiter non pas seulement les effets, mais aussi les causes. Nous les connaissons bien, madame la ministre : un choc de simplification est nécessaire, tous les élus nous le disent. Ils s’impatientent et nous sommes réellement heureux de vous savoir à nos côtés, pour à la fois prendre l’initiative et relayer nos préoccupations.

C’est avec soulagement, me semble-t-il, qu’une diminution raisonnable du nombre d’élus – il ne faut pas aller trop loin (Mme la ministre déléguée acquiesce.) – sera accueillie par un certain nombre de nos communes rurales, qui en ont besoin.

Il faudra bien sûr – notre rapporteure l’a bien vu – neutraliser les effets de cette proposition de loi sur le nombre d’adjoints. (Mme la ministre déléguée et Mme la rapporteure acquiescent.) Leurs effectifs se justifient non pas par le nombre de conseillers municipaux, mais par le nombre d’habitants, qui implique un certain niveau de service rendu à la population. Il faut donc, si possible, décorréler le nombre d’adjoints du nombre de conseillers dans les petites communes.

M. Philippe Bas. Je précise enfin que le Sénat a refusé à plusieurs reprises d’appliquer le scrutin de liste paritaire dans les communes de moins de 1 000 habitants. Et je pense qu’il a bien fait.

Rappelons, en effet, que plus de 40 % de nos petites communes de 1 000 à 3 500 habitants n’offrent plus de choix aux électeurs puisqu’elles vivent sous le régime de la liste unique. Ce n’est pas un progrès de la démocratie.

Veillons à l’avenir non pas à aggraver le déficit démocratique, mais au contraire à le combler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, savez-vous quel est le point commun entre Jacques Chirac, François Mitterrand, Georges Clemenceau, Francis Cabrel, Guy Roux et Stéphane Bern ? (Sourires.) Ils ont tous été – ou sont encore – conseillers municipaux, ce qui montre bien le rôle crucial de cette fonction dans nos cités.

Sans retracer l’histoire de nos municipalités, j’insiste sur le fait que c’est au Sénat qu’ont eu lieu les débats les plus approfondis pour élaborer la fameuse loi de 1884 relative à l’organisation municipale, qui régit encore nos communes.

Depuis l’adoption de cette loi, la France est devenue la championne du monde de la démocratie de proximité. Elle compte plus de 500 000 élus locaux, dont 35 000 maires. À titre de comparaison, cela représente un élu pour 130 habitants, contre un pour 530 en Allemagne et un pour 2 600 au Royaume-Uni.

Il est vrai – le rapport de Nadine Bellurot l’a très bien démontré – que des problèmes se posent aujourd’hui : dans les plus petites communes, il est parfois difficile de compléter des listes, de trouver des élus ou des candidats motivés et investis. Peut-être faut-il effectivement adapter la législation. Tel est l’objet de cette proposition de loi, qui prévoit la réduction du nombre de conseillers municipaux.

Si cette mesure peut être salutaire pour certaines communes, n’est-il pas paradoxal, tout en déplorant la baisse du nombre de conseillers municipaux actifs, de l’institutionnaliser et d’imposer ce que l’on regrette ? Ne serait-il pas plus logique de s’interroger sur les raisons de la baisse de l’attractivité du mandat municipal et d’y remédier ?

Surtout, cette réduction uniforme et obligatoire du nombre de conseillers municipaux dans les petites communes ne privera-t-elle pas notre pays de plusieurs dizaines de milliers de bonnes volontés si précieuses ?

Ce texte aura pour effet d’exclure du conseil municipal ou d’empêcher de se représenter certains élus dévoués, qui donnent pourtant le meilleur d’eux-mêmes.

Mme Évelyne Perrot. C’est vrai !

M. André Reichardt. Absolument !

M. Olivier Paccaud. Le bon sens et l’intérêt général nous invitent plutôt à concilier l’efficacité démocratique et la souplesse.

Comme l’a très bien suggéré Hervé Maurey, pourquoi ne pas proposer de maintenir le nombre actuel de conseillers municipaux là où il n’y a pas de problème de recrutement et de le baisser là où il y en a ? Adaptons-nous aux spécificités locales et municipales, selon la volonté municipale !

Nous savons tous combien nous avons besoin des maires, des adjoints et des conseillers municipaux, de ces fantassins de la République qui sont toujours présents, toujours en première ligne. Plus ils sont nombreux, mieux c’est. Abondance de biens ne nuit jamais !

Je présenterai donc un amendement visant à permettre aux communes qui le souhaitent de conserver le nombre actuel de conseillers municipaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jeanne Bellamy. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Jeanne Bellamy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui met en lumière les difficultés que rencontrent les élus de nos petites communes pour constituer leurs listes.

Ancienne maire d’une commune d’un peu plus de 1 000 habitants pendant seize ans, et présidente de l’Association des maires de la Vienne durant quatre ans, je connais parfaitement ces difficultés.

Parmi les 265 communes et les 27 communes associées de mon département, 66 % comptent moins de 1 000 habitants.

L’effectif légal d’une commune de moins de 100 habitants est de sept conseillers municipaux, pouvant être réduit à cinq de manière dérogatoire. Pour les communes de 100 à 499 habitants, l’effectif est de onze. Il est de quinze pour celles qui comptent de 500 à 1 499 habitants, puis il augmente de quatre par strate de 1 000 habitants. Ainsi, jusqu’à 3 499 habitants, le nombre de conseillers varie de sept à vingt-trois et une ville de plus de 300 000 habitants en comprend soixante-neuf.

Ce ratio n’a aucun sens, en particulier dans la situation de crise de l’engagement local sans précédent que nous connaissons.

Il est en effet compliqué, parfois même impossible, de constituer une liste municipale. À cette difficulté s’ajoutent, une fois l’élection terminée, les défections en cours de mandat.

En prévoyant de diminuer le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants, ce texte répond à une forte attente des élus.

Je me félicite que la commission soit allée plus loin en élargissant cette initiative aux communes de moins de 3 500 habitants tout en corrigeant les effets de bords du texte. Comme l’a souligné Mme la rapporteure, il est indispensable que cette baisse d’effectif n’emporte aucune conséquence sur le nombre d’adjoints.

Traiter le symptôme est une chose, mais n’oublions pas de traiter les causes de ce désengagement, de ce désarroi local, équation insoluble qui fragilise l’engagement jusqu’à conduire, parfois, à la démission.

À cela s’ajoutent les attentes nombreuses et légitimes de nos concitoyens et la complexité du millefeuille administratif.

Les élus municipaux sont accablés, en première ligne face au désespoir et parfois à la violence, dans un contexte général d’« élu-bashing ». Dans la Vienne, 19 maires et 147 adjoints ont ainsi démissionné depuis 2022.

Travaillons donc ensemble à la création d’un véritable statut de l’élu. J’ai la conviction que certains ministres issus de notre assemblée sauront être force de proposition en la matière. Le Sénat répondra présent. Pour qu’une réforme puisse être applicable en 2026, il faudra rapidement se saisir du sujet.

Avec cette forte attente et sous réserve que le nombre d’adjoints soit conservé, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Évelyne Perrot et Sonia de La Provôté applaudissent également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes
Article unique (fin)

Article unique

I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° La seconde colonne du tableau du second alinéa de l’article L. 2121-2 est ainsi modifiée :

a) (Supprimé)

b) À la troisième ligne, le nombre : « 11 » est remplacé par le nombre : « 9 » ;

c) (nouveau) À la quatrième ligne, le nombre : « 15 » est remplacé par le nombre : « 11 » ;

d) (nouveau) À la cinquième ligne, le nombre : « 19 » est remplacé par le nombre : « 15 » ;

e) (nouveau) À la sixième ligne, le nombre : « 23 » est remplacé par le nombre : « 19 » ;

2° Au deuxième alinéa de l’article L. 2121-2-1, le mot : « neuf » est remplacé par le mot : « sept ».

II. – Le code électoral est ainsi modifié :

1° Après le mot : « excéder », la fin de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 228 est ainsi rédigée : « trois pour les conseils municipaux comportant cinq membres et quatre pour les conseils municipaux comportant neuf membres. » ;

2° L’article L. 284 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, le mot : « onze » est remplacé par le mot : « neuf » ;

b) (nouveau) Au troisième alinéa, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « onze » ;

c) (nouveau) Au quatrième alinéa, le mot : « dix-neuf » est remplacé par le mot : « quinze » ;

d) (nouveau) Au cinquième alinéa, le mot : « vingt-trois » est remplacé par le mot : « dix-neuf ».

III. – Les I et II entrent en vigueur lors du premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la promulgation de la présente loi.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, sur l’article.

M. Henri Cabanel. Je suis assez sceptique sur cette proposition de loi. Comme l’ont souligné nombre d’entre vous, le fond du problème est l’engagement citoyen. C’est sur cette question, qui est au cœur de nos valeurs citoyennes, que nous devons travailler.

Demandons-nous d’où vient la faiblesse de l’engagement citoyen. Le statut de l’élu – il ne répond pas actuellement aux attentes – représente assurément une part importante du problème.

Posons-nous également la question des transferts de compétences des petites communes vers les communautés de communes. Bien souvent, les premières ne sont même pas représentées dans l’exécutif des secondes. À quoi bon s’engager, se demandent certains, si c’est uniquement pour régler des problèmes de voisinage ?

Nous devons enfin nous interroger sur la violence montante envers les élus locaux.

Plutôt que de rechercher une solution partielle – diminuer le nombre de conseillers municipaux –, nous devrions encourager les petites communes à se rapprocher d’autres communes en vue de la création de communes nouvelles.

Comme vous, je considère que les élus locaux constituent le socle de notre démocratie. Nous ne pouvons pas nous priver d’eux. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cette proposition de loi. (M. Guy Benarroche applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l’article.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je salue à mon tour l’engagement des conseillers municipaux, mais force est de constater – j’ai encore en mémoire mes récents échanges avec les maires et adjoints du canton de Courson-les-Carrières – les problèmes croissants qui se posent : démissions, élections partielles, etc.

Dans ce contexte, le travail engagé par l’auteur de la proposition de loi, François Bonneau, et par Nadine Bellurot pour la commission des lois est utile et intéressant. Pour autant, il n’épuise pas totalement le sujet. Henri Cabanel évoquait à l’instant des thèmes sur lesquels je reviendrai à mon tour.

Alors que j’informais les élus de l’Yonne de l’avancée des travaux du Sénat, nombre d’entre eux m’ont fait des propositions en matière d’accompagnement, de formation et de statut de l’élu. Il est vrai que, même si des progrès ont été accomplis – je pense notamment à la loi de 2019 –, beaucoup reste à faire.

De fait – nous avons lancé ce chantier avec la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie –, la mission municipale est de plus en plus complexe. Elle exige un certain nombre de compétences, qui parfois doivent être acquises et qui, lorsqu’elles le sont, doivent encore être valorisées, la fin de mandat – car elle arrive – n’étant pas suffisamment prise en compte.

Ce texte ouvre – ou rouvre – un chantier qui devra être complété par d’autres initiatives.

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, sur l’article.

M. Philippe Grosvalet. Je vous dirais bien que je ne suis « ni pour ni contre, bien au contraire », selon une formule que l’on attribue souvent à Coluche, mais qui, me semble-t-il, est celle d’un illustre ancien maire et sénateur, Jean Lecanuet. (Mme la ministre déléguée sen amuse.)

S’il suffisait de baisser le nombre d’élus pour régler la question de l’engagement citoyen dans nos communes, cela se saurait et nous l’aurions fait depuis longtemps.

Peut-être demain, ou dans dix ans, le législateur sera-t-il obligé, une fois de plus, de réduire le nombre d’élus et, à terme – pourquoi pas ? –, de réduire le nombre des communes ? Cette option est souvent évoquée dans notre pays…

Pour que, demain, nos conseils municipaux puissent se renouveler, pour qu’ils soient autre chose que de simples groupements de retraités, et pour que celles et ceux qui ont une activité professionnelle, quelle qu’elle soit, puissent continuer de s’engager, il nous faudra absolument évoquer la question du statut de l’élu.

C’est la question essentielle que nous posent nos collègues et à laquelle nombre de maires qui nous ont élus dans cette assemblée attendent une réponse.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, sur l’article.

M. Gérard Lahellec. Il m’était difficile de laisser passer ce débat sans évoquer Plussulien, une commune de 500 habitants située dans les Côtes-d’Armor, dont le maire a remis sa démission au préfet en fin de semaine dernière.

Nous sommes ici trois sénateurs, de couleurs politiques très différentes, à avoir œuvré solidairement avec lui. Rien n’y a fait : il a remis sa démission de guerre lasse, sans avoir été entendu, consécutivement à la réforme de la carte scolaire, qui a eu pour effet de déstabiliser totalement son regroupement pédagogique intercommunal (RPI) et de dégrader la qualité de son offre d’enseignement.

Bien évidemment, cette démission ne fera pas trembler la République, comme l’a écrit l’éditorialiste d’un grand quotidien régional. Mais ce dernier ajoutait également très justement : « Il faut pourtant en tenir compte. »

Au regard de nos précédents débats, je vois dans cette démission et dans ses motivations une raison supplémentaire de conforter notre abstention sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.

M. André Reichardt. À ce stade du débat, je dois dire que je suis perplexe devant ce texte, et ce pour deux raisons. La première est d’ordre général ; l’autre – cela ne vous étonnera guère – est typiquement alsacienne.

On justifie la nécessité de réduire le nombre de conseillers municipaux, d’une part par la difficulté qu’il y aurait à trouver le nombre de conseillers suffisants, d’autre part en raison de l’absentéisme de certains d’entre eux, qui, après avoir été « racolés », n’auraient pas compris l’importance de leur mission.

Je peux entendre le premier argument, mais je rejoins aussi mes collègues Hervé Maurey et Olivier Paccaud : certains maires n’ont pas cette difficulté et sont vraiment satisfaits du nombre actuel de conseillers municipaux. Nous devons respecter cela. Se passer de tant de personnes, qui rendent de précieux services, me paraît une erreur dans le contexte actuel.

La deuxième explication serait l’absentéisme. J’en viens donc, mes chers collègues, à la raison alsacienne.

Le droit local alsacien-mosellan, dont tout le monde se moque en règle générale – il n’existe que dans les trois départements de l’Est, de sorte que personne d’autre que nous ne le connaît –, permet de sanctionner toute absence injustifiée. Cette règle, que nous avons déjà évoquée dans cet hémicycle lors de l’examen du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, est rarement utilisée, mais elle existe. Elle a parfois un effet sur certaines personnes démotivées, qui, de ce fait, ne s’absentent pas.

Mes chers collègues, je reste perplexe et je vous engage à consulter le droit local alsacien-mosellan et à vous en inspirer.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, sur l’article.

M. Bernard Delcros. Je suis favorable à ce texte pour une raison essentielle : les problèmes surviennent souvent dans les petites communes de moins de 100 habitants et dans celles qui comptent entre 100 et 500 habitants.

Dans la très grande majorité des communes, l’effectif légal des conseils municipaux correspond au nombre d’élus. Dans les communes qui rencontrent des problèmes, soit en début, soit en cours de mandat, le dispositif du conseil municipal « réputé complet » s’applique pour éviter des situations difficiles, voire inextricables.

Ce dispositif offre la souplesse nécessaire pour régler les problèmes sur le terrain, même si, nous le savons bien, il ne sera pas nécessaire d’y recourir dans la très grande majorité des cas.

M. le président. La parole est à M. Jean-Gérard Paumier, sur l’article.

M. Jean-Gérard Paumier. Lors de ma campagne sénatoriale de 2023, les élus m’ont souvent interpellé sur ce sujet, mais plutôt dans les communes de moins de 1 000 habitants, jamais dans celles de 3 500 habitants.

Je souscris à ce qu’a dit mon collègue : les inquiétudes portent sur le statut de l’élu local, qui est un serpent de mer, et surtout sur l’intercommunalité, mot que je n’ai pas encore entendu dans ce débat.

De nombreux élus se sentent dépossédés de leurs compétences de proximité. Je prendrai un seul exemple : dans mon département de l’Indre-et-Loire, la plus grande intercommunalité compte 70 communes et autant de maires dans la commission des maires. Si le maire a le sentiment d’être dépossédé, c’est encore pire pour ceux qui ne sont ni maires ni adjoints au maire. Il y a là un réel problème. Il faudra revoir l’articulation entre les compétences du maire et, plus largement, des élus locaux et celles de l’intercommunalité.

En outre, ce qui me gêne, c’est qu’une mesure nationale – une toise ! – puisse s’appliquer à toutes les communes. Il faut permettre l’exercice d’une certaine liberté communale. Une équipe municipale peut décider de réduire son effectif de dix-neuf à quinze membres, mais pourquoi donc rendre obligatoire une même réduction d’effectif dans toutes les communes de même taille au même instant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, sur l’article.

M. Éric Kerrouche. Pierre-Alain Roiron a rappelé les hésitations initiales de notre groupe concernant ce texte. Les différentes interventions précédentes ont bien montré qu’il faut répondre aux attentes des élus locaux, mais qu’il faut le faire de manière composite, en adoptant plusieurs textes. La proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local me paraît être le texte le plus important. J’espère que, avec l’aide de notre nouvelle ministre Françoise Gatel, il prospérera. Nous pouvons collectivement le souhaiter.

Ensuite, nous devons nous interroger sur tous les aménagements que nous pourrions faire, quand bien même ils seraient à la marge, pour améliorer la situation des élus locaux.

Il se trouve que, en France, il y a un lien direct, à tous les niveaux, entre la démographie et le nombre de représentants. Ce lien est indéfectible de sorte qu’il est difficile d’introduire des variations en la matière.

En outre, dans le cadre de la mission flash de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux, nous avons réfléchi à l’extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Tant l’enquête confiée à l’institut CSA que les auditions que nous avons organisées avec les élus représentant les différentes associations ont montré qu’il s’agissait là d’une demande récurrente, ce qui a fini par emporter mon adhésion à titre individuel.

Permettez-moi de vous livrer quelques données chiffrées pour illustrer mon propos. Dans une commune de 300 000 habitants, un élu représente 4 348 personnes. Dans une commune de 30 000 habitants, un élu représente 769 personnes. Dans une commune de 100 habitants, un élu représente pour l’instant 14 personnes et en représenterait 20 si ce texte était adopté.

J’entends bien que les perspectives sont différentes et que les missions ne sont pas les mêmes. Mais tout de même, la dissymétrie est relativement forte et je ne pense pas qu’une baisse d’effectif poserait des difficultés, d’autant que, comme vous l’avez dit, des mesures d’équilibre ont été prévues, dont le dispositif du conseil municipal « réputé complet ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, sur l’article.

M. Jean-Marie Mizzon. La première attente des élus, c’est la création d’un statut de l’élu. À cet égard, nous comptons sur vous, madame la ministre, pour faire prospérer le texte qui la porte.

Chacun sait que toutes les communes ne sont pas homogènes, pas même celles qui appartiennent à une même strate, et que leurs besoins et leurs attentes sont parfois très différents.

Voilà pourquoi je ne voterai ce texte que si l’amendement présenté par M. Hervé Maurey, qui vise à prévoir une certaine souplesse pour prendre en compte la diversité des communes, est adopté. En outre, si le nombre d’adjoints au maire devait ne plus être celui qu’il est dans chacune des communes respectives, je ne voterais pas non plus ce texte.

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, sur l’article.

M. Christian Bilhac. La démocratie communale est malade, nous sommes tous d’accord sur ce point. Nous connaissons les symptômes : démissions et absentéisme dans les conseils municipaux, y compris des maires. Et que faisons-nous ? Nous administrons un sédatif, parce qu’il faut calmer la maladie. Moi, je préférerais que nous fassions un diagnostic.

En réalité, il a déjà été fait et nous le connaissons, soit par les études qu’ont réalisées l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et l’Association des maires ruraux de France (AMRF), soit par les travaux qui ont été effectués, ici, au Sénat.

Premièrement, la démocratie communale souffre du transfert à l’intercommunalité d’une multitude de compétences, alors que celle-ci est très vaste et que les petites communes n’y sont souvent pas représentées, si bien qu’elle est une véritable chambre d’enregistrement où le maire rural n’a plus sa place.

Deuxièmement, tous les maires le disent, ils sont étouffés par l’administration. Dès qu’ils veulent faire quelque chose, les services de l’État leur opposent des blocages qui les empêchent d’avancer. À cela il faut ajouter le manque de moyens, des délais très longs et, surtout, l’absence d’un statut de l’élu local, qui ne permet pas d’exercer le mandat. Voilà le diagnostic !

Plutôt que de travailler sur ces problèmes que rencontrent les élus communaux chaque jour, on préfère leur administrer un sédatif. On leur dit : « Calmez-vous ! Nous allons supprimer en nombre les conseillers municipaux et peut-être y arriverez-vous encore ? Quand vous n’y arriverez plus, nous en viendrons à l’élection, ou plutôt à la désignation du maire par le préfet. Mais vous continuerez, rassurez-vous, à porter l’écharpe, à célébrer les mariages, à tenir l’état civil pour les naissances et les décès, et le 8 mai, le 14 juillet et le 11 novembre, vous pourrez encore aller déposer la gerbe devant le monument aux morts. »

Parce que ce n’est pas l’idée que je me fais de la démocratie communale, je voterai contre l’administration de ce sédatif. (M. Guy Benarroche applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. Durant l’été, j’ai rencontré 270 des 280 maires que compte la Corrèze. Un grand nombre d’entre eux, dans les communes de moins de 500 habitants et surtout dans celles de moins de 100 habitants, souhaitent une diminution de l’effectif légal des conseils municipaux. Aucun d’entre eux, en revanche, ne demande une augmentation de cet effectif.

Un de mes collègues a suggéré d’encourager les petites communes à se rapprocher d’autres communes en vue de la création d’une commune nouvelle. Or il n’est pas possible de fusionner des communes, même si elles comptent moins de 50 habitants, si la population n’est pas d’accord. C’est un principe sur lequel nous devons nous montrer constants.

Je suis favorable à ce texte. Pour que les communes puissent conserver une certaine souplesse, pourquoi ne pas envisager une délibération du conseil municipal pour décider le maintien en l’état ou la baisse du nombre de conseillers municipaux six mois auparavant ?

De même, pour les adjoints au maire, on devrait prévoir une enveloppe constante et permettre au conseil municipal d’en nommer un nombre plus ou moins important.

Il faut donner plus de souplesse aux communes. Je voterai bien sûr ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, sur l’article.

Mme Anne Chain-Larché. Je suis extrêmement réservée sur ce texte. Le constat porte sur les nouvelles équipes municipales mises en place en 2020 et alors que les perspectives en 2026 s’annoncent un peu sombres.

Malgré tout, il faut se rappeler le contexte dans lequel les équipes municipales ont été constituées en 2020 : à cause de la pandémie de covid, elles ont été rassemblées avec difficulté et sans avoir beaucoup de possibilités de s’exprimer.

J’évoquerai, à titre d’exemple, le cas de mon village, qui compte moins de 1 000 habitants et 14 hameaux. Il est très important d’avoir des représentants de chaque partie du village.

De plus, lorsque le conseil municipal se réunit, il est extrêmement fréquent que le quorum soit atteint de justesse ou très légèrement dépassé. Systématiquement, les conseils municipaux s’appuient sur une base qui équivaut à peu près au quorum. Si l’on diminue l’effectif du conseil municipal, et plus on le diminuera, moins il y aura de représentants. Or le travail à effectuer est immense. Plus la commune est petite, plus l’on doit travailler et plus l’on doit être nombreux pour se répartir cette tâche.

Il me paraît donc excessif et autoritaire de passer de quinze à onze conseillers. Il est important que le maire, qui est un chef d’orchestre – nous le savons bien – rassemble autour de lui le maximum de représentants de sa commune, qui seront autant de bras bénévoles pour répondre aux besoins des administrés.

Je serai attentive aux amendements qui seront adoptés et je réserve mon vote sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.

M. Guillaume Gontard. J’irai dans le même sens que mes collègues.

Ce texte est intéressant parce qu’il pointe un réel problème, à savoir la crise démocratique que vit l’ensemble de nos communes, notamment les plus petites d’entre elles, alors même que la commune est un échelon indispensable. À travers l’action communale, le conseil municipal est le cœur battant de notre République. Nous devons donc le défendre et le conforter. Je dirai même que nous devons nous inspirer de son fonctionnement.

Cette proposition de loi pourrait paraître judicieuse, car elle part du constat que l’on a des difficultés à trouver des volontaires pour participer aux conseils municipaux. Mais diminuer le nombre des conseillers municipaux, c’est apporter une mauvaise solution à un problème réel. Mieux vaudrait souligner davantage l’intérêt de s’engager à l’échelon communal, en montrant ce qu’il est possible de faire et ce qu’un tel engagement peut apporter.

En arrière-plan se pose donc la question du statut de l’élu et de la manière dont on peut exercer un mandat. J’ai été maire d’une commune de 200 habitants et je suis toujours conseiller municipal. Exercer les fonctions de maire, tout en ayant une activité professionnelle indépendante et en menant une vie de famille n’a rien d’évident. Reprendre sa vie après avoir exercé des fonctions d’élu est également compliqué.

Voilà pourquoi nous devons nous atteler à définir les moyens qu’il faudrait donner aux élus pour qu’ils puissent participer à la vie communale. C’est une question difficile, à laquelle nous n’avons pas trouvé la réponse. En tout cas, ce n’est pas en diminuant le nombre des conseillers municipaux que nous arriverons à résoudre le problème.

Le texte prévoit de réduire de onze à neuf ou de sept à cinq l’effectif de conseillers municipaux dans certaines petites communes. Je rappelle tout de même que de toutes petites communes ont parfois des budgets très importants, je pense notamment aux régies des stations de ski. Quand un conseil municipal de cinq personnes se retrouve à gérer un budget de plusieurs millions d’euros, il y a un problème démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 9, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 7

Supprimer ces alinéas.

II. – Après l’alinéa 8

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° Après le deuxième alinéa de l’article L. 2121-2-1, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Il en va de même dans les communes de 500 à 1499 habitants, dès lors que le conseil municipal compte au moins onze membres à l’issue du second tour du renouvellement général du conseil municipal ou d’une élection complémentaire.

« Il en va de même dans les communes de 1 500 habitants à 2 499 habitants, dès lors que le conseil municipal compte au moins quinze membres à l’issue du second tour du renouvellement général du conseil municipal ou d’une élection complémentaire.

« Il en va de même dans les communes de 2 500 habitants à 3 499 habitants, dès lors que le conseil municipal compte au moins dix-neuf membres à l’issue du second tour du renouvellement général du conseil municipal ou d’une élection complémentaire. »

III. – Alinéas 11 à 15

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Il faut essayer d’améliorer cette proposition de loi. Cet amendement devrait grandement y contribuer. Il a pour objet non seulement de s’opposer à la réduction de la taille du conseil municipal, mais aussi d’étendre l’assouplissement des règles numériques pour la composition des conseils municipaux des petites communes ayant des difficultés à composer un conseil municipal complet.

Cette présomption de complétude, qui existe déjà dans les plus petites communes depuis l’adoption de la loi Engagement et proximité, doit être étendue aux communes de plus de 500 habitants et jusqu’à celles de 3 500habitants, pour mieux tenir compte de la disparité démographique entre ces différentes communes.

Le principe de complétude a l’avantage d’apporter de la souplesse à la logique des seuils sans pour autant pénaliser les communes ayant d’ores et déjà la capacité de réunir suffisamment d’élus.

Par ailleurs, la réduction pure et simple du nombre de conseillers municipaux dans les communes de 500 à 3 500 habitants, telle qu’elle est proposée par le rapporteur, pose plusieurs difficultés.

Elle aurait ainsi des conséquences sur le nombre d’adjoints, dans la mesure où chaque strate concernée pourrait perdre un adjoint. Cela aurait une incidence sur le calcul de l’enveloppe des indemnités de fonction et du budget formation, lesquels tiennent compte du nombre d’adjoints.

Cette réduction pénaliserait les communes qui ont la capacité de réunir le nombre demandé. Nous nous passerions donc volontairement d’un certain nombre d’élus et de bénévoles à cause de l’obligation de respecter les nouveaux seuils.

Elle aurait un impact sur le respect de la parité, puisque la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019 prévoit une extension de l’égal accès des femmes et des hommes aux élections des conseillers municipaux et des conseillers communautaires.

La réduction du nombre de conseillers municipaux, en plus de poser un problème démocratique, ne réglera pas la crise des vocations et les difficultés de recrutement, pas plus qu’elle ne permettra de diminuer le nombre de démissions.

Il conviendrait, en lieu et place d’une réduction du nombre de conseillers municipaux, de lutter contre le désengagement territorial de l’État dans les communes, en renforçant les ressources en ingénierie municipale pour aider les élus dans l’exercice de leur mandat et en prévoyant des ressources financières et fiscales suffisantes pour tenir compte de la complexification de leurs missions.

M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Rochette, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

a) À la deuxième ligne, le nombre : « 7 » est remplacé par les mots : « 5 à 7 » ;

II. – Alinéa 4

Remplacer le nombre :

9

par les mots :

9 à 11

III. – Alinéas 5 à 7

Supprimer ces alinéas.

IV. – Après l’alinéa 7

Insérer un nouvel alinéa ainsi rédigé :

… L’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil municipal des communes de moins de 500 habitants est composé du maximum de conseillers municipaux que l’élection aura permis de faire élire, dans les limites fixées par le présent article. »

V. – Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° L’article L. 2121-2-1 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

VI. – Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Après le mot : « excéder », la fin de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 228 est ainsi rédigée : « trois pour les conseils municipaux comportant cinq à sept membres et quatre pour les conseils municipaux comportant neuf à onze membres. » ;

VII. – Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) Au deuxième alinéa, le mot : « et » est remplacé par le mot : « à » ;

VIII.- Alinéas 13 à 15

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Cet amendement vise à donner de la liberté à la ruralité. Il vise à proposer un nombre minimal et un nombre maximal de conseillers municipaux en fonction des strates, sans rien imposer.

Mes collègues l’ont déjà dit et je souscris à leurs propos : il sera très compliqué d’aboutir à un texte polymorphe prenant en compte toutes les différences de nos 36 000 communes. Nous parviendrons sans doute à régler les problèmes à certains endroits grâce à ce texte, mais pas partout. Nous risquons au contraire de créer des situations plus compliquées encore pour les élus locaux, notamment dans des zones très rurales.

M. le président. L’amendement n° 17 rectifié decies, présenté par M. Maurey, Mme Vermeillet, M. Paccaud, Mme Billon, MM. L. Vogel, J.P. Vogel, Lafon, Grand, Henno, de Nicolaÿ, Chasseing, Belin, Pillefer, Courtial et Reichardt, Mmes O. Richard et Demas, M. Brault, Mmes Guidez et Morin-Desailly, M. Fargeot, Mme Gacquerre, M. Levi, Mmes Antoine et Vérien, MM. P. Martin, Menonville, Chauvet, Houpert et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

I – Alinéa 3

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

a) À la deuxième ligne, le chiffre : « 7 » est remplacé par les mots : « 5 ou 7 » ;

II. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

le nombre : « 9 »

par les mots :

les mots : « 9 ou 11 »

II. – Alinéa 5

Remplacer les mots :

le nombre : « 11 »

par les mots :

les mots : « 11 ou 15 »

III. – Alinéa 6

Remplacer les mots :

le nombre : « 15 »

par les mots :

les mots : « 15 ou 19 »

IV. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

le nombre : « 19 »

par les mots :

les mots : « 19 ou 23 »

V. – Après l’alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… L’article L. 2121-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’effectif municipal des communes de moins de 3 500 habitants est défini par délibération du conseil municipal dans la limite des valeurs prévues à l’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales, au plus tard, 6 mois avant le renouvellement général des conseils municipaux. » ;

VI. – Alinéa 12

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« – un délégué pour les conseils municipaux de cinq à onze membres ; »

VII. – Alinéa 13

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« – trois délégués pour les conseils municipaux dont le nombre de membres est supérieur à onze et inférieur à quinze ; »

VIII. – Alinéa 14

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

c) Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

« – cinq délégués pour les conseils municipaux dont le nombre de membres est supérieur à quinze et inférieur dix-neuf ; »

IX. – Alinéa 15

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

d) Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« – sept délégués pour les conseils municipaux dont le nombre de membres est supérieur à dix-neuf et inférieur à vingt-trois ; ».

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Je serai bref, car je me suis déjà exprimé sur le sujet lors de la discussion générale.

Cet amendement vise à apporter de la souplesse. Certains élus souhaitent une réduction de l’effectif de leur conseil municipal soit parce qu’ils ont du mal à constituer des listes de candidats, soit parce qu’ils considèrent que cela leur permettra d’atteindre plus facilement le quorum. Mais d’autres ne le souhaitent pas du tout.

En plus des arguments que j’ai déjà exposés – j’ai notamment expliqué que l’on a souvent besoin de volontaires pour participer à la vie locale ou pour tenir les bureaux de vote –, je reprendrai ce qu’a dit Mme Chain-Larché : quand un territoire compte de nombreux hameaux, il est important que l’ensemble du territoire puisse être représenté.

Certains maires – j’y insiste – vivent très mal la diminution généralisée de l’effectif des conseils municipaux. Ils s’interrogent : « Pourquoi nous faire ça, alors qu’il s’agit d’élus bénévoles ? C’est encore un mauvais coup porté à la ruralité ! »

Je propose donc d’introduire de la souplesse. Le nombre de conseillers municipaux serait fixé par le conseil municipal dans les six mois précédant la fin du mandat et pour le mandat suivant. Il serait compris dans une fourchette limitée, définie en fonction du droit actuel et du tableau proposé par la commission des lois.

Tel est l’objet de cet amendement qui, je le précise, sera sans effet sur le collège électoral.

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par M. Paccaud, Mme Valente Le Hir, M. Maurey, Mme Estrosi Sassone, MM. Karoutchi et E. Blanc, Mmes Belrhiti et Noël, MM. Frassa, Panunzi et Houpert, Mme Loisier, MM. Sol, Verzelen, Bruyen, Burgoa, Anglars, Khalifé, Bouchet, Longeot et Klinger, Mme Josende, M. Saury, Mmes Borchio Fontimp et Lassarade et MM. Nougein, Mizzon, A. Marc, Belin et Chasseing, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

a) À la deuxième ligne, le nombre : « 7 » est remplacé par les mots : « 5 ou 7 » ;

II. – Alinéa 4

Remplacer le chiffre :

9

par les mots :

7, 9 ou 11

III. – Alinéa 5

Remplacer le nombre :

11

par les mots :

11, 13 ou 15

IV. – Alinéa 6

Remplacer le nombre :

15

par les mots :

15, 17 ou 19

V. – Alinéa 7

Remplacer le nombre :

19

par les mots :

19, 21 ou 23

II. – Après l’alinéa 8

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 2121-2-1 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Dans les communes de moins de cent habitants, le Conseil municipal pourra, par délibération, décider de fixer le nombre de conseillers municipaux à cinq ou sept.

« Dans les communes comptant entre cent et cinq-cents habitants, le Conseil municipal pourra, par délibération, fixer le nombre de conseillers municipaux à sept, neuf ou onze.

« Dans les communes comptant entre cinq-cents et mille cinq cents habitants, le Conseil municipal pourra, par délibération, fixer le nombre de conseillers municipaux à onze, treize ou quinze.

« Dans les communes comptant entre mille cinq cents et deux mille cinq cents habitants, le Conseil municipal pourra, par délibération, fixer le nombre de conseillers municipaux à quinze, dix-sept ou dix-neuf.

« Dans les communes comptant entre deux mille cinq cents et trois mille cinq cents habitants, le Conseil municipal pourra, par délibération, fixer le nombre de conseillers municipaux à dix-neuf, vingt-et-un ou vingt-trois. »

III. – Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) Au deuxième alinéa, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « cinq ».

La parole est à M. Olivier Paccaud.

M. Olivier Paccaud. Comme Hervé Maurey, je propose d’introduire de la souplesse, mot qui nous plaît beaucoup !

Il y a quelques minutes, dans cet hémicycle, lors de la séance des questions d’actualité au Gouvernement, le Premier ministre a évoqué le transfert de la compétence eau et assainissement et a indiqué que nous allions passer de l’obligatoire à l’optionnel : on s’en est réjoui sur quasiment toutes les travées ! En effet, une décision prise par le terrain vaut toujours mieux que la « toise », pour reprendre l’expression de Jean-Gérard Paumier.

Je propose donc non pas d’imposer une baisse d’effectif, mais de permettre aux communes de réduire ou de conserver le nombre de conseillers municipaux, en fonction de leurs besoins.

J’ajoute que l’argument avancé par Anne Chain-Larché au sujet des hameaux concerne en réalité de très nombreuses communes. Ainsi, dans mon département de l’Oise, bien des communes sont composées de hameaux en nombre supérieur aux doigts d’une main. Dès lors, réduire le nombre des bonnes volontés issues des différents hameaux pose un réel problème de représentativité géographique.

Enfin, je propose – et je ne suis pas le seul, car c’est important – que ce soit le conseil municipal qui décide lui-même de maintenir le nombre de ses membres à quinze ou de le faire passer à onze, éventuellement à treize.

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Rochette, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

a) À la deuxième ligne, le chiffre : « 7 » est remplacé par les mots : « 5 à 7 » ;

II. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

le nombre : « 9 »

par les mots : « 9 à 11 »

III. – Alinéa 5

Remplacer le nombre :

11

par le nombre :

12

II. – Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° L’article L. 2121-2-1 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

III. – Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

3° L’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil municipal des communes de moins de 500 habitants est composé du maximum de conseillers municipaux que l’élection aura permis de faire élire, dans les limites fixées par le présent article. »

IV. – Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Après le mot : « excéder », la fin de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 228 est ainsi rédigée : « trois pour les conseils municipaux comportant cinq à sept membres et quatre pour les conseils municipaux comportant neuf à onze membres. » ;

V. – Alinéas 12 et 13

Rédiger ainsi ces alinéas :

a) Au deuxième alinéa, le mot : « et » est remplacé par le mot : « à » ;

b) Au troisième alinéa, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « douze » ;

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Il s’agit d’un amendement de repli.

M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. C. Vial, de Nicolaÿ et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et Bouchet, Mme Dumont, MM. Frassa et Grosperrin, Mmes Gruny, Jacques, Josende, Joseph, Malet et Micouleau et M. Sol, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) À la troisième ligne de la première colonne, le nombre : « 499 » est remplacé par le nombre : « 999 » ;

II. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

c) À la quatrième ligne de la première colonne, les mots : « 500 à 1 499 » sont remplacés par les mots : « 1 000 à 1 999 » ;

III. – Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

d) À la cinquième ligne du tableau, les mots : « 1 500 à 2 499 » sont remplacés par les mots : « 2 000 à 3 499 » et le nombre : « 19 » est remplacé par le nombre : « 23 » ;

IV. – Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

e) La sixième ligne est supprimée ;

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Cet amendement respecte l’esprit de la proposition de loi, qui prévoit de réduire le nombre de conseillers municipaux, mais il vise à ajuster les seuils en les faisant coïncider avec celui au-delà duquel le régime électoral change.

En effet, comme vous le savez, dans les communes de moins de 1 000 habitants, le suffrage uninominal s’applique, alors que l’élection se fait au scrutin proportionnel dans celles de plus de 1 000 habitants.

Le texte issu de la commission prévoit de fixer à onze le nombre de conseillers municipaux dans les communes comptant de 500 à 1 500 habitants. Par conséquent, dans une commune de 1 000 à 1 500 habitants, le conseil municipal risque d’être composé de huit élus majoritaires et de trois élus d’opposition, ou bien de neuf élus majoritaires et de deux élus d’opposition. En revanche, dans une commune de moins de 1 000 habitants, où l’élection se fait au suffrage uninominal ou plurinominal, le conseil municipal sera composé de onze élus majoritaires.

Le même score donnera donc onze élus majoritaires dans une petite commune et seulement huit ou neuf dans une commune plus importante. Or c’est dans les communes un peu plus grandes que le conseil municipal a besoin d’une majorité effective.

Je propose donc de retenir le seuil de 1 000 habitants à partir duquel le mode de scrutin évolue et devient proportionnel. Cet amendement vise à conserver le nombre de onze conseillers municipaux fixé dans le texte dans les communes de moins de 1 000 habitants et de le porter à quinze conseillers municipaux dans les communes de plus de 1 000 habitants. Il contribuera à simplifier la logique de seuils proposée dans le texte et à mieux adapter les mesures à la réalité du terrain.

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

c) La quatrième ligne du tableau est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

« 

De 500 à 999 habitants

11

« 

De 1000 à 1 499 habitants

15

 » ;

II. – Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

III. – Alinéa 13

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) Au troisième alinéa, après le mot : « de » sont insérés les mots : « onze et » ;

IV. – Alinéas 14 et 15

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Dans la lignée de ce que vient d’expliquer Cédric Vial, cet amendement vise à dissocier les communes de moins de 1 000 habitants de celles de plus de 1 000 habitants. En effet, ces deux types de communes ne fonctionnent pas tout à fait de la même manière.

J’ai moi aussi interrogé des maires de mon département et c’est plutôt dans les très petites communes qu’il est difficile de recruter des candidats en nombre suffisant. Certains de mes collègues l’ont mentionné, quand le nombre de candidats représente 10 % de la population, l’effort à fournir est important. Le problème se pose moins dans les communes de plus grande taille.

De plus, alors que les élus ont à effectuer un travail de plus en plus complexe, on voit mal comment leur charge pourrait être moins lourde si leur nombre diminuait. La réduction du nombre des conseillers municipaux pourrait très vite se révéler être une mauvaise idée.

Enfin, nous devons nous interroger sur les raisons de la crise de l’engagement, qui est réelle. Le texte portant création d’un statut de l’élu local est, de ce point de vue, parfaitement bienvenu. Toutefois les raisons de cette crise ne peuvent pas s’expliquer par la seule absence d’un statut de l’élu ou par le trop grand nombre d’élus siégeant dans les conseils municipaux.

En effet, comme l’a dit mon collègue Gérard Lahellec, alors que, trois jours avant la rentrée scolaire, un maire ne sait toujours pas si une classe menacée sera maintenue ou fermée, alors que les communes sont récompensées de l’effort financier qu’elles font pour maintenir la présence postale sur leur territoire par une diminution des crédits de l’État, alors que les collectivités territoriales sont pointées du doigt – et cela arrive bien trop souvent aujourd’hui – comme étant les principales responsables des déficits et des dérapages budgétaires, on comprend que cela dissuade fortement l’engagement.

Nous devons redonner du sens au mandat d’élu local afin que tous les élus se sentent utiles et le soient réellement. C’est ainsi que nous parviendrons à susciter de nouveaux engagements.

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par Mmes Pluchet, Dumont, Josende, Gruny et P. Martin, MM. Lefèvre, de Legge et de Nicolaÿ, Mme Joseph, M. Pellevat, Mme Demas, M. Burgoa, Mme F. Gerbaud, M. Belin, Mme Borchio Fontimp, MM. Saury et Bouchet, Mme Muller-Bronn et MM. Reynaud et Houpert, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Remplacer le nombre :

11

par le nombre :

13

II. – Après l’alinéa 8

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° Le même article L. 2121-2-1 est ainsi modifié :

…) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il en va de même dans les communes de 500 à 999 habitants, dès lors que le conseil municipal compte au moins onze membres à l’issue du second tour du renouvellement général du conseil municipal ou d’une élection complémentaire » ;

…) Au troisième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».

III. – Alinéa 13

Après le mot :

onze

insérer les mots :

et treize

La parole est à Mme Kristina Pluchet.

Mme Kristina Pluchet. Réduire trop vite l’effectif du conseil municipal pourrait avoir un effet contraire à celui qui est recherché. Au travers de cet amendement, nous proposons d’avancer en douceur et d’atténuer la réduction de l’effectif proposée par la commission des lois en portant de onze à treize le nombre de conseillers municipaux pour la strate des communes comptant de 500 à 1 499 habitants.

Comme cette strate recouvre deux modes de scrutin différents, cet amendement vise également à introduire davantage de souplesse pour les communes de moins de 1 000 habitants, qui pourront, en cas de manque de candidats, se contenter de onze conseillers, ce qui correspond au texte de la commission des lois.

Il s’agit donc d’un amendement de bon sens grâce auquel nous entendons offrir de la flexibilité aux communes et ne pas les pénaliser, tout en évitant de créer une pénurie de conseillers municipaux.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 15 rectifié est présenté par MM. Kerrouche, Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 19 rectifié est présenté par Mme de La Provôté et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° 21 rectifié est présenté par MM. Pointereau, Karoutchi et Reynaud, Mme Noël, MM. Daubresse, Reichardt et Burgoa, Mme Joseph, MM. Panunzi, Hugonet et Somon, Mme Belrhiti, MM. Sautarel, Frassa, J.P. Vogel, Cambon, de Nicolaÿ et Sido, Mmes Berthet et Puissat, M. Bas, Mme Josende, MM. Bouchet et Milon, Mme Gruny, MM. E. Blanc et D. Laurent, Mme Imbert, MM. C. Vial et Gueret, Mmes Bellamy, Dumont et Micouleau et M. Houpert.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :

2° L’article L. 2121-2-1 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, le mot : « neuf » est remplacé par le mot : « sept » ;

b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il en va de même dans les communes de 500 à 999 habitants, dès lors que le conseil municipal compte au moins neuf membres à l’issue du second tour du renouvellement général du conseil municipal ou d’une élection complémentaire. » ;

c) À l’avant-dernier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

d) Le dernier alinéa est complété par les mots : « et ceux des communes mentionnées au troisième alinéa du présent article élisent trois délégués ».

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.

M. Éric Kerrouche. Un certain nombre de mes collègues souhaitent introduire de la souplesse dans l’évolution des effectifs. Toutefois, il faut distinguer la souplesse souhaitable de la souplesse possible.

Encore une fois, quand il s’agit de représentation, une trop grande variation du nombre de conseillers municipaux pour des populations équivalentes serait nécessairement inconstitutionnelle. Ce principe est difficilement contournable, car il constitue la base de tout le système de représentation français.

Néanmoins, si nous voulons introduire de la souplesse, il existe des moyens de le faire. En effet, dans le cadre de la mission d’information flash de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation que nous avons menée avec Françoise Gatel, Nadine Bellurot et Didier Rambaud, il est apparu qu’il était possible d’introduire de la souplesse en faisant en sorte que le dispositif du « réputé complet » s’applique non seulement dans les communes de moins de 500 habitants, mais également dans la strate de celles de 500 à 1 000 habitants.

Cette mesure est envisageable parce qu’elle produirait une homogénéité – elle ne serait donc pas contestable constitutionnellement –, tout en introduisant la souplesse dont nous convenons tous qu’elle est vraiment requise.

M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.

Mme Sonia de La Provôté. L’objet de cet amendement est de permettre au conseil municipal des communes de 500 à 1 000 habitants d’être « réputé complet ».

Cet assouplissement est déjà prévu dans la loi Engagement et proximité de 2019 pour les communes de moins de 500 habitants et les travaux transpartisans de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont montré qu’il était nécessaire de l’étendre. Cet amendement est soutenu par le groupe Union Centriste. Il est de nature à simplifier la vie démocratique. Il permettra d’éviter les réélections dans des communes de 1 000 habitants, qui ont si souvent lieu depuis le début de cette mandature, faute d’effectifs.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.

M. André Reichardt. Cet amendement a pour objet d’étendre aux communes de 500 à 999 habitants le dispositif dérogatoire adopté en 2019 dans la loi Engagement et proximité, qui ne concerne pour l’instant que les communes de moins de 500 habitants. Il s’agit du dispositif « réputé complet » dont nous avons déjà parlé.

M. le président. L’amendement n° 24, présenté par Mme Bellurot, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

sept

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel tendant à corriger une petite erreur matérielle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements en discussion commune ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Avant d’entrer dans ce tunnel d’amendements, je tiens à remercier l’ensemble de nos collègues. Nous avons tous à cœur d’accompagner au mieux nos élus locaux, de favoriser leur engagement dans toutes les communes, quelles qu’elles soient. Le Sénat a déjà beaucoup travaillé sur cette question.

Nous appelons évidemment tous de nos vœux la création d’un statut de l’élu. Il est par ailleurs important de contribuer à une meilleure formation des maires, tout comme il est primordial de revaloriser le métier de secrétaire de mairie – nous avons d’ailleurs adopté un texte en ce sens ici même –, le binôme formé par le maire et le secrétaire de mairie étant essentiel dans nos communes rurales. Souvenez-vous aussi que le Sénat a adopté une proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux afin de lutter contre les violences.

C’est en fait un environnement général que nous tentons de mettre en place dans la perspective d’aider les élus, plus particulièrement les élus ruraux qui, plus que les autres, sont confrontés – nous l’avons constaté – à ces difficultés.

S’il est vrai que, dans de nombreuses communes, les élus font preuve d’un grand dynamisme, force est de constater que la présente proposition de loi répond à une demande. C’est en tout cas ce que nous ont dit les différents interlocuteurs auxquels nous avons eu affaire à l’occasion de nos travaux préparatoires. Je pense plus particulièrement aux représentants de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et, surtout, au président de l’Association des maires ruraux de France, M. Fournier, avec qui nous avons beaucoup travaillé.

Grâce à ce travail, nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait étendre la baisse de l’effectif légal proposée par l’auteur de la proposition de loi pour les communes de moins de 500 habitants aux communes de moins de 3 500 habitants. C’est du moins la mesure qui s’approche le plus de ce qui nous avait été demandé.

J’ajoute qu’un sondage commandé par la délégation aux collectivités territoriales démontrait qu’il existait un réel besoin d’accompagnement des élus des communes de moins de 3 500 habitants.

Nous ne prétendons pas qu’il s’agit d’une solution évidente ; il est avant tout question de répondre à l’actuel besoin d’engagement des élus et de mieux les accompagner. Le texte doit pouvoir les aider à constituer plus facilement leur liste, même s’il y aura toujours des exceptions.

Permettez-moi également de rappeler, afin que vous l’ayez bien en tête, que, dans les communes de plus de 1 000 habitants, les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste et qu’il est possible d’ajouter deux noms supplémentaires aux listes de candidats. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, le panachage est encore en vigueur. Aussi la question se pose-t-elle d’étendre le scrutin de liste à ces communes.

Cela étant dit, nous avons fait en sorte de rétablir le dispositif du conseil municipal « réputé complet » pour les communes de moins de 500 habitants, comme cela nous a été demandé à plusieurs reprises, en particulier par l’AMRF, et ce pour éviter la multiplication des élections. Dans les communes de moins de 100 habitants, pour lesquelles l’effectif légal est de sept conseillers municipaux, le conseil municipal sera réputé complet dès lors que cinq conseillers auront été élus ; dans les communes de 100 à 499 habitants, il le sera dès lors que sept conseillers municipaux auront été élus – l’effectif légal étant de neuf conseillers.

J’en viens aux amendements.

La commission est défavorable à l’amendement n° 9, car il tend à revenir sur la diminution du nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants, ce qui est totalement contraire à la position de la commission.

J’entends l’argument selon lequel cette mesure ne règle pas la crise des vocations, et vous savez que nous sommes favorables à la mise en place d’un statut de l’élu pour tenter d’enrayer ce phénomène. Mais, dans l’attente de la mise en place d’une telle réforme, j’estime qu’il est essentiel de permettre aux communes rurales de fonctionner malgré la raréfaction des vocations.

Par ailleurs, l’extension de la présomption de complétude des conseils municipaux à l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants serait complexe à mettre en œuvre, dans la mesure où c’est le scrutin de liste qui prévaut, je le répète, dans les communes de plus de 1 000 habitants – et ce qui permet, j’y insiste, de faire figurer sur les listes deux candidats de plus que le nombre de sièges à pourvoir.

La commission est également défavorable aux amendements nos 7, 17 rectifié decies, 16 et 8, parce qu’ils visent à instaurer un nombre de conseillers municipaux variable selon les communes. Une telle latitude est évidemment tentante, mais elle pose une difficulté de principe. En effet, la loi impose de fixer un nombre défini de conseillers municipaux par strate de population, même si une certaine souplesse peut être envisagée. De plus, ces quatre amendements sont déjà satisfaits pour les communes de moins de 500 habitants.

Le dispositif de la commission prévoit que le conseil municipal d’une commune de moins de 100 habitants doit normalement compter sept conseillers municipaux, mais qu’il peut être réputé complet s’il n’en comporte que cinq, et que celui d’une commune de moins de 500 habitants doit en compter neuf, mais qu’il peut être réputé complet avec seulement sept élus.

Le dispositif du conseil municipal « réputé complet » est par ailleurs plus robuste juridiquement et a déjà été validé par le Conseil constitutionnel. Il est donc préférable de conserver cette disposition, d’autant qu’elle atteint les objectifs visés par les auteurs des différents amendements.

Envisager de faire varier le nombre de conseillers municipaux est évidemment alléchant, mais un tel dispositif, à moins de modifier la Constitution, poserait problème, car le nombre de conseillers municipaux, qui doit refléter la démographie de la commune, pourrait ainsi varier assez largement, sans lien avec le nombre d’habitants. Une commune de 150 habitants pourrait avoir le même nombre de conseillers municipaux qu’une commune de 1 400 habitants, alors qu’elles sont de taille différente.

En outre, ce dispositif créerait une rupture d’égalité injustifiée : le nombre de conseillers municipaux dans les communes de plus de 3 500 habitants continuerait d’être fixé par la loi, tandis que les communes de moins de 3 500 habitants pourraient choisir l’effectif de leur conseil municipal.

Enfin, certains de ces amendements ont pour objet de supprimer la diminution des effectifs des conseils municipaux des communes comptant entre 500 et 3 500 habitants, ce qui est contraire à la position de la commission. Ces communes sont elles aussi confrontées à des difficultés pour constituer leur équipe municipale. Il faut également leur permettre de réduire leur effectif.

La commission est défavorable à l’amendement n° 13 rectifié, car il a pour objet de modifier considérablement les strates démographiques qui déterminent l’effectif légal des conseils municipaux. Il vise en effet à instaurer une nouvelle strate démographique pour tenir compte du fait que les communes de plus de 1 000 habitants sont soumises au scrutin de liste. Or ce mode de scrutin n’est pas le sujet aujourd’hui.

Par ailleurs, si une telle disposition était adoptée, une commune de 2 200 habitants, qui compte aujourd’hui dix-neuf conseillers municipaux, verrait son effectif légal augmenter, puisqu’elle compterait vingt-trois conseillers municipaux. Dans cette perspective, l’amendement est contraire à la position de la commission.

De la même façon, la commission est défavorable à l’amendement n° 6, puisqu’il tend à supprimer la baisse du nombre de conseillers municipaux prévue par la commission pour les communes de 1 000 à 3 500 habitants.

Je rappelle que nous avons retenu ce seuil de 3 500 habitants au terme d’un travail de longue haleine mené de concert avec la délégation aux collectivités territoriales. Lors d’échanges nourris avec des représentants de l’AMRF et de l’AMF, ceux-ci nous ont répété que les difficultés se concentraient dans les communes de moins de 3 500 habitants, et non dans les plus grandes villes où s’exprime un réel besoin de représentativité des associations, des commerces et des quartiers.

Comme l’a souligné notre collègue Anne Chain-Larché, il est tout aussi important que l’ensemble des hameaux puissent être représentés au sein des conseils municipaux des plus petites communes, ce que nous avons tenté de prendre en compte à travers notre dispositif.

J’ai moi-même été maire d’une commune de 2 000 habitants, dont le conseil municipal comptait dix-neuf conseillers. Si ce texte était adopté, ce conseil ne comporterait plus demain que quinze conseillers, auxquels on pourrait ajouter deux candidats supplémentaires, comme je l’ai déjà expliqué s’agissant d’une commune de plus de 1 000 habitants. Notre dispositif permettrait donc d’assurer une représentativité satisfaisante du territoire.

La commission est aussi défavorable à l’amendement n° 4 rectifié, parce qu’il vise à fixer à treize l’effectif légal de conseillers municipaux des communes comptant entre 500 et 1 500 habitants, contre onze dans le texte de la commission.

Une diminution de deux conseillers municipaux nous semble insuffisante à la fois pour faire face aux difficultés de réunir l’effectif légal et pour combler les nombreuses démissions intervenant en cours de mandat.

Nous en sommes convenus avec Kristina Pluchet, avec qui j’ai longuement discuté de cette mesure ce matin, l’amendement est déjà partiellement satisfait pour les communes comptant entre 500 et 1 000 habitants, puisqu’il leur est déjà possible de fixer un effectif légal de neuf conseillers…

Mme Kristina Pluchet. Vous faites erreur !

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Au temps pour moi : ce sont les communes comptant entre 1 000 et 1 499 habitants qui, grâce au dispositif proposé par la commission, disposent déjà d’une liste comportant treize noms – l’effectif légal étant fixé à onze conseillers municipaux, plus les deux noms supplémentaires.

J’anticipais une évolution à laquelle la commission est favorable, à savoir l’extension du principe de complétude aux seules communes de 500 à 999 habitants, dans lesquelles le conseil municipal doit aussi compter onze conseillers municipaux, mais qui pourrait être réputé complet s’il ne comportait que neuf conseillers municipaux.

C’est précisément ce que visent à faire les trois amendements identiques nos 15 rectifié, 19 rectifié et 21 rectifié, auxquels la commission est en conséquence favorable. Cette mesure répond à une demande de l’AMF, qui souhaite laisser davantage de latitude à cette strate de communes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. De manière générale, chacun a conscience des difficultés auxquelles nous faisons face quand il est question de seuils. Certaines décisions en la matière peuvent sembler quelque peu monolithiques. En même temps, chacun se positionne en fonction de son histoire, de sa connaissance d’un tissu rural ou urbain. Il y a un peu moins de 35 000 communes en France : il existe donc autant de situations différentes.

Je comprends les arguments que les uns et les autres ont défendus, même si, comme le souligne Mme la rapporteure, je considère que nous ne pouvons pas faire fi du principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage, qui implique que nous ne puissions différencier que par strates démographiques les modalités d’élection et le nombre de conseillers municipaux.

Laisser à chaque conseil municipal la possibilité de décider combien il lui faut de conseillers, y compris avant une élection, ne me semble pas judicieux.

Vous le savez, je suis respectueuse des élus locaux, mais comment expliquer aux citoyens de deux communes de même taille que le nombre des conseillers municipaux qu’ils élisent n’est pas le même ? Sans compter que ce nombre pourrait varier à chaque renouvellement électoral…

Il s’agit de surcroît d’une mesure extrêmement fragile juridiquement, et je ne suis pas non plus certaine que les conseils municipaux parviennent à se mettre d’accord en interne.

Sur ce sujet, nous apportons les uns et les autres des réponses manifestement différentes. Pour autant, la proposition de François Bonneau, à laquelle le Gouvernement souscrit sur un certain nombre de points, comme vous l’avez compris, ne doit pas être perçue comme une résignation ni comme une reddition en pleine campagne. Chacun cherche à trouver des solutions pour renforcer l’engagement local, qu’il s’agisse d’ailleurs de l’engagement municipal ou de l’engagement associatif – c’est la même chose, tant la société est profondément bouleversée aujourd’hui.

Cela étant, nous croyons tous à la force d’une représentation citoyenne dans nos communes. Les propositions tendant à étendre la présomption de complétude et à faire baisser, par strates, le nombre de conseillers municipaux sont toutes sécurisées juridiquement.

Enfin, comme vous l’avez rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat a été très allant sur le sujet. Nous disposons aujourd’hui d’une batterie d’outils pour faciliter la vie des élus : je pense à la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, adoptée sur l’initiative de l’ancien président de la commission des lois du Sénat, à la proposition de loi transpartisane portant création d’un statut de l’élu local, qui mérite de prospérer, à la loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, ainsi qu’à toutes les réflexions en cours. Je ne parlerai pas de la complexité des normes, à laquelle il va bien falloir qu’on s’attelle un jour…

Tout le travail effectué sur ce texte a été entériné par les associations d’élus, lesquelles considèrent qu’il n’est pas nécessaire de modifier la loi pour les communes de plus de 3 500 habitants – même s’il y aura toujours quelques cas particuliers.

J’en viens aux amendements à proprement parler.

Cher Guy Benarroche, avec l’amendement n° 9, vous souhaitez étendre le bénéfice de la présomption de complétude aux communes de 500 à 3 500 habitants. Or nous ne sommes favorables à son extension que pour toutes les communes de moins de 1 000 habitants. Le travail très nourri effectué depuis des années par la commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales, ici même au Sénat, montre qu’il n’est pas possible de traiter de la même manière les communes de 3 500 habitants et les plus petites collectivités. Aucune difficulté ne nous a en effet été remontée pour cette strate démographique. Avis défavorable.

Cher Pierre Jean Rochette, vous avez compris que le dispositif de votre amendement n° 7, qui consiste à laisser chacun décider de ce qu’il veut, n’est pas envisageable. Les strates démographiques sont figées par la Constitution.

J’entends certes votre générosité et votre volonté d’être innovant, …

M. Pierre Jean Rochette. Ah, tout de même ! (Sourires.)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. … mais cette innovation ne franchira pas le mur du Sénat. Avis défavorable.

Cher Hervé Maurey, mon avis sera identique sur votre amendement n° 17 rectifié decies. Il est plus prudent de conserver les strates démographiques existantes, d’autant qu’elles déterminent les droits et dispositifs dont peuvent bénéficier les collectivités. Votre amendement, s’il était adopté, provoquerait une rupture d’égalité manifeste entre les communes en termes de représentation – je vois les professeurs de droit opiner du chef. J’émets avec regret un avis défavorable sur votre amendement, car je tiens à sécuriser l’exercice.

Cher Olivier Paccaud, j’ai adoré la « fonte des glaces citoyennes » à laquelle vous faites allusion dans l’objet de votre amendement n° 16. J’apprécie votre prose. En revanche, j’apprécie moins le dispositif que vous proposez (Sourires.), ce qui n’enlève rien à l’amitié que je vous porte.

Selon moi, il n’est pas possible d’étendre la présomption de complétude aux communes de plus de 1 000 habitants : votre proposition est très innovante, mais elle introduirait une forme d’insécurité juridique. Sans compter, j’y insiste, qu’il n’est pas certain qu’une majorité se dessine au sein de tous les conseils municipaux – il n’est qu’à voir l’absence de majorité ici même au Sénat – sur telle ou telle évolution. Certains seront favorables à une augmentation de l’effectif ; d’autres plaideront au contraire pour une baisse.

M. Olivier Paccaud. C’est ce qu’on appelle la démocratie ! Il est normal de voter !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Je rappelle de surcroît que, en vertu de la Constitution, c’est le législateur qui détient seul cette compétence. Nous avons une différence d’approche, monsieur le sénateur. Avis défavorable.

Cher Pierre Jean Rochette, compte tenu de votre vivacité d’esprit habituelle, vous avez spontanément déduit l’avis du Gouvernement sur votre amendement n° 8. Je me dispenserai donc de le donner. (Sourires.)

Pour ce qui est de l’amendement n° 13 rectifié, je respecte totalement l’ambition du sénateur Vial, même si son dispositif ne convient pas du tout au Gouvernement. En effet, cet amendement vise à modifier les strates, ce qui, d’après moi, crée un risque. Aucune étude d’impact n’a été publiée sur les effets de ce dispositif, ce que les élus n’apprécieront pas. En outre, et c’est original, son amendement vise à augmenter le nombre de conseillers municipaux, ce qui est contraire à notre position. Avis défavorable.

Chère Céline Brulin, pour les mêmes raisons – il ne faut pas trop donner dans la fantaisie –, j’émets aussi un avis défavorable sur votre amendement n° 6.

Chère Kristina Pluchet, le dispositif que vous proposez constitue une amélioration en comparaison des autres dispositions dont nous débattons. Toutefois, il pose problème sur le plan constitutionnel. Aussi, je vous invite, madame la sénatrice, à retirer votre amendement n° 4 rectifié ; à défaut, j’y serai défavorable.

Pour finir, j’émets un avis favorable sur les amendements identiques nos 15 rectifié, 19 rectifié et 21 rectifié. L’extension de la présomption de complétude aux communes de 500 à 1 499 habitants me semble intéressante et traduit une approche équilibrée de la question.

Pour finir, madame la rapporteure, il n’y a aucun tort à déposer un amendement de coordination : avis favorable sur l’amendement n° 24.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. J’ai bien entendu les réponses de la rapporteure et de la ministre. Le principal argument invoqué pour rejeter nos amendements repose sur leur éventuelle inconstitutionnalité.

Or bien malin qui pourrait deviner la position du Conseil constitutionnel, même s’il possède une boule de cristal. Ici, au Sénat, nous sommes bien placés pour le savoir, puisque nous avons fait voter, à une très large majorité, tout un tas de mesures – dans la loi Immigration par exemple – dont beaucoup ont été retoquées par le juge constitutionnel. Pourtant, on ne peut pas qualifier ceux qui avaient voté ces dispositions de « bande d’imbéciles ».

J’observe par ailleurs une contradiction dans votre raisonnement. Vous insistez sur le fait que le dispositif du conseil municipal « réputé complet » et la possibilité de présenter deux candidats supplémentaires sur les listes permettent déjà de disposer d’une forme de souplesse. Or n’ont-ils pas été jugés conformes à la Constitution ? Oui ou non ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Ce n’est pas la même chose !

M. Olivier Paccaud. Nadine Bellurot a elle-même insisté sur le risque juridique qu’avait fait peser le dispositif du conseil municipal « réputé complet » ; celui-ci avait été examiné par le Conseil constitutionnel et finalement été validé. Alors, pourquoi nous empêcher de faire adopter ces amendements ? Pourquoi empêcher le juge de se prononcer sur leur constitutionnalité ?

Enfin, vous insistez sur l’existence d’une différenciation entre les communes selon le nombre de leurs habitants. Mais prenons l’exemple des communes de 5 000 à 9 999 habitants : elles ont beau être très différentes, elles n’en comptent pas moins – je vais peut-être vous l’apprendre – le même nombre de conseillers municipaux : vingt-neuf.

Alors, prenons le risque de soumettre les mesures que mes collègues et moi-même présentons au Conseil constitutionnel !

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. J’ai cosigné l’amendement n° 17 rectifié decies d’Hervé Maurey, à la fois parce qu’il vise à introduire de la souplesse et parce qu’il contribue à la mise en œuvre d’une différenciation, qui est tout particulièrement chère à M. le Président de la République, lequel ne l’aura malheureusement pas beaucoup mise en pratique jusqu’à présent.

Pour ce qui est de la souplesse, il a clairement été dit qu’un certain nombre de maires de petites communes ne voyaient pas l’intérêt de procéder à une réduction du nombre de leurs conseillers municipaux. Il n’y a donc pas de raison particulière de les forcer à réduire ce nombre, d’autant que ces derniers ont, jusqu’ici, rendu service et ont été tout à fait à la hauteur de la tâche.

Je me permets également de préciser que l’amendement de M. Maurey n’apporte rien de neuf : notre collègue prévoit simplement qu’il soit possible de choisir entre le nombre légal de conseillers municipaux et le nombre proposé par la commission. Il n’y a pas de lézard, si je peux m’exprimer ainsi. À vrai dire, tout cela est assez simple.

La seconde raison pour laquelle j’ai cosigné cet amendement, c’est qu’il s’inscrit dans une logique de différenciation. On nous oppose qu’un tel dispositif n’est pas envisageable du fait de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Pour autant que je sache, madame la ministre, le juge met d’ores et déjà en application le principe de différenciation. Il estime ainsi que, quand les situations sont différentes, il est tout à fait possible d’aboutir à des solutions différenciées, sans pour autant que le principe d’égalité devant la loi soit mis en cause.

Franchement, je ne comprends ni la position de la commission ni celle du Gouvernement. Je partage l’avis émis à l’instant par mon collègue Olivier Paccaud : la différenciation, un mot dont on a plein la bouche, n’est pas appliquée à l’heure actuelle. Alors, essayons ! On verra bien quelle sera l’interprétation du Conseil constitutionnel.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Monsieur Jean Rochette, l’amendement n° 7 est-il maintenu ?

M. Pierre Jean Rochette. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 7 est retiré.

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je dirai quelques mots en réponse à ce que je viens d’entendre.

On nous a ressorti, si je peux m’exprimer ainsi, l’argument de l’éventuelle inconstitutionnalité de nos amendements. Généralement, la commission ou le Gouvernement nous l’oppose quand elle ou il n’a rien d’autre à dire, et ce alors même que cet argument n’est pas toujours justifié.

M. Olivier Paccaud. Tout à fait !

M. Hervé Maurey. Comme cela a été dit, je ne vois pas pourquoi le dispositif que je propose serait davantage inconstitutionnel que le dispositif du conseil municipal « réputé complet ». La seule différence tient à ce que, dans ce dernier dispositif, le conseil municipal subit les conséquences de son échec à constituer une équipe, quand notre disposition prévoit que le conseil municipal pourra choisir l’effectif qu’il souhaite pour le mandat à venir.

Je rappelle de surcroît que ce dispositif est parfaitement encadré par la loi : pour ce qui est du nombre des conseillers municipaux, l’écart ne sera évidemment pas d’un à dix.

Comme l’ont rappelé un certain nombre de mes collègues, une telle approche mérite d’être tentée. Nous passons notre temps, dans cet hémicycle, à demander, notamment aux ministres, de faire confiance aux élus, à demander davantage de souplesse et de différenciation. Or, avec ce texte, on va imposer une règle à des élus qui n’en veulent pas, simplement parce que d’autres élus, eux, la veulent bien ! Franchement, je ne comprends pas !

Je ne comprends pas non plus la position du Gouvernement, d’autant moins que le Premier ministre vient de déclarer qu’il fallait être beaucoup plus à l’écoute des élus. Aujourd’hui, madame la ministre, le Gouvernement leur adresse un bien mauvais signe.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. J’entends les propositions de mes collègues Hervé Maure et Olivier Paccaud. Ces solutions peuvent sembler séduisantes, sauf qu’on ne peut pas traiter différemment des situations qui sont identiques.

M. Olivier Paccaud. Mais elles ne le sont pas !

M. Éric Kerrouche. Elles sont strictement identiques, mon cher collègue : vous souhaitez introduire de la variabilité dans les conseils municipaux de communes dont la population est identique. On peut tourner le problème dans tous les sens, mais c’est une rupture du principe d’égalité.

M. Hervé Maurey. En matière fiscale, le problème est le même !

M. Éric Kerrouche. Ce que certains de nos collègues et moi-même proposons de manière adaptative, c’est le dispositif du conseil municipal « réputé complet », une solution qui a déjà été acceptée par ailleurs.

Je rappelle que l’ensemble des redécoupages électoraux en France tiennent compte a priori de la population, et que, dans des territoires de même taille, le nombre de représentants élus doit être équivalent. C’est ce qui nous a valu un redécoupage départemental ; c’est aussi le principe qui prévaut quand il est question de faire évoluer les circonscriptions.

S’écarter du critère démographique, comme vous le faites, quand bien même j’y vois personnellement un intérêt, nous condamne évidemment à l’échec. D’où la solution alternative que nous vous suggérons.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Madame la ministre, j’ai cosigné l’amendement de M. Maurey, car je suis un partisan de la souplesse.

Dans le rural profond, certaines communes souffrent malheureusement de la baisse du nombre de leurs habitants. À l’inverse, la population des communes en zone périurbaine augmente. Les situations sont donc totalement différentes selon les territoires : là où la population diminue, il est parfois difficile de trouver des candidats ; là où elle augmente, un tel problème n’existe pas.

Je voterai cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Dire que ce texte devait être simple… Plus c’est simple, plus cela finit par être compliqué ! (Sourires.)

Le principe qui sous-tend cet amendement me fait penser que certains EPCI, si leurs élus le décident, ont la possibilité de déroger aux règles en matière de représentation des communes au sein des organes délibérants, ce qui n’a pas été jugé inconstitutionnel… Je dis ça, je dis rien, mais cet argument ne me semble pas farfelu compte tenu de la teneur de notre débat.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.

M. Bernard Buis. Je ne voterai pas ces amendements, car je pense que le fait de laisser à un conseil municipal en fin de mandat la possibilité de déroger à la loi en supprimant ou en ajoutant deux sièges pour les élections à venir serait interprété comme une magouille. En effet, il serait mal perçu que le conseil municipal sortant décide du nombre d’élus au prochain scrutin. Ce n’est pas à lui d’en décider, c’est à la loi.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Sans doute me suis-je mal exprimée… Chacun d’entre vous connaît mon parcours. Au Sénat, comme beaucoup d’entre vous, j’ai toujours exprimé mon extrême et naturelle conviction que la différenciation était la solution à de nombreux problèmes. Ce que je dis, c’est que permettre à un conseil municipal sortant – dont certains de ses membres ne se représenteront pas ! – de tailler – littéralement –, six mois avant les élections municipales, la dimension de la prochaine assemblée relève non pas de la différenciation, mais d’une sorte d’« à la carte ».

Les élus sont tous des gens responsables – vous ne m’avez jamais entendu dire le contraire.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Il convient de les protéger des contestations qui ne manqueront pas de surgir au sein des communes. Sincèrement, nous mettons les élus sortants en danger.

Certes, il est toujours possible de saisir le Conseil constitutionnel, mais je n’y suis pas particulièrement favorable. Le législateur est responsable de ses actes.

Mesurons à quel point la différence est grande entre la loi actuelle et la liberté qui serait donnée à chaque conseil municipal de changer de taille au gré des élections. Comme l’a bien expliqué Nadine Bellurot, on ne décide pas de l’incomplétude d’un conseil municipal avant même qu’il ne soit élu. Il est obligatoire de remplir des conditions de nombre préétablies et si ce n’est pas le cas, il existe une tolérance.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’entends et comprends ceux d’entre vous qui sont intervenus pour s’inquiéter d’une différence de traitement entre des communes voisines. Mais dire ce que je dis revient non pas à s’opposer à la différenciation et à la souplesse, mais à faire en sorte que la souplesse protège les élus locaux.

Durant les travaux que nous avons menés pendant longtemps avec les associations d’élus, je n’ai pas entendu l’AMRF et l’AMF formuler une telle demande. Les élus demandent aussi à être sécurisés et protégés.

Je tenais à apporter ces précisions pour expliquer mon avis défavorable sur les amendements, et ce afin de protéger et de sécuriser les élus.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié decies.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Mon amendement étant quasi identique à celui d’Hervé Maurey, je le retire ; je ne suis pas totalement masochiste… (Sourires.)

M. Jean-François Husson. Mais lucide ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. L’amendement n° 16 est retiré.

M. Pierre Jean Rochette. Je retire également le mien, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.

Mme Catherine Belrhiti. Pareillement, je retire l’amendement n° 13 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 13 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié, 19 rectifié et 21 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 23, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…) À la septième ligne, le nombre : « 27 » est remplacé par le nombre : « 23 » ;

…) À la huitième ligne, le nombre : « 29 » est remplacé par le nombre : « 27 » ;

…) À la neuvième ligne, le nombre : « 33 » est remplacé par le nombre : « 29 » ;

…) À la dixième ligne, le nombre : « 35 » est remplacé par le nombre : « 33 » ;

…) À la onzième ligne, le nombre : « 39 » est remplacé par le nombre : « 35 » ;

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Nous avons déjà entendu les avis de la commission et de la ministre sur cette disposition. Je considère donc cet amendement comme ayant été défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 14, présenté par Mmes Tetuanui et Billon, MM. Laugier, Bonnecarrère, Mizzon, Henno, Canévet et Pillefer, Mmes O. Richard et Florennes, M. Parigi, Mme Perrot et M. Cambier, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - Les dispositions de cet article ne sont pas applicables à la Polynésie française.

La parole est à M. Michel Canévet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Cet amendement est satisfait, dans la mesure où la Polynésie française n’est pas concernée par les dispositions de cette proposition de loi. Notre collègue Lana Tetuanui a tout de même tenu à le déposer pour que cela soit clairement dit dans l’hémicycle.

La commission des lois émet un avis de sagesse très positive sur cet amendement, car nous comprenons la préoccupation de notre collègue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Je confirme la non-application du texte à la Polynésie française.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Canévet, l’amendement n° 14 est-il maintenu ?

M. Michel Canévet. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 14 est retiré.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Je voudrais insister sur un argument qui me semble important. Plusieurs d’entre vous ont avancé que certaines petites communes rencontraient des problèmes pour constituer leur conseil municipal. Je n’en doute pas, mais a-t-on des chiffres ? S’agit-il d’une majorité de communes, ou d’une minorité ?

En tout état de cause, ce déficit d’engagement de nos concitoyens dans la vie municipale ne concerne pas toutes les communes. En adoptant cette proposition de loi, vous priveriez ceux d’entre eux qui souhaitent s’engager de la possibilité d’être élu conseiller municipal. Ce seul argument nous permet de réaliser ce que nous sommes en train de faire. Pour ma part, je ne voterai pas ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.

Mme Anne Chain-Larché. Bien sûr, je ne remets pas en question le travail qui a été effectué par la commission et sa rapporteure. Malgré tout, j’estime que ce texte n’apporte pas de solution. À mon sens, c’est cautère sur jambe de bois.

Le problème tient non pas au nombre d’élus, mais à l’opprobre général qui est malheureusement jeté sur le travail de ces derniers ; il tient au non-respect qu’ils essuient de la part de certains administrés, voire aux agressions qu’ils subissent ; il tient au fait qu’ils ne disposent pas d’une autonomie financière suffisante pour réaliser les innombrables travaux qu’ils doivent mener ; il tient à la difficulté de concilier leur mandat avec leur vie professionnelle ou personnelle.

Le Sénat doit apporter des solutions à ces problèmes, qui n’ont rien à voir avec le nombre d’élus, lequel constitue au contraire une garantie très importante pour l’engagement civique dans notre pays, alors même que nous déplorons un désengagement dans de nombreux domaines.

Empêcher des habitants de s’engager pour leur commune, bénévolement – je tiens à préciser que 90 % des élus le sont à titre bénévole –, est une erreur.

Retirer quatre sièges à un conseil municipal qui en comptait quinze revient à supprimer quatre possibilités de contribuer au travail communal. Cette disposition est trop autoritaire. Nous devrons veiller à trouver des solutions équilibrées pour l’avenir de ces communes.

Je voterai contre ce texte.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avons un second texte à examiner dans le cadre de l’espace réservé au groupe Union Centriste, c’est-à-dire en quatre heures. Afin d’y parvenir, je vous invite à faire preuve de concision.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Mes chers collègues, vous ne serez pas surpris d’apprendre que je ne voterai pas ce texte. Réduire le nombre d’élus peut constituer une bonne mesure, mais pas en le faisant de manière autoritaire.

Madame la rapporteure, monsieur l’auteur de la proposition de loi, savez-vous combien de sièges de conseillers municipaux vont disparaître à cause de ce texte ? Madame la rapporteure, monsieur Bonneau ?… Selon mon calcul, c’est presque 40 000 ! Cela vous semble une bonne mesure ? Il est vrai que certains cost killers estiment qu’il faut supprimer du conseiller municipal, car cela coûte cher, alors 40 000 d’un coup, ils doivent être satisfaits !

Savez-vous combien de communes comptent entre zéro et 3 500 habitants ?… Non ?… C’est dommage… Il y en a 13 600 ! Je ne comprends pas que l’on se prive de ces bonnes volontés précieuses !

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Je suis quelque peu surpris que l’on prétende stimuler la vocation citoyenne en diminuant le nombre de conseillers municipaux. Cela revient à amputer quelqu’un pour le faire mieux marcher…

M. Olivier Paccaud. Tout à fait !

M. Laurent Somon. Je croyais que nous étions tous d’accord pour dire que le problème concernait avant tout les communes de moins de 1 000 habitants, voire celles de moins de 500 habitants. Or il est aujourd’hui question d’étendre la disposition aux communes de 3 500 habitants. Jusqu’où irons-nous ?

Pourquoi n’y a-t-il plus d’engagement citoyen ? Vous l’avez indiqué, madame la ministre, mes chers collègues : le manque de sécurité et de moyens, le statut de l’élu local, etc. Je rappelle que la commune est la seule collectivité à disposer de la clause de compétence générale. Or on lui donne de moins en moins de moyens.

Que faire pour redonner du souffle à l’engagement citoyen, à l’engagement municipal ? Créer un statut de l’élu local ; redonner aux collectivités les moyens de faire aboutir leurs projets ; et, comme l’a dit le Premier ministre – ce qui nous a ravis –, arrêter de priver les communes de compétences qu’elles sont en droit d’exercer en les confiant à des EPCI qui ne les demandent pas !

Voilà pourquoi je suis très réservé sur cette proposition de loi, dont le champ d’application a débordé par rapport au texte initial. Ainsi rédigé, il pose plus de problèmes qu’il n’en résout.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Comme l’ont dit mes collègues, pour résoudre le problème de l’engagement citoyen, qui explique, pour de nombreuses raisons, les difficultés qu’éprouvent certaines communes pour constituer leur conseil municipal, nous nous retrouvons à examiner une proposition de loi dont l’efficacité n’a pas été évaluée. En effet, nous ne savons pas si une réduction du nombre de conseillers municipaux permettrait à plus de personnes de s’engager. Tout juste savons-nous que cela permettrait à des conseils municipaux de continuer de siéger.

Par ailleurs, comme l’ont fait plusieurs collègues dans leur département, j’ai consulté des maires des Bouches-du-Rhône, et nous avons tous constaté que cette mesure est loin de répondre à une demande généralisée, et il n’est même pas certain qu’elle soit majoritaire.

La sagesse voudrait que ce texte soit retiré. Aussi, notre groupe votera contre.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Je suis quelque peu étonné par la tournure qu’ont prise les débats. La question de l’engagement locale nécessite plusieurs degrés de réponse.

Le premier degré de réponse a trait au statut de l’élu. Nous avons adopté au Sénat la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local. Je suis favorable à aller encore plus loin, mais il s’agit d’une première étape et je ne serai satisfait que lorsque ce texte sera adopté définitivement.

Vient ensuite la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, qui ne repose pas sur rien, d’autant plus que son champ d’application a été étendu. En effet, si le choix a été fait, pour l’application du texte, de fixer le seuil de 3 500 habitants, c’est parce que cela ne semblait pas nécessaire pour les communes dépassant ce seuil. Je rappelle que, au-delà de nos expériences singulières, les données montrent qu’il s’agit d’une demande de la majorité des maires et des élus des communes de moins de 3 500 habitants, comme l’a prouvé l’étude téléphonique réalisée par l’institut CSA auprès de 500 élus. Ce n’est pas neutre !

L’idée était de disposer d’une perspective générale. J’ajoute qu’il existe, sur le temps du mandat, un problème d’assiduité au sein des conseils municipaux. Nous l’avons constaté depuis les élections municipales de 2020.

Nous introduisons simplement de la souplesse en répondant à la demande des élus, ce qui ne me semble pas complètement fou…

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Nous nous abstiendrons sur ce texte, car si la demande de réduire le nombre de conseillers municipaux est réelle de la part des tout petites communes, qui doivent réunir une proportion très importante de leur population pour constituer un conseil municipal, elle est beaucoup moins forte, voire inexistante, dans les communes de plus de 1 000 habitants.

M. Stéphane Sautarel. Très juste !

Mme Céline Brulin. J’attire votre attention sur le fait que les communes de 3 500 habitants sont souvent des bourgs, avec des centres-bourgs qui jouent un rôle central pour les communes voisines. Le travail de l’équipe municipale est donc très important pour l’ensemble d’un territoire et ce n’est pas lui rendre service que d’en réduire le nombre de membres.

Vous connaissez l’adage : il y a le texte et le contexte. Or nous examinons ce texte alors qu’il y a quelques mois, on nous expliquait dans un rapport réalisé à la demande du précédent gouvernement qu’il fallait diminuer de 20 % le nombre de conseillers municipaux, soit 100 000 élus, et que, plus récemment, la Cour des comptes, dans un rapport, appelait à faire disparaître, d’ici à 2030, 100 000 agents de nos collectivités.

Lorsqu’il y a une réelle crise de l’engagement, nous ne la nions pas. Dire à tous ceux qui se démènent et qui cherchent à susciter des vocations qu’ils sont un peu trop nombreux, ce n’est pas les remercier de leur engagement.

Je ne répéterai pas ce qui a été dit par mes collègues, mais plusieurs raisons expliquent le désengagement : le manque de moyens financiers, les leviers dont disposent les élus, le poids des intercommunalités,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Céline Brulin. … l’abandon des services de l’État, etc. Nous ne pourrons pas faire l’économie de ce travail.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je comprends bien que les maires redoutent de ne plus s’occuper que des chiens écrasés, en voyant toutes les compétences qui ont été transférées aux EPCI et la dénaturation des équipes municipales. C’est évident.

En revanche, il faut tenir compte du principe de réalité. Primo, il y a eu de la casse en matière d’engagement associatif et municipal à cause de la crise covid. Les élus n’ont pas pu entrer dans leur mandat de manière normale. Secundo, bien sûr que les petites communes de 1 000 habitants sont plus intéressées par la mesure que celles de 2 000 ou de 3 000 habitants, car, très souvent, dans ces communes, une seule liste se présente aux élections municipales. Alors, forcément, ils ne veulent pas que cela change ! C’est plus pratique…

Dans ces communes moyennes où une seule liste se présente, car il est trop compliqué de réunir suffisamment de noms pour en constituer plusieurs, la démocratie se trouve quelque peu abîmée. Cela a été le cas dans une vingtaine de communes de mon département. Les électeurs n’ont pas eu d’autre choix que de voter pour l’équipe municipale qui s’est présentée.

Dans un contexte où l’on nous demande de faire des efforts, il ne s’agit pas de diminuer pour diminuer. Il est de la responsabilité de notre assemblée d’envoyer un autre message politique que celui de ne rien changer.

M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour explication de vote.

M. François Bonneau. L’objet de ce texte n’est pas de répondre à l’ensemble des problèmes que rencontrent nos communes, tels que celui du statut de l’élu et bien d’autres. Toutefois, il n’a pas été imaginé par un parlementaire qui s’est levé un matin en se disant que c’était une bonne idée. Si nous l’avons déposé, c’est parce que nous sommes allés au contact de maires, nous les avons écoutés et nous avons constaté leur désarroi dans l’exercice de leur mandat.

L’idée est de défendre l’existence des mairies, car certaines d’entre elles – et je puis en témoigner – ont des difficultés à réunir un conseil municipal. Si nous ne faisons rien, ce problème va s’accentuer.

Je remercie les rapporteurs et tous mes collègues qui ont déposé des amendements pour ajouter de la souplesse au dispositif pour qu’il s’adapte aux diverses situations, mais je crois fondamentalement que le mieux est l’ennemi du bien. Ce texte va dans le bon sens et c’est pour cela que je le défends !

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.

M. Fabien Genet. Je ne mets pas en doute la bonne volonté de nos collègues, qui souhaitent répondre à quelques cas dont ils ont pris connaissance sur le terrain, mais la grande majorité des communes, où tout se passe bien, serait affectée si cette proposition de loi était adoptée.

Je voterai contre ce texte pour deux raisons.

D’une part, je ne partage pas le message politique qu’il envoie. Dans la situation actuelle de notre pays, je ne crois pas que la réduction de 40 000 du nombre d’élus locaux puisse être considérée comme une solution aux problèmes que nous rencontrons dans nos communes : le délitement social, la montée de la violence, l’augmentation des querelles entre voisins, etc. Au contraire, nous avons besoin de davantage d’engagement citoyen au sein de nos conseils municipaux pour traiter les maux de la société.

D’autre part, je crains que cette baisse du nombre de conseillers municipaux n’altère la collégialité de la délibération. Dans les plus petites communes, à force de réduire le nombre d’élus municipaux et compte tenu des problèmes de la vie quotidienne, des absences, voire des démissions en cours de mandat, les décisions seront prises par un nombre très restreint d’élus. La qualité de la délibération en pâtit.

Aussi, je le répète, je ne voterai pas ce texte.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.

M. Bernard Buis. Pour ma part, je voterai ce texte. Pourtant, j’étais défavorable à la proposition de loi initiale, qui ne portait que sur les communes de moins de 500 habitants. Ce texte a évolué grâce au travail de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et de la commission des lois, qui ont tenu compte des demandes de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et de l’Association des maires ruraux de France.

Ce week-end, je me trouvais à l’assemblée générale des maires ruraux de la Drôme. Quand je les ai informés de l’évolution du texte, tous y étaient favorables. La centaine de maires présents m’ont dit que cela faisait des années qu’ils attendaient cette disposition et la demandaient avec force.

Évidemment, ce texte ne résoudra pas tous les problèmes liés à l’engagement, mais s’il peut y contribuer, il apportera sa pierre à l’édifice.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

M. Stéphane Sautarel. À ce stade du débat, je suis très embêté. Contrairement à mon collègue Bernard Buis, j’étais initialement favorable à la proposition de loi, mais je m’interroge désormais sur le sens de mon vote.

Je suis d’accord avec l’auteur du texte sur le fait qu’il existe une attente réelle dans les plus petites communes : elle est certaine dans celles de moins de 500 habitants et probable dans celles de moins de 1 000 habitants.

En revanche, l’extension de la mesure aux communes de moins de 3 500 habitants pose problème. Comme d’autres collègues, j’estime que le message politique qui serait ainsi envoyé par la réduction du nombre de nos conseillers municipaux serait celui de la réduction de l’engagement municipal, de l’engagement civique. Pour le Sénat, il s’agirait d’un très mauvais message politique.

Aussi, l’évolution du texte ne me permet pas de le voter. Alors que j’en partageais l’objectif initial, je trouve qu’il a été dénaturé.

M. Olivier Paccaud. Très bien !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, nadopte pas la proposition de loi.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, reprise à dix-neuf heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires
Avant l’article unique

Fermetures abusives de comptes bancaires

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires, présentée par M. Philippe Folliot et plusieurs de ses collègues (proposition n° 519 [2023-2024], texte de la commission n° 672 [2023-2024], rapport n° 671 [2023-2024]).

Mes chers collègues, je vous rappelle que ce texte est inscrit dans l’espace réservé au groupe Union Centriste, lequel est d’une durée de quatre heures maximum. Je serai donc dans l’obligation de suspendre nos travaux à vingt heures quarante-cinq. Si nous n’avons pas achevé d’étudier cette proposition de loi, il appartiendra à la conférence des présidents d’inscrire la suite de son examen à l’ordre du jour d’une séance ultérieure.

Je vous précise que la durée prévue pour la discussion générale est d’une heure et quinze minutes, et que dix amendements sont à examiner : je vous invite donc à la concision.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Folliot, auteur de la proposition de loi.

M. Philippe Folliot, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais m’efforcer d’être bref, de sorte que le Sénat puisse voter dès ce soir cette proposition de loi qu’attendent nombre de nos concitoyens.

Le secteur bancaire est particulièrement important et fait honneur à notre pays : la France abrite certaines des plus grandes banques du monde. Ce secteur représente 350 000 salariés, qui, pour la quasi-totalité d’entre eux, font très bien leur travail. Il est important de le souligner.

C’est, en outre, un secteur qui va bien – pour l’année 2023, son résultat cumulé atteint 29 milliards d’euros –, et cette proposition de loi ne vise évidemment pas à remettre en cause sa place ou son rôle.

Le droit de fermeture d’un compte bancaire se justifie dans trois cas de figure principaux : si les conditions générales fixées par la banque ne sont pas respectées ; si le client se révèle indélicat ; et lorsque tels ou tels mouvements de compte peuvent être considérés comme suspects.

La fermeture abusive de comptes bancaires n’en constitue pas moins un problème social, même si c’est un problème à bas bruit : de fait, personne n’en parle. Dans un dîner en ville ou lors d’un repas entre copains, personne ne va dire que son compte bancaire a été fermé par sa banque. Ces difficultés sont entourées d’une discrétion – on serait même tenté de parler d’omerta – qui peut être lourde de conséquences.

La stratégie de déshumanisation que suivent maintes compagnies bancaires n’est pas étrangère à ces problèmes. On ferme les agences au profit de simples robots, censés répondre aux sollicitations des clients. Dans un certain nombre de banques, il est bien loin le temps où ces derniers pouvaient compter sur des conseillers bancaires dédiés… Ce n’est souvent plus qu’un souvenir.

Certes, en l’absence de statistiques clairement établies, il est impossible de savoir précisément combien de personnes sont victimes de la fermeture abusive d’un compte bancaire. J’ai toutefois reçu bon nombre de témoignages, permettant presque de déterminer un profil type.

Il s’agit souvent d’un petit artisan, d’un commerçant ou d’un agriculteur. Une banque peut en effet chercher à se débarrasser des clients dont le code APE – activité principale exercée – est, selon elle, associé à une trop forte sinistralité. De telles stratégies ne sont bien sûr pas avouées ; mais, pour être cachées, elles n’en sont pas moins réelles.

Parmi les victimes, on trouve également des associations. C’est précisément le cas de l’association que je préside : cette structure, qui gère un tiers lieu culturel, a été frappée par une telle fermeture abusive. Depuis quinze ans, son compte fonctionnait de manière tout à fait régulière : il a été clôturé du jour au lendemain, sans la moindre explication.

Un certain nombre de personnes d’origine étrangère et régulièrement installées en France – Albanais, Colombiens, Afghans, Chinois ou Russes – subissent, elles aussi, des difficultés de cette nature.

Les Français établis à l’étranger doivent, de même, faire face à cette problématique. Un certain nombre d’entre eux n’ont pas de domicile en France, mais y rendent visite à leur famille : pour telle ou telle raison personnelle, par exemple pour bénéficier de certaines prestations, ils peuvent souhaiter détenir un compte bancaire français. Or ils se heurtent à des difficultés.

N’oublions pas non plus les personnalités politiques exposées : c’est une réalité, qu’il s’agisse de membres du Gouvernement, de parlementaires ou encore de hauts fonctionnaires, auxquels il faut encore ajouter leurs familles. En France, des milliers de personnes sont touchées par ces problèmes.

Lorsque votre banque décide de clôturer votre compte bancaire, elle vous accorde deux mois de préavis pour trouver un autre établissement. Vous pouvez certes invoquer le droit au compte auprès de la Banque de France, également au terme d’un délai de deux mois ; mais, par ce biais, vous n’accédez qu’à un compte en mode dégradé – passez-moi l’expression. Vous ne pouvez pas disposer de tous les services bancaires que vous souhaitez, ce qui n’est pas sans conséquence.

Enfin, j’appelle votre attention sur l’iniquité territoriale qui, en la matière, frappe nos concitoyens. Les Parisiens disposent d’une vingtaine de banques dans un rayon d’un kilomètre autour de chez eux ; à l’inverse, dans mon village de Saint-Pierre-de-Trivisy, dans le département du Tarn, il n’y a qu’une agence bancaire. En zone rurale, les personnes dont on ferme ainsi le compte bancaire doivent parcourir des dizaines de kilomètres pour trouver une nouvelle banque.

L’objectif de ce texte est très clair : les clients victimes d’une fermeture de compte doivent savoir pourquoi leur banque a pris une telle décision. Ils ont légitimement droit à l’information. Dans certains cas, la mesure prise est justifiée ; mais, dans bien d’autres, aucune raison n’est fournie.

J’en suis convaincu, l’adoption du présent texte entraînera une forme d’autorégulation. Les banques y réfléchiront à deux fois avant de fermer abusivement un compte bancaire. J’y insiste : de telles décisions sont souvent lourdes de conséquences.

Je tiens à remercier M. le président de la commission, M. le rapporteur et l’ensemble de nos collègues de la commission des finances du travail accompli sur cette proposition de loi. L’honneur du Parlement, c’est de faire progresser le droit et les droits : avec le présent texte, c’est précisément ce que nous ferons, au service des consommateurs. (M. le rapporteur applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Laménie, rapporteur de la commission des finances. Avant tout, je souhaite à Mme la secrétaire d’État la bienvenue au Sénat et je salue bien entendu Philippe Folliot, auteur de cette proposition de loi.

Mes chers collègues, comme l’a souligné M. le président, nous sommes malheureusement contraints par le temps : je vais donc faire la synthèse d’une synthèse, ce dont je m’excuse par avance.

Cette proposition de loi, dont M. Folliot a clairement présenté les enjeux, a été examinée au mois de juin dernier par notre commission des finances, puis travaillée avec l’appui de nos administrateurs, que je tiens également à saluer. Il s’agit de répondre à une demande légitime et concrète, exprimée sur le terrain, dans les campagnes comme dans les villes. À cet égard, force est de constater la complexité des liens entre les banques et leurs clients, tous autant qu’ils sont.

La décision de fermeture d’un compte est laissée à la discrétion de la banque, si l’on excepte le régime protecteur propre aux bénéficiaires du droit au compte, garanti par la Banque de France.

Les banques revendiquent une certaine liberté contractuelle dans leurs relations avec leurs clients, lesquelles sont régies par une convention dédiée. Or le présent texte limite la possibilité pour les banquiers de rompre les contrats conclus en instituant une obligation de motivation, lorsque le client en fait la demande. Il part du principe qu’il revient au législateur d’encadrer les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté contractuelle.

Au total, le dispositif qui nous est présenté traduit une position d’équilibre.

Dans sa version initiale, il ne soulevait en fait qu’une seule difficulté majeure, inhérente au fait qu’une relation contractuelle entre l’établissement et son client peut être rompue au nom de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme – il s’agit, bien sûr, de sujets particulièrement sensibles. Toutefois, la rédaction adoptée en commission a permis de traiter ce point, si bien que le présent texte, dont on ne peut que saluer l’objectif, semble désormais satisfaisant.

Quelques amendements, examinés ce matin même en commission, ont été déposés sur ce texte : j’indique dès à présent qu’ils recevront sauf exception un avis défavorable.

Mes chers collègues, je vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – M. le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, à qui je souhaite la bienvenue dans cet hémicycle, qu’elle connaît déjà bien. (Sourires.)

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, chargée de la consommation. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous dire le plaisir avec lequel je retrouve cette assemblée, que j’ai la chance de connaître un peu. Je sais la grande qualité des travaux du Sénat et je ne doute pas que nous agirons en étroite collaboration.

La proposition de loi de M. Folliot que nous examinons aujourd’hui vise à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires. À cette fin, elle entend garantir la transparence des motifs de clôture de comptes bancaires. Les banques seraient ainsi tenues de motiver, sur demande expresse du client, toute décision de résiliation unilatérale qu’elles prendraient à l’égard du compte de dépôt d’un client.

Les travaux menés par M. le rapporteur et par ses collègues de la commission des finances, que je salue, ont permis de faire évoluer le texte, afin d’exonérer les établissements bancaires de cette obligation lorsque la divulgation du motif contreviendrait aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public.

De plus, il est désormais précisé que la banque dispose d’un délai de deux semaines pour répondre à la demande du client, sauf, bien sûr, si elle est autorisée à garder le silence.

En tant que secrétaire d’État chargée de la consommation, je tiens à saluer l’initiative prise ici pour renforcer les droits des consommateurs dans leurs relations avec les banques. Chaque fois que c’est possible et souhaitable, nous devons renforcer la transparence, la confiance étant un élément clé de l’économie. En effet, pour protéger efficacement les consommateurs, la transparence doit être pleinement opérationnelle.

Monsieur Folliot, votre objectif ne fait pas doute : il s’agit bien de protéger les consommateurs et non de défendre l’accès aux services bancaires, lequel fait déjà l’objet de dispositifs dédiés – vous les avez évoqués –, notamment le droit au compte.

Le présent texte vise également à répondre à des difficultés que peuvent rencontrer nos compatriotes établis hors de France, ce qui constitue un véritable enjeu.

C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’ai étudié votre proposition de loi, dont le Gouvernement approuve bien sûr le principe général, à savoir – je le répète – la protection des consommateurs. Nos divergences d’analyse, que je vais vous présenter, portent sur certains obstacles dont il ne faut pas négliger l’importance. À nos yeux, ces derniers nous imposent de redoubler de prudence.

Premièrement, le présent texte pourrait remettre en cause une liberté fondamentale : celle du choix du cocontractant, consacrée par notre code civil.

Lorsqu’il quitte sa banque, un client n’est pas tenu de donner les motifs de sa décision. Par parallélisme des formes, le droit dispense la banque de se justifier lorsqu’elle résilie un compte.

La seule exception à cette liberté contractuelle est le droit au compte, évoqué à l’instant, dispositif dérogatoire piloté au cas par cas par la Banque de France. Lorsqu’un client ne trouve aucune banque prête à s’engager avec lui, il peut activer ce droit et la Banque de France désigne une banque. Dès lors, cette dernière ne peut résilier le compte que pour certains motifs.

Deuxièmement – il s’agit là d’un obstacle plus considérable –, le présent texte est susceptible, évidemment de manière involontaire, de porter atteinte à une politique publique essentielle : la lutte contre le blanchiment d’argent et contre le terrorisme.

M. le rapporteur a déjà évoqué ce point. Quelles que soient nos fonctions ou nos appartenances politiques, il va sans dire que nous sommes tous profondément attachés à cette politique. Le blanchiment d’argent, c’est un coup porté à notre contrat social, des recettes en moins pour nos services publics, un moyen de dissimuler les profits tirés d’actes répréhensibles et dangereux.

Comme vous le savez, les banques sont autorisées à clôturer un compte après avoir adressé une déclaration de soupçon au renseignement financier national. Mais, pour préserver l’efficacité de la lutte contre le blanchiment, la loi interdit aux banques de porter à la connaissance du propriétaire des sommes ou de l’auteur des opérations suspectes l’existence de cette déclaration.

Cette confidentialité est essentielle à l’efficacité de notre renseignement financier : nous ne devons y toucher qu’avec une très grande prudence.

Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, j’ai bien noté les modifications apportées au présent texte. Les travaux de votre commission ont permis de le remodeler, afin que les banques soient autorisées à garder le silence lorsque la sécurité nationale ou l’ordre public sont en jeu. Le dispositif a ainsi été calé sur ce qui se fait en matière de droit au compte. Toutefois, la nouvelle rédaction ne résout que partiellement la seconde difficulté mentionnée.

Dans le cadre du droit au compte, la banque est certes soumise à un principe de « motivation sauf impératif d’ordre public » ; mais cette disposition ne pose pas de problème notable, étant donné que le client visé n’a pas d’autre compte sur lequel transférer ses fonds.

Or, dans le schéma classique, celui qui nous occupe aujourd’hui, c’est bien plus problématique : le titulaire du compte pourra demander la raison de la clôture à la banque. Si cette dernière garde le silence, il pourra en déduire que c’est pour un motif de sécurité nationale ou d’ordre public. Et, si ce client est un fraudeur, il s’empressera de transférer ses fonds dans d’autres banques. Il pourra également opter pour des opérations de moindre ampleur, ou plus discrètes, ce qui limitera nos moyens d’action.

De surcroît, nous ne parlons pas du tout des mêmes ordres de grandeur. Au total, 30 000 comptes sont ouverts chaque année au titre du droit au compte, tandis qu’il existe environ 80 millions de comptes bancaires classiques : si le présent texte était adopté, bon nombre de « suspects » en viendraient à savoir qu’ils sont dans le viseur des pouvoirs publics.

Nonobstant ces deux réserves, nous faisons bien sûr nôtre l’objectif de meilleure information des consommateurs.

À mon sens, pour traiter efficacement ces problématiques, il faut commencer par quantifier l’ampleur du phénomène. M. Folliot l’a rappelé au début de son intervention : à ce jour, nous ne disposons pas de données précises. Selon nous, une analyse plus fine et plus approfondie est nécessaire pour lever un certain nombre d’interrogations et, ce faisant, établir un diagnostic clair de la situation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement s’engage donc à saisir rapidement le Comité consultatif du secteur financier (CCSF). Vous connaissez bien cette instance, et pour cause : elle a déjà apporté d’importantes contributions à vos travaux – je pense notamment à la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, adoptée il y a deux ans, texte dont M. Gremillet était le rapporteur.

M. Jean-François Husson. Excellente référence !

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement saisira prochainement le CCSF d’une mission prioritaire sur ce sujet, afin d’objectiver le phénomène et d’y apporter des réponses.

Le Sénat, qui est représenté au sein de ce comité, pourra, qui plus est, être associé à ladite mission ; et c’est sur cette base que le Gouvernement pourra accompagner le travail législatif des deux chambres.

En résumé, ce texte soulève d’importantes questions, mais les réponses qu’il apporte nous semblent encore un peu fragiles. C’est pour cette raison, et du fait de la saisine à venir du CCSF, que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, de nos jours, les comptes bancaires constituent un service de première nécessité. Depuis 1984, le législateur a d’ailleurs tenu à garantir l’accès aux moyens de paiement pour tous en gravant dans la loi le droit au compte, censé assurer l’accès à un service bancaire de base universel.

L’ouverture d’un compte bancaire repose sur la signature d’une convention de compte entre une banque et son client. Sa clôture peut être décidée sur l’initiative, non seulement du client, mais aussi de la banque. Cette relation repose sur la contractualisation et sur un principe de réciprocité encadré par la loi, la force obligatoire du contrat et le code civil.

Le client peut clôturer son compte bancaire sans préavis et sans justification. La banque, elle, doit l’informer par écrit de sa volonté de clôturer son compte en respectant un préavis de deux mois. Or ce délai est souvent trop court pour que le titulaire trouve un autre établissement bancaire et transfère toutes ses opérations – je pense notamment aux prélèvements automatiques.

Dans certains cas, la banque choisit de fermer un compte parce qu’il est inactif ou parce qu’il n’est pas assez rentable. Plus souvent, elle invoque la lutte contre le blanchiment ou le terrorisme, conformément à la réglementation européenne et au code monétaire et financier.

Notre commission des finances a souligné un risque sur lequel insistent les banques elles-mêmes : il ne faudrait pas qu’un défaut de motivation en vienne à éveiller les soupçons de potentiels financeurs d’opérations terroristes ou de blanchiment. En effet, ces clients seraient dès lors susceptibles de faire disparaître un certain nombre de preuves précieuses pour les enquêteurs.

Une nouvelle rédaction a donc été retenue par notre commission : en cas de demande par le client, la banque motive gratuitement par écrit, dans les quinze jours, la décision de résiliation, « sauf lorsque cette motivation contrevient aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public ».

Mes chers collègues, il ne faut pas minimiser les conséquences, pour le titulaire, de la fermeture unilatérale et brutale d’un compte bancaire. Une telle décision représente une perte d’opportunité. Elle entraîne la suppression des coordonnées bancaires, qu’il s’agisse du relevé d’identité bancaire (RIB) ou de l’Iban (International Bank Account Number). Elle impose de rechercher rapidement un nouvel établissement bancaire, puis de transférer toutes les opérations automatiques. Vous mesurez l’ampleur des problèmes subis.

C’est pourquoi l’auteur de cette proposition de loi souhaite limiter les fermetures abusives de comptes bancaires.

Le présent texte part bien sûr d’une bonne intention, mais, de manière tout à fait pragmatique, je m’interroge : si nous l’adoptons, mettra-t-il fin aux pratiques abusives de fermetures des comptes ? Pour ma part, je ne le crois pas.

Au mieux, il aboutira à l’envoi d’un courrier rédigé peu ou prou dans le style des conditions générales du compte, que personne ici n’a jamais lues, j’en suis sûr, et pour cause : elles sont proprement incompréhensibles. « Vu la directive européenne 4 327-6, vu le rapport adopté par l’OCDE lors de sa réunion du 4 novembre, vu les règles prudentielles qui nous sont imposées par la Banque centrale européenne (BCE), vu votre solde général, lequel contrevient aux diverses dispositions réglementaires et prudentielles que nous sommes tenus d’appliquer, nous sommes dans l’obligation de clôturer votre compte. » Merci, circulez, il n’y a rien à voir ! (Sourires.)

Vous l’avez compris : comme mes collègues de groupe, je suis partagé… On nous reproche parfois de légiférer pour légiférer. En l’occurrence, je me demande si ce n’est pas le cas, car je ne vois pas comment un tel texte pourrait empêcher la moindre fermeture abusive de compte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. Bernard Delcros. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier Philippe Folliot de s’être emparé de ce sujet, puis d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi. Il cherche, ce faisant, à répondre à une difficulté à laquelle sont confrontés bon nombre de nos concitoyens : la fermeture abrupte de leur compte bancaire, décidée sans la moindre justification.

J’ajoute que notre collègue fait preuve de pragmatisme et de bon sens, en nous proposant une réponse à la fois juste et équilibrée.

Perçues comme arbitraires par les clients concernés, ces fermetures de comptes sont souvent vécues comme une injustice.

Certes, l’usager, face à cette difficulté, n’est pas sans solution. En plus du préavis obligatoire de deux mois, il peut demander à la Banque de France de désigner un établissement de crédit pour l’ouverture d’un nouveau compte – le droit au compte. Mais de nombreux Français restent démunis pour engager cette démarche : il faut être informé de cette possibilité, connaître la Banque de France, savoir comment en faire la demande, quelle procédure suivre, etc. Cela peut être aisé pour une partie de nos concitoyens, mais, à coup sûr, plus complexe, voire insurmontable, pour certains d’entre eux.

À cela s’ajoute le développement des démarches dématérialisées, qui multiplient les cas de non-recours au droit. La situation est encore plus grave pour les habitants des territoires ruraux, éloignés des villes centres, qui n’ont parfois accès qu’à une seule banque. Comment faire, en ces cas ? Ainsi, le défaut de justification laisse nos concitoyens démunis dans une situation parfois vécue comme une forme d’humiliation.

Dès lors, la possibilité, pour une banque, de fermer un compte sans justification n’apparaît pas acceptable. Il est donc nécessaire de garantir l’accès à l’information pour le client, d’autant plus que celui-ci doit pouvoir tirer des leçons de la fermeture de son compte. L’idée n’est donc pas de revenir sur la liberté contractuelle, mais bien de permettre au client de demander la motivation de la fermeture de son compte, afin d’effacer tout sentiment d’injustice.

Le texte qui nous est présenté est juste pour les consommateurs et équilibré pour les établissements bancaires. La charge administrative nouvelle qui en résulterait est parfois mise en avant, mais elle s’avère très faible. Cet argument ne saurait donc être retenu.

Ainsi, l’équilibre du texte vient de la réponse donnée à une situation problématique, sans qu’il constitue une réelle contrainte nouvelle pour les banques.

La commission a, légitimement, procédé à l’insertion d’autres éléments fondamentaux au nom de la sécurité nationale. Je salue, à cet égard, le travail et la clairvoyance de notre rapporteur, Marc Laménie. En cas de soupçon de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme, la fermeture d’un compte ne pourra être motivée auprès du client. Cette disposition utile lève la possibilité d’injonction contradictoire spécifique à la déclaration de soupçon.

Vous l’aurez compris, l’évolution – légitime – prévue par ce texte va dans le bon sens, puisqu’il s’agit de répondre à un risque d’arbitraire auquel peut être exposé le client, créant une incompréhension bien naturelle. C’est pour ces raisons que les sénateurs du groupe Union Centriste voteront, évidemment, le texte de notre collègue Philippe Folliot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sans compte bancaire, nulle activité sociale n’est possible : pas de versement de salaire, pas de versement de loyer, pas de pension de retraite.

Nous voterons cette proposition de loi déposée par Philippe Folliot et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste, même si nous estimons qu’elle ne s’attaque pas frontalement aux fermetures abusives de comptes bancaires. Elle permet en effet seulement, sur demande du client, la production d’un courriel explicitant les raisons de la fermeture du compte.

Puisque, en l’état, le texte n’entrave pas les fermetures abusives de comptes, nous proposerons, par amendement, d’en rendre systématique la justification, à l’instar de ce qui est prévu pour les titulaires du droit au compte.

Surtout, dans le respect de la liberté contractuelle, madame la secrétaire d’État, nous proposons d’interdire les clôtures décidées par les banques ayant pour motif le défaut de rentabilité. L’obligation sociale de détenir un compte bancaire ne peut en effet s’accompagner d’une obligation de rentabilité. Sinon, c’est la double peine. Or, pour notre groupe, l’obligation sociale passe avant l’obligation de rendement – ce qui est un choix de société.

Nous devons rompre avec le non-droit bancaire, qui frappe les particuliers, mais aussi des entreprises. Mes chers collègues, nous avons examiné, sur la dernière session, cinq textes ayant trait aux comptes bancaires. Nous sommes face à un problème systémique : dans une forme d’entente, les banques s’adonnent à une concurrence que je qualifierais à la fois de non libre et quelque peu faussée, situation que les banques en ligne n’ont en rien bouleversée. La population demeure donc dans un rapport de forces défavorable. Nos concitoyennes et concitoyens sont confrontés aux commissions exorbitantes, aux ruptures abusives d’autorisation de découvert, au non-respect des conventions de compte et aux refus d’exécution d’ordre.

Ce système organisé a fait émerger des professionnels du litige bancaire ! Certains disposent d’un numéro surtaxé à 80 centimes d’euro la minute, font payer 90 euros pour une adhésion et 200 euros pour une conciliation, nous révèle Le Parisien. Cette organisation prospère sur la dissuasion des clients lésés, trop ignorants de leurs droits, trop pauvres pour se faire accompagner. Bref, c’est faire de l’argent sur le malheur des autres !

Tout cela a lieu dans un contexte où le résultat net des six principaux groupes bancaires progresse, en 2023, à, tout de même, 32,3 milliards d’euros. Pour la gestion des 2 179 milliards d’euros de dépôts des ménages, les banques facturent, selon la banque de France, « des commissions qui s’inscrivent à un niveau stable de 54,7 milliards d’euros et historiquement élevé ».

Évidemment, le bilan d’une banque inclut la couverture des risques et un endettement important, qui alourdit son passif. Mais l’argument selon lequel les frais bancaires financent les coûts administratifs de la gestion des comptes est peu crédible.

Que l’on comprenne bien : nous parlons là d’un courriel envoyé au client dont on ferme unilatéralement le compte, uniquement sur la demande dudit client, et ce serait déjà trop ! En l’état, cette proposition de loi ne règle pas tous les problèmes soulevés. Aussi proposons-nous de la renforcer, sans contrevenir aux volontés de ses auteurs. Dans le cas contraire, nous créerions un droit fictif plutôt que réel.

C’est pourquoi nous portons d’ailleurs, plus largement, l’idée d’un pôle public bancaire doté d’une nouvelle mission de service public du crédit et de l’épargne. Il s’agit de la séparation des banques de dépôt et d’investissement, qui consacrerait ainsi le droit des citoyens consommateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Grégory Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi va dans le bon sens. Nous relevons cinq points essentiels dans ce texte, que nous voterons, bien évidemment.

Premièrement, cela a été dit, il participe de la protection des citoyens consommateurs. Perdre l’accès à un compte bancaire signifie souvent être privé de moyens de paiement, avec des conséquences directes sur la vie quotidienne. Ce n’est pas possible dans le contexte de bancarisation que nous connaissons : il faut donc y remédier.

Deuxièmement, ce texte participe de la transparence que nous sommes en droit d’attendre du système bancaire. Trop souvent, les fermetures de comptes sont opérées de manière opaque, sans explications suffisantes. Les banques doivent faire preuve d’une plus grande transparence, non seulement au bénéfice des clients, mais aussi pour se protéger elles-mêmes de toute accusation de discrimination ou d’arbitraire.

Troisièmement, cette proposition de loi est simple et non coûteuse à mettre en œuvre, ce qui mérite d’être souligné dans la période que nous traversons.

Quatrièmement, madame la secrétaire d’État, vous avez fait part de certaines réserves. Nous voterons toute mesure tendant à y répondre, tant au cours du débat qui nous occupe que dans la suite de la navette parlementaire.

Cinquièmement, nous défendrons un amendement relatif à la situation spécifique des Français de l’étranger, pour qui la fermeture d’un compte bancaire a des conséquences parfois très problématiques, au-delà de ce que subissent leurs concitoyens vivant sur notre territoire. Par exemple, quand on vit à l’étranger, comment payer ses impôts sans compte ? En outre, les délais postaux étant plus lents et les notifications électroniques, auxquels ils sont contraints, n’étant pas toujours garanties, le préavis de deux mois peut s’avérer insuffisant. Nous proposons donc, par amendement, d’étendre le préavis les concernant à quatre mois.

Nous saluons donc cette proposition de loi et espérons que nos débats permettront d’en améliorer la rédaction, tant pour répondre aux problématiques que vous avez soulevées, madame la secrétaire d’État, mais aussi pour traiter la question, peu évoquée dans nos échanges, des Français de l’étranger. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. le rapporteur et M. Philippe Folliot applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet.

Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avec l’émergence des néobanques et des plateformes bancaires en ligne, le phénomène des fermetures abusives de comptes bancaires a pris de l’ampleur ces dernières années. En 2022, les établissements N26 et ING ont, en effet, été accusés de fermetures abusives sous couvert de lutte contre le blanchiment, aspect pris en compte, je le souligne, par le rapporteur.

Les fermetures de comptes par Orange Bank, en 2024, avaient quant à elles touché 800 000 clients. Il est cependant difficile d’évaluer précisément le nombre de comptes clos abusivement chaque année.

Pour les clients, les délais de remboursement des avoirs se révèlent longs et nombre d’entre eux se sont retrouvés sans accès à leurs fonds pendant des mois. Qui plus est, les justifications restent souvent vagues et les recours peu efficaces. Les conséquences des fermetures abusives de comptes sont lourdes, entraînant parfois des difficultés financières importantes. Les clients se trouvent ainsi souvent démunis face à la puissance et aux moyens administratifs et juridiques des établissements bancaires.

Actuellement, nos concitoyens peuvent contacter le médiateur bancaire ou rejoindre des collectifs d’usagers pour mener des actions communes. Cependant, ces démarches sont souvent longues et incertaines. La jurisprudence montre que les banques peuvent être tenues pour responsables en cas de fermeture abusive, mais il est nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice réel, ce qui n’est pas toujours évident.

Selon la législation en vigueur, les établissements bancaires ont le droit de fermer un compte, mais doivent respecter un préavis de deux mois et en informer le client par écrit. La convention de compte, signée entre la banque et le client, régit ces procédures.

L’apport principal de cette proposition de loi est l’obligation pour la banque de motiver la fermeture d’un compte. Cependant, cette disposition risque fort d’être peu opérante faute de sanction, le pouvoir unilatéral de fermeture détenu par les établissements bancaires demeurant donc intact.

Par ailleurs, le texte proposé ne prend pas en compte les différences de législation entre pays, ce qui soulève des difficultés pour les clients de néobanques dont les comptes sont domiciliés à l’étranger.

Si cette proposition de loi n’a pas pour objet, bien évidemment, de régler toutes les situations, elle va, incontestablement, dans le sens d’une amélioration des relations entre les banques et leurs clients. C’est pourquoi le groupe socialiste la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe UC. – M. le rapporteur ainsi que MM. Daniel Chasseing et Pascal Savoldelli applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Louis Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Louis Vogel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accès au système bancaire est un enjeu clé pour la cohésion sociale et territoriale de notre pays.

Sociale, d’abord, car sans compte en banque, l’intégration à la collectivité est difficile, sinon impossible. Se loger, travailler se nourrir : tout ce qui y participe impose en pratique d’avoir un compte en banque.

Territoriale, ensuite : tous les Français n’ont pas un égal accès aux agences bancaires. En milieu urbain ou périurbain, il est ainsi souvent possible de se rendre, à pied, dans plusieurs agences. En milieu rural, il n’est au contraire pas rare de devoir prendre sa voiture pour se rendre dans une seule d’entre elles…

Compte tenu de ces deux dimensions, on comprend que la fermeture de compte puisse être un facteur d’exclusion. C’est pourquoi je remercie nos collègues du groupe Union Centriste d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour.

Quelle est l’importance du phénomène ? Vous posiez la question, madame la secrétaire d’État : combien de nos concitoyens sont-ils concernés par la fermeture abusive de leur compte en banque ? À la vérité, on ne le sait pas très bien… En 2019, une enquête menée par l’UFC-Que Choisir estimait à 11 % la proportion de personnes déclarant avoir déjà fait l’objet d’une fermeture de compte par leur banque sans leur accord. Mais parmi ces fermetures, certaines étaient justifiées.

La proposition de loi que nous examinons concerne les personnes dont le compte a été fermé sans leur accord, qui n’en comprennent pas la raison et qui ne peuvent ouvrir un compte dans une autre banque, soit en agence, soit en ligne. Cependant, comme cela a été souligné, ces personnes bénéficient du droit au compte prévu par la loi française. En outre, nous disposons du maillage territorial le plus important d’Europe.

Dans ces conditions, certains membres de notre groupe s’interrogent sur la pertinence de la solution proposée, dont vous reconnaissiez vous-même, madame la secrétaire d’État, qu’elle méritait une analyse approfondie.

Le texte initial posait une obligation sans prévoir de sanction : c’était prendre le risque que rien ne change. En effet, vous connaissez tous le mot de Richelieu : « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre ». Le rapporteur, Marc Laménie, dont je tiens à saluer le travail et dont mon groupe soutiendra majoritairement la position, a réécrit, à juste titre, ce texte. Les banques seraient désormais obligées, lorsque le client en fait la demande, de motiver leur décision de fermeture du compte, sauf lorsque cela contrevient aux objectifs de sécurité nationale et de maintien de l’ordre.

La réécriture ainsi proposée a, indéniablement, le mérite de préciser le dispositif, ce qui était indispensable. Cependant, la condition ajoutée pose tout de même une difficulté, car l’absence de réponse de la banque équivaut à faire peser un soupçon sur la personne concernée. Nous espérons donc que ce texte sera encore amélioré tout au long de son examen parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – Mmes Sophie Briante Guillemont et Olivia Richard applaudissent également.)

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « cela faisait trente-cinq ans que j’avais un compte en France, sans incident bancaire. Lorsque je suis parti à l’étranger pour travailler et rejoindre ma famille, la banque m’a envoyé une lettre recommandée : “Nous n’avons plus convenance à maintenir la relation de compte que nous avons avec vous […]. Cette relation de compte prendra fin dans soixante jours.” Je n’ai pu obtenir une explication de la part de ma conseillère de clientèle. »

Voici un exemple parmi tant d’autres des messages que je reçois régulièrement de la part de Français de l’étranger en proie au désarroi et à l’incompréhension face à la fermeture soudaine de leur compte bancaire en France.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Ce compte bancaire leur permet en effet de recevoir la pension de retraite française, le remboursement de leurs soins et les loyers qu’ils tirent des biens dont ils sont propriétaires en France ; de payer leurs impôts en France, d’adhérer à une mutuelle ou de régler les études de leurs enfants ; ou, tout simplement, d’épargner.

Quelles sont les raisons notifiées par les banques françaises aux Français de l’étranger pour ces fermetures ? Aucune, madame la secrétaire d’État !

Quelles sont les deux raisons invoquées par les collaborateurs bancaires ?

La première est la réglementation de l’Union européenne contre la corruption, le financement du terrorisme et le blanchiment. Elle justifie la fermeture des comptes bancaires dès lors que le pays de résidence est jugé trop sensible ou à risque comme c’est le cas en Afrique de l’Ouest, au Moyen-Orient ou en Amérique latine.

La seconde est la réglementation extraterritoriale américaine du Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca), qui impose aux institutions françaises de déclarer aux autorités américaines les comptes détenus par des citoyens américains ou franco-américains. Pour éviter de gérer des obligations complexes, les établissements français préfèrent clôturer les comptes de ces non-résidents.

Face à de telles régulations internationales, les banques, par prudence, surinterprètent des textes dont l’objectif initial n’était pas la fermeture de comptes bancaires. D’ailleurs, aucun des pays considérés comme étant sensibles ou à risque ne fait aujourd’hui l’objet d’une interdiction générale et absolue de transactions financières. Il n’y a donc aucune raison d’empêcher, par principe, des transactions par la fermeture de comptes bancaires.

À ces Français dont la banque a subitement fermé le compte, l’on répond qu’ils peuvent exercer leur droit au compte, comme s’ils étaient des faillis ou des interdits bancaires. Outre ce manque de considération, je relève deux écueils majeurs à ce dispositif. En effet, la banque de substitution désignée par la Banque de France donne uniquement accès à des services bancaires de base et peut, à son tour, clore le nouveau compte dans certaines situations. C’est notamment le cas lorsqu’elle prétend ne pas être en mesure de satisfaire aux obligations de vigilance, principales causes actuelles de fermeture des comptes des Français de l’étranger.

Vous l’avez compris, la motivation d’une décision de fermeture d’un compte bancaire ou le rallongement du délai de préavis sont totalement inopérants pour résoudre le problème de la clôture des comptes bancaires des Français de l’étranger. En effet, l’État ne saurait apporter son soutien financier aux banques françaises dans leurs projets à l’international alors que ces dernières ferment les comptes des clients français installés à l’étranger !

Je rappelle, madame la secrétaire d’État, qu’en 2019, lors d’un déplacement en Côte d’Ivoire, le Président de la République, interrogé sur le sujet, dénonçait une situation inacceptable, estimant « anormal que les Françaises et les Français ici soient amenés à aller vers des banques étrangères parce qu’ils sont abandonnés par les banques françaises ».

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Depuis la loi du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, dite loi bancaire, posséder un compte de dépôt est un droit reconnu aux résidents en France comme aux Français de l’étranger.

Madame la secrétaire d’État, ne pensez-vous pas qu’il est grand temps de faire appliquer le droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Briante Guillemont et M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons vise à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires. Notre groupe votera pour cette proposition de loi.

Pourquoi ?

Sans nier les éventuelles zones d’ombre de ce texte, il s’agit bel et bien de corriger une situation injuste pour le client d’une banque. En effet, aujourd’hui, à l’exception du cas de l’ouverture d’un compte bancaire via la procédure du droit au compte, la législation en vigueur permet à une banque de résilier unilatéralement un compte bancaire sans avoir à se justifier sur les motifs de cette fermeture de compte. Autrement dit, si un client apprend que son compte bancaire fait l’objet d’une fermeture et qu’il souhaite en connaître les raisons, l’établissement peut, en toute légalité, ne pas indiquer les motivations de cette fermeture, laissant ainsi le client dans un flou sidérant.

Est-ce bien logique ? Non ! Une telle situation crée une incompréhension légitime et suscite peut-être encore un peu plus de méfiance à l’égard d’un secteur déjà largement décrié… Ce texte rééquilibre la situation au bénéfice du client en lui permettant, s’il le demande, d’obtenir en toute transparence les raisons justifiant la fermeture de son compte en banque. Cette transparence éviterait des abus, à savoir les fermetures aléatoires ou injustifiées, raison pour laquelle nous sommes en faveur de l’adoption de cette proposition de loi.

Toutefois, un certain nombre de zones d’ombre devront être éclaircies au cours de la navette parlementaire. Je pense, notamment, aux incertitudes juridiques, à commencer par celles qui concernent le droit communautaire.

En effet, l’article 55 de la deuxième directive européenne sur les services de paiement, transposé dans le code monétaire et financier français, rappelle la faculté pour l’établissement de résiliation unilatérale du contrat-cadre et la soumet à la seule condition de respecter un préavis de deux mois. La motivation de la résiliation n’est donc pas prévue en tant que telle par la directive, ce qui pose la question de l’éventuelle absence de conformité avec le droit de l’Union.

Si la représentation nationale souhaite adopter cette proposition de loi, il convient donc d’évacuer le moindre risque à cet égard, afin d’éviter toute sanction européenne.

Enfin, je souhaite également aborder une autre préoccupation : celle des conséquences de l’adoption de ce texte sur la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment. Si un client auteur de faits pouvant, par exemple, être qualifiés de blanchiment ou de financement du terrorisme découvre la décision de clôture de son compte bancaire, il pourrait dès lors considérer qu’il fait l’objet d’une enquête. Cela reviendrait donc ni plus ni moins à lui mettre la puce à l’oreille, lui laissant ainsi l’opportunité de procéder à la destruction de preuves utiles et nécessaires à la manifestation de la vérité, et ce avant la fin de l’enquête.

Je crains que l’amendement du rapporteur n’ait pas résolu ce problème dans la mesure où le refus de justification permettrait de raisonner a contrario, lui mettant une fois encore la puce à l’oreille. Face à de tels risques, j’ai donc déposé un amendement à ce sujet, en proposant une piste de réflexion.

Malgré ces zones d’ombre, je pense néanmoins qu’il est nécessaire de ne pas laisser le droit en vigueur figé. Je voterai donc pour cette proposition de loi, dans l’intérêt d’une plus grande transparence des établissements bancaires à l’égard de leurs clients, tout en appelant à la vigilance quant aux inquiétudes que j’ai soulevées. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Ronan Le Gleut. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les Français établis hors de France sont les premières victimes, parfois tragiques, des fermetures abusives et arbitraires de comptes bancaires en France.

Combien de fois n’ai-je été confronté à ces retraités dont la seule source de revenus, leur petite retraite, devenait inaccessible ? Combien de fois n’ai-je été sollicité par ces entrepreneurs français qui participent à notre commerce extérieur et qui voient leurs comptes bancaires brutalement et injustement fermés ? N’oublions pas non plus ceux que l’on appelle les Américains accidentels, particulièrement concernés.

Ces fermetures abusives de comptes bancaires n’ont que trop duré. Il est enfin temps d’agir pour nos compatriotes établis hors de France.

Depuis la loi bancaire du 24 janvier 1984, tout Français, qu’il réside dans l’Hexagone, dans les outre-mer ou à l’étranger, a le droit de posséder un compte de dépôt dans une banque en France. C’est le droit au compte, prévu en particulier par l’article L. 312-1 du code monétaire et financier.

Mais ce droit au compte est malmené. D’une part, pour des Français établis a à l’étranger, les décalages horaires, les délais postaux et la distance avec la France complexifient les procédures, surtout pour les naufragés du numérique. D’autre part, dans la plupart des cas, l’établissement bancaire désigné par la Banque de France n’offre que les seuls services bancaires de base, ce qui représente une détérioration du service rendu.

En effet, de nombreuses banques ferment arbitrairement et abusivement les comptes de nos compatriotes établis à l’étranger après avoir notifié un préavis de deux mois. La lutte contre le terrorisme, la fraude et le blanchiment ne s’appliquent pas à ces Français à l’attitude irréprochable et exemplaire dont le seul crime serait de se battre pour le rayonnement de la France à l’étranger !

Sont particulièrement concernés les Français qui habitent dans des pays n’ayant pas souscrit à la norme d’échange automatique d’information (Automatic exchange of Information, AEOI) définie par l’OCDE. Celle-ci fait référence à l’échange entre les autorités fiscales internationales, dans le but de réduire l’évasion fiscale mondiale et d’accroître la transparence fiscale. À cela s’ajoutent les recommandations du Groupe d’action financière (Gafi), qui définissent un cadre complet de mesures devant être mises en œuvre par les pays afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Concrètement, plutôt que de faire l’objet d’un examen au cas par cas, des Français de l’étranger voient injustement leur compte bancaire fermé, ce qui les place en grande difficulté.

Nous soutenons donc cette proposition de loi, qui tend à protéger les Français de la fermeture abusive de leur compte bancaire en contraignant les établissements bancaires à se justifier. Or l’expérience a montré que les banques procédaient souvent sans discernement.

Madame la secrétaire d’État, nous connaissons votre attention à la protection du consommateur et savons que nous pouvons compter sur vous, votre rigueur et votre ténacité. C’est pourquoi nous sommes d’accord avec vous pour que des travaux complémentaires d’analyse soient menés. À ce titre, nous saluons votre engagement à saisir le Comité consultatif du secteur financier de ce sujet, et nous serons attentifs à ses conclusions.

La lutte contre le blanchiment est évidemment une dimension essentielle, à laquelle nous sommes attentifs.

Au-delà de cette proposition de loi, formons ici le vœu que la Fédération bancaire française (FBF) et le gouverneur de la Banque de France entendent notre appel à plus de justice pour les Français de l’étranger. Ceux d’entre eux qui détiennent un compte bancaire en France ne sont ni des fraudeurs, ni des criminels, ni des exilés fiscaux, mais ils ont besoin d’un tel compte pour de multiples raisons : régler leurs impôts, percevoir une retraite, régler des frais de scolarité, acquitter une pension alimentaire, etc.

Nous sommes ici leurs avocats face aux abus bancaires qui les frappent. Rendons justice aux Français de l’étranger ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

J’attire votre attention, mes chers collègues, que, si nous voulons achever l’examen de ce texte, nous ne disposons que de quinze minutes pour examiner l’ensemble des amendements.

proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires
Article unique

Avant l’article unique

M. le président. L’amendement n° 7, présenté par Mmes M. Vogel et Ollivier, MM. G. Blanc, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du troisième alinéa du V de l’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier, après le mot : « mois » sont insérés les mots : « , et d’au moins quatre mois lorsque le compte est détenu par un titulaire résidant hors de France ».

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Je rebondis sur les propos de Ronan Le Gleut à propos des Français établis hors de France.

Peu de gens en sont conscients, mais, lorsque l’on vit à l’étranger, le compte bancaire en France est lié à des besoins fondamentaux : percevoir des prestations, effectuer des paiements en France, etc.

Bref, beaucoup de nos compatriotes résidant à l’étranger voient leur compte bancaire fermé en raison d’une faible activité. Or il leur arrive quelquefois de ne jamais recevoir de notification préalable.

Vous imaginez aisément que, dans certains endroits du monde, les envois postaux ne parviennent pas toujours à leurs destinataires, et ces derniers ne peuvent parfois pas réagir.

Le présent amendement est très simple : il vise à porter de deux à quatre mois le délai de préavis avant la fermeture unilatérale du compte bancaire dont le titulaire réside à l’étranger.

Voilà qui permettra d’éviter des situations de détresse très concrètes : en effet, quand on vit à l’étranger, la fermeture d’un compte empêche, je le répète, de percevoir des prestations et d’exécuter tout un tas d’opérations liées à des besoins essentiels.

J’espère que cet amendement recevra l’assentiment de la majorité de mes collègues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur. Je comprends les arguments qui viennent d’être invoqués. Toutefois, cet amendement aurait pour effet de créer une inégalité de traitement entre les personnes qui habitent en France et celles qui résident à l’étranger.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat. Actuellement, c’est l’article 55 de la deuxième directive sur les services de paiement (DSP2) qui impose aux établissements de crédit un délai de préavis de deux mois, afin de tenir compte des personnes qui sont mobiles internationalement.

Cette disposition a été transposée à l’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier en ce qui concerne les conventions de compte de dépôt proposées par les établissements de crédit.

Par ailleurs, les échanges entre les banques et leurs clients sont désormais largement dématérialisés via l’espace client ou par courriel.

Enfin, avec une offre bancaire large et concurrentielle d’établissements en ligne, le marché français est adapté pour répondre dans des délais courts à une ouverture de compte, même opérée totalement à distance.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article unique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Avant l’article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires
Après l’article unique (début)

Article unique

Après la première phrase du troisième alinéa du V de l’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le client en fait la demande, l’établissement de crédit motive gratuitement et par écrit, dans un délai de quinze jours ouvrés à compter de la réception de cette demande, sur support papier ou sur un autre support durable, la décision de résiliation, sauf lorsque cette motivation contrevient aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public. »

M. le président. Mes chers collègues, avant de poursuivre, je vous rappelle qu’il reste treize minutes avant la clôture de nos débats.

La parole est à Mme Olivia Richard, sur l’article.

Mme Olivia Richard. Je vais être très brève, monsieur le président. Nous avons beaucoup parlé des Français de l’étranger, mais il faut dire que leur situation pose des problèmes importants et particulièrement récurrents.

Vous l’aurez compris, ces Français résidant à l’étranger ne sont pas des exilés fiscaux qui ont une fortune en France. S’ils continuent d’avoir un compte bancaire en France, c’est tout simplement pour accomplir des actes de la vie quotidienne.

Le vrai problème n’est pas tellement l’information bancaire, me semble-t-il. Il est surtout question d’assurer l’effectivité du droit au compte. Quand bien même les personnes concernées parviennent à ouvrir un compte bancaire, pourvu qu’elles puissent le faire à distance – ce n’est pas toujours le cas, certaines banques exigeant la venue des clients au guichet –, elles doivent pouvoir le maintenir.

En effet, ce compte risque à son tour d’être fermé et, même s’il reste ouvert, bon nombre de transactions doivent de nouveau faire l’objet de contrôles.

Prenons le cas extrême d’un journaliste français établi en Iran, pays peu recommandable. Comment va-t-il continuer à travailler s’il ne peut plus être payé, faute de détenir un compte en France ? Il est pourtant essentiel de recevoir une information en provenance d’un pays comme celui-ci.

Autre exemple : les conseillers des Français de l’étranger, qui sont des élus locaux, peuvent se voir privés de leur indemnité de frais de mandat, versée par le Trésor public, simplement parce qu’ils ne parviennent pas à ouvrir un compte en France.

Bref, il existe des problèmes évidents auxquels la présente proposition de loi ne répondra pas nécessairement, mais elle a au moins le mérite de permettre ce débat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l’article.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il est nécessaire de légiférer sur cette question. Cela fait sept ans, depuis 2017, que les parlementaires et le ministre chargé des Français de l’étranger s’attellent à cette tâche. Or nous nous trouvons toujours face à un mur : celui de l’administration, celui d’intérêts bien compris.

Or, quand on fait face à un mur, il faut savoir prendre ses responsabilités. C’est d’ailleurs ce qu’a fait le Sénat en adoptant la loi de février 2022 précédemment citée.

Si nous avions suivi les recommandations des organismes représentatifs, de certaines directions centrales d’administration – plusieurs membres de l’une d’entre elles sont à vos côtés ce soir, madame la secrétaire d’État –, nous n’aurions jamais adopté ce texte instaurant, en matière d’assurance emprunteur, un droit à l’oubli au bout de cinq ans pour les personnes ayant eu un cancer. Ce progrès n’a été possible que parce que des parlementaires ont dit : « Basta, on y va ! »

Au travers de la présente proposition de loi, notre hémicycle, de façon assez large, semble de nouveau décidé à agir, car il n’est plus possible d’accepter les fermetures de comptes bancaires sans information préalable.

Je salue donc l’initiative de notre collègue Folliot. L’article unique de la proposition de loi prévoyait dans sa rédaction initiale de « fourni[r] gratuitement au client les motifs de cette résiliation lorsque celui-ci en fait la demande expresse ».

Avec ce souci du compromis qui lui est propre, notre collègue rapporteur Laménie a proposé une nouvelle rédaction en commission. Toutefois, je considère donc que la rédaction choisie par Philippe Folliot était parfaite – ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, n’est-ce pas ?

Mes chers collègues, faisons le serment du 9 octobre. Il nous faudra trouver un vecteur pour continuer à avancer sur ces questions. Cependant, comme le temps nous est compté, je crains que la démarche engagée ne puisse aboutir.

M. le président. Puisque vous parlez du temps qui nous est imparti, mon cher collègue, je vous rappelle que, conformément à notre règlement, nous achèverons nos travaux à vingt heures quarante-cinq pile.

La parole est à Mme Corinne Bourcier, sur l’article.

Mme Corinne Bourcier. En accord avec le fait qu’un client doit obtenir des informations claires, j’aimerais souligner ce qui me semble être une approximation induisant une erreur sur l’état actuel du droit.

En parlant de fermetures abusives de comptes bancaires, on minimise la réglementation déjà existante, qui impose un préavis de deux mois et consacre le droit au compte. Les banques n’ont tout simplement pas d’intérêt à fermer un compte.

En plus d’alourdir les procédures avec une obligation purement formelle, on stigmatise des employés de tout un secteur qui sont largement présents dans nos territoires et s’imposent comme des acteurs du développement économique local.

Ce sont bien les employés chargés d’accueil ou de clientèle et les directeurs d’agence qui seront directement exposés, dès lors qu’ils sont déchirés entre plusieurs règles contradictoires.

Au-delà de la liberté contractuelle, je souhaiterais surtout vous alerter sur le risque en matière de lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment. La loi interdit de divulguer l’existence et le contenu d’une déclaration de soupçon, rendant inenvisageable pour un conseiller, s’il fallait le préciser, d’indiquer à son client que son compte est fermé pour soupçon de financement du terrorisme.

L’amendement adopté en commission, résultant du travail constructif de mon collègue Marc Laménie, va dans le bon sens puisqu’il tend à poser une exception lorsque la motivation contrevient aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public.

Toutefois, il ne règle qu’une partie du problème. Si le conseiller ne justifie pas au client la fermeture de son compte, ce dernier pourra aisément en déduire qu’on le soupçonne et ainsi prendre les dispositions nécessaires. On imagine bien la situation délicate dans laquelle se retrouverait un conseiller face à un tel client.

En plus d’affaiblir l’action commune des autorités, des établissements bancaires et de Tracfin dans la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment, le présent texte risque d’accroître encore davantage les incivilités, voire les agressions auxquelles sont exposés les employés de banque.

Ainsi, au regard de la rédaction actuelle de l’article unique, je m’abstiendrai de le voter. Comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, j’attends en effet une étude plus approfondie sur ce sujet, ainsi que la saisine du CCSF.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 6, présenté par M. Bilhac, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

Lorsque le client en fait la demande,

et les mots :

dans un délai de quinze jours ouvrés à compter de la réception de cette demande,

La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

Lorsque le client en fait la demande,

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Nous allons faire un effort et admettre que notre amendement est défendu, monsieur le président, mais ce sont bien les paroles sur l’article unique qui ont entravé le bon déroulement de nos discussions et qui nous empêcheront probablement de conclure cette niche avant la suspension de séance.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Briquet, MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mme Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

1° Remplacer les mots :

Lorsque le client en fait la demande, l’établissement de crédit motive gratuitement et par écrit, dans un délai de quinze jours ouvrés à compter de la réception de cette demande

par les mots :

L’établissement est tenu de motiver gratuitement et par écrit sa décision

2° Supprimer les mots :

, la décision de résiliation

La parole est à Mme Isabelle Briquet.

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mme Conway-Mouret et M. Chantrel, est ainsi libellé :

Après le mot :

client

insérer les mots :

, résidant en France ou hors de France,

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Un certain nombre de mes collègues représentants des Français de l’étranger ont expliqué pourquoi il était important que cette proposition de loi soit adoptée.

Il se trouve que, au travers de mon amendement, je propose une solution pour que nos compatriotes établis hors de France soient bel et bien pris en considération. J’espère qu’il sera adopté : en ce cas, mes collègues qui ont pris la parole pendant un certain temps seront satisfaits dans leurs attentes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 6, 4 et 1 rectifié. Concernant l’amendement n° 8, elle s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat. C’est le même objectif qui est défendu au travers des amendements nos 6, 4 et 1 rectifié.

Si l’obligation pour les banques de justifier la clôture d’un compte bancaire était systématisée, même en l’absence de demande du client, cela contribuerait à aggraver le conflit de normes avec le principe de confidentialité de la déclaration de soupçon d’un établissement vers la cellule de renseignement financier Tracfin.

C’est la raison principale pour laquelle le Gouvernement a exprimé des réserves. D’ailleurs, je remercie la sénatrice Bourcier et le sénateur Lemoyne d’avoir rappelé l’enjeu.

Si ces trois premiers amendements étaient adoptés, ils auraient pour effet de multiplier les cas où une banque devrait soit révéler l’existence d’une déclaration de soupçon par son silence, soit contrevenir à la loi en présentant des motivations inexactes pour préserver la confidentialité de sa déclaration de soupçon. (MM. Jean-François Husson et Pascal Savoldelli protestent.)

Nous retrouvons donc ici les craintes que j’ai exposées lors de la discussion générale. Ces craintes sont d’autant plus grandes que le volume d’injonctions contradictoires augmenterait mécaniquement du fait de ces amendements. L’avis est donc défavorable.

Quant à l’amendement n° 8, il semble satisfait par le droit en vigueur. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. Christian Bilhac. Je retire l’amendement n° 6, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 6 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 1 rectifié et 8 n’ont plus d’objet.

L’amendement n° 5, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Après le V du même article L. 312-1-1, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Par dérogation au troisième alinéa du V du présent article, l’établissement de crédit ne peut résilier une convention de compte de dépôt conclue pour une durée indéterminée si le motif de résiliation ne porte exclusivement que sur l’un des critères suivants :

« 1° L’absence de rentabilité ;

« 2° Le refus par le client d’accepter une modification de la convention ;

« 3° Les montants de retraits sont jugés trop importants par l’établissement de crédit. »

…. – Un décret pris sur avis du comité consultatif du secteur financier détermine les conditions d’application du I du présent article.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par M. Laménie, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La quatrième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 752-2, L. 753-2 et L. 754-2 du code monétaire et financier est ainsi rédigée :

« 

L. 312-1-1

la loi n° … du … visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires

 ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Laménie, rapporteur. Cet amendement vise à assurer l’application de la présente proposition de loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat. S’il faut toujours prendre en considération nos compatriotes d’outre-mer, cette mesure de coordination ne permet pas, selon nous, de répondre aux difficultés mentionnées lors de la discussion générale.

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article unique, modifié.

(Larticle unique est adopté.)

Article unique
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Après l’article unique (fin)

Après l’article unique

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Buis, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa du V de l’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier, est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cependant, si, d’une part, le client fait l’objet d’une déclaration de soupçon au service de Tracfin (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) dans les conditions et limites mentionnées au I de l’article L. 561-15 du présent code et que, d’autre part, le client fait l’objet d’une enquête diligentée par le Parquet national financier, le Parquet national antiterroriste ou l’une des juridictions interrégionales spécialisées n’ayant pas été classée sans suite, l’établissement de crédit ne peut résilier la convention de compte de dépôt. »

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. J’ai déjà évoqué l’objet de cet amendement lors de la discussion générale ; il est donc défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat. Le code monétaire et financier ne crée pas à dessein de lien entre l’existence d’une déclaration de soupçons et la poursuite ou non de la relation d’affaires, dont la décision revient à la banque concernée.

Le fait pour une banque de maintenir un compte ouvert, alors qu’elle sait que l’activité du compte est liée à des infractions pénales, est susceptible de rendre celle-ci, avec ses dirigeants, complice d’un crime ou d’un délit au sens de l’article L. 121-7 du code pénal. Dans ces conditions, le compte ne peut être maintenu ouvert que sur réquisition expresse du ministère public.

En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Buis, l’amendement n° 9 est-il maintenu ?

M. Bernard Buis. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.

L’amendement n° 10, présenté par M. Buis, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa du V de l’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier, est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Toute décision de résiliation d’une convention de compte de dépôt doit être systématiquement notifiée à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution qui pourra effectuer des contrôles aléatoires des établissements de crédit. Un décret détermine les modalités d’application du présent alinéa. »

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2 n’est pas soutenu.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires.

(La proposition de loi est adoptée.) (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l’article unique (début)
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6

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2024

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2024.

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c’est un honneur pour moi, même s’il s’agit de faire une infidélité à mon hémicycle de cœur, de m’exprimer pour la première fois ici, au Sénat, afin de vous présenter les principaux sujets qui seront traités lors du Conseil européen des 17 et 18 octobre prochains.

J’ai toujours attribué beaucoup d’importance à la diplomatie parlementaire et au rôle des commissions sur les questions internationales. Sachez donc que l’exercice de ce soir m’est particulièrement cher. J’espère qu’il est le début d’un échange régulier entre nous dans le cadre de la culture de dialogue et de respect avec toutes les forces politiques que promeut le Premier ministre. Sachez que je me ferai un plaisir de continuer à échanger régulièrement avec vous.

Ce Conseil européen d’automne sera un moment important pour l’Europe, notamment du fait de la phase de renouvellement institutionnel qui s’est engagée à l’issue des élections européennes.

Les chefs d’État et de gouvernement aborderont des sujets majeurs pour notre pays et je constate que ces thèmes – nous pouvons nous en féliciter – reflètent les priorités de l’agenda d’autonomie stratégique et de souveraineté européenne décliné depuis 2017.

L’Europe commence enfin à être moins naïve et moins dépendante. Elle défend ses frontières et ses intérêts économiques, en investissant dans la réindustrialisation. Elle développe son outil militaire pour assurer sa défense.

Alors que nos partenaires rechignaient à utiliser l’expression « autonomie stratégique », c’est aujourd’hui une évidence dans le débat public européen. Notre priorité est maintenant de décliner cette avancée sur toutes les grandes thématiques qui seront à l’agenda de la Commission européenne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la semaine prochaine, les chefs d’État et de gouvernement aborderont les sujets prioritaires suivants : le soutien à l’Ukraine ; le conflit au Proche-Orient ; la compétitivité, dans la lignée du rapport remis récemment par Mario Draghi ; la réponse aux défis migratoires ; la préparation de la COP29 et de la COP16 ; la lutte contre toutes les formes de discrimination ; enfin, les nombreux défis de politique étrangère qui se posent en Moldavie, en Géorgie, au Venezuela et au Soudan.

Sur l’Ukraine, les chefs d’État et de gouvernement discuteront de la finalisation du volet européen de l’emprunt auquel s’est engagé le G7 en juin sur le fondement des revenus tirés des actifs souverains russes immobilisés. Nous veillerons à ce que soit rappelée l’importance que tous les partenaires du G7 honorent l’engagement pris en juin dernier.

Il est urgent de doter l’Ukraine de ressources financières supplémentaires stables, car – rappelons-le – la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine engage à la fois notre sécurité et nos valeurs.

La France marquera également son attachement à ce que l’aide qui sera apportée aux Ukrainiens dans le cadre de cet emprunt bénéficie à leurs besoins les plus urgents, en particulier sur le volet militaire.

Par la même occasion, nous saluerons l’adoption du nouveau régime de sanctions visant les acteurs russes de déstabilisation dans le monde et contre nos États, dont la France fut, avec d’autres, à l’origine. Vous le savez, la lutte contre les ingérences étrangères russes est une priorité du Gouvernement.

S’agissant de la situation au Proche-Orient, qui est particulièrement mouvante et peut encore évoluer jusqu’au Conseil européen, le principal enjeu sera d’appeler, comme le fait la diplomatie française depuis plusieurs mois déjà, à s’engager encore davantage collectivement en faveur de l’obtention d’un cessez-le-feu, tant à Gaza qu’au Liban.

Le Conseil européen sera aussi l’occasion de présenter les contours de la conférence internationale pour le Liban qui se déroulera à Paris fin octobre, d’appeler à l’accroissement de l’aide humanitaire de l’Union européenne (UE) et des États membres afin de soutenir la population libanaise et de s’engager en faveur d’un soutien plus important envers les forces armées libanaises.

La discussion sur le conflit au Proche-Orient nous permettra de rappeler les fondamentaux de notre position : libération inconditionnelle des otages, acheminement de l’aide humanitaire à la population civile de Gaza et relance d’un dialogue politique menant à une solution à deux États dans le respect de la sécurité de l’État d’Israël – un droit inaliénable.

Sur l’Iran, nous rappellerons l’importance de l’unité des Européens face aux frappes contre Israël et aux activités de déstabilisation qui se poursuivent.

Nous saluerons l’adoption de nouvelles sanctions en réponse aux transferts de missiles balistiques iraniens à la Russie et aux activités déstabilisatrices de l’Iran dans la région, dont la récente attaque massive contre Israël. Le Conseil européen fera également un point sur les relations entre l’Union européenne et le Golfe, au lendemain du sommet UE-Conseil de coopération du Golfe.

Le Conseil se saisira évidemment des enjeux de compétitivité, une priorité de la France comme de la prochaine Commission.

Il s’agira d’un premier échange avant une discussion plus approfondie lors du sommet informel du 8 novembre prochain, qui se tiendra à Budapest en présence de Mario Draghi.

L’enjeu pour la France est d’obtenir une feuille de route concrète et ambitieuse pour mettre en œuvre de façon effective les recommandations formulées par le rapport Draghi qui, vous le savez, dresse un constat sévère, mais réaliste et lucide, du décrochage économique européen vis-à-vis de nos principaux concurrents, les États-Unis et la Chine. L’Europe est confrontée à un triple choc énergétique, commercial et sécuritaire, mais aussi aux défis liés aux transitions écologique et numérique et au vieillissement de sa population.

Nous sommes à un moment de bascule stratégique et nous devons saisir cette opportunité pour mettre en place une stratégie industrielle ambitieuse qui renforce la complémentarité entre les politiques industrielle, de concurrence, commerciale et budgétaire.

C’est à cette condition que l’Union européenne pourra relever avec succès le défi existentiel posé par la concurrence croissante des États-Unis et de la Chine. Je vous le dis ici, l’investissement dans l’innovation pour relancer la compétitivité du continent sera une priorité de notre action ; il s’agit de libérer l’épargne, qu’elle soit publique ou privée, et d’investir massivement dans l’intelligence artificielle, le quantique et les autres technologies d’avenir. Nous devons éviter que notre continent subisse un retard par rapport à ses concurrents qui serait irrattrapable.

La maîtrise des migrations est un enjeu pour le continent. La discussion du Conseil européen devrait porter sur les nombreuses propositions qui sont actuellement sur la table pour renforcer les instruments de la politique migratoire européenne.

La priorité pour la France est d’abord de mettre en œuvre et de renforcer les dispositifs existants. Le pacte sur la migration et l’asile est une première petite révolution. Nous veillerons à sa mise en œuvre rapide.

La révision de la directive 2008/115/CE, dite Retour, apparaît aujourd’hui nécessaire pour nous permettre de faciliter les procédures d’éloignement des déboutés des demandes d’asile.

S’agissant de la dimension externe, nous devons continuer de travailler à des partenariats plus ambitieux en matière de coopération et de réadmission avec les pays tiers, notamment de la rive sud de la Méditerranée, en utilisant tous les leviers dont dispose l’Union européenne.

Une discussion s’engagera également sur les enjeux à venir de la COP29 sur le climat et de la COP16 sur la biodiversité, qui se tiendront respectivement à Bakou et en Colombie en novembre. La France appellera à maintenir collectivement le haut niveau d’ambitions soutenu lors des précédentes COP et soulèvera plus particulièrement l’importance d’accompagner financièrement nos partenaires dans le combat contre le réchauffement climatique.

Ensuite, dans un contexte de recrudescence des menaces et des actes antisémites et racistes, notamment depuis le déclenchement du conflit au Moyen-Orient, le Conseil européen réitérera sa ferme condamnation de toutes les formes de discriminations.

Les échanges sur la Moldavie permettront de faire un point sur la situation politique intérieure de ce pays en proie à des manœuvres russes de déstabilisation, alors qu’il doit élire son président et se prononcer sur son avenir européen le 20 octobre.

Les chefs d’État et de gouvernement aborderont également la situation en Géorgie à la veille d’élections législatives déterminantes pour l’avenir du pays et dans un contexte de dérive persistante de son gouvernement sur les questions d’État de droit, de respect de la société civile et d’indépendance de la justice.

Concernant le Venezuela, la France l’a déjà affirmé : le choix du peuple vénézuélien doit être respecté. Or, face à l’absence de toute transparence du processus électoral, pourtant indispensable pour garantir la sincérité du scrutin, nous devrons conserver collectivement une posture ferme.

Enfin, la discussion s’achèvera par un point sur le conflit au Soudan, pays qui connaît aujourd’hui l’une des crises humanitaires les plus graves du XXIe siècle, faisant peser des risques sur la stabilité de toute une région. Il s’agira pour l’Union européenne et pour les États membres de réaffirmer leur engagement collectif, en poursuivant leur mobilisation pour répondre à la crise humanitaire et accompagner le dialogue inter-soudanais.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je me tiens à votre disposition pour échanger sur tous ces sujets. Je me réjouis de pouvoir travailler avec vous avant ce Conseil, de vous rendre compte en revenant de Bruxelles et de poursuivre nos échanges dans les mois qui viennent.

Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Catherine Dumas, vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai choisi, au nom de la commission, d’intervenir sur deux points : l’Ukraine et la voix de la France en Europe.

Le Président de la République a promis il y a quelques jours, à la tribune des Nations unies, que la France ferait « tout ce qui est en son pouvoir pour que l’Ukraine tienne bon, se mette hors de danger et obtienne justice », notamment en lui fournissant « des équipements indispensables à sa défense ».

Les dernières semaines de l’été ont été agitées par la question de savoir s’il fallait autoriser l’Ukraine à se défendre en frappant le territoire russe au moyen de missiles occidentaux à longue portée. Le président russe a fait savoir qu’il y verrait une participation directe des pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) au conflit, laquelle appellerait une réponse symétrique.

La question semble avoir été tranchée par la négative aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne après un débat public nourri – du moins autant qu’il peut l’être sur ces questions délicates.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser la position de la France à ce jour en la matière ?

Le Président de la République a également réaffirmé notre objectif que l’Ukraine soit « restaurée au plus vite dans ses droits légitimes et qu’une paix juste et durable soit bâtie ». Le 1er octobre, vous-même, monsieur le ministre, avez dit à un quotidien allemand que l’envoi de troupes au sol en Ukraine n’était toujours pas exclu.

Ainsi, nous souhaitons connaître précisément la forme que prendra le soutien français, mais aussi le soutien européen, à l’Ukraine dans les prochains mois.

Enfin, pouvez-vous nous éclairer sur l’objectif précis de la France à plus long terme. Le Gouvernement se projette-t-il déjà vers l’après-guerre ?

Ce point est particulièrement important, alors que, trois jours avant son discours à l’ONU, M. Macron appelait à « penser une nouvelle forme d’organisation de l’Europe et repenser notre rapport à la Russie » une fois la guerre terminée.

Je voudrais dire qu’ici, dans cette assemblée, les sénateurs sont plus que jamais désireux de participer au débat sur l’architecture de sécurité européenne du futur et nous serons bien sûr à l’écoute du Gouvernement, s’il a des propositions.

Je voudrais également aborder la question de l’influence française au sein de l’Union européenne.

Appelant à faire preuve d’imagination, le Président de la République a encore suggéré qu’il faudrait penser « la réalité d’une Europe dans sa forme géographique, qui n’est ni tout à fait l’Union européenne ni résolument l’Otan ». Est-ce à dire qu’il ne se fait plus guère d’illusions sur l’influence française au sein de l’Union ?

L’ancien commissaire européen Thierry Breton a récemment regretté que le poids de la France y soit « très dilué ». En effet, il détenait auparavant un portefeuille important, qui est à présent éclaté entre cinq commissaires.

Il faut ajouter à cela que les portefeuilles de l’énergie et de la transition écologique ont été confiés à des commissaires notoirement antinucléaires et que le poids de l’Allemagne dans les institutions européennes va croissant.

Thierry Breton n’a sans doute pas tort d’attirer l’attention du public français sur les conséquences pour l’équilibre européen qu’aurait le possible retour de la CDU au pouvoir en Allemagne dans un an.

Dans ce contexte, l’état de nos finances publiques est le plus performant des contre-arguments au soutien du couple franco-allemand. Certes, la santé économique de l’Allemagne n’est pas très bonne non plus, mais au moins elle respecte les traités et, malgré sa faible croissance, elle pèse en Europe.

Face à ce constat, comment entendez-vous mettre un terme à l’affaiblissement continu – malheureusement ! – de nos positions au sein de l’Union ? Comment faire pour que la voix de la France porte en Europe ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Le soutien à l’Ukraine est un enjeu essentiel, puisque c’est finalement toute l’architecture de sécurité européenne qui a été agressée le 24 février 2022 par la Russie. Notre soutien, que ce soit sur le plan militaire, humanitaire, économique ou juridique, se poursuivra aux côtés de nos alliés européens aussi longtemps que nécessaire et que le droit international l’imposera.

Sur les différents points que vous avez mentionnés, le Président de la République a été très clair.

Beaucoup de lignes rouges ont été fixées à l’Ukraine ces deux dernières années, alors que la Russie elle-même ne s’en fixait pas. Par conséquent, nous n’allons pas communiquer sur ce point ; c’est tout le sens de l’ambiguïté stratégique qui a été choisie par le Président de la République.

L’enjeu aujourd’hui, notamment dans le cadre de cette réunion du Conseil européen, est de dégager les ressources dont ont besoin les Ukrainiens sur le plan financier pour pouvoir continuer à tenir d’un point de vue militaire. La priorité est de débloquer l’emprunt décidé par le G7 et financé à partir des intérêts des avoirs russes gelés. Nous sommes pour le moment dans une situation de blocage, notamment due à la position de la Hongrie, et des discussions auront lieu à ce sujet. On parle ici de 50 milliards d’euros répartis entre les différents membres du G7 ; cela permettra de donner de la visibilité à long terme à l’Ukraine.

C’est un enjeu majeur de sécurité pour nous, en particulier dans le contexte des élections américaines qui posent des questions de plus long terme, notamment la fiabilité de nos alliés américains et les garanties de sécurité au sein de l’Alliance atlantique. Vous avez vous-même mentionné les questions d’architecture de sécurité ; les sénateurs doivent naturellement prendre part à ces réflexions.

En ce qui concerne l’influence française, qui va au-delà des questions de portefeuille ou de personne et sur laquelle je suis sûr que j’aurai à revenir dans la suite de notre débat, je voudrais souligner que toutes les priorités que nous portons depuis quelques années – la souveraineté industrielle et technologique, la défense, le nucléaire, la prospérité et la compétitivité, etc. – sont au cœur des priorités de la nouvelle Commission. Nous veillerons naturellement, au-delà de la question du portefeuille du commissaire français, à continuer à les porter, parce que nos intérêts concernent les portefeuilles de tous les commissaires.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le ministre.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué. Je reviendrai tout à l’heure, si j’en ai le temps, sur votre dernière question.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre prochains abordera la question de la préparation de deux temps forts de la diplomatie environnementale : la COP29 sur le changement climatique et la COP16 sur la biodiversité.

Le suivi de ces négociations internationales environnementales est une priorité pour la commission que je préside, tout comme pour notre groupe de suivi consacré à ces sujets et présidé par notre collègue Ronan Dantec.

Je commencerai par la COP29 relative au climat, qui se déroulera à Bakou en Azerbaïdjan du 11 au 22 novembre.

Un des principaux objectifs de la présidence de la COP29 est la négociation d’une nouvelle cible en matière de financement climatique ayant vocation à remplacer en 2025 l’objectif de 100 milliards de dollars par an fixé lors de la COP15 de Copenhague en 2009.

Cette conférence est cruciale pour le respect des objectifs climatiques : si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur un nouveau cadre d’aide aux pays en développement, ces derniers pourraient relâcher leurs efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les parties auront à concilier durant cette conférence de nombreuses divergences, qui portent à la fois sur le montant des contributions financières – elles doivent être à la hauteur du défi – et sur la liste des pays contributeurs qui pourrait intégrer les recompositions à l’œuvre de l’économie mondiale.

La France, qui a contribué au financement de l’action climatique à hauteur de 7,6 milliards d’euros en 2022, a aujourd’hui dépassé son objectif de consacrer 6 milliards d’euros par an à ce financement.

À ce titre, la France est donc parfaitement légitime à continuer à cette occasion d’être, avec l’Union européenne, un moteur de la négociation climatique internationale, comme elle l’a superbement montré il y a neuf ans lors de l’adoption de l’accord de Paris à l’occasion de la COP21, en contribuant à l’élaboration d’une position de compromis au-delà des clivages traditionnels lors des négociations climatiques.

Venons-en à l’autre temps fort diplomatique qui fait l’objet de toute l’attention de notre commission : la COP16 relative à la biodiversité qui aura lieu à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre prochains.

Il s’agit, à la différence d’il y a deux ans, d’un rendez-vous plus technique que politique qui vise précisément à mettre en œuvre l’accord de 2022, auquel la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est particulièrement attachée.

Fin 2022, la COP15 avait conduit à la signature de cet accord qui fixe un nouveau cadre mondial en faveur de la biodiversité, remplaçant les précédents objectifs d’Aichi. Il prévoit l’atteinte en 2030 de vingt-trois cibles mondiales définies pour parvenir à un « mode de vie en harmonie avec la nature ».

Une délégation de la commission, composée de Guillaume Chevrollier, Denise Saint-Pé et Jean-Michel Houllegatte, s’était d’ailleurs rendue au Canada dans le cadre de cette conférence. Dans son rapport d’information, la délégation avait salué ce cadre mondial ambitieux en faveur de la biodiversité, tout en alertant sur ses limites : de la robustesse du suivi et des mécanismes de correction des trajectoires en matière de biodiversité dépendra l’atteinte réelle des objectifs. Nous devons éviter le syndrome des « accords de papier » et des ambitions qui restent lettre morte.

Deux ans plus tard, il convient d’assurer la mise en œuvre concrète et opérationnelle du nouveau cadre mondial de la biodiversité, en tirant un premier bilan de la situation et des stratégies nationales élaborées par les États.

Aujourd’hui, il est temps de définir un cadre de financement pour assurer la mise en œuvre de mesures adéquates de protection de la biodiversité. La répartition de ces financements entre pays du Nord et pays du Sud constituera aussi une question épineuse et complexe à laquelle les négociateurs de la COP16 devront apporter des réponses.

Sur ce sujet également, j’invite le Gouvernement à se saisir de ces enjeux majeurs afin que l’Union européenne continue d’être une force motrice en vue de fixer d’ambitieux objectifs communs et répondre ainsi aux multiples défis environnementaux.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le président, nous partageons les objectifs et les constats que vous venez d’évoquer.

Nous devons accompagner nos partenaires en développement dans le combat contre le réchauffement climatique et l’adoption d’un nouvel objectif financier ambitieux doit être une priorité majeure de la COP29. Il faut que tous les pays qui sont en capacité de le faire participent à la solidarité financière internationale.

La France – je vous remercie de l’avoir dit – est l’un des principaux contributeurs : nous nous étions fixés un objectif de 6 milliards d’euros ; avec 7,6 milliards cette année, nous l’avons dépassé.

Sur la COP15 aussi, il nous faut être à la hauteur des ambitions qui ont été affichées. L’adoption du cadre mondial sur la biodiversité de Kunming-Montréal a permis de fixer des objectifs ambitieux pour la restauration et la conservation des écosystèmes et la COP16 doit maintenant nous permettre, dans cette lignée, de mettre en œuvre des stratégies nationales concrètes pour les atteindre.

À ce titre, la mise en place d’un mécanisme de suivi est un élément clé afin d’assurer la transparence et la redevabilité pour tous les acteurs. Soyez assuré que la France est particulièrement engagée dans la mobilisation des financements et l’élargissement de la base des donateurs.

Notre pays excède ses engagements en ayant atteint, avec deux années d’avance, son objectif d’un milliard d’euros d’aide publique au développement (APD) consacrée à la biodiversité et nous sommes très attentifs à la suppression des subventions néfastes.

Soyez assuré, là aussi, que ma collègue qui siège au Conseil Environnement a mis ces sujets au cœur de ses priorités.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la prochaine réunion du Conseil européen s’inscrit dans un contexte particulier d’un point de vue économique et financier, puisque le Conseil de l’Union européenne a approuvé, le 26 juillet dernier, l’ouverture d’une procédure de déficit excessif à l’encontre de sept pays de l’Union européenne, dont la France.

Alors qu’à la fin de la crise sanitaire le déficit public de la zone euro a convergé vers les 3 %, le déficit français n’a cessé, depuis 2022, de diverger. Dans son rapport qui présente un état des lieux de la situation économique et budgétaire des États membres fin 2023, la Commission européenne dresse un constat sans appel : la France, avec un déficit public de 5,5 % du PIB et une dette publique à plus de 110 %, est largement en dehors des critères fixés par le pacte de stabilité et de croissance (PSC).

Contrairement aux projections flatteuses inscrites par le gouvernement précédent dans son programme de stabilité pour les années 2024 à 2027, cette situation préoccupante est loin de se corriger en 2024 – bien au contraire !

Tandis que la France s’était engagée à réduire son déficit public à 5,1 % du PIB en 2024, le ministre du budget l’estime désormais à 6,1 %. Par ailleurs, la dette s’établissait déjà à 112 % du PIB à la fin du deuxième trimestre. Si nous ne faisons rien, la situation risque de se dégrader encore en 2025.

Cette situation détériorée est injustifiable hors période de crise et nous singularise – malheureusement – au milieu de nos partenaires européens. Or elle ne saurait être imputée aux seules crises sanitaire ou énergétique, dont les conséquences sur les déficits publics sont aujourd’hui d’une importance réduite.

La Commission européenne souligne dans son rapport que la situation des finances publiques de la France n’est « ni exceptionnelle ni temporaire ». D’après les dernières estimations, le déficit est attendu à 6,5 % en 2025, très loin des 3 % fixés par le PSC. La dette publique devrait dépasser, si rien n’est fait, les 114 % en 2025, largement au-delà de la limite de 60 % fixée par le traité.

Comme je l’ai mis en évidence dans le rapport que j’ai présenté au nom de la commission des finances le 12 juin dernier, la dégradation des finances publiques de la France en 2023 est avant tout le résultat de prévisions macroéconomiques imprudentes des gouvernements précédents et, surtout, du déni dans lequel ils se sont enfermés, alors qu’ils avaient en leur possession toutes les informations permettant d’anticiper cette situation.

Le Sénat n’a pourtant eu de cesse depuis plusieurs années d’alerter les gouvernements sur l’état de nos finances publiques. Il a proposé de nombreuses pistes d’économies, notamment dans le cadre du dernier projet de loi de finances, toutes balayées d’un revers de la main.

Notre pays se trouve désormais dans une situation délicate et sa crédibilité apparaît durablement entamée face à ses partenaires européens.

La procédure de déficit excessif ouvre une période d’ajustement de quatre ans pour retrouver un déficit de 3 %. Si la gouvernance économique européenne réformée permet bien une prolongation de trois ans de cette période, c’est à condition de présenter « un ensemble de réformes et d’investissements vérifiables et assortis d’échéances ».

Monsieur le ministre, comment entendez-vous mettre la France en conformité avec ses engagements européens ? À défaut, le Conseil pourrait enjoindre à la France de prendre des mesures de redressement de ses comptes publics sous six mois.

Enfin, le gouvernement précédent n’a pas été en mesure de transmettre un plan budgétaire et structurel national avant le 20 septembre, comme cela était pourtant requis. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, avoir obtenu de la Commission européenne un délai jusqu’au 31 octobre – tant mieux ! Tiendrez-vous cette nouvelle échéance et quand comptez-vous transmettre ce document au Parlement, conformément à l’article 1 K de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Comme vous l’avez mentionné, monsieur le rapporteur général, la France fait l’objet, ainsi que six autres pays de l’Union européenne, d’une procédure de déficit excessif engagée par la Commission européenne.

C’est effectivement, comme vous l’indiquez, un enjeu de crédibilité pour notre pays, y compris, au-delà de la simple question budgétaire, pour toutes les politiques que nous voulons promouvoir – souveraineté technologique, défense, protection de nos agriculteurs, etc. L’influence, la voix de la France en Europe, dépendra aussi de la crédibilité de la trajectoire fiscale et budgétaire que nous communiquons à nos partenaires.

Vous savez que le Premier ministre et le Gouvernement en font une priorité majeure. Nous allons entrer ces prochains mois dans un cycle budgétaire qui permettra de lancer une trajectoire de redressement de nos comptes publics pour revenir à 3 % de déficit à l’horizon 2029. Cette année, nous vous proposerons un budget ambitieux de réduction de notre dépense publique, laquelle est aujourd’hui la plus élevée de l’OCDE, ce qui nous placera sur cette trajectoire.

Vous avez raison de le rappeler, nos partenaires nous attendent sur ce sujet et nous serons au rendez-vous. Au-delà de la question de l’équilibre des comptes publics, il y va de la crédibilité de nos positions sur tous les grands dossiers européens.

J’ajoute que l’Union européenne devra dégager des ressources pour investir dans les industries d’avenir, comme la technologie de l’intelligence artificielle, la défense, l’espace, l’énergie. Nous devrons collectivement, à l’échelon européen, dégager des ressources d’épargne à la fois privée et publique pour pouvoir investir au même niveau que nos concurrents et partenaires, notamment les États-Unis, à l’instar de ce que nous avons su le faire lors de la crise du covid avec le plan Next Generation EU. C’est le message que portera la France en s’appuyant sur les conclusions du rapport Draghi.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, pour la réplique.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, j’apprécie le ton de votre discours, qui a radicalement changé. En effet, vous avez repris calmement les arguments que nous développons depuis un certain temps sur le dérapage de nos comptes publics, qui nous met en situation de fragilité, et pas seulement par rapport aux objectifs du pacte de stabilité et de croissance. C’est aussi un enjeu de souveraineté, car nous nous mettons dans la main des marchés, qui ne font pas de cadeaux. Nous le savons, la dette appartient de plus en plus à des investisseurs étrangers, avec des taux en progression et des conditions qui risquent de peser lourdement…

Monsieur le ministre, je vous charge de sensibiliser vos collègues du Gouvernement sur l’importance de l’allégement de la dette, qui passe aussi par une meilleure implication au niveau européen.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le ministre, vous avez parlé de votre hémicycle de cœur. Sachez qu’ici – vos prédécesseurs me l’ont dit à plusieurs reprises –, c’est comme dans le film Bienvenue chez les Chtis : on pleure quand on arrive, mais aussi quand on part. (Sourires.)

Tout semble se remettre enfin en ordre de marche, mais le monde ne nous a pas attendus. L’ordre du jour du prochain Conseil en témoigne, avec un volet international d’une ampleur considérable, reflet de l’intensité de la période que nous vivons.

L’Union européenne semble bien impuissante pour mettre fin à la guerre en Ukraine, éviter l’embrasement autour d’Israël ou apaiser la situation au Soudan. Même sur son cœur de métier, sur lequel je vais me concentrer, l’Union est à la peine : la liberté de circulation qui la fonde est chaque jour plus contestée.

Près d’un tiers des États membres, dont notre pays et désormais l’Allemagne depuis trois semaines, ont rétabli temporairement les contrôles aux frontières intérieures, conformément au code Schengen qui l’autorise en cas de menace grave pour l’ordre public et la sécurité intérieure. La pression politique a encore augmenté d’un cran avant-hier, avec l’appel d’une majorité d’États membres, dont la France, à réviser la législation sur les retours des migrants irréguliers.

La triste actualité nous le rappelle trop souvent : il est indispensable de garantir l’éloignement efficace des personnes qui n’ont pas le droit de rester sur le territoire de l’Union, sans quoi la politique européenne de l’asile sera menacée. D’ores et déjà, la Hongrie, après les Pays-Bas, a demandé à la Commission européenne une exemption des règles européennes en matière d’asile et de migration si une modification des traités devait avoir lieu à l’avenir.

Monsieur le ministre, que compte proposer la France à ses partenaires, précisément, pour répondre efficacement au défi migratoire ? J’y suis quotidiennement confronté dans mon département et j’en suis convaincu : c’est un défi européen qui appelle une réponse européenne.

La compétitivité du marché intérieur est un autre défi proprement européen. C’est la condition sine qua non de la souveraineté européenne, qui est d’autant plus vitale que l’instabilité géopolitique transforme nos dépendances en vulnérabilités. C’est pourquoi les rapports rendus avant l’été, par Enrico Letta sur l’avenir du marché intérieur, puis par Mario Draghi sur l’avenir de la compétitivité européenne, ne sauraient rester lettre morte.

Décrochage clair de sa croissance ; moindre accès aux marchés mondiaux ; perte de son principal fournisseur d’énergie ; nécessité de réinvestir dans la défense, mais aussi dans les technologies émergentes après avoir manqué le train du numérique ; perspectives démographiques négatives : le constat est sombre pour l’Union, qui ambitionne d’être leader dans les nouvelles technologies – phare de la responsabilité climatique et acteur indépendant sur la scène mondiale –, tout en gardant son modèle social. Il s’agit d’un « défi existentiel », comme le dit Mario Draghi, et l’Union doit vite réagir, en trouvant comment devenir plus productive.

Le Conseil européen risque de reporter ce sujet à sa rencontre informelle en novembre, mais nous ne pouvons pas attendre, monsieur le ministre ! D’ores et déjà, l’Espagne propose un « laboratoire de compétitivité » pour tester des initiatives avec quelques États membres avant d’envisager de les étendre à tous : la France, que nous savons très occupée à rétablir sa crédibilité budgétaire auprès de ses partenaires et qui sort également affaiblie du changement in extremis de son candidat pour la Commission européenne – le choix a été trop rapidement fait –, ne doit pas rester à l’écart de cet élan.

Je voudrais insister sur l’enjeu démocratique qui s’y attache. Ces réformes ambitieuses ne seront durables que si elles bénéficient d’un soutien démocratique. Mario Draghi lui-même a appelé à veiller à ce que nos institutions démocratiquement élues soient au centre de ces débats. Les parlements nationaux en font partie et je souhaitais, monsieur le ministre, le rappeler fortement ce soir : il importe que l’exécutif prenne bien soin d’associer le Parlement aux réorientations profondes de l’Union qui s’annoncent.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le président, je ne suis pas sans savoir que votre territoire est au cœur de cet enjeu migratoire. Je vous remercie d’avoir souligné qu’il s’agissait d’un enjeu européen appelant une réponse européenne, laquelle devra être robuste, ferme, humaine. La maîtrise de l’immigration attendue par nos concitoyens fait aujourd’hui consensus chez nos partenaires européens. La crédibilité de l’Union sera jugée à l’aune de sa capacité à obtenir des résultats concrets dans la maîtrise des flux migratoires.

Nous avons adopté le pacte européen sur la migration et l’asile, qui est une avancée majeure. Il permet notamment une première sélection des demandeurs d’asile aux frontières de l’Union européenne. Nous appelons maintenant, avec nos partenaires, à sa mise en œuvre rapide, mais globale, et non pas différenciée. En effet, on commence à voir émerger un débat chez certains pour mettre en œuvre certaines parties du pacte avant d’autres.

Nous militons, pour notre part, en faveur d’une approche globale et équilibrée des différentes problématiques auxquelles sont confrontés les États membres : c’est ce qui fait la force et la justesse de ce pacte. Pendant trop longtemps, nous avons laissé certains partenaires, comme l’Italie et la Grèce, seuls face au défi migratoire. Nous avons une responsabilité collective à cet égard.

Il faudra aussi penser aux prochaines étapes, notamment la directive Retour. Je rappelle à ce sujet les efforts déployés par le Premier ministre et le ministre de l’intérieur pour réformer ce texte et permettre une expulsion plus rapide des déboutés du droit d’asile. Il importe également de repenser les instruments des politiques externes de l’Union européenne : la politique des visas, les accords commerciaux, la conditionnalité de la politique d’aide au développement, ainsi que les partenariats plus globaux avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. C’est un enjeu véritablement générationnel, compte tenu des bouleversements climatiques, démographiques et économiques auxquels font face ces régions. Cela doit être au cœur des priorités de la politique externe de l’UE.

Enfin, je vous remercie d’avoir parlé de la compétitivité. La France sera au rendez-vous de ce débat. Nous porterons des propositions avec nos partenaires, notamment sur les investissements. L’Union devra opérer un changement de braquet, après avoir mis l’accent ces dernières années sur la régulation pour encadrer les plateformes numériques, pour protéger notre industrie et notre souveraineté technologique. Nous devons maintenant mettre en œuvre les mesures qui permettront d’avoir l’environnement le plus propice à l’innovation, à l’entrepreneuriat. Il importe également d’unifier les marchés de capitaux, une étape absolument essentielle. Sur ce dernier sujet, la France sera extrêmement active auprès de la Commission.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes, pour la réplique.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Je veux revenir sur Schengen et l’utilisation de cette possibilité qu’ont les États membres de fermer leurs frontières intérieures. C’est à mon sens un échec, même si cela peut paraître opportun. Ce qui compte, c’est la protection des frontières extérieures avant tout. Le Sénat a fait un travail important sur Frontex que le Gouvernement pourrait reprendre.

Par ailleurs, sur l’union des marchés de capitaux, je rappelle que l’épargne des Européens représente 30 000 milliards d’euros. Il y a sûrement des choses à faire de ce côté-là avant d’envisager d’autres emprunts pour mettre en œuvre le rapport Draghi.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern.

M. Claude Kern. Madame la présidente, mes chers collègues, je m’associe d’abord aux félicitations adressées à M. le ministre pour sa nomination, et je formule le vœu que s’engage une bonne collaboration avec le Sénat.

Il sera notamment question lors du Conseil européen des 17 et 18 octobre de la situation internationale, qui est critique. Mon intervention y sera consacrée.

Je commencerai par parler de l’Ukraine. Les négociations en vue de son processus d’adhésion ont débuté le 25 juin dernier à Luxembourg, conjointement avec celles relatives à l’adhésion de la Moldavie.

Lors des différentes auditions que nous avons menées ici, au Sénat, nous avons pu mesurer que la route pour l’adhésion serait plus longue que prévu. Bien que l’Ukraine doive faire face à une situation de guerre avec la Russie, il est, à mon sens, important de ne pas griller les étapes. Toute procédure d’adhésion, quelle que soit la situation du pays concerné, doit se faire sans précipitation et dans le respect des règles.

Lors de la réunion du Conseil européen de février 2023, les dirigeants de l’Union ont pris acte des efforts considérables que l’Ukraine a déployés en vue d’atteindre les objectifs indispensables pour justifier de son statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union.

Nous avons pu observer que l’Ukraine continuait de déployer d’importants moyens pour remplir les conditions d’adhésion à l’Union européenne. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si des points particulièrement litigieux au cours de l’examen analytique de la candidature pourraient retarder ce processus d’adhésion ?

Sur l’Ukraine toujours, il n’est pas neutre de rappeler que se tiendra bientôt, le 5 novembre 2024, l’élection présidentielle aux États-Unis. Deux scénarios sont possibles.

Le premier repose sur l’élection de Kamala Harris, l’actuelle vice-présidente.

Le second scénario, c’est la réélection de Donald Trump. Cette dernière hypothèse est la plus inquiétante, notamment pour la cause ukrainienne.

Donald Trump, dont la proximité avec Vladimir Poutine lors de sa présidence n’est plus à démontrer, a indiqué pouvoir mettre fin à la guerre en quelques heures s’il est réélu. Si cette solution se traduisait par l’arrêt de livraisons d’armes et de moyens par les États-Unis au profit de l’Ukraine, pour l’affaiblir considérablement, l’Union européenne serait-elle en mesure de pallier la fin de l’aide américaine ?

J’en viens maintenant à la situation au Moyen-Orient, deux jours après la première commémoration du tragique et sanglant attentat du 7 octobre 2023. Un an après, la situation politique est angoissante et la situation humanitaire dramatique.

Il est compréhensible qu’Israël, attaqué de toute part, se défende. Cependant, la situation au Liban, pays historiquement lié à la France, est particulièrement inquiétante.

Je tiens à saluer la rapidité du déblocage par l’Union de 30 millions d’euros en faveur de la population civile libanaise, afin que puissent être livrés rapidement une aide alimentaire et des moyens médicaux.

Ce conflit a provoqué des déplacements de population sans précédent au Liban. Selon le gouvernement libanais, depuis la mi-septembre, plus de 1 000 personnes ont été tuées et environ 1,2 million ont été déplacées à cause des bombardements. Aux dires de la Commission européenne, près de 2 millions de personnes, Libanais et réfugiés syriens, sont en situation de carence alimentaire dans ce pays.

Est-il utile de rappeler que le Hezbollah est une organisation terroriste aux ordres de l’Iran ? Pour autant, monsieur le ministre, il est impératif d’appeler lors de ce Conseil européen à une désescalade dans le conflit au Liban, pays dont la situation intérieure était déjà tendue, mais également à une désescalade globale au Moyen-Orient.

J’aurais aimé parler de la COP29, mais je manque de temps. C’est à mon sens une hérésie d’avoir choisi l’Azerbaïdjan pour accueillir celle-ci. Je vous informe au passage que je fais partie des soixante-seize parlementaires figurant sur une liste de persona non grata

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Vous pouvez en faire un motif de fierté, monsieur le sénateur !

Vous connaissez les liens forts de l’Arménie et de la France, qui se traduisent dans l’action résolue du Gouvernement en faveur de la souveraineté et de la liberté de ce pays.

Sur l’Ukraine, vous avez raison de souligner les incertitudes que fait peser l’élection présidentielle américaine, qui aura plus largement un impact sur l’avenir de la relation transatlantique et l’architecture de sécurité européenne. Ces incertitudes nous imposent d’investir massivement dans notre outil de défense et dans la coopération industrielle européenne.

Ainsi, la France soutient activement la préférence européenne au travers de la stratégie industrielle européenne de défense (Edis) et du programme européen pour l’industrie de la défense (Edip), pour disposer d’une base industrielle de défense européenne autonome. Cela nous permettra de développer nos instruments de soutien à l’Ukraine sur le temps long.

J’ai mentionné le prêt financé sur les profits d’aubaine résultant de la gestion des avoirs gelés de la Russie au sein du G7. La France a pour priorité de flécher ces 50 milliards d’euros vers l’achat de matériel militaire, pour que les Ukrainiens puissent se défendre. Se posera aussi la question du renouvellement de la Facilité européenne pour la paix, qui a servi ces dernières années à financer les livraisons d’armes à ce pays. La France y est particulièrement attachée.

Pour ce qui concerne le Moyen-Orient, nous partageons votre position sur les messages principaux que nous devrons porter.

Nous avons commémoré voilà deux jours l’attaque barbare du Hamas du 7 octobre 2023 contre la population civile israélienne, au cours de laquelle quarante-huit de nos compatriotes ont été tués. Nous appelons à la libération inconditionnelle des deux otages franco-israéliens encore aux mains de cette organisation terroriste. Le Président de la République et la diplomatie française se mobilisent pour obtenir une désescalade dans la région, avec un cessez-le-feu, la libération de tous les otages, l’acheminement de l’aide humanitaire à la population civile de Gaza et la relance du dialogue politique.

Vous avez raison de souligner la responsabilité du Hezbollah, et plus généralement de l’Iran, dans la déstabilisation régionale. Ce point sera d’ailleurs inclus dans les conclusions du Conseil européen. Y figureront également les différents paquets de sanctions adoptées par l’UE, ainsi qu’un appel à la protection de la population civile, à la désescalade et à la reprise du dialogue régional.

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le déchaînement de violence à l’encontre de populations civiles, que celles-ci se trouvent au Proche-Orient, en Ukraine ou encore au Soudan, ne connaît aucune trêve.

Après avoir fait déplacer 1,2 million de Libanais et provoqué la mort de près de 2 000 personnes par d’innombrables bombardements, après avoir perpétré sur le territoire libanais, les 17 et 18 septembre derniers, deux attentats ayant mutilé des milliers de personnes et tué des dizaines d’autres, dont des enfants, les forces armées israéliennes envahissent dorénavant le Liban.

Cette dévorante machine de guerre qui sévit à Gaza depuis le 7 octobre 2023 se déploie maintenant au Liban, où est bombardé le point de passage de Masnaa, qui est emprunté par des centaines de milliers de réfugiés pour fuir vers la Syrie.

Le bilan de l’acharnement à Gaza est à rappeler sans cesse : plus de 40 000 morts, dont 16 756 enfants, d’innombrables disparus présumés morts sous les décombres, un exode massif sans fin à la recherche éperdue d’un refuge qui n’existe pas.

Nourrissant ainsi les germes d’une guerre totale et, avec elle, l’espoir de faire taire toutes les dissidences à son projet colonial, le gouvernement israélien – je dis bien le gouvernement, et non pas le peuple israélien – bénéficie de l’hypocrisie complice des États-Unis et de la majorité des pays de l’Union européenne. D’un côté, ces gouvernements appellent timidement au cessez-le-feu ; de l’autre, ils continuent à fournir des armes à Israël.

Israël a assurément le droit de se défendre contre le terrorisme. Mais est-il réaliste de penser que le Hezbollah et le Hamas peuvent être éradiqués par les bombes, alors même qu’ils bénéficient d’un ancrage dans leur population ?

La guerre en Afghanistan et en Irak a coûté 21 000 milliards de dollars pour des résultats absolument navrants. L’organisation d’Al-Qaïda ne comptait au départ que quelques milliers de terroristes dans les montagnes d’Afghanistan. Elle a recruté à tour de bras en Irak, laissant ensuite place à Daech qui a su occuper un territoire aussi grand que la Grande-Bretagne entre la Syrie et l’Irak.

Mes chers collègues, les peuples ont besoin non pas de guerres, mais de justice, et surtout de paix. Et la paix ne peut pas s’obtenir sous les bombes.

Nous demandons justice pour le peuple palestinien, pour le peuple libanais, et aussi pour le peuple israélien.

Pour cela, il faut que les instruments diplomatiques de l’Union européenne frappent fort et juste contre le gouvernement de Netanyahou.

Monsieur le ministre, quand le Gouvernement mettra-t-il hors d’état de nuire la machine de guerre israélienne une bonne fois pour toutes ? Quel énième massacre Israël doit-il commettre pour que vous déclariez un embargo sur toutes les armes, des sanctions financières, ou encore que vous geliez les avoirs des criminels de guerre et de leurs soutiens ?

Monsieur le ministre, j’ajoute que reconnaître l’État palestinien n’est pas affaiblir l’État d’Israël.

L’Union européenne n’a pas tremblé pour prendre des sanctions à l’encontre de la Russie, qui, elle aussi, s’évertue à faire plier son voisin par une guerre d’agression.

La logique d’élargissement des conflits nous menace également à l’est de l’Europe. L’enlisement généralisé dans la guerre se confirme en Ukraine et en Russie. Le risque d’une escalade gravissime se renforce dès lors qu’aucune solution diplomatique n’est trouvée. La décision de Moscou, prise le 25 septembre dernier, de réviser sa doctrine nucléaire est grave et doit nous interroger. Le risque d’un conflit nucléaire est réel.

Son refus de jouer un rôle pour la paix, en laissant les feux de la guerre se propager de Gaza à Kiev en passant par Beyrouth, permet à l’Union européenne d’accélérer et de légitimer sa course à la remilitarisation. Alors que nous devrions agir en faveur d’un fonds de développement économique, social et écologique européen pour les services publics, c’est l’engrenage belliciste qui nous est promis. Pourtant, seule une politique de paix et de sécurité collective indépendante des logiques de blocs permettra de bannir la guerre et de construire la paix. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice, vous revenez sur des sujets déjà évoqués par certains des intervenants précédents, mais je veux tout de même rappeler et souligner l’engagement de la diplomatie française. Le voyage récent au Liban et dans la région du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, en témoigne.

Je tiens aussi à insister sur l’engagement personnel du Président de la République, avec une position ferme et équilibrée depuis le 7 octobre 2023, qui consiste d’abord en une condamnation sans faille du terrorisme et de l’attaque barbare du Hamas contre la population civile israélienne, laquelle a causé plus de 1 200 victimes.

Emmanuel Macron s’est aussi engagé en faveur de la livraison d’aide humanitaire. D’ailleurs, la visite du ministre de l’Europe et des affaires étrangères a permis de fournir 12 tonnes d’aide humanitaire à la population civile libanaise la semaine dernière.

Enfin, la France milite pour un dialogue politique au service d’un processus de paix régional, qui doit aboutir à deux États, Israël vivant en sécurité au côté d’un État palestinien reconnu.

Je veux souligner encore une fois le rôle joué par le Hamas dans le déclenchement de cette guerre et de ce déchaînement de violence, et celui que joue l’Iran avec ses activités déstabilisatrices et son soutien à des proxys terroristes dans la région. Cela sera rappelé dans les conclusions du Conseil européen.

Pour conclure, je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir mentionné la situation au Soudan, qui est malheureusement trop souvent oubliée. Cette guerre civile a fait plus de 11 millions de réfugiés. C’est l’une des plus graves crises humanitaires de ce début de XXIe siècle. Je veux, là aussi, rendre hommage à l’action de la diplomatie française : 90 % des engagements financiers et humanitaires pris lors de la conférence de Paris, organisée par le Président de la République, ont été respectés. Nous continuerons à nous mobiliser avec nos partenaires européens pour que la population civile soudanaise ne soit pas oubliée et qu’une solution politique soit trouvée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour la réplique.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le ministre, à aucun moment je n’ai, me semble-t-il, contesté le fait que le Hamas était une organisation terroriste, qu’il n’est aucunement question de défendre. Mais j’ai aussi souhaité souligner la responsabilité de l’armée israélienne, aujourd’hui, dans les drames vécus par les populations civiles de la région.

Nous savons aussi que certaines positions d’ordre diplomatique vous empêchent probablement d’intervenir plus franchement dans ce conflit. C’est ce que je voulais mettre en lumière ce soir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l’ONU demande régulièrement un cessez-le-feu, que la situation humanitaire est cauchemardesque à Gaza, le gouvernement israélien a récemment étendu son action militaire au Liban.

Les attaques contre le Hezbollah libanais ont entraîné la mort de nombreux civils à la suite de frappes aériennes dans le sud du pays.

L’argument sécuritaire ne peut être entendu face à un nombre aussi important de victimes civiles : 41 000 morts et près de 100 000 blessés à Gaza ; 2 000 morts et 1 million de déplacés au Liban.

Une année s’est écoulée depuis les attaques terroristes du 7 octobre. Une année durant laquelle nous n’avons cessé de demander un cessez-le-feu et la libération des otages retenus par le Hamas ; nous ne les oublions pas.

Un apaisement durable, avec le cessez-le-feu que nous désirons tous, ne pourra être atteint dans cette escalade de violence. Le droit international doit être respecté, le massacre de civils doit cesser et les États européens doivent agir pour que soit ramenée la paix dans la région.

Cela fait aussi presque un an maintenant que nous demandons la fin de l’envoi d’armes à Israël face aux atteintes au droit international dont nous alerte régulièrement la Cour internationale de justice.

Nous saluons, bien qu’elle soit tardive, la prise de position d’Emmanuel Macron, qui a souhaité samedi dernier l’arrêt de l’envoi d’armes à Israël. Toutefois, il faut aller plus loin et agir à l’échelon européen. Nous demandons depuis plus de six mois maintenant une suspension de l’accord d’association entre l’UE et Israël. La France, lors du prochain Conseil, saura-t-elle prendre ses responsabilités et s’exprimer en ce sens ?

En ce qui concerne le Mercosur, nous avons appris récemment que onze États membres de l’UE avaient adressé une lettre à la Commission européenne pour accélérer les négociations en vue de la signature de l’accord de libre-échange avec cette organisation.

La position de la France, depuis la signature de l’accord d’association en 2019, a toujours été de bloquer tout accord qui ne comporterait pas de clauses miroirs sur les normes environnementales et sociales. Les écologistes dénoncent la concurrence déloyale liée à l’importation de produits qui ne respectent pas les normes sociales et de durabilité en vigueur en Europe.

Michel Barnier a indiqué être opposé à cet accord, dans la lignée de la position gouvernementale depuis 2019. Quelles actions comptez-vous mener au cours des prochains mois pour rouvrir les négociations, retarder la signature de l’accord, voire abandonner celui-ci ?

J’en viens au Sahara occidental. En 2020, le Haut-Représentant de l’UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, affirmait que « l’Union [considérait] le Sahara occidental comme un territoire non autonome, dont le statut final [serait] déterminé par le résultat du processus de l’ONU en cours ».

En 2022, une résolution de l’ONU appelait le Maroc et le Front Polisario à « parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, fondée sur le compromis, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ».

Pourtant, le 30 juillet 2024, Emmanuel Macron a estimé que le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, qui ne comprend pas de recours à un processus d’autodétermination, était la « seule base de règlement » de ce conflit, en contradiction avec le droit international et les résolutions 1514 et 2072 de l’Assemblée générale des Nations unies, ainsi qu’avec les résolutions 690 et 1495 du Conseil de sécurité.

Alors, quels sont les impacts des divergences entre la France et l’Union européenne sur le Sahara occidental ?

Plus récemment, le 4 octobre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a annulé les accords sur la pêche et les produits agricoles passés entre l’UE et le Maroc en 2019, au motif que ces accords avaient été conclus en « méconnaissance des principes de l’autodétermination » du peuple sahraoui. La position prise par la France en juillet dernier ne semble prendre en considération ni le droit international ni le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.

À cet égard, dans quel sens évoluera la position de la France lors des prochaines négociations de l’accord d’association entre l’Union et le Maroc ? Comment la France compte-t-elle inscrire ses actions et ses politiques relatives au Sahara occidental dans le respect des juridictions internationales et européennes ?

Pour finir, Greta Thunberg et plusieurs dizaines d’activistes ont été arrêtés samedi dernier à Bruxelles lors d’une action de désobéissance civile. Les militants bloquaient une route pour appeler à la fin immédiate des subventions apportées aux énergies fossiles par l’UE.

Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI) publié en février 2023, ces subventions représentent plus de 50 milliards d’euros par an à l’échelle européenne. Une résolution adoptée par le Parlement européen à l’occasion de la COP28 appelle à ne plus utiliser les deniers publics au profit d’un secteur climaticide « d’ici 2025 au plus tard ». L’échéance est proche !

Où en sommes-nous dans la mise en œuvre de cet engagement et quelles positions défendez-vous en la matière à l’échelle européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice, sur la question du Proche-Orient, je vous renverrai à mes réponses précédentes, même si, je le redis, je continuerai volontiers à échanger avec vous sur ces sujets et vous rendrai naturellement compte des conclusions du Conseil européen.

Je voudrais dire un mot de l’accord avec le Mercosur, que je vous remercie d’avoir mentionné. Sur ce point, je veux vous assurer que la position de la France reste extrêmement ferme.

Nous ne sommes pas opposés par principe aux accords de libre-échange. Nous avons soutenu les accords conclus par l’Union européenne lorsqu’ils comportent des clauses miroirs et respectent un principe de réciprocité, notamment en matière de normes environnementales, dont vous avez souligné l’importance à juste titre. Tel était par exemple le cas de l’accord avec la Nouvelle-Zélande.

Pour ce qui est du Mercosur, notre position n’a pas changé : nous considérons qu’en l’état cet accord n’est pas satisfaisant ; par conséquent, nous nous y opposerons. Hier encore, à Strasbourg, lors de la session plénière du Parlement européen, j’ai pu constater que ce sujet avait été évoqué, notamment par certains présidents de groupe. Nous continuerons à créer des coalitions avec nos partenaires pour réaffirmer cette position, qui protège nos intérêts économiques, commerciaux et environnementaux, mais témoigne aussi de notre exigence de respect des principes et de la souveraineté de l’Union européenne à travers le monde, dans les relations qu’elle entretient avec ses partenaires.

Sur la question du Sahara occidental, le Gouvernement réaffirme son attachement indéfectible à son partenariat avec le Maroc. La relation entre l’Union européenne et ce pays revêt un caractère stratégique. C’est une priorité pour nous, auprès de nos partenaires européens comme des institutions de l’Union. Nous appelons donc ceux-ci à poursuivre les travaux pour renforcer nos échanges, notamment économiques, avec le Maroc et préserver les acquis de ce partenariat.

À cet égard, comme le Président de la République l’a écrit à Sa Majesté le roi du Maroc à l’occasion de la Fête du Trône, la France reste déterminée à accompagner les efforts du Maroc en faveur du développement économique et social du Sahara occidental, au bénéfice des populations locales.

Concernant la décarbonation, vous n’ignorez pas que nous soutenons les objectifs ambitieux mis en place au travers du Pacte vert, qui permettront d’aboutir à la neutralité carbone, à un continent « zéro carbone » d’ici à 2050. Ces objectifs doivent désormais être mis en œuvre au cours de la nouvelle mandature de la Commission. La France y veillera, en conservant cet objectif d’investir de façon ambitieuse à la fois dans les énergies renouvelables, dans la décarbonation et dans le nucléaire, de manière à être le premier continent à atteindre la neutralité carbone.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour la réplique.

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le ministre, je vous interrogeais sur le Sahara occidental ; vous m’avez répondu sur le partenariat fort avec le Maroc. Ma question était sensiblement différente…

Quant au Proche-Orient, ma question portait spécifiquement sur l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, point sur lequel il ne me semble pas avoir entendu de réponse de votre part au cours du débat.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Monsieur le ministre, je veux avant tout vous présenter à mon tour mes vœux de réussite dans vos nouvelles fonctions, dans l’intérêt de la France et de la construction européenne.

À l’approche du prochain Conseil européen, ce débat préalable devant la représentation nationale nous semble bienvenu, car nous sommes depuis plusieurs semaines particulièrement inquiets.

Oui, nous sommes inquiets, car, dans un parallèle politique troublant entre les situations française et européenne, nous découvrons un exécutif européen qui nourrit des alliances contre-nature et ne respecte plus les équilibres qui ont permis à l’Union européenne, pendant de longues années, de bâtir des compromis utiles à son développement.

Oui, nous sommes inquiets, car nous constatons amèrement que la France, après une fin de mandature déjà particulièrement compliquée, perd chaque jour en capacité à peser dans le jeu européen.

Ces constats devraient tous nous alerter, monsieur le ministre, sur le moment que nous connaissons.

Alors que l’Europe fait face à une question existentielle, dans un monde secoué par les guerres et miné par une compétition internationale exacerbée, une chape conservatrice s’abat aujourd’hui sur elle et risque malheureusement de mettre en danger ses valeurs et ses objectifs.

Mes chers collègues, nous avons un modèle à défendre, celui de la démocratie européenne, fondée sur la primauté de l’État de droit, sur le respect et la protection des droits humains et sur la solidarité.

Pourtant, pour la première fois, deux commissaires, italiens et hongrois, ouvertement d’extrême droite et issus de partis politiques officiellement hostiles à l’Union européenne, figurent au sein de l’exécutif européen. Mme von der Leyen pouvait construire sa majorité en s’appuyant, au Parlement européen, sur les partis pro-européens, mais elle a finalement décidé d’accepter ces deux représentants de l’extrême droite et même d’élever le commissaire italien au rang de vice-président exécutif de la Commission.

Nous assistons ainsi à la banalisation d’alliances entre la droite du Parti populaire européen (PPE) et les groupes d’extrême droite que sont les Conservateurs et réformistes européens (CRE), les Patriotes pour l’Europe et l’Europe des nations souveraines (ENS). Cette tendance s’est fait jour dans une démarche commune en faveur d’une résolution sur le Venezuela, ou encore, plus récemment, pour empêcher l’audition des commissaires à l’agriculture et à la pêche par la commission de l’environnement du Parlement européen.

Monsieur le ministre, nous n’avons vu aucune réaction du Gouvernement à ces ronds de jambe faits à l’extrême droite ; je vous le dis très sincèrement, ce n’est pas acceptable !

Nous avons également assisté avec stupeur au changement express du commissaire européen français, dans un mouvement qui illustre finalement assez bien le moment : une soumission de la France à un diktat de la présidente de la Commission, qui ne tolérait plus le poids politique et la liberté de parole de Thierry Breton.

Cette décision devait, à ce qu’il paraît, garantir à la France, au travers de M. Séjourné, une vice-présidence exécutive et un portefeuille élargi ; finalement, notre commissaire hérite d’un périmètre bien moins important et influent que celui dont disposait Thierry Breton, amputé de l’industrie de la défense et du numérique. En outre, M. Séjourné sera plus étroitement encadré par trois commissaires issus du PPE, du fait des nombreuses co-supervisions ; ses collègues n’hésiteront pas à agir collectivement.

Cette mise au pas de la Commission européenne par Ursula von der Leyen, qui a parfaitement compris l’adage « diviser pour mieux régner », inquiète également, d’autant que cette reprise en main s’accompagne d’un fort renforcement de notre partenaire allemand au sein de la Commission européenne – relevons que de nombreux chefs de cabinet sont originaires de ce pays –, alors que les Français ont totalement disparu de ces fonctions, à en croire M. Breton.

Bien que la France et l’Allemagne connaissent toutes deux leurs difficultés internes, l’Allemagne n’a pas oublié l’importance d’une présence forte dans les différentes instances européennes.

Enfin, l’absence de commissaire à l’emploi et aux droits sociaux est un très mauvais signal envoyé à la nécessaire construction de l’Europe sociale, pourtant indispensable si nous voulons améliorer la situation des salariés et des plus précaires.

Tous ces éléments montrent que la France n’a pas pu ou su peser sur la constitution de la commission « von der Leyen II » ; finalement nous risquons de n’avoir qu’un rôle de second plan au cours de cette nouvelle mandature.

Pour conjurer ce danger, monsieur le ministre, nous vous demandons d’affirmer des orientations claires et de les défendre sans relâche lors de vos séjours bruxellois.

Pour notre part, nous ne transigerons pas sur ce que nous pensons devoir être les priorités des politiques européennes pour les années à venir.

Tout d’abord, nous serons particulièrement vigilants à l’évolution du Pacte vert.

Bien que la nomination de la commissaire espagnole Teresa Ribera en tant que première vice-présidente exécutive de la Commission pour une transition propre, juste et compétitive, soit une bonne nouvelle, nous craignons également qu’elle se retrouve particulièrement entravée et limitée par les nombreux découpages de compétences : pas moins de quatre commissaires seront par exemple responsables du pacte « Industrie propre ».

La droite et l’extrême droite ne cachent plus leur ambition de détricoter le Pacte vert : allégement des contraintes environnementales de la politique agricole commune (PAC), contestation de la directive sur la restauration de la nature, recul sur la diminution de l’utilisation des pesticides et sur la directive relative à la déforestation, remise en cause de la fin des moteurs thermiques en 2035, transformation du Pacte vert en pacte propre, pour certains, et relecture de la lutte contre le dérèglement climatique au travers du prisme de la compétitivité.

« Si on ouvre la boîte de Pandore, demain ce sera la taxe carbone aux frontières, après-demain l’extension du marché carbone aux bâtiments et aux transports… Toutes les pièces du Green Deal tomberont les unes après les autres. » Cette inquiétude, que je partage, est celle de Pascal Canfin, député européen du groupe Renew, proche du Président de la République.

Concernant l’agriculture, le choix de confier ce portefeuille au commissaire européen luxembourgeois – le Luxembourg n’est pas la plus grande nation agricole de l’Union européenne… – pose également question, alors même que la prochaine PAC sera essentielle pour l’avenir et l’évolution de l’agriculture européenne.

Rappelons que la Cour des comptes européenne a récemment reconnu que les plans stratégiques nationaux de la PAC ne permettaient aucunement de répondre aux objectifs fixés par le Pacte vert.

Nous serons également attentifs aux accords de libre-échange et à la position tenue par la France et son nouveau gouvernement.

Monsieur le ministre, nous attendons des clarifications de la position française sur le traité avec le Mercosur. Alors que certains annoncent que cet accord pourrait être scindé en deux afin de faciliter son adoption, à l’image du Ceta (Accord économique et commercial global), la France aurait donné des gages à ses partenaires européens pour aboutir à un compromis. Le report de la mise en œuvre du règlement sur la déforestation serait même un premier signal envoyé au Brésil.

Alors que les agriculteurs connaissent de grandes difficultés et voient leurs revenus baisser, alors que la crise agricole menace de revenir dès cet hiver, la signature de cet accord en catimini, sans consultation de la représentation nationale, serait un véritable renoncement du Gouvernement et un déni de démocratie.

Enfin, l’un des sujets majeurs est bien sûr la gestion des migrations au sein de l’Union européenne et des différents États membres.

Nous avons été particulièrement choqués par les propos tenus par le ministre de l’intérieur sur les frontières Schengen et sur la remise en cause de la politique européenne d’asile.

Monsieur le ministre, cette position est-elle celle que vous défendrez au nom de la France à l’échelle européenne ?

Sur ce sujet, il convient de rappeler que nous sortons à peine d’une réforme du code frontières Schengen, adoptée le 24 mai 2024, et de l’approbation d’un tout nouveau pacte sur la migration et l’asile que la France a approuvé en juin et dont les mesures ne sont pas encore en œuvre. À peine adoptées, ces mesures sont déjà remises en cause par des responsables politiques qui semblent penser davantage à la surenchère politique qu’à la dignité des vies humaines.

Alors que plus de 50 % des frontières internes de l’espace Schengen sont déjà concernées par des contrôles temporaires, nous assistons à une politique migratoire européenne où chaque État membre fait ce qu’il veut sans respecter les cadres édictés.

Nous constatons notamment une fuite en avant sur le sujet de l’externalisation des procédures de traitement des migrants, approche où les conditions d’accueil et le respect des droits des demandeurs d’asile et des migrants passent au second plan.

Pour notre part, nous plaidons pour une profonde révision de la politique migratoire européenne.

Nous défendons la création de voies légales et sécurisées de migration, l’organisation de conditions de réadmission dans le cadre d’accords bilatéraux et l’arrêt de l’externalisation de nos politiques migratoires. Nous appelons au développement des compétences de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), afin qu’elle assure une meilleure gestion des demandes, ainsi qu’à une réforme en profondeur de la gouvernance de Frontex.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, sur ce sujet, nous serons très attentifs à l’action que vous mènerez au nom de la France, pays qui se doit de défendre une politique humaniste et solidaire, conforme à son histoire.

Nous ne doutons pas de votre connaissance des dossiers européens, ni de celle du Premier ministre, mais nous n’oublions pas les déclarations de M. Barnier sur la remise en cause de la primauté du droit européen sur le droit national, auxquelles, vous le savez, nous ne souscrivons pas.

Pour conclure, je veux évoquer les négociations, très importantes pour l’avenir de l’Union européenne comme pour le nôtre, qui sont devant nous.

Quel soutien supplémentaire sera apporté à l’Ukraine, pour faire mieux que résister, pour gagner ?

Quel cadre financier pluriannuel permettra de répondre aux défis de la compétition mondiale et au changement de paradigme climatique ? De quelles ressources sera-t-il doté, et avec quelle volonté de mobilisation de l’épargne des Européens et de levée d’emprunts mutualisés ?

Comment, et à quel rythme, répondra-t-on aux attentes légitimes des peuples ukrainien, moldave, géorgien, et à ceux des Balkans occidentaux de rejoindre l’Union européenne et d’être soustraits à l’influence russe ?

Comment défendra-t-on à l’intérieur de l’Union européenne l’État de droit, la démocratie et les droits humains, aujourd’hui remis en cause par plusieurs gouvernements illibéraux, et comment promouvra-t-on ce modèle à l’extérieur quand les tentations autoritaires se multiplient ?

Nous vous demandons, monsieur le ministre, à vous-même et au Gouvernement, de défendre et de poursuivre le projet européen.

Nous sommes inquiets, oui, mais nous restons pleinement combatifs et vigilants pour vous rappeler vos responsabilités, pour vous aiguillonner et pour contrôler les décisions que vous prendrez. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur, je vous remercie de ce discours résolument pro-européen, et j’entends les exigences que vous formulez à l’égard du Gouvernement et de l’action de la France.

Je veux vous répondre sur quelques points précis, bien que je ne doute pas que notre conversation dure plus longtemps que cet échange.

Sur la question de l’influence, je voudrais vraiment, comme je l’ai déjà fait tout à l’heure, souligner que, au-delà du portefeuille de notre commissaire, les priorités portées par la France depuis le discours de la Sorbonne et l’agenda de Versailles sur la souveraineté européenne et l’autonomie stratégique se reflètent dans celles de la nouvelle Commission.

Quand la présidente de la Commission européenne parle de défense, de nucléaire, de souveraineté industrielle et technologique, voire de droits sociaux – ils sont inclus dans le portefeuille de l’une des vice-présidentes de la Commission –, il est bien question des priorités que nous défendons, avec nos partenaires. Je ne dis pas cela pour faire un satisfecit, car vous avez raison : l’influence se construit, patiemment, durablement, avec humilité, par notre présence au sein des institutions européennes et le dialogue permanent que le Gouvernement entier – tous les ministres et non pas seulement celui chargé de l’Europe – doit entretenir avec les parlementaires européens, le Conseil et la Commission, ainsi que le dialogue que les parlementaires français, députés et sénateurs, peuvent avoir avec leurs collègues européens, à Bruxelles comme dans les différents États membres. J’y veillerai tout particulièrement dans mon action, avec le Premier ministre et tous les membres du Gouvernement.

Cette stratégie d’influence doit être mise en œuvre. Nous avons un projet pro-européen : nous sommes là pour défendre les intérêts de la France, c’est-à-dire une Europe forte qui assume de défendre sa sécurité, ses intérêts et sa puissance sur la scène internationale.

Vous avez aussi mentionné l’État de droit, autre sujet fondamental. Vous connaissez l’attachement de notre pays à le défendre. L’Union européenne est une union de valeurs, fondée sur la démocratie libérale. Des débats sont apparus ces dernières années – je suis sûr qu’ils continueront au cours de la mandature européenne qui s’ouvre – sur l’extension du domaine de la conditionnalité des fonds de cohésion des budgets européens au regard du respect de l’État de droit. Cette exigence est absolument fondamentale et cette approche a d’ailleurs obtenu des succès : je pense à la clôture des procédures concernant la Pologne.

Je veux dire un dernier mot sur les élargissements ; le sujet avait été mentionné plus tôt dans le débat, mais j’avais oublié d’y répondre.

La France soutient la perspective européenne des pays que vous avez mentionnés, monsieur le sénateur : l’Ukraine, bien sûr, la Géorgie, la Moldavie et les pays des Balkans occidentaux. Ce sera un processus exigeant, qui doit répondre aux critères de l’acquis communautaire et intégrer la réforme de l’État de droit, la lutte contre la corruption, ou encore la transparence des marchés. Cela étant, la France, avec nos partenaires, s’engage à accompagner ces pays candidats dans un processus qui devra être basé avant tout sur le mérite.

Mme la présidente. Merci, monsieur le ministre !

M. Benjamin Haddad, ministre délégué. On ne dit pas ça pour fermer la porte, mais pour accompagner ces pays : c’est aussi la garantie de notre sécurité et de la stabilité géopolitique de notre continent.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.

M. Didier Marie. Monsieur le ministre, j’entends vos déclarations et je salue votre optimisme. Cela étant dit, le résultat des dernières élections européennes atteste d’une poussée très forte de l’extrême droite et d’une modification des rapports de force. Celle-ci est sensible au Parlement, mais aussi au Conseil – la récente victoire de l’extrême droite en Autriche le confirme – et à la Commission, avec près de quinze commissaires issus du PPE.

Il va falloir constituer des majorités d’intérêts. De ce point de vue, je m’inquiète de la nature des relations que nous avons aujourd’hui avec notre partenaire allemand. Il me semble que la première de vos missions, de celles du Gouvernement français, devrait être de restaurer la confiance avec nos partenaires allemands.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Vogel.

M. Louis Vogel. Monsieur le ministre, au nom du groupe Les Indépendants, je vous présente toutes nos félicitations pour votre nomination à ces fonctions et je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle ; j’espère qu’il saura toucher votre cœur !

Notre débat de ce soir se tient alors que la prochaine réunion du Conseil européen devra faire face à deux défis : un défi diplomatique, du Proche-Orient à l’Ukraine, et un défi structurel, car l’heure est venue d’engager l’Union dans la voie d’investissements massifs pour préparer l’avenir.

Tout cela se déroule dans un contexte lourd et chargé. Le mois prochain, les États-Unis éliront un nouveau président ; cette élection aura beaucoup d’incidences en Europe. C’est aussi le mois prochain que débuteront les auditions des commissaires européens ; on verra bien lesquels seront confirmés dans leurs fonctions.

Je voudrais ce soir évoquer trois nécessités pour l’Union.

Premièrement, celle-ci doit se donner les moyens de son action.

Au Proche-Orient, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, la France et l’Europe sont mobilisées pour éviter que la situation débouche sur un conflit généralisé.

Dès après le 7 octobre 2023, afin de dissuader de nouvelles gradations en intensité, les États-Unis ont dépêché dans la région un premier porte-avions, rejoint depuis par un second. Alors que la marine américaine compte 11 porte-avions, les 27 pays de l’Union européenne ne peuvent compter que sur le Charles de Gaulle… Vous connaissez la réplique de Staline à Churchill et Roosevelt au sujet du pape : « Combien de divisions ? » (Sourires.)

Si l’on veut peser, agir et compter, il faut avoir les moyens de faire entendre sa voix avec force. L’Europe puissance dont on parle tant n’aura de sens que si un acte II pour une politique de défense plus intégrée est engagé.

À cet égard, le rôle du futur commissaire à la défense et à l’espace sera, à mon sens, déterminant. Lituanien, il sait mieux que d’autres à quel point nous nous trouvons aujourd’hui à la croisée des chemins.

Pour l’Ukraine, pour protéger nos frontières orientales, l’Union doit, enfin, devenir une puissance militaire : pour avoir la paix, prépare la guerre !

En 2022, le Conseil européen a adopté ce que l’on a appelé la « boussole stratégique ». Il s’agissait de fixer une nouvelle étape de notre politique de défense et de sécurité. Le Sénat sera attentif aux précisions que vous pourrez nous donner, monsieur le ministre, sur ces objectifs capitaux et sur le chemin qui reste à parcourir pour les atteindre.

À cet égard, l’élargissement du vote à majorité qualifiée représente une voie juridique pour accélérer le processus. Nous serions heureux de vous voir porter cette demande.

J’en viens à la deuxième nécessité, celle de redresser notre productivité. Jean-François Rapin a bien expliqué tout à l’heure combien c’était fondamental, dans l’ensemble des pays européens pour échapper à la lente agonie, au déclin de l’Europe décrits par Mario Draghi dans son rapport. En effet, l’écart de PIB entre l’Europe et les États-Unis a doublé en notre défaveur au cours des vingt dernières années !

Dès lors, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser une question simple : l’effort d’investissement de 800 milliards d’euros préconisé dans le rapport Draghi est-il réaliste ? Pouvons-nous consentir autant d’investissements en si peu de temps ?

La troisième nécessité est celle de réformer certaines règles inscrites dans les traités européens.

Nous nous félicitons de la nomination de Stéphane Séjourné et lui souhaitons bon courage, car son portefeuille est l’un des plus stratégiques, même si, comme cela a déjà été relevé ce soir, il convient de clarifier plus avant son amplitude.

Pour ma part, j’ai deux interrogations.

Premièrement, il est grand temps de réformer le droit européen de la concurrence. Cette réforme est fondamentale pour restaurer la productivité en Europe. Sera-t-elle, ou non, du ressort du commissaire français ?

Deuxièmement, si nous voulons que l’Europe soit réellement au service de nos concitoyens, elle doit se doter de ressources propres à la mesure des défis que nous avons à affronter. Sans argent, nous ne ferons rien ! Dans cet esprit, elle devra revenir sur les rabais accordés à certains États membres. Sur ce point aussi, monsieur le ministre, je serais très heureux de vous entendre nous expliquer où nous en sommes véritablement. Y a-t-il une chance de consacrer des ressources propres ou, ce qui apparaît tout de même plus simple, de supprimer les rabais ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur, sans rentrer dans un débat historique, les dirigeants soviétiques ont peut-être eu tort de sous-estimer les divisions spirituelles du pape – lui aussi a contribué à la chute de l’Union soviétique…

Il n’en reste pas moins que l’Union européenne ne peut certainement pas se limiter aux efforts déclamatoires ou performatifs en matière de politique étrangère et de sécurité. Vous avez eu raison de souligner l’impact des élections américaines : quel que soit leur résultat, elles confirmeront une tendance d’éloignement des États-Unis à l’égard des priorités de l’Union européenne, qui doit investir résolument dans son autonomie stratégique sur les questions de défense. Cela fait partie des priorités que nous porterons au sein de la nouvelle Commission.

C’est dans cet esprit que nous participons aux débats sur le programme Edip et la stratégie Edis pour continuer à soutenir notre base industrielle de défense européenne. La France, aux côtés de ses partenaires, défend une préférence européenne en la matière, mais nous devrons être encore plus ambitieux et créatifs.

Vous avez évoqué la nécessité de trouver de nouvelles ressources, soulignée dans le rapport Draghi, qui mentionne d’ailleurs l’industrie de défense et la nécessaire compétitivité en la matière. Des propositions innovantes ont été formulées par certains de nos partenaires, comme l’ancienne Première ministre estonienne Kaja Kallas, qui va devenir haute représentante de l’Union européenne ; je pense notamment à l’idée d’un grand emprunt européen d’une centaine de milliards d’euros qui soutiendrait à la fois nos capacités de défense et nos amis ukrainiens dans le temps long. La France a soutenu de telles propositions et continuera de les défendre dans les prochaines années.

Quant à la possibilité de l’idée formulée par Mario Draghi de débloquer 800 milliards d’euros, je voudrais rappeler qu’il s’agit peu ou prou de la somme qui avait pu être mobilisée dans le grand emprunt Next Generation EU lancé lors de la crise, existentielle, du covid.

Les enjeux de compétitivité et de décrochage de productivité que vous avez évoqués sont également existentiels pour l’Union européenne : si nous ne voulons pas être tenus à l’écart des grands équilibres géopolitiques et économiques de demain, nous devons nous doter des moyens de libérer l’épargne publique et privée et d’investir dans les industries d’avenir. Tel sera clairement le message que nous porterons au sein du Conseil et auprès de la nouvelle Commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Vogel, pour la réplique.

M. Louis Vogel. M. le ministre a été limité par son temps de parole, mais je regrette qu’il n’ait pu répondre à ma question sur la possibilité d’une réforme du droit de la concurrence.

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous commémorions il y a deux jours la tragique attaque terroriste survenue le 7 octobre 2023 en Israël, qui a coûté la vie à près de 1 200 Israéliens et a entraîné la prise d’otage de près de 250 personnes par le Hamas, dont près d’une centaine sont encore détenues, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.

Je tiens à adresser tout mon soutien aux victimes de ces attaques et à leurs familles, mais aussi au peuple israélien et aux Français de confession juive, qui ont été blessés dans leur chair par cet acte d’une cruauté innommable. Aucun combat pour la liberté et pour le droit à l’autodétermination ne peut justifier de tels crimes, et Israël était fondé à faire usage de son droit à la légitime défense, sous condition de l’exercer de manière proportionnée et en limitant autant que possible les répercussions sur les civils, en vertu du droit international.

Pour autant, un an plus tard, force est de constater que cette proportionnalité n’est pas de mise : la situation au Proche-Orient est extrêmement préoccupante. La paix semble encore lointaine alors que près de 80 % du territoire de la bande de Gaza a été détruit, ce qui a causé le déplacement de 2 millions de Gazaouis, la mort de près de 42 000 d’entre eux et des centaines de milliers de blessés, le tout dans un contexte de délabrement généralisé des infrastructures de santé en raison des bombardements.

J’adresse mes pensées aux victimes civiles palestiniennes et à leurs familles, ainsi qu’aux humanitaires qui œuvrent avec acharnement sur place pour leur apporter de l’aide.

Le contexte s’est encore détérioré récemment à la suite des attaques de l’Iran et du Hezbollah libanais sur le territoire israélien, qui ont conduit Israël à répliquer par des bombardements au Liban, ce qui a entraîné, à ce jour, la mort de près de 2 000 personnes et le déplacement de près d’un million de Libanais.

La situation humanitaire est extrêmement dégradée et la région se trouve face à un risque d’embrasement généralisé qui affecterait injustement les États voisins qui ne sont pas partie au conflit. Je pense par exemple à la Jordanie – je préside le groupe d’amitié de notre assemblée avec ce pays –, qui a vu ses flux touristiques baisser de 40 % alors même que son PIB repose pour 60 % sur le tourisme.

On voit aujourd’hui planer la menace d’une guerre totale, impliquant l’Iran et son programme nucléaire, ce qui serait catastrophique pour les États du Proche-Orient, les civils, et l’économie régionale et mondiale. L’urgence est donc de parvenir à stopper l’escalade avant qu’une guerre totale ne devienne inexorable.

Dans ce cadre, l’Union européenne, en tant que deuxième puissance mondiale, doit jouer un rôle clef dans la fourniture d’aide humanitaire et être un moteur dans les négociations en vue d’obtenir la paix. Le Conseil européen sera donc amené à se positionner sur ce point à l’occasion de sa prochaine réunion.

Monsieur le ministre, j’ai appris qu’une aide de la France de 10 millions d’euros sera apportée au Liban et qu’ont également été fournis deux postes sanitaires mobiles, ainsi que 10 tonnes de matériel médical. De son côté, l’Union européenne a annoncé prévoir une aide supplémentaire de 30 millions d’euros.

Il s’agit d’une première étape et je vous en félicite, ainsi que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Celle-ci a également indiqué que l’Union européenne était prête à apporter un soutien supplémentaire en mobilisant tous les outils d’intervention disponibles, y compris en recourant au mécanisme de protection civile RescUE et à sa réserve. Pourriez-vous nous indiquer si la France compte soutenir une mobilisation de ce mécanisme au Conseil européen ? Le Liban a en effet désespérément besoin de soutien pour faire face à la submersion des hôpitaux et aux pénuries de médicaments.

En outre, selon des diplomates européens, les États-Unis auraient suggéré à Bruxelles de réactiver sa mission d’assistance au poste frontière de Rafah, afin de surveiller le point de passage de l’aide humanitaire en provenance d’Égypte. Cette reprise de la mission d’assistance sera-t-elle abordée au prochain Conseil européen et vous paraît-elle d’actualité ?

Il va par ailleurs sans dire que la situation humanitaire à Gaza comme au Liban ne sera pas soutenable à long terme sans l’obtention d’un cessez-le-feu total et immédiat et la reprise du processus de paix entre Israël et la Palestine. Pourtant, j’ai cru comprendre que les États membres ne parvenaient pas à se mettre d’accord sur des mesures tangibles visant à engager une désescalade comme sur une déclaration commune demandant l’arrêt des interventions militaires au Liban et à Gaza. Une pression diplomatique accrue et coordonnée est pourtant cruciale si nous souhaitons qu’il soit mis fin à cette spirale infernale de violence.

Monsieur le ministre, pensez-vous que cette situation puisse se débloquer à l’occasion du prochain Conseil européen ? Que compte faire le Gouvernement afin de parvenir à une position commune au sein de l’Union européenne ? Quelles sont les mesures envisagées concrètement pour parvenir à un cessez-le-feu ? Par exemple, la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël est-elle sérieusement envisagée par le Conseil européen ou cette méthode se heurte-t-elle au veto de certains États membres ?

Enfin, l’Union européenne a récemment lancé une nouvelle coalition internationale, notamment avec les pays du Golfe, visant à relancer le processus de paix par le biais d’une solution à deux États. Celle-ci s’est réunie le 26 septembre dernier en l’absence d’Israël, qui n’a pas répondu favorablement à l’invitation qui lui a été adressée. Si l’initiative me paraît opportune, je suis en revanche circonspect sur les capacités de l’Union européenne à peser dans le cadre de ces négociations, alors même qu’elle n’arrive déjà pas à se mettre d’accord sur une déclaration commune appelant à un cessez-le-feu au Liban…

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles ont été les conclusions de cette réunion et quelles suites le Conseil européen compte y donner ? Des négociations sont-elles également engagées avec les Etats-Unis, qui ont un pouvoir d’influence certain sur le gouvernement israélien ?

Je reconnais que cela fait beaucoup de questions… (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur, je dois souligner que certaines informations me manquent pour vous répondre, notamment concernant l’une des réunions à laquelle vous avez fait référence. Je m’engage à vous les fournir dès que j’aurai des éléments plus précis à ce propos.

Vous l’avez rappelé, notre objectif est à la fois de mobiliser tous nos partenaires en vue d’un soutien à la population civile et d’une aide humanitaire, de la désescalade dans la région et de la reprise d’un processus de dialogue politique. Pour cela, la coordination et l’unité des Européens sont absolument nécessaires. C’est d’ailleurs le travail que mène la France et j’espère qu’il trouvera sa traduction dans les conclusions du Conseil européen et reprendra beaucoup des points que vous avez mentionnés.

La coordination est également nécessaire pour aider ceux qui souhaitent quitter la région, notamment certains de nos ressortissants européens qui sont actuellement au Liban.

Je tiens par ailleurs à souligner l’effort tout particulier que fournit la France en matière d’aide humanitaire. À l’occasion d’une autre question, j’ai mentionné le voyage au Liban du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Noël Barrot, qui a permis de délivrer 12 tonnes d’aide humanitaire.

Le 24 octobre prochain, la France accueillera une conférence des donateurs réunissant tous les bailleurs pour continuer à soutenir le Liban. Cette action est évidemment au cœur de nos priorités et elle fera partie des initiatives que la France mettra en avant dans le cadre des négociations du Conseil européen.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Je tiens à vous féliciter à mon tour, monsieur le ministre, de votre accession à ces fonctions ministérielles.

Le Parlement européen vient de publier une vaste enquête d’opinion, réalisée auprès de plus de 26 000 citoyens issus des vingt-sept États membres. Il en ressort que les Français sont plus pessimistes que leurs voisins européens : ils sont les seuls pour qui la perception négative du Parlement l’emporte sur les avis positifs. Voilà qui ne manque pas de surprendre, alors que nombre de politiques communautaires nous ont protégés, notamment lors des crises récentes.

Depuis quatre mois, les équilibres ont évolué au sein de la délégation française, avec une extrême droite arrivée largement en tête. Cette poussée se retrouve d’ailleurs dans les scrutins nationaux d’autres États membres. Ainsi, récemment, en Autriche, le FPÖ s’est assuré la première place lors des élections parlementaires ; en Allemagne, elle s’est retrouvée pour la première fois victorieuse en Thuringe – c’est d’ailleurs la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu’un parti d’extrême droite remporte la victoire dans un Land.

Cela nous inquiète tout particulièrement. Nous sommes opposés à leurs positions sur la construction européenne et ses valeurs, à leur vision économique et géopolitique, notamment sur la guerre d’agression russe contre l’Ukraine, ou encore sur l’environnement.

Soulignons à ce propos que la Thuringe est le seul Land ayant atteint l’objectif européen de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, le parti arrivé en tête – il est d’ailleurs arrivé en deuxième position en Saxe – est celui qui rejette toute responsabilité de l’Allemagne dans le changement climatique. Le groupe RDPI souhaite que la dynamique européenne ne soit pas entravée.

Conservons et amplifions les nombreuses avancées enregistrées ces dernières années, qui sont aussi en faveur de notre souveraineté. Je pense à la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, à la redéfinition de la taxonomie européenne et à la relance du nucléaire, au Pacte vert, et au plan de relance européen dont un tiers a été fléché vers l’action climatique. La France a pu atteindre en 2023 une baisse record des émissions de CO2 – près de 6 % – ; cette baisse s’est poursuivie au premier semestre de cette année.

C’est aussi grâce à l’Union européenne et à l’action qu’y mène la France. Sur le fondement de ses conclusions du mois d’avril 2024 et conformément au programme stratégique 2024-2029, le prochain Conseil européen examinera dans le cadre de son ordre du jour les progrès accomplis dans le renforcement de la compétitivité de l’Union européenne.

Deux rapports, déjà cités, ont été remis : Bien plus quun marché d’Enrico Letta et LAvenir de la compétitivité européenne de Mario Draghi, l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE).

Ce dernier prône des réformes sans précédent. Il évalue à 800 milliards d’euros par an le besoin d’investissement supplémentaire afin d’enrayer la « lente agonie » de l’Europe – les mots sont forts – face à la concurrence de la Chine et des États-Unis. À cette fin, les emprunts communs sont fortement conseillés pour répondre à nos ambitions communes, notamment en matière écologique. Monsieur le ministre, quelle sera la position de la France ? Est également soulignée la nécessité pour la survie des industries européennes de défense de passer à des commandes communes, avec des règles de préférence européenne.

Le rapport d’Enrico Letta, présenté au Conseil européen du mois d’avril dernier, préconise quant à lui d’accélérer l’intégration européenne dans la finance, les télécoms, l’énergie et la défense. Est notamment avancée la création d’un produit d’épargne de long terme ou d’une garantie publique européenne pour soutenir l’investissement dans la transition écologique.

Le Conseil européen tiendra également un débat approfondi sur la mise en œuvre de son approche globale en matière de migration, en mettant l’accent sur l’action extérieure, le renforcement du contrôle des frontières extérieures, l’augmentation et l’accélération des retours, ainsi que la lutte contre l’instrumentalisation, la traite des êtres humains et le trafic de migrants.

Monsieur le ministre, vous avez donné à ce sujet une interview dimanche dernier, en rappelant ceci : « Il n’y a pas de réponse au défi migratoire dans le repli national. » Nous en avons un exemple tout près de nous avec, trois ans après, la désillusion du Brexit : 53 % des Britanniques pensent que la situation a empiré ; seuls 10 % jugent que le pays a pu reprendre le contrôle de ses frontières. Face aux initiatives individuelles de certains États membres sur l’immigration, quel est le calendrier de mise en œuvre du pacte européen sur la migration et l’asile ?

D’autres enjeux d’importance majeure marqueront le prochain Conseil européen, à savoir la guerre d’agression russe en Ukraine et la situation dramatique au Proche-Orient depuis le 7 octobre 2023.

Sur la situation ukrainienne, nous avons évoqué avant l’été les nouvelles sanctions contre la Russie. Quelle possible intensification militaire est-elle envisagée ? À l’approche de l’hiver, des mesures urgentes seront également nécessaires afin d’accroître la sécurité énergétique de l’Ukraine et de répondre aux besoins immédiats de la population. En outre, le Conseil européen devrait réaffirmer son soutien à la formule de paix fondée sur la Charte des Nations unies et le droit international.

Au Moyen-Orient, l’Union européenne a toujours condamné avec la plus grande fermeté les attentats terroristes perpétrés par le Hamas en Israël, en reconnaissant aux Israéliens leur droit à se défendre, conformément au droit international. Ces attentats ont fait plus de 1 200 morts, en majorité des civils parmi lesquels se trouvent de nombreux Français. Un an après, le groupe RDPI s’associe à la douleur des familles endeuillées et à la volonté que tous les otages, notamment deux Français toujours retenus à Gaza, soient libérés au plus vite.

Une vaste campagne de bombardements et d’occupation de la bande de Gaza a suivi ce pogrom, de façon ininterrompue depuis lors. Elle aurait fait plus de 40 000 morts à ce jour et des centaines de milliers de civils ont été déplacés. Le conflit s’est étendu en Cisjordanie et au Liban, avec le Hezbollah.

Quels efforts diplomatiques pourraient être de nouveau entrepris par la France ? Alors que l’aide humanitaire aux Palestiniens de Gaza s’est largement intensifiée depuis un an, quels sont les moyens supplémentaires possibles en réponse à cette situation jugée catastrophique ?

En somme, nous avons éminemment besoin d’Europe, éminemment besoin de le rappeler et de l’expliquer pour qu’elle soit comprise.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Oui, madame la sénatrice, nous avons éminemment besoin d’Europe sur tous les sujets que vous avez mentionnés, que ce soit le processus de paix, la relance du dialogue au Moyen-Orient, le soutien à l’Ukraine, qui est fondamental à la fois pour notre sécurité et pour la défense de nos valeurs de démocratie et de liberté. C’est également le cas de la maîtrise de nos frontières extérieures pour laquelle, comme vous l’avez souligné, il ne peut y avoir de solutions que dans la solidarité et la coopération européennes.

Sur ce point, je tiens à souligner que la France soutiendra, comme le demandent plusieurs de ses partenaires, une mise en œuvre accélérée du pacte sur la migration et l’asile, s’il s’agit bien de l’appliquer dans sa globalité et de conserver l’équilibre qui est au cœur du texte adopté ces derniers mois.

Je vous remercie aussi d’avoir rappelé les engagements forts qu’a pris l’Union européenne sur la question de la décarbonation de notre continent. Vous avez mentionné quelques-uns des instruments qui permettent à l’UE de peser dans les équilibres globaux sur ces questions environnementales. Par exemple, imposer la taxe carbone aux frontières nous permet de ne pas nous faire imposer un moins-disant environnemental par nos partenaires. Nous veillerons évidemment à la mise en œuvre de ces mécanismes qui sont absolument nécessaires pour tenir les engagements climatiques de l’Union.

Enfin, je partage votre constat et les recommandations sur la mise en œuvre du rapport Draghi, la nécessité d’investir massivement, de lever les barrières réglementaires à l’innovation, à la productivité et à la compétitivité de notre continent.

Je profite d’ailleurs de votre interpellation sur ce sujet pour répondre à une question qui m’a été posée précédemment. Bien sûr, cela devra aussi inclure, comme le préconise Mario Draghi, une réflexion sur les règles concurrentielles de l’Union européenne, la question des aides d’État et la possibilité de faire émerger des champions industriels à l’échelon européen capables d’être compétitifs face aux grands partenaires, mais aussi concurrents, que sont la Chine et les États-Unis.

Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le ministre, nous sommes à l’aube d’un nouveau chapitre, décisif pour l’avenir de l’Union européenne, qui pourrait déterminer si nous allons avancer ensemble vers un avenir prospère, ou si nous allons nous laisser entraîner par les courants du populisme qui menacent de nous diviser.

Les élections du 9 juin dernier ont été un révélateur, montrant que le projet européen, ce rêve d’unité et de coopération qui a été le nôtre pendant des décennies, est fragile.

Nous devons nous rappeler que c’est notre volonté de paix, de prospérité et de solidarité qui nous a guidés.

Nous devons nous rappeler que, malgré les obstacles et les difficultés, nous avons réussi à accomplir de grandes choses.

Nous avons réussi à créer un espace de liberté, de sécurité et de justice.

Nous avons réussi à construire un marché unique, qui est une source de prospérité pour nos concitoyens.

Nous avons réussi à établir des normes élevées de protection de l’environnement et des droits de l’homme.

Les électeurs européens, qui ont exprimé leurs inquiétudes dans les urnes, ont aussi des attentes fortes.

L’Union européenne est un levier d’actions essentiel pour apporter les solutions nécessaires. Nous devons poursuivre nos efforts et être à la hauteur des enjeux actuels.

Notre contexte commun est d’abord celui de l’immigration et de la question de l’intégration. À Bruxelles, les États devront rapidement présenter leur plan d’action du pacte européen sur la migration et l’asile.

La crise migratoire qui touche l’Europe depuis des années ne cesse de s’amplifier. Elle a créé de profondes divisions et tensions politiques au sein de l’Union européenne. Certains pays, comme l’Allemagne, ont choisi de fermer leurs frontières, tandis que d’autres ont adopté une attitude plus ouverte.

À cet égard, mes chers collègues, nous devons nous rappeler que le principe de libre circulation des personnes est un élément fondateur de la construction européenne. Pourtant, la généralisation des contrôles aux frontières contrevient sérieusement à ce principe. La décision de l’Allemagne risque d’ouvrir une dangereuse boîte de Pandore !

Face à la situation budgétaire tendue, nous craignons que les investissements se concentrent sur l’aspect sécuritaire, laissant l’accueil et l’intégration à la marge.

L’ordre du jour du prochain Conseil européen sera également marqué par la question de la guerre au Proche-Orient.

La situation au Liban et à Gaza constitue une crise humanitaire qui ne peut être ignorée. Des milliers de personnes ont perdu la vie, des milliers d’autres ont dû quitter leur foyer et des infrastructures essentielles ont été détruites.

Au Liban, le bilan de la guerre de 2006 a été dépassé en moins d’une semaine, alors que l’État d’Israël vient seulement de pénétrer la frontière. Trop de civils ont injustement péri à Gaza. Ne laissons pas cette tragédie se répéter à Beyrouth.

Les frappes contre le pays se sont intensifiées ces dernières heures, semant la peur et la désolation parmi la population. La France doit à nouveau exprimer son désaccord face à l’invasion du Sud-Liban. Sans buts de guerre explicites, cette incursion pourrait s’éterniser et se transformer en colonisation. Cette offensive sert simplement les intérêts du Premier ministre israélien, qui ne cache plus son intention de briser les Libanais.

Le 5 octobre dernier, le Président de la République Emmanuel Macron a dit qu’il était favorable à un arrêt des livraisons d’armes à Israël, en indiquant que la priorité devait être le retour à une solution politique. L’Union européenne doit s’aligner sur cette position de la France et prendre des mesures pour soutenir des initiatives diplomatiques efficaces. Cela pourrait inclure un embargo sur la livraison des armes à Israël.

Il s’agit non pas uniquement de mettre fin à un conflit, mais de construire une paix durable !

Dans la lignée de nos dernières conclusions, nous devons rappeler notre attachement à l’intégrité du territoire ukrainien. L’approbation du nouveau prêt de 35 milliards d’euros dans le cadre du programme international d’aide est une nécessité. Ce soutien est crucial pour les Ukrainiens.

Par ailleurs, nous devrons, avant l’hiver, nous prononcer en faveur d’un renforcement des infrastructures énergétiques ukrainiennes. L’attribution d’un nouveau programme en faveur du secteur énergétique est nécessaire.

Enfin, en matière de fiscalité européenne, le groupe RDSE est du côté des solutions ! Depuis toujours, nous proposons d’améliorer le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, d’actionner le levier sur le surplus des résultats d’exploitation des entreprises, de mettre en place un impôt minimum commun sur les multinationales. Une fiscalité européenne plus juste est nécessaire pour financer les investissements massifs dont l’Union européenne a besoin.

Monsieur le ministre, je vous souhaite bon vent dans vos nouvelles missions ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur, je vous remercie de vos bons vœux.

Vous avez à votre tour fait le constat de la fragilité de l’Union européenne. Ce constat, nous le partageons, qu’il s’agisse de la situation économique et géopolitique ou du rôle que l’Union européenne doit jouer pour répondre à ces défis.

Beaucoup des sujets que vous avez mentionnés ont déjà été abordés à l’occasion d’autres interventions. Je m’attarderai sur deux points.

Vous avez évoqué le rétablissement du contrôle aux frontières de l’Allemagne.

Je tiens à rappeler que ce rétablissement temporaire et proportionné du contrôle aux frontières est prévu par l’accord de Schengen. La France a d’ailleurs pris une décision similaire à l’époque des attentats terroristes de 2014 et 2015. Pour autant, une telle situation ne peut pas nous satisfaire durablement : elle appelle à prendre des mesures européennes collectives de maîtrise de nos frontières extérieures, via la mise en œuvre rapide du pacte européen sur la migration et l’asile, le renforcement de l’agence Frontex, les mécanismes de solidarité entre pays européens, et à apporter des réponses européennes à ces défis qui touchent tous nos partenaires et tous les pays de l’UE.

Monsieur le sénateur, je vous remercie également d’avoir mis en exergue la question du renforcement des infrastructures énergétiques de l’Ukraine, alors que nous savons qu’un hiver difficile se profile et que, une fois de plus, la Russie se livre à des frappes cyniques contre les infrastructures civiles de ce pays. Sachez que la France sera particulièrement attentive au renforcement de ces infrastructures comme au soutien à la défense antimissile ukrainienne, puisqu’il s’agit de l’une des priorités de ses livraisons d’armes depuis le 24 février 2022.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonneau.

M. François Bonneau. Monsieur le ministre, le 9 septembre dernier, l’ancien président du Conseil italien et ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a dévoilé son rapport très attendu sur l’avenir de la compétitivité européenne.

Ce rapport met en avant trois axes pour relancer la croissance au sein de l’Union européenne : innover et combler le retard technologique ; avoir un plan commun pour la décarbonation et la compétitivité ; renforcer la sécurité et réduire les dépendances. Il pose un diagnostic sévère, mais juste, et indique quelles réformes structurelles il serait utile de mettre en place pour que l’Union européenne soit plus forte.

Un sujet m’intéresse tout particulièrement : on apprend dans ce rapport qu’entre juin 2022 et juin 2023, 78 % des dépenses européennes d’approvisionnement en matériel de défense ont été confiées à des fournisseurs non européens, dont 63 % aux États-Unis…

Le rapport est aussi force de solution, puisqu’il contient au total 170 propositions et prévoit une nouvelle stratégie industrielle, à la fois, pour mieux libérer le potentiel d’innovation au sein de l’Union européenne et pour investir en mutualisant les ressources. Mario Draghi estime que la mise en œuvre de ses propositions nécessiterait entre 750 milliards et 800 milliards d’euros d’investissements par an d’ici à 2030, soit environ 4,5 % du PIB européen.

Dans le domaine de la souveraineté stratégique, l’une de ces propositions consiste à mettre en place une véritable « politique économique étrangère » pour réduire nos dépendances stratégiques. Mario Draghi propose notamment de créer une « plateforme européenne des matières premières critiques », chargée d’agréger la demande pour les achats conjoints et de gérer des stocks stratégiques à l’échelon européen. Il s’agit bien ici de sécuriser les approvisionnements essentiels pour notre industrie. Cette proposition va dans le bon sens dans le contexte de crise stratégique que nous traversons.

En réceptionnant ce rapport, Ursula von der Leyen a affirmé : « Beaucoup d’éléments vont découler et ont déjà découlé dans les lignes directrices politiques et seront intégrés dans les lettres de mission [des futurs commissaires européens]. » Cela m’amène à aborder le sujet du renouvellement de la Commission européenne, plus particulièrement le cas de Thierry Breton.

Le Président de la République avait été clair dans les discussions avec Mme von der Leyen : il voulait pour la France un poste de vice-président de la Commission européenne, qui devait lui permettre de décliner ses priorités d’autonomie stratégique et de souveraineté économique. Au-delà du marché intérieur, de l’industrie et du numérique, dont Thierry Breton avait déjà la charge, le Président français militait pour que notre commissaire européen récupère également le portefeuille de la recherche et du commerce, voire de l’énergie.

Visiblement, les mauvaises relations entre Thierry Breton et la présidente von der Leyen ont conduit cette dernière à imposer un ultimatum à la France : soit Thierry Breton était maintenu dans ses fonctions sur son périmètre existant, soit la France proposait un nouveau commissaire en vue d’obtenir un portefeuille plus large, mais il devrait s’agir d’un commissaire plus docile. Nous avons vu quelle solution a été retenue, même s’il faut encore passer l’étape des auditions devant le Parlement européen…

Permettez-moi de m’interroger sur le poids de la France au sein de la future Commission européenne après un tel désaveu !

En conclusion, monsieur le ministre, je souhaite connaître le sort du projet de loi relatif à la résilience des activités d’importance vitale, à la protection des infrastructures critiques, à la cybersécurité et à la résilience opérationnelle numérique du secteur financier. Ce texte, fruit de la transposition de directives européennes, devait être examiné au mois de juin dernier par notre assemblée. La dissolution en a décidé autrement… Ce texte sera-t-il prochainement à nouveau inscrit à l’ordre du jour de nos travaux ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur, beaucoup des points que vous avez soulevés ont déjà été abordés, et je partage nombre des constats que vous avez dressés.

Je souhaite revenir sur le chiffre que vous avez cité sur l’acquisition de matériel de défense non européen, en particulier en provenance des États-Unis. Se pose en effet la question de notre dépendance dans des domaines aussi souverains que la technologie militaire, et ce au regard de l’éloignement du partenaire américain, des garanties de sécurité américaine et de la nécessité qui s’impose à nous d’assurer notre autonomie stratégique.

C’est pourquoi nous ferons de la préférence européenne notre priorité, afin de développer une base industrielle européenne de défense. Depuis l’agression russe contre l’Ukraine le 24 février 2022, nous en mesurons l’urgence et cela fera partie de nos priorités dans le cadre de la stratégie Edis et du programme Edip, dont il a déjà été question.

Enfin, nous souhaitons inscrire rapidement à l’ordre du jour des travaux du Parlement l’examen du projet de loi relatif à la résilience des activités d’importance vitale, à la protection des infrastructures critiques, à la cybersécurité et à la résilience opérationnelle numérique du secteur financier. Je vous présenterai dès que possible un calendrier plus précis.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Monsieur le ministre, je vous parlerai, moi aussi, du pacte européen sur la migration et l’asile.

En effet, le mois dernier, l’Allemagne a réintroduit des contrôles sur l’ensemble de ses frontières. L’Alsacien que je suis ne peut que le regretter et constater que cette décision, une nouvelle fois, a été prise sans information ni concertation préalable.

Il y a quelques semaines déjà, les Pays-Bas et la Hongrie demandaient officiellement à bénéficier des clauses dérogatoires dont bénéficient aujourd’hui l’Irlande et le Danemark en matière d’affaires intérieures. Avant cela, la Suède ou l’Autriche avaient radicalement changé de pied en durcissant considérablement leur politique migratoire. En dehors de l’Union européenne, c’est désormais au gouvernement britannique d’indiquer sa volonté de s’inspirer des mesures mises en place en Italie par Mme Meloni.

Dans ce contexte, il faut souligner que le pacte adopté avant l’été a néanmoins eu le mérite – c’est essentiel ! –d’amorcer un changement de paradigme et d’assumer une approche plus en phase avec les attentes des Européens. Toutefois, il faut également reconnaître que ces nouvelles règles n’offrent pas encore toutes les marges nécessaires à une maîtrise efficace des flux migratoires – c’est le moins que l’on puisse dire…

Soulignons que les mesures contenues dans le pacte ne peuvent entrer en vigueur qu’à compter de 2026, ce qui est une éternité au regard de l’impatience exprimée par nos concitoyens, notamment lors des dernières élections européennes.

Avant même l’entrée en vigueur de ce pacte, on a le sentiment qu’il est déjà nécessaire de remettre l’ouvrage sur le métier. Mais sur quelles bases ? Il semble en effet difficile de modifier des règles sur lesquelles il a été si compliqué de s’entendre.

La lettre de mission du commissaire désigné aux affaires intérieures esquisse quelques pistes. Celles-ci concernent notamment la gestion opérationnelle des frontières extérieures, la lutte contre les passeurs et, surtout, la politique de retour et de réadmission.

Sur ces sujets prioritaires, les discussions restent néanmoins extrêmement vives. Je pense par exemple à la question du financement des clôtures à certaines frontières extérieures terrestres. Vous connaissez le problème, monsieur le ministre… Je pense aux évolutions à apporter à la notion de « pays tiers sûrs » et aux accords à conclure avec les pays d’origine et de transit.

Je pense, aussi, à l’externalisation partielle des demandes d’asile – par le passé, on les appelait « plateformes régionales de débarquement » ; aujourd’hui, on les nomme « hubs de retour ».

Je pense plus largement, enfin, à l’indispensable révision de la directive Retour, bloquée depuis 2018.

Les négociations sont évidemment très difficiles. Ma question est donc la suivante : alors que le nouveau gouvernement français a clairement indiqué vouloir mieux maîtriser les poussées migratoires, pouvez-vous dire, monsieur le ministre, quelle sera la position de la France sur les différents sujets que j’ai énumérés ?

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi d’attirer votre attention sur un rappel au règlement qui a eu lieu dans cet hémicycle, le 8 octobre dernier. Il concernait la récente décision de la Commission européenne d’intégrer au programme Erasmus des établissements quelque peu étonnants, comme la faculté des sciences islamiques de Skopje ou l’université de Gaziantep, qui vient de rendre un vibrant hommage à Ismaël Haniyeh, patron défunt du Hamas.

Le programme Erasmus vise, me semble-t-il, à former la jeunesse aux valeurs de l’Union européenne, et certainement pas à celles d’une radicalisation islamiste exacerbée. Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous examiner cette question de près ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur, je vous réponds tout de suite à propos d’Erasmus. J’ai effectivement été saisi du sujet.

Nous ne laisserons rien passer. Il y avait déjà eu des polémiques comparables sous la mandature précédente ; avec le gouvernement de l’époque et les parlementaires européens, nous nous étions mobilisés. Il est inadmissible que quelque forme d’incitation à la haine, à l’intolérance et au radicalisme que ce soit puisse être soutenue par des fonds européens.

Je m’engage donc – je suis prêt à revenir vers vous pour en parler – à me plonger dans la question des financements par Erasmus et à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des discours porteurs de haine ou de radicalisation ne profitent de fonds européens. Cela a toujours été la position très claire de notre pays.

Vous avez mentionné de nombreuses solutions potentielles. J’ai effectivement évoqué la mise en œuvre accélérée du pacte migratoire, la révision de la directive Retour, la meilleure intégration et utilisation des outils des politiques externes de l’Union européenne, qu’il s’agisse de l’aide au développement, des leviers visas, des accords commerciaux ou des partenariats robustes avec les pays de transit et de départ. Je pense que le sujet devra être central dans les préoccupations de la Commission européenne.

Partout en Europe, nos concitoyens attendent de l’Union européenne des réponses claires en termes de maîtrise des flux migratoires. Je vous remercie d’avoir rappelé qu’il s’agissait d’une priorité du gouvernement français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac.

Mme Marta de Cidrac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sortons d’une séquence politique assez inédite, qui aura vu les élections européennes provoquer en France de profonds bouleversements.

Les institutions de l’Union européenne, elles, ne nous ont pas attendus pour fonctionner. Ce Conseil européen des 17 et 18 octobre prochains met à l’ordre du jour des sujets importants, comme la compétitivité. C’est sur ce point que je vais m’attarder ce soir, dans le prolongement du rapport Draghi, qui a été publié voilà quelques semaines et dont je partage un certain nombre de constats et de préconisations.

L’économie européenne décroche face à ses concurrents mondiaux. La conjoncture récente vient fragiliser un peu plus une économie européenne sur la défensive souffrant de la concurrence mondiale face au Brésil, à la Russie, à l’Inde, à la Chine et à l’Afrique du Sud, les fameux Brics, ainsi qu’aux États-Unis.

Les chiffres sont têtus : de 2010 à 2023, le taux de croissance cumulé du PIB atteint 34 % aux États-Unis, contre seulement 21 % dans l’Union européenne. Sur cette même période, la productivité du travail a progressé de 22 % aux États-Unis et de 5 % dans la zone euro. Les raisons de notre manque de compétitivité sont multiples ; elles soulèvent des interrogations quant aux nombreux choix qui ont été effectués au cours de la décennie passée.

La première de ces raisons – à mon sens, cela doit être la mère de toutes les batailles – réside dans le sous-investissement européen en matière de recherche et développement (R&D). Nous savons que la R&D est un véritable stimulateur de croissance. Le rapport Draghi constate que les entreprises européennes investissent moins en recherche et innovation que les entreprises américaines. En 2021, cela représentait près de 270 milliards d’euros de moins.

Le constat vaut aussi pour notre industrie automobile. Celle-ci accuse un retard du même ordre, notamment face à la concurrence chinoise, qui se renforce dans le domaine des véhicules électriques.

Au cours des vingt dernières années, les trois premiers investisseurs en recherche et développement en Europe ont été dominés par les entreprises du secteur automobile ; c’était la même chose aux États-Unis. Mais, aujourd’hui, les premiers investisseurs outre-Atlantique sont tous dans le domaine des nouvelles technologies, qui regroupe les principaux géants de la Tech, ainsi que Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, les fameux Gafam.

Quant aux Chinois, ils ont opportunément réussi à conserver l’automobile comme fer de lance de la recherche et de l’innovation, grâce à l’impératif environnemental.

Dans le cas de l’automobile comme dans celui de la Tech, l’Europe n’est pas suffisamment présente aujourd’hui. Pour moi, c’est un vrai problème.

Je souhaite également aborder le financement de l’économie. Nos entreprises européennes dépendent majoritairement de l’emprunt bancaire pour se financer. Or, depuis 2022, les taux d’intérêt sont à la hausse, ce qui affecte les capacités des entreprises à investir.

Aux États-Unis, les entreprises ont principalement recours au financement par le marché ; elles ne sont donc pas dépendantes des banques. En outre, l’économie américaine est massivement subventionnée par le gouvernement fédéral.

Les deux points que je viens d’évoquer ne sont pas les seuls motifs du décrochage européen. Il y a également des variables structurelles, comme le vieillissement de la population européenne et la baisse du niveau d’éducation. Cela va se révéler problématique, notamment face aux Brics, qui montent en puissance.

Le sujet est vaste ; vous l’avez d’ailleurs rappelé, monsieur le ministre. L’ordre du jour de ce prochain Conseil européen fera figurer l’agenda 2024-2029 des priorités pour renforcer notre compétitivité à long terme.

L’OCDE a, certes, prédit une réduction du décrochage économique européen à partir de 2025, mais nous devons dès à présent mettre en place des politiques visant à améliorer le financement de l’économie, ainsi qu’à relancer la recherche l’innovation, la démographie et l’éducation. Vous y avez vous-même fait référence, monsieur le ministre.

Je compte sur la diplomatie française et sur la voix de la France pour agir sur ces différents dossiers, qui, à mon sens, sont fondamentaux.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice, vous pourrez effectivement compter sur la voix de la France pour défendre les préoccupations que vous avez exprimées et pour agir sur les dossiers que vous avez mentionnés.

Je voudrais vous remercier d’avoir abordé la question des véhicules électriques. Vous le savez, nous sommes au cœur d’un débat majeur au sein de l’Union européenne sur le sujet. La France soutient les conclusions de l’enquête qu’a menée la Commission européenne sur les distorsions de concurrence et sur les subventions dont la Chine fait bénéficier son industrie de véhicules électriques.

Nous ne pouvons pas être le dernier continent à faire preuve de naïveté. Les États-Unis investissent massivement dans la recherche et l’innovation – nous le voyons avec l’Inflation Reduction Act (IRA) –, mais ils protègent aussi leur industrie : ce sont les États-Unis de Joe Biden qui imposent des tarifs douaniers de 100 % sur les véhicules électriques.

La France soutient la proposition de la Commission européenne d’imposer des tarifs contre l’industrie des véhicules électriques chinois, qui bénéficie de subventions. Il y a eu un vote sur le sujet voilà quelques jours. Nous appellerons d’ailleurs la Commission européenne à mettre en place des mesures de compensation pour protéger les éventuels secteurs qui pourraient être menacés de rétorsions dans le cadre de ce différend.

Encore une fois, nous devons être capables de soutenir notre recherche et notre innovation, mais également de nous protéger contre les pratiques abusives de nos partenaires et concurrents.

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être prêté à l’exercice, qui, je le sais, est assez physique (M. le ministre délégué sourit.), dans ce nouveau format. Je remercie également nos collègues d’être restés jusqu’au bout de notre débat.

En l’occurrence, ma conclusion pourrait presque faire office d’introduction aux travaux que nous allons mener sur le moyen terme.

À mon sens, ce que nous avons entendu ce soir pourrait être synthétisé ainsi : « Draghi or not Draghi ? Kallas or not Kallas ? »

En effet, nous voyons bien l’importance que le cadre financier pluriannuel (CFP) va revêtir : même la politique extérieure sera aussi une question budgétaire ! Nous devrons nous pencher sur le sujet, pour que l’Europe ne se retrouve pas dans une situation comparable à celle de la France d’aujourd’hui. Les dérapages budgétaires européens ne pourront pas être acceptables, dans la mesure où les États membres y contribueraient indirectement, voire directement par leur budget.

Les ambitions exprimées dans le rapport Draghi sont très fortes. Sur le papier, nous pourrions y souscrire. Mais, à 850 milliards d’euros par an, elles nous apparaissent insoutenables, quand bien même les dépenses seraient partagées entre le public et le privé.

Certes, Kaja Kallas, qui prône un grand emprunt européen, a parlé de 100 milliards d’euros. Mais c’est un one shot, si je puis dire. La différence est considérable.

C’est la raison pour laquelle nous avons évoqué la mobilisation de l’épargne européenne. Je précise que ma langue a fourché tout à l’heure ; je sais bien que l’épargne européenne, c’est 30 000 milliards d’euros. L’union des marchés de capitaux sera véritablement, je le crois, un enjeu essentiel pour assurer les capacités de financement nécessaires à l’Europe.

En revanche, un élément m’inquiète dans le rapport Draghi : il est proposé de repousser l’échéance de l’emprunt que nous allons commencer à rembourser en 2028. Aujourd’hui, nous entendons les ministres nous expliquer la situation française ; je ne voudrais pas que, dans quelques années, nous soyons contraints d’expliquer la situation européenne à nos concitoyens !

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2024.

7

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 10 octobre 2024 :

De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :

(Ordre du jour réservé au groupe SER)

Proposition de loi visant à mettre en place une imposition des sociétés plus juste et plus écologique, présentée par M. Rémi Féraud et plusieurs de ses collègues (texte n° 862, 2022-2023) ;

Proposition de loi visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d’enseignement publics et privés sous contrat du premier et du second degrés et à garantir davantage de transparence dans les procédures d’affectation et de financement des établissements privés sous contrat, présentée par Mme Colombe Brossel et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 678, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 10 octobre 2024, à zéro heure vingt-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER