M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. L’exemption d’incomplétude qui existe pour les communes de moins de 500 habitants est importante, car elle permet aux conseils municipaux concernés de procéder à l’élection de leur exécutif et de délibérer valablement, même en cas de démission en leur sein. Leur conseil municipal étant alors réputé complet, elles n’ont pas à procéder à son renouvellement intégral.
L’extension de cette exception aux communes de 500 à 1 000 habitants, proposée par plusieurs sénateurs, répond à un besoin qui s’exprime fortement sur le terrain. Nous y serons favorables.
Pour autant, la différenciation doit respecter le principe d’équité et d’égalité devant la loi. Dès lors, les mesures proposées pour laisser aux communes la liberté de déterminer elles-mêmes le nombre de leurs représentants sont contraires à ce principe juridique, ce qui peut poser différents problèmes ; nous aurons l’occasion d’en reparler.
Enfin, bien qu’ils aient été déclarés irrecevables, je souhaite évoquer ici plusieurs amendements visant à étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants, considérant que ce dernier favorise la parité et permet parfois de sécuriser un travail d’équipe. Aujourd’hui, la proportion des femmes dans les conseils municipaux de moins de 1 000 habitants est de 38 %, contre 49 % dans les communes de 1 000 habitants et plus.
Je salue les propositions des deux assemblées sur la généralisation du scrutin de liste. Toutefois, ce sujet d’importance mérite, je le pense, une réflexion approfondie ultérieure avec le Parlement et les associations d’élus. Une telle mesure ne saurait être mise en œuvre par voie d’un simple amendement sénatorial. Disant cela, je ne conteste bien évidemment pas le sérieux de ses auteurs.
Nous devons, me semble-t-il, mener ce travail de manière rigoureuse, dans un esprit de dialogue, comme le souhaite le Premier ministre. Je connais la persévérance, l’obstination et la détermination du Sénat. Je sais que nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet.
Monsieur le président, madame la ministre, chère Catherine Vautrin, madame la rapporteure, monsieur le sénateur Bonneau, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes tous très profondément attachés à l’engagement citoyen des élus locaux, parce que nous pensons que la commune est le fondement de la République, que les élus locaux en sont le cœur et que nous devons leur donner les moyens de réussir. Faciliter leur engagement en assouplissant et en sécurisant les conditions de constitution des conseils municipaux est une impérieuse nécessité. Nous partageons tous cette conviction.
L’examen de ce texte concrétise, et je m’en réjouis, l’engagement du Premier ministre, du Gouvernement, et tout particulièrement de la ministre Catherine Vautrin, d’œuvrer ensemble, État et Parlement, pour élaborer des solutions concrètes et utiles pour notre démocratie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, la République et la démocratie vivent dans nos territoires grâce à l’engagement des élus locaux, notamment des maires et des conseillers municipaux.
J’ai le plaisir de saluer l’engagement de M. Pierre Colomb, maire de Saint-Michel-sur-Savasse, commune de la Drôme de 600 habitants, qui est aujourd’hui présent en tribune, accompagné de tous ses conseillers municipaux. (Applaudissements.) En l’applaudissant, vous saluez l’engagement de tous les élus français.
Mais force est de constater l’existence d’une crise de l’engagement local, notamment dans les plus petites communes de France. Selon les données du ministère de l’intérieur, lors des élections municipales de 2020, 106 communes n’avaient aucun candidat.
Dans le cadre des auditions qu’elle a menées, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a dressé un autre constat alarmant : le nombre de démissions en cours de mandat atteint un niveau inédit. Au 31 janvier 2024, 1 424 maires élus en 2020 avaient renoncé à leur mandat. Et, selon les chiffres communiqués en mai 2023, les conseillers municipaux ayant quitté leurs fonctions seraient près de 30 000. Ce phénomène très inquiétant crée évidemment des difficultés de fonctionnement au sein des conseils municipaux, notamment dans les communes de moins de 500 habitants, nécessitant parfois l’organisation d’élections partielles.
Plusieurs causes permettent de comprendre un tel contexte. On peut penser à la dégradation des conditions d’exercice des responsabilités locales, à la multiplication des violences et des menaces envers les élus, à l’inflation normative ou encore au manque de reconnaissance de leur engagement.
Mais il faut également avoir en tête d’autres raisons : obligation de constituer des listes complètes lors de chaque scrutin municipal, de réunir les quorums légaux, de respecter la parité. Toutes ces contraintes, certes justifiables, représentent néanmoins un véritable casse-tête récurrent pour les élus et pour celles et ceux qui souhaitent le devenir.
Face à une telle crise, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi constitue, j’en suis convaincu, une solution adaptée. Les travaux en commission ont d’ailleurs permis de l’améliorer et d’en ajuster la portée.
La réduction du nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants et de moins de 100 habitants est aujourd’hui nécessaire, comme elle l’était en 2013, lors de la précédente diminution. Et l’extension de cette diminution aux communes de moins de 3 500 habitants me semble également pertinente.
Par ailleurs, le rétablissement de la disposition relative au conseil municipal « réputé complet », grâce à l’adoption d’amendements de Mme la rapporteure, permettra d’apporter une souplesse bienvenue.
Je pense donc que ce texte, examiné sur l’initiative de notre collègue François Bonneau, apporte, grâce au travail réalisé en commission, une réponse adaptée, équilibrée et utile à la crise de l’engagement et bien plus adéquate que ce qui figurait dans la proposition de loi initiale. Au demeurant, les dispositifs envisagés, s’ils étaient adoptés, ne modifieraient pas le collège électoral des sénateurs.
Mais est-ce suffisant ? La réponse ne devrait-elle pas s’accompagner d’une réflexion plus large sur les règles électorales, qu’il s’agisse de parité ou du mode de scrutin ?
Au-delà des règles, je pense que nous devons également continuer le travail parlementaire, tant sur le statut de l’élu que sur l’amélioration de l’accompagnement de nos édiles. Tel est le sens du texte visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie que le groupe RDPI a défendu.
À un an et demi des prochaines élections municipales, nous voterons majoritairement en faveur de la présente proposition de loi. Nous attendons avec impatience l’examen des textes portant sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux et sur l’extension du scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons s’appuie sur un constat partagé et éprouvé par nombre d’entre nous : la crise de l’engagement public local.
Cette crise est perceptible dans nos territoires, que ce soit dans les conseils municipaux, dans nos associations, auprès de nos aînés ou même dans nos entreprises. Or une société fragmentée est une société désarmée dans laquelle l’idéal républicain ne peut pas s’épanouir.
Le dispositif qui nous est soumis vise à répondre à un problème précis : le fait que les conseils municipaux soient très souvent incomplets en fin de mandat. Ce problème se pose en Lot-et-Garonne, où, je le rappelle, 80 % des communes comptent moins de 1 000 habitants. Les raisons sont plurielles : médicales, professionnelles, personnelles, manque d’intérêt. Or, au lieu de traiter cet enjeu démocratique sur le fond, on cherche, avec ce texte, à en aménager les conséquences.
Si la proposition de loi constitue une tentative louable, elle ne nous empêchera pas de remettre sur la table des réflexions globales sur l’engagement public local, donc sur le statut de l’élu protecteur, ainsi que sur le scrutin de liste pour les communes de moins de 1 000 habitants.
À l’instar de plusieurs de mes collègues, j’ai lancé une consultation sur le texte auprès des maires. Les opinions sont très mitigées.
D’abord, mes interlocuteurs considèrent que cette proposition de loi n’est pas urgente au regard des difficultés multiples qu’ils rencontrent dans l’exercice quotidien de leur mandat. Vous le savez, les communes rurales sont confrontées moins à une pénurie des vocations qu’à une complexité administrative parfois envahissante. Et je tiens à insister ici sur le rôle essentiel des secrétaires de mairie.
En outre, certains s’inquiètent, et je les rejoins parfois, d’un effet contre-productif de la mesure, qui pourrait renforcer le désengagement actuel. En effet, réduire le nombre de conseillers pourrait accroître le travail de ceux qui resteraient et qui sont déjà surchargés. Rappelons que les trois quarts des élus municipaux sont bénévoles.
D’autres questions me viennent également à l’esprit. Quelles seraient les conséquences politiques d’une telle modification sur la représentation des administrés au sein du conseil ? Et sur l’équilibre des majorités municipales ? Elles doivent être évaluées en amont avec précision.
Les règles électorales doivent être claires ; elles fondent la confiance des Français dans leurs représentants.
La proposition de loi initiale concernait les communes de moins de 500 habitants. Comme cela a été souligné, la commission a étendu le dispositif proposé à toutes les communes de moins de 3 500 habitants. Une telle mesure revêt, me semble-t-il, un caractère un peu vertical, mais elle offrirait davantage de flexibilité. J’ai toutefois bien compris qu’elle posait un problème constitutionnel. (Sourires.) Mais on peut toujours formuler cette demande !
De telles questions, légitimes, partagées et relayées par les maires eux-mêmes, devraient nous conduire à prendre le temps de la concertation, faute de quoi nous risquerions d’adopter une norme difficile à comprendre.
À une bonne et réelle question, soulevée aujourd’hui par le groupe Union Centriste, sachons ne pas apporter une réponse trop hâtive.
Madame la ministre, chère Françoise Gatel, je sais que le Gouvernement est prêt à discuter, après consultation des concernés, d’une loi sur le statut de l’élu protecteur, sur le fondement des travaux du Sénat.
Vous l’aurez compris, le RDSE est réservé sur la présente proposition de loi. Ses membres voteront une fois de plus en leur âme et conscience. Ils seront attentifs au sort réservé aux différents amendements, qui permettra d’éclairer l’esprit du texte. En tout état de cause, notre groupe soutiendra toujours les initiatives permettant de consolider la démocratie rurale et de favoriser le maintien de toutes les communes, quelle que soit leur taille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter l’auteur de cette proposition de loi, le sénateur François Bonneau, de son initiative tout à fait bienvenue.
La question des effectifs des conseils municipaux est en effet souvent évoquée par les maires que je rencontre. Elle avait fait l’objet de débats ici même voilà plus de onze ans, lors de l’examen de ce qui allait devenir la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires.
Le Sénat avait alors mis en garde contre une réduction du nombre d’élus locaux qui se ferait « automatiquement au détriment des territoires ruraux », et il n’avait finalement pas modifié les effectifs des conseils municipaux, contrairement à ce que proposait le gouvernement de l’époque.
La loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a ouvert la possibilité de considérer comme étant complets les conseils municipaux des communes de moins de 100 habitants et de moins de 500 habitants lorsqu’ils réunissent respectivement cinq et neuf membres, à défaut des sept et onze membres prévus par le code général des collectivités territoriales.
La proposition de loi que nous examinons s’inscrit donc dans le prolongement de plusieurs initiatives législatives relatives aux conseils municipaux des petites communes.
Lors de l’examen du texte en commission, le périmètre des communes concernées a été étendu. Le texte vise non plus les seules communes de moins de 500 habitants, comme le proposait son auteur, mais toutes celles de moins de 3 500 habitants.
J’ai souvent l’occasion d’évoquer avec les élus de l’Eure la question dont nous débattons aujourd’hui, et je constate que les avis sur le sujet sont partagés.
M. Michel Masset. Eh oui !
M. Hervé Maurey. Comme je l’avais fait lors de l’examen de la loi du 17 mai 2013, j’ai consulté par courrier électronique les maires de l’Eure sur le dispositif proposé. Pour une légère majorité d’entre eux, la réduction envisagée est nécessaire pour pouvoir – certains l’ont évoqué – constituer plus facilement une liste lors des élections municipales ou parce qu’il serait ainsi plus facile d’atteindre le quorum lors des réunions. Pour autant, cet avis est loin d’être général.
Un certain nombre d’édiles s’opposent en effet à cette baisse, jugeant qu’elle poserait un problème pour l’accomplissement de certaines tâches, comme la tenue des bureaux de vote ou l’animation de la vie locale. Beaucoup d’élus ne comprennent même pas une telle volonté de réduire leur nombre, certains y voyant même un « nouveau mauvais coup porté à la ruralité ».
À cela s’ajoute la question du nombre d’adjoints, qui dépend directement du nombre de conseillers municipaux. En l’état, réduire le nombre de conseillers municipaux peut entraîner une diminution du nombre d’adjoints, qui n’est pas toujours souhaitée, tant s’en faut.
Face à des attentes différentes, je pense donc qu’il est indispensable d’offrir de la souplesse aux élus. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant à permettre aux communes de moins de 3 500 habitants de choisir le nombre de leurs conseillers municipaux avant leur renouvellement, dans une fourchette comprise entre ce que prévoient respectivement l’état actuel du droit et le texte de la commission.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Hervé Maurey. J’avais également déposé un amendement visant à garantir aux communes nouvelles le droit de conserver le même nombre d’adjoints à l’issue du deuxième renouvellement suivant leur création. Dans certains cas, la diminution du nombre d’adjoints représentera près de la moitié des effectifs.
Ainsi, dans le département dont je suis élu, la commune de Clef-Vallée-d’Eure, qui a aujourd’hui huit adjoints pour 2 700 habitants, n’en aura plus que cinq demain. Et cela pose des problèmes dans les communes nouvelles constituées de nombreuses communes historiques et d’un grand territoire.
L’amendement en question a malheureusement été déclaré irrecevable, d’abord au titre de l’article 40 de la Constitution, puis, dans sa version à enveloppe constante, au titre de l’article 45 de la Constitution. Je le regrette vivement, car il visait à répondre à une réelle préoccupation de bon nombre d’élus de communes nouvelles.
Mes chers collègues, l’objectif du texte est majoritairement partagé par les territoires. Mais, encore une fois, une réduction imposée, rigide et uniforme du nombre de conseillers et d’adjoints créerait, de mon point de vue, des problèmes, et elle serait mal accueillie par les élus locaux, qui sont déjà soumis à rude épreuve. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Henri Cabanel et Guy Benarroche applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous nous retrouvons une nouvelle fois pour tenter de lutter contre un phénomène que nous connaissons bien et que nous combattons collectivement de manière constante : la crise de l’engagement local.
Il nous est proposé ici de nous exprimer sur la réduction du nombre de conseillers municipaux dans les petites communes.
Dans de nombreuses communes, et tout particulièrement dans les moins peuplées, les difficultés à constituer des listes complètes lors des élections sont – hélas ! – habituelles et devenues significatives lors du renouvellement de 2020.
L’enquête confiée à l’institut CSA par la délégation du Sénat aux collectivités territoriales au mois de juin dernier montre que plus de la moitié des 500 élus interrogés dans les communes de moins 3 500 habitants ont rencontré des difficultés à réunir des candidatures aux élections municipales de 2020.
Soucieuse de connaître l’avis des premiers concernés, j’avais également sondé les élus de mon département à la fin du mois de mars 2024, lors du dépôt de la proposition de loi au Sénat ; 99 élus de communes de moins de 3 500 habitants avaient alors répondu.
Un nombre important d’élus interrogés sont en effet favorables à une réduction du nombre de conseillers, au motif qu’il est de plus en plus complexe de trouver des volontaires pour s’investir dans la vie communale. C’est particulièrement intense dans les communes de moins de 1 500 habitants.
Mais ce qui ressort également de ce sondage et de la réalité sur le terrain est parfois plus complexe.
La fonction d’élu local est d’abord exigeante. Le manque d’accompagnement de ces élus anéantit leur combativité. La crise des vocations électorales qui en résulte est d’autant plus importante que les responsabilités des élus augmentent tandis que leurs moyens, eux, stagnent. Les chiffres alarmants des démissions de maires élus en 2020 – près de 4 % en quatre ans, comme l’a rappelé la rapporteure Nadine Bellurot – le démontrent.
Mais prudence ! Prudence d’abord, car les élus locaux peuvent exprimer différentes inquiétudes. Prudence surtout sur l’objectif fixé en commission de réduire le nombre de conseillers municipaux jusque dans les communes de moins de 3 500 habitants, cette disposition méritant, me semble-t-il, d’être analysée.
Les attentes des communes qui se situent en deçà d’un certain seuil – disons autour de 1 000 habitants – et celles des communes qui s’apparentent à de petites villes – je pense aux communes de 3 000 habitants – sont différentes.
S’il est cohérent, face à un manque d’offre, de réduire la demande, prenons garde de ne pas omettre des parties de l’équation à laquelle nous sommes confrontés. La démocratie locale est un équilibre que nous devrons bien évidemment préserver.
Nombreux sont les élus locaux qui témoignent de l’abondance des tâches qui leur incombent et de leurs responsabilités. Mais comment faire toujours plus avec moins de moyens humains ?
Par ailleurs, qu’en est-il de l’enjeu de la représentativité ? Moins de conseillers, cela signifie moins de diversité au cours des débats, mais aussi moins de relais pour les habitants et leurs préoccupations. Nous retrouvons bien là la dichotomie entre les communes comptant de 500 à 1 000 habitants et les communes de 2 000, 3 000, voire quasiment 3 500 habitants.
Nous savons tous que les élus de nos communes, souvent bénévoles, sont fortement sollicités. Diminuer leur nombre risque donc de les pressurer davantage.
Le texte initial prévoyait une réduction drastique pour les communes de moins de 500 habitants. Le travail en commission a permis de réajuster les seuils pour tenir compte des réalités. Mais, comme je l’indiquais, entre 500 et 3 500, il y a de la marge et quantité de possibilités.
La proposition de loi apporte donc, à nos yeux, des réponses, mais elle suscite également quelques inquiétudes ; je pense en particulier à cette volonté de traiter uniformément l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants. C’est pourquoi, en l’état, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, chère Françoise Gatel, madame la rapporteure, chère Nadine Bellurot, mes chers collègues, le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui porte sur un sujet particulièrement cher au Sénat : l’organisation de nos territoires.
Nous avons eu des débats sur des questions cruciales : l’engagement au sein de nos territoires, pour nos territoires, au service de nos concitoyens. Et, récemment, nous avons longuement discuté du statut de l’élu.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires défend toujours les mesures tendant à inciter à l’engagement civique et à accompagner celles et ceux qui ont la volonté de servir leur commune. Il soutient tout ce qui permet l’émergence de citoyens impliqués dans la politique, dans la vie de la cité. Selon nous, l’engagement politique ne saurait se réduire à une carrière professionnelle. Voilà ce qui inspire nos propositions et nous permet de définir une vision claire des orientations nécessaires pour le bon fonctionnement de nos collectivités territoriales.
Nous sommes tous à l’écoute de nos territoires ; nous connaissons la grande fatigue des élus au plus près des citoyens. Néanmoins, n’oublions pas que la France compte près d’un million de candidats sur les listes lors des élections municipales, soit le plus fort ratio du monde ; on peut donc penser que l’engagement n’est pas encore totalement menacé. C’est ce qu’a rappelé une étude du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) demandée par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) au mois de novembre dernier.
Nous le savons bien, les démissions sont de plus en plus nombreuses, et le nombre d’élus n’envisageant pas de se représenter n’a jamais été aussi élevé. C’est le cas d’un maire sur deux, en l’occurrence de 55 % d’entre eux – un record en vingt ans –, selon une étude de 2022. Cela a des conséquences directes et rapides, en particulier sur les petites communes, qui peinent à obtenir ou à maintenir un nombre de conseillers municipaux suffisant pour agir.
En ramenant le nombre de conseillers municipaux de sept à cinq pour les communes de moins de 100 habitants et de onze à sept pour les communes de moins de 500 habitants, les auteurs de la proposition de loi, que je salue, espéraient éviter l’absence de liste dans certaines communes, synonyme de tutelle préfectorale, lors des prochaines élections municipales.
La commission, lors de ses travaux, a modifié la proposition initiale. Elle a d’abord prévu une moindre réduction des effectifs : le nombre de conseillers municipaux est maintenu à sept pour les communes de moins de 100 habitants et il est ramené à neuf pour les communes de moins de 500. Ensuite, le dispositif du « réputé complet » a été retenu pour ces petites communes, afin d’éviter les blocages après des démissions. C’est une très bonne chose ; cela nous paraît d’ailleurs mieux adapté face aux problèmes de fonctionnement de nos institutions locales, au sein desquelles l’engagement devient trop compliqué.
La rapporteure a aussi choisi d’étendre la réduction du nombre de conseillers municipaux aux communes comptant jusqu’à 3 499 habitants. Lorsque l’on écoute les élus locaux, qui sont tout de même les principaux concernés, on s’aperçoit – mon collègue Hervé Maurey l’a très bien dit tout à l’heure – que beaucoup redoutent une augmentation de leur charge de travail en raison de la réduction des effectifs. Je rappelle qu’ils sont presque tous bénévoles.
Un certain nombre d’organisations, à l’instar de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), ont également un avis plus nuancé, ne voyant pas dans la seule réduction du nombre de conseillers municipaux une solution face aux démissions.
Entre parenthèses, je me demande ce que la question du scrutin de liste vient faire dans ce véhicule législatif. Un tel ajout me semble motivé avant tout par des préoccupations très politiciennes. (Mme la ministre déléguée s’exclame.)
En revanche, il serait bon de tester la possibilité de mettre en place des suppléances, de manière facultative, donc plus souple.
Nous devons conforter l’attachement des Français à leurs communes en permettant à celles-ci de mieux fonctionner et en facilitant l’engagement de nos compatriotes, par diverses réformes. Je pense, par exemple, aux référendums locaux, aux budgets citoyens, aux conventions citoyennes, voire aux grands débats : si les communes peuvent s’en servir à un moment donné, elles le feront.
Comme les membres de notre groupe GEST l’ont souligné lors de l’examen du texte portant création d’un statut de l’élu local, il faut mieux former, mieux rémunérer, mieux écouter les élus. Voilà des solutions pour permettre une vie démocratique locale plus forte, plus vivante, plus variée ! Elles répondraient mieux que cette proposition de loi aux problèmes auxquels nous sommes confrontés !
Imaginez que, constatant l’impossibilité d’aligner seize joueurs sur une feuille de match, les organisateurs d’un tournoi de football décident non pas d’essayer d’aider les clubs à susciter des vocations, mais de modifier les règles en ramenant le nombre de joueurs à quatorze sur la feuille et à neuf sur le terrain ! (Sourires.) Voilà qui serait, convenez-en, un bien curieux raisonnement. Or c’est celui qui inspire la présente proposition de loi…
Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire de ce texte, qui ne répond pas ou qui répond mal à la nécessité de redynamiser la vie citoyenne dans nos communes.
M. le président. Il faut conclure.
M. Guy Benarroche. Nous voterons donc à regret contre la proposition de loi, pour exprimer notre dépit face à l’incapacité de prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde et, surtout, à la consolidation de notre démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner une proposition de loi qui, bien qu’elle n’ait pas été discutée avant la dissolution de l’Assemblée nationale, conserve toute son importance.
Depuis lors, loin de rester inactive, la délégation aux collectivités territoriales a continué ses travaux sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux.
Je tiens à remercier le sénateur François Bonneau, grâce à qui ce texte a été inscrit à l’agenda du Sénat alors que les élections municipales arrivent à grands pas. Je salue également Mme la rapporteure Nadine Bellurot pour la justesse de ses propos.
Je rappellerai d’abord que les petites communes sont le cœur battant de notre démocratie locale, un espace où s’expriment pleinement les valeurs de la République et où se forge le lien de confiance entre les élus et les habitants. Et pourtant, elles sont particulièrement touchées par la crise de l’engagement local, à laquelle nous avons apporté de premières réponses, d’abord en 2019, avec la loi Engagement et proximité, puis avec la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, que nous avons adoptée à l’unanimité ici même le 7 mars dernier.
Ce texte est une réponse à un phénomène que nous connaissons bien : la difficulté croissante, pour les petites communes, de constituer des listes complètes lors des élections municipales.
Dans le département dont je suis élu, l’Indre-et-Loire, nombre de communes font face à un tel défi. À cet égard, j’ai une pensée pour les maires des communes de Luzé et de Marray, pour ne citer qu’elles, qui ont dû organiser des élections complémentaires.
L’enquête menée par l’institut CSA auprès de 500 élus municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants montre que plus de la moitié d’entre eux ont rencontré cette difficulté lors des élections de 2020. Ce constat, mes chers collègues, appelle une action forte et adaptée.
Par ailleurs, la réduction du nombre de conseillers municipaux n’est pas une décision publique anodine. Elle doit faire l’objet d’une analyse particulièrement fine et s’accompagner d’une nécessaire souplesse.
Lors de l’examen du texte en commission, nous avons émis un avis réservé, considérant qu’une réduction permanente et uniforme des effectifs dans l’ensemble des différentes strates ne constituait pas toujours la réponse la plus pertinente à la crise des vocations.
Nous le réaffirmons aujourd’hui : la meilleure réponse reste la reconnaissance du statut de l’élu local au moyen de dispositifs concrets, ainsi que la revalorisation du bloc communal.
C’est pourquoi, afin de ne pas pénaliser les communes qui parviennent à constituer leur conseil municipal et de ne pas empêcher des conseillers municipaux de poursuivre leur engagement local, il semble de bon sens que la loi s’adapte aux spécificités communales : il faut laisser aux communes la liberté d’ajuster l’effectif de leur conseil municipal, avec une marge de deux conseillers.