M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et de la ville.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Nadille, permettez-moi de vous faire part de la réponse du ministre de l’intérieur, qui ne pouvait être présent aujourd’hui.

Lors de sa visite, les 17 et 18 avril dernier, le ministre s’est engagé devant les élus à renforcer encore notre stratégie de lutte contre la délinquance, spécifiquement contre le trafic d’armes et le trafic de drogue.

Depuis 2017, de réels efforts ont été réalisés, vous le savez, sur le territoire, et ils seront poursuivis. Depuis lors, près de 200 gendarmes sont venus renforcer les effectifs sur le terrain. Parmi les 200 brigades de gendarmerie dont le Président de la République a annoncé la création, trois seront installées en Guadeloupe, ce qui représente une trentaine de gendarmes supplémentaires d’ici à la fin du quinquennat. Ainsi, une brigade vient d’être ouverte à Goyave, bien d’autres suivront, comme le ministre vous l’avait annoncé.

Les opérations, notamment les opérations « place nette XXL », qui sont menées depuis le 15 avril, ont déjà permis 75 interpellations, dont celles de plusieurs auteurs de vols à main armée, de tentatives de meurtre, de trafic d’armes.

L’implication des forces de sécurité intérieure ne faiblit pas. Ces dernières seront d’ailleurs pleinement mobilisées le 15 juin pour sécuriser les festivités qui accompagneront le passage de la flamme olympique dans votre magnifique archipel.

La mission qui a été mise en place le 29 avril par le préfet de Guadeloupe et placée sous l’autorité du préfet honoraire Lalanne a dressé le 19 mai dernier un diagnostic de sécurité préalable, élaboré après une rencontre avec les acteurs du territoire.

Madame la sénatrice, depuis le 19 mai toujours, la seconde phase du travail a débuté. Elle devrait conduire le préfet de Guadeloupe d’ici à la fin du mois de juillet à présenter au ministère de l’intérieur et des outre-mer (Miom) le projet de contrat territorial de prévention et de sécurité. Je rappelle aussi le rôle fondamental et central que jouent les élus locaux, en complément de notre travail.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat. Cela vous a été dit par le ministère de l’intérieur, nous appuierons les élus autant que possible et de toutes nos forces, car c’est ensemble que nous devons mener ce travail global et important. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

prix de l’énergie pour les entreprises

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le ministre, au cours de l’hiver 2022-2023 se déclarait en Europe une crise énergétique inédite, provoquée par la guerre en Ukraine. Les entreprises qui devaient alors renouveler leur contrat avec leur fournisseur d’énergie ont été contraintes d’accepter des prix extrêmement élevés.

Permettez-moi d’évoquer des cas survenus dans ma commune : une supérette a retenu une offre à 43 centimes d’euros le kilowattheure ; une boulangerie a passé un contrat avec EDF Entreprises pour 48 centimes le kilowattheure ; et, un peu plus tard, une scierie a accepté une offre à 27 centimes le kilowattheure. Sans ces contrats, ces très petites entreprises (TPE) pourraient aujourd’hui bénéficier d’un tarif, proposé par EDF, de 11 centimes le kilowattheure.

Ces contrats pèsent donc très dangereusement sur ces trois entreprises, mais aussi sur de nombreuses autres, qui sont, elles aussi, dans la même situation. Elles resteront entravées par ces contrats jusqu’à leur échéance, à la fin de l’année 2025 et en 2026. Leur équilibre financier est en péril, malgré les dispositifs de soutien public tels que l’amortisseur. C’est un peu ubuesque, sachant que l’État subventionne les contrats passés avec une filiale d’EDF !

Selon certaines estimations, entre 10 % et 15 % des entreprises paient encore le kilowattheure plus de 35 centimes, ce qui est totalement intenable. Comment pouvons-nous amener les fournisseurs à renégocier ces contrats ? Une modification législative peut-elle être envisagée ? Les entreprises que je viens d’évoquer n’ont pas obtenu la renégociation de leur contrat avec EDF Entreprises ou Ekwateur, malgré leurs demandes.

Monsieur le ministre, il y a urgence ! Quelles sont vos marges d’action ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Monsieur le sénateur Chasseing, je vous remercie de votre question, qui me permet de rappeler que, face à une crise énergétique historique, l’État français a fait énormément pour protéger nos entreprises, plus qu’ailleurs, notamment en Allemagne. En 2022, en 2023 et en 2024, plus de 17 milliards d’euros au total ont été consacrés à l’aide aux entreprises, auxquels viennent s’ajouter cette année encore 4 milliards d’euros.

Vous l’avez mentionné, les prix de marché ont baissé et retrouvé aujourd’hui un niveau normal, ce qui justifie que nous prévoyions l’extinction en 2025 des dispositifs de l’amortisseur pour les PME et du bouclier tarifaire pour les TPE.

Il n’en reste pas moins que, comme vous l’avez dit, les entreprises n’ont pas été égales face à cette crise. Vous en avez cité trois ; malheureusement, elles sont encore quelques centaines à être affectées par des prix négociés au plus mauvais moment, même s’ils sont sans doute moins élevés que ceux que vous avez évoqués.

Nous avons insisté auprès des fournisseurs pour qu’ils renégocient les contrats de ces entreprises particulièrement affectées. Je vous engage à inviter les trois entreprises que vous avez mentionnées à se rapprocher de Franck Lhoste, commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises de votre département. Il est au service des entreprises, afin de les aider dans leurs négociations.

Je veux être très clair : si les fournisseurs d’électricité ne font pas les efforts nécessaires, nous sommes prêts à examiner d’autres possibilités d’action, éventuellement de nature législative –, mais il faudra faire attention à l’impact qu’elles pourraient avoir sur les finances publiques. M. le rapporteur général de la commission des finances veille…

En tout cas, nous souhaitons accompagner les entreprises, qui ne doivent pas faire les frais de cette crise. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.

M. Daniel Chasseing. Je donnerai juste un chiffre, monsieur le ministre : en 2023, la facture d’électricité de la supérette s’est élevée à 83 000 euros, contre 29 000 euros en 2022. Même si celle-ci a bénéficié de l’amortisseur à hauteur de 10 000 euros, cela représente un déficit de plus de 40 000 euros. C’est beaucoup pour une petite entreprise, qui a peu de marges. Il faut absolument qu’elle puisse renégocier son contrat ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suis d’accord !

tuberculose bovine

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Nathalie Delattre. Il y a cinq ans, presque jour pour jour, j’alertais ici Didier Guillaume, alors ministre de l’agriculture (Exclamations sur des travées du groupe SER), sur le risque de propagation de la tuberculose bovine. Il y a cinq ans, il m’avait répondu que la France était indemne. Exit la recherche sur le vaccin puisque le problème n’existait pas ! Cinq ans sont passés, mais, malheureusement, mon cri d’alerte est plus que jamais nécessaire.

On recense actuellement huit foyers en Gironde, dont l’un chez Bérénice Walton, éleveuse de vaches bazadaises, qui a mis en ligne une vidéo visionnée des milliers de fois. Mon collègue député Florent Boudié et moi-même avons alerté Marc Fesneau de sa situation – je salue d’ailleurs la rapidité de son retour.

En raison de la contamination de l’une de ses vaches, Bérénice a été contrainte d’abattre l’ensemble de son cheptel de 200 vaches et bœufs, qui était sa fierté et sa raison d’être. Certes, vous pourrez me répondre, madame la ministre, qu’un abattage partiel était possible, mais dans quelles conditions ?

Le protocole est tout simplement démentiel, entre mise en quarantaine, rasage, vaccination, contrôle par pieds à coulisse, prise de sang à soumettre dans un délai de six heures et j’en passe, et ce tous les deux mois. Alors oui, Bérénice a fait le choix de l’abattage total. Un véritable crève-cœur !

Ensuite vient la question de l’indemnisation. Certes, nos éleveurs sont indemnisés, mais à quel prix ? Ils doivent respecter un cahier des charges strict et d’une complexité abyssale. En outre, 30 % du montant de l’indemnisation ne leur est versé qu’à la condition de remplacer dans un délai d’un an et à l’identique le cheptel abattu. Mais comment faire quand, comme Bérénice, cette possibilité est inenvisageable puisque ses animaux, d’une race rare, n’existent pas sur le marché ?

Comment expliquer que les pertes d’exploitation et de clientèle ne soient pas prises en compte ? Comment expliquer à ces éleveurs qui ont tout perdu que leur indemnité est imposable ?

Madame la ministre, quelles dispositions comptez-vous prendre pour que Bérénice soit la dernière à vivre cet enfer ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Delattre, je connais votre engagement auprès de nos éleveurs, et je tiens à vous dire que je comprends totalement le désarroi de ceux qui sont touchés par des abattages en raison d’une contamination à la tuberculose bovine. Mes équipes ont d’ailleurs échangé avec Bérénice Walton.

La lutte contre cette maladie est d’abord un enjeu de santé publique. Il s’agit de réduire le risque de contamination humaine. Ces abattages sont donc, hélas ! malheureusement parfois nécessaires pour garantir la sécurité de nos concitoyens. Vous le savez, de telles décisions ne sont jamais prises de gaieté de cœur. On n’y vient que lorsqu’il est absolument impossible de faire autrement.

Je sais que la Gironde est particulièrement touchée. Je peux vous assurer que nous avons examiné avec attention le dossier de Mme Walton et ceux, d’ailleurs, de tous les éleveurs touchés par cette maladie, afin de les accompagner et de leur proposer l’indemnisation la plus adaptée possible.

Nous y mettons les moyens. Le montant prévu est d’habitude de 20 millions d’euros ; nous y avons ajouté 15 millions d’euros dans le cadre du plan de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage, pour aller plus loin et mieux accompagner les éleveurs. Ces sommes vont nous permettre d’améliorer le niveau de biosécurité dans les élevages français. L’important, c’est d’arrêter cette épidémie et d’accompagner le déploiement de notre feuille de route de lutte contre la tuberculose.

Un groupe de travail associant les représentants agricoles sera très prochainement lancé pour adapter le dispositif d’indemnisation aux évolutions que vous évoquez : je pense notamment au regain d’intérêt pour les races les plus rares. Nous attendons ses conclusions pour la fin de l’année, et nous mettrons en œuvre immédiatement des actions de manière à améliorer les indemnisations. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

implication du pouvoir exécutif dans la campagne des élections européennes (ii)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Un Président de la République qui s’invite au journal de vingt heures de TF1 et de France 2 à trois jours d’un scrutin, en prétextant la célébration du quatre-vingtième anniversaire du Débarquement ; vous-même, monsieur le Premier ministre, qui, en passant par là – et sans contrainte ! –, vous invitez à la Maison de la radio et de la musique pendant l’interview de la candidate de votre parti politique : c’est le plus haut niveau de nos institutions qui s’engage dans la bataille électorale. Dont acte.

Même si tout le monde a bien compris que le Président de la République le fait de son plein gré et qu’il vous a demandé de sortir de votre réserve initiale, par ailleurs bien compréhensible, cet engagement vous oblige désormais.

Nous veillerons bien sûr très attentivement auprès de l’Arcom à ce que ces temps d’intervention soient intégralement décomptés, à l’instar du discours du Président de la République sur l’Europe le 25 avril dernier à la Sorbonne.

Si vous êtes en campagne aux côtés du Président de la République, monsieur le Premier ministre, c’est pour le meilleur… et pour le pire. Et même si le pire n’est jamais certain, quelles conclusions tirerez-vous d’un résultat du scrutin qui serait conforme à ce que l’ensemble des instituts de sondages semblent prévoir aujourd’hui, c’est-à-dire un très sérieux revers ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Hugonet, comme vous le savez, être en responsabilité, c’est avoir le courage de défendre ses convictions et ses idées devant les Français.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Les membres de la majorité, les ministres, le Premier ministre, le Président de la République portent ensemble un projet cohérent et sérieux pour l’Europe et pour défendre la place de la France en Europe.

M. Max Brisson. Le Président de la République n’est pas le chef de la majorité !

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. J’y insiste, nous n’avons pas honte de continuer à défendre la place et la voix de la France en Europe. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)

Vous vous en souvenez, en d’autres temps, lorsque vous étiez à notre place, un autre Président de la République faisait comme nous aujourd’hui et vous trouviez cela alors tout à fait normal. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous le faisons dans le cadre et le respect de nos institutions et de la loi. (Protestations sur de nombreuses travées. – Mme Sophie Primas fait un geste de dénégation.)

Comme vous l’avez très justement souligné, monsieur le sénateur, en France, le rôle de l’Arcom est de décompter très précisément les interventions des uns et des autres quand elles ont un lien direct avec une campagne électorale. Nous sommes dans un État de droit, dans une démocratie, nous devons le respecter. (M. Max Brisson proteste.)

Oui, Gabriel Attal, le Premier ministre, s’engage pleinement dans l’Europe,…

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. … une Europe qui se rappelle à nous en cette année de commémoration des 80 ans du Débarquement. L’Europe nous convoque ; notre histoire nous convoque. Ne leur faisons pas honte.

S’engager pour l’Europe, ce n’est pas toujours s’engager pour le pire : c’est toujours s’engager pour le meilleur, et pour la paix ! (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

M. Max Brisson. Bla bla bla !

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Merci, madame la ministre, d’avoir eu l’amabilité de me répondre. (Rires sur de nombreuses travées.)

Que vous n’ayez pas honte, nous l’avons tous compris, et ce depuis bien longtemps ! (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)

À en croire l’intitulé de votre ministère, vous êtes chargée du « renouveau démocratique » : si vous considérez que c’est l’irresponsabilité et la désinvolture, ce n’est pas notre cas, ici. Que vous le reconnaissiez ou non, ce que vous faites est inadmissible.

Aussi, je vous invite, en sortant de l’hémicycle, à relire la Constitution de 1958, dont un exemplaire est exposé dans la salle des Conférences : elle a été écrite par des gens qui avaient un sens des responsabilités bien différent du vôtre ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Et l’affiche de la droite en 2009 ?

situation des finances publiques (ii)

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie, qui brille encore par son absence. La semaine dernière, le président Claude Raynal enjoignait au ministre, lors de son audition au Sénat, de cesser d’employer un ton péremptoire au vu de la dégradation des finances publiques.

Patatras ! Deux jours plus tard, sur BFM, le ministre a rechuté en déclarant, avec toute l’humilité qui le caractérise, cet orwellien : « J’ai sauvé l’économie » ! (Rires sur les travées du groupe SER.) Lui seul donc, pas même le Président de la République, pas même les travailleurs de ce pays, lui, rien que lui et seulement lui, le tout en rédigeant six livres ! (Marques dironie sur de nombreuses travées.) Cela a de quoi impressionner… On pourrait en rire si la situation du pays n’était pas si grave.

Sur la forme, par cette déclaration, le ministre Le Maire a incarné le grand passage de l’institution à l’individu et délaissé la glorification du travail d’équipe au profit d’une promotion sans gêne de sa propre personne.

Sur le fond, le compte n’y est pas non plus, comme en atteste la dégradation de la note de la France par l’agence Standard & Poor’s. Une telle dégradation devrait l’appeler à un peu plus de modestie, mais il n’en est rien. À sa décharge, il est vrai que la modestie n’est pas la principale qualité inscrite dans l’ADN de la formation politique de la majorité présidentielle.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Oh !

M. Thierry Cozic. C’est d’ailleurs dans un excès de modestie toute particulière que le Président de la République déclarait la semaine dernière dans LExpress que le dérapage des comptes publics n’était en rien dû à l’État et qu’il relevait de la seule responsabilité des collectivités territoriales. (Exclamations sur diverses travées.)

M. Thierry Cozic. Cette déclaration incendiaire et les propos du ministre Le Maire suscitent de sérieuses interrogations sur la capacité de la majorité présidentielle à poser un diagnostic sincère et partagé sur la situation économique et budgétaire de notre pays.

Ma question est donc simple : notre pays ne gagnerait-il pas à ce que ses représentants cessent leurs déclarations de matamores afin de se concentrer sur l’établissement d’un diagnostic commun, condition sine qua non d’une action publique efficiente ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Thierry Cozic, vous nous invitez à cesser les « déclarations de matamores » pour évoquer le fond. Permettez-moi de vous dire que votre question et vos attaques personnelles ne font absolument pas avancer le débat sur le fond ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)

J’aurais aimé que vous soyez aussi créatif pour proposer des pistes d’économies lors de l’examen du projet de loi de finances que vous l’avez été pour critiquer Bruno Le Maire. Or, je dois le dire, vous n’avez fait preuve ni d’une grande créativité ni de beaucoup d’initiative. Si tel avait été le cas, nous aurions pu vous attribuer personnellement de grands succès…

En ce qui concerne le budget, lors de mon audition par la mission d’information dont vous êtes membre, j’ai rappelé un certain nombre d’éléments. Si la dette a augmenté, c’est parce que nous avons fait face à des crises. Et ce n’est pas ici, et encore moins à la majorité sénatoriale, que je rappellerai que la crise de 2008 a entraîné une augmentation de la dette de 26 % entre 2007 et 2012.

Oui, nous avons été percutés par des crises ; oui, nous avons réagi en aggravant le déficit public pour protéger notre pays, comme Bruno Le Maire a eu l’occasion de le dire.

Par ailleurs, le Président de la République n’a jamais dit que les collectivités territoriales étaient responsables de l’aggravation du déficit. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Il a dit que nous avions constaté, et j’ai eu l’occasion de m’en expliquer, que leurs dépenses avaient en 2023 progressé plus vite que l’inflation. Les dépenses de fonctionnement ont progressé de 5,9 %, soit un point de plus que l’inflation. Or, dans la loi de programmation des finances publiques, nous avions prévu qu’elles ne devaient pas augmenter plus que l’inflation.

Durant cette période, n’avons-nous pas aidé les collectivités territoriales ? Créé un fonds vert ?…

Mme Audrey Linkenheld. Il est en baisse !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Mis en place un filet contre l’inflation ? Augmenté la dotation biodiversité ? Créé un amortisseur électricité ? Ne nous sommes-nous pas tenus aux côtés des collectivités territoriales ? La réponse est oui !

M. le président. Il faut conclure !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est parce que nous avons les finances publiques en partage avec les collectivités territoriales que nous appelons ces dernières à faire des efforts. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Sophie Primas. Trois mille milliards d’euros de dettes !

conclusions du rapport sur la décentralisation remis au président de la république

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, mais où est donc passé le puissant souffle décentralisateur que nous promettait le Président de la République à l’aube de son mandat, en 2017 ?

M. Loïc Hervé. Aux oubliettes !

M. Mathieu Darnaud. S’est-il tout simplement évanoui, tout comme les promesses de déconcentration ou bien encore cette volonté – verbale – de consacrer le travail de nos élus dans les territoires ?

Sept ans plus tard, nous avons peu de choses à nous mettre sous la dent : deux lois, peu ambitieuses, Engagement et proximité et 3DS.

Force est de constater que toutes les initiatives prises pour tenter de consacrer le travail des élus de France ont émané de la Haute Assemblée, qu’il s’agisse des propositions relatives à la protection des élus ou à leur statut, statut que vous aviez pourtant annoncé lors du dernier Congrès des maires de France, ou encore des travaux qui mettent en valeur, de près ou de loin, ce qu’ont fait les élus des territoires, notamment dans les moments de crise. Tout est parti du Sénat !

À présent, vous nous présentez le rapport d’Éric Woerth, dont la meilleure partie est, elle aussi, largement inspirée des travaux du Sénat – le président Larcher y avait d’ailleurs invité notre collègue député. Mais le rapport est également flou sur de nombreux sujets et suscite, disons-le très clairement, de grandes déceptions, faute de trancher certaines questions.

Ma question est très simple, monsieur le ministre : faut-il voir dans ce rapport le début d’une initiative, d’un grand texte sur la décentralisation et le statut de l’élu, ou sommes-nous destinés à connaître une nouvelle déception ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Darnaud, comment pouvez-vous imaginer que notre obsession, celle du Président de la République ou du Gouvernement, soit d’alimenter votre déception ? J’ai pourtant le sentiment que nous consacrons une part significative de nos semaines à regarder comment nous rapprocher des sages avis exprimés par le Sénat !

M. Rachid Temal. Une cohabitation ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je vois dans votre question non pas une remise en cause, mais un appel ardent à la concertation et au passage à l’acte, à la suite de la remise de ce rapport.

Il y a une heure, le Premier ministre a déclaré que, d’ici à la fin du mois de juin, il lancerait les concertations opérationnelles sur la suite du rapport Woerth afin que plusieurs textes de loi puissent être déposés au Parlement avant la fin de l’année.

Les bases des mesures que vous appelez de vos vœux – clarification, simplification, statut de l’élu – figurent dans le rapport Woerth et dans celui de Boris Ravignon sur les coûts des normes et de l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités.

Il faut à présent passer aux actes. Que n’auriez-vous dit si toutes les questions avaient d’ores et déjà été tranchées ?

Après les critiques de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, le satisfecit mesuré d’Intercommunalités de France, l’appel de Régions de France à passer aux actes, les lignes rouges et les points positifs évoqués par Assemblée des départements de France, je pense que chacun pourra faire son miel à partir des 51 propositions du rapport.

Certaines sont irritantes, sur le mode de scrutin ; d’autres me semblent consensuelles, sur le statut de l’élu. Sur ce dernier point, un travail de qualité a été accompli au Sénat, mais aussi par les députés Spillebout et Jumel, en liaison avec Dominique Faure. Sur certains sujets – je pense à la création d’un conseiller territorial et au mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille –, les opinions sont divergentes. Il reviendra au Parlement, en particulier au Sénat, de trancher.

Les concertations débuteront lors de la deuxième quinzaine du mois de juin, l’objectif étant qu’elles débouchent sur un texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)