compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Guy Benarroche,

Mme Alexandra Borchio Fontimp.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à un huissier

M. le président. Mes chers collègues, je voudrais rendre hommage, au moment où il va quitter le Sénat après plus de trente-quatre années de bons et loyaux services, à Thierry Baroffio, chef des huissiers. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)

Je veux lui exprimer notre gratitude et lui adresser tous nos souhaits pour cette nouvelle page qui s’ouvre pour lui. Il a exercé cette fonction avec tact et intelligence, dans la discrétion – un principe fondamental dans cette maison ! – que nous rappelle la présence du dieu du silence dans le salon des messagers d’État. (Sensation.) Il a œuvré avec classe et talent durant toute sa carrière, et je l’en remercie au nom du Sénat tout entier. (Applaudissements.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

réforme de l’assurance chômage

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Monique Lubin. Madame la ministre du travail, le couperet est tombé et le moins que l’on puisse dire, c’est que la lame est tranchante.

Durcissement des conditions d’accès à l’assurance chômage, raccourcissement de la durée d’indemnisation, y compris pour les seniors, changement des modalités de calcul qui feront probablement diminuer le montant des allocations, le tout pour une économie, dites-vous, de 3,5 milliards d’euros.

Mais avez-vous mesuré le coût social de cette nouvelle réforme ? Connaissez-vous les retombées de la dernière qui vient à peine d’entrer en vigueur ? Et sur quelle étude d’impact vous appuyez-vous pour conduire cette énième réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K. – Mme Mélanie Vogel applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame Lubin, oui, je me suis appuyée sur des documents, et en particulier, pour vous répondre précisément, sur l’étude de la Dares (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), qui montre deux choses.

Tout d’abord, en ce qui concerne le bonus-malus, c’est-à-dire dans des secteurs où il y a des contrats courts, le taux de séparation a baissé de 10 %.

Ensuite, la durée des contrats d’intérim a augmenté : ces contrats sont donc plus longs. (Mme Raymonde Poncet Monge sexclame.)

Voilà très précisément deux exemples d’évolutions que nous avons mesurées. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Très honnêtement, madame la ministre, les éléments que vous venez de donner ne répondent absolument pas aux questions que je vous ai posées.

Les économistes sont unanimes : ces réformes n’ont aucun effet sur la reprise d’emploi.

Je pense aux jeunes, que vous éloignez de plus en plus de ce filet de sécurité qu’est l’assurance chômage. Tout le monde sait que, quand on est jeune, peu diplômé et éloigné des grands centres, on entre dans la vie active par le biais des contrats courts. Comment ces jeunes seront-ils protégés ?

Ensuite, les seniors. Alors là je dois reconnaître que c’est assez abracadabrantesque, comme disait un ancien président de la République. Vous avez fait sauter les bornes d’âge de 52 ans et 54 ans. Il reste la borne de 57 ans au-delà de laquelle les demandeurs d’emploi seniors seront indemnisés plus longtemps que les autres, mais moins longtemps qu’aujourd’hui.

Or tout le monde connaît les difficultés d’accès à l’emploi des seniors à partir de l’âge de 50 ans. J’avoue franchement ne pas bien comprendre !

Daignez nous écouter au moins, madame la ministre…

Mme Catherine Vautrin, ministre. Je vous écoute !

Mme Monique Lubin. Vous faites des réformes extrêmement faciles, comme supprimer des droits. Il est beaucoup plus compliqué de chercher de nouvelles recettes.

Certes, les chômeurs sont invisibles, personne ne les défend, mais tout le monde sait que vous les malmenez. Cela met un sacré coup de canif à notre contrat social…

M. le président. Il faut conclure.

Mme Monique Lubin. … et, à terme, à notre démocratie. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

intervention médiatique du pouvoir exécutif pendant la campagne des élections européennes

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Ian Brossat. Monsieur le Premier ministre, les élections européennes auront lieu ce dimanche. Plus l’échéance approche, moins vous semblez serein ; plus l’échéance approche, plus vous semblez fébrile.

Il y a deux semaines, vous organisiez sur le service public un face-à-face sur mesure avec M. Bardella, contribuant ainsi à appauvrir le débat public et à construire un débat factice entre vous et l’extrême droite.

Ce lundi, vous avez fait le choix de débouler sur le plateau de France Info, où vous n’étiez pas invité, pour tenter maladroitement de sauver votre candidate de la noyade.

Ce jeudi, le Président de la République a fait le choix de monopoliser les journaux télévisés à vingt-quatre heures de la fin de la campagne électorale, ce qui vous a d’ailleurs valu une mise en garde de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique).

Monsieur le Premier ministre, la réforme de l’audiovisuel public n’a pas encore été votée, mais il semble que le bon vieux temps de l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française) soit déjà revenu.

Ces événements éclairent d’une lumière crue vos intentions en la matière. A fortiori lorsque votre ministre de la culture vante les mérites de l’ORTF, c’est-à-dire d’un temps où les titres du journal télévisé étaient dictés par le ministère de la communication.

M. Roger Karoutchi. C’était le ministère de l’information !

M. Ian Brossat. A fortiori quand les arguments avancés depuis des semaines pour justifier cette réforme tombent les uns après les autres.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple. À quel naïf voulez-vous faire croire que votre réforme est autre chose qu’une tentative de reprise en main par le pouvoir de l’audiovisuel public français ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Brossat, je vais vous répondre sur l’irruption du Premier ministre sur un plateau de France Info, mais je veux d’abord évoquer la réforme de l’audiovisuel public.

Vous le savez très bien, la télévision et la radio publiques ne sont pas des chaînes comme les autres – c’est d’ailleurs un sujet dont nous avons déjà parlé ensemble. Nous sommes tous – vous, nous, les Français et les seize mille agents de ce secteur – très attachés à l’audiovisuel public. Mais, comme cela ne vous aura pas échappé, le paysage audiovisuel a changé depuis l’ORTF.

M. Thierry Cozic. Et alors ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Où sont Les Dossiers de lécran ?

Mme Rachida Dati, ministre. Il y a désormais vingt-sept chaînes privées et des plateformes numériques ont surgi. Or ces plateformes et chaînes privées captent de plus en plus de téléspectateurs et de recettes publicitaires.

M. Vincent Éblé. Oui, et alors ?

Mme Rachida Dati, ministre. À quel défi faisons-nous face aujourd’hui ? Celui d’une concurrence de plus en plus vive et d’une révolution technologique que subit l’audiovisuel public, comme l’atteste tous les jours le vieillissement des audiences.

Partout en Europe, l’audiovisuel public a rassemblé ses forces. Nous devons le faire aujourd’hui en France. Je voudrais à ce titre remercier le président Lafon et les sénateurs Jean-Raymond Hugonet et Cédric Vial, pour leur travail approfondi sur cette réforme que nous portons et que nous souhaitons voir aboutir. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il y a urgence à regrouper les forces de l’audiovisuel public, notamment pour les jeunes générations qui subissent de plus en plus la désinformation. (Et la réponse ? sur des travées du groupe Les Républicains.)

En ce qui concerne l’irruption du Premier ministre sur un plateau (Ah ! sur de nombreuses travées.) – pour reprendre vos termes – dans le cadre d’un débat sur les élections européennes, je vous renvoie aux explications de la présidente de Radio France, qui lui a proposé – j’allais dire qu’elle l’a contraint – de venir sur le plateau pour parler de ces élections. (Rires sur de nombreuses travées. – Sourires sur les bancs du Gouvernement.)

M. Roger Karoutchi. Alors là !

Mme Rachida Dati, ministre. Vous avez évidemment le loisir de lui demander des explications à ce titre. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – Brouhaha amusé.)

Plusieurs sénateurs du groupe GEST. Libérez le Premier ministre !

M. Hussein Bourgi. Il a été contraint… C’est ridicule !

M. Max Brisson. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour la réplique.

M. Ian Brossat. Madame la ministre de la culture, je dois dire que je suis assez inquiet d’apprendre que le Premier ministre ait pu être victime à Radio France d’une forme de kidnapping dont nous n’aurions pas été au courant… (Hilarité générale. – Applaudissements sur diverses travées. – Sourires au banc du Gouvernement.)

Pour le reste, et sur le fond, il est un peu paradoxal d’expliquer que les temps sont très différents de ce que nous connaissions au moment de l’ORTF et de vouloir, dans le même temps, engager une réforme que ne fait qu’y revenir. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

annulation de la participation des entreprises israéliennes au salon eurosatory de la défense

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cigolotti. Ma question s’adresse à M. le ministre des armées.

Eurosatory est, à ce jour, le plus grand salon international de défense et de sécurité terrestres. Cet événement, suivi par des représentants du monde entier, rassemblera cette année un peu plus de 2 000 exposants.

Soixante-quatorze entreprises israéliennes y étaient attendues. Pourtant, le vendredi 31 mai, l’organisateur de la manifestation, Coges Events, filiale du Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (Gicat), a annoncé que, par décision des autorités gouvernementales, il n’y aura aucun stand de l’industrie israélienne à Eurosatory 2024. Aucun élément d’explication complémentaire n’a été communiqué. Il s’avère que le ministère des armées considère que les conditions ne sont plus réunies pour recevoir ces entreprises.

Cette décision s’inscrit bien évidemment dans un contexte dramatique et de tensions extrêmes après huit mois de guerre entre Israël et le Hamas, mais elle suscite des interrogations.

Doit-elle être comprise comme la crainte de ne pouvoir assurer la sécurité de ces exposants, ce qui serait étonnant et inquiétant dans la perspective de l’accueil de la délégation israélienne aux jeux Olympiques et Paralympiques ?

Doit-elle être considérée comme une décision politique ? Si les entreprises israéliennes sont bannies de ce salon, qu’en est-il pour les autres pays en guerre, dans des contextes tout aussi perturbants ? Pour n’en citer qu’un, je prendrai l’exemple de l’Arabie saoudite, en conflit avec le Yémen depuis 2014, conflit qui a d’ores et déjà causé près de 380 000 morts.

Si c’est pour des considérations relatives aux droits de l’homme, légitimes par ailleurs, l’exclusion des seuls exposants israéliens est-elle compréhensible ?

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les raisons de cette décision ? Quelles sont les conditions qui ne sont plus réunies aujourd’hui pour accueillir les entreprises israéliennes à Eurosatory ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Cigolotti, je me permets de vous répondre en l’absence de Sébastien Lecornu, ministre des armées.

Je vous confirme que les entreprises israéliennes ne seront pas présentes à Eurosatory et je tiens à vous rassurer : il ne s’agit ni d’un boycott ni d’une punition, comme certains ont pu le penser, voire le caricaturer.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est quoi, alors ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Si cette information a pu être caricaturée, la position de la France depuis le drame de l’attaque terroriste du 7 octobre est, elle, souvent instrumentalisée. C’est pourquoi je tiens à en rappeler les contours devant vous, et il me semble important de le faire inlassablement.

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas la question !

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Nous appelons à la libération immédiate des otages. Deux de nos compatriotes restent retenus en otage – il est important de le rappeler. (Ce nest pas la question ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Nous appelons à un cessez-le-feu, immédiat et durable. (Mêmes exclamations.)

M. Patrick Kanner. Répondez à la question !

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Nous appelons à la mise en place de convois humanitaires et au respect du droit international.

M. Max Brisson. Et la question ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Il est important de le rappeler sans cesse (Brouhaha.), parce que, je le redis, deux de nos compatriotes sont toujours retenus sur place. (Protestations sur diverses travées.)

Mme Nathalie Goulet. C’est nul !

M. Roger Karoutchi. C’est incroyable, ce gouvernement !

implication du pouvoir exécutif dans la campagne des élections européennes (i)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le Premier ministre, cela fait sept ans que la Macronie est au pouvoir en France, sept ans pendant lesquels vous avez installé l’extrême droite au centre de toute la vie politique française, cyniquement convaincu de votre intérêt à avoir en France une extrême droite forte face à laquelle vous pourriez feindre de vous dresser. C’est sans doute l’objectif que vous avez le mieux atteint : l’extrême droite était à 21 % en 2017, elle est aujourd’hui à 40 % !

Et vous n’arrêtez pas là ! Dans cette campagne, vous franchissez, l’une après l’autre, toutes les limites de la décence : le débat Attal-Bardella, la proposition de débat Macron-Le Pen, les affiches de campagne avec le Président tout seul, le Premier ministre qui s’incruste dans une interview de la tête de liste de son parti – moment de gênance nationale où on peine à distinguer le plus embarrassant, entre l’immodestie de croire sa présence bienvenue ou celle de la penser bénéfique pour Valérie Hayer – ; et, enfin, le passage du Président au journal télévisé à vingt-quatre heures de la fin de la campagne, décision qui vous vaut une mise en garde de l’Arcom.

J’ai fait campagne dans plus de dix-sept pays européens et, franchement, je n’ai vu nulle part, à l’exception peut-être de l’Italie et de la Hongrie, un tel niveau de grossièreté et de mépris envers la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Or tout ce que notre pays compte de démocrates sait très bien que l’enjeu majeur de ces élections, c’est d’empêcher l’extrême droite de prendre le pouvoir au lieu précis qui s’est construit comme le rempart à son projet et à ses idées, comme le rempart à la haine, au nationalisme et à la guerre, c’est-à-dire l’Union européenne.

Or le combat contre l’extrême droite, c’est la défense des libertés publiques et la promotion de l’égalité et de la tolérance, c’est agir pour l’intérêt général et c’est exercer le pouvoir de manière exemplaire.

Quand on reprend ses idées, qu’on institutionnalise sa présence, qu’on maltraite son plus efficace antidote – la force de nos principes démocratiques –, on la fait progresser et tout le monde sait où cela mène.

C’est le choix que vous avez fait. Est-ce par ignorance, par inconscience ou par complaisance ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Ravie de me retrouver devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs…

Madame la sénatrice Mélanie Vogel, je vous confirme que le Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement et de la majorité présidentielle combattent avec une extrême fermeté le Rassemblement national. (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Yannick Jadot. Avec quelle efficacité !

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Je suis assez étonnée que vous ayez décrété que votre seul et unique ennemi était la majorité présidentielle, comme en témoigne encore une fois votre question.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Face à la gravité de la situation, nous devrions, en particulier dans le calme de cette institution, nous rappeler quelles sont nos lignes rouges et où sont réellement nos ennemis politiques.

Nous ne devons pas faillir et nous n’avons pas à rougir. Oui, je vous l’affirme, nous, la majorité présidentielle, nous ne nous excuserons pas de défendre l’Europe. Nous, la majorité présidentielle, nous ne nous excuserons pas de parler matin, midi et soir d’Europe. (Huées sur les travées des groupes Les Républicains et GEST.) Nous, la majorité présidentielle, nous ne nous excuserons pas de continuer à porter la voix de notre candidate dans le respect de nos institutions et dans le cadre fixé par la loi. (Brouhaha.)

La France est une belle démocratie. Un membre du Gouvernement peut s’adresser à la représentation nationale et se faire huer, conspuer, preuve que notre démocratie existe bel et bien… (Rires sur diverses travées.)

Cela peut vous faire rire, mais nous avons une institution en France, l’Arcom (M. Roger Karoutchi rit ironiquement.), qui définit précisément dans quelles conditions nous pouvons intervenir et comment les interventions des uns et des autres sont comptabilisées. Nous respectons ces principes et nous serons là pour continuer à les faire respecter. (Protestations sur diverses travées. – Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

situation des finances publiques (i)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, il y a quelques jours, Standard & Poor’s a dégradé la note souveraine de la France, qui a perdu le double A acquis il y a dix ans.

Trois motifs, qui ne surprennent pas, sont invoqués : un déficit public pour 2023 qui n’est pas tenu ; une croissance économique plus faible que celle prévue par le Gouvernement ; une progression continue de notre endettement d’ici à 2027.

Le Gouvernement compte-t-il retrouver rapidement la note perdue ? Pour y arriver, quelles fautes ou quelles erreurs entend-il corriger ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous l’avez dit, Standard & Poor’s a ajusté notre note. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

Pourquoi parlé-je d’un ajustement ? D’abord, parce que c’est la réalité – et on vous doit la vérité – ; ensuite, parce que vous m’avez interrogé quant aux conséquences de cette décision sur nos conditions de financement.

M. Jean-François Husson. Non, ce n’est pas la question que je vous ai posée !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La réalité, c’est que cela n’a eu aucune conséquence sur les conditions de financement de notre dette. Je pense que nous aurions tous intérêt à nous en réjouir.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pour autant, faut-il en rester là ? Non. Nous n’avons d’ailleurs pas attendu la décision de Standard & Poor’s pour engager le redressement de nos finances publiques.

M. François Bonhomme. Heureusement !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Au début de l’année, nous avons fait 10 milliards d’euros d’économies par un décret d’annulation de crédits, et il y aura 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires.

Plusieurs sénateurs du groupe SER. Sans passer par le Parlement !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vous l’ai dit, monsieur le sénateur, je suis prêt à travailler avec vous sur les économies nécessaires à prévoir dans le projet de loi de finances pour 2025.

M. Jean-François Husson. Vous auriez pu le faire avant !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ce que regarde Standard & Poor’s, c’est notre capacité à rembourser notre dette. Celle-ci dépend de notre croissance.

Or, monsieur le sénateur, vous auriez pu souligner que la croissance en 2023 a été supérieure aux prévisions du Gouvernement, soit 1,1 %…

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … et que nous continuons de créer des emplois – 75 000 au premier trimestre. C’est ce que regardent les agences de notation : la capacité de l’économie à créer des emplois et des recettes publiques pour assurer la soutenabilité de la dette.

Vous le savez, nous allons continuer à redresser nos finances publiques et nous atteindrons 4,1 % de déficit public. (Mme Valérie Boyer sexclame.) C’est l’objectif que le Premier ministre a fixé à Bruno Le Maire et à moi-même. Je compte sur notre travail pour y parvenir. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Mais où est le ministre de l’économie, cet intermittent du Gouvernement et de notre hémicycle ? (M. le garde des sceaux sindigne.)

Je suis désolé, mais on ne peut pas se réjouir, comme vous venez de le faire, monsieur le ministre, des résultats de la France, parce que le déficit de l’État a doublé depuis 2017 : il est passé de 77 milliards à 154 milliards d’euros. Voilà la vérité !

La vérité, ce n’est pas de dire que tout cela n’aura pas d’influence sur la vie quotidienne des Français. Les Français devront payer ces lourdes fautes. Ce n’est pas acceptable !

Ce qui est encore moins acceptable, c’est de venir aujourd’hui demander aux oppositions, avec une forme de malignité, des pistes de réflexion. Monsieur le ministre, qu’avons-nous fait depuis plusieurs mois ? Je vous rappelle que nous vous avons déjà proposé 7 milliards d’euros d’économies : vous les avez balayées d’un revers de main.

Méfiez-vous de cette attitude ! Les Français vont se prononcer dimanche. Nous aurons tous des enseignements à en tirer, et chacun sera placé devant ses responsabilités. Vous devrez cesser de raconter des balivernes sur l’économie – on ne pourra plus entendre de tels propos. Nous devons nous retrousser les manches, redresser notre pays et regarder devant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

sécurité en guadeloupe

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Solanges Nadille. Depuis plusieurs semaines, la Guadeloupe, mon territoire, est en proie à une flambée de violences.

La semaine dernière, une jeune femme de 27 ans a été tuée par balles. Les chiffres sont édifiants par rapport à la moyenne nationale : l’archipel compte six fois plus d’homicides, neuf fois plus de tentatives d’homicide, dont la moitié par arme à feu, et vingt fois plus de vols à main armée. Pointe-à-Pitre, en particulier, a été le théâtre de violences urbaines au cours des derniers mois. En mars, c’est une commerçante, Maria, qui a été tuée lors d’un braquage.

Devant cette situation plus qu’inquiétante, oui, le Gouvernement a réagi. Un grand merci pour la venue en Guadeloupe du ministre de l’intérieur et des outre-mer à la mi-avril. Il avait alors annoncé des opérations de lutte contre la drogue et contre la circulation des armes, sans aucun doute le problème principal que connaît la Guadeloupe aujourd’hui.

Il avait également annoncé l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs à Pointe-à-Pitre, puis aux Abymes. Oui, il n’est pas rare d’y voir des mineurs de 12 ou 13 ans avec des armes. Mais allons plus loin et tentons de comprendre la réalité du territoire quant à la circulation des armes.

Il a également nommé un préfet honoraire spécifiquement chargé du sujet de l’insécurité. Celui-ci s’est déjà rendu sur plusieurs îles de l’archipel, ce que je salue, car il ne faut pas oublier que la dimension archipélagique facilite l’entrée des armes. Encore plus qu’ailleurs, l’appréhension du dernier kilomètre de l’action publique est essentielle.

Le travail de ce préfet devrait, je l’espère, aboutir à la signature d’un contrat territorial de sécurité associant l’ensemble des acteurs, comme cela a été fait dans d’autres territoires ultramarins et hexagonaux.

Madame la secrétaire d’État, les Guadeloupéens comptent sur vous. Quelles suites pensez-vous donner à ce contrat territorial de sécurité ? Il nous faut des engagements pour que le travail amorcé soit suivi d’effets et que les habitants puissent enfin ne plus avoir à subir le fléau de l’insécurité de masse qui a déjà endeuillé tant de familles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)