M. Jean-Luc Brault. Dans son rapport intitulé Transformer l’essai de l’innovation : un impératif pour réindustrialiser la France – chacun sait que notre pays a bien besoin d’innovation ! –, la mission d’information sénatoriale sur la recherche et l’innovation a recommandé de tripler le plafond du régime des achats innovants, qui est aujourd’hui fixé à 100 000 euros. Ce montant est trop bas pour soutenir l’innovation industrielle, car les produits dans ce secteur dépassent largement ce seuil.
Cet amendement vise à inscrire dans la loi le seuil de 300 000 euros, ce qui correspond à un triplement du montant actuellement fixé par voie réglementaire.
M. le président. L’amendement n° 253 rectifié, présenté par Mme Havet, M. Lévrier, Mme Schillinger, M. Mohamed Soilihi, Mme Duranton et MM. Canévet et Buis, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’acheteur peut passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables portant sur des travaux, fournitures ou services innovants au sens du second alinéa de l’article L. 2172-3 et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure aux seuils communautaires.
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 12 rectifié bis, comme je l’ai indiqué lors de la réunion de la commission spéciale, je ne suis pas très favorable à l’inscription d’un montant dans la partie législative du code de la commande publique. En effet, cela nous priverait de la possibilité de faire évoluer périodiquement ce seuil en fonction des conditions économiques et des arbitrages politiques.
En outre, augmenter de plus de trois fois le montant en dessous duquel les achats innovants peuvent être conclus par des acheteurs publics sans mise en concurrence serait à mon sens disproportionné.
Je rappelle que le montant du seuil actuel de 100 000 euros est déjà très élevé au regard des seuils traditionnels pour les marchés publics.
L’amendement n° 253 rectifié vise à aligner le seuil de mise en concurrence et de publicité pour les achats innovants sur le seuil en vigueur pour les procédures formalisées défini au niveau européen. Cette mesure serait regrettable, car ces seuils européens sont susceptibles d’évoluer et n’ont pas vocation à prendre en compte les besoins spécifiques des contrats publics d’achats innovants.
De plus, comme pour l’amendement précédent, rehausser les seuils de dispense de mise en concurrence et de publicité n’est pas anodin au regard du respect des principes de la commande publique. Ces exigences constituent aussi des garanties de transparence et d’accessibilité de la commande publique pour tous les acheteurs publics, notamment pour ceux qui sont de plus petite taille.
Sur la forme, la définition des seuils relève plutôt du domaine réglementaire.
Sur le fond, il convient de trouver le bon équilibre, afin d’inciter les acheteurs publics à recourir au régime des achats innovants, sans pour autant leur permettre de se soustraire aux principes fondamentaux de la commande publique.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. En ce qui concerne l’amendement n° 12 rectifié bis, je ne répéterai pas les propos de Mme le rapporteur. Je me contenterai d’indiquer que, en relevant ce seuil, surtout dans une telle proportion, on se heurterait directement au droit européen.
Je rappelle que, pour les marchés de fournitures et de services, les directives européennes imposent une procédure de publicité et de mise en concurrence à partir de 143 000 euros hors taxes et de 221 000 euros hors taxes pour les collectivités locales. L’instauration d’un seuil de dispense de ces formalités à partir de 300 000 euros hors taxes serait donc contraire au droit européen.
J’émets par conséquent un avis défavorable sur l’amendement n° 12 rectifié bis.
Ma position est la même sur l’amendement n° 253 rectifié, pour les mêmes raisons que celles que vient d’évoquer Mme le rapporteur. Il s’agit sans doute d’un amendement d’appel de la part de Mme Havet, pour faciliter la commande publique. Toutefois, les seuils prévus sont un peu trop élevés. Pérennisons déjà celui de 100 000 euros !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 253 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 254 rectifié, présenté par Mme Havet, M. Lévrier, Mme Schillinger, M. Mohamed Soilihi, Mme Duranton et MM. Canévet et Buis, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’acheteur peut passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables portant sur des produits d’occasion au sens de l’article R. 122-4 du code de la consommation ou sur des marchés de fournitures devant être issus du réemploi ou de la réutilisation au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes.
Ces dispositions sont également applicables aux lots de ces marchés dont le montant est inférieur à 80 000 euros hors taxes qui remplissent la condition prévue au b du 2° de l’article R. 2123-1.
Lorsqu’il fait usage de cette faculté, l’acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin.
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Au vu des arguments qui viennent d’être présentés à propos de mon précédent amendement, je retire l’amendement n° 254 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 254 rectifié est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 48 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et Jouve, MM. Masset et Roux, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Grosvalet.
L’amendement n° 353 rectifié est présenté par Mme Guhl, M. Dossus, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique, Gontard et Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 393 rectifié est présenté par MM. Canévet et Delcros, Mmes N. Goulet et O. Richard, MM. Kern et Longeot, Mmes Havet et Billon, MM. Capo-Canellas et Cambier, Mme Gacquerre, M. Duffourg, Mme Saint-Pé et M. Levi.
L’amendement n° 550 est présenté par M. M. Weber, Mme Linkenheld, MM. Mérillou et Chaillou, Mme Conconne, MM. Fagnen, Ros, Kanner, Redon-Sarrazy et Bouad, Mme Canalès, MM. Darras, Jacquin, Pla et Uzenat, Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 2172-3 du code de la commande publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Peuvent être considérés comme innovants les travaux, les fournitures ou les services qui tiennent compte de leurs incidences énergétiques et environnementales et qui recourent en priorité à des matériaux issus de la seconde main, du réemploi, de la réutilisation, du recyclage. »
La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié.
M. Michel Masset. Cet amendement vise à élargir la définition du marché public innovant.
La commande publique représente près de 10 % du PIB de la France. Elle doit être dirigée en priorité, lorsque c’est possible, vers des méthodes et des procédés qui relèvent de l’économie circulaire, laquelle vous est chère, je le sais, madame la ministre. Il est possible d’accélérer son déploiement en recourant à la procédure des marchés innovants.
Il convient d’affiner la définition de ce dispositif dans le code de la commande publique, pour qu’il intègre au mieux la notion d’économie circulaire. Par ailleurs, il importe de rehausser la limite de 100 000 euros en dessous de laquelle il est possible de passer des marchés d’achats innovants de gré à gré, sans publicité ni mise en concurrence.
Nous proposons ainsi de rendre ce dispositif plus attractif pour les acheteurs publics et leurs groupements.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 353 rectifié.
M. Thomas Dossus. L’enjeu est de donner la priorité aux méthodes et aux procédés relevant de l’économie circulaire dans la commande publique chaque fois que c’est possible.
Le dispositif des achats innovants permet actuellement de passer un marché de gré à gré sans publicité. Nous souhaitons y intégrer les méthodes et les procédés de l’économie circulaire. Il s’agit d’approfondir le dispositif, afin qu’il devienne plus attractif pour les acheteurs publics et leurs groupements, ce qui facilitera l’adoption de solutions innovantes et durables.
Cette proposition s’inscrit dans la logique du plan national pour des achats durables (Pnad). En 2019, seulement 15,8 % des marchés publics intégraient une disposition environnementale, ce qui est bien inférieur à l’objectif de 30 %. Le nouveau plan national pour les achats durables pour la période allant de 2022 à 2025 vise à ce que ce taux atteigne les 100 % d’ici à 2025. Nous voulons donc faciliter la réalisation de cet objectif.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 393 rectifié.
M. Michel Canévet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour présenter l’amendement n° 550.
M. Simon Uzenat. Mes propos iront dans le même sens que ceux de mes collègues.
J’ai l’expérience de la commande publique dans la région Bretagne ; j’ai eu l’occasion de présider des instances chargées de procéder à la commande publique et de travailler à la conclusion de partenariats d’innovation.
Or, trop souvent, dans ce dernier cas, nos services évoquaient l’interprétation trop restrictive de la jurisprudence par les services compétents, notamment ceux de l’État. Cela empêchait la mise en œuvre de solutions, qui étaient pourtant de bon sens et sur lesquelles les entreprises étaient prêtes à travailler, mais qui n’étaient pas considérées comme suffisamment innovantes, limitant donc l’usage de ce dispositif.
Nous souhaitons ainsi, en lien avec l’Institut national de l’économie circulaire, adresser un message très clair aux entreprises, pour leur indiquer que nous pouvons mettre en place ensemble, par le biais de la commande publique des collectivités, des solutions nouvelles, qui ne constituent pas forcément des ruptures technologiques, mais qui s’inscrivent dans la logique du Pnad.
Comme vient de le rappeler mon collègue, l’objectif de ce plan est que la totalité des marchés comporte, à l’horizon de 2025, une disposition environnementale. En Bretagne, nous avons pris cet engagement dès l’année 2023.
Nous voulons donc préciser les critères et soutenir les entreprises qui s’engagent résolument dans cette voie, quel que soit leur secteur d’activité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Les dispositions de ces amendements identiques posent un problème au regard du droit de l’Union européenne. En effet, la définition de l’innovation permettant le recours à la dérogation prévue par l’article L. 2172-3 du code de la commande publique est encadrée par les directives européennes sur les marchés publics du 26 février 2014.
Il convient de le souligner, cette définition n’exclut pas, dans sa rédaction actuelle, les biens issus du recyclage, de la seconde main ou du réemploi. Ces derniers peuvent d’ores et déjà, sous certaines conditions, entrer dans la catégorie des achats innovants.
En revanche, l’origine des biens ne peut suffire à elle seule à catégoriser ces derniers comme des achats innovants, car d’autres critères sont prévus au niveau européen. La modification proposée irait donc à l’encontre de la définition établie par l’Union européenne.
La commission spéciale a émis par conséquent un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Ces amendements identiques sont intéressants.
Comme vous êtes nombreux à le savoir, la France défend de longue date auprès des instances européennes une position ambitieuse sur ces sujets. Nous demandons ainsi que les directives relatives à la commande publique soient révisées, afin que les dimensions concernant l’environnement, le développement durable et l’économie circulaire puissent être mieux prises en considération dans la commande publique.
Pour le dire avec mes mots, sans reprendre ceux qu’a employés Mme le rapporteur, instaurer une présomption d’innovation, dès lors que sont prises en compte les incidences énergétiques ou environnementales ou certaines pratiques de production circulaire ou de réemploi, ne correspond pas au droit de l’Union européenne.
Très concrètement, si ces amendements identiques étaient adoptés, la France pourrait donc faire l’objet d’une procédure en manquement. (M. Thomas Dossus proteste.)
En tant que ministre, j’appelle de mes vœux une révision des directives européennes relatives à la commande publique.
En attendant, j’émets un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Monsieur Masset, l’amendement n° 48 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Masset. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Dossus, l’amendement n° 353 rectifié est-il maintenu ?
M. Thomas Dossus. Oui, je le maintiens également, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Canévet, l’amendement n° 393 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canévet. Oui, il est maintenu, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Uzenat, l’amendement n° 550 est-il maintenu ?
M. Simon Uzenat. J’entends les arguments exposés par Mme le rapporteur et par Mme la ministre. Nous devons prendre en compte le cadre européen, mais, sur ce sujet, l’Europe est en réalité à mi-chemin.
Il y a certes un risque d’incompatibilité avec le droit européen, mais nous sommes nombreux, et pas seulement en France, à être convaincus que nous devons aller plus loin en la matière. Permettez-moi donc d’insister.
Je me fonde sur des expériences locales. Le partenariat d’innovation est l’occasion, au-delà des objectifs du plan national pour des achats durables, d’expérimenter des solutions nouvelles avec nos TPE et nos PME et de démontrer leur efficacité.
Trop souvent, lorsqu’il s’agit d’économie circulaire, on nous objecte que les modèles ne sont pas suffisamment robustes, que l’on ne dispose pas des moyens nécessaires et qu’il est risqué de s’engager dans cette voie. Résultat, la mise en œuvre de solutions nouvelles se trouve retardée.
Il convient donc d’accélérer, dans l’intérêt des collectivités comme dans celui des entreprises. À cet égard, notre proposition semble raisonnable. L’État et les collectivités veilleront à ce qu’elle soit mise en œuvre de manière réfléchie ; nous comptons d’ailleurs sur les services de l’État pour accompagner et encourager les collectivités dans cette voie.
Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié, 353 rectifié, 393 rectifié et 550.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
L’amendement n° 309, présenté par MM. Barros, Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2141-2 du code de la commande publique, il est inséré un article L. 2141-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2-…. – Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui n’ont pas rempli leurs obligations mentionnées à l’article L. 232-21 du code de commerce sur les deux exercices précédents. »
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Les membres du groupe CRCE-K souhaitent exclure de plein droit des marchés publics les entreprises qui n’ont pas publié leurs comptes lors des deux années précédant le marché.
En effet, sur 10 millions d’entreprises, 600 000 seulement respectent scrupuleusement l’obligation de déposer leurs comptes. Il existe certes des sanctions – les entreprises sont passibles d’amendes de 1 500 euros à 3 000 euros –, mais elles sont rarement appliquées.
Les entreprises invoquent plusieurs raisons. Elles ne veulent pas présenter de bilan défavorable ou risquer de fournir des informations stratégiques à un concurrent, à un client ou à un fournisseur. Mais la transparence compte dans une relation contractuelle : il est important que la collectivité sache quelle est la situation financière de l’entreprise ou du maître d’ouvrage.
Nous avons tous connu des situations dans lesquelles, quelques semaines ou quelques mois après la passation du marché, nous avons découvert que l’entreprise retenue se trouvait dans une situation financière catastrophique. Dans ce cas, le chantier est arrêté et il faut reprendre toute la procédure.
Obliger les entreprises qui souhaitent répondre à des appels d’offres publics à déposer leurs comptes nous prémunirait de ces situations difficiles à gérer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Nous examinons un texte de simplification. Or la mesure proposée constitue plutôt une sanction. Il me semble que c’est quelque peu hors sujet…
J’entends qu’il est nécessaire que l’acheteur public dispose de toutes les informations pertinentes pour sélectionner le soumissionnaire, mais les entreprises peuvent aussi faire des erreurs, même si elles sont regrettables. Pourquoi les sanctionner ? (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) Et faut-il toutes les sanctionner ? Accordons-leur le bénéfice du doute.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. En complément aux propos de Mme le rapporteur, auxquels j’adhère, j’ajoute que l’acheteur peut déjà exiger des opérateurs économiques, au titre du contrôle de la capacité économique et financière, qu’ils fournissent des informations sur leurs comptes annuels, indiquant notamment le rapport entre les éléments d’actifs et de passifs.
Nous aurons d’ailleurs tout le loisir de parler de sanctions à l’article 10. Plus que six articles, patience ! (Sourires.)
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.
M. Michaël Weber. Cet amendement doit retenir notre attention. En effet, nous sommes souvent alertés par des élus de nos territoires, qui se plaignent que des entreprises ne remplissent pas toutes leurs obligations de déclaration et ne publient pas leurs comptes annuels. Ces sociétés n’offrent pas de visibilité suffisante sur leur capacité à répondre au marché qui est susceptible de leur être confié.
Les dispositions de cet amendement vont dans le sens. Contrairement à ce qui a été dit, elles ne complexifient pas les choses. (Mme la ministre déléguée proteste.) Au contraire, elles fournissent aux commanditaires les garanties que le marché pourra être exécuté dans de bonnes conditions.
Nous voterons donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Pardonnez-moi, mais cet amendement n’a pas pour objet d’instituer une sanction ! La publication des comptes est une obligation légale. (Marques d’approbation sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) Ou alors faut-il considérer, madame la ministre, puisque vous avez adhéré aux propos de Mme le rapporteur, qu’une telle obligation est une sanction ?
Un certain nombre d’entreprises ne respectent pas cette obligation légale. Elles ne sont donc pas en conformité avec notre droit. Nous proposons donc simplement par cet amendement que les entreprises contrevenantes ne puissent pas concourir aux marchés publics. Ce n’est pas une sanction ! Il s’agit seulement d’écarter des marchés publics celles et ceux qui ne respectent pas le droit. Nous devrions tous être d’accord sur ce point.
Si l’on suit l’argumentaire de notre rapporteur, auquel Mme la ministre souscrit, ne pas respecter le droit ne serait pas grave : il faudrait être prudent avec les entreprises, reconnaître leur droit à l’erreur…
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cela existe !
M. Fabien Gay. Pendant ce temps, le Gouvernement annonce sa troisième réforme de l’assurance chômage… Il faut donc faire attention aux argumentaires utilisés !
J’ajoute que nous ne proposons pas de pénaliser les entreprises qui ne se conforment pas à l’obligation légale : nous ne prévoyons pas une amende systématique ni une interdiction d’exercer ; nous souhaitons simplement qu’elles ne puissent plus concourir aux marchés publics. Ce n’est pas une sanction !
Je souhaiterais donc obtenir des explications. Faut-il considérer que respecter une obligation légale est une sanction ? Voilà qui ouvrirait des horizons larges dans le champ du droit…
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Il convient de le rappeler, les entreprises qui ne respectent pas les règles en la matière ne constituent pas la majorité. Les représentants d’organisations professionnelles et interprofessionnelles le disent bien : certains estiment que 10 % des entreprises ne se plient pas aux règles.
En tout état de cause, il s’agit bien d’une minorité. Et les chefs d’entreprise eux-mêmes appellent la puissance publique à sanctionner ceux qui jouent avec les règles. Sinon, en réalité, ce sont ceux qui respectent le droit qui sont pénalisés.
Je rappelle par ailleurs que les associations qui sollicitent des subventions doivent présenter leurs comptes dans les règles. Il ne peut y avoir deux poids, deux mesures ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRCE-K.)
Votre gouvernement, madame la ministre, a adopté en mai 2022 un décret visant à interdire aux entreprises qui n’ont pas présenté un plan de vigilance de soumissionner. Il semble tout à fait normal que les entreprises qui choisissent de ne pas respecter les règles ne puissent pas concourir à des marchés publics encadrés par ces mêmes règles !
On ne peut pas être gagnant à la fois au tirage et au grattage, si j’ose dire, car ce ne serait pas compréhensible. J’y insiste, les entreprises, dans leur très grande majorité, respectent ces règles. Adressons un message clair : l’interdiction de soumissionner doit être quasiment automatique, dès lors que les règles fondamentales ne sont pas respectées. Nous soutiendrons donc avec conviction cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 309.
(L’amendement est adopté.) – (Marques de satisfaction sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 368 rectifié bis est présenté par MM. J.B. Blanc, Somon et Burgoa, Mme Canayer, MM. Reynaud, Sautarel et C. Vial, Mmes Micouleau, Imbert et Bonfanti-Dossat, MM. Bruyen, Meignen et Gremillet, Mmes Lassarade et Belrhiti, MM. Laménie, Tabarot et Cadec, Mme Joseph, MM. Sido, Milon et J.P. Vogel, Mme Demas, M. Pernot, Mmes P. Martin et Petrus, M. Chatillon, Mme Dumont, M. Chevrollier, Mme Ventalon, M. Mandelli, Mme Josende, MM. Genet, Michallet, Panunzi et Chaize, Mmes Malet et Noël et MM. Brisson, Piednoir et Klinger.
L’amendement n° 427 rectifié bis est présenté par MM. Canévet et Delcros, Mmes N. Goulet et O. Richard, MM. Kern et Longeot, Mme Billon, M. Capo-Canellas, Mmes Romagny et Gacquerre et MM. Duffourg et Levi.
L’amendement n° 464 rectifié est présenté par Mme Havet, MM. Lévrier, Patriat, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Mohamed Soilihi, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 593 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel et Guiol, Mme Jouve, M. Masset et Mme Pantel.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2151-1 du code de la commande publique, il est inséré un article L. 2151-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2151-…. – Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, la présentation des variantes est autorisée sauf mention contraire dans l’avis de marché ou dans l’invitation à confirmer l’intérêt. Pour les marchés passés selon une procédure adaptée, la présentation des variantes est autorisée sauf mention contraire dans les documents de la consultation. »
La parole est à M. Laurent Somon, pour présenter l’amendement n° 368 rectifié bis.
M. Laurent Somon. Cet amendement de Jean-Baptiste Blanc vise à simplifier la présentation des variantes dans les marchés publics. Ces dernières, en effet, sont souvent source d’innovations ou de solutions de remplacement vertueuses, sur le plan non seulement technique, mais aussi environnemental. Elles sont trop peu utilisées en raison d’un cadre juridique contraignant.
Il est ainsi proposé d’harmoniser, pour les marchés les plus importants, les règles applicables aux pouvoirs adjudicateurs avec celles des entités adjudicatrices, afin de permettre à ces dernières de valoriser leur savoir-faire en matière d’innovation.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 427 rectifié bis.
M. Michel Canévet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 464 rectifié.
Mme Nadège Havet. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 593 rectifié.