M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate

Examen des conclusions d'une commission mixte paritaire
Dossier législatif : proposition de loi renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate
Articles 1er bis A et 1er bis B

Article 1er

Le code civil est ainsi modifié :

1° AA (nouveau) À l’article 515-9, l’avant-dernière occurrence du signe : « , » est remplacée par le mot : « ou » ;

1° A L’article 515-11 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « vraisemblables », sont insérés les mots : « , y compris lorsqu’il n’y a pas de cohabitation ou qu’il n’y a jamais eu de cohabitation, » ;

b) Après le 3°, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis Attribuer à la partie demanderesse la jouissance de l’animal de compagnie détenu au sein du foyer ; »

c) À la seconde phrase du 6°, les mots : « l’huissier » sont remplacés par les mots : « le commissaire de justice » ;

1° À la première phrase de l’article 515-12, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze » ;

1° bis L’article 515-13 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Une ordonnance provisoire de protection immédiate peut également être délivrée en urgence par le juge à la personne majeure menacée de mariage forcé, dans les conditions fixées à l’article 515-13-1.

« Le juge est compétent pour prendre les mesures mentionnées au troisième alinéa du même article 515-13-1. Il peut également ordonner l’interdiction temporaire de sortie du territoire de la personne menacée, à sa demande. Cette interdiction de sortie du territoire est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République.

« Ces mesures prennent fin à compter de la décision statuant sur la demande d’ordonnance de protection ou qui accueille une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance. » ;

2° Le titre XIV du livre Ier est complété par un article 515-13-1 ainsi rédigé :

« Art. 515-13-1. – Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d’une demande d’ordonnance de protection dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 515-10, le ministère public peut, avec l’accord de la personne en danger, demander également une ordonnance provisoire de protection immédiate.

« L’ordonnance provisoire de protection immédiate est délivrée par le juge aux affaires familiales dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine s’il estime, au vu des seuls éléments joints à la requête, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés.

« Le juge aux affaires familiales est compétent pour prononcer, à titre provisoire, les mesures mentionnées aux 1° à 2° bis de l’article 515-11, la suspension du droit de visite et d’hébergement mentionné au 5° du même article 515-11 et la dissimulation par la personne en danger de son domicile ou de sa résidence dans les conditions prévues aux 6° et 6° bis dudit article 515-11.

« Ces mesures prennent fin à compter de la décision statuant sur la demande d’ordonnance de protection ou qui accueille une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance. »

Article 1er
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Article 1er bis

Articles 1er bis A et 1er bis B

(Supprimés)

Articles 1er bis A et 1er bis B
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Article 2

Article 1er bis

I. – L’article L. 37 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une mesure mentionnée aux 6° ou 6° bis de l’article 515-11 du code civil a été prononcée, l’adresse de la personne bénéficiaire de l’ordonnance de protection est masquée, dans les conditions fixées au dernier alinéa du même article 515-11 et précisées par décret en Conseil d’État. »

II. – L’article 515-11 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application du dernier alinéa de l’article L. 37 du code électoral, lorsque les mesures mentionnées aux 6° et 6° bis du présent article sont prononcées, le maire et le représentant de l’État dans le département concernés sont, sous réserve de l’accord de la personne bénéficiaire de l’ordonnance de protection, informés par le procureur de la République de ces mesures afin que l’adresse de la personne ne puisse être communiquée à des tiers. »

Article 1er bis
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Article 2 bis

Article 2

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 227-4-2 est ainsi modifié :

a) Après la première occurrence du mot : « ou », il est inséré le mot : « de » ;

a bis) Après le mot : « civil », sont insérés les mots : « ou dans une ordonnance provisoire de protection immédiate rendue en application de l’article 515-13-1 du même code » ;

b) Les mots : « se conformer à cette ou ces obligations ou interdictions » sont remplacés par les mots : « s’y conformer » ;

c) Le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » et le montant : « 15 000 € » est remplacé par le montant : « 45 000 € » ;

2° (Supprimé)

Article 2
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Article 3

Article 2 bis

L’article 41-3-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au 1°, après le mot : « protection », sont insérés les mots : « ou d’une ordonnance provisoire de protection immédiate » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le dispositif de téléprotection est attribué dans le cadre d’une ordonnance provisoire de protection immédiate qui n’est pas suivie de l’octroi d’une ordonnance de protection, la durée de six mois mentionnée au premier alinéa peut être réduite par le procureur de la République. »

Article 2 bis
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3

I. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

bis. – Le début du premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate, en Nouvelle-Calédonie… (le reste sans changement). »

ter. – Le premier alinéa du I de l’article L. 388 du code électoral est ainsi rédigé :

« I. – Le titre Ier du livre Ier du présent code, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate, à l’exception des articles L. 15, L. 15-1, L. 46-1 et L. 66, est applicable à l’élection : ».

II. – L’article 1er et le II de l’article 1er bis de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna et en Polynésie française.

M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme la rapporteure applaudit également.)

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il est des textes sur lesquels nous sommes particulièrement fiers que notre Parlement trouve un accord en commission mixte paritaire. Cette proposition de loi en fait partie.

Bon nombre des mesures qu’elle contient proviennent de l’excellent rapport Plan rouge VIF, rendu en 2023 par Émilie Chandler, députée, et notre collègue Dominique Vérien, rapporteure du présent texte au Sénat.

Je tiens à confirmer que les dispositions proposées emportent notre conviction.

En premier lieu, elles répondent malheureusement à un constat toujours aussi alarmant. Comme l’a souligné mon collègue Michel Masset, au nom de notre groupe, lors du précédent examen du texte par notre assemblée, près de 110 féminicides perpétrés par un conjoint ou un ex-conjoint ont été recensés en 2023 et, plus largement, des centaines de milliers de faits de violences conjugales et intrafamiliales sont commis chaque année.

Dans le même temps, le nombre de demandes d’ordonnance de protection pour lutter en urgence contre des violences conjugales a été multiplié par 3,6 entre 2011 et 2021.

Ce constat est forcément en demi-teinte, entre la satisfaction d’observer que les mécanismes que nous instaurons pour protéger les victimes sont fonctionnels et le sentiment de désarroi que suscite leur sollicitation inlassable.

En second lieu, si les dispositions emportent notre adhésion, c’est aussi, et même surtout, parce qu’elles sont pragmatiques, notamment grâce au travail de notre rapporteure, que je souhaite particulièrement féliciter.

Nous approuvons l’article 1er, qui répond à de véritables attentes et qui a notamment été salué par les différents professionnels qui accompagnent les victimes, dont les magistrats.

Ces apports sont indéniables.

D’une part, il double la durée maximale des mesures prises dans le cadre d’une ordonnance de protection, qui passerait de six à douze mois – l’expérience a montré que le délai de six mois était vraiment trop court.

D’autre part, il vient instituer une ordonnance provisoire de protection immédiate permettant à une victime présumée de violences conjugales de saisir le juge aux affaires familiales dans des délais plus restreints. Il s’agit, là aussi, d’un dispositif cohérent, qui permettra à la justice de mieux répondre à la détresse des victimes.

Nous retrouvons dans le présent texte certains apports du Sénat, ainsi que M. le garde des sceaux l’a souligné.

Je pense à la possibilité d’octroyer un téléphone grave danger dans le cadre d’une ordonnance provisoire de protection immédiate, à la garde de l’animal de compagnie, dont vous avez vous-même reconnu l’importance, monsieur le garde des sceaux, ou encore à la possibilité de dissimuler l’adresse d’une personne bénéficiaire d’une ordonnance de protection en cas de demande d’accès aux listes électorales.

D’autres apports sont absents, ce que je regrette vivement.

Je pense en particulier à l’article 1er bis, qui tendait à ce que le juge aux affaires familiales puisse, dans le cadre d’une ordonnance de protection, autoriser la partie demanderesse à dissimuler l’adresse de l’école de ses enfants. Pour avoir parfois assisté à l’exfiltration de mamans et d’enfants de leur domicile, je peux vous dire que nous manquons là un rendez-vous.

Puisque j’évoque cette mesure et les enfants, je veux dire un mot d’une recommandation formulée par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) dans le rapport qu’elle a rendu à la fin de l’année dernière, lequel préconisait la création d’une mesure judiciaire d’urgence spécifiquement dédiée aux enfants, pensée sur le modèle de l’ordonnance de protection que nous sommes en train de réformer.

Le 10 avril dernier, la présidente de notre groupe, Maryse Carrère, a déposé, en notre nom, une proposition de loi qui vise à instituer cette ordonnance de sûreté de l’enfant victime de violences. J’ai la conviction qu’un tel mécanisme est attendu tant il reste de chemin à parcourir pour parfaire notre arsenal législatif en vue de la protection des victimes les plus fragiles.

En attendant, le RDSE salue le texte que nous examinons aujourd’hui. Nous voterons unanimement pour. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le 21 mai dernier, députés et sénateurs, réunis en commission mixte paritaire, ont trouvé un accord sur une version finale de cette proposition de loi, dont l’enjeu, la protection des victimes de violences intrafamiliales, nous rassemble tous.

Son adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 5 mars dernier et par le Sénat le 14 mai en est la preuve manifeste.

L’engagement et le travail constructif des deux rapporteures sur ce sujet ont permis la présentation d’un texte commun de compromis, dont j’espère qu’il sera adopté.

Je tiens à mon tour à saluer le travail de notre rapporteure Dominique Vérien.

La présente proposition de loi contient deux mesures majeures pour protéger les victimes de violences conjugales ou intrafamiliales : la création d’une ordonnance provisoire de protection immédiate, qui pourra être délivrée en vingt-quatre heures par le juge aux affaires familiales en cas de danger grave et immédiat ; l’allongement à douze mois de la durée maximale de l’ordonnance de protection pour permettre de mieux s’organiser.

Notre assemblée a enrichi ce texte dans cet esprit. Je pense notamment à la possibilité d’attribuer un téléphone grave danger en cas d’OPPI, à la possibilité donnée au juge de se prononcer sur la garde provisoire de l’animal de compagnie ou encore à la dissimulation de l’adresse de la victime sur les listes électorales selon des modalités d’application fixées par décret en Conseil d’État.

Des discussions intéressantes ont néanmoins marqué nos débats en séance publique, mais aussi en commission mixte paritaire : d’abord, sur l’exigence du double critère des violences alléguées et du danger ; ensuite, sur la préférence donnée à l’interdiction de paraître dans certains lieux, en l’occurrence l’école des enfants, sur la dissimulation de l’adresse de celle-ci ; enfin, sur l’application effective de la loi.

Sur ce dernier point, monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous confirmer que la formation des magistrats et des forces de sécurité intérieure sera poursuivie et accentuée ? En effet, si les juges et les procureurs manient de mieux en mieux la notion de danger, c’est bien cette formation qui permettra de faire entendre que le danger peut perdurer ou exister, même lorsque les parties ne vivent pas ou ne vivent plus ensemble !

Pour ce qui concerne la dissimulation de l’adresse de l’école des enfants d’une personne bénéficiaire d’une ordonnance de protection, je peux comprendre l’agacement de certains de nos collègues face à une certaine frilosité. Celle-ci est toutefois liée à la potentielle inconstitutionnalité des modifications qu’ils souhaitaient apporter. Ces considérations constitutionnelles nous obligent également à la vigilance.

En tout état de cause, il nous semble que les mesures contenues dans ce texte – inédites et, pour certaines, dérogatoires aux règles et aux principes fondamentaux de la procédure civile, notamment du contradictoire – sont sécurisées, sans que leur efficacité en soit affectée.

Grâce à cet outil judiciaire d’urgence, les autorités judiciaires disposeront de moyens spécifiques pour empêcher le pire.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Laurence Harribey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi, qui prévoit l’allongement de la durée de l’ordonnance de protection et crée une ordonnance provisoire de protection immédiate, et sur laquelle le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, arrive à son terme. C’est une bonne chose.

Alors que le nombre des demandes d’ordonnance de protection est passé de 1 600 en 2011 à 6 000 en 2021, qu’entre 2019 et 2021 seulement 70 % des demandes avaient été acceptées – M. le ministre l’a présenté comme un progrès, et, en quelque sorte, cela en est tout de même un –, et qu’au 23 mai de cette année on recense déjà 41 féminicides, ce texte représente de manière évidente un pas de plus vers la protection des victimes de violences intrafamiliales ; il prend place dans un continuum législatif qui se consolide.

Depuis des années, notre groupe plaide pour l’allongement de la durée de l’ordonnance de protection. Nos collègues Michelle Meunier et Laurence Rossignol avaient ainsi déposé des amendements en ce sens à l’occasion de l’examen de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet. Quant à notre collègue députée Cécile Untermaier, elle avait déposé en décembre 2022 une proposition de loi prévoyant le passage de six à douze mois de la durée de l’ordonnance de protection. J’avais également repris ce dispositif au travers d’amendements lors de l’examen de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, présentée par la députée Isabelle Santiago.

À l’époque, nos amendements avaient tous été rejetés. Nous sommes donc heureux que cet allongement de la durée de l’ordonnance de protection prenne forme.

L’ordonnance provisoire de protection immédiate est un dispositif d’urgence qui, au vu des chiffres, nous semble indispensable. Vous l’avez souligné, monsieur le garde des sceaux, il s’agit d’une mesure véritablement nouvelle, qui était une proposition phare du rapport de Dominique Vérien. Nous l’avons répété à plusieurs reprises au cours de l’examen du texte : nous y sommes pleinement favorables.

Le travail accompli par la rapporteure et les débats, en commission comme en séance, ont permis d’avancer sur d’autres thèmes, comme l’assouplissement du dispositif, en prévoyant l’ouverture de la saisine du JAF à toutes les personnes ayant demandé la délivrance d’une ordonnance de protection, après avis conforme du parquet.

Nous avons aussi souscrit à l’idée de la suspension provisoire, pendant la durée de l’OPPI, du droit de visite et d’hébergement de l’auteur présumé des violences, et approuvé l’amendement prévoyant que l’adresse du bénéficiaire de l’ordonnance de protection soit masquée sur les listes électorales.

Nous regrettons cependant deux points.

Tout d’abord, un amendement, déposé par notre groupe à plusieurs reprises, visait à dissimuler l’adresse de l’école des enfants au parent auteur des violences ; ce problème est attesté par des cas précis. Cet amendement, qui avait été adopté en séance publique, n’a pas été retenu par la commission mixte paritaire. Soyez certains que nous le redéposerons.

Ensuite, la notion de danger a fait l’objet de longs débats tout au long de l’examen du texte. Nous avions présenté un amendement de compromis tendant à rendre les deux critères alternatifs et non cumulatifs, en remplaçant simplement la coordination « et » par « ou ». Nous comprenons que la réflexion ne soit pas encore mûre, mais nous pensons que cette solution était relativement claire.

Cela étant dit, monsieur le garde des sceaux, vous avez apporté un certain nombre de garanties : nous espérons que les juges pourront les invoquer et que l’on évitera ainsi les jurisprudences allant dans le sens de celle de la Cour de cassation, laquelle insistait sur le caractère cumulatif. L’acculturation à cette notion devrait entraîner des progrès dans ce domaine.

Bien qu’il faille aller encore plus avant, nous voterons ce texte nécessaire qui constitue, j’y insiste, un véritable progrès. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC. Mme Laure Darcos applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Olivia Richard et Laure Darcos applaudissent également.)

Mme Elsa Schalck. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voilà réunis pour cette dernière ligne droite de l’examen d’une proposition de loi qui s’inscrit dans notre combat commun contre les violences conjugales et intrafamiliales.

Avec ce texte présenté par la députée Émilie Chandler, et adopté à l’unanimité au Sénat le 14 mai dernier, nous complétons les outils au service de la protection des victimes. Je voudrais, à mon tour, saluer l’accord auquel la commission mixte paritaire est parvenue.

Cette proposition de loi vient améliorer le dispositif de l’ordonnance de protection par deux dispositions majeures. La première prévoit l’allongement de la durée des effets de cette ordonnance de six à douze mois. La seconde, qui est sûrement la plus importante, crée un outil inédit, l’ordonnance provisoire de protection immédiate.

Je tiens de nouveau, au nom du groupe Les Républicains, à saluer le travail de la rapporteure, Dominique Vérien, qui était déjà très engagée sur le sujet en tant que coautrice du rapport Plan rouge VIF – Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales.

L’ordonnance de protection, créée en 2010, aura donc connu six réformes pour s’adapter aux évolutions. La pertinence de cet outil est illustrée par l’augmentation du nombre de demandes et du nombre d’ordonnances de protection octroyées ; les chiffres ont été rappelés.

Je salue la création de l’ordonnance provisoire de protection immédiate, nouvel outil qui permettra de répondre aux besoins de réactivité et d’urgence. Désormais, une ordonnance pourra être délivrée dans un délai très court, en l’espèce vingt-quatre heures. Il s’agit là d’un apport majeur du texte.

Je me félicite également de l’allongement de la durée de l’ordonnance de protection de six à douze mois, car cette disposition va dans le sens d’une meilleure protection des victimes de violences.

La commission mixte paritaire a validé la modification, proposée par la rapporteure, de l’article 2, qui vise à harmoniser les sanctions en cas de violation de l’OPPI ou de l’ordonnance de protection. Nous avions en effet rappelé qu’il était important de mettre en cohérence ces deux outils.

Je veux aussi, évoquant cet article, dire qu’il est nécessaire de prévoir des moyens pour que les sanctions soient réellement appliquées en cas de violation de l’ordonnance de protection.

Nous devons nous interroger : combien de sanctions sont-elles prononcées à l’encontre de ceux qui violent une ordonnance ? Je tiens à relayer ici les difficultés que peuvent connaître les victimes confrontées à cette situation. J’espère que les pôles VIF permettront d’apporter une réponse concrète en la matière.

Lors de l’examen du texte au Sénat, deux points avaient été particulièrement débattus.

Le premier concernait la saisine du juge aux affaires familiales. Nous étions nombreux à souhaiter ici que la partie demanderesse puisse également être à l’origine d’une demande d’OPPI.

Si cette disposition n’a pas été retenue par la commission mixte paritaire, je veux saluer le compromis que celle-ci a trouvé avec la Chancellerie, qui permet à la partie demanderesse d’apporter des éléments pour caractériser un danger grave et immédiat. Il importe en effet que la victime puisse invoquer des arguments, étant entendu – je le rappelle – que la procédure de l’OPPI est une procédure accessoire à celle de l’ordonnance de protection, dont la victime peut être à l’initiative.

Le deuxième point concernait les conditions d’octroi de l’ordonnance de protection classique. Nous étions, là aussi, nombreux à rappeler qu’il peut toujours y avoir danger, même lorsque la cohabitation a pris fin ou n’a jamais eu lieu.

Je salue la rédaction modifiée de l’article 515-11 du code civil, qui mentionne expressément qu’une ordonnance de protection peut être délivrée même en l’absence de cohabitation entre les deux parties. Il était important de rappeler clairement que l’appréciation du danger ne doit pas être liée au critère de cohabitation. La modification viendra lever ce frein, sur lequel de nombreux professionnels ont attiré notre attention.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains salue le travail de la commission mixte paritaire et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme la rapporteure applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la lutte contre les violences conjugales doit être menée sans faillir tant les chiffres sont effroyables.

Plus de 320 000 femmes ont déclaré avoir été victimes de violences physiques, sexuelles, psychologiques ou verbales en 2022. Cette même année, 118 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Une femme meurt en France tous les trois jours ! En outre, 267 femmes ont été victimes d’une tentative de féminicide, échappant de peu à une fin tragique. Ces statistiques sont tout simplement effrayantes.

La proposition de loi allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate s’inscrit dans la continuité de notre engagement pour mieux protéger les victimes de violences conjugales. Cet engagement transpartisan constant a permis, je le rappelle, d’adopter le 22 mai dernier la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille. Ainsi se construit, texte après texte, un droit toujours plus protecteur pour les victimes de violences au sein de la famille.

L’ordonnance de protection, dont la création date de 2010, fait partie des dispositifs de protection judiciaire d’urgence indispensables. Le nombre de demandes d’ordonnance de protection est en constante augmentation, preuve s’il en est que ce dispositif est mieux connu des victimes.

A contrario, le choix d’y recourir de plus en plus fréquemment est le corollaire de l’augmentation exponentielle des violences auxquelles les femmes sont exposées dans notre société. Près de 5 800 demandes d’ordonnance de protection ont ainsi été formées en 2022, quand leur nombre n’était que de 1 600 en 2011. Toutefois, les juges aux affaires familiales n’ont fait droit à ces demandes que dans 62,5 % des cas.

En quatorze ans d’existence, l’ordonnance de protection a été marquée par plusieurs évolutions législatives. La présente proposition de loi constitue, certes, la sixième réforme depuis 2010, mais elle se traduit par de nouveaux acquis importants.

Elle permettra en effet de prolonger jusqu’à douze mois, contre six aujourd’hui, la durée des mesures prononcées par le juge dans le cadre d’une ordonnance de protection et de créer un outil judiciaire inédit : l’ordonnance provisoire de protection immédiate.

Aussi, je me félicite que la commission mixte paritaire ait été conclusive. Je me réjouis de l’esprit consensuel ayant présidé aux échanges entre nos deux assemblées. Ils attestent la ferme volonté de la représentation nationale de renforcer la protection des victimes et d’assurer la réactivité de l’action judiciaire.

Plusieurs dispositions introduites par le Sénat en première lecture ont été conservées dans le texte de compromis. C’est assurément un motif de satisfaction.

A notamment été maintenue l’extension des mesures que le juge aux affaires familiales pourra prononcer dans le cadre d’une ordonnance provisoire de protection immédiate, à savoir la suspension de l’autorité parentale et la dissimulation de l’adresse de la victime.

La possibilité pour le procureur de la République d’accorder un téléphone grave danger au bénéficiaire d’une ordonnance provisoire de protection immédiate est, sans aucun doute, la mesure de protection la plus efficace dans le cas d’un conjoint ou ex-conjoint extrêmement menaçant. Il s’agit d’un apport majeur de notre assemblée.

Par ailleurs, dans le cadre de l’ordonnance de protection, la victime pourra obtenir la dissimulation de son adresse en cas de demande d’accès aux listes électorales émanant de l’auteur des violences.

Avant de conclure, permettez-moi de remercier notre rapporteure, Dominique Vérien, qui s’est beaucoup investie sur ce texte, et de souligner son engagement constant et énergique pour faire progresser les droits des femmes.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi contient des avancées indéniables en matière de lutte contre les violences conjugales. Elle est une nouvelle traduction de notre détermination collective à faire reculer toutes les formes de violence mettant en danger les personnes au sein de leur propre foyer. Aussi, c’est avec conviction que le groupe Les Indépendants lui apportera son soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme la rapporteure applaudit également.)