M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.

article 1er

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France
Article 1er bis A

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 45, deuxième phrase

Remplacer les mots :

du I

par les mots :

de la présente section

II. – Alinéa 66

Remplacer la deuxième occurrence de la référence :

18-17

par la référence :

18-16

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 1er, modifié, est réservé.

article 1er bis A

Article 1er
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Article 4

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

au même article 18-12-1

par les mots :

au I bis de l’article 18-13

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. De nouveau, il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 1er bis A, modifié, est réservé.

article 4

Article 1er bis A
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par huit alinéas ainsi rédigés :

4° À l’article L. 562–5, après les mots : « L. 562–2, », sont insérés les mots : « L. 562–2–1, » ;

5° À l’article L. 562–7, après les mots : « L. 562–2, », sont insérés les mots : « L. 562–2–1 » ;

6° Au premier alinéa de l’article L. 562–8, après les mots : « L. 562–2, », sont insérés les mots : « L. 562–2–1, » ;

7° Au premier alinéa de l’article L. 562–9, après les mots : « L. 562–2 », sont insérés les mots : «, L. 562–2–1 » ;

8° Le premier alinéa de l’article L. 562–11 est ainsi modifié :

a) Les mots : « de l’article » sont remplacés par les mots : « des articles » ;

b) Après les mots : « L. 562–2 », sont insérés les mots : « et L. 562–2–1 ».

II. – Au deuxième alinéa de l’article L. 212–1 du code des relations entre le public et l’administration, après le mot : « terrorisme », sont insérés les mots : « ou des actes d’ingérence ».

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 4, modifié, est réservé.

article 5 (pour coordination)

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

I. – La deuxième ligne du tableau du deuxième alinéa du I de l’article L. 775-37 du code monétaire et financier est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

« 

L. 562-1

la loi n° … du … visant à prévenir les ingérences étrangères en France

L. 562-2

l’ordonnance n° 2016-1575 du 24 novembre 2016

L. 562-2-1

la loi n° … du … visant à prévenir les ingérences étrangères en France

».

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 5, modifié, est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 4
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte marque un tournant significatif dans notre quête de transparence et dans notre lutte contre les influences extérieures qui s’immiscent insidieusement dans les rouages de nos institutions.

Cependant, permettez-moi de souligner une lacune béante dans cette proposition de loi : le regard y est concentré sur les actions menées sur l’initiative d’États étrangers, et détourné de l’influence non moins pernicieuse qu’exercent les multinationales : celles-ci, prédatrices insatiables, le plus souvent américaines, s’invitent régulièrement dans le processus de nos décisions publiques, infléchissant les lois et les règlements à leur avantage.

L’article 1er du texte, qui prévoit la création d’un répertoire des représentants d’intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers, est fondé. Cependant, sa mise en œuvre doit être à la hauteur de nos attentes. Nous avons vu, avec la loi Sapin 2, que la multiplication des obligations déclaratives avait conduit à privilégier la quantité à la qualité, et à répertorier les représentants d’intérêts plutôt que leurs impacts concrets sur le processus décisionnel.

En outre, aux termes du présent texte, ne sont considérées comme actions de représentation d’intérêts que celles qui sont menées sur l’initiative de représentants d’intérêts étrangers. Or, mes chers collègues, comme vous le savez, de nombreuses actions de ce genre sont en réalité menées sur l’initiative des décideurs publics eux-mêmes. En conséquence, bon nombre d’activités d’influence étrangère échappent à la régulation parce qu’elles sont sollicitées par des parlementaires ou des conseillers ministériels. Il aurait donc été judicieux d’étendre l’obligation de reporting aux décideurs publics.

En attendant, d’autres mesures auraient pu être envisagées. Je pense notamment à la mise en place d’un registre des lobbyistes au sein des cabinets ministériels, des autorités administratives indépendantes et de certaines directions des administrations centrales. Ce registre aurait pu être accompagné, à l’instar de ce qui existe pour nos assemblées, d’un règlement intérieur, d’un code d’éthique et d’un rapport public annuel sur les personnalités et organisations rencontrées, afin que l’on dispose d’une vision plus large et plus précise des influences étrangères sur nos décisions publiques.

De plus, bien que des discussions aient lieu sur la nécessité d’augmenter les moyens de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, aucune garantie n’est inscrite à cet égard dans le présent texte. La HATVP disposait en 2021 d’un budget de 7,8 millions d’euros, et elle a bénéficié dans la période récente d’une légère augmentation de ses effectifs. Mais, mes chers collègues, nous devons nous assurer que cette augmentation correspond à un renforcement réel de ses capacités d’intervention. En tant que vice-président de la commission des finances, je serai particulièrement vigilant quant au budget alloué à la HATVP dans le prochain projet de loi de finances.

Par ailleurs, pour que cette instance soit véritablement efficace, pour assurer son indépendance et la rendre moins dépendante d’autres organes extérieurs, ne devrions-nous pas lui conférer des pouvoirs d’enquête étendus ?

Enfin, mes chers collègues, je souhaite une nouvelle fois appeler votre attention sur les risques induits par l’article 3, qui ouvre la porte à l’utilisation d’algorithmes par les services de renseignement pour le recueil de données relatives à la prévention des ingérences étrangères.

La normalisation de la surveillance numérique constitue une menace pour nos libertés fondamentales. Les gouvernements exploitent les infrastructures de domination des grandes plateformes commerciales, ce qui soulève des questions quant à la protection de la vie privée et des libertés individuelles. Si ces pratiques sont acceptées au nom de la lutte contre le terrorisme ou de la défense de la sécurité nationale, elles risquent d’être étendues progressivement à d’autres domaines sans que nous en mesurions réellement les conséquences.

C’est pourquoi il est essentiel d’engager la responsabilité humaine qui se niche derrière le choix de l’algorithme. Quels seront les biais discriminants des algorithmes ainsi utilisés ? Qui en aura l’usage ? De surcroît, le champ d’application de ces techniques serait étendu, aux termes de la proposition de loi, à la prévention de toute ingérence étrangère, un cadre bien trop large. Nous savons que l’utilisation de dispositifs exceptionnels, sans contre-pouvoir, est susceptible de porter gravement atteinte aux libertés. Je regrette donc qu’aucun de nos amendements – aucun ! – visant à ce que de telles pratiques soient contrôlées n’ait été retenu.

C’est pourquoi les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky voteront une nouvelle fois contre cette proposition de loi. Pour préserver nos libertés et renforcer véritablement notre démocratie, nous devons nous engager à mettre en place des mesures de transparence et de contrôle adaptées, tout en veillant à ne pas sacrifier nos principes fondamentaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Raphaël Daubet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue l’accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire, qui conclut nos travaux parlementaires sur ce texte de loi très important pour notre démocratie.

Nous faisons face à un phénomène méthodiquement pensé, à la fois aiguisé et insaisissable : ingérences économiques, ingérences sociales et politiques, espionnage industriel et scientifique sont le fait de notre époque, un temps où les réseaux sociaux, la mondialisation, l’hypermédiatisation et l’hypercommunication ont créé les conditions favorables à la multiplication des cyberattaques et des manœuvres de tous ordres visant à influencer l’opinion publique. Un nouveau champ de bataille est ainsi apparu.

Mais, au-delà de cette dimension temporelle, on redécouvre, au fond, une réalité vieille comme le monde. Ces malveillances s’appuient, dans leur principe, sur les mêmes ressorts que la propagande d’autrefois et les endoctrinements ou campagnes de désinformation que le monde a toujours connus ; souvent, elles reposent sur le même vieil adage, « diviser pour mieux régner ». En définitive, l’« affiche rouge » de 1944 n’est pas si éloignée des « mains rouges » de 2024.

La vérité, c’est que nous avions créé des espaces de paix, à l’échelle de nos démocraties, à l’échelle de l’Europe, parfois au-delà. Or ces espaces ne sont plus protecteurs : ils sont devenus perméables aux agressions extérieures. L’existence de telles agressions est désormais amplement prouvée, et, malheureusement, il ne s’agit plus d’un phénomène marginal.

Chacun peut comprendre qu’un destin national soumis à des ingérences étrangères cesse d’être totalement dans nos mains.

Cette proposition de loi est un premier pas, qui contribuera d’ores et déjà à mieux nous protéger, en renforçant nos exigences de transparence et nos moyens d’action. Il nous faudra créer demain des espaces de paix nouveaux, y compris dans les horizons numériques. La commission d’enquête sur les influences étrangères, dont je suis membre, apportera un éclairage complémentaire sur cette menace, qui permettra d’enrichir encore notre arsenal législatif.

Oui, il faut donc légiférer, mais je ne suis pas sourd aux mises en garde de certains de nos collègues. Au contraire, je crois que la vraie difficulté est là : jusqu’où peut-on aller sans empiéter sur les libertés fondamentales ? Le groupe RDSE veillera toujours à ce que l’on fasse évoluer ce cadre législatif avec beaucoup de discernement et de prudence. Nous considérons cependant que l’expérimentation de la technique dite de l’algorithme, en l’espèce, est acceptable.

La transparence, quant à elle, devrait s’opérer via la constitution d’un répertoire, tenu et rendu public par la HATVP. Cette mesure est la bienvenue, et je souscris à la nécessité de laisser un délai supplémentaire à la Haute Autorité pour se renforcer en moyens humains et matériels.

Pour conclure, permettez-moi d’insister sur l’alerte lancée par ma collègue Annick Girardin sur la vulnérabilité particulière de nos outre-mer. On a vu les tentatives de déstabilisation en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, en Polynésie française. Notre groupe le redit : les territoires d’outre-mer, en particulier, sont insuffisamment sécurisés alors qu’ils sont une porte d’entrée sur la totalité des réseaux publics français.

Ces événements récents nous ramènent enfin à une réalité encore plus cruelle : les ingérences étrangères tirent leur force de nos propres faiblesses.

La moindre faute politique, la moindre erreur d’appréciation, le moindre mouvement social offre à nos adversaires une occasion supplémentaire de nous déstabiliser. C’est dire, au-delà de ce texte, si notre responsabilité est grande dans cette lutte. (M. Rachid Temal et Mme Nathalie Goulet applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la procédure sur cette proposition de loi. Cet examen, comme l’a souligné Mme la rapporteure, a été rondement mené puisque ce texte, déposé en février, sera définitivement adopté en juin.

Ce texte vise à apporter des réponses attendues. Nous vivons dans un monde marqué par le choc et le retour de velléités impériales, avec un passage très clair de la compétition à la confrontation. Les velléités panrusses, panturques, panchinoises et autres peuvent prendre différentes formes, notamment politiques via la désinformation et la manipulation.

C’est ce que nous avons encore constaté ce week-end avec l’épisode de la macabre mise en scène des cercueils au pied de la tour Eiffel. Certaines personnes soupçonnées de les avoir déposés entretenaient manifestement des connexions avec le réseau responsable de la triste affaire des « mains rouges ».

Nous sommes face, d’un côté, à un phénomène d’ingérence très low cost – il est question de quelques centaines d’euros donnés à des individus pour mener ces actions – et, de l’autre, à des dispositifs, au contraire, perfectionnés et même hypersophistiqués.

Au-delà de la forme politique, ces actions peuvent également prendre une dimension internationale, certains acteurs ou États s’efforçant de battre en brèche le multilatéralisme pour essayer de bâtir un « altermultilatéralisme » n’ayant naturellement rien à voir avec les valeurs fondamentales mises en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Dans ce contexte, pour certains, tous les coups sont permis. Les intelligences étrangères peuvent prendre des formes très différentes. Comme le souligne Agnès Canayer dans son rapport, la menace est protéiforme. Elle peut prendre la forme classique de l’espionnage, y compris économique – j’y reviendrai –, mais également des formes plus modernes avec le cyber, sans parler de formes hybrides, qui sont très présentes.

Face à cette menace, nous avons le devoir de nous armer et de nous protéger. La délégation parlementaire au renseignement dans son rapport pour l’année 2022-2023, qui a conduit à cette proposition de loi, évoquait la nécessité d’une riposte démocratique. Eh bien, nous y sommes puisque tel est l’objet de ce texte.

Je citerai quelques mesures, comme la création d’un registre des activités d’influence étrangère, l’amélioration de l’information du Parlement, grâce au rapport prévu à l’article 2, l’extension de la technique de l’algorithme, ainsi que l’extension de la procédure de gel des avoirs. Bref, il s’agit d’envoyer un signal fort : qui s’y frotte s’y pique !

Par ailleurs, ces ingérences ne concernent pas que la dimension politique ou géopolitique : elles concernent aussi le volet économique. Le rapport relatif à l’activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2022-2023 le soulignait très bien en titrant l’une de ses sous-parties : « Nos alliés n’agissent pas toujours comme des amis » en matière économique.

Claude Malhuret, dans son rapport pour avis, évoquait d’ailleurs un certain nombre de comportements comme la guerre juridique que « les États-Unis conduisent sous couvert d’extraterritorialité de leur droit ou des pratiques de conformité ». Il soulignait qu’il était nécessaire d’agir aux niveaux national et européen.

Voilà pourquoi nous avons voulu, avec un certain nombre de collègues, à notre échelle, faire un pas dans le bon sens en reprenant certaines recommandations de la mission d’information pour faire un bilan de l’organisation de l’intelligence économique en France, que j’ai conduite avec Marie-Noëlle Lienemann.

Je remercie Mme la rapporteure, Agnès Canayer, M. le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, M. le rapporteur de l’Assemblée nationale, Sacha Houlié, d’avoir accepté de retenir, in fine, une bonne partie du dispositif de l’article 2 bis, issu d’un amendement que j’ai défendu avec Franck Montaugé. Cet article prévoit d’instaurer un débat au Parlement sur le contrôle des investissements étrangers en France. Nous en avons organisé un la semaine dernière au Sénat, mais le principe de la tenue de ce débat sera désormais gravé dans la loi. Je me réjouis que le Gouvernement se soit engagé, à travers la voix de Roland Lescure, à en débattre avec nous chaque année.

Par ailleurs, ce rapport sur le contrôle des investissements étrangers en France sera enrichi puisque le Gouvernement s’est engagé à effectuer un suivi dans la durée des engagements pris par les investisseurs – c’est très important.

Enfin, et c’est un point clé, nous passons d’une vision purement défensive de sécurité économique à une vision également offensive d’intelligence économique. Ce concept est pris en compte pour la première fois au niveau législatif grâce à l’amendement que nous avons défendu avec Franck Montaugé. Au-delà de la sécurité économique, cela permettra d’aller dans une logique plus partenariale qui embarque les collectivités locales, les entreprises, les partenaires sociaux et les citoyens. Autant d’éléments qui étaient appelés de ses vœux par la délégation parlementaire au renseignement lorsqu’elle incitait à aller au-delà de la seule vision défensive.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera les conclusions de la commission mixte paritaire. Nous serons également très attentifs aux travaux qui seront poursuivis au sein de notre assemblée, qu’il s’agisse des commissions d’enquête ou d’autres. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rachid Temal. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera bien sûr cette proposition de loi, et ce pour plusieurs raisons.

Ce texte fait d’abord la démonstration, s’il en était besoin, de la capacité du Parlement à légiférer et à bien légiférer. Cela a été rappelé, les travaux de la délégation parlementaire au renseignement ont permis de nous rassembler largement sur cette proposition de loi. Certes, et je le dis avec une certaine taquinerie, le texte est issu de l’Assemblée nationale ; pour autant, le Sénat a pu le bonifier, ce qui nous permet aujourd’hui d’avancer.

Je tiens à insister sur cet aspect, car certains s’interrogent parfois sur le rôle du Parlement. Ce texte offre une démonstration parfaite de notre utilité.

Par ailleurs, d’autres l’ont dit avant moi, nous nous trouvons aujourd’hui dans un contexte très particulier. Je reviendrai sur les travaux de la commission d’enquête évoqués par le collègue qui m’a précédé à cette tribune, mais force est de constater que le monde de 1945 a volé en éclats. Il n’existe plus aujourd’hui de blocs et chacun concurrence désormais chacun, au niveau régional comme au niveau international.

Dorénavant, un État, aussi petit soit-il, peut concurrencer un État comme la France, pourtant doté de l’arme nucléaire. Cela modifie radicalement les relations entre les États.

Par ailleurs, c’est vrai notamment sur les questions d’ingérence politique, les nouvelles technologies d’aujourd’hui et l’intelligence générative de demain vont modifier totalement le rapport de chacun à la vérité. Nous verrons émerger des vérités parallèles. Il s’agit donc d’une problématique très importante pour notre pays.

Cette proposition de loi, qui nous convient parfaitement à ce stade, constitue une première étape. Nous approuvons la création d’un nouveau répertoire, mais il convient également de tenir compte des remarques de la HATVP. Quid de la capacité financière de cette dernière à mettre en place de tels dispositifs ? Il importe donc d’être cohérents. C’est la raison pour laquelle nous appelons le Gouvernement à dégager des moyens massifs, financiers ou technologiques, pour pouvoir assurer ces missions.

Nous avons pu également intégrer dans le champ du texte les instituts. C’est une bonne chose, comme on le voit notamment avec une grande puissance asiatique.

L’instauration d’un rapport a été saluée, mais je rappelle que l’organisation d’un débat devant le Parlement n’est pas obligatoire. Cela aurait pourtant été utile…

En ce qui concerne les algorithmes, je partage les interrogations et le souci de vigilance. En tout état de cause, la démocratie est toujours la meilleure réponse pour faire en sorte de mieux nous protéger.

Ce texte, comme je l’ai évoqué, est une première étape intéressante, mais pas seulement. J’ai l’honneur d’être le rapporteur de la commission d’enquête sur les politiques publiques face aux opérations d’influences étrangères. On le voit bien, il s’agit d’un enjeu majeur en matière d’ingérence. Oui, nous avons des alliés, mais ils sont eux-mêmes enclins à défendre leurs propres intérêts.

Cela nous renvoie, madame la ministre, à la capacité actuelle qu’a la France de proposer un vrai narratif, ainsi qu’à sa capacité d’avoir de l’influence pour lutter contre les ingérences. On le sait, les ingérences trouvent un terreau fertile dans les sociétés fracturées et pessimistes. C’est un obstacle qu’il convient de lever. Nous l’avons vu avec la Nouvelle-Calédonie : l’Azerbaïdjan – avec le groupe de Bakou – n’est pas à l’origine de cette crise, mais il a su l’inscrire dans un narratif. Idem en ce qui concerne le continent africain, où la question du passé colonial de la France a pu peser au Mali, notamment.

Il nous faudra donc avoir une vision globale, ce sera certainement notre prochaine étape dans la lutte contre les ingérences. Il convient également de sortir de la naïveté. Cette proposition de loi et les travaux de la commission d’enquête seront des maillons essentiels. Il importera aussi de mettre en place un programme national. Il est certes utile d’avoir des services, mais encore faut-il que la société civile, de l’école primaire à l’université, soit informée des questions d’ingérence. C’est ainsi que nous parviendrons à combattre ce phénomène.

Nous ferons des propositions en ce sens le moment venu. La commission d’enquête rendra ses conclusions au début du mois de juillet. J’espère que nous serons de nouveau appelés les uns et les autres à légiférer sur ces questions pour passer un nouveau cap.

Quoi qu’il en soit, nous voterons en faveur de ce texte, qui n’est qu’une première étape, mais elle est importante et nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ferai quelques observations pour le compte du groupe Les Républicains sur les résultats de cette commission mixte paritaire, qui a été conclusive.

Il importe peut-être de rappeler les différentes étapes de ce processus législatif pour lutter contre les ingérences étrangères. Ce texte a été préparé par les travaux de la délégation parlementaire au renseignement, qui, chaque année, produit un rapport sur un thème qu’elle choisit. Force est de constater que cette délégation se place dans le monde dans lequel elle vit, et c’est heureux !

La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a donné à l’ensemble de nos services des moyens juridiques pour leur permettre de mettre en œuvre leurs techniques de renseignement. Au cours de l’année 2017-2018, le programme de la délégation portait sur le renseignement d’intérêt économique, qu’elle considérait comme « un enjeu de puissance ». Nous avions alors déjà observé qu’il y avait pour notre pays un travail approfondi à faire et des améliorations à mettre en œuvre.

Bien sûr, le temps a passé et la situation internationale a changé. Nous connaissons aujourd’hui une période plus trouble, au cours de laquelle les intérêts de la France sont ébranlés. Un certain nombre de puissances étrangères souhaitent déstabiliser notre pays dans les endroits où celui-ci est implanté. L’orateur précédent vient d’évoquer l’Afrique, mais on peut aussi penser à ce qui se passe dans nos outre-mer. Il importera de trouver des solutions.

Un autre événement majeur a été la guerre sur le territoire européen engagée par la Russie contre l’Ukraine.

Il était donc absolument nécessaire que nos services puissent détenir les moyens suffisants pour lutter contre les ingérences étrangères que nous constatons tous les jours ou presque. Je ne reviendrai pas sur les exemples qui ont déjà été cités…

C’est dans ces conditions que la commission mixte paritaire et nos deux assemblées ont trouvé un accord sur le texte proposé par notre collègue député Sacha Houlié, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

Les rapporteurs ont trouvé rapidement des éléments d’entente. Il restait quelques petits points de discussion, en particulier sur la date de mise en œuvre du fameux fichier ou sur le rôle de la HATVP, que le Sénat a défendu unanimement. Les services bénéficieront de moyens supplémentaires, il faut s’en réjouir.

Je ne peux conclure sans rappeler que le Parlement sait aussi travailler rapidement puisque ce texte déposé en février est voté à la fin du mois de juin. On aimerait que ce soit plus souvent le cas, mais, ici, nécessité fait loi !

Nous examinerons probablement, soit à l’automne, soit en début d’année prochaine, un texte plus important sur le renseignement, car il est nécessaire de continuer d’adapter nos moyens techniques et juridiques à l’évolution de la menace. Celle-ci n’est évidemment pas négligeable. Chacun sait que notre pays fait l’objet d’attaques nombreuses et régulières, s’appuyant sur des moyens technologiques de plus en plus performants et discrets. Il importe donc d’accroître les outils à notre disposition pour lutter contre cette volonté de déstabiliser la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)