compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Guy Benarroche,

Mme Alexandra Borchio Fontimp.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

situation à gaza (i)

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Philippe Grosvalet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Le 7 octobre 2023, Israël a subi une attaque terroriste sans précédent. Le gouvernement Netanyahou annonçait alors engager une opération pour éliminer le Hamas et libérer les otages.

Huit mois plus tard, le bilan humanitaire est effroyable : aux 1 139 victimes israéliennes s’ajoutent 35 000 victimes palestiniennes, dont les deux tiers sont des femmes et des enfants ; près de 1,7 million de personnes ont été déplacées dans la bande de Gaza et sont laissées sans soins ni nourriture.

Et l’horreur n’en finit pas : dimanche, une frappe aérienne a tué 45 civils et en a blessé 249 autres. Hier encore, 21 personnes ont péri dans un camp près de Rafah.

L’offensive menée à Gaza n’a pas permis et ne permettra pas d’atteindre les objectifs que l’État hébreu s’était fixés initialement. Elle s’est transformée en une fuite en avant, guidée par la colère et la vengeance, sans que les dirigeants israéliens se préoccupent de l’après-conflit.

Dans ce contexte, la communauté internationale doit mettre en œuvre tous les moyens pour obtenir un cessez-le-feu immédiat.

Hélas, ni les interventions des États, ni les injonctions de l’ONU, ni les décisions de la Cour internationale de justice (CIJ) n’ont pu infléchir la position du gouvernement israélien, pas plus qu’elles n’ont permis la libération des otages.

Chacun sait pertinemment que les armes ne seront jamais la solution à ce conflit, au contraire. Le risque est grand que le deuil des familles israéliennes et palestiniennes ne devienne le terreau des haines de demain.

Une solution politique s’impose de toute urgence. Reconnaître l’État de Palestine devient dès lors un préalable indispensable pour relancer le processus devant conduire à une paix durable et équilibrée.

Monsieur le ministre, la France doit prendre pleinement part à ce processus. Le « moment utile » maintes fois évoqué par la France, et encore très récemment rappelé par le Président de la République, est venu. Quand allons-nous reconnaître l’État de Palestine, comme viennent de le faire l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Stéphane Séjourné, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je vous remercie de l’équilibre dont vous venez de faire preuve et du ton que vous avez employé, loin des outrances qui ont été prononcées dans d’autres hémicycles.

Vous l’avez dit, la semaine qui vient de s’écouler a été marquée par de nouvelles tragédies. Nous avons ainsi appris le décès de l’un de nos otages et assisté aux scènes que vous décrivez à Rafah, qui nous ont tous heurtés.

Depuis le début de la guerre que les terroristes du Hamas ont déclenchée le 7 octobre dernier, la France a agi – je le redis ici – en suivant un certain nombre de principes diplomatiques pour apporter une solution utile, loin des postures et des positionnements politiques que certains adoptent à l’occasion de la campagne des élections européennes. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Nous agissons pour le respect du droit international pour tous. Nous avons condamné à la fois les atrocités du Hamas et les frappes israéliennes – le Président de la République l’a rappelé hier encore de manière très claire au sujet de la frappe à Rafah. Je le dis avec force, nous appelons dans toutes les instances internationales, à l’ONU comme au sein du Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne, à l’arrêt de l’opération à Rafah, à la libération inconditionnelle et sans délai des otages, à la fin immédiate des restrictions visant les actions humanitaires ; nous demandons également un cessez-le-feu durable et nous nous employons à l’obtenir.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais ce n’est pas la question !

M. Stéphane Séjourné, ministre. La gravité de la situation, monsieur le sénateur, commande la rigueur, au-delà des outrances qui, je le regrette, prédominent aujourd’hui dans le débat français. Nous continuerons à œuvrer pour la paix et à agir concrètement pour trouver une issue durable à cette tragédie.

M. Stéphane Séjourné, ministre. Dans cette logique, la France, sur l’initiative du Président de la République, a réuni les pays arabes vendredi dernier, pour évoquer la question de la reconnaissance de l’État de Palestine. La solution diplomatique est prioritaire par rapport aux positionnements politiques : nous considérons que le sujet…

M. le président. Il faut conclure !

M. Stéphane Séjourné, ministre. … doit uniquement être abordé sous cet angle. (M. François Patriat applaudit.)

situation à gaza (ii)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Gisèle Jourda. Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous venez certes de répondre à la question du sénateur Grosvalet, mais je resterai sur le même registre.

Vous venez de nous expliquer que vous cherchiez une solution diplomatique pour sortir de la nasse de Gaza – sans même revenir sur le nombre des victimes évoqué par le précédent orateur, j’insiste sur le mot « nasse », car Gaza est devenu un piège pour des milliers de personnes qui, au gré du feu qui s’abat sur elles, survivent dans une atmosphère particulièrement lourde.

Vous avez parlé d’action diplomatique et de communauté internationale : mais où sont-elles ? Va-t-on continuer à gesticuler pour parvenir à une solution internationale introuvable ? C’est une question de vie ou de mort, monsieur le ministre ! Dans cet hémicycle où Victor Hugo s’est exprimé, comment pourrions-nous nous satisfaire d’une solution qui ne serait empreinte ni d’humanisme ni d’humanité ? Ce n’est plus possible ! Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous contenter d’incantations. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ? Comment agir efficacement ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Stéphane Séjourné, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Permettez-moi de revenir sur la question de la reconnaissance de l’État de Palestine.

La France est favorable à une solution à deux États… (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Stéphane Séjourné, ministre. Dès lors, et par définition, la question de la reconnaissance suivra. En réalité, le problème qui se pose aujourd’hui, madame la sénatrice – je l’ai dit de manière très ferme à mes homologues espagnol et irlandais –, est plutôt celui du jour d’après. Quelle est l’utilité diplomatique d’une telle reconnaissance ? (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Je le répète, la France souhaite éviter les postures politiques et cherche des solutions diplomatiques à la crise. Je regrette qu’un certain nombre d’États européens aient privilégié une stratégie liée à la campagne des élections européennes, car celle-ci ne résout rien. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Hussein Bourgi. Ils ont fait preuve d’un courage que vous n’avez pas !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et Bernard Guetta ?

M. Stéphane Séjourné, ministre. Il faut réfléchir au jour d’après !

Madame la sénatrice, vous qui disposez encore d’une minute pour répliquer, dites-moi exactement ce que la reconnaissance par l’Espagne de l’État de Palestine, au lendemain de son annonce, a changé à la situation à Gaza. Rien ! La France, elle, agit au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, dont elle est un membre permanent. Nous travaillons avec l’ensemble de nos partenaires arabes à l’élaboration d’une solution diplomatique, qui doit être préférée aux positionnements politiques des uns et des autres. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour la réplique.

Mme Gisèle Jourda. J’entends votre engagement, monsieur le ministre, mais il n’est pas à la hauteur ! Le Président de la République joue la montre : ce n’est plus possible ! Si l’on continue à attendre, il n’y aura plus de solution du tout dans la bande de Gaza, pas plus à deux États qu’à un seul, parce qu’il n’y aura plus personne ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)

situation à gaza (iii)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question n’a qu’un seul et unique objectif : rendre justice réparatrice et secours au peuple palestinien, tout en garantissant la sécurité du peuple israélien et la paix au Proche-Orient.

Le « jour d’après », monsieur le ministre ? Il y a dix ans, l’Assemblée nationale votait à une large majorité une résolution demandant à la France de reconnaître l’État de Palestine.

M. Pascal Savoldelli. Le gouvernement de l’époque indiquait que la France le ferait « le moment venu ». Ce moment, que vous jugez inutile, est arrivé !

Le « jour d’après », monsieur le ministre ? C’est le moment des 36 000 victimes de guerre, celui des 60 enfants tués chaque jour, celui des 45 personnes brûlées vives à Rafah dans la nuit de dimanche dernier.

Rien n’a été fait en dix ans pour apporter la paix ! Un État, cela signifie pourtant des frontières reconnues internationalement, la fin de la colonisation et le début d’un processus de paix entre les deux nations.

Les peuples du monde n’attendent plus de savoir ce que la France va dire, mais ce qu’elle va faire ! Alors, je vous le demande avec solennité, monsieur le ministre : comme 146 autres États, comptez-vous reconnaître une bonne fois pour toutes l’État palestinien, pour une solution de paix durable dans la région ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Stéphane Séjourné, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je pense que j’ai été clair concernant la position de la France.

Je le redis, nous agissons, en tant que membre permanent, au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est dans un cadre collectif, multilatéral, qu’il convient de travailler, avec l’ensemble des pays qui n’ont pas reconnu l’État de Palestine, à la mise en place d’une solution à deux États. C’est la seule manière de parvenir à résoudre utilement cette crise. Telle est la position de la France et, si vous avez le droit d’adopter une posture politique, ma responsabilité en tant que ministre des affaires étrangères est de trouver une solution diplomatique.

MM. Guillaume Gontard et Yannick Jadot. Quand ?

M. Stéphane Séjourné, ministre. Cela suppose de réfléchir, y compris avec nos partenaires arabes dans la région, à un système de sécurité collective pour les Israéliens et les Palestiniens. Voilà notre objectif.

Cela étant, monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que nous n’avons rien fait. Nous avons été à la hauteur en matière humanitaire : je rappelle qu’un bateau a été dépêché à Gaza, le Dixmude, pendant de nombreux mois ; la France a également rapatrié plus de quatorze enfants dans ses hôpitaux…

Mme Cathy Apourceau-Poly. Et les 36 000 morts ?

M. Stéphane Séjourné, ministre. Au-delà de ces dispositifs humanitaires, nous agissons, je le répète, sur le volet politique de la crise, notamment dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies. Dans ce moment particulièrement difficile, nous allons également trouver les voies et moyens de mettre en cohérence la position des États membres de l’Union européenne et celle des États arabes, comme la Jordanie, l’Égypte et tous les pays qui ont reconnu Israël et ont normalisé leurs relations avec l’État hébreu.

Je vous le dis sans outrance, monsieur le sénateur, la gravité du moment impose de la rigueur, de la retenue et des principes. Nous faisons preuve des trois ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, il est impardonnable d’attendre ! Mettez donc votre stratégie électorale et vos ambitions politiques de côté !

M. Stéphane Séjourné, ministre. C’est vous qui devriez le faire !

M. Pascal Savoldelli. Attendre, c’est attiser la division et la haine ! Attendre, c’est bloquer l’imposition du droit international ! Le moment est venu de concrétiser une solution à deux États sur la base des frontières de 1967. Ce n’est pas de la rigueur, ça, monsieur le ministre ?

Le moment est venu d’aboutir à une solution politique. Assez de cette confusion entre reconnaissance d’un État palestinien et complaisance envers des crimes terroristes ! Assez de cette confusion déplorable entre création d’un État et poison de l’antisémitisme !

Le gouvernement d’extrême droite de Netanyahou n’est pas disposé à accepter l’existence d’un État palestinien ni même un cessez-le-feu. En donnant raison au Premier ministre israélien, la France donne raison à ceux qui ne veulent pas des deux États : c’est une lourde responsabilité à porter devant l’histoire ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

lutte contre les trafics en prison

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et concerne la politique carcérale et pénitentiaire de notre pays.

Pour commencer, permettez-moi de saluer la mémoire des deux surveillants qui ont récemment perdu la vie et d’adresser une pensée à leurs familles et leurs collègues.

Au fond, notre politique pénitentiaire peut être considérée sous deux angles : celui du relativisme et celui de la vérité.

Les partisans du relativisme se disent que cela fait longtemps que notre pays fait face à la surpopulation carcérale – nous avons même battu un record, puisque l’on comptabilise désormais 77 000 détenus –, que la violence dans les prisons, subie la peur au ventre par les surveillants pénitentiaires, est un phénomène désormais bien connu, et que la politique des caïds n’est pas si récente, puisque le film de Jacques Audiard, Un prophète, la décrivait déjà en détail en 2009.

Les tenants de la vérité, eux, s’intéressent à ce qui ressort des écoutes téléphoniques de Mohamed Amra. Ils ont bien conscience que les narcotrafiquants ont pris pied dans nos prisons, que la pieuvre a gagné du terrain, ce qui fait écho au récent rapport sénatorial consacré au sujet.

Pis, le narcotrafic est parfois organisé depuis les prisons elles-mêmes, ce qui est naturellement inacceptable. Cette audace, cette violence sont nouvelles. D’où mes questions, monsieur le ministre : n’est-il pas urgent de tout remettre à plat ? Que comportera le protocole d’accord qui sera signé le 10 juin prochain ? Quelle est votre vision de notre politique pénitentiaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Henno, je ne me résoudrai jamais au relativisme.

Nous avons connu, l’administration pénitentiaire a connu, notre pays a connu un drame absolument terrible ayant entraîné, vous le savez, la mort de deux de nos agents pénitentiaires. Trois autres agents pénitentiaires ont été blessés. Dans ce contexte, votre question est, je le dis, parfaitement légitime.

Comme vous, monsieur le sénateur, j’ai découvert dans la presse un certain nombre d’éléments concernant le détenu Amra, qui faisaient état d’une dangerosité certaine et qui ne semblaient pas avoir été pris en considération. J’ai la ferme intention de faire toute la lumière sur la prise en charge de ce détenu, notamment en ce qui concerne le partage d’informations, et c’est pourquoi j’ai confié à l’inspection générale de la justice le soin de mener une enquête sur le sujet.

De manière plus générale, je partage bien sûr votre interrogation sur l’adaptation de notre modèle carcéral à ces détenus particulièrement violents et sans aucune limite.

Le travail mené avec les organisations syndicales et l’administration pénitentiaire a d’ores et déjà permis de parvenir à un accord sur près d’une trentaine de mesures que je n’ai évidemment pas le temps de décliner ici, mais qui concernent tant l’armement que les fouilles ou les nouveaux véhicules dont les agents veulent être dotés.

Ces mesures sont pour certaines d’entre elles immédiatement applicables, notamment pour ce qui est des équipements. D’autres mesures, plus structurantes, pourraient trouver leur place dans le cadre du projet de loi de lutte contre la grande criminalité qui sera présenté dès cet automne.

Aujourd’hui même, à dix-sept heures précises, je réunirai tous les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires pour leur demander une mobilisation totale, la mise en œuvre de l’accord trouvé avec l’intersyndicale et pour évoquer avec eux de nouvelles mesures structurelles concernant les détenus les plus dangereux, que j’entends appliquer le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

M. Olivier Henno. Merci, monsieur le ministre. Nous avons l’obligation à la fois collective et individuelle de faire preuve de volontarisme, car les prisons sont les fleurs noires de notre société ; elles nous tendent un miroir et racontent une histoire.

En la matière, nous n’avons donc pas le droit de céder à la facilité. À ce propos, j’aime à citer Jean-Paul Sartre : « La facilité, c’est le talent qui se retourne contre nous. » (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est vrai !

attitude de la france vis-à-vis des massacres répétés dans la bande de gaza

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le 20 mai dernier, le procureur de la Cour pénale internationale requérait un mandat d’arrêt contre Benyamin Netanyahou pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité ».

Le 24 mai, la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction des Nations unies, ordonnait à Israël d’arrêter « immédiatement » son offensive militaire à Rafah, redoutant la « destruction des Palestiniens de Gaza ».

En réaction, le 26 mai, l’aviation israélienne bombardait un camp de déplacés à Rafah et continuait ses exactions : plus de 65 morts et des centaines de blessés, des corps déchiquetés, décapités, amputés par la violence de la déflagration, au point que certaines victimes ne peuvent pas être identifiées…

Aucun lieu n’est sûr pour un être humain dans la bande de Gaza !

Cette attaque abominable fragilise tous les efforts diplomatiques entrepris pour la libération des otages. L’entêtement guerrier du gouvernement d’extrême droite israélien menace la vie des otages, dont les morts tragiques s’égrènent semaine après semaine. Nous saluons la mémoire des disparus et tremblons avec les survivants et leurs familles.

Monsieur le Premier ministre, votre inaction confine à la complicité. (M. le Premier ministre manifeste son désaccord. – Protestations sur les travées du groupe RDPI.)

M. Guillaume Gontard. Quand les Premiers ministres espagnol et canadien demandent l’application de l’ordonnance de la CIJ, qui exige l’arrêt total de l’offensive israélienne et la libération des otages, vous ne faites rien !

Quand le Canada cesse ses livraisons d’armes à Israël, vous ne faites rien !

Quand la Norvège, l’Irlande et l’Espagne reconnaissent l’État palestinien, vous ne faites rien !

Quand l’Irlande et l’Espagne demandent la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, vous ne faites toujours rien !

Monsieur le Premier ministre, le courage de certains de vos homologues est le miroir de votre lâcheté.

La Palestine ne doit pas devenir le tombeau du droit international ; les conséquences pour l’humanité, à commencer par l’Ukraine, en seraient dramatiques. Le monde veut entendre la voix de la France et non pas attendre le « moment utile » ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Gontard, la situation à Gaza est grave.

Ces derniers jours, des images absolument terribles et catastrophiques nous sont parvenues, notamment celles de l’offensive à Rafah, qui nous bouleversent évidemment toutes et tous. Je pense aussi à l’annonce de la mort de notre compatriote, Orion Hernandez-Radoux, qui était retenu par le Hamas dans la bande de Gaza et qui a été tué. Je rappelle que deux otages français sont actuellement encore détenus là-bas. Il est important de le rappeler et de continuer à appeler à leur libération.

Cette situation dramatique impose que nous nous placions collectivement à la hauteur des responsabilités qui sont les nôtres. C’est la raison pour laquelle, monsieur le président Gontard, je ne comprends pas les termes que vous venez d’employer.

M. Akli Mellouli. C’est pourtant clair !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Je ne comprends pas que l’on puisse parler d’inaction quand la France, par la voix du Président de la République, a été l’un des premiers pays occidentaux à appeler à un cessez-le-feu, au point d’être critiquée à ce sujet par certains à l’époque.

Mme Raymonde Poncet Monge. Faites-le appliquer !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Je ne comprends pas que l’on puisse parler d’inaction quand la France est le pays qui a permis l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies d’une résolution appelant à un cessez-le-feu, alors même que beaucoup disaient que l’adoption d’une telle résolution était impossible.

Je ne comprends pas que l’on puisse parler d’inaction quand la France a été le premier pays à larguer de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza – c’est une fierté.

Je ne comprends pas non plus que l’on puisse parler d’inaction quand la France a envoyé l’un de ses bâtiments militaires, le Dixmude, pour soigner des blessés palestiniens sur zone.

M. Yannick Jadot. Un seul navire ne suffit pas !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Je ne comprends pas davantage que l’on puisse parler d’inaction quand la France joue aujourd’hui un rôle moteur, avec les pays arabes et nos partenaires européens, pour apporter une solution politique durable.

Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères l’a rappelé : le Président de la République a déclaré hier que la reconnaissance d’un État palestinien n’était pas un « tabou », mais qu’elle devait être « utile » au processus qui nous permettra de parvenir, d’abord, à un cessez-le-feu et, ensuite, à une solution politique. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Tout à l’heure, Stéphane Séjourné a posé une question à Mme la sénatrice Jourda, qui ne lui a pas répondu : au lendemain de la reconnaissance unilatérale de l’État de Palestine par certains pays européens, qu’est-ce qui a changé ?

Mme Raymonde Poncet Monge. Ça change tout !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Notre responsabilité est de traiter cette question en vue de trouver un accord global : une reconnaissance unilatérale de l’État palestinien, qui n’aurait aucun effet en termes diplomatiques ou militaires, n’y contribuerait pas.

Mme Raymonde Poncet Monge. Ne rien faire, c’est encore pire !

M. Yannick Jadot. Et l’accord d’association avec Israël ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Il est important d’être factuel : certains termes que vous avez employés ici, les mêmes que ceux qui ont été prononcés hier à l’Assemblée nationale par un député de La France Insoumise, sont inexacts : non, les armes qui sont utilisées par l’armée israélienne à Gaza ne sont pas des armes françaises !

Le ministre des armées l’a rappelé à de nombreuses reprises, les livraisons effectuées par la France concernent des armes et des composants exclusivement dédiés à la défense du territoire israélien et au dôme de fer. Rappelez-vous que, il y a quelques semaines, 200 drones iraniens ont été lancés sur Israël. Nous étions alors bien contents que l’État hébreu dispose de ce système de défense aérienne. Je le redis, aucune arme française livrée à Israël n’est utilisée dans la bande de Gaza. Compte tenu de la gravité de la situation, il importe de rester factuel.

M. Yannick Jadot. Cela n’a rien à voir avec la question qui vous est posée !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Je me réjouis que les débats, ici, au Sénat, ne donnent pas lieu aux mêmes scènes que celles que nous avons connues hier à l’Assemblée nationale. Il est important d’éviter de faire de la politique spectacle ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Le drapeau de la France et celui de l’Europe se suffisent à eux-mêmes pour appeler à la paix dans la région, parce qu’ils véhiculent des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité entre les peuples. Voilà ce qui doit nous unir pour la paix dans la région ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)