Mme Gisèle Jourda. Cet amendement tend à créer une obligation pour les chercheurs de signaler, dans leurs thèses, travaux postdoctoraux et publications scientifiques, les aides directes et indirectes dont ils ont pu bénéficier de la part de puissances étrangères ou de personnes morales étrangères.

Cet amendement sur la transparence de la coopération universitaire vise à mettre en œuvre une autre préconisation du rapport sénatorial d’André Gattolin et Étienne Blanc d’octobre 2021 sur les ingérences étrangères dans le monde universitaire et académique français.

L’objectif est clair : il s’agit d’ériger à l’échelon national la transparence en principe cardinal de toute coopération universelle internationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous comprenons bien l’enjeu de cet amendement, car nous avons déjà débattu des activités d’influence auprès des chercheurs.

Néanmoins, votre amendement ne fait pas le lien entre les puissances étrangères et la mission du chercheur. Ainsi, un chercheur qui effectuerait un déplacement pour d’autres activités serait aussi obligé de déclarer celles-ci.

Ce dispositif ne nous paraît pas très opérationnel. C’est la raison pour laquelle nous sollicitons le retrait de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 1er bis
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Après l’article 2

Article 2

(Non modifié)

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juillet de l’année qui suit celle de la promulgation de la présente loi, puis tous les deux ans, un rapport sur l’état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale. Ce rapport, qui fait état des menaces résultant d’ingérences étrangères, peut faire l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, sur l’article.

Mme Gisèle Jourda. Je tiens à prendre la parole sur cet article pour exprimer mon incompréhension, voire ma stupéfaction : la commission des lois a jugé irrecevable notre amendement visant à demander la transmission d’un rapport à la délégation parlementaire au renseignement afin que celle-ci puisse connaître l’état réel de la présence de postes clandestins de police étrangère sur notre territoire. Or, plus qu’une simple ingérence, la présence de ces postes constitue une véritable atteinte à notre souveraineté, à laquelle nous voulons mettre fin.

En quoi cet amendement serait-il dépourvu de tout lien avec l’objet du texte qui nous rassemble ici ce soir ?

M. le président. L’amendement n° 52, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Première phrase

Supprimer le mot :

deux

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à prévoir la remise du rapport sur l’état des menaces pesant sur la sécurité nationale par le Gouvernement au Parlement non pas tous les deux ans, comme le prévoit l’article, mais tous les ans.

Le Parlement doit être en mesure de connaître les menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, et ce chaque année. Rien ne justifie d’attendre deux ans pour prendre connaissance d’un rapport d’une telle importance – nous avons souligné le caractère urgent de ce sujet au début de nos travaux.

Par ailleurs, il est primordial que les parlementaires puissent également exercer un contrôle annuel sur le pouvoir exécutif et sur ce qu’il définit comme une menace à la sécurité nationale. Il s’agit d’affirmer dans ce domaine le rôle du Parlement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Une fréquence de deux ans nous paraît préférable à une fréquence d’un an, car elle permet de disposer d’un véritable rapport. Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Il s’agit tout de même d’une question extrêmement importante. Vous devez nous expliquer pourquoi le Gouvernement serait incapable de remettre ce rapport une fois par an ! Pourquoi faudrait-il deux années pour écrire un document sur la sécurité nationale et les ingérences étrangères ? Franchement, je suis très étonné de la réponse qui nous est faite !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Ce sont les députés qui ont réduit, lors de l’examen du texte en première lecture, la fréquence de publication du rapport, celle de deux ans correspondant mieux au rythme auquel le Gouvernement peut communiquer des informations nouvelles et suffisamment consistantes au Parlement.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je rappelle que de nombreux rapports ne sont jamais rendus. Par exemple, nous attendons toujours le rapport sur l’extension des algorithmes aux URL…

Si nous voulons disposer de rapports ayant un contenu consistant, il faut laisser du temps à ceux qui les rédigent, notamment pour tenir compte de l’évolution de la menace.

Je vous rappelle par ailleurs que le contrôle exercé par la délégation parlementaire au renseignement donne lieu à la publication d’un rapport annuel.

Je considère donc que le rythme de publication de deux ans constitue une fréquence satisfaisante, car il garantit un rapport de qualité.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. La fréquence de deux ans ne me satisfait pas : je préférerais une publication annuelle du rapport. Lorsque l’on reçoit des informations faisant état de menaces pesant sur des parlementaires et que l’on ne les transmet pas à ces derniers, cela pose question…

Nous recevons tous les ans le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et le directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), qui viennent nous présenter leur rapport annuel. Le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères publie également un rapport chaque année. Il n’y a donc pas de raison, de mon point de vue, pour que le rapport sur l’état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale ne soit pas remis annuellement.

Ces ingérences évoluent et nous sommes confrontés à la rapidité avec laquelle ceux qui nous attaquent changent de modus operandi. Je soutiens donc totalement cet amendement, car la publication annuelle de ce rapport est réellement nécessaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte lamendement.)

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de poursuivre nos travaux jusqu’à l’achèvement de l’examen de cette proposition de loi.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

L’amendement n° 50, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

sur le fondement d’un rapport établi par la délégation parlementaire au renseignement

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. L’article 2 prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur l’état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale. Il s’agit là d’une intention louable, tout le monde le reconnaît. Pour autant, ne soyons pas naïfs : un tel rapport revêt un caractère hautement politique.

Définir les menaces qui pèsent sur la sécurité nationale n’est évidemment pas neutre. Nous proposons par cet amendement que le Parlement soit associé à la définition des menaces et s’appuie, pour la rédaction de son rapport, sur un rapport sur ce sujet établi au préalable par la délégation parlementaire au renseignement.

La délégation parlementaire au renseignement, composée de huit membres – quatre sénateurs et quatre députés – a pour mission de contrôler l’action du Gouvernement en matière de renseignement et d’évaluer la politique publique en ce domaine. L’établissement du rapport que nous proposons correspond donc parfaitement à ses compétences et à sa vocation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La délégation parlementaire au renseignement est chargée de contrôler l’activité des services de renseignement – vous l’avez dit –, mais non d’étudier l’état de la menace. Elle n’a les moyens ni de mettre en place une telle évaluation ni de rédiger l’étude que vous préconisez, et ce n’est d’ailleurs pas son rôle.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
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Article 3

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 25 rectifié quater, présenté par MM. Lemoyne, Montaugé, Buis et Bonneau, Mme Duranton, MM. Mellouli, Brault, Courtial et Haye, Mme G. Jourda et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° L’article L. 151-6 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La publication annuelle de ces données peut donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. » ;

2° Le I de l’article L. 151-7 est ainsi modifié :

a) Au 1°, les mots : « de sécurité » sont remplacés par les mots : « d’intelligence » ;

b) Au 2°, après la première occurrence de la référence : « L. 151-3 », sont insérés les mots : « et aux mesures prises pour s’assurer du respect de ces conditions dans la durée ».

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Comme Mme la rapporteure l’indique dans son rapport, les ingérences étrangères peuvent prendre plusieurs formes.

L’une de ces formes, classique, est l’espionnage, y compris économique. Cet amendement, que je présente avec Franck Montaugé dans une logique transpartisane et qui a été cosigné par des collègues de plusieurs groupes, vise à inscrire la notion d’intelligence économique dans le texte et à protéger nos intérêts économiques.

Il s’agit de tirer les conclusions des travaux de la mission d’information sur l’intelligence économique que la commission des affaires économiques avait confiée à notre ancienne collègue Marie-Noëlle Lienemann et à moi-même. Parmi les recommandations que nous avions formulées, et qui avaient été adoptées à l’unanimité, figurait la possibilité, comme le prévoit, par parallélisme des formes, l’article 2 de la présente proposition de loi pour le rapport sur l’état de la menace – il s’agit presque d’homothétie –, pour l’Assemblée nationale et le Sénat de débattre du rapport public annuel relatif au contrôle des investissements étrangers en France.

Cet amendement vise des activités de prédation qui ont été détectées et sont combattues au travers de la politique de sécurité économique menée par le Gouvernement. Il serait bon que le Parlement puisse en être informé et en débattre pour participer à la prise de conscience sur ces événements, pour mieux les connaître et mieux les endiguer.

M. le président. Le sous-amendement n° 57 rectifié ter, présenté par Mme Primas et MM. Meignen, Gay et Darras, est ainsi libellé :

Amendement n° 25 rectifié quater

Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

…° La deuxième phrase du 2° du II du même article L. 151-7 est supprimée.

La parole est à M. Thierry Meignen.

M. Thierry Meignen. Ce sous-amendement, porté par les quatre rapporteurs de la mission d’information sénatoriale sur Atos, vise à compléter l’amendement n° 25 rectifié quater que vient de présenter Jean-Baptiste Lemoyne et qui est issu des travaux de la commission des affaires économiques sur la souveraineté et l’intelligence économiques.

En complément des mesures proposées, ce sous-amendement vise à faciliter l’exercice des pouvoirs d’investigation octroyés au Parlement pour contrôler l’action du Gouvernement pour ce qui concerne les investissements étrangers en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 57 rectifié ter et sur l’amendement n° 25 rectifié quater ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Le sous-amendement ayant été déposé tardivement, la commission n’a pas d’avis arrêté puisqu’elle n’a pas pu en débattre et appréhender ses enjeux.

Cela étant, la commission des lois fait confiance à la commission des affaires économiques. J’émets donc, à titre personnel, un avis de sagesse.

J’en viens à l’amendement présenté par M. Lemoyne. Il est vrai que l’ingérence économique est une question importante. Un énorme travail sur ce sujet a été réalisé par la commission des affaires économiques et la mission d’information sur l’intelligence économique.

Néanmoins, votre proposition, mon cher collègue, aurait plutôt sa place dans le texte relatif à l’intelligence économique qui est en cours d’élaboration et sera bientôt débattu par les deux chambres. En effet, elle n’a pas de lien direct avec les travaux menés par la délégation parlementaire au renseignement, qui inspirent directement la proposition de loi dont nous débattons.

Sur cet amendement également, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. N’ayant pas eu, comme Mme la rapporteure, le temps d’examiner le sous-amendement n° 57 rectifié ter, j’en demande le retrait. Cette proposition est sans doute légitime, mais il convient d’en évaluer la portée.

L’amendement n° 25 rectifié quater présenté par M. Lemoyne vise à proposer plusieurs évolutions qui n’appellent pas toutes la même réponse de la part du Gouvernement.

Premièrement, cet amendement tend à ajouter, à l’article L. 151-6 du code monétaire et financier, la possibilité d’organiser un débat à l’Assemblée nationale ou au Sénat, sur le fondement de la publication du rapport public annuel relatif au contrôle des investissements étrangers en France.

Je rappelle que, depuis 2020, en application de l’article L. 151-6 dudit code, le Gouvernement publie chaque année sur le site de la direction générale du Trésor un rapport présentant les principales données statistiques relatives au contrôle par le Gouvernement des investissements étrangers en France.

Vous souhaitez, monsieur le sénateur, prévoir la possibilité que la publication de ces données donne lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cette disposition n’est pas utile puisque les assemblées peuvent déjà se saisir de ce sujet pour en débattre si elles le souhaitent.

Deuxièmement, vous voulez remplacer, à l’article L. 151-7 du même code, les termes « sécurité économique » par les mots « intelligence économique ».

Le Gouvernement est défavorable à cette évolution, qui affecterait la cohérence du dispositif de sécurité économique mis en place par le décret du 20 mars 2019 relatif à la gouvernance de la politique de sécurité économique et la circulaire qui le met en œuvre.

Troisièmement, vous souhaitez compléter les données transmises au Parlement en application de l’article L. 151-7 du code monétaire et financier par des éléments sur les mesures prises pour s’assurer du suivi des conditions dans la durée.

Le Gouvernement ne s’oppose pas à cette proposition, qui vise à compléter le rapport transmis annuellement au Parlement sur la mise en œuvre du régime de contrôle des investissements étrangers par des éléments relatifs aux mesures prises pour assurer le respect de ces conditions dans la durée.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), qui a renforcé les pouvoirs de police et de sanction du ministre chargé de l’économie au titre du contrôle des investissements étrangers en France et du décret du 20 mars 2019, les services du ministère de l’économie accordent une attention particulière au suivi de la mise en œuvre par les investisseurs des conditions qui leur sont imposées.

En définitive, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Je tiens toutefois d’ores et déjà à indiquer aux membres de la future commission mixte paritaire qui se réunira sur ce texte que le troisième point de l’amendement ne soulève aucune objection et qu’il est, au contraire, tout à fait bienvenu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. J’ajouterai quelques éléments supplémentaires en faveur de mon amendement, que j’invite mes collègues à adopter, et du sous-amendement qui, s’inscrivant dans la même logique, renforce l’amendement.

Premier point : il est vrai que le Parlement peut se saisir de ce sujet et l’inscrire à son ordre du jour. C’est ainsi que, la semaine prochaine, nous aurons un débat, à la demande du groupe RDPI, sur le contrôle des investissements étrangers en France.

Néanmoins, l’article 2 de la proposition de loi que nous examinons prévoit bien que le rapport sur l’état de la menace peut faire l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. Il est donc possible d’inscrire une telle disposition dans la loi. La commission des lois n’a d’ailleurs rien trouvé à y redire, comme elle l’a précisé dans son rapport.

Le deuxième point concerne la terminologie. Les termes « intelligence économique » vont plus loin que ceux de « sécurité économique ». Ils incluent un volet offensif. La commission mixte paritaire pourra tout à fait ajouter la conjonction de coordination « et », et ainsi retenir la formulation : « sécurité économique et intelligence économique ». On peut travailler sur ce point ; il n’y a rien d’insurmontable à cet égard.

Troisième point : vous avez indiqué, monsieur le ministre, que le rapport serait enrichi des mesures de suivi dès lors que le ministre chargé de l’économie autoriserait un investissement en y mettant des conditions. Il s’agirait d’un enrichissement du contrôle parlementaire, puisque des données nouvelles seraient introduites dans ce rapport. Vous avez dit que le Gouvernement était d’accord sur cette proposition, ce dont je vous remercie.

Ces trois points en débat ne sont en rien insurmontables, et l’un d’eux a été approuvé par le Gouvernement. Nous avons constaté un élan unanime au sein de la mission d’information sur l’intelligence économique. Je rappelle que les recommandations de cette mission ont été adoptées à l’unanimité des membres de la commission des affaires économiques en juillet 2023. Elles ont été inscrites dans la proposition de loi visant à faire de l’intelligence économique un outil de reconquête de notre souveraineté, que j’ai déposé avec Franck Montaugé et nos anciens collègues Marie-Noëlle Lienemann et Serge Babary, qui était alors président de la délégation aux entreprises.

Je propose que nous prolongions cet élan en adoptant ce sous-amendement et cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Il est important d’avoir des débats et d’obtenir des informations. On va chercher certaines d’entre elles, qui entrent tout à fait dans le cadre de cette discussion sur l’intelligence économique, et on les obtient finalement en lisant la presse…

La commission des affaires économiques a réfléchi aux voies et moyens de protéger et reconquérir notre souveraineté. Mais pour atteindre ces objectifs, mes chers collègues, il nous faut aussi une véritable politique industrielle offensive, laquelle nous fait défaut depuis des années dans ce secteur, notamment pour lutter contre les ingérences étrangères et pour garantir notre autonomie stratégique.

Je tenais à souligner cette simple affirmation de bon sens : s’il est bon d’avoir des débats et nécessaire de disposer d’informations, agir, c’est encore mieux !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 57 rectifié ter.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié quater, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.

L’amendement n° 14, présenté par Mme G. Jourda, M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Temal et Bourgi, Mme Carlotti, M. Chaillou, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Harribey, MM. P. Joly et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Marie, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Ros, M. Vallet, Vayssouze-Faure, Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet à la délégation parlementaire au renseignement, avant le 1er juillet de l’année qui suit celle de la promulgation de la présente loi, puis tous les ans, un rapport exhaustif sur les investissements directs et investissements ultimes (qui prennent en compte la maison mère et non les filiales, et la nationalité de cette maison mère), ainsi que les prêts financiers des pays étrangers dans les secteurs touchant à la défense nationale ou susceptible de mettre en jeu l’ordre public et des activités essentielles à la garantie des intérêts de la France.

La parole est à Mme Gisèle Jourda.

Mme Gisèle Jourda. Cet amendement relatif aux investissements étrangers a pour objet de permettre à la délégation parlementaire au renseignement d’obtenir une vue d’ensemble des investissements relevant des stratégies étatiques étrangères d’investissement dans des secteurs essentiels à la garantie des intérêts de notre pays, afin de mieux évaluer les risques qu’ils présentent.

Je vous rappelle quels sont ces risques : celui de porter atteinte à la sécurité et à l’ordre public par des investissements étrangers dans des actifs sensibles stratégiques en France ; le risque d’endettement excessif et de perte de garanties stratégiques ; le risque pesant sur la propriété intellectuelle et le transfert de technologies ; le risque de non-respect des normes environnementales de l’Union européenne par des entreprises étrangères extérieures à l’Union.

La France doit jouer un rôle moteur sur ces questions. Nous plaidons pour que l’Union européenne fasse cette analyse exhaustive, afin que les institutions communautaires puissent prendre la mesure réelle des risques que représentent les stratégies d’investissement étrangères. Je vous renvoie, à cet égard, au rapport d’information intitulé La France peut-elle contribuer au réveil européen dans un XXIe siècle chinois ?, que j’ai rédigé avec Pascal Allizard, entre autres, au nom de la commission des affaires étrangères.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je ne suis pas favorable à cet amendement, non seulement parce qu’il vise à demander un rapport supplémentaire, alors qu’il en existe déjà de nombreux sur ce sujet, mais aussi parce que nous venons d’adopter l’amendement n° 25 rectifié quater présenté par M. Lemoyne, qui prévoit la remise d’un rapport annuel sur le contrôle des investissements étrangers en France, dont le champ est plus large que celui que vous préconisez.

L’amendement étant à moitié satisfait, l’avis est, je le répète, défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France
Article 4

Article 3

I. – L’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du I est ainsi modifié :

a) Les mots : « seuls besoins de la prévention du terrorisme » sont remplacés par les mots : « seules finalités prévues aux 1°, 2° et 4° de l’article L. 811-3 » ;

b) À la fin, les mots : « une menace terroriste » sont remplacés par les mots : « des ingérences étrangères, des menaces pour la défense nationale ou des menaces terroristes » ;

2° À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa du IV, les mots : « à caractère terroriste » sont supprimés.

II. – À compter du 1er juillet 2028, l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du I est ainsi modifié :

a) Les mots : « seules finalités prévues aux 1°, 2° et 4° de l’article L. 811-3 » sont remplacés par les mots : « seuls besoins de la prévention du terrorisme » ;

b) À la fin, les mots : « des ingérences étrangères, des menaces pour la défense nationale ou des menaces terroristes » sont remplacés par les mots : « une menace terroriste » ;

2° À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa du IV, après le mot : « menace », sont insérés les mots : « à caractère terroriste ».

III. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application du présent article au plus tard deux ans avant l’expiration du délai prévu au II. Une version de ce rapport comportant les exemples de mise en œuvre des algorithmes est transmis à la délégation parlementaire au renseignement.

Au plus tard six mois avant la date fixée au II, un rapport présentant le bilan de l’application du présent article est transmis au Parlement. Une version de ce rapport comportant les exemples de mise en œuvre des algorithmes est transmis à la délégation parlementaire au renseignement.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. L’article 3 ouvre la voie à l’utilisation d’algorithmes par les services de renseignement en matière d’ingérences étrangères. Comme je l’ai souligné lors de mon intervention liminaire, cette mesure soulève des questions cruciales sur l’équilibre entre sécurité nationale et droits individuels, d’autant qu’elle s’inscrit dans une tendance inquiétante : la banalisation de la surveillance algorithmique, déjà amorcée par plusieurs décisions antérieures.

Il faut le dire honnêtement, le président Macron prépare le pays depuis sept ans à cette banalisation des intelligences artificielles (IA) de surveillance. À son arrivée à l’Élysée, en 2017, il annonçait vouloir « faire de la France un leader en matière d’intelligence artificielle », et ce en dépit des plaintes de nombreuses ONG et contre les avis répétés de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), laquelle a jugé dès 2019 que ces outils étaient illégaux.

Ces pratiques, qui sont acceptées au nom de la lutte contre le terrorisme ou de la sécurité nationale, risquent d’être étendues progressivement à d’autres domaines sans que nous en mesurions réellement les conséquences. De plus, les erreurs algorithmiques, qui peuvent toucher jusqu’à 2 % de la population, sont inacceptables à l’échelle nationale.

Il faut appeler les choses par leur nom : il s’agit d’un capitalisme de surveillance. Il est essentiel de reconnaître qu’un algorithme n’est pas neutre. Comme j’ai tenté de le démontrer dans ma proposition de loi relative à la maîtrise de l’organisation algorithmique du travail, un algorithme est le fruit d’un donneur d’ordre et il traduit une certaine idéologie. Il modifie nos comportements et risque de restreindre nos libertés individuelles. Michel Foucault a décrit une telle société, qu’il appelait « la société panoptique », dans laquelle la sécurité est fondée sur une surveillance anonyme.

C’est pourquoi il est essentiel d’engager la responsabilité humaine dans le choix de l’algorithme.

Quel sera le biais de ces algorithmes ? Qui en aura l’usage ? De plus, l’application qui en sera faite pourra être étendue à la prévention de toute ingérence étrangère, ce qui constitue un cadre bien trop large.

Il est crucial de voter contre cet article, aussi dangereux qu’inquiétant pour nos libertés individuelles. Nous allons présenter plusieurs amendements à cet égard : si aucun n’est retenu, et du fait de la nature de l’article 3, nous voterons à la fin contre l’ensemble de la proposition de loi.