Mme la présidente. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Féraud, Mmes Artigalas et Espagnac, MM. Kanner, Montaugé, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, MM. Éblé, Jeansannetas, Lurel et Fagnen, Mmes Linkenheld, Lubin et Monier, MM. Roiron, Ros et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du dernier alinéa du I de l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il ne peut louer le logement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile avant l’expiration d’un délai de dix-huit mois à compter de la date de la reprise. »
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Mes chers collègues, cet amendement, le dernier de notre discussion, vise à prévenir les congés abusifs.
Dans certains cas, le propriétaire donne congé à son locataire pour reprise, alors qu’en réalité il entend transformer son logement en meublé touristique. Un tel détournement est certes illégal, mais difficile à contrôler. Voilà pourquoi nous proposons d’imposer un délai minimum de dix-huit mois entre la reprise d’une location et la création d’un meublé touristique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylviane Noël, rapporteure. Cet amendement vise à imposer un délai de viduité de dix-huit mois, au cours duquel un propriétaire ayant donné congé à son locataire pour reprendre le logement à son profit ne pourrait louer son bien en meublé de tourisme.
Tout d’abord, cette mesure vient trop tard : elle a pour but de lutter contre un phénomène qui s’est, semble-t-il, développé à Paris à l’approche des jeux Olympiques.
Ensuite, elle me semble inutile, puisque le congé suivi d’une relocation est d’ores et déjà interdit par la loi.
Enfin, elle me paraît inadaptée : lorsque, dans la commune considérée, des tensions s’exercent en matière de logement, le propriétaire sera obligé de solliciter le changement d’usage du logement sous réserve, éventuellement, de compensations ou de quotas. Très vraisemblablement, sa demande sera rejetée au motif que le congé est frauduleux.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Je partage la position de la commission.
Avec l’examen de cet amendement, l’occasion m’est donnée de redire que les conditions du congé sont déjà clairement limitées par l’article 15 de la loi de 1989 : les cas les plus fréquents sont le congé pour vente et le congé pour reprise.
Permettez-moi d’adresser une nouvelle fois un message extrêmement clair, que je vous encourage d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à faire passer à des locataires qui vous solliciteraient parce que leur bail aurait été rompu de façon abusive : ce n’est pas normal ! Le propriétaire s’expose ainsi au non-respect des conditions du congé. J’invite donc les locataires victimes de tels abus à faire valoir leurs droits en justice : lorsque les conditions ne sont pas respectées, il s’agit bien d’une rupture abusive du bail.
Je ne suis pas sûr que l’adoption de cet amendement apporte des clarifications, d’autant plus que son objet est satisfait. Aujourd’hui, je le répète, les conditions de résiliation d’un bail sont restrictives. La loi sanctionne de façon sévère les propriétaires qui agissent abusivement ; les juges traitent ce type de contentieux et font valoir les droits des locataires qui engagent une procédure.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 52 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, le groupe socialiste votera cette proposition de loi, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, ce texte est très attendu dans certains territoires. La loi doit entrer en vigueur rapidement, car le flux de meublés de tourisme reste continu dans les zones tendues. Il nous faut donc absolument trouver des moyens de l’arrêter.
Ensuite, ce texte donne aux maires des outils dont ils peuvent s’emparer en fonction des spécificités de leur territoire. La volonté des auteurs de cette proposition de loi est bien de leur donner plus de pouvoir pour lutter contre le phénomène de surtourisme ou l’augmentation exponentielle des meublés de tourisme.
En revanche, je regrette que l’on ait maintenu le nombre de cent vingt jours par an pour la location de la résidence principale. Dans le rapport d’information sur l’hébergement touristique et le numérique que j’ai cosigné en 2018, je n’avais pas proposé d’abaisser ce plafond, parce qu’à l’époque j’estimais que ce n’était pas le moment. Depuis lors, dans de nombreux territoires, le phénomène du surtourisme est aussi amplifié par les résidences principales.
Par conséquent, sur cette problématique, ma position a changé et j’aurais préféré que l’on retienne la solution de l’Assemblée nationale, qui me paraissait équilibrée, à savoir abaisser à quatre-vingt-dix jours par an le plafond du nombre de jours de location d’une résidence principale, d’autant qu’il s’agit, je le rappelle, d’une possibilité accordée aux maires et non pas d’une obligation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je tiens à saluer cette initiative parlementaire bienvenue. Il y a urgence, que ce soit dans les zones touristiques ou dans les territoires ruraux. Je pense forcément au littoral vendéen, à l’île d’Yeu, mais aussi à notre bocage où nombre d’entreprises de taille intermédiaire prospèrent et recrutent de fait énormément, mais ont beaucoup de mal à loger leur personnel.
Je remercie les rapporteurs et salue la qualité des travaux des deux commissions chargées de l’examen de ce texte. Le marché locatif s’est considérablement développé, notamment avec les plateformes. Il était urgent de proposer un cadre pour tenter de réglementer un secteur en pleine expansion.
Les travaux du Sénat ont permis de débusquer certaines fausses bonnes idées, comme le durcissement des normes quand ce n’était pas nécessaire et que cela n’avait aucune incidence sur le marché locatif à l’année.
Je me réjouis de l’adoption en commission de l’amendement que Françoise Gatel et moi-même avons déposé, qui vise à donner aux communes insulaires métropolitaines la possibilité de fixer des quotas d’autorisation temporaire de changement d’usage dans l’ensemble de leur territoire. L’insularité doit faire l’objet d’un traitement différencié ; c’est ce qui est ressorti de nos échanges avec les élus des îles du Ponant.
Pour conclure, ce texte est une avancée qui en appelle beaucoup d’autres. Les défis en termes de logement sont nombreux. Il y a urgence.
Le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, même s’il permet la création d’outils bienvenus à disposition des exécutifs locaux, ce texte ne remédiera pas aux déséquilibres du marché locatif, dont les origines sont multifactorielles. Je l’ai rappelé au cours de la discussion générale, et ce n’est pas mon collègue de la Seine-Saint-Denis qui me contredira.
À notre avis, cette proposition de loi ne permet pas de prendre suffisamment en considération la réalité des territoires et leurs besoins différents. S’il est une source de difficultés dans certaines zones, le marché de location saisonnière est aussi un levier indispensable au dynamisme économique d’autres territoires.
Les articles 1er et 2 sont bienvenus, parce qu’ils redonnent aux maires des outils pour atténuer la course à l’échalote de la location saisonnière ; le groupe du RDSE y est donc favorable.
En revanche, nous regrettons que nos amendements, qui visaient à prendre en compte les particularismes économiques locaux et à concilier les préoccupations divergentes des territoires en fonction de dynamiques économiques et locatives différentes, n’aient pas été adoptés, car, non, on ne peut pas comparer Paris, Bordeaux, Biarritz, Argelès-Gazost, Lourdes ou Tarbes.
C’est la raison pour laquelle la version retenue par la commission ne nous satisfait pas pleinement, même si elle a sûrement le mérite d’être moins pénalisante pour les territoires ruraux et sûrement un peu plus équitable que la version initiale.
Toujours est-il que cela ne suffira pas à emporter un vote positif majoritaire du groupe du RDSE, lequel s’abstiendra.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j’exprimerai d’abord des regrets, puis quelques motifs de satisfaction.
Je regrette notamment que la régulation ait été moins poussée que je ne l’aurais voulu. Ainsi, la notion de certificat de décence a disparu entre le texte établi par la commission et celui qui sera voté ce soir, même si ce dernier continue de prévoir la remise de justificatifs attestant le respect des règles d’hygiène et de sécurité.
J’aurais également voulu donner plus de pouvoir aux maires, en particulier pour fixer le nombre de jours de location d’une résidence principale. Comme cela a été souligné, il y va de la lutte contre le surtourisme ; il y va aussi de l’acceptabilité du tourisme par les populations locales – et c’est le président de l’agence départementale du tourisme 64 Béarn-Pays basque qui vous le dit. À force de ne pas réguler, on s’expose à de véritables phénomènes de rejet et à la non-acceptabilité de l’activité du tourisme.
Ce texte comporte aussi des avancées réelles. Je pense à la fourniture de la preuve de la résidence principale, qui était attendue – la pièce justificative la plus simple étant la feuille d’impôt –, à la déclaration effectuée par le loueur, à la déclaration limitée dans le temps, à l’information accrue des maires, autant de dispositions permettant de mieux réguler et réglementer.
Je pense surtout à la fin de la niche fiscale. À ce propos, je tiens à remercier Jean-François Husson du travail qu’il a accompli, car il a permis de parvenir à un dispositif équilibré de différenciation entre les meublés classés et les meublés non classés.
Je crois que le texte auquel nous sommes parvenus ce soir n’est pas éloigné dans l’esprit de celui qui a été préparé par nos collègues députés Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, ces trois ans de combat ont été utiles. D’autres outils seront nécessaires. L’examen de ce texte a permis des progrès réels.
Vous l’avez compris, je ne parle pas au nom du groupe Les Républicains. Pour ma part, je voterai ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, à mon tour, je salue cette initiative législative sur un sujet qui devient difficile dans certains territoires, car, chacun le sait, il suscite de l’irritation et pose des problèmes d’acceptabilité. Je salue également le travail des deux commissions et des rapporteurs. Leur tâche n’était pas facile, mais l’on a beaucoup progressé.
En tant que présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, monsieur le ministre délégué, je vous encourage à répéter plusieurs fois le mot « différenciation » et à continuer de le mettre en pratique. (Sourires. – M. le ministre délégué rit.) En effet, on voit bien que les sujets sont divers et variés, même si la question et les réponses sont les mêmes.
Ce soir, nous avons tous progressé en géographie. (Nouveaux sourires.) Désormais, personne n’ignore ce que sont les îles métropolitaines et les îles du Ponant – et elles le valent bien !
Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur pour avis, le zonage est sans doute ce qu’il y a de plus difficile à définir et à faire vivre. Il est sans doute aussi ce qu’il y a de plus impertinent dans la mesure où l’on passe toujours à côté de certaines choses. Il faudra donc y revenir.
Par ailleurs, j’ai apprécié la clarté des propos du rapporteur pour avis sur ce que l’on appelle les niches fiscales et leur nécessaire simplification, même si les meublés destinés à la location saisonnière sont parfois un levier de développement pour certains territoires ruraux – mes collègues ont eu raison de le souligner.
Monsieur le ministre délégué, je n’ai pas l’intention de vous faire des compliments. (M. le ministre délégué rit.) En revanche, je vous sais gré de votre parole franche sur l’erreur qu’a commise le Gouvernement lorsqu’il a recouru au 49.3 pour l’adoption du projet de loi de finances pour 2024 et sur votre volonté de la corriger.
Partant du principe que faute avouée est à moitié pardonnée, je salue votre sincérité au nom de l’intérêt général et pour la clarté des contribuables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.
Mme Antoinette Guhl. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, la crise du logement nous oblige. Dans ce contexte, le marché des meublés touristiques devait être régulé. Il l’est en partie – en partie seulement –, car nous avons trouvé des solutions.
Deuxièmement, la priorité doit aller aux résidents permanents, qui subissent la concurrence déloyale des propriétaires de meublés mis en location. Nous avons sans doute réussi à réguler quelque peu le marché.
Troisièmement, nous nous sommes tournés en priorité vers les élus locaux et leur avons donné la possibilité d’agir.
Toutefois, et vous vous en doutez, mes chers collègues, nous nourrissons quelques regrets.
Le premier concerne bien sûr le plafond annuel de cent vingt jours de location d’une résidence principale. Le deuxième porte sur la fiscalité, qui est encore trop incitative. Le troisième a trait à la faible ambition en matière de rénovation thermique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour explication de vote.
Mme Marianne Margaté. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le groupe CRCE-K a déposé plusieurs amendements dans le but d’améliorer un texte, qui, malheureusement, acte quelques reculs par rapport aux ambitions initialement fixées en commission.
En quelques amendements, la majorité sénatoriale et le Gouvernement ont limité la portée de ce texte.
Je pense à la suppression du pouvoir donné aux collectivités et aux communes d’abaisser le nombre maximal de jours de mise en location d’une résidence principale. C’est un regret important. De la part de la chambre élue par les élus locaux, c’est surprenant, alors que l’on entend souvent s’exprimer la volonté de renforcer le pouvoir des maires. Apparemment, il n’en est plus question quand il s’agit d’encadrer les profits et de limiter les atteintes au droit au logement.
Il a aussi été décidé de décaler l’entrée en vigueur de ce texte, alors qu’il fait déjà silence sur la période des jeux Olympiques, qui s’annonce pourtant critique, et alors même que des mesures similaires ont été adoptées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024.
Malgré tout, nous notons des progrès, notamment en matière fiscale, avec un abaissement des plafonds et des abattements qui contribuera à limiter les dégâts.
Les avancées enregistrées en matière de déclaration et d’enregistrement des meublés de tourisme, l’extension du recours à l’autorisation de changement d’usage et un meilleur respect des règlements de copropriété et des normes de sécurité aboutiront à une meilleure cohérence.
Pour ces différentes raisons et parce qu’il est nécessaire d’agir, même s’il aurait souhaité aller plus loin, le groupe CRCE-K votera cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je tiens à saluer cette très belle initiative parlementaire. Je remercie les rapporteurs et le ministre d’avoir fait preuve de pédagogie et d’avoir pris le temps nécessaire pour expliquer les choses.
Cette proposition de loi permet des avancées. Nous souhaitons que soit trouvé sous peu le chemin vers une commission mixte paritaire conclusive pour une promulgation rapide de ce texte.
Bien évidemment, le groupe RDPI votera cette proposition de loi.
Place maintenant au second texte à l’ordre du jour de ce soir pour continuer à travailler sur la problématique du logement, en attendant le grand projet de loi Logement du mois de juin prochain ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, à mon tour de me féliciter que nous ayons pu trouver un équilibre entre, d’une part, les attentes des élus des communes touristiques, des grandes villes et des zones tendues, démunis face à l’augmentation exponentielle des locations touristiques et des locations saisonnières, cette activité qui, parce que, jusqu’à il y a peu, elle n’était pas régulée – c’est le moins que l’on puisse dire ! –, a pu produire des effets d’aubaine pour des investisseurs qui voient dans les meublés de tourisme des placements financiers, et, d’autre part, les attentes des élus de communes situées dans des zones dites détendues ou plus rurales, pour qui il est important de préserver un modèle économique et touristique.
À mon tour aussi de féliciter très sincèrement les deux rapporteurs.
En premier lieu, je remercie la rapporteure de la commission des affaires économiques saisie au fond. Par un travail de qualité et à la suite de nombreuses auditions, Sylviane Noël a cherché à donner plus d’outils aux maires, afin que ceux-ci puissent mieux réguler l’activité de location touristique et saisonnière.
En second lieu, je remercie le rapporteur pour avis, qui a accompli un travail de qualité, complémentaire de celui de la rapporteure, en cherchant à mettre en place une fiscalité plus juste, plus équilibrée et plus lisible.
Enfin, vous le savez bien, monsieur le ministre délégué, certains d’entre nous l’ont répété lors de la discussion générale, cette proposition de loi n’apporte qu’une réponse partielle à l’attrition du marché locatif. Pour pouvoir lutter ensemble contre ce phénomène, nous vous appelons de nouveau à reconnaître la contribution économique et sociale du bailleur privé et à lui donner des garanties, afin de renforcer l’attractivité de la location de longue durée. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi dont la commission a ainsi rédigé l’intitulé : proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de votre présence ce soir pour débattre de cette initiative parlementaire transpartisane dont sont à l’origine les députés Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz. Vous avez fait prospérer ce texte d’abord en commission et, aujourd’hui, en séance publique.
Je salue le travail accompli par la commission des affaires économiques et la commission des finances, ainsi que leurs rapporteurs respectifs. Je remercie tous les sénateurs de leurs propositions et de ce vote très large, pour ne pas dire unanime.
Cette proposition de loi nous permettra de donner aux élus locaux les outils qu’ils attendent – parfois depuis des années – pour mieux réguler le marché et lutter contre son attrition. J’espère que la commission mixte paritaire se réunira dans les toutes prochaines semaines à cette fin. Je continuerai le travail en ce sens.
Madame la présidente de la commission des affaires économiques, nous poursuivrons le « puzzle », d’abord avec l’examen de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements, ensuite avec d’autres textes prochainement en discussion. Je serai très heureux d’avancer sur ces questions dans un travail de coconstruction avec le Parlement que j’appelle de tout cœur de mes vœux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
5
Transformation des bureaux en logements
Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements (proposition n° 406, texte de la commission n° 598, rapport n° 597, avis n° 594).
Discussion générale
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, on ne se quitte plus ! (Sourires.)
Nous venons de renforcer la régulation des meublés de tourisme et de faciliter l’accès de nos concitoyens à une offre de logements pérenne et abordable. La proposition de loi qui vient d’être adoptée a montré l’importance du travail à accomplir, afin que le recours à ces dispositifs soit non seulement optimisé, mais aussi adapté aux besoins des territoires et des habitants.
Nous sommes désormais réunis pour poursuivre ce « puzzle » qui vous est cher, madame la présidente de la commission des affaires économiques, et, cette fois, optimiser l’utilisation des bâtiments existants et faciliter leur transformation en logements dans tous les territoires où les élus le jugeront pertinent. Ce qui importe, c’est de finir le puzzle afin d’avoir un tableau complet. Nous sommes en train d’y contribuer.
Sans attendre, je tiens à saluer le travail réalisé par les rapporteurs, Mme la sénatrice Berthet et M. le sénateur Sautarel, car les précisions apportées par l’adoption de vingt-six amendements en commission ont considérablement enrichi cette proposition de loi.
Je tiens bien sûr à citer ici le député Romain Daubié, à l’origine de ce texte utile et pragmatique sur lequel un large consensus politique peut se dégager, ainsi que l’a montré le vote à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 7 mars dernier.
Vous le savez, les nouvelles organisations du travail que nous connaissons depuis la crise sanitaire ont conduit à rendre vacants un nombre important de bureaux, notamment en périphérie de grandes métropoles. En Île-de-France, le taux de vacance atteint près de 10 % ; en d’autres termes, un bureau sur dix est inoccupé depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, et ne trouve pas preneur. Ce taux est proche de 5 % dans plusieurs autres métropoles du pays.
En parallèle, ce sont aussi dans ces zones que se concentrent de nombreux besoins en logements. Peut-on se satisfaire aujourd’hui que des bureaux soient vides et que des salariés dorment dans leur voiture ? Je ne le crois pas.
Le Gouvernement a déjà agi pour faire face à cette situation. Dès 2018, Julien Denormandie, alors ministre chargé de la ville et du logement, a signé un pacte pour transformer 500 000 mètres carrés de bureaux en logements. Cinq ans après, ce pacte a porté ses fruits, avec plus de 400 000 mètres carrés transformés.
C’est aussi Julien Denormandie qui, avec Action Logement, a acté la création de la Foncière de transformation immobilière. Outil majeur de la transformation, doté de 1,5 milliard d’euros, cette structure a permis plusieurs dizaines d’opérations, dont une large part a concerné des logements pour les étudiants, montrant ainsi la capacité d’action du groupe au service du développement de l’offre de logements.
Il nous faut désormais passer à la vitesse supérieure, car ce rythme est insuffisant face à la croissance structurelle de la vacance de bureaux dans certaines zones. Tel est l’objet du texte qui est soumis à l’examen de la Haute Assemblée ce soir et qui permettra, par ses douze articles, de faciliter la transformation de bâtiments en logements, en simplifiant les procédures et en améliorant le financement de ces opérations souvent complexes.
Simplifier les procédures, c’est la priorité qu’a fixée le Premier ministre. Pour le logement, cela se traduit par des mesures réglementaires – j’ai d’ailleurs présenté ce matin en conseil des ministres un décret pour créer le certificat de projet, qui engagera l’administration à donner des informations complètes sur les procédures auquel un projet est soumis – et par des mesures législatives. Certaines d’entre elles figureront dans le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables, qui sera prochainement discuté dans cet hémicycle.
Cette ambition se traduit déjà dans la présente proposition de loi.
Concrètement, l’article 1er permettra de déroger aux zonages fixés dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) pour transformer un bâtiment en logement. D’ailleurs, la commission des affaires économiques, sous l’impulsion de sa rapporteure, a largement étendu les cas d’usage de ces dérogations, non seulement en matière d’autorisations éligibles, au-delà du seul permis de construire, mais aussi en matière de bâtiments, pour traiter, au-delà du cas des bureaux, le cas des bâtiments à usage autre que celui d’habitation. Bien sûr, la dérogation ne sera pas un blanc-seing, puisqu’elle restera à la main des élus locaux, mais elle permettra de gagner six à douze mois en évitant des révisions de PLU parfois lourdes et complexes et peu adaptées face aux besoins de logements et de transformations de certains territoires.
Les articles 6 et 7 faciliteront également la transformation de bureaux en logements dans les copropriétés. Après avoir facilité la prévention de la dégradation dans une loi spécifique, après avoir appréhendé ensemble la question des meublés de tourisme en copropriété, voilà une nouvelle preuve que la copropriété peut faire l’objet d’assouplissements pragmatiques, dans le respect du droit de propriété, pour adapter la démocratie des copropriétaires à la prise de décisions d’intérêt général.
L’article 4 constitue à mon sens l’un des articles clés de cette proposition de loi. Il prépare l’avenir en tirant les leçons du passé. Il pérennise et élargit une innovation introduite pour les jeux Olympiques : le permis de construire à multidestinations.
Dans le cadre des jeux Olympiques, cela a permis de produire des bâtiments qui sont aujourd’hui le Village des athlètes et le Village des médias et qui, dès la fin de cet événement sportif, se transformeront en plusieurs centaines de logements de qualité, une large part d’entre eux devenant des logements abordables.
Ce texte permettra d’élargir cet héritage des jeux Olympiques, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République de dupliquer ces procédures innovantes. Nous l’avons fait dans le cadre de la loi visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, dite loi Habitat dégradé, pour les procédures d’aménagement, et nous le faisons dans le cadre de ce texte, pour les autorisations d’urbanisme. Concrètement, cela doit permettre d’adapter les destinations des bâtiments au fil des besoins.
En commission, la rapporteure a complété un débat, qui avait déjà émergé à l’Assemblée nationale, sur les possibilités de contrôle par les élus locaux au moment du changement de destination. Je partage la crainte que, longtemps après la délivrance du permis, le quartier ait pu changer et devenir inadapté à une transformation en logement.
L’Assemblée nationale a introduit une information pour le maire. Sans doute faut-il aller plus loin, en gardant à l’esprit le besoin de visibilité pour les investisseurs. C’est pourquoi je défendrai un amendement en faveur d’une durée plus longue pour transformer librement, en passant la durée minimale de dix ans à vingt ans et la durée maximale de vingt ans à cinquante ans.
Cela aurait par exemple permis que les bureaux aujourd’hui vacants en Île-de-France, construits pour beaucoup dans les années 1990, soient transformés en logements en quelques mois, ce qui n’aurait pas été le cas avec les durées qu’a retenues la commission. Faisons confiance aux porteurs de projet et ne bridons pas l’initiative, alors même que ces projets seront, au départ, complexes et difficiles.
Enfin, je mentionne une dernière simplification, qui concerne les logements pour les étudiants. C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, car je sais l’importance que les études ont dans le parcours social et professionnel de nos jeunes. D’ailleurs, avec ma collègue Sylvie Retailleau, je souhaite redynamiser la production de logements pour les étudiants, et je réunirai prochainement les acteurs à cette fin.
Sans attendre, cette proposition de loi permettra de faciliter ces projets.
D’abord, elle facilitera les procédures administratives des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les Crous, qui sont des acteurs importants du logement pour les étudiants, en permettant de recourir à la conception-réalisation qui, dans certains cas, peut accélérer la production de logements.
Ensuite, le texte permettra aux projets de logements étudiants de bénéficier des bonus de constructibilité dérogatoires que les élus locaux peuvent définir dans certains secteurs. Ces bonus profitent aujourd’hui uniquement aux logements sociaux, et donc pas aux logements des Crous. Tel était l’objet de l’amendement adopté à l’Assemblée nationale. La commission, sous l’égide de Mme la rapporteure, a souhaité étendre cette mesure à toutes les résidences étudiantes.
Je me réjouis évidemment du soutien à la production de logements pour les étudiants, et j’espère que nous poursuivrons ce travail ensemble, mesdames, messieurs les sénateurs. Je me réjouis aussi de la volonté de votre assemblée de faciliter les dérogations et la maximisation de la constructibilité des projets, dans la continuité de propositions formulées par la mission d’information conduite par Mmes Estrosi Sassone, Artigalas et Gacquerre – qui sera rapporteure du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables.
Toutefois, je crois que l’ampleur de la dérogation envisagée nécessite une discussion plus large qu’il sera utile d’avoir lors de l’examen du projet de loi Logement abordable : il convient d’acter un premier pas avec les Crous et de prolonger le débat sur la constructibilité dans les prochaines semaines. C’est ce que je proposerai par le biais d’un amendement lors de la discussion des articles.
La proposition de loi facilitera également le financement des projets de transformation de bâtiments en logements.
En la matière, trois freins surgissent de manière récurrente : la complexité des procédures administratives, les freins techniques et le coût des opérations – coût des travaux pour les acteurs de la construction, mais aussi coût pour les élus locaux, en matière d’équipements publics notamment.
Le texte apporte des réponses aux attentes des élus locaux. À l’Assemblée nationale, le projet urbain partenarial a été étendu aux opérations de transformation de bureaux en logements : cela permettra qu’élus locaux et porteurs de projets s’accordent sur les équipements à financer et la répartition des dépenses. Je sais que les petites collectivités ont parfois plus de difficultés à se saisir de ces outils partenariaux, malgré l’appui de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou d’autres établissements de l’État, dont nous discuterons d’ailleurs tout à l’heure lors de l’examen d’un amendement du sénateur Redon-Sarrazy.
C’est aussi la raison pour laquelle l’article 2, relatif à la taxe d’aménagement, apporte une réponse utile, qui aura le mérite de la prévisibilité. Je regrette toutefois que cette réponse figure dans un texte ordinaire, qui empêche l’appréhension globale du sujet que permet un projet de loi de finances.
D’ailleurs, je crains que cette proposition de loi n’épuise pas la question fiscale et que nous ne soyons contraints d’y revenir dans le cadre du projet de loi de finances. Néanmoins, l’option proposée donnera un outil bienvenu pour les collectivités locales, en particulier les communes.
En contrepartie, les porteurs de projets qui sont avancés dans leur projet de transformation bénéficieront d’une exonération de taxe sur les bureaux vacants. Cela concernera les régions d’Île-de-France et de Provence-Alpes-Côte d’Azur, seules régions où cette taxe s’applique, qui sont aussi les plus dotées en bureaux.
Cette disposition, si elle figure aussi dans un texte ordinaire où elle n’a pas directement sa place, permet d’atteindre un équilibre ingénieux pour que les porteurs de projets puissent ajuster leurs opérations malgré le surcroît de taxe d’aménagement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, lors de mon audition devant la commission des affaires économiques, mercredi dernier, nous avons discuté de la vision à avoir du monde du logement et de sa traduction législative.
Aujourd’hui, nous avons la preuve qu’il est possible d’articuler une vision large et une méthode pragmatique, avec des textes courts déposés par des parlementaires.
C’est le cas avec ce texte, qui constitue une étape supplémentaire pour concrétiser la vision que je défends, celle d’une politique pour loger tous les Français, en augmentant l’offre de logements par tous les moyens possibles, en simplifiant les procédures et en faisant confiance aux acteurs, en premier lieu les élus locaux.
Il s’agit d’une étape du choc de l’offre.
Madame la présidente de la commission des affaires économiques, tout à l’heure, vous avez cité Audiard. À mon tour de le faire : « Il n’y a pas que les aigles qui atteignent des sommets, les escargots aussi, mais ils en bavent. » (Sourires.)
Précisément, par ce texte, nous continuons à essayer d’atteindre les sommets : je l’ai dit, il s’agit d’une étape du choc de l’offre ! Si les 5 millions de mètres carrés de bureaux vacants d’Île-de-France étaient transformés en logements, près de 70 000 logements seraient mis sur le marché, soit plus d’une année de production.
Ce texte est une brique de décentralisation : il ne comporte aucune contrainte nouvelle pour les élus locaux. On y trouve uniquement des pouvoirs nouveaux, davantage de souplesse et des moyens supplémentaires pour financer la réalisation d’équipements.
Ce texte est une nouvelle preuve que la simplification est possible. Il contient des mesures pragmatiques visant à libérer les porteurs de projet et à apporter des solutions les plus concrètes possible.
Telle est la méthode que je revendique, celle qui a présidé à l’élaboration du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables, texte que le Sénat examinera dans quelques semaines, et celle qui, je l’espère, prévaudra dans le cadre de nos travaux conjoints. Nous avons déjà passé beaucoup d’heures ensemble, mais il reste encore beaucoup à faire pour répondre aux attentes de nos compatriotes qui cherchent à se loger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)