M. le président. Je mets aux voix l’ensemble des articles ayant fait l’objet de la procédure de législation en commission.
(Les articles 1er, 2, 4, 6, 7, 9, 11, 13, 14 et 17 à 19 sont adoptés, les articles 3, 5, 8, 10, 12 et 16 demeurant supprimés.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, nous passons aux explications de vote communes des groupes, à raison d’un orateur par groupe.
Je donne la parole à M. Pierre Jean Rochette, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, trop de textes, trop de normes, trop de contraintes : nous avons tous constaté, sur ces travées, l’inflation législative et normative, et nous l’avons tous dénoncée.
Ces textes toujours plus longs, amendés par centaines, nuisent en premier lieu à la compréhension et à l’efficacité des politiques publiques. Cette conviction est largement partagée ici, puisque cinq groupes ont cosigné cette proposition de loi, qui a donc un caractère transpartisan.
Comme de nombreux collègues, je suis régulièrement sollicité à ce sujet par les élus et les habitants de mon territoire. La loi est trop complexe, trop obscure et l’on s’y perd. Il arrive parfois que les fonctionnaires et les techniciens de notre pays ne s’y retrouvent pas, eux non plus, comme l’a rappelé hier le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau.
Il suffit également d’échanger avec le monde économique pour être convaincu du fait que cette complexité est un véritable frein à l’attractivité de notre pays. Le sac à dos législatif et normatif est trop lourd pour une société qui veut favoriser l’initiative entrepreneuriale.
Quant aux maires et aux autres élus locaux, ils se retrouvent souvent démunis. C’est pourtant simple : nos élus et nos concitoyens ont besoin de lisibilité pour mener à bien leurs missions. Le climat actuel de surenchère législative ne fait que les enliser davantage dans les difficultés et l’incompréhension.
Cette proposition de loi s’inscrit dans la droite ligne d’une initiative du Sénat, la bien nommée mission Balai, lancée en janvier 2018. Les « fossiles législatifs » – ainsi avaient-ils été alors dénommés – doivent être traqués et chassés de notre corpus juridique, déjà bien dodu.
Comme vous l’avez dit, chère Nathalie Delattre, deux premiers textes ont permis d’abroger 163 lois obsolètes, examinées de manière chronologique.
Le texte qui nous intéresse aujourd’hui innove par son approche sectorielle. L’ampleur de ses ambitions avait été soulignée par le Conseil d’État.
La rapporteure l’a dit, cette proposition de loi modifie une vingtaine de codes différents, en ciblant le droit des collectivités locales. Elle vise à atteindre les objectifs constitutionnels de clarté et d’accessibilité de la loi que nous appelons collectivement de nos vœux.
À cet égard, je tiens à saluer le travail de notre rapporteure. Ses nombreux amendements permettent, dans l’esprit de la mission Balai, de renforcer la visée simplificatrice du texte et de mieux répondre aux remarques du Conseil d’État.
Vous l’aurez compris, notre groupe porte un regard attentif et bienveillant sur ce texte. Plus encore, il y est favorable.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe Union Centriste.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, c’est avec un grand plaisir que je m’apprête à expliquer le vote du groupe Union Centriste sur cette proposition de loi Balai III.
Cette idée m’était venue voilà treize ans. J’avais en effet promis, lors de ma première élection au Sénat, d’œuvrer pour que, lors de l’examen de chaque nouveau texte, nous en supprimions deux anciens.
Je suis content de constater que l’Union européenne elle-même reprend ce principe pour ce qui concerne un certain nombre de normes ou de règles. Nous devons absolument suivre cette logique.
M’apercevant que ce projet était tout de même assez compliqué, j’avais d’abord adopté une démarche chronologique : de 1819 à 1940, puis de 1940 à 1980. Cette partie du travail était relativement simple, puisque les textes concernés ne contenaient aucun article susceptible de s’appliquer – dès lors, il était assez facile de les supprimer.
Avec la présente proposition de loi, nous avons quelque peu modifié notre logique, en suivant une démarche davantage sectorielle, ou thématique. Nous nous sommes alors aperçus que le travail était beaucoup plus compliqué.
Je tiens à cet égard à remercier la commission des lois, Mme la rapporteure, mais aussi le Conseil d’État, qui a passé beaucoup de temps à étudier cette proposition de loi. J’ai eu l’occasion d’assister à ses travaux, au niveau tant de la section que de l’Assemblée générale, et j’ai été sensible aux remarques portant sur le temps qu’il convenait de consacrer à ce travail et sur son utilité.
J’ai souhaité aller au bout de la réflexion sur cette proposition de loi Balai III, parce que le plus gros du travail était déjà fait. Mais nous devrons, pour la suite, continuer de nous interroger sur ce sujet, d’autant que le président Gérard Larcher a repris dans le programme portant sur les trois années à venir cette volonté d’améliorer la lisibilité du droit et de simplifier les textes.
Pour ce qui est du groupe Union Centriste, je veux tout d’abord remercier Denise Saint-Pé de sa vigilance, car elle nous a permis de corriger une erreur matérielle bien involontaire. Les articles que nous avons examinés étant très nombreux, nous avons pu laisser échapper quelques petites scories… Notre groupe, bien sûr, votera ce texte.
Nous devons poursuivre ces travaux. Il y a, selon moi, deux pistes à explorer.
Première piste : pour chaque nouveau texte examiné, il faudrait supprimer au moins deux textes anciens, et pour cela travailler en amont. Je pense notamment au projet de loi sur le logement qui nous sera bientôt soumis : il conviendrait de relever dans deux anciennes lois relatives au logement les articles qui s’appliquent encore, ce qui permettrait, par ailleurs, d’en débattre de nouveau.
Deuxième piste : la démarche historique. Dans les textes éliminés, il conviendrait de trouver les articles susceptibles de s’appliquer et de les reprendre sous forme d’amendements si l’on considère que c’est nécessaire, et ce au moment opportun. Ce serait une façon de réduire l’« ancienneté » de nos textes, de les actualiser, de les moderniser.
Il me semble que ces deux pistes sont intéressantes et que nous devrions y réfléchir collectivement. Pour ma part, j’alerterai le président du Sénat sur ces sujets afin que soient envisagés les moyens permettant de faire aboutir ce travail qui sera utile et apprécié par nos compatriotes. Car si nul n’est censé ignorer la loi, comme on le dit souvent, nombre de nos concitoyens ont du mal à s’y retrouver. Il serait bon de leur faciliter la tâche.
Cela ne se fera certes pas d’un coup de baguette magique, personne n’étant capable de dire aujourd’hui combien de textes sont en vigueur ! J’avancerais le nombre approximatif de 11 000 lois, mais on ne le sait pas précisément…
Il est important de continuer de travailler dans cet esprit pour aboutir à une meilleure lisibilité des lois, la plupart du temps à droit constant comme on l’a fait jusqu’à présent. Je suis disponible pour poursuivre cette tâche.
Je sais que l’une des clés de la réussite est la persévérance, et je suis persévérant ! (Mme la rapporteure opine.) Je continuerai donc de défendre les idées que j’ai développées et que j’essaye de partager dans mon département. Agir de même, collectivement, au Sénat, serait faire œuvre utile pour la France en général, et pour notre assemblée en particulier.
Je tiens à remercier mes collègues d’avoir tenu des propos aussi agréables à mon endroit et sur cette initiative et de soutenir ce texte. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette démarche du Sénat l’honore et ancre un peu plus son rôle dans la bonne santé de notre démocratie, ce qui est une bonne chose.
Comme l’a rappelé la rapporteure, les deux précédents textes – lois Balai I et Balai II –, « adoptés avec le soutien de la commission, poursuivaient les objectifs constitutionnels de clarté, d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, à travers la réduction de la quantité de normes applicables, afin d’éviter tout risque de confusion avec des lois ultérieures et d’améliorer la lisibilité de notre droit ».
Le groupe écologiste a déjà eu l’occasion de saluer la mise en place de la mission dite Balai du Sénat, dont le nom assez explicite reflète l’ambition de se débarrasser des lois inutiles, que d’aucuns qualifient de « fossiles législatifs ». Depuis 2018, notre assemblée a procédé par deux fois à un toilettage législatif aussi important que nécessaire.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, rien ne sert de répéter l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » lorsque la frénésie du législateur ne permet plus raisonnablement à nos collectivités territoriales de connaître l’ensemble des textes qui s’y appliquent ; car il y a ceux qui ne devraient plus exister et d’autres, votés récemment, qui n’ont jamais été appliqués, faute – entre autres – de décrets d’application… Ce sujet est régulièrement évoqué, y compris au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, car c’est un réel problème pour toutes nos collectivités.
Trop de lois peuvent naître d’effets d’affichage, exploités davantage à des fins politiques que pour la mise en place de normes importantes.
Je salue le travail minutieux de notre rapporteure, Nathalie Delattre, et de la commission des lois dans son ensemble. C’est un sacré boulot qui a été abattu !
Nous devrions faire preuve de retenue lorsque nous écrivons le droit, l’inflation législative étant un écueil dont la responsabilité revient au Gouvernement comme au Parlement. Nous peinons parfois à contourner la règle « un fait divers, une loi », mais nous devons sortir de ce cycle infernal. Nous sommes encore trop enclins à réagir aux événements extérieurs, plutôt qu’à élaborer des lois respectueuses et constructives.
Je rappelle au Gouvernement, à l’instar de Vincent Delahaye, qu’il était précisé dans sa circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact : « Toute nouvelle norme réglementaire doit être compensée par la suppression ou, en cas d’impossibilité avérée, la simplification d’au moins deux normes existantes. »
Le ministre avait également dit, lors de l’examen de la première loi Balai, avoir « décidé d’insérer, dans chaque projet de loi, un volet dédié à la simplification ». Je ne me souviens pas d’avoir vu de tels volets dans les projets de loi que nous avons eu l’occasion d’examiner depuis…
Une fois passée la déception des promesses non tenues de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS – le S signifiant « simplification » –, j’ai eu l’occasion d’auditionner, au sein de la délégation aux collectivités territoriales, sous la présidence de Françoise Gatel, que je salue, de nombreux élus locaux. Nous voulions qu’ils nous fassent part clairement des difficultés rencontrées par nos collectivités pour appliquer les lois. Ces élus naviguent dans les méandres des normes applicables et y perdent une grande part de leur énergie, pourtant indispensable pour avancer sur des sujets aussi essentiels que la transition énergétique, écologique et environnementale.
Je salue donc cette proposition de loi qui, au-delà de la simple abrogation, codifie certaines mesures visant à atteindre les objectifs constitutionnels de clarté, d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. Ces codifications ont trait, par exemple, aux contrats des collectivités locales. Je pense notamment à l’article 10, relatif à la réduction de la consommation de plastiques à usage unique dans les achats publics.
À cet égard, mon groupe regrette fortement le retrait de l’ordre du jour de la proposition de loi visant à lutter contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé, figurant dans la niche du groupe UC, qui devait être examinée aujourd’hui. Mon collègue Jacques Fernique avait beaucoup travaillé sur ce texte, adopté à l’Assemblée nationale, que nous aurions volontiers soutenu.
Au-delà des clivages politiques, nous serons sans doute unanimes pour voter cette proposition de loi visant à assurer une meilleure lisibilité du droit et à faciliter le travail des collectivités. J’invite le Gouvernement à continuer, voire à amplifier le processus de codification permettant un accès facilité et lisible au droit applicable.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, le Président de la République a peu pris le temps de s’enquérir de la situation des maires, si ce n’est peut-être en les rangeant dans la catégorie de « ceux qui veulent agir et qui sont empêchés », pour paraphraser son propos. Il a estimé qu’« il y a encore trop de complexités qui découragent les entrepreneurs, les industriels, les commerçants, les agriculteurs, les artisans, les maires ». Si les maires sont derniers de cette liste, ce n’est pas un hasard…
Derrière ce propos sur la simplification, prenons garde aux raccourcis simplistes. Les maires connaissent les contraintes qui pèsent sur leurs mandats. À quelle place se situe la thématique des marges de manœuvre financières ?
Un maire sans argent est un maire sans pouvoir, démuni face à sa population. Si le Président l’ignore, pour notre part, nous le savons en tant que représentants de ces élus.
Ainsi, depuis 2010, la perte des recettes du bloc communal atteint 72 milliards d’euros du fait de la baisse et de la non-indexation sur l’inflation de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Demandons aux maires ce qu’ils ressentent face à la dépossession du levier fiscal, depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron.
La recentralisation de la fiscalité locale, rendue possible par la loi organique de 2004, permet à l’État de transférer une ressource propre sur laquelle les collectivités n’ont aucun pouvoir, qu’il s’agisse de l’assiette ou du taux. Les maires sont mis hors jeu des orientations fiscales, et donc financières, de leurs communes. Or, sans autonomie financière, quid d’une autonomie politique ?
C’est peu dire que le droit des collectivités est poussiéreux et qu’un troisième coup de balai s’imposait.
« Balai », je le rappelle, est l’acronyme désignant ces textes de simplification, rédigés sur l’initiative du Sénat, qui ont vocation à simplifier et corriger les dispositions législatives applicables aux collectivités territoriales. La présente proposition de loi prévoit ainsi quarante-trois abrogations totales ou partielles de textes figurant dans le CGCT et, en sus, l’abrogation totale ou partielle d’un peu moins de soixante-cinq lois ou ordonnances. Le groupe CRCE-K remercie le groupe Union Centriste de faire le travail du Gouvernement ! (Sourires.)
La rapporteure s’est attachée à respecter la loi, mais aussi le sens de celle-ci.
J’évoquerai, pour ma part, la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite loi Marcellin, remplacée par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui a créé le statut de commune nouvelle.
Au-delà des considérations politiques dont je pourrais vous faire part sur la suppression de la fusion-association, procédure qui permettait d’éviter la disparition des locaux municipaux et dont la disparition a éloigné, à certains endroits, les administrés de leur administration, je tiens à souligner que le remplacement d’une loi par une autre ne doit pas nécessairement se traduire par l’abrogation de la première.
Cette loi fondatrice enrayait un mouvement politique révolutionnaire, ébauché par un décret qui entérinait 44 000 municipalités sur le territoire des anciennes « paroisses », qui deviendront les « communes » en 1793.
Le droit est aussi une affaire de symbole. L’histoire du droit sera reconnaissante au législateur d’en conserver des traces, ses moments fondateurs et ses hésitations. Mais quelques constats supplémentaires s’imposent.
Selon le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), le coût financier de la réglementation que je viens d’évoquer, soit 2,5 milliards d’euros, a explosé entre 2019 et 2022. D’ailleurs, sur plus d’un millier d’avis émis sur ces textes, 102 ont été défavorables aux seuls motifs que lesdits textes niaient la concertation avec les représentants des élus ou qu’ils créaient des charges supplémentaires pour les collectivités territoriales.
Légiférer pour exister, par des textes à la portée normative plus que limitée, voilà qui mine la démocratie et entérine une forme d’impuissance à transformer la société.
Enfin, j’aimerais vous recommander, mes chers collègues, de cesser de renvoyer systématiquement au Gouvernement le pouvoir de faire la loi. L’ancien président du CNEN, Alain Lambert, alertait le Sénat en ces termes : « Une mesure simple va tomber entre les mains d’experts qui vont prévoir un dispositif et organiser un dispositif de contrôle à cracher le sang. […] Il y a donc bien des mesures que nous pouvons prendre pour alléger la réglementation qui frappe les collectivités. »
Mon groupe votera ce texte qui ne pose pas de difficultés majeures et dont l’adoption permettra d’élaguer un maquis législatif qui nuit notamment aux petites communes.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, voici donc le troisième volet de la saga « Balai », commencée en 2019, et qui a déjà donné lieu à deux initiatives sénatoriales : les lois du 11 décembre 2019 et du 14 février 2022 tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit.
Je crois que le Sénat peut se féliciter de ces travaux qui nous conduisent à examiner une proposition de loi Balai III dont le style se renouvelle malgré tout. En effet, il n’est plus seulement question d’un balayage chronologique : on vise ici une branche spécifique du droit, celui des collectivités territoriales. Par ailleurs, nous ouvrons un nouveau chantier : celui de la codification et non plus seulement de l’abrogation.
Je ressens une forme d’admiration face à ces travaux d’une particulière minutie. Nos collègues Nathalie Delattre et Vincent Delahaye sont parvenus à élaborer un texte marqué par une fouille précise et prudente.
Aussi, comme à chaque étape de ce balayage législatif, il faut saluer la vigilance dont a su faire preuve notre commission des lois, qui a scrupuleusement vérifié, pour chacun des textes, que leur abrogation n’entraînerait pas la moindre conséquence juridique. Il va de soi que l’effort de clarté ne doit pas s’accompagner d’un risque d’imprévisibilité : c’est un impératif de sécurité juridique.
L’article 15, qui égraine chronologiquement les lois à abroger, se lit presque avec mélancolie. Il nous propose un voyage dans l’histoire de l’administration sous la Ve République.
Je citerai, pêle-mêle, quelques-uns de ces textes : l’ordonnance du 5 janvier 1959 portant allégement du contrôle administratif sur les départements et simplification de l’administration départementale ; la loi du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines ; la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions ; la loi du 13 juillet 1987 modifiant les dispositions relatives à la fonction publique territoriale ; la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité… Plus d’un demi-siècle de décentralisation et de développement des territoires qui aura vu se renforcer, loi après loi, le fameux millefeuille administratif, avec la naissance des régions et le développement des intercommunalités, souvent au détriment des figures historiques que sont les communes et les départements.
La présente proposition de loi participe sans aucun doute à une décomplexification du droit, mais il y a encore du chemin à parcourir, notamment d’un point de vue institutionnel.
Pour ce qui concerne la codification, je veux saluer une nouveauté, qui différencie cette proposition de loi des précédentes. Il faut rappeler qu’elle est non pas un artifice législatif, mais un moyen « de rendre le droit plus simple, plus accessible et de meilleure qualité », pour reprendre les mots du premier rapport d’activité qu’avait rendu la Commission supérieure de codification en 1990.
L’histoire législative a été marquée par un élan codificateur durant les années 1990 et 2000. Plus récemment, le groupe RDSE, sur l’initiative de Nathalie Delattre, avait travaillé sur des mesures de codification concernant un tout autre sujet : la médiation judiciaire. Nous sommes donc particulièrement sensibles à cette initiative, surtout lorsqu’elle concerne le droit applicable à nos administrations locales.
Le Sénat, qui assure la représentation des collectivités territoriales de la République, a la responsabilité de répondre aux attentes de celles-ci. Car à ce besoin de clarification des compétences et des institutions s’ajoute celui de précision des règles elles-mêmes, loin des faux-semblants de la simplification.
Les enjeux sont fondamentaux : la complexité du droit va toujours de pair avec la complexification de la décision publique locale, dont nos concitoyens se désintéressent de plus en plus : de quoi nous inquiéter sur l’état de notre démocratie !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe RDSE votera unanimement en faveur de cette proposition de loi. (Mme Nathalie Delattre applaudit.)
M. Guy Benarroche. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à nous prononcer sur la proposition de loi que présente notre collègue Vincent Delahaye.
L’ambition que porte ce texte, comme son titre l’indique, est d’améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités territoriales. Sous des aspects très techniques, ce texte assume en définitive une ambition républicaine : rendre le droit clair, intelligible et accessible pour le citoyen.
Cet objectif de simplification emporte une large adhésion au sein de notre hémicycle. Simplifier notre droit en améliorant la lisibilité et, in fine, faciliter l’action publique pour la rendre plus efficace : de tels objectifs, dont ce texte participe, font consensus au Sénat.
Ce texte parachève la démarche volontaire de notre assemblée en matière de simplification législative. La mission du bureau d’abrogation des lois anciennes et inutiles, dite mission Balai, créée en 2018, a permis l’adoption de deux précédentes lois de clarification de la norme.
Je salue le travail méticuleux mené par notre collègue Vincent Delahaye et par Mme la rapporteure Nathalie Delattre. Abroger des dispositions en vigueur s’est révélé être une tâche minutieuse. La commission a œuvré en responsabilité pour préserver la stabilité et la sécurité juridiques.
Cette volonté de simplification est partagée depuis 2017 par le Président de la République, qui s’est déclaré favorable à une maîtrise du flux législatif. C’est en substance cette même volonté qui l’anime lorsqu’il affirme vouloir incarner « la France du bon sens, plutôt que la France du tracas ».
Depuis le premier quinquennat, le Gouvernement a lui aussi pris part au chantier de simplification. La loi Essoc, la loi Pacte et la loi Asap ont supprimé des comités Théodule et simplifié les démarches administratives.
Le Gouvernement a instauré la règle dite du deux pour un, selon laquelle chaque norme autonome produite doit s’accompagner de l’abrogation de deux normes existantes. Car si nul n’est censé ignorer la loi, encore faut-il que celle-ci soit claire et accessible. Or nous constatons tous que l’inflation législative, l’empilement des normes et leur complexité peuvent rendre la loi illisible pour la plupart de nos concitoyens.
Ce défaut de clarté normative pénalise non seulement le citoyen, mais aussi les élus locaux. Dans nos circonscriptions, certains d’entre eux confessent se sentir dépossédés de leur mission face à cette profusion de normes.
Je souhaite attirer votre attention sur la situation des élus et des citoyens en outre-mer, pour qui ces difficultés sont souvent décuplées, madame la ministre. Aussi plaidons-nous, avec le groupe RDPI, pour un travail de fond sur ces difficultés propres aux outre-mer.
Pour ce troisième volet de la loi Balai, pour lequel nos efforts de simplification sont axés sur le droit applicable aux collectivités territoriales, une approche sectorielle a été retenue. Le groupe RDPI soutient cette approche et reconnaît l’importance d’actualiser et de simplifier le cadre juridique régissant nos collectivités territoriales.
En conclusion, le groupe RDPI soutient pleinement cette proposition de loi, en particulier pour son ambition renforcée et son approche sectorielle centrée sur le droit des collectivités territoriales. Nous sommes convaincus que cette initiative contribuera significativement à la clarté, à l’intelligibilité et à l’accessibilité du droit, conformément aux objectifs constitutionnels que nous partageons tous. (Mme la rapporteure applaudit.)
M. Guy Benarroche. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Christophe Chaillou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme cela a été dit à plusieurs reprises, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui selon la procédure de législation en commission est une réponse à la volonté du Sénat d’améliorer à la fois la qualité et la lisibilité de la loi s’appliquant aux collectivités territoriales.
Ce travail est issu d’une mission de simplification législative, dite mission Balai, créée par le bureau du Sénat en 2018, qui visait initialement à améliorer la lisibilité du droit en identifiant puis en proposant l’abrogation de dispositions législatives devenues obsolètes.
Les deux premières propositions de loi d’abrogation ont été promulguées en 2019 et 2022. Ce texte, qui est donc le troisième à être issu des travaux de cette mission, diffère des deux premiers pour trois raisons.
Premièrement, il s’agit d’un texte thématique, qui concerne le droit des collectivités territoriales.
Deuxièmement, pour ce qui concerne la méthode, cette proposition de loi vise à toiletter le droit de 1980 à nos jours. Il est d’ailleurs savoureux de constater que le Sénat ait à recodifier, voire à abroger partiellement la loi Agec – aux articles 8, 10 et 15 du présent texte –, votée voilà seulement quatre ans, soit très récemment.
Cela pose à l’évidence la question des conditions dans lesquelles le Gouvernement travaille comme celle des conditions dans lesquelles nous légiférons, à savoir, pour l’essentiel depuis sept ans, dans le cadre de la procédure accélérée, ce qui nuit à la qualité des travaux de la navette parlementaire.
Ce séquençage temporel emporte aussi un changement de méthode. Les auteurs des deux premiers textes de la mission Balai avaient fait le choix de n’abroger que des lois entières, en conséquence de quoi il suffisait qu’un seul article d’une loi continue à produire ses effets pour écarter le texte entier du champ des abrogations proposées.
Ce n’est plus le cas avec cette troisième proposition de loi, puisque sont désormais proposées des abrogations partielles, avec pour effet possible de conserver une loi dont l’essentiel du contenu serait abrogé et qui ne se limiterait alors plus qu’à quelques articles, voire à un seul.
Troisièmement, toujours au regard de la méthode, les auteurs de cette proposition de loi ont recodifié ou corrigé certaines dispositions.
Le texte initial – force est de le constater – comportait des mesures de codification qui auraient pu modifier le sens du droit ou compromettre sa lisibilité, soit l’inverse de l’effet recherché.
Tout comme Mme la rapporteure, le chef de file de notre groupe s’est attaché à corriger cet écueil lors des travaux de la commission. Sur le fondement de notre analyse, nous avons proposé des amendements tendant notamment à appliquer certaines préconisations de l’avis du Conseil d’État. Un certain nombre de nos amendements ont été adoptés en commission.
Nous avons particulièrement veillé à ce que cette proposition de loi ne porte que sur des éléments réellement obsolètes et à ce qu’elle ne contribue pas à complexifier le droit existant. Nous avions en effet quelques incertitudes au regard des modifications proposées sur le droit applicable aux territoires ultramarins.
Nous avons par ailleurs demandé l’abrogation d’un article de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, dite loi Defferre, et rappelant notre attachement symbolique aux dispositions de la loi Marcellin, nous avons déposé un amendement de suppression visant à maintenir ces dernières. De manière générale, nous sommes favorables à un certain nombre d’amendements qui ont été adoptés.
Vous l’aurez compris, chers collègues, nous soutenons bien évidemment l’état d’esprit général de ce travail de simplification auquel les collectivités comme nos concitoyens sont attachés. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera donc en faveur de ce texte.