compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaires :
Mme Sonia de La Provôté,
M. Mickaël Vallet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Le président du Sénat ne peut présider notre séance, car il effectue actuellement un déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens, accompagné d’une délégation sénatoriale composée des présidents des groupes politiques et des présidents des groupes d’amitié France-Israël et France-Palestine.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du Bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
projet de loi relatif à l’immigration
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Madame la Première Ministre, vous vous seriez vantée, il y a peu, d’avoir réussi en quelques jours ce que Gérald Darmanin n’avait pas su faire en un an.
Mais à quel prix ! Vous avez jeté la majorité présidentielle et le pays dans les bras du Front national. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Joshua Hochart s’exclame.)
Au soir de son élection face à Marine Le Pen, grâce aux voix de la gauche, Emmanuel Macron promettait d’être un barrage contre le Front national et ses idées. Il ajoutait : « J’ai conscience que ce vote m’oblige. » Aujourd’hui, l’extrême droite n’a plus besoin d’être élue : vous appliquez son programme et faites vôtre la préférence nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous affirmez pourtant que ce projet de loi est conforme à vos valeurs.
Madame la première ministre, supprimer l’aide médicale de l’État (AME), est-ce conforme à vos valeurs ?
Priver des étrangers en situation régulière de prestations sociales, est-ce conforme à vos valeurs ?
Fermer la porte de nos universités aux étudiants étrangers, est-ce conforme à vos valeurs ?
Écarter les étrangers des dispositifs d’hébergement d’urgence, est-ce conforme à vos valeurs ?
Soutenir un texte dont plus de vingt mesures sont inconstitutionnelles, est-ce conforme à vos valeurs ?
Vous vanter de ne pas respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), est-ce conforme à vos valeurs ?
Madame la Première ministre, ressaisissez-vous ! Vous devez mettre un terme à cette dérive que, pour notre part, nous ne cesserons jamais de combattre ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice de La Gontrie, votre vision du texte adopté hier par le Sénat et par l’Assemblée nationale est extrêmement partiale et partielle.
Non, il n’y a pas de fermeture de nos frontières aux étudiants étrangers désirant se former en France. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. C’est dans votre texte, assumez-le !
M. Rémi Cardon. Et la caution ? Menteur !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il y a seulement une volonté du législateur de vérifier que ces personnes n’abusent pas de la grande générosité de la France. Le Président de la République a fixé à 100 000 le nombre d’étrangers qui pourront étudier en France chaque année – ce que vous n’aviez jamais fait lorsque vous étiez aux responsabilités.
M. Hussein Bourgi. Écoutez Mme Retailleau !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il n’y a pas de suppression de l’AME.
Il n’y a pas de suppression du titre de séjour dit étranger malade. (Marques d’ironie sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Yannick Jadot. « Sagesse » !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il y a en revanche dans ce texte tout ce que vous n’avez pas fait quand vous étiez aux responsabilités. Vous avez voté hier contre la régularisation des personnes sans-papiers qui travaillent dans nos entreprises ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Voilà ce qu’on retiendra de la Nupes, dont vous faites partie ! (Éclats de rire sur les travées du groupe SER.)
M. Mickaël Vallet. Il n’y a pas de Nupes, ici !
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame de La Gontrie, vous avez voté contre un texte qui, pour la première fois, interdit le placement de mineurs en centre de rétention administrative (CRA). Voilà ce que l’on retiendra de votre position ! Mais il n’est pas très étonnant que vous agissiez ainsi : la Nupes, à l’Assemblée nationale – sans doute sur votre recommandation –,…
MM. Fabien Gay et Hussein Bourgi. Vous êtes au Sénat, pas à l’Assemblée nationale !
M. Éric Kerrouche. Vous vous trompez d’hémicycle !
M. Gérald Darmanin, ministre. … a mêlé ses voix à celles du Rassemblement national pour ne pas discuter du texte. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Vous n’obtenez que le fruit de votre petite politique politicienne. Mais nous, hier, nous avons su faire adopter un texte, sans compter les voix du Rassemblement national, car nous avons le sens de l’honneur, alors que vous n’avez que le sens de la petite politique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Huées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le ministre, je connais bien ce texte : j’ai passé quatorze heures en commission mixte paritaire. Si vous ne croyez pas ce que je viens de vous dire ou si vous pensez que c’est un mensonge (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), écoutez les présidents d’universités et les responsables de grandes écoles ! (Voilà ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. Écoutez Mme Retailleau !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Concernant la suppression de l’AME, vous pouviez attendre que le Conseil constitutionnel censure cette disposition. La Première ministre s’est donc engagée à réformer l’AME, et Aurélien Rousseau a démissionné ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Enfin, la Convention européenne des droits de l’homme vous interdit d’ores et déjà de placer des mineurs en centre de rétention administratif ! Cette mesure n’est qu’une habileté.
Monsieur le ministre, madame la Première ministre, rappelez-vous le mot de Churchill : « Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre ! » (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est sans doute aujourd’hui ce que vous êtes en train de faire. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Huées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jérôme Durain. Ce n’est pas glorieux !
M. Olivier Paccaud. On se croirait à l’Assemblée nationale !
retrait du projet de loi relatif à l’immigration
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. Fabien Gay. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Madame la première ministre, avec cette commission mixte paritaire sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, vous n’avez pas seulement divisé votre majorité et le Parlement : vous avez une nouvelle fois fracturé notre République en instrumentalisant les colères populaires nées des multiples crises que nous traversons et en désignant les étrangers comme boucs émissaires.
Alors que des millions de nos concitoyens ont voté pour Emmanuel Macron au second tour, pensant faire barrage aux idées de l’extrême droite, ils découvrent ce matin le tapis rouge que vous lui avez déroulé avec cette loi de stigmatisation et de paupérisation de tous les étrangers : durcissement du regroupement familial, du droit du sol, des conditions d’accueil des étudiants ; instauration de quotas ; rétablissement du délit de séjour irrégulier…
Cette commission mixte paritaire, directement pilotée par l’Élysée, au mépris de la séparation des pouvoirs, est en fait un nouvel accord de gouvernement entre vous et la majorité de droite radicalisée sur un programme lepéniste des années 1980. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ne vous offusquez pas, chers collègues, car l’instauration de la préférence nationale pour les prestations sociales, c’est bien du Jean-Marie Le Pen !
J’alerte nos compatriotes qui pensent que leur situation personnelle peut s’améliorer avec la préférence nationale : qu’ils se souviennent bien que le recul des droits des étrangers précède toujours le recul des droits de toutes et de tous.
M. Max Brisson. Et vous savez de quoi vous parlez !
M. Fabien Gay. Cette loi est une souillure pour notre pays. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.) La France ne sera jamais une nation ethnique : elle reste une nation politique, qui repose sur des valeurs – liberté, égalité, fraternité – et sur une longue tradition d’accueil. Elle s’est construite aussi avec les vagues d’immigration, ne vous en déplaise !
Madame la Première ministre, renoncez à promulguer cette loi et n’inscrivez pas à l’ordre du jour la suppression de l’aide médicale de l’État l’année même où notre pays va faire entrer au Panthéon Missak et Mélinée Manouchian. Vous éviteriez ainsi d’ajouter du déshonneur à l’infamie dont vous êtes les seuls responsables ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, ces murs ont des oreilles, mais aussi une mémoire. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Mickaël Vallet. La nôtre remonte à plus loin !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous arrivons avec un texte ; il ne vous plaît pas. Au fond, en démocratie, vous avez bien le droit de ne pas être d’accord avec ce que nous proposons.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Encore heureux !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mais vous ne voulez pas débattre ! (Si ! sur les travées du groupe SER.)
Avez-vous déposé un amendement, deux amendements ? (Vives exclamations le confirmant sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Laissez-moi terminer ! (Le brouhaha s’intensifie.)
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’origine de la situation actuelle, c’est que vos amis de la Nupes… (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Plusieurs voix à gauche. Nous sommes au Sénat !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … et le Rassemblement national n’ont pas voulu débattre.
Le texte est arrivé ensuite au Sénat. Il est revenu devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, où les mêmes n’en ont pas voulu.
M. Jérôme Durain. Amusez-nous, monsieur le ministre !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En commission mixte paritaire, le Rassemblement national n’a rien proposé. Hier soir, il crie victoire et vous tombez dans le piège !
M. Rémi Cardon. Répondez à la question !
M. Franck Montaugé. Ça parle, ça parle…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mais c’est grâce à vous – ou à cause de vous – que nous en sommes là ! Si vous aviez accepté de débattre, la situation serait peut-être différente. (Huées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Jérôme Durain. Balivernes !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Enfin, j’entends les grands mots de « déshonneur »,… (Mêmes mouvements.)
M. le président. S’il vous plaît, laissez parler M. le garde des sceaux !
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous avons travaillé avec les LR : ils sont républicains ! Nous avons trouvé des compromis, car c’est ainsi que l’on fait lorsqu’on a une majorité relative. (M. le garde des sceaux se tourne vers les travées de droite.) Merci de nous avoir aidés à faire avancer ce texte,… (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Jérôme Durain. C’est Marine Le Pen qui vous remercie !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … même s’il ne nous convient pas totalement, mais c’est aussi la règle en démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Récemment, la presse a fait état de l’enrichissement spectaculaire de l’ancien ministre du numérique Cédric O, entré au capital de la société Mistral AI, dans laquelle les intérêts des sociétés et fonds d’investissement américains sont largement représentés.
Cette opération financière choque au sein même du comité intergouvernemental sur l’intelligence artificielle (IA) générative que vous avez lancé, madame la Première ministre. On sait que Cédric O et Mistral AI ont pesé, au sein de ce conseil, sur la position du Gouvernement français quant au projet de régulation de l’intelligence artificielle de la Commission européenne, qu’ils ont tenté d’affaiblir – une position bien entendu en phase avec celle des géants américains qui ont trouvé là leur meilleur avocat !
Comment est-il possible qu’un ancien ministre, parti pantoufler dans une entreprise qui défend forcément ses intérêts propres et ceux de ses actionnaires, puisse siéger dans ce comité, censé éclairer l’action publique dans ce domaine stratégique pour la France ?
Avec d’autres, il y remet en cause le rôle plus que jamais essentiel de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qui, protégeant nos libertés publiques, briderait prétendument l’innovation ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, GEST, SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du numérique.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique. C’est la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qui veille à l’absence de conflits d’intérêts des anciens membres du Gouvernement. Nous sommes tous ici soumis aux obligations déclaratives de la HATVP, et nous connaissons tous sa rigueur et sa diligence.
Madame Morin-Desailly, je ne voudrais pas que l’on puisse penser que la position de la France sur l’intelligence artificielle ait été dictée par des intérêts privés (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) d’une quelconque manière, qu’il s’agisse de ceux des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ou d’autres acteurs. Nous avons écouté toutes les parties prenantes, comme il est d’usage, avec l’intérêt général pour seul guide.
Par ailleurs, sous l’impulsion du Président de la République, c’est la France qui porte avec le plus d’ardeur le principe de souveraineté numérique en Europe, auquel vous êtes si attachée. C’est la France qui a convaincu ses partenaires européens que nous ne sommes pas condamnés à être des vassaux des Gafam. C’est encore la France qui a soutenu pour le cloud, les réseaux sociaux et les places de marché l’adoption des règles les plus exigeantes de l’histoire récente pour mettre fin à la suprématie des géants du numérique.
Avec Bruno le Maire,…
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Où est-il ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. … nous avons adopté, sur l’intelligence artificielle, une position radicalement favorable à l’innovation européenne.
Parce que nous avons pris un train de retard sur les Gafam, il nous faut désormais avoir un train d’avance sur l’intelligence artificielle afin de nous affranchir de leur emprise.
Parce que nous savons que la domination technologique précède la domination économique et politique, nous ne pouvons passer à côté de cette révolution numérique.
La meilleure protection que nous puissions offrir à nos concitoyens, à nos auteurs, à nos artistes et à nos journalistes est de concevoir en Europe des intelligences artificielles forgées au feu de nos grands principes.
Aussi, sous l’autorité de la Première ministre, nous poursuivrons les discussions dans cet esprit en veillant attentivement à préserver les capacités d’innovation européennes. Nous n’avons que faire des intérêts particuliers : seul nous importe l’intérêt national ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Vous défendez l’indéfendable, monsieur le ministre.
Il y a bien confusion des genres, voire conflit d’intérêts. M. O n’a pas déclaré ses investissements au sein de Mistral AI auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui l’avait déjà mis en garde ne pas se faire embaucher par Atos ou toute autre société technologique.
Les faits reprochés sont suffisamment sérieux pour que M. O ait été épinglé par le commissaire européen Thierry Breton, qui a déclaré que la start-up Mistral AI défendait tout sauf l’intérêt général !
Allez-vous donc assainir la situation ou laisser M. O continuer, comme il le faisait déjà lorsqu’il était ministre, à promouvoir les intérêts des acteurs extraeuropéens avant ceux de nos propres entreprises ?
Le meilleur exemple en est l’apologie de Microsoft, choisi pour la gestion de la plateforme de nos données de santé. Alors que l’Artificial Intelligence Act est en train d’être finalisé, prendrez-vous vos distances, monsieur le ministre, avec M. O ? Vous porterez-vous garant jusqu’au bout du juste équilibre entre soutien à l’innovation et respect de nos fondamentaux ?
Le secteur de la création et des médias notamment, très inquiet comme nous tous sur ces travées, compte sur vous. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER, GEST et CRCE-K.)
loi relative à l’immigration et situation politique globale
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. Guy Benarroche. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Madame la Première ministre, nous nous réveillons tous un peu groggy, inquiets et en colère. Le texte sur l’immigration va laisser des traces, ne serait-ce qu’à la table du conseil des ministres.
Nous avons déjà longuement parlé du processus choisi pour ce projet de loi et des mesures qu’il inclut. Mais ce texte restera un symbole, l’illustration d’un nouveau pas dans la stratégie politique du président Macron et du Gouvernement : la recherche à tout prix, quoi qu’il en coûte, d’un texte au cœur de jeux politiciens a donc mené à l’adoption par les deux chambres d’un texte de droite fondé sur les programmes et les slogans de l’extrême droite.
Plus que la fin du « en même temps », le texte marque l’affirmation réelle de l’alliance majoritaire du Gouvernement avec Les Républicains, l’affirmation du « tout à droite ».
Quels sont les prétendus constats et analyses qui structurent ce texte ?
Nous avons assisté à la construction d’une politique publique sur des faits alternatifs, sur une réalité virtuelle. La majorité et le Gouvernement ont hier validé des théories fantasmées : celles des appels d’air, des submersions migratoires, d’un système social dont profiteraient les étrangers au point de ruiner la France, celles de l’essentialisation de l’étranger comme un danger, du lien entre immigré et terroriste.
Tous ces mythes ont pourtant été battus en brèche par les faits, comme le démontrent notamment les travaux du Collège de France.
Madame la Première ministre, assumez-vous d’avoir fondé le débat public sur des affabulations et sur des mensonges ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, je crois que vous êtes assez éloigné de ce que pensent les Français sur cette question. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Fabien Gay. Et sur les retraites ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous êtes dans un monde à part : 40 % d’étrangers parlent ou écrivent très mal le français. Fallait-il ne rien faire pour l’intégration ? Non !
Sur la base d’un amendement du groupe communiste que nous avons accepté (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.), nous avons proposé l’instauration de cours de français gratuits afin de préparer l’examen pour obtenir un titre de séjour en France. Les entreprises devront permettre à leurs employés de suivre ces cours portant sur la langue et les valeurs de la République pendant les heures de travail.
Faut-il en avoir honte ? Non ! Pour bien intégrer les personnes étrangères, il faut qu’elles parlent la plus belle langue du monde : la nôtre !
M. Mickaël Vallet. La langue de bois !
M. Gérald Darmanin, ministre. Par ailleurs, y a-t-il un problème avec les délinquants étrangers ? Oui, bien évidemment ! Nous le voyons tous. Comment pouvons-nous accepter que se multiplient les faits divers et les questions dans cet hémicycle ? Comment continuer de dire aux Français que nous ne pouvons éloigner des criminels et des délinquants quand bien même la Constitution, la Convention européenne des droits de l’homme ou je ne sais quelle règle internationale ne s’y opposent pas ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. « Je ne sais quelle règle » ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Pourquoi le ministre de l’intérieur peut-il expulser un voleur de voiture de 19 ans qui est arrivé à 13 ans et demi sur le territoire national, mais pas un multicriminel du même âge, si celui-ci est arrivé à 12 ans et demi ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est faux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Auprès de quels Français tenez-vous ce genre de discours, monsieur le sénateur ?
M. Pascal Savoldelli. Vous instrumentalisez les faits divers !
M. Gérald Darmanin, ministre. La vérité, c’est que, par cette loi, nous allons régulariser des personnes qui travaillent et qui respectent les règles de la République et que nous mettrons hors d’état de nuire les étrangers qui ne les respectent pas. (Mme Silvana Silvani s’exclame.)
Si vous n’êtes pas d’accord avec cela, vous faites fi du bon sens ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, je note que je ne suis pas le seul, puisqu’un quart des membres de votre majorité à l’Assemblée nationale et un certain nombre de ministres sont d’accord avec ce que je viens de dire. Ils ont d’ailleurs soit voté contre le texte soit présenté leur démission.
Outre le vote de ce texte, cette date signe pour nous un pas décisif franchi par le Président de la République. De rempart face au Rassemblement national, vous êtes devenu marchepied de l’extrême droite ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
budget 2024
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Le projet de loi de finances pour 2024 sera bientôt adopté définitivement, après un énième 49.3. On ne les compte d’ailleurs plus !
Alors que ce texte devrait être le temps fort, l’acte majeur de notre vie démocratique, le Parlement a été piétiné tout au long de la procédure.
À l’Assemblée nationale, aucun amendement de la partie relative aux recettes n’a été discuté en séance publique – aucun ! –, ni en première ni en nouvelle lecture. Vous utilisez le 49.3 non pas pour mettre un terme aux débats, mais pour empêcher tout débat.
Au Sénat, nous avons passé plus de 150 heures sérieuses, constructives, responsables, à examiner ce texte. Nous avons fait des propositions, nous avons voté des économies. Vous n’en reprenez rien, ou si peu, dans votre 49.3.
Vous en arrivez même, monsieur le ministre, à vouloir imposer un dispositif honteux : le paradis fiscal pour la Fifa (Fédération internationale de football association). (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP, GEST, SER et CRCE-K.) Jamais voté à l’Assemblée nationale, rejeté à l’unanimité au Sénat, mais repris dans le 49.3 !
En snobant le Parlement, vous vous moquez des Français. Pourquoi tant de mépris ? Que – qui – craignez-vous ? Combien de temps encore allez-vous ignorer le Parlement pour l’examen du budget de la France ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP, GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Thierry Cozic. Et le 49.3 ?