Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.

1. Procès-verbal

2. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

3. Questions d’actualité au Gouvernement

crise des institutions

Mme Maryse Carrère ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

suite donnée au projet de loi sur l’immigration (i)

M. Patrick Kanner ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre ; M. Patrick Kanner.

retrait du projet de loi sur l’immigration

Mme Cécile Cukierman ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre ; Mme Cécile Cukierman.

trimestres de retraite des sapeurs-pompiers volontaires

M. Pascal Martin ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Pascal Martin.

suite donnée au projet de loi sur l’immigration (ii)

Mme Mélanie Vogel ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer.

reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et séisme dans les deux-sèvres

M. Philippe Mouiller ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Philippe Mouiller.

crises sociales à wallis-et-futuna

M. Mikaele Kulimoetoke ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer.

situation du groupe casino (i)

M. Pierre Jean Rochette ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

situation du groupe casino (ii)

M. Hervé Reynaud ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

laïcité (i)

M. Alexandre Ouizille ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Alexandre Ouizille.

laïcité (ii)

M. François Bonhomme ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. François Bonhomme.

dégradations climatiques : intempéries calamiteuses dans les hautes-alpes

M. Jean-Michel Arnaud ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean-Michel Arnaud.

installation des conférences des parties régionales

M. Jean-Baptiste Blanc ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Jean-Baptiste Blanc.

situation de la filière vitivinicole

M. Denis Bouad ; M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

publicités de l’ademe pour la sobriété dans la consommation

Mme Pascale Gruny ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Pascale Gruny.

eau et assainissement

M. Franck Menonville ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Franck Menonville.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

4. Communication d’un avis sur un projet de nomination

5. Communications relatives à des commissions mixtes paritaires

6. Réemploi des véhicules. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de loi

M. Jacques Fernique, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports

M. Cédric Chevalier

M. Bernard Pillefer

M. Daniel Salmon

M. Pierre Barros

M. Éric Gold

M. Bernard Buis

M. Alexandre Ouizille

Mme Else Joseph

M. Guillaume Chevrollier

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 7 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 6 du Gouvernement. – Devenu sans objet.

Amendement n° 1 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Devenu sans objet.

Amendement n° 8 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 2 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.

Amendement n° 3 rectifié ter de M. François Bonneau. – Rejet.

Amendement n° 4 rectifié ter de M. François Bonneau et sous-amendement n° 10 de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.

Amendement n° 12 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 9 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er bis (nouveau)

Amendement n° 11 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 5 de M. Bernard Buis. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 2 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Daniel Chasseing

M. Jacques Fernique, rapporteur

M. Clément Beaune, ministre délégué

Adoption, par scrutin public n° 99, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

7. Candidatures à une commission mixte paritaire

8. Allocation autonomie universelle d’études. – Rejet d’une proposition de loi

Discussion générale :

Mme Monique de Marco, auteure de la proposition de loi

Mme Anne Souyris, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Mme Brigitte Devésa

Mme Mathilde Ollivier

Mme Céline Brulin

Mme Guylène Pantel

Mme Solanges Nadille

Mme Marion Canalès

Mme Pascale Gruny

M. Daniel Chasseing

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Amendement n° 2 rectifié de Mme Monique de Marco. – Adoption.

Amendement n° 4 rectifié de Mme Monique de Marco. – Adoption.

Amendement n° 5 rectifié de Mme Monique de Marco. – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Antoinette Guhl

Rejet, par scrutin public n° 100, de l’article unique de la proposition de loi, modifiée.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

9. Conférence des présidents

Conclusions de la conférence des présidents

10. Débat préalable à la réunion du conseil européen des 14 et 15 décembre 2023

Mme Laurence Boone, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée de l’Europe

M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères

M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes ; Mme Laurence Boone, secrétaire d’État.

Mme Mathilde Ollivier

Mme Silvana Silvani

Mme Annick Girardin ; Mme Laurence Boone, secrétaire d’État ; Mme Mathilde Ollivier ; Mme Silvana Silvani.

Mme Nadège Havet

M. Didier Marie ; Mme Laurence Boone, secrétaire d’État ; M. Didier Marie.

Mme Christine Lavarde

M. Louis Vogel ; Mme Laurence Boone, secrétaire d’État ; Mme Christine Lavarde ; M. Louis Vogel.

Mme Brigitte Devésa

Mme Audrey Linkenheld ; Mme Laurence Boone, secrétaire d’État.

M. Cyril Pellevat

M. Alain Cadec ; Mme Laurence Boone, secrétaire d’État.

Conclusion du débat

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

11. Ordre du jour

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Catherine Conconne.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, j’ai le plaisir de saluer, dans notre tribune d’honneur, une délégation de cinq sénateurs conduite par M. Pierre Ngolo, président du Sénat de la République du Congo. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et les membres du Gouvernement, se lèvent.)

La délégation est accompagnée de nos collègues Guillaume Chevrollier, président du groupe d’amitié France-Afrique centrale, et Stéphane Demilly, président délégué pour le Congo-Brazzaville au sein de ce groupe, ainsi que de Son Excellence M. Rodolphe Adada, ambassadeur de la République du Congo en France.

Je viens d’avoir un entretien particulièrement dense avec le président Ngolo et les membres de sa délégation sur nos relations bilatérales, mais aussi sur les récentes évolutions en Afrique.

Nous avons signé un protocole de coopération parlementaire, qui contribuera à enrichir les liens entre nos assemblées dans les prochaines années, en particulier sur le volet de la décentralisation et sur les relations de l’État avec les collectivités locales qui intéressent spécialement nos partenaires congolais.

Le Sénat français entretient de longue date d’excellentes relations avec le Sénat de la République du Congo. Ces rapports de confiance et d’amitié sont à l’image du partenariat étroit qui unit nos deux pays.

Permettez-moi, mes chers collègues, de souhaiter en votre nom à tous à nos homologues du Sénat congolais la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements prolongés.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif, au cours de nos échanges, au respect des uns et des autres, ainsi qu’au respect du temps de parole.

crise des institutions

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.

À qui profite le crime ? Une coalition d’oppositions que tout oppose a rejeté le projet de loi Immigration. Quelles que soient nos convictions, doit-on se réjouir de la multiplication de tels blocages institutionnels ? Usage à répétition du 49.3, adoption d’une motion de rejet préalable, sommes-nous face à une crise politique uniquement conjoncturelle ? Oui, en partie !

Nous atteignons sans doute les limites du « en même temps » promu par l’exécutif, car certains groupes parlementaires, nous le voyons bien, rejettent la culture du compromis et préfèrent les coups politiques aux débats. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Toutefois, sur le fond, le groupe RDSE souhaite que l’on s’interroge davantage sur nos institutions, qui semblent marquer le pas et traverser une crise assez profonde, à tel point que, ici, au Sénat, nous avons presque l’impression de vivre dans un système monocaméral. À défaut de se construire au Palais-Bourbon, le dialogue se tente au Palais du Luxembourg.

Bien entendu, en tant que sénateurs, nous ne pouvons que nous réjouir que le Sénat soit mis en lumière pour ses qualités de chambre de modération – à condition toutefois que le compromis y trouve aussi sa place, tout comme l’ouverture et la sincérité, lorsqu’il s’agit de sujets fondamentaux pour nos concitoyens.

La commission mixte paritaire sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration pourrait ainsi avoir valeur de test.

Toutefois, profondément attaché au bicamérisme et à la démocratie représentative, qui est le socle de notre République, le groupe RDSE souhaite, au plus vite, voir émerger une gouvernance plus apaisée.

Madame la Première ministre, dans cette perspective, envisagez-vous la tenue de réflexions sur le fonctionnement des institutions, y compris sur la décentralisation, et tout cela dans l’intérêt des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente Maryse Carrère, lundi dernier, à l’Assemblée nationale, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) et l’extrême droite se sont alliées pour empêcher le débat de se tenir sur le projet de loi Immigration. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Rachid Temal. Et les députés Les Républicains ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, cette alliance baroque est irresponsable.

M. Mickaël Vallet. C’est votre gouvernement qui est baroque !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Elle s’est faite au mépris du travail parlementaire et des attentes des Français.

M. Hussein Bourgi. Et la réforme des retraites, ce n’était pas du mépris pour les Français ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la présidente Maryse Carrère, je connais l’attitude constructive dont votre groupe a fait preuve tout au long de l’examen du texte au Sénat.

Le groupe RDSE est le plus ancien groupe parlementaire de notre République. Je sais son attachement au débat et au pluralisme, comme la volonté de ses membres de trouver des solutions concrètes et efficaces pour les Français, notamment face aux défis migratoires.

Cette volonté, c’est aussi la mienne. C’est celle du ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, et de l’ensemble de mon gouvernement.

Nos concitoyens attendent des solutions et des réponses. Nos forces de l’ordre nous demandent des moyens d’action plus efficaces.

M. Max Brisson. Cela fait six ans !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous devons éloigner plus facilement les personnes en situation irrégulière et mieux intégrer celles que nous accueillons.

C’est l’objectif de mon gouvernement.

C’est, je n’en doute pas, l’état d’esprit qui guidera les travaux de la commission mixte paritaire qui se réunira lundi prochain.

C’est la condition pour qu’un texte puisse être adopté au Sénat comme à l’Assemblée nationale et pour que soient apportées les réponses attendues par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – Marques dironie sur les travées du groupe SER.)

suite donnée au projet de loi sur l’immigration (i)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, c’est un fiasco ! Depuis 2022, le Président de la République subit une crise institutionnelle. Vous venez d’y ajouter une crise politique majeure et inédite.

M. Patrick Kanner. En jouant sur les peurs, le Président de la République attise les braises d’un pays déjà incandescent. Oui, c’est irresponsable !

Votre ministre, aux déclarations à géométrie variable, a pris sur lui l’entière charge du projet de loi Immigration. Il a échoué ! Au travers de son échec, c’est vous qui avez échoué. Et au travers de votre échec, c’est le Président de la République qui a échoué.

À vouloir tromper tout le monde, vous n’avez convaincu personne. Vous avez provoqué cette situation : c’est à vous de nous en sortir désormais.

Puisque vous écartez un nouveau recours à l’article 49.3, quelle sera l’ampleur de la capitulation de la majorité présidentielle au sein de la commission mixte paritaire ? Quel sera le prix du renoncement aux valeurs républicaines ?

La suppression de l’aide médicale de l’État ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) La fin de la régularisation des travailleurs dans les métiers en tension ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) L’instauration d’une préférence nationale ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame la Première ministre, il est encore temps. Suivez l’exemple du président Retailleau : retirez votre projet de loi. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, lundi dernier, à l’Assemblée nationale, vos collègues députés socialistes ont pris une lourde décision. Ils ont choisi de mêler leurs voix à celles de l’extrême droite pour empêcher la poursuite des débats au Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Ils ont choisi de refuser d’exercer leur mission de parlementaire : discuter et voter la loi.

M. Mickaël Vallet. On vous a fait élire au second tour de la présidentielle !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je me souviens d’un temps où le parti socialiste portait des combats et des valeurs, d’un temps où il défendait avec force le Parlement. Le parti socialiste était un parti de gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Emmanuel Capus. C’était avant !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Or, à l’Assemblée nationale, il s’enferme de plus en plus dans l’obstruction.

Monsieur le président Kanner, je connais la sincérité de vos convictions et votre attachement à la démocratie parlementaire.

Aussi, je vous le demande, avec vos collègues sénateurs socialistes, allez-vous laisser le parti socialiste se dissoudre au sein de la Nupes ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Allez-vous, sans rien dire, le laisser devenir un satellite de La France insoumise et laisser ses représentants voter avec le Rassemblement national ? Ou comptez-vous sauver l’honneur du parti socialiste et défendre ce qui fait son histoire et ses valeurs ? En attendant, avec mon gouvernement, je ne laisserai jamais les manœuvres politiciennes l’emporter ! (Huées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Les Français attendent des solutions. Ils demandent des mesures fortes face à l’immigration illégale. Ils souhaitent que nous travaillions à une meilleure intégration de ceux que nous accueillons. Avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer, je suis déterminée à le faire.

Une commission mixte paritaire se réunira lundi prochain. Nous sommes résolus à apporter des réponses à nos concitoyens. Avec mon gouvernement, je choisirai toujours la voie de la responsabilité et le chemin de l’action. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, je vous ai posé une question de fond, et vous me répondez de manière politicienne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et Les Républicains.)

Vous connaissez la locution d’origine latine, chère aux juristes : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. »

Pardonnez-moi de vous le rappeler, mais le 14 novembre dernier, ici même, les sénateurs de votre groupe majoritaire, à quelques exceptions, ont voté la version du projet de loi Immigration de la droite sénatoriale,…

M. Bruno Retailleau. Ils ont bien fait !

M. Patrick Kanner. … avec toutes les suppressions que j’ai évoquées tout à l’heure ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Aussi n’ai-je pas de leçon à recevoir au nom de mon groupe ! Ne laissez pas vos députés du groupe Renaissance se dissoudre parmi ceux du groupe Les Républicains, qui, eux-mêmes, se dissolvent parmi les représentants du groupe Rassemblement national. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Stéphane Ravier et Aymeric Durox sourient.)

Voilà la réalité, madame la Première ministre. Retirez votre texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

retrait du projet de loi sur l’immigration

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Cécile Cukierman. Madame la Première ministre, mes chers collègues, l’adoption de la motion de rejet préalable déposée sur votre projet de loi Immigration, lundi dernier à l’Assemblée nationale, est un échec cuisant.

Vous osez dénoncer l’empêchement du débat, alors que vous avez vous-même coupé court, à vingt reprises, aux discussions des députés lors de l’examen de la réforme des retraites et des budgets, par des 49.3 successifs.

Aujourd’hui, en l’absence d’un tel débat à l’Assemblée nationale, vous allez faire en sorte qu’un projet de loi plus dur, celui qui est issu des travaux du Sénat, devienne la base de travail commune aux deux chambres.

Or la confusion, madame la Première ministre, c’est vous qui l’avez entretenue, en accompagnant le projet de loi de la droite sénatoriale. Vos soutiens, ici, au Sénat, ont voté le projet de loi issu de ses travaux, que votre groupe à l’Assemblée nationale a ensuite profondément travaillé.

M. Michel Savin. En même temps ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Cécile Cukierman. Cette incohérence, vous la payez.

Votre réponse à cet échec et à cette grande confusion, c’est la convocation, en urgence, d’une commission mixte paritaire, pour tenter de petits arrangements.

Nous n’acceptons pas ce coup de force contre la démocratie, cette mise en cause profonde du Parlement.

Madame la Première ministre, allez-vous renoncer à la convocation de la commission mixte paritaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente Cécile Cukierman, lundi dernier, à l’Assemblée nationale,… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Hussein Bourgi. Vous avez déjà lu cette fiche, changez-la !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … ceux qui prétendent donner des leçons de démocratie au Gouvernement ont choisi d’empêcher le débat parlementaire.

M. Mickaël Vallet. Vous l’avez déjà dit !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je réponds à la même question, monsieur le sénateur !

Ce choix, effectué de concert avec l’extrême droite (M. Fabien Gay proteste.), n’a pas entamé notre volonté d’apporter des réponses aux attentes de nos concitoyens.

Madame la présidente Cécile Cukierman, les Français soutiennent notre texte. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

Ils demandent que nous puissions expulser plus facilement les étrangers délinquants et ceux qui ne respectent pas les principes républicains.

Ils demandent que nous donnions plus de capacités d’action à nos forces de l’ordre, pour lutter contre l’immigration irrégulière.

Ils demandent que nous renforcions les sanctions contre les passeurs et les marchands de sommeil.

Ils demandent que nous intégrions mieux ceux que nous choisissons d’accueillir.

Ces objectifs sont ceux de notre projet de loi. Nous voulons apporter à nos concitoyens les solutions qu’ils attendent. Rien ne nous fera dévier de cette ligne. Une commission mixte paritaire a été convoquée. Le débat parlementaire continue, et nous souhaitons parvenir à un accord.

La détermination de mon gouvernement, comme celle du ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, est totale. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Mme Cécile Cukierman. Madame la Première ministre, les mêmes Français que vous appelez aujourd’hui à la rescousse rejetaient, pour près de 70 % d’entre eux, la réforme des retraites. Or vous ne les avez pas écoutés ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Les Français ne peuvent être invoqués, « en même temps », dans un cas et dans un autre, lorsque cela vous arrange.

Les Français, ce sont les citoyens de notre pays qui forment la République.

M. Laurent Duplomb. Ici aussi, c’est la République !

Mme Cécile Cukierman. Aujourd’hui, vous faites le choix de piétiner le débat parlementaire (Protestations sur les travées du groupe RDPI. – Mme la Première ministre proteste également.), en convoquant une commission mixte paritaire, alors qu’aucun texte n’a été voté à l’Assemblée nationale.

Madame la Première ministre, tenons un discours de sincérité. À l’Assemblée nationale, lundi dernier, des groupes de gauche et de droite ont voté la motion de rejet préalable. Et je vous rappelle que les cinq voix qui vous ont manqué ne sont pas uniquement le fait de la gauche, mais de l’arc républicain présent ici, au Sénat.

C’est à cela que vous devez travailler, pour répondre à l’urgence du bien-vivre des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

trimestres de retraite des sapeurs-pompiers volontaires

M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour le groupe Union Centriste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pascal Martin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Monsieur le ministre, hier, l’une de nos collègues députées vous a interrogé sur la publication imminente d’un décret très attendu par les 200 000 sapeurs-pompiers volontaires, en cette période de fête de la Sainte-Barbe.

Ce décret met en œuvre l’article 24 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 du 14 avril dernier. Cet article accorde, au titre de la solidarité nationale, le droit à des trimestres de retraite supplémentaires aux assurés ayant accompli au moins dix années de service, continues ou non, en qualité de sapeurs-pompiers volontaires.

Or, dans sa rédaction actuelle, le projet de décret d’application limiterait le bénéfice de cette disposition législative aux seuls sapeurs-pompiers volontaires ayant eu une carrière hachée, c’est-à-dire ne disposant pas de l’ensemble des trimestres de cotisations de retraite sur leur carrière.

Cette décision serait en totale contradiction avec l’esprit du législateur et viderait le dispositif de son contenu, car seuls 10 % des bénéficiaires potentiels seraient alors concernés.

Monsieur le ministre, la réponse que vous avez faite hier à notre collègue députée ne nous a pas complètement rassurés.

Certes, vous avez affirmé que le décret appliquerait strictement la loi, et nous vous en remercions. Mais, en même temps, vous n’avez pas nié que le décret en préparation restreindrait considérablement le dispositif.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, je vous le demande très solennellement : vous engagez-vous aujourd’hui à ne pas limiter l’avantage accordé par la loi du 14 avril dernier aux seuls sapeurs-pompiers ne bénéficiant pas de l’ensemble des trimestres de cotisation de retraite sur l’ensemble de leur carrière ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison, un décret est aujourd’hui soumis au Conseil d’État.

Il vise à appliquer les très nombreuses mesures décidées collectivement, tout d’abord, dans le cadre de la loi dite Matras, elle-même issue d’une proposition du député du même nom, membre de la majorité de l’Assemblée nationale ; puis, dans le cadre de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui réformait les retraites.

Dans ce texte, pour la première fois, des trimestres supplémentaires ont été accordés à nos sapeurs-pompiers volontaires, afin de reconnaître leur engagement.

En tant que ministre chargé des sapeurs-pompiers, une responsabilité que je partage avec les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) que vous connaissez bien, je suis tout à fait favorable non seulement à la loi, mais aussi à son esprit, tel que vous l’avez présenté.

Oui, je le répète devant votre assemblée, si ces décrets sont soumis au Conseil d’État, ils ne sont pas publiés.

En outre, une discussion est en cours avec la direction de la sécurité sociale, placée sous l’autorité du ministre délégué chargé des comptes publics et de la ministre des solidarités et des familles.

Enfin, l’arbitrage de la Première ministre va évidemment dans le sens du respect de l’intégralité du texte de la loi, que vous avez votée, et de son esprit. (Mme la Première ministre approuve.)

Le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, M. Bosland, qui m’avait saisi, semble avoir été rassuré par ma réponse. Je suis navré qu’il n’en soit pas de même pour vous et j’espère avoir complété ma réponse adressée hier à une députée à l’Assemblée nationale.

Après l’avis du Conseil d’État, nous discuterons avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France : mes collègues du Gouvernement et moi-même, sous l’autorité de la Première ministre, nous y engageons.

Toutefois, je le répète, des trimestres supplémentaires seront accordés aux sapeurs-pompiers volontaires, parce qu’ils donnent du temps et offrent parfois leur vie à la société, mais aussi parce que leur famille est affectée par leur engagement, qui fait honneur à leur uniforme et à la République.

En tant que ministre, j’y veillerai, sous l’autorité de Mme la Première ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour la réplique.

M. Pascal Martin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

La doctrine opérationnelle française repose sur la complémentarité entre les sapeurs-pompiers professionnels, les militaires et les sapeurs-pompiers volontaires. Ces derniers sont touchés par une grave crise des vocations. Ainsi manque-t-il aujourd’hui 50 000 sapeurs-pompiers volontaires en France.

La réponse à cette légitime demande, formulée depuis quarante ans par des femmes et des hommes qui font preuve de cet engagement civique remarquable, est attendue par tous les sapeurs-pompiers volontaires, et pour tous.

Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, les sapeurs-pompiers volontaires comptent sur vous pour que ce projet de décret soit publié dans les meilleurs délais et soit conforme à l’esprit qui a prévalu au Sénat voilà quelques mois. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP et RDSE.)

suite donnée au projet de loi sur l’immigration (ii)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mélanie Vogel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Monsieur le ministre, vous avez essuyé lundi dernier un échec cuisant.

Cet échec politique, mais surtout moral, est celui d’une stratégie folle, celle d’un Gouvernement qui a rêvé d’associer quelques miettes d’humanité aux idées rances, aux fantasmes morbides, aux obsessions xénophobes et aux imaginaires racistes… (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Mélanie Vogel. … de toutes celles et de tous ceux qui ont fait de la haine des étrangers la valeur cardinale de leur projet politique, ainsi que leur seul et unique fonds de commerce électoral. (Mêmes mouvements.)

Aussi, depuis lundi dernier, vous pleurnichez et accusez la Terre entière. Une alliance contre-nature se serait formée contre vous : vous l’avez d’ores et déjà dit trois fois, nous avons compris !

Toutefois, c’est exactement le contraire qui s’est passé. C’est vous qui avez un jour imaginé, dans le confusionnisme total qui vous caractérise, qu’il était possible de trouver un équilibre entre la haine et les valeurs de la République, entre l’égalité et les discriminations, entre l’indignité et l’État de droit, entre la raison et le mensonge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Or cet équilibre n’existe pas !

Vous allez devoir choisir.

Aussi, qu’allez-vous choisir ? Sceller une alliance avec la droite extrême et l’extrême droite, comme vous l’avez fait au Sénat ? (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Conduire toujours davantage la France au bord du gouffre au point de l’y jeter, par une communication indigne ou une compromission avec celles et ceux qui abîment chaque jour la République, ou bien opérer un retour vers la raison et la responsabilité et suivre le cap de la dignité et du respect des valeurs républicaines ?

Retirez ce texte : il n’a aucun avenir digne ! Préférez l’inconfort d’un instant au déshonneur de toujours.

Retirez ce texte : acceptez de construire avec celles et ceux qui portent encore les valeurs de la République (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.), avec celles et ceux qui regardent le monde tel qu’il est, sans haine, sans hypocrisie et sans cynisme, un texte digne, rationnel, humaniste, à la hauteur de la promesse républicaine, un texte qui traite l’immigration pour ce qu’elle est,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Mélanie Vogel. … c’est-à-dire ni une menace, ni un problème, mais un phénomène humain ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, vous êtes bien mal placée pour faire une leçon de morale, alors que la motion de rejet préalable sur le projet de loi Immigration, déposée par le groupe écologiste de l’Assemblée nationale, a été votée par le Rassemblement national, avec des clins d’œil si grands qu’ils ont été vus dans toutes les circonscriptions Nupes de France. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la sénatrice, vos leçons de morale ne sont pas à la hauteur du débat que nous avons.

Voilà quelques heures, à l’Assemblée nationale, la Nupes, dont votre groupe fait partie, a rejeté – vous le saviez fort bien –, non pas le texte, mais le débat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC. – M. Bruno Sido applaudit également.) Vous saviez pertinemment que la version du projet de loi votée par le Sénat serait ensuite retenue.

Vous avez ainsi poussé le cynisme politique, sans doute pour obtenir quelques articles favorables dans la presse, jusqu’à rejeter, par principe, l’interdiction de placement des mineurs en centres de rétention administrative – tout ce que la gauche n’a jamais fait en soixante ans, tout ce que le Président de la République fera. (M. Martin Lévrier applaudit. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)

À la différence de ce qui s’est passé au Sénat, où la majorité, l’opposition et le Gouvernement ont su adopter des amendements issus des groupes communiste et socialiste, ainsi que de votre groupe, même si vous n’avez pas voté ensuite l’ensemble du projet de loi, les 150 députés de la Nupes ont refusé le débat et noué une alliance contre-nature avec Mme Le Pen. (Protestations sur les travées des groupes GEST, CRCE-K et SER.)

M. Gérald Darmanin, ministre. Madame, vous pouvez crier, mais c’est la vérité ! Les deux partis populistes se sont levés ensemble contre les partis de gouvernement, et cela, c’est honteux ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et séisme dans les deux-sèvres

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, mes chers collègues, tout d’abord, je souhaite rassurer le président Kanner, en lui indiquant que les valeurs et les convictions de notre groupe sont intactes. C’est la raison pour laquelle nous avons retiré notre proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Marques dironie sur les travées du groupe SER.)

M. Philippe Mouiller. J’en reviens à ma question, qui a trait non pas à l’immigration, mais à la parole de l’État.

Le 16 juin dernier, un séisme d’une magnitude de 5,8 sur l’échelle de Richter a frappé le sud de mon département, les Deux-Sèvres, ainsi que le nord de la Charente-Maritime et le sud de la Vendée.

Trois jours plus tard, le Gouvernement, représenté par le ministre Christophe Béchu, était sur les lieux, afin de remercier les services de sécurité, de rassurer les élus locaux et, surtout, d’annoncer aux habitants la mise en place d’une procédure accélérée pour déclencher l’arrêté de catastrophe naturelle.

Six mois plus tard, malgré trois réunions de la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, seules 22 des 400 communes concernées ont bénéficié d’une telle reconnaissance.

Pis, 8 communes proches de l’épicentre, dont parfois 25 % des maisons ont été touchées, sont sans nouvelles de l’État.

La commission interministérielle statue à partir d’un rapport établi par le bureau central sismologique français. Or ce bureau central ne s’est toujours pas rendu dans certaines communes.

Concrètement, en ce début d’hiver, quelle réponse pouvons-nous apporter aux élus locaux confrontés à des habitants aux maisons endommagées, dont les assureurs refusent la prise en charge ?

D’une façon plus générale, cette question, certes très locale, renvoie à l’ensemble des situations de catastrophes naturelles que connaît la France. Il en va ainsi des nombreux territoires touchés par les inondations et des zones concernées par le retrait-gonflement des argiles.

Que répondre, dès lors, aux élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Philippe Mouiller, vous l’avez rappelé, je me suis rendu sur place, au nom du Gouvernement, pour représenter à la fois la Première ministre et le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

J’ai vu les maisons fissurées et j’ai rencontré les maires des communes directement touchées et éprouvées. J’ai ainsi pu leur indiquer que le Gouvernement mettrait tout en œuvre pour procéder à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

En la matière, d’après les règles en vigueur, deux critères doivent être réunis lorsqu’il s’agit d’un tremblement de terre.

Le premier est relatif à la magnitude du séisme, qui doit être supérieure à 5 sur l’échelle de Richter. Cela a été le cas, puisque la magnitude du présent séisme était comprise entre 5,1 et 5,4.

Toutefois, dans certaines communes éloignées de l’épicentre, la magnitude du séisme était inférieure à 5. C’est pourquoi le bureau central sismologique français, dont vous avez rappelé l’existence, doit se rendre dans ces communes et étudier les dossiers au cas par cas.

À l’heure où nous parlons, vos chiffres sont exacts : seule une trentaine de communes bénéficient de cette reconnaissance.

Au travers de votre question, et à la lumière des inondations survenues dans le Pas-de-Calais ou dans la Vésubie, notre système de catastrophes naturelles semble arriver en fin de cycle. Je m’en suis entretenu avec M. le ministre de l’intérieur, qui est chargé de prononcer l’état de catastrophe naturelle. Nous avons, ensemble, dressé un certain nombre de constats, et nous allons vous proposer des modifications en conséquence.

Ainsi, c’est au maire de demander la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, alors que la mairie elle-même peut être frappée.

J’ajoute que les événements visés doivent faire l’objet de clarifications : pourquoi des vents supérieurs à 200 kilomètres par heure conduisent-ils à un classement en catastrophe naturelle outre-mer et non en Bretagne ?

Dans les prochaines semaines, le plan national d’adaptation au changement climatique nous permettra de tirer toutes les leçons des difficultés passées et de réexaminer la situation de votre territoire. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Monsieur le ministre, votre réponse est très technique. Je vous invite à revenir dans les Deux-Sèvres et à rencontrer de nouveau les personnes que vous y avez vues : vous leur expliquerez comment obtenir une prise en charge quand on vit dans une maison fissurée, ne tenant plus que par des étais.

Les dispositifs en vigueur ne répondent pas aux attentes de nos concitoyens ; à ce titre, je déplore un réel décalage entre le discours tenu le jour J et la réponse si technique que l’on nous apporte aujourd’hui… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nicole Bonnefoy applaudit également.)

M. Mickaël Vallet. Il y a une grosse faille !

crises sociales à wallis-et-futuna

M. le président. La parole est à M. Mikaele Kulimoetoke, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Mikaele Kulimoetoke. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Monsieur le ministre, alors qu’elle figure toujours sur la liste des pays les moins avancés de l’OCDE, la collectivité française de Wallis-et-Futuna ne bénéficie pas de l’aide publique au développement.

Notre éloignement entraîne une cherté excessive de la vie et l’accumulation des monopoles provoque tensions et crises sociales. En témoigne le récent blocage de la banque de Wallis-et-Futuna (BWF) – la seule de nos îles.

J’ai entendu le Gouvernement rappeler la responsabilité de la collectivité en matière sociale, en préconisant la mise en œuvre d’une fiscalité directe pour financer les mesures qui s’imposent ; mais il faut garder à l’esprit les réalités de notre territoire.

Sur une population de 12 000 habitants, seules 2 300 personnes sont salariées, fonctionnaires d’État compris ; le reste de la population survit péniblement. L’allocation chômage n’existe pas, et le seuil de pauvreté s’élève à 522 euros mensuels. Le contrat social n’aide que les personnes âgées, handicapées ou percevant un revenu inférieur au Smic, lequel s’établit à 784 euros.

Aussi, depuis le début de cette année, je propose de créer le revenu de solidarité active (RSA) à Wallis-et-Futuna. J’ai présenté, à cette fin, un amendement au projet de loi de finances : il a été adopté à l’unanimité, et j’en remercie chaleureusement mes collègues.

Nous ne sommes pas non plus éligibles au pacte des solidarités. Pour lutter contre la pauvreté, j’en appelle donc à la solidarité nationale : je sollicite 5 millions d’euros supplémentaires en faveur de notre contrat social, pour financer le RSA.

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement compte-t-il répondre à cette demande, qui me semble parfaitement légitime ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, nous connaissons votre engagement pour ces magnifiques territoires de la République que sont les îles Wallis et Futuna ; je sais avec quelle vigueur vous y combattez la pauvreté.

Dans le même esprit que vous, votre collègue député Mikaele Seo a déposé un amendement visant à doter le contrat social de 900 000 euros supplémentaires. Grâce à l’intervention de mon collègue Thomas Cazenave, chargé du budget, nous serons en mesure de retenir dans la prochaine loi de finances l’abondement que vous proposez.

Vous souhaitez améliorer l’accompagnement des personnes handicapées, âgées ou pauvres, que ce soit en étendant le RSA à Wallis-et-Futuna ou en élargissant le contrat social. Nous sommes tout à fait prêts à aller dans ce sens avec vous.

Au préalable, nous avons besoin d’une délibération de l’assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna. En effet, l’État n’étant pas compétent en la matière, la collectivité doit apporter 25 % des crédits.

À la demande de Mme la Première ministre, nous allons travailler ce dossier, et ce le plus rapidement possible, parallèlement aux autres demandes d’abondements budgétaires que nous allons accompagner – je pense entre autres à l’enveloppe de 1,4 million d’euros dédiée aux investissements.

Au début de l’année prochaine, je me rendrai de nouveau dans le Pacifique, notamment dans votre territoire, avec M. le ministre délégué chargé des outre-mer. Nous pourrons alors négocier ce nouveau contrat social avec vous, votre homologue député et les membres de l’assemblée de Wallis-et-Futuna. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation du groupe casino (i)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. Pierre Jean Rochette. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie.

Monsieur le ministre, les Verts de Saint-Étienne ont fait la fierté de toute la France dans les années 1970 ; et, si cette couleur a été choisie, c’est parce que c’était celle des magasins de la société Casino, créée par Geoffroy Guichard en 1898.

Aujourd’hui, le « peuple vert » s’inquiète de l’avenir du groupe Casino. L’entreprise est historiquement ligérienne et son siège social a toujours été situé à Saint-Étienne. Sa marque, qui remonte à 1901, fut en outre, dans notre pays, la première marque de distributeur ; elle appartient au patrimoine français.

Depuis quelques semaines, la situation financière du groupe est devenue particulièrement préoccupante pour tous les employés. En attendant l’arrivée de nouveaux actionnaires en janvier prochain, la vente des hypermarchés et supermarchés est en discussion.

Dans mon département, le malaise est palpable. Les personnels des magasins qui seraient cédés, ainsi que les salariés de la logistique, craignent d’être les perdants de cette restructuration. De plus, l’opération risque d’entraîner des suppressions de postes au siège social stéphanois, qui emploie 1 800 salariés.

Ces craintes sont largement partagées. L’ensemble du groupe ne risque-t-il pas d’être fragilisé par la cession d’une grande part de ses magasins et entrepôts ? Le siège social pourra-t-il bien être maintenu à Saint-Étienne ? Est-il indispensable d’envisager un découpage d’une telle ampleur ?

Sur les 22 000 salariés que l’enseigne Casino dénombre en France, 6 000 emplois directs pourraient être menacés.

Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur le risque majeur que représente l’effondrement de ce groupe historique et emblématique. Une telle chute serait un coup dur, non seulement pour notre département, mais aussi pour notre pays.

Tous les Ligériens voient d’un œil bienveillant l’arrivée du groupe Kretinsky, qui œuvre à la reprise de Casino. Mais que peut faire le Gouvernement pour l’assister au mieux et sauver cette entreprise ? Avez-vous abordé, avec le repreneur, l’avenir du siège social de Saint-Étienne ? Et comment comptez-vous l’accompagner, afin que le maximum d’emplois soit préservé ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie. (Exclamations.)

M. Claude Raynal. Il est au Sénat… Bienvenue ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Mesdames, messieurs les sénateurs, M. Rochette m’a posé une question sérieuse, à laquelle je me dois de répondre.

Monsieur le sénateur, les salariés de Casino n’ont pas à payer pour les erreurs stratégiques commises depuis plusieurs années par la direction de l’entreprise.

De toute évidence, le groupe s’est mal positionné. Il a pratiqué des prix plus élevés que tous ses concurrents et, de ce fait, il a été percuté de plein fouet par la crise inflationniste. Il accuse donc de fortes pertes.

À cet égard, je ne citerai qu’un seul chiffre : au cours du dernier trimestre, le groupe Casino a subi un demi-milliard d’euros de pertes supplémentaires. Sa situation est devenue absolument intenable.

Je suis au côté des salariés. J’ai reçu, ce matin même, les représentants de l’intersyndicale pour faire le point avec eux. Je continuerai de les recevoir, car je suis là pour défendre les intérêts des salariés, tout en garantissant le respect de l’ordre public économique.

Tout d’abord, il y a quelques mois, nous avons évité de justesse une cessation de paiements du groupe Casino. Or, avant de trouver un repreneur, il fallait assurer la jonction : nous l’avons fait, en assumant ses charges sociales et fiscales à hauteur de 300 millions d’euros. Cette somme, placée dans une fiducie, doit être remboursée par le repreneur.

Ensuite, nous avons aidé le groupe à trouver un repreneur – je rappelle qu’un seul candidat a pu mettre sur la table le milliard d’euros nécessaire.

Maintenant, il faut garantir l’avenir du groupe, ce qui suppose d’apporter, avec le reste de la grande distribution française, une solution pour l’ensemble de ses salariés.

Bref, je suis en contact avec l’intersyndicale. Je le suis évidemment aussi avec le repreneur, Daniel Kretinsky, ainsi qu’avec l’ensemble des distributeurs qui souhaitent reprendre une partie des activités du groupe Casino. Ce faisant, le Gouvernement entend assurer la survie de l’activité et celle des magasins.

Je demeure attentif à trois points essentiels.

Le premier, c’est évidemment l’emploi : pour les hypermarchés comme pour les supermarchés, qui sont aujourd’hui des centres de pertes pour le groupe, les offres de reprise doivent préserver un maximum d’emplois.

Le deuxième, c’est l’avenir des treize centres logistiques du groupe. Sauf exception, les repreneurs disposeront déjà de leurs propres centres. Je veillerai donc tout particulièrement aux emplois concernés.

Le troisième et dernier, c’est bien sûr le siège de Saint-Étienne. Il s’agit là de notre principale préoccupation. Ce siège regroupe 1 800 emplois,…

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. … dont 1 200 sont consacrés aux hypermarchés et aux supermarchés.

Monsieur le sénateur, nous veillerons au maintien du siège de Saint-Étienne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation du groupe casino (ii)

M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Reynaud. Ma question s’adresse également à M. le ministre de l’économie et elle porte elle aussi sur la situation du groupe Casino, qui préoccupe au plus haut point les élus et les habitants de notre territoire, par-delà les clivages politiques.

M. Hervé Reynaud. Il y va en effet de notre souveraineté économique.

L’histoire de Casino et celle de Saint-Étienne sont intimement liées. Voilà 125 ans que le siège du groupe est installé dans cette ville, dont Geoffroy Guichard demeure une figure emblématique.

Or nous assistons à un crash économique en direct. Une stratégie inadaptée a siphonné les comptes de l’entreprise, qui présente désormais une dette abyssale : cette dernière approcherait 12 milliards d’euros !

D’ailleurs, comment un PDG a-t-il pu jongler avec les finances de son groupe tout en étant son actionnaire principal ?

M. Guy Benarroche. C’est un libéral ! (Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Hervé Reynaud. Le démantèlement a commencé il y a maintenant plusieurs mois, avec la cession de marques à l’étranger, puis en France, dans une logique de vente à la découpe : hier, Go sport, dont on connaît le sort ; ensuite, Leader Price ; demain, peut-être, Monoprix, Franprix, Vival, Naturalia ou encore Cdiscount. Au total, 300 hypermarchés et supermarchés sont actuellement sur la sellette.

L’intersyndicale est très inquiète, à juste titre. Elle craint que, dans la foulée, les entrepôts logistiques ne soient abandonnés.

Les syndicats ont lancé l’alerte. Ils en appellent au Président de la République lui-même : qu’en est-il de son soutien, monsieur le ministre ? Nous sommes proches d’une casse sociale sans précédent. En tout, 50 000 emplois sont menacés en France, dont 4 000 dans le seul département de la Loire.

Monsieur le ministre, depuis les propos que vous avez tenus en juillet dernier, la situation, de toute évidence, a évolué défavorablement. Le plan initial n’est pas respecté. Vous le rappeliez à l’instant, vous avez reçu l’intersyndicale ce matin : pouvez-vous apporter la garantie du maintien du siège et des emplois à Saint-Étienne ?

Les habitants de notre territoire ne veulent pas subir le traumatisme d’un nouveau Manufrance. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur, je le répète, je n’ai qu’une seule priorité : la préservation de l’emploi, au siège de Saint-Étienne comme dans les hypermarchés et les supermarchés.

Vous avez parfaitement décrit la situation. Depuis des années, la direction de Casino a multiplié les erreurs de positionnement stratégique. Elle a opté pour des prix élevés, tandis que ses concurrents pratiquaient des prix bas. Dès lors, quand les produits alimentaires ont été frappés par l’inflation, cette stratégie économique a mené le groupe droit dans le mur.

Le chiffre de pertes que vous avez cité est le bon, et, je le confirme, 50 000 emplois se trouvent menacés.

Nous avons garanti la reprise ; nous avons pris à notre charge les dettes sociales et fiscales ; nous accompagnons maintenant la reprise par d’autres groupes de distribution.

Je suis convaincu que les offres de reprise permettront de relancer l’activité, non seulement des hypermarchés et supermarchés, mais aussi des centres de profit que sont les magasins de centre-ville, comme les Monoprix, les Franprix ou les Spar.

J’y insiste, l’avenir du siège est, pour nous, un sujet de préoccupation majeur.

À cet égard, nous devons faire face à un certain nombre de réalités économiques – je ne les ai jamais cachées. Sur les 1 800 personnes qui travaillent au siège de Casino, 1 200 sont affectées aux hypermarchés et supermarchés, dont 200 ont déjà été cédés au groupe Intermarché ; d’autres le seront dans les mois qui viennent, pour garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi.

L’engagement que j’ai pris et qu’a pris le repreneur, Daniel Kretinsky, c’est le maintien du siège à Saint-Étienne. Je veillerai à ce que cet engagement soit tenu. (M. Claude Malhuret applaudit.)

laïcité (i)

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Alexandre Ouizille. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Le 6 décembre dernier, à l’Élysée, il a été porté atteinte au principe de séparation des Églises et de l’État. Un ministre du culte, à savoir le grand rabbin de France, a allumé la première bougie de Hanoukka dans la salle des fêtes du palais présentiel, en présence du chef de l’État.

M. Loïc Hervé. C’était très beau !

M. Alexandre Ouizille. L’organisation d’une telle cérémonie est radicalement contraire à la Constitution,…

M. Loïc Hervé. Pas du tout !

M. Alexandre Ouizille. … ainsi qu’aux principes qui fondent notre République, qui nous lient et dont le Président de la République est le garant.

Dans mon département de l’Oise, il y a quelques jours, nous avons rendu hommage à Ferdinand Buisson. Nous avons rappelé à cette occasion la règle autour de laquelle nous nous retrouvons : la religion libre dans l’État libre.

Ma question est simple : comment le Président de la République a-t-il pu commettre un tel impair ? Comment a-t-il pu s’écarter à ce point du principe de laïcité ?

Comment peut-on vous faire confiance quand, depuis Mayotte, Mme la Première ministre affirme qu’il s’agit d’une simple manifestation de soutien à la lutte contre l’antisémitisme ?

M. Loïc Hervé. Vous mélangez tout !

M. Alexandre Ouizille. Monsieur le ministre, on ne combat pas l’antisémitisme avec des offices religieux.

Pouvez-vous nous confirmer qu’il n’y aura pas de messe de Noël à Matignon cette année ? (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.) Qu’au printemps prochain, il n’y aura pas de rupture du jeûne au ministère de l’intérieur ? Pouvez-vous nous garantir que les palais de la République n’abriteront pas d’autres offices cultuels ? (Protestations sur les mêmes travées.)

Pouvez-vous nous rassurer, tout simplement, en certifiant qu’il s’agissait d’un accident et non d’un précédent ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST. – Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, à l’heure où nos concitoyens font face à de très grandes difficultés, vous vous concentrez sur un fait dont, contrairement à vous, je suis fier : le Président de la République a reçu, de la part des rabbins du monde entier, un prix récompensant la lutte contre l’antisémitisme, au nom de l’engagement de la France. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP et UC. – Mme Christine Herzog applaudit également.)

Je crains que nous n’ayons pas le même sens des priorités ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Ce n’est pas le sujet !

Mme Audrey Linkenheld. Pas du tout !

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est d’autant plus étonnant au moment où nos compatriotes juifs – vous le savez très bien – subissent un regain d’hostilité. Au total, 1 800 actes antisémites ont été recensés depuis le 1er janvier dernier.

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas la question !

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous évoquez, par provocation, la célébration de messes à Matignon,…

M. Hussein Bourgi. Aidez plutôt les enseignants à faire respecter la laïcité !

M. Gérald Darmanin, ministre. … ainsi que d’autres cérémonies religieuses dans je ne sais quels édifices publics.

Si vous manquez à ce point de hauteur de vue (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.), c’est sans doute parce que vous ne prenez pas la mesure de la situation.

M. Hussein Bourgi. Il ne fallait pas faire cela à l’Élysée ! C’était une faute !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je vous rappelle que la République a le devoir de protéger nos compatriotes juifs.

Vous citez Ferdinand Buisson,…

M. Franck Montaugé. Et la laïcité !

M. Gérald Darmanin, ministre. … mais chacun a sa gauche. Pour ma part, je citerai Jean Jaurès, qui déclarait à propos de la séparation des Églises et de l’État : « La loi […] laisse la liberté à tous les cultes […]. La liberté de conscience sera garantie, complète, absolue ; la loi de séparation, telle qu’elle est, est libérale, juste et sage. »

Il est dommage que le parti socialiste s’éloigne encore de Jaurès ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour la réplique.

M. Alexandre Ouizille. Monsieur le ministre, nous ne nous éloignons de personne !

Cette actualité n’est pas la vôtre, et nous comprenons bien pourquoi ; mais vous ne sauriez en déduire que ce n’est pas celle des Français.

La laïcité est un principe fondateur de la République. En oubliant de la respecter, en refusant d’admettre cette faute, vous dégringolez encore quelques marches ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudit également.)

laïcité (ii)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Ma question s’adresse également à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Monsieur le ministre, jeudi dernier, à l’invitation du Président de la République, une cérémonie marquant le début de la fête juive de Hanoukka s’est déroulée dans la salle des fêtes de l’Élysée.

À cette occasion, le chef de l’État a convié le grand rabbin de France au palais présidentiel. De fait, il a participé à cette grande fête religieuse. La prudence élémentaire aurait pourtant dû l’en dissuader. Comment le Président de la République, protecteur de la laïcité, a-t-il pu prendre part à une telle célébration ? (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Le rôle éminent que lui confère la Constitution s’y opposait, à l’instar du lieu emblématique où s’est déroulée cette cérémonie à caractère religieux.

Reconnaissez-vous que le Président de la République a commis une erreur, étant donné la fonction qu’il exerce ? Et comment, à l’avenir, comptez-vous combattre de telles atteintes à la laïcité ? (Vifs applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SER, CRCE-K et GEST.)

M. Fabien Gay. Vive Jaurès !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Mickaël Vallet. Une citation de Karl Marx, s’il vous plaît ? Ou de Bakounine ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Mesdames, messieurs les sénateurs, ne vous inquiétez pas : chacun aura droit à son grand homme ! (Sourires sur des travées du groupe RDPI.)

Monsieur le sénateur Bonhomme, votre question m’étonne d’autant plus que votre famille politique est issue du gaullisme et que le général de Gaulle disposait en son temps d’une chapelle à l’Élysée. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Mickaël Vallet. De Gaulle ne communiait pas en public !

M. Franck Montaugé. Il n’a jamais fait cela !

M. Gérald Darmanin, ministre. On y célébrait l’office : il s’y rendait en famille, et c’est bien normal. Nous étions déjà sous la Ve République !

Pensez-vous sérieusement que les atteintes portées au pacte républicain procèdent de telles cérémonies, à l’heure où l’antisémitisme revient au cœur de l’actualité,… (Protestations sur les mêmes travées.)

M. Franck Montaugé. Ce n’est toujours pas le sujet !

M. Gérald Darmanin, ministre. … alors que nous luttons collectivement pour protéger nos compatriotes juifs ?

Pensez-vous réellement que les atteintes à la laïcité sont le fait de nos compatriotes juifs et du grand rabbin de France, allumant une bougie rapportée d’Auschwitz ? C’est cela, votre conception de la laïcité ?

À mon sens, mieux vaut se concentrer sur l’islam radical et sur les associations communautaristes : c’est précisément pour contrer les attaques menées par ces groupements que le Gouvernement a fait voter la loi contre le séparatisme, qu’il ordonne la fermeture de mosquées radicales et qu’il surveille des commerces communautaires.

M. Mickaël Vallet. L’un n’empêche pas l’autre !

M. Gérald Darmanin, ministre. Gardons-nous de ces vaines polémiques.

Il n’y a pas eu de cérémonie religieuse à l’Élysée.

M. Loïc Hervé. Exactement !

M. Gérald Darmanin, ministre. Le Président de la République a simplement reçu un prix contre l’antisémitisme. Il serait bon que nous nous unissions contre le véritable obscurantisme, qui vient du radicalisme religieux, pas de nos compatriotes juifs ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.

M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, convoquer Jaurès et de Gaulle, c’est bien ; mais encore faut-il avoir l’esprit clair ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Le général de Gaulle avait effectivement fait installer, à ses frais, une petite chapelle donnant sur la cour d’honneur de l’Élysée, mais c’était uniquement pour célébrer des messes privées.

M. Gérald Darmanin, ministre. Justement !

M. François Bonhomme. La différence est de taille !

En l’occurrence, nous ne parlons pas d’une simple maladresse ou d’une bévue. Votre réponse quelque peu entortillée nous confirme que, vendredi dernier, l’Élysée a été victime d’une forme de confusion mentale…

Une telle célébration n’avait pas sa place au palais présidentiel. En méconnaissant le principe de neutralité religieuse, plus encore dans le contexte de tensions où nous nous trouvons, vous avez offert un prétexte fâcheux à certaines communautés religieuses, qui s’empresseront de s’engouffrer dans la brèche.

M. François Bonhomme. À certains, vous donnez une occasion inespérée de nourrir le nouvel antisémitisme auquel nous sommes effectivement confrontés : vous accréditez l’idée absurde selon laquelle la communauté juive serait privilégiée. Bref, vous menez une véritable politique de Gribouille : pour éviter d’être mouillé, vous tombez à l’eau.

Enfin, je me dois d’évoquer la politique de communication du Gouvernement.

Vous nous avez sorti le dépliant destiné aux cités, le référent laïcité et même la journée de la laïcité : pourquoi pas un numéro vert ? (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.) Peut-être pourriez-vous rappeler au Président de la République l’existence de ces divers objets publicitaires, dans l’espoir qu’il se reprenne ? (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SER, CRCE-K et GEST. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)

dégradations climatiques : intempéries calamiteuses dans les hautes-alpes

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, loin des polémiques, ma question se fonde sur un simple constat : depuis plusieurs semaines, de nombreux territoires de France subissent de violents phénomènes climatiques.

Ainsi, dans mon département des Hautes-Alpes, 47 communes ont sollicité la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à la suite des intempéries des quinze derniers jours.

Pouvez-vous m’indiquer où en sont ces demandes ?

De plus, lors de votre venue dans mon département, vous avez déclaré que les collectivités territoriales frappées par les intempéries seraient exonérées de tout reste à charge. Qu’en est-il ?

Enfin, votre collègue Christophe Béchu a évoqué à plusieurs reprises dans cet hémicycle un décret visant à faciliter, en les simplifiant, les conditions de curage et d’entretien des réseaux d’eau, canaux et rivières qui parcourent notre pays. Qu’en est-il ? Ces mesures sont attendues avec impatience dans nos territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Laurent Duplomb applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Arnaud, je me suis effectivement rendue dans trois communes de votre département frappées par les intempéries. Vous m’aviez fait savoir au préalable que vous ne pourriez vous associer à cette visite, et je vous en remercie.

Avant tout, je tiens à réaffirmer le soutien du Gouvernement à votre département comme aux départements limitrophes.

Je salue l’engagement de nos services de secours, des agents de l’État, des collectivités territoriales et des entreprises, qui, tous autant qu’ils sont, ont contribué à faire revenir la rivière dans son lit.

Soyez assuré que la solidarité nationale s’exprimera pleinement. Je vous le confirme : les 37 dossiers communaux de demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle qui ont déjà été constitués ont obtenu un avis favorable de la commission interministérielle.

D’autres dossiers sont peut-être en retard : le préfet de votre département a fait savoir qu’il accordait aux communes un délai supplémentaire de quarante-huit à soixante-douze heures. Comme vous le constatez, nous faisons preuve d’une certaine souplesse.

Il convient d’aider financièrement les communes en mobilisant non seulement l’aide de l’État, mais aussi le soutien du conseil régional et celui des conseils départementaux. À cet égard, je salue le président du conseil départemental des Hautes-Alpes, dont vous êtes élu, et le président de la région Sud : tous deux ont rappelé que leurs collectivités territoriales seraient, avec l’État, au côté des communes sinistrées.

Face à cette situation, M. le ministre de l’intérieur et moi-même sommes pleinement mobilisés. Des points d’étape réguliers sont prévus. Je dispose des numéros de téléphone portable des principaux maires concernés et j’ai déjà échangé avec eux.

J’en viens à l’entretien des cours d’eau, dont je souligne à mon tour l’importance pour la politique de lutte contre les inondations. Il convient bel et bien de simplifier les opérations dont il s’agit.

Au début du mois de novembre dernier – vous le souligniez –, Christophe Béchu a transmis au Conseil d’État un projet de décret qui facilite les opérations de curage ponctuel des cours d’eau visant à restaurer leur fonctionnalité naturelle. Ce texte pourra être publié à l’issue des travaux du Conseil d’État, vraisemblablement au tout début de l’année 2024.

En parallèle, Bruno Le Maire, Christophe Béchu et moi-même menons un travail de fond sur l’assurabilité des collectivités territoriales. Nous avons mandaté une mission à ce titre.

Ensemble, avec vous, parlementaires, avec les élus locaux et avec les assureurs, nous allons veiller au bon accompagnement de toutes les collectivités territoriales qui subissent des catastrophes naturelles. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions.

Vous avez salué à juste titre l’engagement des collectivités territoriales, des élus, des professionnels et de nos concitoyens, qui, face à ces événements, ont su faire preuve d’une grande dignité.

Au total, 12 millions d’euros sont à la charge du seul département des Hautes-Alpes, et le coût des travaux à réaliser s’élève à 15 millions d’euros. Vous laissez entendre que les collectivités territoriales n’auront pas à recourir à l’autofinancement : j’espère que vous nous le confirmerez dans les prochaines semaines.

À l’échelle du pays tout entier, la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) est un véritable sujet pour un certain nombre de cours d’eau. Nous devons garantir une plus grande solidarité des différents acteurs entre l’amont et l’aval.

En parallèle, nous devons prendre les mesures réglementaires qui s’imposent pour renforcer les mesures de prévention et de précaution dédiées à ces cours d’eau. Ce faisant, nous éviterons de nouvelles catastrophes.

On refuse aujourd’hui d’intervenir sur les cours d’eau en amont, pour préserver la biodiversité : il faut sortir de ce dogme. Quand une catastrophe survient, il n’y a plus de biodiversité du tout ! L’eau emporte tout, de la montagne jusqu’à la mer. En la matière, il est urgent de faire bouger les lignes. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

installation des conférences des parties régionales

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, après les diagnostics de performance énergétique (DPE), les zones à faibles émissions (ZFE) et le « zéro artificialisation nette » (ZAN), que nous connaissons tous désormais, un nouvel acronyme aux relents cosmétiques s’impose en France : les conférences des parties (COP) régionales, que vous installez chaque semaine, dans chaque région, en dehors de tout contrôle parlementaire.

La méthode est toujours la même : un haut fonctionnaire décide seul, à Paris, et les collectivités territoriales se débrouillent, sans compétences ni moyens supplémentaires.

En lançant une « nouvelle étape de territorialisation écologique » le 25 septembre dernier, Mme la Première ministre a détaillé la procédure retenue. Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), qui ne rend de comptes à personne, élabore des slides désincarnées, lesquelles sont transmises aux régions… Cette façon de faire n’est ni coopérative ni transparente.

Les régions, entre autres acteurs, sont engagées depuis longtemps dans la transition écologique, et ce malgré de faibles marges de manœuvre, qu’il s’agisse des 40 leviers de décarbonation, des 150 actions types ou des 160 questions fermées qui leur sont soumises et demeurent à la seule main de l’État.

Elles sont tenues de transcrire les décisions étatiques dans des stratégies régionales, sous l’étroite surveillance des préfets et, bien souvent, sans la moindre consultation des élus, hélas ! Avec un tel contrôle de conformité, on se croirait revenu au temps de la tutelle, avant 1982.

Pourtant, en vertu de la législation en vigueur, le Gouvernement est censé présenter tous les cinq ans un projet de loi de programmation énergétique servant de base à cette déclinaison territoriale ; nous attendons toujours ce grand texte…

À notre demande, vous avez accepté un certain nombre d’assouplissements, comme la territorialisation du ZAN : comment pouvez-vous, « en même temps », être le ministre d’une planification écologique imposée aux régions ?

Passé le temps de la communication dédiée aux COP régionales, quels moyens financiers envisagez-vous d’octroyer aux collectivités territoriales pour réussir la transition écologique ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, j’ai un défaut, je dois le confesser ici… (Exclamations ironiques.)

Mme Françoise Gatel. Pas de confessions au Sénat !

M. Didier Marie. On ne se confesse pas ici, c’est la République !

M. Rachid Temal. Ce n’est pas très laïc !

M. Christophe Béchu, ministre. Ne vous réjouissez pas, je n’en confesserai qu’un !

J’ai été sénateur durant six ans, et cela m’a durablement déformé : je suis convaincu que cette chambre est précieuse pour la République et que la façon de travailler avec les élus locaux, que l’on apprend ici, est l’une des manières de réformer avec succès notre pays.

Dans la circulaire du 29 septembre dernier relative à la mise en œuvre de la territorialisation de la planification écologique, il est écrit, à la fin du premier paragraphe situé en haut de la page 3, que les parlementaires seront systématiquement conviés à l’ensemble des COP territoriales.

Monsieur Jean-Baptiste Blanc, pressentant votre question, j’ai vérifié un point : vous avez bien été destinataire du courrier d’invitation au lancement de la COP territoriale de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Ce matin, j’ai lancé la COP de la région Bourgogne-Franche-Comté.

Par ailleurs, il est dommage que vous n’ayez guère pu vous rendre à celle qui s’est tenue le lundi 27 novembre dernier à Marseille.

M. Stéphane Piednoir. Pour quoi faire ?

Mme Sophie Primas. Qui était invité ?

M. Christophe Béchu, ministre. Vous auriez pu y mesurer que nous faisions exactement l’inverse de ce que vous avez décrit.

Nous sommes inflexibles sur notre ambition climatique. Nous nous sommes collectivement engagés – et d’autres avant nous – à réduire nos émissions carbone.

Pour réaliser cette ambition, nous avons une méthode, la planification, et un principe, faire confiance aux territoires.

M. Christophe Béchu, ministre. La première étape, c’est d’établir un diagnostic des taux d’émission et de définir des leviers disponibles.

Nous l’avons fait ce matin, à Dijon, avec des dizaines de maires de la région Bourgogne-Franche-Comté – en tout, 400 personnes ont participé. Nous l’avons fait voilà quelques jours en Occitanie.

Nous le ferons dans quelques jours en Auvergne-Rhône-Alpes, où nous aurons l’occasion d’aborder la question du zéro artificialisation nette (ZAN) avec le président Wauquiez, je n’en doute pas !

Au cours des six prochains mois, nous recenserons département par département, commune par commune les actions déjà mises en œuvre dans le cadre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), afin qu’ils deviennent des contrats de réussite de la transition écologique.

Ils bénéficient des financements du fonds vert, notamment de ceux qui sont destinés aux territoires mettant en place des plans climat-air-énergie territorial (PCAET), lesquels ont été votés ici !

Voilà la méthode, voilà l’explication. (M. François Patriat applaudit.)

M. Rachid Temal. Et donc ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.

M. Jean-Baptiste Blanc. Dont acte, monsieur le ministre ! Mais pourquoi avons-nous l’impression qu’il s’agit d’un Gosplan qui ne dit pas son nom ?

Il faut être vigilant sur la gouvernance, afin d’éviter l’écologie PowerPoint, à laquelle on assiste pourtant…

Tenez compte des actions que les collectivités – le bloc communal ou les conseils départementaux – conduisent déjà en faveur de la décarbonation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

situation de la filière vitivinicole

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Denis Bouad. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’agriculture.

Je veux témoigner solennellement dans notre hémicycle de la détresse d’un grand nombre de vignerons.

Dans mon territoire, je suis moi-même très souvent confronté à leurs souffrances. Le 25 novembre dernier, à Narbonne, 6 000 viticulteurs d’Occitanie ont manifesté dans le calme.

Monsieur le ministre, seul un accompagnement massif de l’État permettra de sortir de la crise. C’est pourquoi nous demandons un plan Marshall pour la viticulture. Celui-ci doit être à deux étages.

En premier lieu, les aides d’urgence doivent servir à sauver les exploitations confrontées à d’importantes difficultés de trésorerie. Elles devront être justement calibrées. Les fonds doivent être débloqués rapidement, afin d’être réellement utiles et efficaces ; aucune exploitation ne doit être laissée sur le côté ! La mesure de « l’année blanche » doit également être mise sur la table.

En second lieu, il s’agit de construire un plan d’avenir pour la filière autour de deux grands objectifs : d’une part, permettre à toute une génération de viticulteurs de sortir dignement de la profession après une vie de travail ; d’autre part, encourager le renouvellement des générations, en facilitant l’installation de jeunes agriculteurs.

Face aux tensions qui existent sur le marché, il faudra recourir à de l’arrachage. Celui-ci doit être temporaire, mais également social, et être correctement indemnisé.

Sécuriser les nouvelles générations, c’est également apporter des réponses au défi climatique, ce qui suppose d’adapter les pratiques, les cépages et l’accès à la ressource en eau.

Cela soulève aussi l’enjeu de la résilience, qui se comprend notamment au travers de l’assurance agricole. D’ailleurs, monsieur le ministre, nous attendons toujours que le Gouvernement engage les discussions pour sortir de la référence de la moyenne olympique.

Monsieur le ministre, pouvez-vous aujourd’hui rassurer ces hommes et ces femmes qui, par leur savoir-faire, font la fierté de nos territoires ?

Pouvez-vous leur apporter des réponses sur le juste calibrage des mesures d’urgence et sur un plan d’avenir ambitieux pour la filière ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Denis Bouad, hélas ! je ne suis pas le ministre de l’agriculture… (Exclamations ironiques.)

M. Mickaël Vallet. Heureusement !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Néanmoins, je partage avec vous la passion du bon vin et de notre patrimoine, dont fait partie la viticulture !

Nous ne méconnaissons pas les difficultés rencontrées par la profession des viticulteurs. Vous les avez mentionnées : reprendre une exploitation agricole et faire face au désastre climatique ou au mildiou, pour prolonger le débat qui s’est tenu la semaine dernière au Sénat.

J’ai moi-même pu constater – ce n’était pas dans le Sud-Ouest – que des agriculteurs avaient arraché des cépages traditionnels français pour planter des cépages italiens, portugais et espagnols, lesquels sont plus résistants à la chaleur. Cela a évidemment un impact culturel et patrimonial très fort dans le milieu viticole, où l’on aime la terre et son pays, et où l’on aime le faire savoir.

Monsieur le sénateur, vous nous demandez comment l’État peut accompagner les viticulteurs, notamment du Sud-Ouest, qui sont cette année confrontés à de grandes difficultés.

M. le ministre Marc Fesneau vous l’a dit, aucun dispositif légal ne permet, hélas ! de mettre en place le fonds que vous souhaitez.

M. Hussein Bourgi. Changez la loi !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Néanmoins, je vous le rappelle, afin de soutenir les vignerons confrontés à une situation économique particulièrement dégradée dans certains bassins de production, un fonds d’urgence de 20 millions d’euros a été inscrit dans le projet de loi de finances, voté récemment au Sénat. Il sera déployé pour accompagner les viticulteurs qui rencontrent le plus de difficultés de trésorerie, notamment dans le Sud-Ouest.

Par ailleurs, en lien avec la filière, nous continuons à étudier des soutiens complémentaires, pour accompagner les viticulteurs dans la crise qu’ils traversent.

Je veux également rappeler l’engagement fort du Gouvernement en faveur de la viticulture : 572 millions d’euros de soutien après le gel de 2021 ; quelque 17 millions d’euros après le gel de 2022 ; enfin, 26 millions d’euros, la même année, après la grêle. À chaque fois, l’État est capable de se mobiliser pour soutenir la viticulture, vous pouvez le mesurer.

Cette année encore, le Gouvernement débloquera 200 millions d’euros pour un dispositif d’aides exceptionnelles.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Olivier Véran, ministre délégué. Par ailleurs, M. le ministre de l’agriculture a annoncé mener un travail pour mettre en place un dispositif de prêt bonifié. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

publicités de l’ademe pour la sobriété dans la consommation

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, la France voit ses petits commerces mourir à petit feu. Pas un jour ne passe sans que nous soyons sollicités par des commerçants à bout de souffle, qui ne parviennent plus à se verser de salaire et qui envisagent de baisser le rideau.

En quelques années, ils ont eu à subir la crise sanitaire, l’explosion des prix de l’énergie, des taxes comme la cotisation foncière des entreprises (CFE), la baisse du pouvoir d’achat des Français et la redoutable concurrence du commerce en ligne.

Nombre d’entre eux doivent encore rembourser péniblement leur prêt garanti par l’État (PGE) et payer les échéances de l’Urssaf.

Comme si cela ne suffisait pas, vous avez encouragé, à la veille de Noël, une publicité de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui met en scène des « dévendeurs » incitant à la déconsommation.

C’est une nouvelle gifle pour les 700 000 commerces de proximité, qui font pourtant vivre plus de 3 millions de Français et qui jouent un rôle essentiel dans la vie sociale de nos territoires.

Les élus locaux ne cessent de tirer la sonnette d’alarme ; ils vous ont fait plusieurs propositions concrètes, mais vous ne semblez pas avoir pris conscience de la gravité de la situation.

Monsieur le ministre, les dispositions cosmétiques ne suffisent plus ! Aussi, quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour soutenir véritablement nos commerces de proximité écrasés par la conjoncture ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Gruny, chaque jour, nos concitoyens sont soumis à 20 000 spots publicitaires.

J’avoue, je confesse et j’assume que, au cours des dix jours précédant le Black Friday – et non avant les fêtes de Noël –, 53 spots journaliers, sur un total de 20 000, nous ont incités à nous interroger sur notre mode de consommation.

M. Christophe Béchu, ministre. Certains ont suggéré de réparer plutôt que d’acheter du neuf, d’autres de reconditionner ou encore de recycler, d’autres enfin de louer.

L’un de ces spots mettant en avant un dévendeur – tel était le thème de la campagne publicitaire de l’Ademe – a suscité de l’émotion. Nous ne nous trompions pas forcément de message, mais de cible : en l’occurrence, un commerce physique était ciblé, alors que le principal problème aujourd’hui est posé non par les commerces physiques, mais par les plateformes de vente en ligne.

C’est le paradoxe que vous décrivez, madame la sénatrice. Chacun d’entre nous achète en moyenne 30 % de vêtements de plus qu’il y a dix ans. Pourtant, les enseignes physiques ferment. C’est bien la preuve que réduire la consommation, en faisant en sorte que moins de vêtements soient achetés, ne conduit pas à leur fermeture.

La question, c’est de savoir quels types de vêtements sont achetés, à quel endroit et de quelle qualité.

Mme Sophie Primas. Ce n’est pas la question !

M. Christophe Béchu, ministre. La maladresse du spot était non pas de nous inciter à nous interroger sur nos besoins, mais de cibler un commerce physique.

J’ai reçu au ministère la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), le Mouvement des entreprises de France (Medef) et vingt fédérations professionnelles.

Elles se sont déclarées satisfaites non seulement de l’entretien, mais également de la campagne que nous imaginons réaliser dans les prochaines semaines. Celle-ci soutiendra le made in France, les produits fabriqués à proximité, de qualité et réparables.

Nous devons délivrer deux messages : soutenir nos commerces – c’est ce que j’ai fait dans ma vie d’élu local et ce que je m’efforce encore de faire – et faire attention aux ressources de la planète. Nous aurions tout à perdre à ne nous préoccuper que d’une seule de ces deux cibles. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Nicole Bonnefoy et M. Thierry Cozic applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. Les dévendeurs ont causé des dégâts, le mal est fait ! Continuez ainsi, ce sera très bien…

Toutefois, ma question avait pour objet le soutien du Gouvernement aux commerces de proximité. Ceux-ci auraient particulièrement besoin d’un manager de ville.

Mme Françoise Gatel. Tout à fait !

Mme Pascale Gruny. Il faut aider les communes à mettre à disposition des commerçants ce genre de dispositif, car ils ont du mal à se battre contre les plateformes d’e-commerce.

Peut-être faudrait-il également réfléchir à une baisse de la TVA ; ce serait une bonne façon d’aider les commerçants à faire face à la concurrence déloyale.

Monsieur le ministre, je vous invite à venir faire vos courses à Saint-Quentin dimanche prochain, car les commerçants travaillent ! Vous entendrez leurs messages. Pour ma part, j’y vais toutes les semaines : ils en ont assez, notamment des taxes, je vous l’assure ! Il faut les aider.

Nous avons bien entendu vos promesses, après les réunions dans votre bureau, mais, maintenant, nous voulons des actes ! Nous y serons attentifs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

eau et assainissement

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Franck Menonville. Ma question, qui s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, porte sur le transfert de la compétence eau et assainissement des communes aux intercommunalités. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce transfert obligatoire au 1er janvier 2020, selon les dispositions de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), a été reporté au 1er janvier 2026 par la loi du 3 août 2018. Et pour cause ! La mise en œuvre de ce transfert suscite beaucoup d’inquiétudes chez les élus locaux.

Le Sénat n’a eu de cesse de se mobiliser pour le rappeler. La dernière initiative en date de notre assemblée est la proposition de loi de notre collègue Jean-Yves Roux. Celle-ci consacre une approche différenciée de la gestion de cette compétence.

Adopté à une large majorité le 16 mars dernier, le texte n’a pour l’heure pas prospéré. Pourtant, le 30 mars dernier, le Président de la République, en déplacement dans les Hautes-Alpes, a explicitement ouvert la voie à une évolution notable en la matière.

Monsieur le ministre, où en sommes-nous ? La date du transfert, le 1er janvier 2026, approche à grands pas !

Peut-on envisager que cette compétence ne soit pas systématiquement transférée aux intercommunalités ? Un traitement différencié, selon les réalités territoriales, peut-il être imaginé ?

Sans revenir à une gestion purement communale, entendez-vous faire évoluer le cadre du transfert, afin de permettre aux communes de s’organiser elles-mêmes en bassins versants, autour des aires d’alimentation, notamment par le biais de structures syndicales ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. André Reichardt. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Menonville, à l’issue de ces questions d’actualité au Gouvernement, j’aurai donc été invité à faire le marché de Saint-Quentin et à retourner aux côtés des élus locaux des Deux-Sèvres. Je suis un peu déçu que vous ne m’ayez pas proposé de venir à Stainville ! (Sourires.)

Vous avez raison, la proposition de loi déposée par le sénateur Roux, votée dans cette assemblée, n’a pour le moment pas trouvé de relais à l’Assemblée nationale.

Plus précisément, le texte a bien été repris par un groupe, qui l’a inscrit dans sa niche parlementaire aux côtés de beaucoup d’autres textes, si bien que la priorité a été donnée à celui qui visait à abroger la réforme des retraites. Et il a tellement occupé l’Assemblée nationale ce jour-là que la proposition de loi que vous avez évoquée n’a pu être débattue !

Pourtant, elle contient deux mesures importantes. La première vise à autoriser de nouveau les départements à financer et à sécuriser les travaux des communes.

M. Jean-François Husson. Ça, c’est bien !

M. Christophe Béchu, ministre. Vous n’avez pas évoqué cette mesure, mais je la rappelle, car elle fait l’unanimité à la fois sur toutes les travées de cet hémicycle et à l’extérieur.

Mme la Première ministre a eu l’occasion de rappeler au président Sauvadet, en marge du congrès de l’Assemblée des départements de France (ADF), combien nous soutenions cet engagement. C’est la mesure 35 du plan Eau, présenté à Savines-le-Lac le 30 mars dernier.

La seconde mesure dont vous parlez repose sur un principe énoncé par le Président de la République à Savines-le-Lac, le président Jean-Michel Arnaud s’en souvient : tracer un jardin à la française n’est sans doute pas le meilleur moyen de gérer partout dans notre pays la compétence eau.

M. Christophe Béchu, ministre. Compte tenu de la taille moyenne d’un certain nombre d’intercommunalités, il faut imaginer un dispositif qui tienne compte de deux impératifs, comme Dominique Faure a eu l’occasion de le préciser. Au reste, je lui rends hommage pour son investissement, lequel a vocation à se poursuivre.

M. Jean-François Husson. Elle est une source inépuisable !

M. Christophe Béchu, ministre. Premier impératif, nous ne pouvons pas retourner vers un système de communes isolées, ou le conserver. (M. Olivier Cigolotti approuve.)

Quand on considère les communes en rupture d’eau et les taux de fuite, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une fausse bonne idée.

M. Fabien Genet. C’est faux !

M. Christophe Béchu, ministre. Second impératif, nous devons faire preuve de souplesse pour trouver un système de coopération, tel que le syndicat mixte, sans obliger le transfert de la compétence à l’intercommunalité.

M. Mathieu Darnaud. On vous le demande depuis deux ans !

M. Christophe Béchu, ministre. Nous trouverons en 2024 la manière de donner suite à la proposition de loi de M. Roux.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour la réplique.

M. Franck Menonville. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Pour inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, les semaines réservées au Gouvernement existent !

Malheureusement, il y a suffisamment de réformes à conduire et de dysfonctionnements de politiques publiques à régler pour qu’il ne faille pas désorganiser ce qui est fait dans les territoires.

Faisons preuve de souplesse, en permettant aux communes de déléguer directement leur compétence aux structures de leur choix, et non en systématisant les subdélégations aux établissements publics de coopération intercommunale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 20 décembre, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable, par 16 voix pour et aucune voix contre, sur la nomination de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil aux fonctions de directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

5

Communications relatives à des commissions mixtes paritaires

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2024 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi  visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires
Discussion générale (suite)

Réemploi des véhicules

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi  visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, de la proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires, présentée par MM. Joël Labbé, Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 923 [2022-2023], texte de la commission n° 152, rapport n° 151).

Je salue la présence dans nos tribunes de notre ancien collègue Joël Labbé.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au lendemain de la clôture de la COP28, alors que l’inflation exacerbe les inégalités sociales et la précarité de nombreux Français, il est temps de prendre des mesures concrètes, ancrées dans nos territoires et à la fois sociales et écologiques.

Favoriser le réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires, tel est l’objet de la proposition de loi de notre ancien collègue Joël Labbé – je le salue ! –, que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soumet aujourd’hui au débat.

C’est au plus près du terrain, en allant à la rencontre de nos concitoyens et concitoyennes, qu’une telle idée a émergé. En discutant avec son garagiste, notre ancien collègue Joël Labbé s’est trouvé face à un double constat contradictoire.

D’une part, de nombreux véhicules encore en état de rouler sont envoyés à la casse, dans le cadre de la prime à la conversion, ce qui constitue une véritable aberration écologique.

D’autre part, les garages solidaires peinent à trouver des véhicules en bon état et respectant les normes de pollution, malgré une demande élevée. Certains de ces garages ont même mis la clé sous la porte, faute de véhicules disponibles, comme celui d’Échirolles, dans mon département de l’Isère.

Nous en sommes tous témoins : avoir un véhicule devient de plus en plus cher, voire totalement hors de prix. Ainsi, le prix moyen d’une voiture neuve a bondi de 21 % en deux ans et dépasse désormais les 35 000 euros.

Bien sûr, il y a les véhicules d’occasion, mais, là encore, les prix s’envolent. Une Renault Clio, le modèle d’occasion le plus coté, coûte désormais en moyenne 14 400 euros ; elle a augmenté de 13 % en un an.

En y ajoutant le coût des carburants et des assurances, avoir un véhicule devient donc hors de portée pour de nombreux ménages. D’après le baromètre des mobilités du quotidien de l’association Wimoov et de la Fondation pour la nature et l’homme, 13,3 millions de Français sont en situation de précarité en matière de mobilité. Autrement dit, ils n’ont peu ou pas accès à un véhicule ou à des transports collectifs.

Sans surprise, les personnes les plus modestes sont les plus touchées. Bien sûr, en tant qu’écologistes, nous n’apprécions pas la civilisation de la voiture ni l’isolement, la pollution et l’étalement urbain qu’elle suscite.

Comme l’a dit André Gorz, « le vice profond des bagnoles, c’est qu’elles sont comme les châteaux et les villas sur la Côte : des biens de luxe inventés pour le plaisir exclusif d’une minorité de très riches et que rien, dans leur conception et leur nature, ne destinait au peuple ».

C’est pourquoi nous plaidons sans relâche pour un autre aménagement du territoire, qui permettrait de réduire les déplacements contraints, d’améliorer des transports collectifs et de favoriser l’autopartage, ainsi que de meilleures infrastructures pour le vélo et d’autres modes de transport. Je pense ici au travail de mon collègue Jacques Fernique, rapporteur de cette proposition de loi.

Néanmoins, contrairement au portrait que certains voudraient peindre, nous sommes lucides. Nous savons que des millions de Françaises et de Français, en particulier en milieu rural, ont cruellement besoin d’une voiture, car les solutions de substitution y sont rares. C’est justement le paradoxe de la voiture, qu’a évoqué André Gorz : « Les gens, finalement, ne peuvent circuler à l’aise que parce qu’ils sont loin de tout. »

En attendant de transformer l’aménagement de nos territoires, nous devons offrir des solutions.

Or, en milieu rural, ne pas avoir de voiture signifie souvent ne pas pouvoir accéder aux services publics, aux commerces, à la vie sociale, à l’emploi. C’est tout simplement être assigné à résidence.

Ainsi, 28 % des demandeurs d’emploi ont renoncé au moins une fois à un emploi ces cinq dernières années, faute de moyens de transport.

Alors que nous évoquons souvent dans cet hémicycle les fameux « emplois en tension », que les chômeurs ne voudraient pas occuper, je vous invite, mes chers collègues, à réfléchir aux barrières qui empêchent de nombreux demandeurs d’emploi d’accepter les propositions des employeurs. L’absence de mobilité est l’une d’elles !

Pour illustrer mon propos, je citerai l’exemple de Simone, qui vit dans la région de Saint-Nazaire.

Habitant à l’extérieur de la ville, Simone n’a pas de transport en commun qui coïncide avec ses horaires de travail, quelques heures de ménage à Auchan. Elle doit, en outre, s’occuper d’un enfant diabétique et l’emmener régulièrement à l’hôpital de Saint-Nazaire, situé à 60 kilomètres de la ville. Surendettée et seule, elle ne peut compter que sur elle-même et elle a un besoin crucial de son véhicule.

Sa Clio 1999 est usée. Elle affiche plus de 350 000 kilomètres et son contrôle technique est dépassé d’un an. Mais Simone n’a pas les moyens d’entretenir sa voiture, qui est donc de plus en plus dangereuse. Les freins, les pneus, les suspensions sont dans un sale état. Pendant une visite dans un garage solidaire, le démarreur manque de prendre feu. Heureusement, elle a pu bénéficier d’une location d’un véhicule en bon état pour 30 euros par mois.

Des cas comme celui de Simone, notre pays en compte des centaines de milliers.

Bien souvent, les victimes de cet aménagement du territoire incohérent et de l’étalement urbain sans limites sont des femmes seules habitant en zone rurale. N’importe quel garage solidaire pourrait en témoigner !

Ces garages solidaires sont justement le dernier recours pour celles et ceux qui n’arrivent plus à acheter ou à entretenir leurs véhicules, faute de moyens. Ces 150 structures réparties dans tous les territoires permettent aux plus précaires de rouler, en leur louant ou en préparant des véhicules à des prix abordables. Mais ils sont débordés face à la demande. Alors que le prix des véhicules d’occasion s’envole, l’offre n’arrive plus à suivre la demande.

Il existe pourtant un vaste vivier de véhicules, ni trop anciens, ni trop polluants, tout à fait en état de rouler encore quelques années, moyennant parfois quelques petites réparations. Ce vivier, c’est la prime à la conversion.

Notre proposition de loi vise à récupérer, parmi ces véhicules, ceux qui fonctionnent à l’essence et sont classés Crit’Air 3 ou mieux. Au total, cela représente environ 16 000 véhicules par an. Pour les garages solidaires et pour les bénéficiaires, c’est une aide décisive.

Outre son intérêt social, cette mesure est aussi et évidemment écologique.

Je le sais, certains s’interrogent, voire ironisent, sur le fait que des écologistes souhaitent mettre à disposition des vieilles voitures à destination des plus pauvres.

Toutefois, regardons la réalité en face : chez les 10 % des Français les plus précaires, un véhicule sur cinq est âgé de plus de 27 ans et se trouve donc classé Crit’Air 5 ou plus. En mettant à la disposition de ces ménages des voitures plus récentes et moins polluantes, ce sont en réalité les vieux véhicules très polluants que nous sortirons de la circulation.

Le gain environnemental est d’autant plus grand que cette mesure suit une logique d’économie circulaire. La destruction des véhicules existants et la construction de nouveaux modèles émettent bien plus de gaz à effet de serre que le réemploi de véhicules peu polluants pour deux à quatre ans. S’ajoute à cela le fait que les véhicules neufs sont souvent importés de pays lointains. L’atout environnemental de cette proposition de loi est donc indéniable.

Je sais que certains préféreraient que les véhicules à destination des plus précaires soient électriques, soit au titre du leasing social promis par le Gouvernement, soit dans le cadre du rétrofit de véhicules anciens. Je tiens à les rassurer : notre proposition de loi est complémentaire de ces approches.

Le leasing, qui consiste à louer une voiture électrique pour 100 à 150 euros par mois dans le cadre d’un engagement sur plusieurs années, répond aux demandes. Cependant, d’autres personnes ont besoin de solutions moins coûteuses, sans engagement, mais avec un accompagnement social : c’est bien ce que les garages solidaires garantissent.

Quant au rétrofit, qui est évoqué à l’article 2 de notre proposition de loi, il permet d’envisager le changement de motorisation des véhicules concernés.

Le rétrofit est une piste prometteuse, dès lors qu’il assure une seconde vie à des véhicules encore en bon état, mais il ne constitue qu’une solution parmi d’autres pour constituer une flotte de véhicules partagés et décarbonés.

Nous sommes ouverts à toutes ces approches, car la mobilité requiert une pluralité de solutions. C’est d’ailleurs pour cette raison que, au travers du présent texte, nous faisons confiance à l’intelligence et à l’expérimentation des territoires.

Par exemple, nous pourrions imaginer l’autopartage des véhicules dans des communes rurales, pour répondre aux besoins ponctuels des petits rouleurs ; il s’agit là d’un moyen de changer l’appropriation de la voiture, en passant de la propriété à l’usage.

Pour toutes ces raisons, tant environnementales que sociales, je vous invite à voter cette proposition de loi.

Je fais confiance au bon sens, que nous sommes nombreux à partager sur ces travées, car il a déjà permis de faire adopter cette mesure durant l’examen de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, lorsque notre ancien collègue Joël Labbé avait présenté la « Labbémobile », par voie d’amendement.

Je tiens d’ailleurs à remercier M. Labbé de son travail, et même de l’ensemble de son œuvre (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K. – M. Éric Gold et Mme Anne-Catherine Loisier applaudissent également.), ainsi que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a adopté notre texte à l’unanimité. Nous espérons ainsi passer une nouvelle étape et transmettre notre proposition de loi à l’Assemblée nationale le plus rapidement possible.

Je laisserai mes collègues Jacques Fernique, rapporteur, et Daniel Salmon compléter mes propos, mais je tenais tout à de même à vous présenter mon texte dans les grandes lignes pour vous convaincre de son intérêt.

Pour finir, je souhaiterais remercier les garages solidaires, dont les représentants sont présents dans les tribunes de notre hémicycle, et les associations de solidarité, comme le Secours catholique, dont nous avons reçu les membres au Sénat la semaine dernière.

Je sais qu’ils suivent avec attention nos débats aujourd’hui et attendent beaucoup de votre vote. Montrons-leur que la chambre des territoires est à l’écoute de leurs demandes et sait trouver des solutions concrètes, originales et intelligentes, conciliant impératif social et écologique. Ne les laissons pas au bord de la route.

Monsieur le ministre, choisissons la « Labbémobile » ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K. – M. Bernard Pillefer et Mme Solanges Nadille applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Jacques Fernique, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver aujourd’hui pour examiner la proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires.

Avant toute chose, je tiens à en saluer l’auteur historique, notre ancien collègue Joël Labbé, aujourd’hui présent dans les tribunes, sans oublier nos collègues signataires du texte.

Je souhaite également remercier les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, notamment son président Jean-François Longeot, du sens du dialogue et de l’esprit d’ouverture dont ils ont fait preuve lors de l’examen initial du texte.

En effet, la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par la commission – sans abstention, donc –, ce dont je me réjouis. À mon sens, ce vote s’explique par l’ambition à la fois solidaire et écologique qu’incarne ce texte.

Pour éclairer mes propos, je souhaiterais vous faire part de deux exemples très concrets des difficultés que rencontrent un grand nombre de nos concitoyens dans leur quotidien pour se déplacer. Ce sont bien ces difficultés, dont j’ai eu connaissance à la suite de mes échanges avec les acteurs de la mobilité solidaire, qui rendent ce texte indispensable.

Je souhaiterais vous parler de Nathalie, mère célibataire de deux enfants, qui a connu d’importantes difficultés financières à la suite de la crise du covid-19. En effet, ses revenus ne lui permettent pas de payer à ses enfants un abonnement aux transports en commun : sa fille doit ainsi marcher 6 kilomètres à pied par jour – soit trois allers-retours – pour se rendre à l’école.

Si la caisse d’allocations familiales (CAF) et le centre communal d’action sociale (CCAS) vont prochainement l’aider grâce à divers dispositifs, ces derniers seront longs à mettre en œuvre. En attendant, c’est un garage solidaire qui lui prête gratuitement un véhicule et prend en charge ses pleins de carburant.

Je veux aussi évoquer la situation d’Emma, en recherche de stage, qui a retrouvé sa voiture accidentée il y a quelques semaines. Son assurance ne couvrant pas les réparations, c’est aussi un garage solidaire qui lui prête actuellement un véhicule pour lui permettre de se rendre sur son lieu de travail.

C’est pour Nathalie, pour Emma et pour toutes les personnes précaires – bien souvent des femmes – qui rencontrent d’importantes difficultés à se déplacer et ont besoin de solutions rapides que cette proposition de loi entend faire bouger les lignes.

D’après le baromètre des mobilités du quotidien 2022 établi par Wimoov et la Fondation pour la nature et l’homme, plus d’un quart de nos concitoyens sont en situation de précarité en matière de mobilité. Parmi eux, 4,3 millions ne disposent d’aucun mode de transport.

Cette précarité touche en premier lieu les ménages les plus modestes, qui sont en moyenne moins nombreux à posséder un véhicule ; les ménages à bas revenus utilisent en général un véhicule diesel, qui est plus vieux que la moyenne du parc et plus fréquemment acheté d’occasion.

Afin de pallier ces difficultés, la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite LOM, a entendu renforcer l’accès à la mobilité pour tous et réaffirmer la mobilité solidaire comme objectifs des politiques publiques de transport. Cette ambition se traduit d’ores et déjà dans nos territoires par des initiatives locales visant à favoriser la mobilité solidaire.

J’ai notamment eu l’occasion d’échanger avec la vice-présidente de la communauté de communes Côte Ouest Centre Manche, qui a mis en place un service de location de véhicules à destination de publics en situation d’insertion professionnelle.

En parallèle, des structures associatives, au premier rang desquelles les réseaux de garages solidaires, proposent un ensemble d’activités pour favoriser l’accès à la mobilité des publics fragiles, notamment grâce à la vente, la location et la réparation de véhicules à prix modique.

Ces garages s’appuient principalement sur les dons de véhicules réalisés par des particuliers. Or ces véhicules sont la plupart du temps anciens et très polluants. Les dons se sont par ailleurs amoindris sous l’effet de la mise en place de la prime à la conversion, qui permet de bénéficier d’une aide à l’acquisition d’un nouveau véhicule.

Pour résumer, nombre de nos concitoyens peinent à se déplacer, et des initiatives se multiplient pour les y aider, notamment par le biais des garages solidaires, avec une limite toutefois : les véhicules disponibles sont en nombre limité et sont souvent très polluants.

Ce constat étant posé, il faut le mettre en regard avec un autre phénomène : chaque année, des milliers de véhicules sont mis à la casse dans le cadre du dispositif de prime à la conversion, alors même que certains d’entre eux sont toujours en état de fonctionner et présentent des niveaux de pollution parfois inférieurs à ceux d’une bonne partie du parc automobile national.

Comme vous le savez, la prime à la conversion a été créée afin de décarboner notre parc automobile au profit de son renouvellement par des véhicules moins polluants. Ce mécanisme a d’ailleurs fait ses preuves puisqu’il a permis, pour la seule année 2021, d’éviter l’émission de 45 tonnes de particules fines et de 160 000 tonnes de CO2.

Le dispositif de prime à la conversion repose sur un concept simple, mais loin d’être intuitif, celui de la mise au rebut systématique des véhicules renouvelés. Cette situation conduit, d’une part, à une importante destruction de matières et de véhicules, d’autre part, à une consommation d’énergie et de matières considérables pour produire de nouveaux véhicules.

En définitive, nous faisons face à un paradoxe : d’un côté, un grand nombre de Français ne disposent d’aucune solution de mobilité ; de l’autre, un certain nombre de véhicules sont détruits de façon automatique dans le cadre de la prime à la conversion.

La présente proposition de loi entend donc réconcilier ces deux phénomènes, en faisant en sorte que les moins polluants des véhicules mis au rebut dans le cadre de la prime à la conversion soient remis à titre gracieux aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) volontaires. Celles-ci pourront ainsi mettre en place, le cas échéant, des services de location à destination des publics les plus précaires, grâce aux associations, notamment les garages solidaires.

Afin de mieux l’encadrer et de réduire son potentiel impact environnemental, le texte a été modifié en commission. Il a ainsi été restreint aux seuls véhicules à essence classés Crit’Air 3. D’ailleurs, nous examinerons tout à l’heure un amendement de la commission visant à élargir le dispositif – légèrement, toutefois – aux véhicules rétrofités.

En commission, nous avons également cherché à améliorer le caractère opérationnel du mécanisme. Le texte prévoit désormais un conventionnement entre l’AOM et les différentes parties prenantes, afin de définir à l’échelle du territoire les modalités du service proposé, en bonne subsidiarité.

Au bout du compte, il ne s’agit aucunement de remettre en question la logique et l’objectif de la prime à la conversion ; il s’agit, bien au contraire, d’aider les ménages les plus modestes à participer à la transition écologique, plus précisément à la décarbonation du parc automobile que nous appelons de nos vœux.

En outre, la limitation du dispositif aux véhicules à essence classés Crit’Air 3 est de nature à lever les quelques doutes émis par certains à l’égard du texte, justement parce qu’elle permet de réduire son potentiel impact environnemental. Le dispositif fera en outre l’objet d’une évaluation, ainsi que le prévoit l’article 1er bis, introduit par la commission.

Cette proposition de loi est la preuve que nous pouvons envisager, de façon transpartisane, une écologie populaire et pragmatique. À cet égard, monsieur le ministre, il est illusoire de penser que ce dispositif fonctionnerait si on le restreignait aux seuls véhicules rétrofités ; nous avons déjà eu l’occasion d’en discuter, et je ne doute pas que nous y reviendrons plus tard.

La commission est tout à fait ouverte à l’idée d’intégrer les véhicules rétrofités ; nous vous proposerons même un amendement en ce sens. Cela étant, compte tenu du coût d’une opération de rétrofit – de 10 000 euros à 15 000 euros –, il y a fort à parier que le gisement de véhicules rétrofités ne serait pas à même de répondre aux besoins de la location solidaire.

En outre, le dispositif proposé ne doit pas être opposé au leasing social, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier prochain – enfin ! Les services de location solidaire dont nous parlons ici s’adressent notamment aux ménages des premier et deuxième déciles, qui, il faut le dire clairement, ne disposent pas des ressources financières suffisantes pour prendre part au leasing social.

C’est pourquoi il ne faut pas voir ces initiatives comme concurrentes : elles sont au contraire complémentaires. Je forme donc le vœu que nos échanges, ce jour, permettront de convaincre chacun et chacune du bien-fondé de ce dispositif, qui, je l’espère, ira au bout de la navette parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Jean-Luc Brault applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs – je salue en particulier M. le président Gontard –, je vous remercie tout d’abord de votre initiative et du travail qui a été conduit, dans un esprit de dialogue, et même de consensus, comme en témoigne le vote unanime du texte en commission.

Monsieur le rapporteur, au moins trois points essentiels caractérisent l’esprit dans lequel a été préparé le texte que vous défendez aujourd’hui.

Premièrement, vous dressez un constat de la réalité, qu’on l’aime ou non : 85 % des Français utilisent la voiture pour accomplir leurs trajets du quotidien, qu’il s’agisse de se rendre au travail, chez le médecin ou dans un lieu culturel, ou d’accomplir toute autre activité.

La transition vers un autre modèle de mobilité doit certainement être accélérée et accompagnée, mais, pour l’heure, l’usage de la voiture est une réalité vécue par un grand nombre de citoyens, notamment par les plus modestes et ceux qui vivent en zone rurale.

Deuxièmement, pour répondre à l’urgence climatique, nous devons assumer une logique de transition ; celle-ci se situe d’ailleurs au cœur de votre initiative, qui se révèle concrète et pragmatique. Nous ne passerons pas du jour au lendemain d’un monde de voitures individuelles, encore souvent polluantes, à un monde où chaque Français, partout sur le territoire, pourra utiliser un transport public ou des modes de transports dits doux ou actifs.

Nous devons donc franchir des étapes, là aussi en accélérant, mais surtout en assumant une logique de progressivité et de transition.

Troisièmement, il faut assurer l’accompagnement social, qui est indispensable à la réussite de cette transition écologique. Si nous ne tenons pas compte des besoins et des contraintes particulières des Français les plus modestes, ceux des classes moyennes et des territoires ruraux, nous aurons les plus grandes difficultés à susciter l’adhésion à cette transition écologique.

On l’a vu, l’indifférence à ces problèmes peut aboutir à un ralentissement de la transition, voire à une contestation de l’urgence climatique et des politiques publiques qui ont vocation à y répondre.

Je veux saluer explicitement et directement l’esprit de consensus qui, je le disais, a animé les travaux de la commission et a permis de faire évoluer le texte. Pour en avoir discuté avec le rapporteur, je pense même que le texte a été nettement amélioré, dans la mesure où il a été tenu compte d’un certain nombre d’arguments pratiques.

Sur le fond, la proposition de loi qui nous rassemble cette après-midi s’intéresse en particulier au dispositif de prime à la conversion.

Vous le savez, c’est un outil que le Gouvernement soutient fortement, en tant que levier de décarbonation très rapide et nécessaire de nos mobilités routières, dans une société où la voiture est appelée à rester inévitable pour une partie de la population, au moins pour une certaine durée.

Le texte prévoit en effet d’allonger la durée de vie des véhicules les moins polluants voués à la destruction, en application de la prime à la conversion. Ces véhicules pourraient alors être utilisés pour quelques années par des services de location sociale et solidaire, gérés par les AOM, au profit des personnes les plus défavorisées.

En effet, le parc des acteurs de la location sociale et solidaire est ancien et globalement plus polluant que celui des véhicules classés Crit’Air 3, qui viendra en remplacement.

Nous comprenons donc la logique de la démarche proposée par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, dont je tiens à saluer l’engagement en faveur de la mobilité sociale, mais aussi le pragmatisme, dont cette initiative concrète est le reflet.

Je salue également l’action du rapporteur Fernique, qui, à la suite des échanges auxquels je faisais référence, a utilement encadré le dispositif initial lors des travaux en commission.

Dans sa version originelle, le texte comportait quelques effets de bord négatifs pour l’environnement. Je sais bien que ces effets n’étaient pas dans l’intention de l’auteur de la proposition de loi, mais ils étaient bien réels. La limitation aux seuls véhicules classés Crit’Air 3 ou moins, adoptée en commission, est ainsi bienvenue.

Vous le savez, l’objectif premier de la prime à la conversion, défendue par le Gouvernement, est bien de sortir du parc roulant les véhicules polluants. Dès lors, prolonger leur durée de vie, même pour un temps limité et dans le cadre d’un objectif social, nous semble porter atteinte au moins partiellement à l’esprit et aux principes qui fondent la prime à la conversion.

En outre, même si la prime à la conversion présente une grande importance pour l’amélioration de la qualité de l’air, il existe aujourd’hui d’autres dispositifs visant à rendre plus accessibles des véhicules moins émetteurs. Tel est le cas du leasing social, qui, je vous le confirme, sera effectif avant la fin de l’année 2023 pour la réservation des véhicules.

C’est pourquoi je vous proposerai, dans l’esprit de nos échanges et au nom du Gouvernement, un amendement visant à rendre le texte davantage compatible avec les attendus de la prime à la conversion.

Ainsi, nous souhaitons autoriser la prolongation de la durée de vie des véhicules destinés au rebut pour les louer à des personnes précaires à condition qu’ils soient au préalable rétrofités. Ce rétrofit pourrait être électrique – ce serait bien sûr la meilleure solution –, mais le pragmatisme nous impose aussi d’envisager, le cas échéant, le gaz naturel liquéfié (GNL) ou la motorisation hybride rechargeable.

Le rétrofit électrique est encore relativement onéreux. Aussi, je tiens à préciser que les coûts en seraient pour partie supportés par la prime au rétrofit prévue aux articles D. 251-5 et suivants du code de l’énergie.

Ajoutons que cette transformation préalable permettrait également au public le plus précaire, ciblé par votre texte, de réaliser des économies considérables en matière de carburant et d’entretien.

Dans un souci de cohérence vis-à-vis de la prime à la conversion, nous espérons que la proposition du Gouvernement recevra l’approbation de votre assemblée. Je serai en tout cas engagé de manière constructive dans le débat. En fonction du texte qui sera issu de nos échanges, je préciserai la position du Gouvernement, mais vous aurez compris mon intérêt et ma bienveillance à l’égard de votre initiative.

J’en profite pour saluer l’ancien sénateur Joël Labbé, qui a contribué, tant dans l’esprit que sur le fond, à cette proposition de loi pragmatique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Cédric Chevalier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut le souligner : nous examinons, ce jour, un texte qui engage une réelle démarche sociale et solidaire. En effet, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires nous invite à mettre en cohérence la prime à la conversion avec les besoins de mobilité des plus précaires sur nos territoires.

Permettez-moi tout d’abord de remercier Joël Labbé, Guillaume Gontard et Jacques Fernique, qui nous donnent l’occasion aujourd’hui de débattre de ces problématiques.

L’offre de mobilité dans notre pays reste très variable. Dans les grandes villes, le manque de mobilités peut être atténué grâce aux transports en commun ou à l’aménagement des mobilités douces – et encore ! Toutefois, dans les zones rurales, la voiture est un prérequis. Pour aller travailler, nombre de Français n’ont d’autre choix que d’utiliser une voiture individuelle.

L’impossibilité de se déplacer peut constituer une rupture très importante et enfoncer les personnes concernées dans la précarité. En effet, les jeunes en milieu rural qui ne possèdent pas de véhicule doivent restreindre leurs choix en matière d’études ; ils sont parfois contraints de refuser un stage, un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, voire de se couper de nombreuses activités culturelles et sportives.

Dans le siècle où nous vivons, nous ne pouvons accepter une telle situation !

D’un autre côté, le secteur des mobilités, plus particulièrement le secteur routier, est particulièrement émetteur de gaz à effet de serre – au sein de la commission de l’aménagement du territoire, dont je salue le travail sur ce texte, nous en savons quelque chose ! Les solutions sont complexes et difficiles à équilibrer.

Nous ne devons laisser personne au bord de la route, et cela reste l’une des difficultés majeures de notre transition vers la décarbonation. Veillons à ce que cette transition soit juste, faute de quoi elle ne sera ni efficace ni acceptée.

Si je partage l’esprit de cette proposition de loi, comme bon nombre de mes collègues sur ces travées, je souhaite tout de même évoquer certains points.

Premièrement, l’encadrement qui a été apporté autour des autorités organisatrices de la mobilité me semble pertinent. En effet, ces dernières sont compétentes en matière de services de mobilité solidaire ; ainsi, transférer à elles seules la propriété des véhicules concernés et limiter l’offre à la location sont des mesures de bon sens.

Je veux ici exprimer une inquiétude dont je vous avais déjà fait part en commission : les territoires et les AOM sont-ils bien capables de mettre en œuvre ce dispositif, notamment en fonction des différents territoires ? L’évaluation prévue trois ans après l’entrée en vigueur du texte devrait nous permettre d’avoir une vision d’ensemble, mais aussi d’identifier les trous dans la raquette et les points d’évolution.

Deuxièmement, il me semble primordial de fixer des limites quant aux caractéristiques des véhicules ; on le voit, nos efforts concernant les pollutions et la décarbonation de nos routes ne sont pas marginaux. Nous renforçons aussi notre volonté d’une transition juste, qui ne laisse personne sur le bas-côté.

Troisièmement, et enfin, j’évoquerai le rétrofit, qui est l’objet de l’article 2. Soutenir et favoriser son développement est essentiel, d’autant plus à l’endroit des services de mobilité solidaire.

En bref, cette proposition de loi est pragmatique et semble suffisamment encadrée. Je le répète, il s’agit d’une véritable initiative sociale et solidaire : en luttant contre une mobilité à deux vitesses, elle permettra au plus grand nombre, notamment les publics les plus fragiles, de se déplacer.

Nous voterons donc ce dispositif, tout en restant attentifs à ce que tous les territoires puissent en bénéficier. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Pillefer. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Bernard Pillefer. Madame la présidente, mes chers collègues, je tiens en préambule à souligner l’important travail qui a été mené en commission, sous la houlette du président Longeot. Je me réjouis notamment que le texte, dont Jacques Fernique est le rapporteur, ait pu être adopté à l’unanimité à l’issue des travaux en commission.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, nous nous sommes penchés sur le renforcement des dispositions fiscales concernant l’achat de véhicules particuliers, qui s’inscrit dans la volonté d’acter et d’accélérer la transition écologique dans le secteur des transports.

Cela a été rappelé, 30 % des émissions de gaz à effet de serre sont imputables à ce seul secteur, ce qui en fait le premier émetteur de gaz à effet de serre en France. Plus précisément, 54 % des émissions liées à la circulation routière sont produites par les véhicules particuliers.

L’urgence écologique nous impose de repenser nos mobilités, seul secteur pour lequel les émissions n’ont jamais cessé de croître. Aujourd’hui, dans notre hémicycle, nous examinons justement une proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires.

Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ont encouragé une épuration du parc automobile, qui a fait reposer le problème de la pollution de l’air sur ceux qui utilisent les voitures. Certaines de ces dernières étant trop anciennes, elles ne répondent plus aux exigences actuelles en termes d’émissions polluantes.

Voici le constat que nous dressons : d’un côté, des véhicules en état de fonctionner sont mis à la casse dans le cadre de la prime à la conversion (PAC), alors que leur durée de vie pourrait être allongée, sous certaines réserves ; de l’autre, 13,3 millions de Français sont en situation de précarité en matière de mobilité, rencontrant des obstacles dans leurs déplacements pourtant essentiels, et 4,3 millions d’entre eux ne disposent d’aucun équipement individuel de mobilité ou d’abonnement à un transport collectif.

À cette équation, nous devons ajouter deux considérations.

Premièrement, le dispositif de prime à la conversion a prouvé son efficience : sur l’année 2021, il aurait permis d’éviter 45 tonnes d’émissions de particules fines et 160 000 tonnes d’émissions de CO2.

Deuxièmement, la voiture d’occasion, désuète et peu coûteuse à la location, a un impact environnemental relatif, puisque le coût écologique de sa production a déjà été amorti.

Une part considérable des véhicules mis au rebut se révèle moins polluante qu’une partie du parc automobile roulant. En effet, 59 % des véhicules mis au rebut dans le cadre de la prime à la conversion pour l’année 2022 étaient classés Crit’Air 3, dont 20 % à 30 % de véhicules à essence.

Le dispositif de mobilité solidaire pourrait donc bénéficier d’un gisement de quelques dizaines de milliers de véhicules, moins polluants que de nombreux véhicules utilisés jusqu’à présent par les garages solidaires. Ce mécanisme permettrait également d’éviter le gâchis de matériaux entraîné par la mise à la casse et la production de nouveaux véhicules.

La voiture reste centrale dans les questions d’aménagement du territoire et des mobilités quotidiennes. Alors que le réseau de trains était très dense dans les années 1940, les nervures ferroviaires ont peu à peu été effacées au profit la voiture, que l’on n’a cessé de démocratiser, au point de la rendre indispensable aux yeux des Français.

Le réseau routier a ainsi augmenté de près de 15 % entre 1995 et 2019, alors que, sur la même période, le réseau ferroviaire a inversement diminué de 14 %. En 2020, le taux de motorisation en France était de 86 %. Pourtant, comme je le disais, près de 40 % des ménages relevant du premier quartile de revenus ne possèdent pas de véhicule.

Si, en apparence, ce texte propose un dispositif gagnant-gagnant, entre considérations écologiques et enjeux sociaux, il est essentiel de prendre des précautions. Entre autres, tenons compte du niveau de pollution et de l’état de fonctionnement des véhicules. Par ailleurs, notre priorité doit être la sécurité ; elle fait ainsi l’objet d’un amendement déposé par notre collègue François Bonneau.

Afin qu’un tel dispositif ne soit ni ineffectif ni contre-productif, il doit être assorti de garanties. À ce titre, je tiens à saluer le travail du rapporteur, qui a permis de renforcer le texte initial et d’instaurer un certain nombre de garde-fous essentiels, tels que l’éligibilité des seuls véhicules à essence classés Crit’Air 3 ou moins, l’exclusion de la possibilité d’achat de ces véhicules et la réserve exclusive donnée à l’AOM sur la propriété des véhicules concernés.

Compte tenu de l’ensemble de ces garanties, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et GEST, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cher Joël Labbé, nous vous proposons aujourd’hui, au cours de cet espace réservé au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, de contribuer à une avancée concrète, qui permettra à la fois de répondre aux urgences quotidiennes des populations les plus précaires et d’assurer la transition écologique.

Ce texte a pour objet, via les AOM, de réemployer les véhicules les moins polluants destinés à être détruits dans le cadre de la prime à la conversion, et ce au bénéfice des populations les plus vulnérables.

Il vise à répondre à un besoin fort, bien identifié dans les territoires. Les réseaux associatifs de la mobilité solidaire, maillon clé de ce dispositif, ont en effet souligné, durant les auditions menées par la commission, toute l’urgence de réemployer ces véhicules face à l’explosion de la précarité.

Cette proposition de loi tend à répondre aux situations d’urgence sociale auxquelles sont confrontées de nombreuses familles précaires, souvent des femmes, qui ont besoin à très court terme d’un véhicule pour se rendre au travail, à un entretien d’embauche, un stage, une formation, ou pour gérer les enfants au quotidien.

Vous l’aurez compris, ces personnes ne bénéficieront pas du leasing social proposé par le Gouvernement. Si cette mesure a toute sa pertinence, elle concernera des ménages qui sont certes modestes, mais qui se trouvent dans une situation suffisamment stable pour s’engager pendant deux à cinq ans auprès d’un loueur conventionnel.

Un tel dispositif ne répond donc pas aux besoins des personnes en situation de fragilité, qui disposent par ailleurs d’un vrai accompagnement social de la part des garages solidaires.

La prime à la conversion, quant à elle, permet certes de changer de véhicule, mais elle ne concerne que les ménages ayant les moyens de régler un reste à charge élevé. Une grande partie de la population, celle qui a les revenus les plus faibles, donc les véhicules les plus anciens – quand ces personnes en ont un –, ne peut pas changer de voiture.

Notre parc automobile compte aujourd’hui 2 millions de véhicules immatriculés avant 2000 ou non classés, et 500 000 à 700 000 véhicules sans contrôle technique. Leurs propriétaires, sans solution, sont contraints de les conserver, ce qui a des conséquences en termes de pollution et accroît les risques d’accident.

De même, le parc de véhicules proposés par les garages solidaires comporte de nombreux Crit’Air 4 ou 5, faute de dons suffisants. Pour ces publics, la prime à la conversion n’a que peu d’effets. L’âge moyen du parc automobile est ainsi passé de 9 ans en 2011 à plus de 11 ans en 2023.

Or, grâce à notre proposition de loi, les publics qui circulent dans ces vieux véhicules sont ceux qui, demain, pourraient bénéficier d’un véhicule relevant du Crit’Air 3 à moteur essence issu de la prime à la conversion.

Ce texte est une forme de prime à la conversion dans la prime à la conversion : il permet de rajeunir le parc existant, et ce sans avoir à construire de nouveaux véhicules, donc sans émettre de gaz à effet de serre – on limite ainsi la fameuse énergie grise.

La prolongation des Crit’Air 3 à moteur essence pendant une courte période, en remplacement des Crit’Air 4 et 5, a donc toute sa pertinence pour réduire les atteintes environnementales de notre parc automobile.

De plus, les garde-fous qu’a mentionnés le rapporteur garantissent à la fois la traçabilité des véhicules, un usage du dispositif uniquement orienté vers les publics qui en ont besoin et l’impact environnemental positif de la mesure.

La proposition du Gouvernement de restreindre le périmètre du texte aux véhicules rétrofités semble inopérante.

S’il faut bien sûr développer le rétrofit et l’inclure pleinement dans le dispositif, il faut aussi avoir conscience que les filières ne sont pas opérationnelles rapidement et qu’il faut du temps pour mobiliser les financements nécessaires. Le réemploi des véhicules Crit’Air 3 à moteur essence pour une durée limitée est donc une solution efficace, particulièrement dans les zones rurales.

En outre, nous ne doutons pas que notre proposition sera appréciée par nombre de nos concitoyens bénéficiant de la prime à la conversion : au lieu de voir partir à la casse leur ancien véhicule, ils seront pleinement satisfaits de savoir que celui-ci pourra, quelques années encore, avoir une seconde vie au service de celles et de ceux qui en ont besoin.

Je terminerai en rappelant que le développement des mobilités alternatives est essentiel pour nous. Pour autant, nous nous devons de reconnaître que, à l’heure actuelle, toute une partie de la population est privée de solutions. Ce texte contribuera à répondre aux besoins quotidiens de nos concitoyens les plus vulnérables, de façon solidaire et écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 4,3 millions de Françaises et de Français ne disposent d’aucun véhicule individuel ou d’aucun abonnement à un service de transport collectif.

Pour ces personnes, les conséquences sont nombreuses : la commission, dans son rapport, précise notamment que 28 % des demandeurs d’emploi ont renoncé au moins une fois à un emploi au cours des cinq dernières années, faute de solution pour se déplacer.

Le droit à la mobilité est une revendication essentielle de nos sociétés dites modernes. Notre modèle économique et d’aménagement du territoire a éloigné les lieux de vie des lieux de travail, contraignant des millions de Françaises et de Français à de longs déplacements quotidiens. Il y a quelques années, les « gilets jaunes » ont été là pour nous le rappeler.

Sans moyen de déplacement, comment cultiver le lien social, travailler, se soigner, étudier, vivre tout simplement ?

Nous devons toutefois repenser nos modes de déplacement, parce que la voiture est responsable de 15 % des émissions de CO2 et parce que la pollution de l’air cause chaque année plus de 40 000 décès prématurés en France. Réduire nos émissions de gaz à effet de serre doit donc être notre première préoccupation.

Grâce à cette proposition de loi, l’occasion nous est donnée cette après-midi d’avancer.

La protection de l’environnement et l’écologie sont plus efficaces encore lorsqu’elles contribuent – positivement – à réduire le gaspillage, en corrigeant les aberrations de notre société et de nos politiques publiques.

Il est ainsi impensable de voter des textes qui retirent de la circulation des véhicules en état de fonctionner pour en produire d’autres tout aussi polluants, si ce n’est plus.

En France, les SUV, électriques ou non, représentent plus de 40 % des véhicules vendus. Or, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), ceux-ci ont été l’une des principales causes de l’augmentation des émissions de CO2 au cours de la décennie 2010. De même, l’empreinte carbone globale d’un SUV électrique est 70 % plus élevée que celle d’une voiture électrique standard.

La présente proposition de loi nous invite à réfléchir à nos besoins en termes de mobilité, ainsi qu’à un modèle économique qui nous pousse à toujours consommer plus.

En prévoyant de prolonger la durée de vie de véhicules dont la production présente déjà une empreinte carbone élevée, ce texte tend à rationaliser l’utilisation des ressources nécessaires à la fabrication d’une voiture.

Grâce à ce dispositif, les 59 % de véhicules classés Crit’Air 3 ou moins, qui sont aujourd’hui mis à la casse pour que leurs propriétaires touchent la prime à la conversion, pourront bientôt être réemployés.

Si la voiture est le mode de transport privilégié par une majorité de Français, elle pourrait tout autant être remplacée dans la plupart des métropoles. La voiture pourrait même devenir une exception si nous faisions le choix de promouvoir des transports en commun efficaces et bon marché.

Les auteurs de cette proposition de loi encouragent le droit à la mobilité des ménages ayant les ressources les plus modestes, surtout en zone rurale. Cependant, le réemploi doit être l’affaire de toutes et tous, pas seulement de ceux qui n’ont pas les moyens de faire autrement.

L’obsolescence programmée, y compris des voitures, ne doit plus être la règle si nous voulons que notre société soit réellement moderne. Nous devons favoriser la sobriété et la durabilité via la réparation et le réemploi des objets du quotidien.

Enfin, ce dispositif est la traduction d’une mesure qu’une majorité de sénateurs avaient soutenue au cours de l’examen du projet de loi Climat et résilience, mais qui n’avait pas été retenue dans le texte adopté définitivement. Son adoption aujourd’hui constituerait un juste retour des choses.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE-K votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – Mme Maryse Carrère et M. Bernard Buis applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cher Joël Labbé – je le salue tout particulièrement –, quand le bon sens rencontre l’écologie et que tous deux se mettent au service des populations, cela donne une bonne proposition de loi. C’est le cas aujourd’hui avec ce texte du groupe écologiste, déjà adopté à l’unanimité en commission.

Cette proposition de loi part d’un double constat.

D’un côté, 92 000 véhicules, dont une grande partie est classée Crit’Air 3 ou moins et se trouve encore en état de fonctionner, sont mis au rebut chaque année dans le cadre de la prime à la conversion.

De l’autre, 13,3 millions de Français sont confrontés à des obstacles dans leurs déplacements essentiels, dont 4,3 millions qui n’ont aucun équipement individuel ni aucun abonnement à un service de transport collectif.

La précarité en matière de mobilité entrave la liberté de circulation, mais elle freine aussi l’accès à l’emploi. Elle aggrave la fracture territoriale, accentue l’isolement et favorise le renoncement aux soins. Elle contraint également une partie de la population à conserver son véhicule, même s’il est en mauvais état, ce qui a de lourdes conséquences en termes de dépenses de carburant, de coûts d’assurance, de réparations et de pollution.

Cette réalité est bien sûr encore plus préoccupante en zone rurale, où, malgré les efforts des collectivités pour renforcer l’offre de transports publics, la voiture demeure indispensable pour la plupart des trajets.

Avec cette proposition de loi, le Sénat, chambre des territoires, joue à plein son rôle.

La loi d’orientation des mobilités, votée en 2019, a attribué aux autorités organisatrices de la mobilité la compétence de l’organisation des services de mobilité solidaire.

Cependant, malgré l’engagement des collectivités et des associations, ces services de location de voitures pour les publics précaires peinent aujourd’hui à se développer. Le parc de véhicules demeure en effet trop restreint en comparaison des besoins ; de plus, il dépend essentiellement des dons, donc de véhicules anciens qui pèsent sur le plan environnemental.

Il n’est bien sûr pas question de remettre en cause la prime à la conversion, dont on estime qu’elle évite chaque année l’émission de 45 tonnes de particules fines et de 160 000 tonnes de CO2. Mais force est de constater qu’elle a grandement asséché le parc des garages solidaires et que certains véhicules mis au rebut sont moins polluants que de nombreuses voitures toujours en circulation.

Cette proposition de loi, adoptée avec modifications en commission, vise à réemployer des véhicules destinés à être détruits dans le cadre de la prime à la conversion, pour qu’ils soient mis à la disposition des plus précaires, au travers d’un service de location à tarif social.

Il s’agit d’optimiser le dispositif en récupérant les véhicules à moteur essence en bon état, classés Crit’Air 3 ou moins, pour élargir et rajeunir le parc à disposition des acteurs de la mobilité solidaire. On promeut une démarche décentralisée, fondée sur le volontariat des AOM, afin de répondre à un besoin local.

Plusieurs dizaines de milliers de véhicules pourraient ainsi voir leur durée de vie allongée, au profit de ceux qui en ont le plus besoin.

Le texte encourage une écologie pratique et concrète, au service des territoires et des plus précaires, de cette France éloignée des métropoles, qui se sent délaissée, abandonnée, menacée par des décennies de sous-investissement, de cette France des territoires où la voiture demeure indispensable et où il faut toujours accompagner les transitions, sans oublier personne au bord du chemin.

Les notions d’acceptabilité et de justice sociale sont cruciales quand il est question d’accélérer notre transition écologique.

C’est pourquoi, avec le prolongement des services express régionaux métropolitains, le leasing social sur les véhicules électriques et la prime à la conversion, le développement des services de location solidaire fait partie d’un écosystème visant à faire de la transition écologique des transports un phénomène d’inclusion sociale et économique, et non le ferment de nos fractures territoriales.

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe RDSE votera cette proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, GEST et SER. – Mme Nadège Havet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui est plus que d’actualité : en témoigne le reportage diffusé sur M6 hier soir, qui a évoqué cette proposition de loi de nos collègues Guillaume Gontard et Jacques Fernique, ainsi que de notre ancien collègue Joël Labbé – je le salue au passage.

Ce texte permet de concilier deux enjeux essentiels pour nos concitoyens : l’accès à la mobilité et la réduction des émissions de gaz à effet de serre issues des transports.

Tout d’abord, il faut favoriser l’accès à la mobilité partout sur le territoire, y compris dans les zones rurales.

Selon un sondage de l’institut Elabe, en 2018, environ 40 % des Français résidaient dans une zone blanche, autrement dit un endroit où aucune solution de mobilité autre que la voiture individuelle n’est disponible.

La mobilité est pourtant l’un des principaux critères d’insertion dans la vie professionnelle. Ainsi, 23 % des personnes interrogées indiquent avoir déjà renoncé à un travail ou à une formation faute de moyen de transport. Ce pourcentage atteint même 46 % chez les jeunes et 53 % chez les publics les plus fragiles. Ce sont autant de données qui confirment que les freins à la mobilité empêchent l’insertion sur le marché du travail.

Reconnaissons néanmoins que, depuis 2018, le Gouvernement a mis en œuvre des mesures de soutien à destination des publics les plus modestes.

Je pense au financement du permis de conduire dans le cadre du compte personnel de formation, au « permis à 1 euro par jour », à l’aide au financement pour les apprentis et les demandeurs d’emploi, ou encore à l’aide à la mobilité de Pôle emploi pour un entretien d’embauche, une formation éloignée ou un concours, sans oublier les deux dispositifs phares que sont le bonus écologique et la prime à la conversion. Lorsqu’ils se cumulent, l’accompagnement financier peut atteindre 13 000 euros, ce qui n’est pas négligeable.

Ensuite, le texte encourage l’accès à un parc automobile français moins polluant, y compris pour les plus précaires.

Selon les statistiques de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), en 2021, le transport représentait 28,7 % des émissions de gaz à effet de serre en France, dont plus de la moitié provenait de la voiture.

Face à ce constat, le réemploi des véhicules les moins polluants est nécessaire pour préserver la qualité de l’air et réduire la pollution.

Sur ce sujet également, l’État n’est pas resté les bras croisés. Permettez-moi de mentionner plus particulièrement le leasing social, promesse de campagne du Président de la République, que le Gouvernement met en place : 50 % de la population pourront avoir accès à une voiture électrique pour 100 euros par mois.

Toutefois, mes chers collègues, pour développer une filière industrielle de la voiture électrique, il convient de lui assurer des débouchés massifs. C’est ce qui permettra de produire moins cher, de développer l’innovation en amont et en aval, de verdir les processus de production, ainsi que l’accès aux ressources et aux minerais, tout en soutenant la recherche dans le domaine des batteries, pour des matériaux plus légers et le recyclage des différents composants des véhicules.

Je veux saluer la qualité de votre travail, monsieur le rapporteur, notamment lors de l’examen du texte en commission. En proposant de restreindre le champ d’application du texte aux véhicules classés Crit’Air 3, nous contribuons à conserver au dispositif son caractère pertinent.

Comment réduire nos émissions de gaz à effet de serre si les véhicules les plus polluants, notamment les véhicules à moteur diesel ou ceux qui sont classés Crit’Air 4 ou 5, continuent de circuler ? Il est important de veiller à ce que l’objectif initial de la prime à la conversion garde soit tenu.

Mes collègues du groupe RDPI et moi-même avions déposé un amendement d’appel, en insistant sur la nécessité d’inclure le rétrofit dans l’étude sur l’opportunité de faire évoluer les critères d’éligibilité. Monsieur le rapporteur, vous avez présenté un amendement, qui tend à l’insérer dans le dispositif : nous en sommes naturellement ravis !

Nous pensons que les véhicules dont les moteurs thermiques ont été transformés en motorisation électrique ou hybride rechargeable doivent être valorisés. Nous proposons par conséquent de donner aux collectivités locales un levier concret pour aider celles et ceux qui font le choix du rétrofit.

Pour conclure, compte tenu des amendements adoptés en commission, et puisque cette proposition de loi est juste sur le plan social, tout en étant pertinente sur le plan environnemental, le groupe RDPI montera sans hésiter à bord de votre véhicule législatif, mes chers collègues, en votant ce texte ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Ouizille. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Alexandre Ouizille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur et le plaisir de m’exprimer devant vous pour exposer la position du groupe socialiste sur la proposition de loi de Joël Labbé, Jacques Fernique et les membres du groupe écologiste, qui vise à favoriser le réemploi des véhicules.

Ce texte vise à donner, non pas une seconde chance, mais une seconde vie sociale et solidaire aux véhicules les moins polluants destinés à la casse et éligibles à la prime à la conversion. Il permet ainsi de répondre à l’un des nombreux paradoxes nuisibles à la transition.

D’un côté, nous assistons à la mise à la casse de nombreux véhicules encore en état de fonctionner et moins polluants qu’une partie du parc automobile en circulation.

De l’autre, des millions de Français, en particulier dans les territoires ruraux, font face à des obstacles majeurs dans leurs déplacements essentiels.

Nous pensons que ce texte est bon, et même excellent, car il permet de résoudre cette équation d’un point de vue social et écologique.

D’un point de vue social, tout d’abord, le dispositif proposé oriente les véhicules concernés vers des services de location solidaire, ce qui facilite la mobilité des ménages modestes.

D’un point de vue écologique, ensuite, nous évitons le gâchis de matériaux entraîné par la mise à la casse et la production de nouveaux véhicules, en permettant de prolonger la durée de vie de ces véhicules.

Je tiens à souligner qu’un consensus assez large, transpartisan, a été trouvé en commission, ce qui souligne l’importance et la pertinence de cette proposition de loi. Je tiens à saluer cet état d’esprit. Nous, socialistes, voterons évidemment cette proposition de loi.

Je profite du temps qui m’est imparti pour revenir sur trois points.

Tout d’abord, je tiens à rappeler que la décarbonation des mobilités et du trafic routier n’est pas une option, mais une nécessité. Le transport concentre à lui seul 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France, ce qui en fait, et de loin, le secteur le plus polluant. Parmi ces 30 %, quelque 53,5 % proviennent des voitures des particuliers. Bref, la « bagnole que l’on aime », pour reprendre l’expression employée par le Président de la République, pollue, et beaucoup. Elle constitue un enjeu stratégique si l’on veut réduire nos émissions de CO2.

Le transport routier représente également un enjeu sanitaire. Le dioxyde d’azote, qui émane principalement du trafic routier, empoisonne nos grandes agglomérations.

Ensuite, je souhaite évoquer le succès – il faut bien le reconnaître – des dispositifs mis en place ces dernières années.

Pour accélérer la décarbonation des mobilités et du trafic routier et, singulièrement, pour renouveler le parc automobile, la prime à la conversion a montré son efficacité. Elle a en effet permis d’éviter l’émission de 45 tonnes de particules fines et de 160 000 tonnes de CO2. En 2022, quelque 92 000 véhicules, d’un âge moyen de 20 ans, ont été éliminés via la prime à la conversion. Parmi ces véhicules, 70 % fonctionnaient au diesel.

Notons également que, après une longue période de stagnation à leur niveau de 2008, les émissions moyennes de CO2 des voitures immatriculées ont tendance à baisser depuis 2020. Cette diminution s’explique notamment par l’augmentation de la part des voitures électriques et hybrides rechargeables dans les immatriculations neuves – 11 % des ventes, contre 3 % en 2019. C’est en partie l’effet de la prime à la conversion.

Enfin, je rappellerai l’utilité de la présente proposition de loi pour ce qui est de mieux filtrer les mises au rebut.

Si la prime à la conversion a eu des effets bénéfiques sur le renouvellement du parc automobile, elle a également entraîné la mise au rebut de véhicules encore fonctionnels, qui auraient pu alimenter le parc automobile social et solidaire.

Ainsi, en 2022, quelque 59 % des véhicules mis au rebut dans le cadre de la prime à la conversion étaient classés Crit’Air 3. Un certain nombre de véhicules automatiquement mis au rebut sont donc moins polluants qu’une partie du parc automobile roulant.

Cette proposition de loi vise à lutter contre cette situation sous-optimale. Elle comporte par ailleurs des garde-fous intéressants.

Ainsi, seuls les véhicules à moteur essence classés Crit’Air 3 ou moins seraient éligibles. La propriété des véhicules serait réservée aux autorités organisatrices de la mobilité. En évitant la destruction systématique des véhicules remplacés, nous contribuons à réduire l’impact écologique de la production accrue de nouveaux véhicules.

Mes chers collègues, cette proposition de loi est un pas concret vers une mobilité plus solidaire et plus durable. En l’adoptant, nous enverrons un signal fort. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – MM. Pierre Barros et Cédric Chevalier applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Else Joseph. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté vise à allonger la durée de vie des véhicules les moins polluants promis à la destruction, en leur permettant d’être réutilisés par des services de location sociale et solidaire.

Cette initiative est bienvenue, car elle évite la destruction brutale des véhicules les moins polluants. Pas plus que dans d’autres domaines, le secteur de l’automobile ne saurait être condamné à une logique d’obsolescence programmée. Le gaspillage doit être combattu, même quand les biens concernés sont plus volumineux que les simples objets du quotidien.

Les véhicules peuvent et même doivent être durables ; nous avons tout à gagner à ne pas en faire des objets de consommation éphémère. Une réflexion pourrait s’engager à ce sujet.

Je suis en tout cas heureuse de voir que l’on pense aux collectivités locales et aux associations dans cette démarche de réemploi.

Ce texte est d’autant plus bienvenu qu’il associe cette démarche de réutilisation à d’autres exigences de bon sens, pleinement complémentaires entre elles : le respect de l’écologie par le recours à des véhicules peu polluants, l’économie circulaire, le réemploi – je viens d’en parler –, la solidarité en direction des personnes précaires, l’appui au milieu associatif, qui doit croître, enfin le transport public et les mobilités, qui doivent être soutenus.

Ce texte apportera un précieux soutien aux services de location à tarif social de nos collectivités locales et de nos associations, en leur permettant de renouveler un parc automobile malheureusement vieillissant.

Il permettra aussi de lutter contre les effets pervers de la prime à la conversion, qui avait fâcheusement contribué au retrait du marché d’un certain nombre de véhicules au prix abordable pour les jeunes conducteurs et les publics précaires. C’est une sorte de retour d’expérience sur certains de nos dispositifs qui doivent toujours être évalués.

L’écologie reste évidemment une priorité. Je salue le travail de la commission, qui a précisé, par un amendement du rapporteur, que la mise à disposition des véhicules ne portera que sur les véhicules les moins polluants, c’est-à-dire ceux qui sont classés Crit’Air 3 ou moins.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons qu’être satisfaits par un texte qui répond à une problématique particulière.

Néanmoins, il conviendra d’être vigilant sur la mise en œuvre de ce texte et sur les décrets d’application qui doivent apporter des précisions, notamment sur les conditions de ressources des bénéficiaires. La clarté des dispositifs d’application devra – je le souhaite vivement – permettre d’éviter les contentieux, car, comme on le dit souvent, le diable est dans les détails.

La mise en œuvre de ce texte ne doit pas représenter une charge nouvelle pour les AOM et les collectivités territoriales qui ont la gestion des services de location solidaire.

Il faudra aussi être attentif aux éventuelles fraudes et aux risques de détournement du dispositif, qui doit bénéficier, comme l’exige la commission, « aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale ».

Enfin, je me réjouis que soit proposé un rapport d’évaluation du dispositif après trois ans de mise en œuvre. Cela signifie que, si l’expérience est fructueuse, elle pourra être étendue à d’autres domaines que celui de la location par des services de location sociale et solidaire.

Ce texte est aussi l’illustration de la nécessité d’avoir une assemblée à l’écoute des territoires. Je tiens à saluer l’initiative du Sénat sur cette question du réemploi, de l’économie circulaire et de l’écologie, ainsi que sa capacité à proposer des solutions concrètes. C’est probablement ce que beaucoup de nos concitoyens attendent, loin des postures, des éléments de langage ou des clivages inutiles.

À cet égard, je veux également saluer le caractère transpartisan de cette proposition de loi, comme le montre son adoption à l’unanimité en commission et comme le prouvera, je l’espère aussi, son adoption en séance publique.

Le groupe Les Républicains vous invite, mes chers collègues, à voter ce texte, tel qu’il a été amendé en commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (M. le président de la commission de laménagement du territoire et M. Mathieu Darnaud applaudissent.)

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires.

En allongeant la durée de vie des véhicules les moins polluants destinés à la destruction par leur réutilisation dans le cadre des services de location sociale et solidaire, ce texte présente un dispositif ingénieux pour répondre au défi de l’accessibilité et de la durabilité des mobilités.

En effet, c’est de cela, notamment, que nos concitoyens ont besoin aujourd’hui. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 13 millions de Français peinent à acquérir ou à utiliser une voiture pour des raisons financières liées au coût d’acquisition d’une voiture ou à l’achat de carburant.

Pourtant, en 2022, comme l’indique le rapport, 92 000 véhicules, dont 59 % de véhicules classés Crit’Air 3, ont été envoyés à la casse au titre de la prime à la conversion.

Instaurée par la loi de finances rectificative pour 2007, cette prime a finalement asséché de façon considérable le marché de l’occasion, excluant ainsi les ménages précaires de l’achat de véhicules à un prix abordable. Si l’objectif initial de ce dispositif est honorable – en échange de la mise au rebut de son véhicule, l’acheteur, particulier ou professionnel, perçoit une aide à l’achat d’un véhicule neuf ou d’occasion –, il est nécessaire d’apporter des correctifs.

La proposition de loi de nos collègues va dans ce sens, en permettant de remettre des véhicules sur le marché de la location. C’est un premier pas, que l’on ne peut pas négliger compte tenu du contexte que nous connaissons.

Par ailleurs, restreindre le dispositif aux véhicules Crit’Air 3 et moins me semble raisonnable, dans la mesure où nombre de nos concitoyens utilisent encore des véhicules relativement anciens, notamment dans nos territoires ruraux.

En effet, les difficultés en matière de mobilité sont particulièrement prégnantes en milieu rural. Le leasing social annoncé par le Gouvernement est intéressant, mais les ménages précaires ou les professionnels qui ne disposent pas d’une grande trésorerie ne seront sans doute pas en mesure de financer un véhicule électrique.

À cet égard, les initiatives territoriales sont complémentaires des dispositifs que nous votons dans notre Haute Assemblée.

Permettez-moi d’évoquer mon département de la Mayenne, où le conseil départemental soutient concrètement les services d’aide à domicile : il accompagne le déploiement d’une flotte d’environ cinq cents véhicules électriques propres, en prenant en charge 50 % du coût de leur location, accessoires compris. Ce dispositif vise à faciliter la mobilité des professionnels médico-sociaux, engagés quotidiennement auprès de nos concitoyens les plus vulnérables. Cela permet un gain de pouvoir d’achat pour ces salariés, améliore leurs conditions de travail et contribue à l’attractivité de nos territoires, en particulier ruraux.

C’est cette logique qu’il nous faut aujourd’hui renforcer par le biais d’un triptyque « réemploi, solidarité, mobilité ».

Enfin, s’agissant de l’article 2, je ne peux qu’insister, comme plusieurs de nos collègues, sur la nécessité de développer plus encore le rétrofit. Il faut aller plus loin, plus vite ; il ne s’agit plus de rendre un énième rapport, mais de le soutenir réellement.

Lors de la discussion de l’amendement à l’origine de ce texte, déposé par M. Labbé pendant l’examen du projet de loi Climat et résilience en juin 2021, M. Djebbari, alors ministre délégué chargé des transports, avait indiqué préférer que les véhicules destinés à la casse bénéficient d’un rétrofit plutôt qu’ils soient mis en location.

Néanmoins, malgré le plan dédié, les conditions d’homologation et de commercialisation des moteurs transformés ne semblent pas complètement opérationnelles.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous sommes d’accord !

M. Guillaume Chevrollier. En juin dernier, j’avais d’ailleurs interpellé le Gouvernement à ce sujet, en mettant en avant l’importance d’étendre le rétrofit au bioGNV et de ne pas le réserver seulement aux motorisations électriques et à hydrogène.

Ainsi, la présente proposition de loi propose une réponse parmi d’autres pour améliorer l’accessibilité et la durabilité des mobilités dans nos territoires. Dans un esprit constructif, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, GEST et SER. – M. le président de la commission applaudit également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi  visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

I. – Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la première partie du code des transports est complété par un article L. 1113-2 :

« Art. L. 1113-2. – I. – Lorsqu’un véhicule terrestre à moteur remplissant les conditions prévues au deuxième alinéa du présent I est destiné à être mis au rebut dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 251-1 du code de l’énergie, il peut être remis à titre gracieux à l’une des autorités organisatrices de la mobilité mentionnées aux articles L. 1231-1 et L. 1231-3 du présent code, afin de développer des services de mobilités solidaires à travers la location de véhicules à destination des personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale. Ces autorités peuvent mettre à disposition ce véhicule au bénéfice d’associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général, mentionnées aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts et agissant pour les mobilités solidaires, dans un objectif de développement de services d’aide à la mobilité.

« Les véhicules éligibles au dispositif prévu au premier alinéa du présent I sont les véhicules essence et assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 1997, à l’exception des deux roues, tricycles et quadricycles à moteur, pour lesquels la date de première immatriculation est postérieure au 1er juillet 2004.

« Les véhicules mentionnés au présent I ne sont pas considérés comme des déchets au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement au cours de leur utilisation dans les conditions prévues au présent article.

« II. – Pour mettre en œuvre des services de mobilité solidaire dans les conditions prévues au I, les autorités organisatrices de la mobilité concernées concluent une convention avec les associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général et les concessionnaires automobiles volontaires et, le cas échéant, les centres de traitement des véhicules hors d’usage et les départements volontaires.

« Cette convention précise notamment les modalités de collecte et de remise des véhicules ainsi que les conditions de retrait de la circulation et de destruction des véhicules à l’issue de leur période d’utilisation.

« III. – Afin de tenir compte de son impact environnemental et sanitaire, l’utilisation du véhicule en application du présent article a lieu sur une durée définie, à l’issue de laquelle le véhicule est retiré de la circulation, à des fins de destruction, dans des conditions définies par le décret mentionné au V.

« IV. – Les modalités d’action et de coordination encadrant les services de mobilité solidaire prévus au I du présent article sont fixées par le plan de mobilité mentionné à l’article L. 1241-1. Elles peuvent également être précisées par le plan d’action commun en matière de mobilité solidaire mentionné à l’article L. 1215-3.

« V. – Un décret, pris après avis de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, définit les modalités d’application du présent article. Il précise en particulier les conditions d’éligibilité des véhicules et des bénéficiaires du dispositif, notamment les conditions de ressources auxquelles les bénéficiaires sont soumis. »

bis (nouveau). – L’article L. 251-1 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La mise au rebut des véhicules polluants prévue au premier alinéa du présent article peut être précédée d’une période limitée d’utilisation de ces véhicules dans le cadre de services de mobilité solidaire mis en œuvre dans les conditions prévues à l’article L. 1113-2 du code des transports. »

II. – (Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7, présenté par M. Fernique, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les véhicules éligibles au dispositif prévu au premier alinéa du présent I sont :

« – les voitures particulières essence et assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 1997, les véhicules utilitaires légers essence ou assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er octobre 1997 et les deux roues, tricycles et quadricycles à moteur, pour lesquels la date de première immatriculation est postérieure au 1er juillet 2004 ;

« – les voitures particulières essence et assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 1997, les véhicules utilitaires légers essence ou assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er octobre 1997 ou les véhicules gazole et assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 2006, ayant fait l’objet d’une transformation en véhicule hybride rechargeable ou en véhicule dont la source d’énergie contient du gaz de pétrole liquéfié ;

« – les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers ayant fait l’objet d’une transformation en véhicule électrique à batterie ou à pile à combustible, selon les conditions définies par arrêté du ministre de l’écologie.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Fernique, rapporteur. Cet amendement vise à élargir légèrement le champ des véhicules éligibles au dispositif de réemploi solidaire prévu par la proposition de loi, en y incluant les véhicules rétrofités, c’est-à-dire, d’une part, les véhicules Crit’Air 3, diesel ou essence, ayant été transformés en véhicules hybrides rechargeables ou en véhicules dont la source d’énergie contient du GPL, mais aussi, d’autre part, les véhicules, toutes vignettes Crit’Air confondues, ayant fait l’objet d’une transformation en véhicule électrique.

Ces deux catégories sont complémentaires. Les inclure dans le champ d’application du texte permettrait à un certain nombre de nos concitoyens de se déplacer avec un véhicule moins polluant, voire, pour certains, de se déplacer tout court.

L’ouverture du dispositif aux véhicules rétrofités semble pour l’instant assez théorique, compte tenu du coût de l’opération de rétrofit. L’on peut toutefois espérer que des innovations permettront à terme de réduire ce coût, ce qui augmenterait le gisement de véhicules fiables et durables que les services de mobilité solidaire pourraient utiliser.

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les véhicules éligibles au dispositif prévu au premier alinéa du présent I sont :

« a) Les voitures particulières essence ou assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 1997, les véhicules utilitaires légers essence ou assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er octobre 1997 ou les voitures particulières et véhicules utilitaires légers gazole et assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 2006, ayant fait l’objet d’une transformation en véhicule hybride rechargeable ou en véhicule dont la source d’énergie contient le gaz de pétrole liquéfié ;

« b) Les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers ayant fait l’objet d’une transformation en véhicule électrique à batterie ou à pile à combustible, selon les conditions définies par arrêté du ministre de l’écologie.

II. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

en application

par les mots :

relevant du a) du I

III. – Alinéa 9

Supprimer les mots :

pris après avis de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Comme je l’indiquais lors de ma présentation liminaire, je suis ouvert à cette proposition de loi, qui permet de renforcer les mobilités solidaires de manière pragmatique.

Après plusieurs échanges avec le Gouvernement, les travaux de la commission ont permis de cibler le dispositif vers les véhicules les moins polluants.

Par souci de cohérence avec les autres dispositifs qui visent à ne pas conserver dans le parc automobile des véhicules excessivement polluants, je propose un ciblage encore plus important vers les véhicules rétrofités.

Monsieur le rapporteur, vous proposez d’élargir le dispositif prévu aux véhicules rétrofités ; je propose pour ma part de le concentrer sur ces derniers. C’est au fond le même esprit, mais avec un ciblage renforcé.

Je le redis : la question du coût du rétrofit est légitime, car cette opération est onéreuse. (M. Jean-Baptiste Lemoyne acquiesce.) Le dispositif de cet amendement prévoit ainsi que les véhicules concernés soient éligibles à la prime au rétrofit prévue par le code de l’énergie. Je le précise, car c’est important en termes d’accompagnement social.

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Fialaire et Guérini, Mme Guillotin, M. Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après l’année :

1997,

insérer les mots :

ainsi que les véhicules diesel et assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 2006,

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Cet amendement vise à rendre les véhicules diesel Crit’Air 3 et Crit’Air 2 éligibles au dispositif de réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires dans nos territoires.

Les auteurs de cette proposition de loi sont partis du constat que le parc de véhicules à disposition des garages solidaires était trop restreint pour répondre à la demande. Cet amendement permettrait aux garages solidaires de bénéficier d’un gisement encore plus important de véhicules Crit’Air 3 ou de vignette inférieure, qui polluent moins que de nombreux véhicules utilisés jusqu’à présent par ces mêmes garages.

L’adoption de cet amendement permettrait d’éviter la mise au rebut de nombreux véhicules diesel encore en bon état de fonctionnement et relevant des vignettes Crit’Air les moins polluantes. Je rappelle que la phase de production et la fin de vie d’une citadine thermique engendrent une empreinte carbone de 6,7 tonnes équivalent CO2, soit un peu moins du quart de son empreinte carbone après avoir pris en compte sa phase d’usage.

N’oublions pas de tenir compte de l’ensemble du cycle de vie des véhicules, de la fabrication au recyclage, dans le calcul de son impact environnemental.

Peu importe le type de modèle, le bilan carbone d’une voiture n’est jamais nul, y compris pour une voiture électrique. Laisser en circulation les véhicules diesel les moins polluants au lieu de les mettre au rebut présenterait l’intérêt d’optimiser le parc automobile existant sans recourir à la production de nouveaux véhicules, alors que les émissions liées à leur production et aux matériaux utilisés pour leur fabrication sont régulièrement oubliées dans le calcul de leur empreinte carbone.

En plus de renforcer le bénéfice environnemental du dispositif, cet amendement tend également à accroître son bénéfice économique et social, l’essence étant actuellement encore plus chère à la pompe que le gazole.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 6 et 1 rectifié ?

M. Jacques Fernique, rapporteur. L’amendement n° 6 vise à remplacer les véhicules éligibles par les seuls véhicules rétrofités. De fait, les véhicules essence Crit’Air 3 non rétrofités seraient exclus du dispositif, contrairement à ce qui est prévu par le texte de la commission.

La commission estime que ce ciblage plus restreint serait de nature à rendre le dispositif complètement inopérant. Comme vous le savez, le coût d’une opération de rétrofit est compris entre 10 000 euros et 15 000 euros. Il y a peu de chance, d’une part, que le flux de véhicules concernés soit significatif, d’autre part, que les autorités organisatrices de la mobilité soient en mesure de contribuer suffisamment aux coûts liés à la transformation de ces véhicules.

En l’état actuel des choses, l’adoption de cet amendement ferait obstacle à l’attractivité et à l’efficacité du dispositif. Précisons-le toutefois : c’est cet amendement du Gouvernement qui nous a incités à inclure dès maintenant les véhicules issus d’un rétrofit – c’est l’objet de l’amendement n° 7 de la commission.

L’amendement n° 1 rectifié vise quant à lui à ouvrir le dispositif à certains véhicules diesel. Il revient ainsi sur l’équilibre trouvé en commission, qui permet de limiter l’empreinte environnementale de la proposition de loi.

Lors des auditions, la direction générale de l’énergie et du climat nous a indiqué que, sur la totalité des gains estimés du fait de la prime à la conversion, les mesures visant à écarter les véhicules diesel de la circulation avaient permis 75 % de la réduction des émissions de CO2, 80 % de la réduction des émissions de NOx et la quasi-totalité des gains d’émissions de particules fines.

Nous suggérons, par l’amendement n° 7, de légèrement rouvrir l’encadrement prévu pour y inclure les véhicules rétrofités, ce qui permet de concilier de façon satisfaisante deux objectifs : disposer d’un gisement intéressant de véhicules pour mettre en place des services de mobilité solidaire en réponse aux besoins, d’une part ; veiller à préserver au mieux les gains environnementaux induits par la prime à la conversion, d’autre part.

La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 6 et 1 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 7 et 1 rectifié ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Ce que l’on cherche avec cette proposition de loi, que vous avez fait évoluer en ce sens en commission, c’est le bon ciblage pour garder une logique à la fois de transition et d’accompagnement social : il ne faut pas mettre au rebut des véhicules qui améliorent la situation, ne serait-ce qu’imparfaitement – nous aimerions certes tous aller vers des véhicules totalement propres… –, sans perdre de vue la nécessité de conserver un caractère opérant et utile au dispositif. C’est cet équilibre que nous cherchons.

J’ai proposé un ciblage plus précis sur les véhicules rétrofités. Je le précise : non seulement la prime au rétrofit peut réduire les coûts de l’opération, mais le rétrofit, s’il aboutit à un véhicule hybride rechargeable ou fonctionnant au GPL, présente des coûts bien moins élevés. En effet, un rétrofit complet, c’est-à-dire vers un véhicule électrique, coûte jusqu’à 15 000 euros, mais ce coût est divisé par deux pour obtenir un véhicule hybride rechargeable et par quatre pour convertir un véhicule utilitaire léger (VUL) diesel en GPL.

Ces dernières opérations sont bien moins onéreuses que des rétrofits « purs et parfaits » vers l’électrique. Ce point est important, car il permet d’expliquer que l’amendement du Gouvernement ne rend pas le dispositif inopérant ou excessivement coûteux, mais reste dans la logique sociale recherchée par le texte.

Madame Delattre, par cohérence, je suis défavorable à votre amendement, car je suis favorable à ce que l’on cible davantage le dispositif, et non à ce qu’on l’élargisse.

J’entends vos préoccupations pragmatiques et sociales, mais, s’il prenait en compte les véhicules Crit’Air 3 roulant au diesel, le dispositif ne serait pas suffisamment ciblé. L’équilibre entre le social et l’environnemental pencherait nettement en défaveur du second, alors que l’on cherche à concilier au mieux ces deux aspects.

Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces deux amendements. Vous me pardonnerez ce « en même temps » assumé et le soutien que j’apporte à l’amendement gouvernemental…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 6 et 1 rectifié n’ont plus d’objet.

L’amendement n° 8, présenté par M. Fernique, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

usage

insérer le mot :

agréés

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Fernique, rapporteur. Cet amendement tend à apporter une précision rédactionnelle à l’article 1er, afin de clarifier que les centres de véhicules hors d’usage (VHU) pouvant être partie aux conventions conclues avec les AOM volontaires doivent être des centres agréés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Le point n’est pas totalement anodin, monsieur le rapporteur, car le Gouvernement a supprimé cet agrément par une mesure réglementaire il y a à peine quelques mois. J’ai donc du mal à émettre un avis favorable sur un amendement qui aurait pour conséquence de réintroduire une telle procédure administrative.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Fernique, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?

M. Jacques Fernique, rapporteur. Veuillez m’excuser, monsieur le ministre, mais il me semble que la mention de « centres VHU agréés » figure toujours dans le code de l’énergie.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Ce point sera aisément clarifié lors de la navette, mais le décret en date du 24 novembre 2022 supprime la notion même d’agrément. Je n’ai pas d’obstacle de principe à la précision apportée par cet amendement, mais je ne voudrais pas réintroduire une disposition administrative superflue, qui ne correspond pas à l’objectif des auteurs de la proposition de loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel et Fialaire, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues aux articles L. 114-8 et L. 114-9 du code des relations entre le public et l’administration, les autorités organisatrices de la mobilité concernées sont destinataires, à leur demande, des informations et données à caractère personnel strictement nécessaires pour informer les personnes sur leur droit au bénéfice des services de mobilité solidaire prévues au I.

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Cet amendement vise à étendre aux AOM l’habilitation à recevoir les données à caractère personnel strictement nécessaires à la mise en œuvre proactive d’une prestation ou d’un avantage prévus par les dispositions législatives offrant accès aux services de mobilité solidaires.

Cette habilitation permettrait de renforcer le bénéfice social et environnemental du dispositif, puisque davantage de personnes seraient informées et pourraient ainsi bénéficier des services de location solidaires.

Il n’est pas logique qu’une AOM souhaitant mettre en place une politique ciblée vers un public en situation de précarité sous la forme d’avantages accordés sous condition de ressources n’ait pas accès à l’information relative aux revenus mensuels contenue dans les déclarations sociales nominatives, aux taux de prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ou à l’inscription éventuelle des bénéficiaires à France Travail.

Cela empêche l’AOM de rechercher, de sélectionner, d’identifier, puis d’informer de manière proactive les personnes supposément concernées, qui à défaut doivent, pour celles qui se présentent au guichet, produire des pièces justificatives de leurs ressources, alors qu’elles devraient pouvoir bénéficier d’un principe de simplification.

Une telle information fournie par les AOM aux personnes concernées permettrait de limiter l’accumulation du stock de véhicules réemployables, en stimulant la demande du public en situation de précarité sociale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Fernique, rapporteur. La commission comprend le souci de faciliter l’identification des potentiels bénéficiaires du dispositif. Toutefois, elle a émis un avis défavorable sur cet amendement, pour plusieurs raisons.

Premièrement, sa rédaction ne semble pas rendre son dispositif suffisamment opérant, la nature des données transmises aux AOM n’étant pas précisée.

Deuxièmement, l’amendement soulève une problématique relative à la protection des données personnelles. Il ne semble pas opportun d’ouvrir aux AOM l’accès à des données personnelles sensibles, comme le revenu des ménages. En tout état de cause, un tel dispositif nécessiterait un encadrement strict et proportionné, sous l’égide de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), ainsi qu’un outillage des AOM afin d’analyser ces données.

Surtout, et c’est le plus important, l’objectif de cet amendement est satisfait par le texte adopté par la commission, puisque nous avons prévu la conclusion de conventions entre les AOM et les autres parties prenantes, auxquelles pourront notamment participer les départements volontaires.

En pratique, les départements, en association avec les acteurs sociaux, identifieront les publics potentiellement bénéficiaires et joueront un rôle prescripteur, comme ils le font d’ailleurs actuellement dans le cadre des services de mobilité solidaire déjà mis en œuvre dans les territoires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur.

Même si la collecte des informations ne pose pas de problème en soi, la définition des informations et des établissements les recevant me semble insuffisamment précise.

Je proposerai que l’on règle cette question par voie réglementaire, le cas échéant, ou que l’on précise ce point lors de la suite de la navette.

Je me permets de parler au nom du rapporteur : nous partageons l’objectif de créer un dispositif efficace pour les AOM. Toutefois, en l’état, il me semble que les informations à collecter sont définies de manière trop imprécise.

Mme la présidente. Madame Delattre, l’amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nathalie Delattre. Je vais le retirer, en raison non des deux premiers points évoqués par le rapporteur, car je pense que l’on peut toujours trouver les mécanismes ad hoc, mais du dernier point, à savoir que l’amendement est satisfait.

Si des conventions permettent de mieux cibler les aides et d’aller chercher les publics concernés pour les informer de leurs droits et de la possibilité de réemployer des véhicules, je retire mon amendement.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Très bien !

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.

L’amendement n° 3 rectifié ter, présenté par MM. Bonneau et Levi, Mme Guidez, MM. Laugier et Kern, Mmes de La Provôté, Gatel et Sollogoub et MM. D. Laurent, Henno et Pillefer, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 7

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Les concessionnaires automobiles volontaires participant au dispositif de remise à titre gracieux des véhicules conformément au I du présent article bénéficient, en contrepartie de leur engagement, d’avantages fiscaux proportionnels à la valeur du véhicule remis. Ces avantages peuvent notamment prendre la forme de réductions d’impôts ou de crédits d’impôts, selon des modalités définies par décret. Le Gouvernement est autorisé à prendre toute mesure nécessaire pour assurer la mise en œuvre et le suivi de ces avantages.

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant l’efficacité et l’impact des avantages fiscaux accordés aux concessionnaires automobiles volontaires en vertu du III bis de l’article 1113–2 du code des transports. Ce rapport inclut une analyse de la participation des concessionnaires, des bénéfices socio-économiques induits, ainsi que des recommandations pour renforcer l’incitation fiscale en faveur du réemploi des véhicules.

III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Bernard Pillefer.

M. Bernard Pillefer. Cet amendement de notre collègue François Bonneau vise à établir un cadre incitatif pour encourager les concessionnaires automobiles à participer volontairement à la remise à titre gracieux de véhicules.

Le réseau Solidarauto estime que cent cinquante associations proposent des services de location solidaire en France, soit moins de deux associations par département. La répartition de ces associations n’étant pas uniforme sur tout le territoire, certains départements en sont probablement dépourvus.

Pourtant, dans son principe même, cette proposition de loi repose sur ces garages qui permettent d’assurer un service de location de véhicules à nos concitoyens dans le besoin.

Le texte devrait permettre d’intégrer au parc automobile solidaire plusieurs milliers de nouvelles voitures ; nous devons nous assurer qu’elles pourront être prises en charge de façon équitable sur le territoire.

Cet amendement vise donc à valoriser de façon concrète l’engagement positif des concessionnaires dans la démarche de mobilité durable et solidaire. Les avantages fiscaux proposés, proportionnels à la valeur des véhicules remis, créeraient une incitation non négligeable pour les acteurs du secteur automobile.

Enfin, cet amendement tend à s’inscrire dans une vision à long terme, car nous demandons au Gouvernement de remettre un rapport évaluant l’efficacité de ces avantages fiscaux.

Par cet amendement, nous proposons une mise en œuvre pragmatique du texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Fernique, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement pour plusieurs raisons.

Premièrement, l’amendement ne semble pas opérationnel, car il ne précise pas la nature des avantages fiscaux qui devraient être institués au bénéfice des concessionnaires automobiles ni leurs paramètres, par exemple les coûts pris en compte, les impôts sur lesquels des déductions seraient prévues ou encore les taux appliqués.

Deuxièmement, en pratique, les concessionnaires auront non pas à acquérir les véhicules concernés, mais simplement à les remettre à l’AOM ou à une association reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général. Nous avons donc du mal à identifier quelles dépenses ces avantages fiscaux viendraient compenser.

Troisièmement, outre les AOM, les parties prenantes les plus touchées financièrement par le dispositif prévu par l’article seront plutôt les garages solidaires, qui mettront en place les services de mobilité solidaire, et les centres VHU, pour lesquels la remise de véhicules initialement destinés à la casse présentera un manque à gagner. Ainsi, le ciblage du dispositif sur les concessionnaires, tel que proposé par cet amendement, nous semble discutable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Le Gouvernement a également émis un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur.

En pratique, les concessionnaires pourront conclure des conventions avec les autorités organisatrices de la mobilité et il n’est pas nécessaire de prévoir un dispositif d’incitation particulier.

Par ailleurs, les concessionnaires peuvent également dans certains cas être éligibles à la prime à la conversion, en tant que personnes morales.

Quel que soit l’angle par lequel on prenne l’objectif de cet amendement, il me semble donc qu’il est satisfait.

Mme la présidente. Monsieur Pillefer, l’amendement n° 3 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Bernard Pillefer. Au nom de mon collègue, je maintiens cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié ter, présenté par MM. Bonneau et Levi, Mme Guidez, MM. Laugier, Kern et Henno, Mmes Sollogoub et Gatel et M. Pillefer, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Avant d’être remis à titre gracieux aux autorités organisatrices de la mobilité, tout véhicule terrestre à moteur éligible au dispositif défini au I du présent article doit faire l’objet d’une inspection préalable pour garantir sa sécurité et son aptitude à la circulation pendant la période d’utilisation prévue.

« Cette inspection est réalisée par des organismes agréés, conformément aux normes de sécurité en vigueur.

« Les résultats de cette inspection, attestant de la conformité du véhicule aux normes de sécurité, sont joints à la remise du véhicule et font partie intégrante de la convention conclue entre les autorités organisatrices de la mobilité et les concessionnaires automobiles volontaires, telle que mentionnée au I du présent article.

La parole est à M. Bernard Pillefer.

M. Bernard Pillefer. Les efforts en faveur d’une mobilité plus durable et solidaire ne sauraient être faits au détriment de la sécurité des usagers bénéficiaires du dispositif.

Notre collègue François Bonneau a déposé un amendement en ce sens. En 2022, l’âge moyen des 92 000 véhicules mis au rebut dans le cadre de la prime à la conversion s’élevait à 20 ans.

À l’échelle d’une automobile, cela correspond à une durée de vie significativement avancée, qui peut être synonyme d’usure de certaines pièces mécaniques, et donc de dangerosité tant pour le conducteur que pour les autres usagers de la route.

Il est impératif que tout véhicule éligible au dispositif de réemploi fasse l’objet d’une inspection par un organisme agréé préalablement à sa remise aux autorités organisatrices de la mobilité, afin de garantir sa sécurité et son aptitude à la circulation pendant la période d’utilisation prévue. C’est une question de responsabilité.

En exigeant que les résultats de cette inspection soient joints à chaque remise de véhicules, nous garantissons une transparence totale et une traçabilité des conditions de sécurité. Cela rassurerait les autorités organisatrices de la mobilité, mais aussi et surtout les citoyens qui utiliseront ces véhicules au quotidien.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 10, présenté par M. Fernique, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 1 et 2

Rédiger ainsi ces alinéas :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

II. – Alinéa 3

Au début, ajouter les mots :

Cette convention prévoit les modalités suivant lesquelles,

III. – Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Fernique, rapporteur. Nous partageons l’exigence d’assurer la fiabilité et la sécurité des véhicules concernés.

Ce sous-amendement vise à assouplir les modalités de réalisation de l’inspection préalable obligatoire que tend à instaurer l’amendement n° 4 rectifié ter. Pour ce faire, il procède à quelques modifications rédactionnelles et renvoie la définition des modalités d’application de cette inspection à la convention conclue entre l’AOM volontaire et les parties prenantes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 4 rectifié ter ?

M. Jacques Fernique, rapporteur. Prévoir un contrôle technique préalable et un contrôle des normes de sécurité avant la mise en location solidaire des véhicules constitue un prérequis indispensable et un gage de sécurité. Cette étape constitue d’ailleurs l’une des raisons d’être de la convention signée entre l’AOM et les différentes parties prenantes introduite en commission.

Aussi cette proposition consistant à l’inscrire noir sur blanc dans le texte est-elle opportune, sous réserve des quelques évolutions rédactionnelles opérées par le sous-amendement n° 10.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 10.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je ne suis pas totalement convaincu par la nécessité de prévoir une procédure systématique. Toutefois, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 4 rectifié ter, à condition qu’il soit modifié par le sous-amendement n° 10.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 10.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié ter, modifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par M. Fernique, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

Remplacer la référence :

L. 1241-1

par la référence :

L. 1214-1

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Fernique, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par M. Fernique, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – L’article L. 224-8 du code l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les véhicules remis à titre gracieux aux autorités organisatrices de la mobilité suivant les dispositions de l’article L. 1113-2 du code des transports ne sont pas décomptés dans le parc qui relève directement ou indirectement des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics mentionnés au 2° du présent article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Fernique, rapporteur. Cet amendement est issu non de nos auditions, mais d’une remarque soulevée par un journaliste lors de la conférence de presse de présentation des conclusions de la commission sur la proposition de loi. (Sourires.)

Il vise à préciser explicitement que les véhicules remis aux AOM en application de la proposition de loi sont exclus du décompte du parc des collectivités, utilisé pour déterminer la part de véhicules à faible et très faible émission que ces dernières doivent acquérir lors du renouvellement de leur flotte.

Il s’agit d’une précaution tendant à ce que le dispositif ne conduise pas, in fine, à augmenter les charges des collectivités.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. L’objectif soulevé par la presse dans le cadre de cet échange est louable, mais le code de l’environnement prévoit que les obligations décrites ne s’appliquent qu’aux « véhicules acquis ou utilisés dans le cadre des marchés publics et des contrats de concession ».

Il faudra peut-être préciser ce point dans les décrets d’application de la loi, si le texte prospère, mais cet amendement me semble satisfait.

Il me semble que l’on pourrait se dispenser de cet amendement, mais le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée pour déterminer si cette précision est nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Fernique, rapporteur. Cette question devra donc être ajustée lors de la navette. Il est néanmoins important de rassurer les AOM, afin qu’elles n’aient pas le sentiment que choisir de recourir à ce dispositif pourrait conduire à aggraver leurs charges.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi  visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 1er bis (nouveau)

Dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret prévu au V de l’article L. 1113-2 du code des transports, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation du dispositif prévu au même article L. 1113-2. Ce rapport comporte notamment des éléments relatifs :

1° Au nombre d’autorités organisatrices de la mobilité, d’associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général, de concessionnaires automobiles et de centres de traitement de véhicules hors d’usage ayant pris part au dispositif ;

2° Au nombre de véhicules mis en location ;

3° Au nombre et aux catégories de personnes ayant bénéficié du dispositif.

Il évalue l’impact environnemental et sanitaire du dispositif. Il évalue également la pertinence des critères d’éligibilité définis pour les véhicules et les bénéficiaires et l’opportunité d’une évolution de ces critères et des modalités de mise en œuvre du dispositif.

Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par M. Fernique, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

usage

insérer le mot :

agréés

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Fernique, rapporteur. Cet amendement vise à apporter la précision rédactionnelle que nous évoquions tout à l’heure, afin de clarifier que les centres VHU concernés doivent être agréés. Nous l’avons vu, ce point devra peut-être être ajusté lors de la navette.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je ne rouvre pas cet éminent débat technique… Une précision factuelle réconciliera peut-être le rapporteur et le Gouvernement : le décret dont je parlais précédemment a modifié le code de l’environnement et non celui de l’énergie, mais sa logique était bien de supprimer cet agrément. Ce point pourra cependant être ajusté lors de la navette.

Le Gouvernement s’en remet de nouveau à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par M. Buis, Mmes Havet et Phinera-Horth, MM. Omar Oili, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment la possibilité pour les véhicules exclus du dispositif d’y être intégrés lorsqu’ils ont fait l’objet d’un rétrofit électrique ou hybride rechargeable

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement d’appel vise à appeler l’attention sur la nécessité de travailler au développement du rétrofit. Je remercie le rapporteur de son amendement n° 7 qui intègre notre demande ; je retirerai donc mon amendement.

Je profite toutefois du temps de parole qui m’est alloué pour insister sur la nécessité de développer la filière rétrofit en France.

Dans le débat sur le verdissement du parc automobile, il est souvent fait référence au poids et aux émissions de carbone dues à la production du véhicule. Le rétrofit constitue un élément de réponse à ces deux problématiques – c’est une évidence.

J’ajoute qu’au-delà des considérations purement techniques nos concitoyens peuvent éprouver un lien affectif avec leur véhicule, avec lequel ils se sont constitué des souvenirs forts. Pour certains, c’est la voiture de leur grand-mère, celle qui leur a servi le jour de leur mariage ou encore la première voiture qu’ils ont achetée et qu’ils voudraient transmettre.

Le rétrofit leur permet de mettre à jour leur véhicule sans en perdre ni le cachet ni les souvenirs : on garde sa petite Clio pour que ses petits-enfants puissent un jour l’utiliser pour partir en vacances. (Sourires.)

Le rétrofit n’est pas toujours accessible d’un point de vue financier. C’est pourquoi il doit y avoir une impulsion publique, mais elle doit aller de pair avec une structuration sérieuse de la filière, permettant d’engendrer des économies d’échelle et de faire entrer le rétrofit dans les options envisageables par le plus grand nombre de Français.

Mme la présidente. Si je comprends bien, mon cher collègue, vous parlez de la Clio de Simone ! (Sourires.)

L’amendement n° 5 est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

(Larticle 1er bis est adopté.)

Article 2

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les mesures permettant de soutenir et favoriser le développement du rétrofit en faveur du déploiement de services de mobilités solidaires, notamment de location de véhicules à destination de personnes en situation de précarité sociale par le biais d’associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général mentionnées aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts, agissant pour les mobilités solidaires. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 1er bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi  visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Au terme de l’examen de cette proposition de loi, je souhaite remercier ses auteurs, ainsi que son rapporteur, pour le travail qu’ils ont réalisé. Nous allons faire un pas significatif pour favoriser le réemploi des véhicules au bénéfice des mobilités solidaires.

Les demandes émanant du terrain étaient nombreuses. Je le vois dans l’Yonne, par exemple, où Mobil’éco, une association formidable, a mis en place depuis vingt ans un service non seulement de transports solidaires et de location de véhicules, mais aussi d’auto-école à vocation sociale. Les responsables de cette structure m’ont fait part de leur souhait de voir le dispositif avancer. C’est chose faite, ce soir, au Sénat.

Il est nécessaire – j’y insiste, monsieur le ministre, tant les attentes sont importantes – d’obtenir assez rapidement l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour que nous puissions changer la vie des gens à une échéance pas trop éloignée.

Je profite de cette prise de parole pour saluer – vous l’avez compris – l’action conduite dans le département de l’Yonne par René Cornet, Patricia Flavin, Jean-Luc Klein et Stéphane Perennes, présidents successifs de Mobil’éco, et par tous les bénévoles et salariés qui, au quotidien, se battent contre l’enclavement de nos zones rurales.

C’est pourquoi je voterai avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je suis également très favorable à cette proposition de loi. En milieu rural, de nombreux retraités n’ont pas beaucoup de revenus et éprouvent des difficultés à acquérir une voiture. Il est donc important de ne pas mettre à la casse des véhicules qui peuvent encore rouler.

Cette proposition de loi est, à mes yeux, tout à fait importante ; aussi, je remercie ses auteurs. Ces mesures apporteront un plus, surtout en milieu rural.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Fernique, rapporteur. Permettez-moi simplement, madame la présidente, de saluer le remarquable travail des deux administratrices qui, avec ma collaboratrice, m’ont épaulé. Elles ont efficacement contribué à faire de cette très bonne proposition de loi de Joël Labbé un excellent texte, bon pour le vote et bon surtout pour être transmis à l’Assemblée nationale !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Il est réconfortant, ces temps-ci, de passer un peu de temps au Sénat, je dois le reconnaître… (Rires.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cela réconcilie avec la démocratie !

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je vous remercie très sincèrement pour cette proposition de loi. Je salue de nouveau ses auteurs, particulièrement Joël Labbé qui est présent en tribune, et le sénateur Fernique, avec l’équipe duquel j’ai eu l’occasion d’échanger ces dernières semaines pour trouver une voie de passage.

Je tiens vraiment à vous exprimer ma reconnaissance. En effet, il me semble normal – c’est cela la démocratie ! – d’avoir des différends : nous ne pouvons pas toujours être pleinement d’accord, y compris sur les questions de transition écologique.

Néanmoins, il me semble aussi très positif que nous prenions acte ensemble du fait que la voiture, que nous l’aimions ou pas, reste le mode de transport de nombre de nos compatriotes. Dans ces conditions, il est important d’adopter des dispositifs qui permettent à la fois de dépolluer des véhicules – même si la décarbonation n’est pas parfaite, cela représente déjà un progrès sur le chemin de la baisse globale des émissions de CO2 – et d’accompagner les Français les plus modestes.

Comme je vous l’ai précisé, si la plume avait été tenue par le Gouvernement, le dispositif aurait sans doute été davantage ciblé. J’ai essayé de vous en convaincre, avec un succès que je qualifierai de modéré… (Sourires.) Néanmoins, nous aurons au cours de la navette parlementaire – c’est le jeu démocratique ! – d’autres occasions de débattre et de préciser le texte.

En signe de soutien au principe de cette proposition de loi et au travail qui a été réalisé en commission avec un sens de l’unanimité qui est rare et précieux, je veux ici soutenir ce texte,…

M. Clément Beaune, ministre délégué. … même s’il me semble que certaines améliorations sont encore nécessaires. Il est important d’envoyer ce signal. Merci à tous pour cette avancée constructive ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 99 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 341

Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Bravo ! et applaudissements.)

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à saluer la présence dans les tribunes de l’auteur de cette proposition de loi, Joël Labbé, et à remercier le rapporteur Jacques Fernique, ainsi que le ministre. Il est important maintenant que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Au-delà de l’unanimité qui s’est fait jour au sein de la commission comme dans l’hémicycle, nous pouvons mettre en avant le sérieux de nos débats. La démocratie sort grandie de tels échanges sereins et constructifs, même si naturellement des désaccords subsistent entre nous. Il m’importe de souligner ce point qui, je l’espère, trouvera un écho dans d’autres instances. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi  visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires
 

7

Candidatures à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

8

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études
Discussion générale (suite)

Allocation autonomie universelle d’études

Rejet d’une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études
Article unique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études, présentée par Mme Monique de Marco et plusieurs de ses collègues (proposition n° 15, résultat des travaux de la commission n° 179, rapport n° 178).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Monique de Marco, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à 16 ans, les jeunes Français sont jugés aptes à travailler ; à 17 ans, ils peuvent s’engager dans l’armée ; à 18 ans, ils acquièrent le droit de vote. Pour autant, tout au long de leurs études, ils sont considérés économiquement comme des personnes mineures : leur rattachement au foyer fiscal parental est de principe.

Soit les revenus de leur famille sont jugés insuffisants et ils peuvent prétendre à une bourse d’études, soit, comme 63 % des étudiants à l’heure actuelle, leur famille est modeste, mais pas assez pauvre… Dans ce cas, point de solidarité nationale ! Dès lors, l’aide de leurs ascendants constitue en moyenne 42 % de leurs ressources.

Depuis la crise du covid-19, la situation économique et sociale des étudiants s’est indéniablement dégradée. Le rapport sénatorial d’information Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu davenir pour lÉtat et les collectivités le soulignait déjà dès 2021.

En 2023, selon l’Union nationale des étudiants de France (Unef), 43 % des étudiants sautent un repas par jour. Certains d’entre eux sont logés dans des campings, faute de logements abordables. Quelque 26 % vivent sous le seuil de pauvreté et 40 % doivent exercer une activité professionnelle en parallèle de leurs études.

Sur tout le territoire, ce constat est une réalité. La précarité de la jeunesse augmente et les familles ne sont plus en mesure de soutenir les étudiants. Nous ne pouvons l’accepter ! Un consensus se forme dans la société civile pour l’instauration d’une allocation autonomie universelle sur le modèle des allocations d’études au Danemark ou en Suède. Elle viendrait remplacer le dispositif actuel des bourses, dont nous connaissons les limites : faible progressivité, effets de seuils, etc.

Dans une tribune publiée en mars 2022, l’économiste Philippe Aghion écrivait : « Un revenu universel de formation serait de nature à promouvoir l’autonomie des jeunes, en leur donnant les moyens d’agir et de décider de leur avenir. »

C’est aussi une option retenue par l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche dans son rapport de juillet 2023 Le réseau Cnous-Crous : points forts, points faibles et évolution possible du modèle, dont les auteurs proposent une révolution du système.

En septembre dernier, quatorze présidents d’université se sont dits favorables à cette revendication étudiante historique. Mes chers collègues, c’était d’ailleurs l’objet d’une proposition de loi de Raymond Cayol, député du Mouvement républicain populaire (MRP), déposée en 1950 !

Mercredi dernier, je suis intervenue devant la commission des affaires sociales pour tenter de convaincre la majorité sénatoriale de l’importance de ce texte pour notre jeunesse.

J’y ai dit mon ouverture et ma volonté de faire avancer ce sujet au-delà des clivages droite-gauche. En effet, après des années de pandémie, de guerre et d’inflation, notre devoir collectif est de mettre à l’ordre du jour des réformes porteuses d’espoir et ambitieuses, comme celle de cette allocation autonomie universelle d’études pour tous les jeunes, étudiants et apprentis, que nous vous proposons aujourd’hui.

Malheureusement, je ne suis pas parvenue à convaincre : la commission a rejeté le texte sans permettre à notre rapporteure de l’amender. Le travail de cette dernière a pourtant montré des voies d’améliorations possibles par la modulation du montant en fonction des conditions et du lieu d’hébergement. Le groupe écologiste a déposé des amendements tirés de ses observations afin que nous puissions tous en débattre.

Je regrette que la décision ait été prise, de manière abusive à mon sens, de les déclarer irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution : cela nous prive du débat sur l’instauration d’un capital de mensualités ou sur la possibilité de transformer notre proposition en une expérimentation pour les collectivités volontaires. Ces amendements allaient pourtant dans le sens d’une rationalisation des dépenses. Peut-être parviendrons-nous un jour à un accord ?

Deux arguments principaux ont été avancés au sein de la commission des affaires sociales, sur lesquels je reviens ici.

Le premier argument est celui de la responsabilité des parents. Il est vrai que la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a modifié l’article 371-2 du code civil. Elle y a introduit une formule de la Cour de cassation selon laquelle l’« obligation » de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants « ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur ».

Ce texte était issu d’une proposition de loi, présentée par Jean-Marc Ayrault et enrichie par le Sénat sous la présidence de Christian Poncelet, et la disposition que j’ai citée avait été introduite pour adapter le régime de l’autorité parentale au nombre grandissant de séparations. Elle n’a jamais eu vocation à résoudre la question du financement des études supérieures.

En réalité, cette obligation parentale découle de l’obligation d’entraide familiale codifiée en 1804, tout comme l’obligation alimentaire des enfants envers leurs parents ou autres ascendants présente dans l’article 205 du code civil. Il me semble que personne dans cette assemblée ne proposerait la suppression de l’allocation de solidarité aux personnes âgées au motif que notre droit prévoit une obligation alimentaire des enfants envers leurs parents vieillissants… La solidarité nationale devrait couvrir tous les âges de la vie.

Pourtant, au terme de raisonnements alambiqués et asymétriques, la tranche d’âge 18-25 ans est la seule de la population majeure qui ne bénéficie d’aucun minimum social. Sur les vingt-sept États membres de l’Union européenne, notre pays est le seul, avec Chypre et l’Espagne, à ne pas avoir étendu à cette tranche d’âge le bénéfice total du revenu de solidarité active.

Finalement, que suggère ce genre d’arguments ? Que les jeunes précaires devraient engager des procédures judiciaires contre leurs parents en incapacité de financer leurs études ?

Le second argument est celui du coût de la mesure. Certes, celle-ci est ambitieuse et nous ne cherchons pas à minimiser ce point. En mars 2022, pour une allocation de 890 euros, Philippe Aghion évaluait son coût net à 4,5 milliards d’euros.

Dans notre proposition, nous avons retenu un montant mensuel plus ambitieux, équivalent au seuil de pauvreté, c’est-à-dire à 67 % du Smic, soit environ 1 100 euros. Cette somme correspond à la rémunération maximale des apprentis de 25 ans, qui sont aussi concernés par l’allocation. Dans leur cas, elle viendrait compléter les revenus d’apprentissage. En début de formation, je rappelle que ces derniers s’élèvent seulement à 373 euros.

Le coût brut des mesures contenues dans notre proposition de loi s’élèverait donc, selon les calculs de la rapporteure, à 30 milliards d’euros. Il faut y retrancher les bourses existantes et les aides personnalisées au logement (APL), mais également la demi-part de quotient familial et les réductions d’impôt pour pensions alimentaires, lesquelles bénéficient essentiellement aux familles d’étudiants les plus riches. Le coût net serait donc proche de 24 milliards d’euros ; en effet, tous ces dispositifs représentent 6 milliards d’euros.

L’allocation pourrait aussi être financée par la refonte de la politique d’apprentissage, en dirigeant les crédits directement vers les apprentis, comme le propose d’ailleurs Philippe Aghion. La Cour des comptes a évalué le coût de cette politique à 16,8 milliards d’euros, versés aux entreprises et aux centres de formation en 2022. Un rapport de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) a montré les limites de ces dispositifs non soutenables.

Des marges de manœuvre existent donc !

Comme je l’ai déjà souligné en commission, s’ajouteraient d’autres retombées pour l’économie française par un effet multiplicateur du fait du renforcement du pouvoir d’achat de la tranche d’âge en question. Nous y voyons aussi un investissement public dans notre jeunesse et dans son éducation pour développer ce que certains économistes, comme Gary Becker, appellent le « capital humain ».

Ce coût est à mettre en perspective des dépenses sociales en faveur d’autres tranches d’âges, comme l’allocation personnalisée d’autonomie pour les plus âgés, chiffrée à 6,5 milliards d’euros. Il y a là une vraie question de solidarité intergénérationnelle.

Nos jeunes subissent depuis le covid-19 une aggravation de leurs conditions de vie et des perspectives assombries. Il faut leur insuffler de l’espoir et leur réaffirmer notre considération et nos souhaits de réussite. C’est le sens de cette proposition de loi.

J’espère encore réussir à vous convaincre. Il n’est jamais trop tard ! Ce serait le point de départ d’un travail collectif qui serait enrichi par une double lecture dans les deux chambres.

À ceux qui doutent encore, je leur demande sans malice : quelle autre solution proposez-vous ? Je n’en vois aucune ! L’engagement de la responsabilité des parents devant le juge n’est pas évidemment souhaitable, pas plus que le recours massif aux prêts étudiants. De fait, aux États-Unis, les autorités ont souhaité annuler une partie de la dette étudiante américaine pour éviter une deuxième crise des subprimes.

L’allocation autonomie universelle d’études me paraît la seule option durable et valable. C’est pourquoi je remercie le président du Sénat, M. Larcher, d’avoir saisi le Conseil économique, social et environnemental de cette proposition de loi. J’espère que l’avis qui devrait être rendu dans le premier trimestre 2024 permettra de faire avancer cette idée.

Pour terminer, je remercie la rapporteure, Anne Souyris, pour son travail et mes collègues Antoinette Guhl et Mathilde Ollivier, qui se sont engagées à porter cette proposition de loi en faveur de la jeunesse. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Anne Souyris, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, accorder une rémunération aux étudiantes et aux étudiants durant leurs études, voilà la mesure que défendit le chrétien-démocrate Raymond Cayol devant l’Assemblée nationale en 1947 au nom « de la valeur personnelle de l’étudiant, de sa qualité présente [et] du travail qu’il poursuit ».

Soixante-seize ans plus tard, c’est dans cette filiation que s’inscrit notre collègue Monique de Marco au travers de cette proposition de loi. Celle-ci répond à un constat partagé par l’ensemble des acteurs du monde de l’enseignement supérieur : le système de bourses sur critères sociaux, qui a été préféré au salaire étudiant en 1955, est à bout de souffle. En effet, il ne parvient plus à répondre ni au poids des inégalités sociales dans l’enseignement supérieur ni à l’accélération de la précarisation des étudiants et des apprentis.

La question de la précarité étudiante et des apprentis a connu une forte visibilité lors des périodes de confinement. Privés de la possibilité d’exercer un emploi rémunéré en parallèle de leurs études, de nombreux étudiants ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Pour répondre à cette détresse, l’aide alimentaire s’est renouvelée en multipliant les épiceries solidaires, moins stigmatisantes, et en se rapprochant des lieux d’études.

Pourtant, les statistiques dont nous disposons semblent indiquer que la crise sanitaire tout comme l’inflation des prix des denrées alimentaires ont révélé la précarité plutôt qu’elles ne l’ont créée. Ainsi, en 2020, déjà 24 % des étudiants et des étudiantes déclaraient rencontrer des difficultés financières importantes, contre 29 % à l’heure actuelle selon l’Observatoire de la vie étudiante.

La rentrée 2023 a de surcroît vu la crise du logement frapper les étudiants et les apprentis en s’étendant aux petites surfaces locatives de villes jusqu’alors épargnées, telles qu’Angers, Rennes ou Niort.

Derrière cette précarité matérielle, les professionnels de la santé que nous avons entendus insistent également sur les risques psychologiques liés à l’exclusion et à l’isolement social. La saturation du dispositif de soutien Santé psy étudiant dans de nombreuses universités ainsi que la hausse inquiétante de tentatives de suicide chez les jeunes depuis la fin de la crise sanitaire de la covid-19 témoignent de cette réalité.

Les inégalités socio-économiques accentuent ces défis, affectant particulièrement les étudiants issus de milieux défavorisés. C’est pourquoi le système de bourses de l’enseignement supérieur accorde une aide complémentaire aux familles d’étudiants confrontés à des difficultés matérielles qui ne leur permettent pas d’entreprendre ou de poursuivre des études supérieures.

Bénéficiant à plus de 780 000 étudiants par an, pour un budget de 2,6 milliards d’euros, ces bourses s’échelonnent de 1 450 euros à 6 300 euros annuels selon les ressources de la famille. Leur gestion est confiée aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), qui proposent aussi une offre de restauration à tarif modéré à destination des étudiants – celle-ci a été récemment adaptée aux zones rurales grâce à la loi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite loi Levi, qui était d’initiative sénatoriale – et des places d’hébergement universitaire.

Pour autant, le système de bourses fait l’objet de critiques unanimes et croissantes au sein même de l’administration du fait de sa complexité et de son incapacité à répondre à la précarisation, notamment celle d’une partie des enfants de la classe moyenne. Le fonctionnement par échelons, les effets de seuils qu’il a longtemps provoqués tout comme l’important taux de non-recours sont souvent soulignés. Avant toute chose, la revalorisation annuelle paraît largement insuffisante pour couvrir les besoins les plus sommaires des étudiants.

Les syndicats étudiants entendus, y compris les plus modérés, insistent également sur la méconnaissance de l’idée d’autonomie à laquelle conduit ce système. Quel message envoyons-nous à notre jeunesse, en définissant l’éligibilité d’un étudiant à une bourse par rapport aux revenus de ses parents jusqu’à ses 25 ans ? Cela est d’autant plus étonnant que l’intéressé peut être en rupture avec sa famille, travailler pour subvenir seul à ses besoins, voire être l’aidant de ses ascendants.

La proposition de loi a donc pour objet de répondre à l’impasse à laquelle est confronté le système des bourses, en lui substituant une allocation autonomie universelle d’études. Certes, cette solution peut, de prime abord, sembler radicale, mais elle est soutenue par des économistes, des présidents d’université et des intellectuels peu susceptibles de complaisance pour le grand soir !

Une telle allocation fait par ailleurs l’objet, dans des termes comparables, d’un consensus transpartisan depuis des décennies dans des pays tels que le Danemark ou la Suède, qui y voient d’abord une manière de responsabiliser les étudiants et les apprentis et de récompenser leur assiduité.

L’article unique de la proposition de loi crée une allocation universelle au bénéfice de l’ensemble, d’une part, des étudiants du supérieur de 18 à 25 ans, d’autre part, des élèves de la formation professionnelle. Cette allocation est fixée au niveau du montant net du salaire minimum pour un apprenti de plus de 21 ans en dernière année d’apprentissage, soit 1 078 euros par mois en 2023.

Ce montant, qui peut paraître important, est à mettre en perspective, d’une part, avec les ressources moyennes cumulées d’un étudiant en France, qui sont de 1 128 euros net par mois, d’autre part, avec le fait que cette allocation universelle se substituerait intégralement aux aides non servies par les Crous dans le droit existant. Il s’agit notamment des aides personnalisées au logement et des avantages fiscaux consentis aux foyers de rattachement des étudiants sous forme de crédit d’impôt et de demi-part fiscale, dont le coût total avoisine les 6 milliards d’euros par an.

Par ailleurs, cette allocation n’est pas dénuée de conditions. En plus d’être inscrits dans un établissement éligible à la perception d’une bourse, l’étudiant comme l’apprenti doivent faire preuve d’assiduité, être autonomes financièrement et ne pas cumuler une situation d’emploi. Ces conditions permettent ainsi que les concernés se consacrent pleinement à leur réussite académique ; à défaut, l’allocation leur serait suspendue.

En revanche, les services des Crous, notamment la restauration universitaire et le logement, seraient maintenus pour les étudiants titulaires de l’allocation, de même que les aides spécifiques proposées par les collectivités territoriales.

Une telle aide universelle semble emporter de nombreux avantages.

Premièrement, l’universalité répond à la problématique de non-recours aux droits, qui conduit trop souvent à des abandons d’études faute de connaissance du système de bourses.

Deuxièmement, les statistiques dont dispose l’administration semblent indiquer que de nombreux étudiants et apprentis sont dans une situation précaire sans pour autant être éligibles aux bourses sur critères sociaux, principalement dans la classe moyenne, lorsque les études sont faites loin du foyer parental.

Troisièmement, un système universel permettrait d’encourager l’émancipation des étudiants, en considérant leurs besoins indépendamment de la situation matérielle de leurs parents. Plus largement, un parallèle peut être esquissé avec d’autres âges de la vie – ma collègue Monique de Marco l’indiquait – pour lesquels la prise en charge par la collectivité ne pose plus question. Pour quelle raison la jeunesse, période de vulnérabilité accrue s’il en est, est-elle renvoyée aux seules solidarités familiales ?

Reste la question du coût, non négligeable, puisque les auditions ont permis d’estimer qu’un investissement annuel de 25 milliards d’euros serait nécessaire. Cependant, compensé en partie par la demi-part fiscale et par l’arrêt d’autres prestations telles que les APL, ce coût est aussi à appréhender comme un investissement en capital humain. Il doit permettre de former les travailleurs nécessaires pour relever les défis auxquels nous sommes collectivement confrontés dans les domaines de l’industrie, de la transition environnementale, de la santé ou du numérique par exemple.

Certains rétorqueront qu’une aide universelle n’est pas redistributive, mais les travaux d’économistes qui font référence soulignent que l’universalité peut, au contraire, selon le mode de financement retenu, être une source de redistribution et même de réduction des inégalités sociales, bien mieux que les bourses, car n’oubliant personne.

La proposition de loi est prometteuse et nécessite certainement un débat nourri pour préciser certains éléments. Les auditions ont notamment permis de souligner l’intérêt qu’il y aurait à remplacer la condition d’âge par un quota de mois d’allocation afin de responsabiliser les étudiants et les apprentis et de leur donner la possibilité de construire des parcours plus proches du monde de l’entreprise avec de nombreux stages.

Le niveau de l’allocation pourrait également être discuté et donner lieu à une modulation selon la situation de l’étudiant au regard de la cohabitation ou non avec ses parents.

Par ailleurs, un tempérament pourrait être introduit concernant le non-cumul avec un travail salarié afin de permettre des activités de tutorat ou des expériences professionnelles dans une limite raisonnable à définir.

Enfin, une adaptation territoriale pourrait être introduite afin de répondre à la diversité des conditions de vie suivant les localités, notamment pour les outre-mer. De telles évolutions feraient honneur au travail parlementaire et permettraient d’adapter l’allocation proposée aux réalités que nous rencontrons dans nos territoires.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Anne Souyris, rapporteur. Pour conclure, face à l’essoufflement du système de bourses et à la précarisation des étudiants et des apprentis, ce texte prévoit de répondre par l’universalité et par la confiance de la collectivité nationale en la génération qui vient.

Mme la présidente. Veuillez respecter votre temps de parole !

Mme Anne Souyris, rapporteur. Toutefois, en ma qualité de rapporteure, je vous indique que la commission des affaires sociales a rejeté cette proposition de loi. La majorité de ses membres a fait valoir des raisons liées au coût de cette mesure et à la nécessité de privilégier les solidarités familiales. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de lenseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet qui nous réunit aujourd’hui est un sujet majeur pour notre avenir collectif et notre jeunesse. Le Gouvernement partage pleinement l’objectif de la protéger de la précarité et de mieux l’accompagner.

Toutefois, nous mobilisons d’autres moyens que celui qui est proposé par ce texte. L’article unique de la proposition de loi prévoit la création d’une allocation autonomie universelle, sans condition de ressources, pour les étudiants et les apprentis.

Madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes déjà pleinement engagés dans le vaste et nécessaire chantier de la réforme du régime des bourses étudiantes sur critères sociaux, pilier du système de solidarité nationale à destination des étudiants.

Cette année, nos étudiants perçoivent des bourses sur critères sociaux revalorisées, grâce à un investissement historique, nécessaire dans le contexte d’inflation que nous avons connu et à la suite de la période du covid-19. Cette revalorisation dépasse l’inflation constatée.

J’insiste sur ce point, il s’agit d’une première étape de la réforme des bourses, qui représente un engagement d’environ 500 millions d’euros par an, supérieur à la simple revalorisation des montants de chaque échelon, car nous neutralisons les effets de seuil, nous renforçons nos aides aux étudiants en situation de handicap et en situation d’« aidance » et nous soutenons mieux les étudiants en outre-mer, qui sont confrontés à un coût de la vie plus important.

Le constat qui a guidé nos travaux était clair et partagé : notre système sur critères sociaux est à la fois efficace et redistributif – je reviendrai sur le principe de la redistribution –, mais il présente des limites et doit donc être remis à plat.

Conformément aux orientations du Président de la République, qui avait inscrit ce chantier dans la feuille de route de son second quinquennat, une attention particulière devait lui être accordée, afin que le coût de la vie ne soit jamais une barrière aux études.

Avec cette première étape de la réforme des bourses, nous avions trois objectifs principaux : aider plus d’étudiants, les aider mieux et protéger les gains du travail des parents, en mettant fin aux effets de seuil.

Plus d’étudiants qui deviennent boursiers, c’est, pour eux, sur l’année, 1 450 euros de bourse, sans compter les avantages associés au statut de boursier, dont ils n’auraient pas bénéficié si les paramètres étaient demeurés inchangés.

Le montant des bourses a augmenté pour tous les échelons de 37 euros par mois. J’entends souvent dire que les bourses devraient être indexées sur l’inflation. Or ces 37 euros correspondent à une revalorisation de 34 % pour le premier échelon et à une augmentation de 6,2 %, dépassant donc l’inflation constatée, pour l’échelon le plus élevé. C’est la plus forte revalorisation depuis dix ans ; et elle concerne tous les étudiants boursiers.

Plus d’entrants dans le système des bourses, c’est aider davantage. Des boursiers qui basculent à un échelon de bourse supérieur, c’est aider mieux. Cela peut représenter une augmentation de 66 euros à 127 euros par mois. Le nombre de boursiers reclassés est plus important que lors de toutes les précédentes réformes.

Enfin, nous neutralisons dès cette année les effets de seuils, en attendant de les supprimer définitivement. Cela signifie qu’à la rentrée aucun étudiant n’a vu sa bourse diminuer d’un montant supérieur à l’augmentation des revenus de ses parents.

En complément, nous pérennisons une tarification très sociale des repas pour les boursiers et les étudiants précaires, comme cela avait été recommandé dans le rapport de la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante en France de M. Laurent Lafon. Cette année, de nouveau, nous avons gelé les tarifs de la restauration à 3,30 euros en général et à 1 euro pour le tarif très social.

Nous avons aussi gelé les loyers dans les résidences des Crous. Nous avons de nouveau gelé les frais d’inscription universitaires pour tous les étudiants.

J’ai eu l’occasion de le dire, cette première étape de la réforme des bourses ne solde pas nos travaux. Le travail continue. En effet, apporter des modifications structurelles à notre système de bourses, objectif que je partage, est un chantier considérable, dont il convient d’étudier les impacts. Parce qu’il engage nécessairement l’avenir à long terme, il demande à être instruit.

Il demande à être instruit sur le plan du modèle que nous défendons, plus juste, plus redistributif, plus cohérent avec les autres aides, et dans la logique de la solidarité à la source.

Il demande aussi à être instruit sur le plan technique. Il faut faire des simulations, être capable de mesurer pleinement et précisément les effets et les impacts des changements apportés. Cette instruction se poursuit, tout comme le dialogue avec toutes les parties prenantes.

Mais je le dis devant vous, nous défendons un modèle de solidarité nationale redistributif, où l’aide apportée vient compléter la capacité contributive de la famille et non s’y substituer, afin de véritablement remplir son rôle, à savoir la résorption des inégalités sociales et les inégalités économiques des territoires.

À cette occasion, vous me permettrez de rappeler que les étudiants les plus précaires bénéficient du plus haut niveau de bourse, dont le montant est équivalent à celui du RSA. Si vous ajoutez à cela les aides personnelles au logement, vous atteignez peu ou prou le montant d’aide visé par votre proposition.

Vous évoquez souvent le système danois, qu’il convient cependant de considérer dans sa globalité. En effet, dans ce système, l’aide cesse systématiquement à compter d’un retard équivalent à un semestre d’études. Il est dédié aux étudiants décohabitants. Les étudiants danois sont plus âgés, en moyenne de cinq ans, que leurs homologues français et il existe une sélection à l’entrée à l’université. Par ailleurs, le gouvernement danois semble engager une réforme de ce modèle, pour le limiter à cinq années, voire pour transformer l’aide en un prêt. Surtout, cette aide est imposable.

Je suis opposée au principe même d’un revenu universel, où la solidarité nationale se substituerait intégralement à l’aide familiale et ne concentrerait pas ses efforts sur ceux qui en ont le plus besoin. C’est mon fil rouge.

Je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer le coût budgétaire de cette proposition de loi.

Si l’on fait le calcul dans les grandes lignes, avec une assiette de 2 millions d’étudiants, soit une assiette plus restreinte que celle qui est définie dans cette proposition de loi, auxquels on verserait une allocation de 1 000 euros par mois sur douze mois, on atteint un coût d’environ 24 milliards d’euros par an, soit, permettez-moi d’insister sur ce point, la quasi-totalité du budget du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. À cet égard, je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que le budget de mon ministère a déjà augmenté de 4,38 milliards d’euros depuis 2017.

Si le Gouvernement partage pleinement l’objectif d’aider plus et mieux les étudiants, afin qu’ils puissent faire leurs études dans les meilleures conditions possible, il est défavorable, pour toutes les raisons évoquées, à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Brigitte Devésa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à mettre en place une allocation autonomie universelle d’études pour l’ensemble des étudiants du supérieur, ainsi que pour les élèves de la formation professionnelle du second degré. Elle vise à répondre au problème de la précarité, qui progresse fortement depuis la crise sanitaire et touche l’ensemble de notre société, mais concerne plus particulièrement les étudiants.

Nous avons tous en tête les images des files d’attente d’étudiants devant les centres de distribution d’aide alimentaire. En effet, 29 % des étudiants déclarent rencontrer des difficultés financières importantes. Ce chiffre est en augmentation, car ils étaient seulement 24 % en 2020.

Les étudiants ont particulièrement subi les effets de l’inflation, notamment de l’inflation alimentaire qui s’élève à 13,2 % depuis deux ans. Ils subissent également de plein fouet les effets de la crise du logement : trouver un studio, un appartement, devient de plus en plus difficile et coûte de plus en plus cher.

Ainsi, pour des raisons financières, nombre d’étudiants ne peuvent plus mener sereinement leurs études. Nous sommes tous d’accord sur ce point, une telle situation est inacceptable.

Face à ce problème, les bourses du Crous, qui se révèlent de plus en plus insuffisantes, permettent toutefois de venir en aide à près de 800 000 étudiants chaque année. Une augmentation de 500 millions d’euros de leur enveloppe a permis de les revaloriser de 370 euros par an, et ce malgré une hausse de 6 % des plafonds de ressources de l’ensemble des échelons, qui a permis aussi d’augmenter le nombre d’étudiants boursiers issus des classes moyennes.

Par ailleurs, la complexité du système des bourses du Crous fait que nombre d’étudiants qui pourraient y avoir droit ne les demandent pas. Ce problème du non-recours concerne particulièrement les plus précaires.

Outre ces bourses, l’État vient en aide aux étudiants en leur proposant des repas au tarif social de 3,30 euros dans les restaurants gérés par les Crous. Ce tarif a été gelé, ce qui va dans le bon sens. Depuis 2020, les étudiants boursiers ont, par ailleurs, accès à ces mêmes repas au prix de 1 euro.

Malheureusement, tout cela ne suffit pas à endiguer la paupérisation des étudiants. Il est donc indispensable d’aller plus loin, afin de permettre à tous les étudiants, en particulier à ceux qui sont issus des classes populaires, de mener leurs études sans avoir une épée de Damoclès financière au-dessus de leurs têtes. C’est un enjeu d’égalité des chances.

À ce titre, l’idée d’une allocation autonomie universelle d’études pourrait, à première vue, apparaître comme une solution séduisante.

Cette allocation représenterait, certes, une augmentation substantielle des revenus pour les étudiants issus des classes populaires et moyennes, en comparaison avec les montants de bourses auxquels ils ont droit actuellement. L’allocation universelle envisagée dans le cadre de cette proposition de loi serait, par ailleurs, une mesure simple et compréhensible par tous, qui se substituerait au maquis des bourses, allocations et autres aides qui sont aujourd’hui proposées aux étudiants. Elle résoudrait donc certainement le problème du non-recours.

Cependant, malgré les bonnes intentions des auteurs de ce texte, cette allocation présenterait autant voire plus d’inconvénients, ce qui la rend, selon nous, mal adaptée à la résolution du problème que constitue la paupérisation des étudiants.

En effet, l’allocation telle que conçue par cette proposition de loi n’est pas conditionnée à des plafonds de ressources. Un étudiant issu des classes populaires toucherait ainsi le même montant qu’un étudiant issu des couches les plus aisées.

Par ailleurs, le montant de l’allocation proposée serait fixe et ne dépendrait pas du lieu d’études de celui ou de celle qui en bénéficierait. Or le coût de la vie pour un étudiant parisien n’est pas le même que pour un étudiant rennais.

À vouloir être trop égalitaire, cette proposition nous semble donc profondément inéquitable.

De plus, le dispositif proposé prévoit l’interdiction du cumul de cette allocation avec un contrat de travail, ce qui nous semble poser un double problème.

D’une part, cette interdiction laisse un trou dans la raquette : en permettant le cumul de l’allocation universelle avec une activité d’autoentrepreneur, elle favorisera l’ubérisation et, donc, la précarisation du travail des étudiants.

D’autre part, l’interdiction, pour les étudiants, d’avoir un contrat de travail s’ils veulent conserver leur allocation mettra en difficulté les secteurs de notre économie qui se reposent beaucoup sur les emplois étudiants.

Ce n’est pas tout ! La proposition de loi prévoit que l’étudiant, pour bénéficier de l’allocation universelle, quitte le foyer fiscal de ses parents. Cela signifie, pour ces derniers, la perte d’une demi-part fiscale, voire plus pour les familles nombreuses. L’étudiant touchera donc plus, mais ses parents paieront également plus d’impôts.

Enfin, mes chers collègues, il nous faut bien parler du principal problème soulevé par cette proposition de loi, à savoir le financement. Le coût de cette mesure est estimé à plus de 30 milliards d’euros, ce qui, dans le contexte actuel de nos finances publiques, est inenvisageable.

Mes chers collègues, les solutions au problème de la précarité des étudiants ne manquent pas. Il appartiendra au Sénat d’en proposer au cours de débats futurs. Poursuivre le développement des filières en apprentissage, par exemple, permettrait de rehausser le niveau de vie des étudiants, sans pour autant en faire supporter le coût à nos finances publiques. Enfin, il faudra, plus largement, affronter le problème de la précarité des jeunes, qui ne touche pas seulement les étudiants.

Pour l’heure, cette proposition de loi nous semble créer plus de problèmes qu’elle n’apporte de solutions. C’est pourquoi, tout en reconnaissant le problème de la précarité des étudiants et en appelant à y apporter rapidement des solutions pertinentes, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier ma collègue Monique de Marco de cette proposition de loi et du combat sans faille qu’elle mène en faveur de nos étudiantes et étudiants, ainsi que les organisations étudiantes, qui se sont mobilisées sur ce sujet.

Voilà un peu moins de quatre ans, au cœur de la crise sanitaire, les files d’attente devant les banques alimentaires ont considérablement marqué les esprits. À l’époque, il était insupportable de voir les visages d’une jeunesse à l’arrêt et placée devant la difficulté de se nourrir.

En réalité, ces images sont toujours d’actualité ! Aujourd’hui encore, des milliers de jeunes se rendent chaque soir à des distributions alimentaires. Voilà quelques semaines, je me suis rendue à l’une d’entre elles, réalisée par l’association Cop 1. J’ai retrouvé dans ces files, devant des paniers-repas, les images qui faisaient déjà froid dans le dos en 2020, mais nous sommes fin 2023 !

Combien d’années encore laisserons-nous cette situation s’aggraver ? Combien d’années encore baisserons-nous les yeux devant ces étudiants précarisés ? Le constat est connu depuis des années. Nous rappelons à intervalles réguliers les mêmes chiffres, dans l’espoir qu’un jour une réforme structurelle intervienne.

Madame la ministre, nous nous attendions à votre réponse, toujours la même : « Nous faisons une réforme des bourses. » Toutefois, plus de 50 % des personnes présentes dans les files de distribution alimentaire ne sont pas éligibles aux bourses sur critères sociaux. Vous le voyez bien, il y a là un problème structurel. Votre politique ne permet pas de lutter contre la précarité étudiante.

Notre pays est marqué par une augmentation sans précédent des inégalités. La jeunesse est, dans son ensemble, la population la plus marquée par ce phénomène. En quelques années, les conditions d’entrée dans la vie adulte se sont fortement dégradées. Ainsi, en 2021, 9,1 millions de personnes vivaient avec un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, dont 1,4 million de jeunes de 18 à 24 ans.

La situation actuelle est grave, même alarmante. Elle conduit à une insécurité permanente, le coût de la vie étudiante ayant augmenté de plus de 25 % depuis 2017. Ainsi, 40 % des jeunes doivent exercer une activité professionnelle parallèlement à leurs études et 43 % des étudiants sautent un repas par jour.

L’insécurité des étudiants est multiple : économique et alimentaire, mais aussi pour ce qui concerne l’accès au logement, à l’énergie ou à la santé et les liens sociaux. Comment démarrer sa vie adulte dans ces conditions ? Le « plus bel âge de la vie », comme certains aiment à l’appeler, ne serait donc que le privilège de quelques-uns ? Démarrer dans la vie adulte doit donc signifier dépendre de la solidarité familiale plutôt que de la solidarité nationale ?

Une telle précarité fracture la jeunesse, tandis que ces inégalités ébranlent notre société, sapent la cohésion nationale, fragilisent nos modèles sociaux et érodent la promesse républicaine d’égalité des chances, promesse chère à toutes et tous dans cet hémicycle.

Nous le voyons bien, le système des bourses est à bout de souffle. Il n’est plus efficace et atteint ses dernières heures de vie. Nous ne pouvons pas rester là sans rien faire ; nous ne pouvons pas banaliser une telle précarité. Nous refusons le retour à une société d’héritiers. Nous ne pouvons pas nous résigner à ce que François Dubet nomme la « préférence pour l’inégalité ».

Face à ces constats, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vous fait aujourd’hui une proposition permettant une avancée concrète dans la lutte pour l’égalité et contre la précarité des jeunes : la création d’une allocation autonomie universelle d’études.

Nous devons garantir à notre jeunesse protection et avenir. Il en est fini des petits ajustements au gré de l’actualité.

Nous avons l’occasion historique de construire un véritable dispositif de protection sociale étudiante pour conduire les jeunes vers l’autonomie et l’émancipation.

Nous avons l’occasion historique de proposer, main dans la main, en concertation, une loi qui changerait la vie de millions de jeunes Françaises et de jeunes Français.

Je terminerai par une citation de Jean Jaurès : « Une fois émancipé, tout homme cherchera lui-même son chemin. » Cette proposition de loi répond à ce besoin de sécurité et de protection, ainsi qu’à ce désir d’émancipation de nos jeunesses. Donnons-lui sa chance ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous saluons la volonté du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires d’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée cette proposition de loi visant à créer une allocation autonomie universelle d’études pour tous les jeunes en formation de 18 ans à 25 ans, de 16 ans à 25 ans pour les apprentis.

Cette allocation supplanterait les bourses, dont le montant varie de 1 450 euros à 6 300 euros annuels et dont une majorité des étudiants est toujours exclue. Elle compléterait également la rémunération des entreprises pour les apprentis.

Répondre à la précarité de la jeunesse, laquelle ne cesse de croître en France, est indispensable. La crise de la covid-19 a mis en lumière et amplifié ce phénomène. Chacun a en tête les files d’étudiants devant les distributions alimentaires. Nous le savons aussi, les jeunes en formation professionnelle, souvent issus des milieux populaires, doivent acquérir des matériels et des équipements coûteux.

Malgré cette situation, les députés du camp présidentiel et les sénateurs du groupe Les Républicains ont empêché l’extension à tous les étudiants du repas à 1 euro des Crous.

En 2023, le coût de la vie étudiante a augmenté de 6 % à 7 %. Cela a été rappelé, nombre d’étudiants sont contraints de se salarier pour subvenir à leurs besoins fondamentaux, ce qui n’est évidemment pas sans conséquence sur leurs chances de réussite.

En outre, la réforme des lycées professionnels risque de faire naître de nouvelles injustices, entre les lycéens de terminale qui choisiront un parcours de formation au sein de l’établissement et ceux qui iront en entreprise et seront, eux, rémunérés.

L’allocation autonomie universelle d’études nous apparaît comme l’une des solutions pour répondre à ces situations.

Certes, elle nécessite des crédits importants, vous l’avez rappelé, madame la ministre, mes chers collègues. Cela devrait nous conduire à réfléchir collectivement aux sources de financement à mobiliser.

Notre groupe, comme d’autres, a présenté, au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, des propositions permettant d’accroître les recettes publiques. Celles-ci seraient bienvenues face à l’enjeu qui nous réunit aujourd’hui !

Pour d’autres, c’est la solidarité familiale qui doit décider qu’un jeune pourra ou non faire des études supérieures. Autant dire que ce sont les revenus des parents et non pas les capacités ou la volonté qui permettront aux jeunes d’accéder à tel ou tel niveau ou type de formation.

Il est temps de passer d’une solidarité familiale à une solidarité nationale, faute de quoi notre système éducatif restera longtemps encore l’un des plus inégalitaires du monde. Seulement 12 % des enfants d’ouvriers prolongent leurs études à l’université. Voulons-nous que, demain, les classes moyennes soient elles aussi à ce point sous-représentées ? On peut le craindre, compte tenu du décrochage des salaires par rapport à l’inflation.

De ce point de vue, il faudrait creuser plus avant les effets de la suppression de la demi-part fiscale des familles, pointée par les auteurs de cette proposition de loi, entre autres possibilités, comme une piste de financement de cette allocation. Une telle mesure ne risquerait-elle pas d’accroître les inégalités ?

Ne serait-il pas également nécessaire d’étudier l’ouverture de droits à la retraite liée à ce régime d’allocation ?

Les Crous doivent en parallèle être dotés de moyens, tout comme la médecine universitaire. La problématique du transport doit aussi être prise en compte, en matière tant de coût que de dessertes à développer.

Je pense également au logement, premier poste de dépense des étudiants. Selon le rapport de nos collègues Pierre Ouzoulias et Laurent Lafon, 57 % des étudiants paient un loyer et y consacrent en moyenne 388 euros par mois. Ce montant explose pour les locataires du privé, puisqu’il atteint 570 euros en moyenne par mois. Or, sur les 60 000 logements étudiants promis par le candidat devenu président en 2017, seuls 36 000 ont été livrés en 2021.

Si cette proposition de loi n’épuise donc pas l’ensemble des sujets concernant la jeunesse, nous la voterons bien évidemment. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans un premier temps, je tiens, au nom du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, à remercier nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires de mettre en lumière la question de la précarité économique des étudiants, dans le cadre de l’ordre du jour qui leur est réservé.

Ce sujet nous a particulièrement sautés aux yeux au moment de la crise sanitaire, mais il perdure dans le temps avec les difficultés liées à l’inflation et la crise du logement.

Plusieurs chiffres révélateurs ont été évoqués au fil de nos débats, notamment l’enquête menée par l’Ifop en septembre dernier avec l’association d’entraide Cop 1 auprès de deux échantillons de près de 800 étudiants chacun, l’un constitué des seuls bénéficiaires des paniers-repas de l’association et l’autre représentatif de la population étudiante.

Les résultats montrent que 36 % des étudiants se privent régulièrement d’un repas par manque d’argent et ils sont 58 % dans ce cas parmi les jeunes inscrits aux distributions alimentaires. Ces proportions sont alarmantes.

Au fil du temps, l’État, les organismes de sécurité sociale, les collectivités territoriales, le secteur associatif, les fondations et le secteur privé ont bâti une multitude de dispositifs visant à endiguer les risques sociaux auxquels les étudiants sont confrontés.

Bourses, aides au logement et à la caution locative, aides à la complémentaire santé, à la mobilité, au sport, aux loisirs ou à la culture, tarifs spécifiques de transports en commun décidés par des EPCI et des régions, dispositifs d’accompagnement pour étudier à l’étranger, aides spécifiques pour les étudiants ultramarins : l’arsenal de dispositifs a peu à peu pris la forme d’un véritable labyrinthe pour les bénéficiaires, ce qui pose la question de l’accès aux droits.

Ces questions sont d’autant plus légitimes lorsqu’on étudie la diversité et les écarts des droits en fonction des territoires.

En effet, au sein d’une même région, l’étudiant de Toulouse paiera son abonnement de transports 133 euros, l’étudiant de Mende 49,70 euros, tandis que l’étudiant de Millau ou de Montpellier aura accès gratuitement au réseau de transports urbains.

Ces disparités sont également perceptibles pour ce qui concerne l’accès au logement, puisque l’offre du parc social et le niveau des loyers varient en fonction des lieux de résidence. Ainsi, dans le rapport d’information de 2021 de nos collègues Pierre Ouzoulias et Laurent Lafon sur les conditions de la vie étudiante, on apprend que, selon l’Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services, il manquerait au moins 250 000 logements étudiants pour répondre à la demande. Il s’agit d’une estimation basse, si l’on en croit d’autres enquêtes.

L’autre poste important de dépenses grevant le budget d’un étudiant – j’en ai parlé en préambule – est l’alimentation.

Sur ce point, je déplore de n’avoir pas pu déposer d’amendement, faute de lien suffisant avec le texte en discussion. En effet, élue d’un département hyper-rural, je constate au quotidien que l’absence, à Mende et ailleurs, d’un restaurant universitaire porté par le Crous augmente sensiblement les dépenses d’alimentation des jeunes. À défaut d’implanter des restaurants universitaires partout, la réflexion sur la mise en place d’un ticket-restaurant au bénéfice des étudiants résidant dans des communes dépourvues de ce service doit être creusée sérieusement.

Notre groupe est donc sensible aux enjeux soulevés par l’auteure de la proposition de loi, notamment pour encourager l’émancipation des étudiants et éviter qu’ils échouent, en consacrant un temps démesuré à des jobs alimentaires. Nous sommes ouverts à des pistes concrètes visant à revaloriser nettement leur pouvoir d’achat, mais dans le cadre d’un système de redistribution verticale et progressive et non pas d’un système de redistribution universelle, c’est-à-dire dans le cadre d’une plus grande justice sociale.

En somme, le groupe du RDSE partage pleinement le combat contre la précarité des étudiants et restera force de propositions. Néanmoins, pour les raisons évoquées précédemment, les votes des membres de notre groupe seront partagés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons en ce début de soirée la proposition de loi présentée en commission des affaires sociales le 5 décembre dernier par notre collègue Monique de Marco.

Ce texte vise à instaurer une allocation autonomie universelle d’études au bénéfice de l’ensemble des étudiants du supérieur et des élèves de la formation professionnelle du second degré, afin de lutter contre la précarité étudiante.

Si cette intention est louable, le Gouvernement n’a pas attendu ce texte pour se saisir de ce sujet. Le Président de la République a inscrit dans la feuille de route du second quinquennat une réforme du système de bourses afin que le coût de la vie ne soit jamais une barrière aux études.

Ainsi, madame la ministre, dès la rentrée universitaire de 2022, vous avez engagé une concertation sur la vie étudiante avec l’ensemble des organisations représentatives. Celle-ci a conduit à des mesures améliorant le système de bourses sur critères sociaux, ainsi que l’accès à la restauration et au logement.

Concernant le système de bourses, le Gouvernement aide désormais davantage d’étudiants : 35 000 bénéficiaires supplémentaires, issus des classes moyennes, sont devenus boursiers.

Il aide également mieux, en ayant revalorisé toutes les bourses : tous les échelons ont gagné annuellement 370 euros. Les boursiers ultramarins ne sont pas oubliés, avec une augmentation supplémentaire de 30 euros par mois. Cela représente un effort inédit : la plus forte revalorisation depuis près de dix ans.

La question du coût de la vie a, quant à elle, été prise à bras-le-corps dès 2017, avec la suppression de la cotisation à la mutuelle étudiante.

« C’est insuffisant ! », me direz-vous. Pour autant, cette mesure s’ajoute à la cantine à 1 euro pour les étudiants boursiers, au gel des loyers des résidences universitaires et à celui des droits d’inscription à l’université, fixés à l’un des niveaux les plus bas parmi les pays de l’OCDE ; elle permet donc de dégager des moyens pour les étudiants afin d’améliorer leur reste à vivre.

Une fois le constat posé et les faits rappelés, penchons-nous sur cette proposition de loi. Vous proposez la mise en place d’une allocation autonomie universelle d’études ; dès le titre, on ne peut plus vous suivre. Comment justifier l’utilisation du terme « universelle » ? Dans vos amendements et vos prises de paroles sur l’ensemble des sujets sociaux, vous prônez la justice sociale et la redistribution. La mesure que vous proposez est pourtant profondément libérale ! (M. Thomas Dossus sexclame.)

De plus, outre cette allocation, vous souhaitez conserver le système d’aides et d’accompagnement existant. Est-ce réalisable ?

On ne peut pas accompagner efficacement les étudiants qui en ont le plus besoin, en ajoutant au bas mot 20 milliards d’euros de dépenses par an, soit deux tiers du budget du ministère de l’enseignement supérieur !

Vous entendez consacrer une somme si importante à une mesure non ciblée, aidant, certes, le plus précaire, mais également le plus aisé, qui n’en a pas besoin. Où est la dimension redistributrice dans ce texte ? Qu’en est-il de l’objectif de réduction des inégalités ? Nous avons perdu le fil de votre raisonnement !

Face à votre proposition, nous préférons soutenir l’action du Gouvernement pour mieux accompagner nos étudiants. Nous nous rejoignons sur le constat : ces derniers sont les premières victimes de l’évolution du coût de la vie et nous ne pouvons pas nous satisfaire de voir certains d’entre eux faire la queue devant les banques alimentaires.

Alors, mes chers collègues, continuons à proposer des solutions de logement accessibles et à financer de nouvelles places au Crous, à revaloriser les bourses, à développer un modèle éducatif populaire et accessible à tous sur l’ensemble du territoire. Notre maillage d’universités de proximité est une grande richesse, soutenons-le sans tomber dans le piège d’une idée tentante, mais qui ne réglerait rien.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marion Canalès. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, parce qu’ils sont jeunes, les étudiants sont-ils condamnés à éprouver nécessairement « l’insoutenable légèreté de l’être » ?

Madame la ministre, vous savez que le sujet est important et je forme le vœu que nous parvenions à vous convaincre que cette proposition du groupe écologiste mérite une attention particulière.

On pourrait inverser l’adage bien connu : si jeunesse pouvait, si vieillesse savait ! En effet, cette proposition de loi concerne les moyens à mobiliser pour accompagner durablement les étudiants. Nous qui sommes désormais éloignés de cette étape de la vie, comment pouvons-nous prendre la mesure de leurs besoins et y répondre ?

La petite enfance, la jeunesse, la dépendance sont des périodes précieuses de l’existence, durant lesquelles les humains sont en situation de grande fragilité.

Fort de ce constat, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait défendu, il y a plusieurs mois, une proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans. Nous rappelions à l’époque que la France était l’un des deux derniers pays de l’OCDE à ne pas ouvrir ses minima sociaux aux jeunes de moins de 25 ans.

Il est aujourd’hui question des étudiants, des forces vives ; notre groupe soutiendra évidemment sans réserve cette proposition de loi de nos collègues écologistes.

« La gravité d’une question se mesure à la façon dont elle affecte la jeunesse », disait Pierre Mendès France – et non Jean Jaurès. (Sourires.) Or personne ne peut feindre d’ignorer l’aggravation structurelle de la précarité des jeunes, et plus spécifiquement des étudiants : 27 % de ces derniers vivent sous le seuil de pauvreté.

Je ne prendrai qu’un exemple : le logement, qui est le plus puissant vecteur des inégalités et de leur reproduction. Pour la moitié des étudiants, une fois le loyer payé, il ne reste plus qu’entre 50 et 200 euros dans le budget mensuel ; pour un quart des étudiants, cette somme est inférieure à 50 euros.

À ce jour, le logement étudiant ne répond qu’à 7 % des besoins et la promesse de 60 000 logements étudiants reste lointaine : seuls 35 000 sont sortis de terre. Toute la filière sonne l’alerte : le logement étudiant est grippé et cela illustre le défi énorme qui se dresse devant nous.

Notre réponse à l’aggravation de la situation globale de ceux qui sont et qui feront la France de demain est le soutien à la création de cette allocation ou, à tout le moins, à son expérimentation, et ce, quoi qu’il en coûte !

Une telle mesure existe d’ailleurs déjà en France : les étudiants des écoles normales supérieures ou de l’école polytechnique en bénéficient. Cela devrait nous pousser à la réflexion : pourquoi sont-ils les seuls à la percevoir ?

« L’égalité élève en élargissant à tous des droits et des libertés réservés à certains », peut-on lire dans Murmure à la jeunesse. C’est toute la question qui nous occupe. Il ne s’agit pas de dire « il faut que jeunesse se passe », mais bien de faire en sorte que jeunesse se fasse !

Nous devons donner à nos étudiants, universellement, la capacité de se réaliser dans cette étape importante de leur intégration à la communauté nationale, sans subir le poids d’un héritage social, sans porter le fardeau de ne pas être tout à fait au bon endroit, au bon moment, et en en finissant avec le non-recours aux droits.

La vie est parfois injuste et ne récompense pas tous les mérites. Au-delà de ces aléas, les injustices insupportables sont celles qui émanent des inégalités d’accès, notamment à l’éducation ; elles poussent sur les désordres nés d’une solidarité défaillante, ainsi que d’une inéquitable répartition des sacrifices comme des richesses, et elles doivent être combattues sans répit. Or l’addition de mesure-rustines n’apporte pas de réponse à cet objectif et ne fait pas une ambition pour notre jeunesse étudiante.

Le morcellement des aides octroyées, parfois invisibles, car reliées aux déclarations d’impôts des parents, s’apparente, à mon sens, à une forme de paternalisme reproduit à l’infini sur lequel la proposition de loi de nos collègues écologistes nous invite à nous interroger profondément.

La disparition de la demi-part de quotient familial ou encore la réduction d’impôt de l’enfant scolarisé étudiant permettrait de dégager une part du financement, mais cela implique – j’en conviens – un vrai changement de paradigme, auquel nous appelons.

L’aggravation de la précarité des jeunes, plus spécifiquement des étudiants, est une réalité que ceux-ci vivent, eux, dans leur quotidien. Leurs ressources se fondent sur un triptyque qui a déjà été décrit : la famille, en premier lieu, pour 42 %, l’emploi pour 25 % et, enfin, les aides publiques pour le solde.

La solidarité nationale doit prendre le relais de la solidarité familiale, qui s’épuise et qui reproduit les inégalités. Dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les restes à charge sont supportés par les familles des pensionnaires ; est-il souhaitable de perpétuer ce modèle pour les étudiants, alors que nous savons qu’il va droit dans le mur ?

Nous devons repenser la manière de traiter nos aînés ; pourquoi ne pas prendre autant au sérieux la nécessité de repenser également la manière de traiter notre jeunesse ? Allons-nous attendre le sacrifice de toute une génération, et donc de l’avenir de notre pays, pour nous y résoudre ?

La solidarité nationale doit aussi prendre le relais de l’implication dans l’emploi, qui pénalise une certaine catégorie d’étudiants : 40 % d’entre eux sont contraints de travailler pendant leurs études. Or il ne s’agit plus des emplois de pion que notre génération a connus et qui offraient la possibilité de concilier travail et études. La mission sénatoriale de 2021 soulignait déjà le risque de concurrence entre ces deux activités.

Il est important de prendre très au sérieux le temps de la jeunesse, dans une société qui bascule vers le grand âge ; c’est précisément ce que vise cette proposition de loi, que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi entend faire face à la précarité étudiante qui s’est accentuée en France depuis la crise sanitaire.

Son auteure, notre collègue Monique de Marco – je tiens à saluer son investissement sur ce sujet –, s’appuie sur le bilan dressé en juillet 2021 par la mission sénatoriale sur les conditions de la vie étudiante en France, dont le rapporteur était Laurent Lafon.

Cela fait déjà plusieurs années que la question de la précarité étudiante revient régulièrement dans le débat public. La crise sanitaire n’a été que le révélateur et l’amplificateur de difficultés préexistantes, particulièrement présentes dans trois domaines : la santé, le logement et l’alimentation.

L’inflation a aggravé la situation, avec un coût de la vie qui a augmenté de 6,47 % en 2022 selon le rapport annuel de l’Unef ; en témoignent les files d’attente aux distributions alimentaires et les taux de fréquentation record des restaurants universitaires.

D’après le ministère des solidarités et des familles, 40 % des étudiants qui vivent seuls sont en situation de pauvreté. Un constat préoccupant et non sans conséquence : selon l’observatoire du Samu social, un quart des étudiants présents à l’aide alimentaire déclare un état de faim modéré à sévère et un tiers d’entre eux un état dépressif majeur.

L’année dernière, la Cour des comptes soulignait que la crise sanitaire avait mis en évidence les défauts structurels qu’elle avait déjà dénoncés en 2015 : des acteurs multiples, un enchevêtrement des compétences et un dispositif de bourses sur critères sociaux présentant des limites. Elle notait que la population des étudiants non boursiers avait été, à tort, délaissée dans les premiers mois de la crise, alors qu’elle était nettement exposée au risque de précarité.

Les auteurs de la proposition de loi soulignent avec raison que la précarité gagne les jeunes issus de la classe moyenne et que l’État doit dorénavant en tenir compte.

Le constat étant fait, quelles réponses apporter aux besoins des jeunes ? Que penser du texte qui nous est présenté aujourd’hui ?

Cette proposition de loi vise à supprimer le système actuel de bourses en raison de sa complexité et du maintien des situations de précarité, que je viens d’évoquer ; elle lui substitue une allocation universelle concernant tous les étudiants. Cette mesure, dont on trouve un exemple au Danemark, présenterait l’avantage d’atteindre les jeunes issus de la classe moyenne, comme d’éviter le non-recours.

Il s’agirait pour autant d’un bouleversement d’ampleur. Nous pouvons ainsi discuter de l’impact d’une telle réforme et de son sens : la collectivité nationale doit-elle se substituer aux solidarités familiales ? Les jeunes seront-ils responsabilisés s’ils sont totalement dessaisis du financement de leurs études ? Quel message leur adressons-nous sur leur capacité à gagner leur autonomie et à s’investir dans leur avenir professionnel ? Devons-nous les faire entrer dans une logique d’assistanat ? (Rires sur les travées du groupe GEST.)

M. Jacques Fernique. De l’assistanat, mais pour manger !

Mme Pascale Gruny. N’existe-t-il pas d’autres moyens de les aider ?

Nous discutons ce soir du principe d’une allocation universelle, avec des points de vue très différents, car il s’agit d’un sujet éminemment politique, impliquant des choix de société.

Cependant, il me semble que le débat doit s’arrêter au moment où se pose la question des moyens. Selon la rapporteure, Anne Souyris – je tiens à souligner la qualité de son travail et ce premier rapport pour elle au nom de notre commission –, le coût annuel de la réforme s’élèverait à environ 30 milliards d’euros par an, qu’il faut comparer aux 5,9 milliards d’euros du système existant. Un tel montant n’est pas envisageable dans le contexte de déficit budgétaire.

D’autres voies existent et n’ont pas encore été explorées. La mission sénatoriale évoquait ainsi la simplification et la restructuration de l’architecture des échelons, l’étude de l’élargissement du périmètre de l’échelon zéro et la réorganisation plus rigoureuse de leur socle réglementaire.

Le Gouvernement, après avoir lancé une concertation, a mis en place plusieurs mesures ponctuelles à la rentrée de 2023 : augmentation du nombre de boursiers, revalorisation des bourses et suspension des effets de seuils. Nous sommes toutefois loin de la refonte globale du système que la mission appelait de ses vœux, et que vous avez annoncée pour 2025, madame la ministre. Une telle refonte nous apparaît comme indispensable et le Gouvernement devra avancer une réponse à la hauteur des enjeux.

Dans cette attente, le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Mme Brigitte Devésa applaudit.)

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer l’auteure de la proposition de loi.

Une étude publiée en septembre dernier indique que près de 46 % des étudiants ont déjà supprimé un repas à cause de l’inflation. Ce chiffre est alarmant. La précarité étudiante est une réalité qui s’est aggravée avec les risques sanitaires et le coût de l’alimentation.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui affiche l’objectif de lutter contre cette situation, en octroyant à tous une allocation autonomie universelle d’études.

L’idée n’est pas nouvelle. L’argument de ses tenants repose essentiellement sur le fait que le système actuel des bourses serait arrivé à bout de souffle. Je suis convaincu, quant à moi, qu’un système peut être amélioré et réformé, sans devoir être radicalement remplacé par un autre.

Il faut d’abord mener un travail sur la lisibilité des aides existantes et sur l’information à leur sujet : bourses sur critères sociaux, aides personnelles au logement, aides au mérite, prêts garantis par l’État, aides d’urgence ou aides locales, il n’est pas toujours facile pour un étudiant de s’y retrouver.

Il convient donc de réfléchir à la centralisation des aides existantes, ainsi qu’à leur revalorisation. Environ 800 000 étudiants bénéficient d’une bourse pour un total de 2,6 milliards d’euros, auquel s’ajoutent les repas à 1 ou à 3,30 euros et les hébergements à tarifs étudiants ; tout cela vient, en outre, en complément du soutien familial.

Ensuite, je suis d’accord avec la nécessité de revoir, dans le système actuel, le niveau des bourses, le nombre d’échelons, les montants pour les plus défavorisés et les différents seuils, ainsi que les effets que ceux-là produisent et qui nuisent à beaucoup de bénéficiaires.

En revanche, donner une allocation d’environ 1 000 euros par mois à tous les étudiants, y compris à ceux qui peuvent être aidés par leurs parents, me paraît injuste, surtout pour un coût estimé à environ 25 milliards d’euros, qu’il convient de comparer aux 6 milliards d’euros que coûte le système existant.

À l’heure où nous devons maîtriser les dépenses publiques, il ne serait pas normal d’adopter une telle mesure. Il me semble plus pertinent de mettre tous les moyens nécessaires pour corriger le système actuel et mieux aider ceux qui en ont besoin.

Les tenants de l’allocation universelle avancent un argument pour prouver que son financement est possible : celle-ci se substituerait aux aides existantes. Pour autant, remplacer tous les dispositifs précédemment cités risque de ne pas suffire à lutter contre la précarité, surtout si la mesure concernée est incompatible avec un job étudiant, ainsi que le prévoit le texte.

Par ailleurs, plusieurs d’entre nous ont évoqué, en commission, la responsabilité des parents en matière d’aide à apporter à leurs enfants. Ainsi, il me paraît juste que les bourses tiennent compte des ressources des parents et de l’éloignement du domicile.

Enfin, je souhaite rappeler le grand succès de l’apprentissage, puisque nous sommes passés de 320 000 contrats en 2018 à 800 000 en 2022, ce qui contribue grandement à la diminution du chômage. Il me semble donc qu’un maximum de moyens doit aussi être alloué aux aides en faveur de ce secteur et à la stabilisation des comptes de France Compétences.

Il convient donc de continuer à augmenter le nombre de contrats « jeune majeur », qui permettent d’aller vers l’emploi et l’apprentissage, comme de développer la filière de l’enseignement professionnel et la gratification des stagiaires de ses lycées, qui est en vigueur depuis le mois de septembre.

Pour les étudiants, il faut donc sûrement revaloriser les bourses, ajouter des repas à 1 ou 3,30 euros, garantir la prise en charge de toutes les dépenses de santé, offrir beaucoup plus de logements étudiants aux prix adaptés.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Chasseing. De telles mesures me semblent financièrement réalistes et apporteraient des améliorations sensibles à la situation de précarité des populations concernées.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi initiale.

proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 531-4, il est inséré un article L. 531-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 531-4-1. – Les élèves inscrits dans une formation professionnelle du second degré au sens de l’article L. 337-1 bénéficient, à partir de seize ans, du droit à l’allocation autonomie universelle d’études définie à l’article L. 821-2.

« Les modalités d’application du présent article, en particulier les conditions de calcul du montant du solde de l’allocation versée en complément des revenus perçus au titre d’un contrat d’apprentissage défini à l’article L. 6222-5 du code du travail, sont déterminées par décret. » ;

2° L’article L. 821-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 821-1. – I. – La collectivité nationale accorde une allocation autonomie universelle d’études à chaque personne âgée de dix-huit à vingt-cinq ans poursuivant des études auprès d’un établissement de l’enseignement supérieur public.

« II. – Le montant mensuel de cette allocation est fixé chaque année par décret. Il ne peut être inférieur au montant net du salaire minimum prévu pour un apprenti âgé de plus de vingt et un ans en dernière année d’apprentissage, en application de l’article L. 6222-29 du code du travail. Le cas échéant, un décret fixe les conditions de versement d’un complément du revenu d’apprentissage, défini aux articles L. 6222-27 à L. 6222-29 du même code, pour atteindre ce même montant.

« III. – Pour bénéficier de l’allocation autonomie, l’étudiant ou l’apprenti atteste de son autonomie fiscale et financière vis-à-vis de son ou de ses parents, dans des conditions définies par décret, et ne pas être lié par un contrat de travail autre que d’apprentissage. Le non-respect de cette attestation entraîne la suspension et le remboursement partiel ou total de la somme perçue, sauf extrême nécessité de l’étudiant concerné.

« IV. – Le manquement aux règles d’assiduité définies par décret peut donner lieu à la suspension du versement de l’allocation, sous réserve d’aménagements prévus par l’article L. 611-11 pour les étudiants faisant la demande d’un régime spécial d’études.

« V. – L’allocation autonomie universelle d’études se substitue au bénéfice des autres prestations auxquelles sont éligibles ses bénéficiaires, à l’exception de celles prévues au VI.

« VI. – D’autres prestations sont dispensées aux étudiants notamment par le réseau des œuvres universitaires mentionné à l’article L. 822-1 où les étudiants élisent leurs représentants sans distinction de nationalité et où les collectivités territoriales sont représentées dans les conditions et selon des modalités fixées par décret. Il s’agit notamment de prestations alimentaires, médicales et d’hébergement.

« Une aide financière ponctuelle peut être accordée par le réseau des œuvres universitaires à un étudiant en situation de précarité particulière, sous condition de ressources de son ou de ses parents, dans une perspective de réduction des inégalités sociales.

« Les collectivités territoriales et toute personne morale de droit public ou privé peuvent instituer des aides spécifiques, notamment pour la réduction des inégalités sociales.

« VII. – L’allocation autonomie bénéficie également aux personnes âgées de dix-huit à vingt-cinq, étant étudiants :

« 1° Des établissements d’enseignement supérieur privés régis par les dispositions du titre III du livre VII et existant à la date du 1er novembre 1952 ;

« 2° Des établissements d’enseignement supérieur privés qui remplissent les conditions prévues à l’article L. 731-5 ;

« 3° D’établissements d’enseignement supérieur privés habilités, par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, sur avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, et soumis à inspection ;

« 4° D’établissements d’enseignement supérieur technique privés reconnus par l’État dans les conditions prévues à l’article L. 443-2, après avis favorable du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche.

« Elle bénéficie également aux étudiants d’instituts d’études politiques préparant le concours d’entrée à l’Institut national du service public. Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

« VIII. – Les conditions dans lesquelles l’allocation autonomie peut être versée à une personne en situation d’études au-delà de vingt-cinq ans sont définies par décret. » ;

3° Les articles L. 821-2 à L. 821-4 sont abrogés.

II. – Les conséquences financières résultant pour l’État du I sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer la référence

821-2

par la référence

821-1

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Il s’agit de rectifier une erreur matérielle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Souyris, rapporteure. Par cohérence avec sa position de rejet du texte, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Par cohérence également, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, en prenant en compte le lieu de résidence

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à permettre de fixer par décret un montant mensuel de l’allocation différent selon le lieu de résidence.

Vous avez été nombreux à évoquer la question du logement durant la discussion générale. De manière générale, le coût de la vie étudiante n’est pas le même entre les différents lieux de résidence des étudiants. Les syndicats étudiants demandent donc que cette allocation soit territorialisée.

Ils ont raison et nous vous proposons de les écouter, car le logement représente en moyenne 40 % du budget mensuel des étudiants et cela peut monter jusqu’à 60 %. Or seuls 7 % d’entre eux bénéficient d’un logement social ou universitaire.

Les villes les plus chères sont Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux et Nice ; le coût de la vie étudiante y est supérieur de 20 % à 30 % à la moyenne. À Paris, un studio coûte en moyenne 900 euros par mois, contre 500 euros dans une ville de province.

C’est pourquoi le montant de l’allocation universelle d’études ne peut pas être tout à fait le même ; nous devons permettre de l’adapter par décret selon le territoire de résidence.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Souyris, rapporteure. Par cohérence avec sa position de rejet du texte, la commission a émis un avis défavorable.

À titre personnel néanmoins, je suis favorable à cet amendement dans la mesure où cette allocation se substituerait aux aides existantes, notamment aux aides personnelles au logement, dont le montant est territorialisé.

En outre, il tend à permettre de prendre en compte la situation du marché du logement, différente selon les villes, ou le prix des denrées – je pense en cela aux outre-mer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

Différents plans ont été lancés pour augmenter le nombre de logements et en faciliter l’accès, le repas à 1 euro a été mis en place et la distance est prise en compte dans les points de charge qui déterminent le niveau des bourses.

Dans la réforme sur laquelle nous travaillons, la territorialisation est un point de discussion. Ainsi, dans la première étape de cette réforme, 30 euros supplémentaires ont été accordés aux étudiants en outre-mer.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Le montant mensuel mentionné au II peut être diminué par décret pour prendre en compte la situation des bénéficiaires cohabitant avec leurs ascendants ou tuteurs légaux.

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Le logement est le premier poste de dépense des étudiants ; lorsque ceux-ci poursuivent leurs études dans des métropoles où les loyers sont très élevés, il devient leur plus grande inquiétude. Selon une enquête de l’Unef, le coût du loyer varie pour eux entre 361 euros au Mans et 881 euros à Paris.

Le 1er décembre dernier, le Gouvernement a annoncé la construction de 35 000 logements sociaux supplémentaires pour faire face au mal-logement. À cette occasion, des biens fonciers de l’État qui pourraient permettre de créer 11 200 logements ont été découverts. Pour autant, comme le rapport sénatorial de 2021 l’a montré, ces ressources sont très inférieures aux besoins.

L’offre de logements en résidences étudiantes – 350 000 places – est structurellement insuffisante par rapport à la population concernée : 2,7 millions de personnes.

Certes, les résidences n’ont pas vocation à accueillir tous les étudiants, mais leur capacité demeure très insuffisante pour proposer des solutions de logement financièrement accessibles. Pour autant, cette difficulté varie grandement en fonction du lieu d’étude, mais aussi du type de logement.

Selon l’Observatoire de la vie étudiante, 33 % des étudiants habitent chez leurs parents, 45 % sont en location et 12 % vivent en résidence universitaire. Certaines associations étudiantes comme la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) ont donc suggéré une modulation de l’allocation d’études en fonction des conditions d’hébergement, par souci d’équité.

Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Souyris, rapporteure. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement ; à titre personnel, j’y suis toutefois favorable, pour les raisons qui viennent d’être exposées par Mme de Marco.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Si j’ai bien entendu, madame la sénatrice, vous entendez permettre de baisser par décret le montant de l’aide apportée aux étudiants qui habitent chez un parent ou un tuteur.

C’est une manière de raisonner ; la nôtre est inverse à la vôtre : nous augmentons les aides de ceux qui quittent le foyer familial – je pense aux APL ou encore aux points de charge supplémentaires. Votre position vise, au fond, à moins soutenir les étudiants qui sont restés au domicile familial.

J’avoue ne pas comprendre cette modulation, puisque cela revient justement sur la logique universelle de votre proposition. (M. Thomas Dossus le conteste.) Cela montre bien combien il est normal d’aider plus ce qui en ont le plus besoin, de moduler selon différents critères et de mettre en place un soutien social prenant en compte les cas individuels.

Dès lors que vous en venez à demander vous-même une modulation, l’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.

Mme Monique de Marco. Mme la ministre, sur le fond, vous avez raison, mais tout peut évoluer. Au cours de nos auditions, des syndicats étudiants nous ont fait part de cette idée, qui se pratique au Danemark où, selon que l’on habite ou non chez ses parents, la somme allouée varie.

En définitive, cela montre tout simplement que notre proposition de loi pourrait servir de base de travail. Des auditions nous ont conduits à faire évoluer notre réflexion ; j’espère qu’il en ira de même pour les groupes qui ne la soutiennent pas encore et pour le Gouvernement !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Anne Souyris, rapporteure. Le système danois comprend une variabilité du même type en fonction de la cohabitation ou de la décohabitation avec les parents ; et il s’agit pourtant bien d’un système universel.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, modifié.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.

Mme Antoinette Guhl. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer le soutien enthousiaste du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires à cette proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études.

Il s’agit d’une mesure importante, d’une réponse concrète, pragmatique et responsable. Il s’agit également d’une disposition de protection : en instaurant cette allocation, nous mettons en place un filet de sécurité aux mailles serrées pour nos jeunes ; nous offrons aux étudiants la possibilité de se concentrer sur leurs études et de ne pas être obligés d’exercer un travail à temps plein en parallèle.

Nous leur offrons une perspective plus solide : nous leur offrons l’autonomie. Et nous nous offrons à nous, mes chers collègues, une occasion de répondre concrètement aux préoccupations croissantes des jeunes.

Cette proposition de loi vise à reconnaître l’accès à l’éducation comme droit fondamental. Qu’est-ce qu’une société qui laisse les barrières financières limiter les opportunités éducatives ? Qu’est-ce qu’une société qui ne souhaite pas investir dans sa jeunesse ? Une jeunesse éduquée et épanouie est une promesse républicaine et un pilier solide pour l’avenir de notre pays.

Vous avez été nombreux à évoquer le coût de cette mesure. Madame la ministre, vous l’avez évalué à 24 milliards d’euros. Or ces 24 milliards d’euros seraient financés d’abord et en très grande partie par le budget des bourses, ensuite par le budget des APL, enfin – cela a été trop peu dit – par la demi-part fiscale que représente aujourd’hui chaque jeune sur la fiche d’imposition de ses parents. Cette demi-part fiscale est très injuste, car elle réduit d’autant plus l’impôt que le salaire est élevé ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marion Canalès et M. Thierry Cozic applaudissent également.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, modifié.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains, l’autre, du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 100 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l’adoption 103
Contre 228

Le Sénat n’a pas adopté.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux remercier Mme de Marco d’avoir mis ce sujet sur la table en commission et en séance.

À ce propos, comme cela a été dit, le Gouvernement est en pleine réflexion. Il a engagé un certain nombre de chantiers – Mme la ministre en a clairement fait état – destinés à faire évoluer les choses. En la matière, donc, les positions bougent et des questions sont posées.

L’examen d’un tel texte nous donne précisément l’occasion de contribuer à ces débats en nous offrant d’aborder, à la tribune comme en commission, des points essentiels dont il est important que nous discutions ; et, je le dis à l’auteure de cette proposition de loi, le vote négatif qui vient d’avoir lieu n’y change absolument rien.

Je remercie vivement notre rapporteure, Anne Souyris, qui s’est mobilisée au nom de la commission des affaires sociales.

Madame la ministre, nos débats ont certes donné lieu à l’expression de positions divergentes ; reste que le constat est le même pour tout le monde. Cela veut dire qu’il y a peut-être une synthèse à trouver par-delà la diversité des pistes qui ont été tracées ; c’est une telle synthèse que je vous invite à formuler. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI.)

Mme Pascale Gruny. Très bien !

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études
 

9

Conférence des présidents

M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat.

En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.

Conclusions de la conférence des présidents

SEMAINE SÉNATORIALE

Jeudi 14 décembre 2023

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)

- Proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, présentée par Mme Nadège Havet et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 164, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 décembre, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 5 décembre, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 14 décembre, matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 décembre, à 15 heures

- Débat sur le thème « Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du Comité interministériel des outre-mer ? »

• Temps attribué au groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute

• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes

• Conclusion par le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 13 décembre, à 15 heures

En outre, à 14 h 30

- Désignation des 19 membres de la commission d’enquête portant sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France (droit de tirage du Groupe Écologiste - Solidarités et Territoires)

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission d’enquête : jeudi 14 décembre à 10 heures

À l’issue de l’espace réservé au groupe RDPI et au plus tard de 16 heures à 20 heures

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

- Proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Dominique Vérien et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n° 167, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 5 décembre, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 14 décembre, matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 décembre à 15 heures

- Proposition de loi relative aux droits de l’enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses parents en cas de séparation de ces derniers, présentée par Mme Élisabeth Doineau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 177, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 décembre, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 décembre, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 décembre, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 décembre, matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 décembre, à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 18 décembre 2023

À 16 heures et le soir

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains (texte de la commission n° 86, 2023-2024)

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 15 décembre, à 15 heures

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP (texte de la commission n° 185, 2023-2024)

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 15 décembre, à 15 heures

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques (texte de la commission n° 182, 2023-2024)

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 15 décembre, à 15 heures

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie (texte de la commission n° 204, 2023-2024)

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 15 décembre, à 15 heures

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (texte de la commission n° 187, 2023-2024)

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 15 décembre, à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prolonger en 2024 l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables (texte de la commission n° 173, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 décembre, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 décembre, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 15 décembre, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 18 décembre, début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 15 décembre, à 15 heures

Mardi 19 décembre 2023

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 18 décembre, à 15 heures

- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l’apprentissage » (texte de la commission n° 197, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 décembre, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 décembre, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 18 décembre, à 12 heures

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale (pour les articles faisant l’objet de la procédure de législation en commission) : vendredi 15 décembre, à 17 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 18 décembre, à 15 heures

- Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (texte de la commission n° 199, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 décembre, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 décembre, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 décembre, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 19 décembre, en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 18 décembre, à 15 heures

- Projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires (procédure accélérée ; texte de la commission, n° 201, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 décembre, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 décembre, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 décembre, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 19 décembre, en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 18 décembre, à 15 heures

Mercredi 20 décembre 2023

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 20 décembre, à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Éventuellement, suite du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires (procédure accélérée ; texte de la commission n° 201, 2023-2024)

- 1 convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, l’Association internationale de développement, la Société financière internationale, l’Agence multilatérale de garantie des investissements et le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (texte n° 937, 2022-2023)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : lundi 18 décembre, à 15 heures

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg au protocole d’accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d’aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables (texte de la commission n° 209, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 décembre, à 15 heures

- Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (procédure accélérée ; texte n° 112, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à une commission spéciale.

18 articles font l’objet d’une procédure de législation en commission partielle selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 8 décembre, à 14 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 décembre, en fin d’après-midi et le soir

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance portant sur les articles du texte non concernés par la procédure de législation en commission : lundi 18 décembre, à 12 heures

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du Règlement : lundi 18 décembre, à 12 heures

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale : vendredi 15 décembre, à 17 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 19 décembre, en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 décembre, à 15 heures

Jeudi 21 décembre 2023

Le matin

- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2024

• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 20 décembre, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 20 décembre, à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi visant à prolonger en 2024 l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables ou nouvelle lecture

En cas de lecture de conclusions de la commission mixte paritaire :

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 20 décembre, à 15 heures

En cas de nouvelle lecture :

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 19 décembre, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 20 décembre, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 20 décembre, à 15 heures

Suspension des travaux en séance plénière :

du lundi 25 décembre au dimanche 14 janvier 2024

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 16 janvier 2024

À 14 h 30

- Proposition de résolution, en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative aux négociations en cours en vue d’un accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, présentée par Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Anne-Catherine Loisier, M. Laurent Duplomb et plusieurs de leurs collègues (texte n° 775, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 janvier, à 15 heures

• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.

- Débat sur le thème « Face à la prédation du loup, comment assurer l’avenir du pastoralisme ? » (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 15 janvier, à 15 heures

- Débat sur la réforme du marché de l’électricité (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 15 janvier, à 15 heures

Le soir

- Débat sur le thème « “Pouvoir de vivre” : quelles politiques de solidarité pour répondre au choc de la transition écologique ? » (demande du groupe SER)

• Temps attribué au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 15 janvier, à 15 heures

Mercredi 17 janvier 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 17 janvier, à 11 heures

À 16 h 30

- Désignation des 23 membres de la commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 (droit de tirage du groupe Union Centriste)

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission d’enquête : mardi 16 janvier, à 15 heures

- Proposition de résolution, en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à condamner l’offensive militaire de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabagh et à prévenir toute autre tentative d’agression et de violation de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie, appelant à des sanctions envers l’Azerbaïdjan et demandant la garantie du droit au retour des populations arméniennes au Haut-Karabagh, présentée par MM. Bruno Retailleau, Gilbert-Luc Devinaz et plusieurs de leurs collègues (texte n° 157, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 16 janvier, à 15 heures

• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.

- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale, présentée par Mme Nathalie Delattre et plusieurs de ses collègues (texte n° 602 rectifié, 2022-2023) (demande du groupe RDSE)

• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 16 janvier, à 15 heures

• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.

Le soir

- Débat portant sur les violences associées au football, dans et hors des stades (demande du groupe UC)

• Temps attribué au groupe Union Centriste : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Union Centriste : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 16 janvier, à 15 heures

Jeudi 18 janvier 2024

À 10 h 30

- Questions orales

À 14 h 30

- Débat sur la mise en application de la loi du 21 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux (demande du groupe CRCE-K)

• Temps attribué au groupe CRCE-K : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute

• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes

• Conclusion par le groupe CRCE-K : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 17 janvier, à 15 heures

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 23 janvier 2024

À 14 h 30

- Proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, présentée par M. François-Noël Buffet (texte n° 202, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 23 janvier, en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 22 janvier, à 15 heures

- Proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien, présentée par M. Cédric Vial et plusieurs de ses collègues (texte n° 840, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 23 janvier, matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 22 janvier, à 15 heures

Mercredi 24 janvier 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 24 janvier, à 11 heures

De 16 h 30 à 20 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe SER)

- Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (texte n° 579, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 24 janvier, matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 23 janvier, à 15 heures

- Proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune, présentée par M. Rémi Féraud et plusieurs de ses collègues (texte n° 861, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 24 janvier, matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 23 janvier, à 15 heures

Jeudi 25 janvier 2024

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

- Proposition de loi visant à améliorer le dépistage des troubles du neuro-développement, l’accompagnement des personnes qui en sont atteintes et le répit de leurs proches aidants, présentée par Mme Jocelyne Guidez et plusieurs de ses collègues (texte n° 908, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier, matin ou après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 24 janvier, matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mercredi 24 janvier, à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé (texte n° 29, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier, à 17 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 24 janvier, matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 24 janvier, à 15 heures

À l’issue de l’espace réservé du groupe UC

- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités locales, présentée par M. Vincent Delahaye et plusieurs de ses collègues (texte n° 448, 2022-2023) (demande du groupe UC)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier, à 14 heures

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 22 janvier, à 12 heures

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale (pour les articles faisant l’objet de la procédure de législation en commission) : vendredi 19 janvier, à 17 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 24 janvier, à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 29 janvier 2024

À 16 h et le soir

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au régime juridique des actions de groupe (texte n° 420, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 25 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 29 janvier, début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 26 janvier, à 15 heures

Mardi 30 janvier 2024

À 14 h 30 et le soir

- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, présentée par M. François-Noël Buffet (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 29 janvier, à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 30 janvier, à 12 h 30

- Éventuellement, suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au régime juridique des actions de groupe (texte n° 420, 2022-2023)

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (texte n° 147, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 26 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 janvier, début d’après-midi, et mercredi 31 janvier, matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 29 janvier, à 15 heures

Mercredi 31 janvier 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 31 janvier, à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (texte n° 147, 2023-2024)

Jeudi 1er février 2024

À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- 3 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part, de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part, et de l’accord sur le transport aérien entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’État du Qatar, d’autre part (procédure accélérée ; texte n° 594, 2022-2023)

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Land du Bade-Wurtemberg relatif à la création d’une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin (procédure accélérée ; texte n° 50, 2023-2024)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice et la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice (texte n° 146, 2023-2024)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 30 janvier, à 15 heures

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (texte n° 147, 2023-2024)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 6 février 2024

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (texte n° 147, 2023-2024)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 5 février, à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 6 février, à 12 h 30

- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au contentieux du stationnement payant (texte n° 162, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 5 février, à 12 heures

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale (pour les articles faisant l’objet de la procédure de législation en commission) : vendredi 2 février, à 17 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 5 février, à 15 heures

- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales (texte n° 98, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 6 février, matin ou début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 5 février, à 15 heures

- Sous réserve de son dépôt, projet de loi relatif à la responsabilité parentale et à la réponse pénale en matière de délinquance des mineurs

Ce texte sera envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 6 février, début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 5 février, à 15 heures

Mercredi 7 février 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 7 février, à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Sous réserve de son dépôt, suite du projet de loi relatif à la responsabilité parentale et à la réponse pénale en matière de délinquance des mineurs

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique (texte n° 161, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 7 février, matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 février, à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution

Ces textes seront envoyés à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques.

Il a été décidé qu’ils feraient l’objet d’une discussion générale commune.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 janvier, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et les textes : mercredi 31 janvier, matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 6 février, matin ou début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 6 février, à 15 heures

Jeudi 8 février 2024

À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- Sous réserve de leur dépôt, suite du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 13 février 2024

À 14 h 30

- Sous réserve de leur dépôt, explications de vote des groupes puis scrutins publics solennels sur le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : lundi 12 février, à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 13 février, à 12 h 30

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :

mercredi 24 janvier 2024, à 18 heures

La Conférence des Présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création :

- d’une commission d’enquête les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France (droit de tirage du groupe Écologiste – Solidarités et Territoires) ;

- d’une commission d’enquête sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 (droit de tirage du groupe Union Centriste).

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Débat préalable à la réunion du conseil européen des 14 et 15 décembre 2023

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023, organisé à la demande de la commission des affaires européennes.

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Madame la secrétaire d’État, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé sa place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée de lEurope. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que nous nous retrouvions à moins d’un jour – douze heures exactement – de la prochaine réunion du Conseil européen ; et j’espère que le nouveau format décidé pour le présent débat nous donnera satisfaction.

Comme vous le savez, nous sommes à la veille d’un Conseil européen décisif. Les chefs d’État et de gouvernement des vingt-sept États membres de l’Union européenne vont se réunir demain et vendredi pour la dernière fois de ce semestre de présidence espagnole du Conseil et vont y aborder des sujets dont nous pouvons dire, me semble-t-il, qu’ils sont d’importance historique : le soutien à l’Ukraine et la question de l’élargissement ; la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel ; le conflit toujours en cours au Proche-Orient ; et, dans ce lourd contexte, les questions de sécurité et de défense européennes.

D’autres sujets seront à l’ordre du jour : une discussion stratégique sur les migrations et la condamnation de leur instrumentalisation ; la COP28 ; la lutte contre les discours de haine.

C’est évidemment l’Ukraine qui sera au cœur des discussions, car nous vivons un moment où doivent être prises, dans les prochains jours et les prochaines semaines, des décisions qui, je le disais, sont d’importance historique.

Ces décisions s’imposent, en effet, si nous voulons démontrer que l’Union européenne sera aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra et que nous préparons son avenir européen.

La Russie espère entrevoir les signes d’une division parmi les soutiens de l’Ukraine et capitaliser sur une prétendue fatigue de l’Union. Évidemment, il n’en est rien et il est indispensable que le Conseil envoie un signal très clair de notre détermination, que notre soutien à l’Ukraine soit inscrit dans la durée et que nous continuions de répondre aux besoins les plus urgents.

Des décisions courageuses sont nécessaires pour être à la hauteur des enjeux du moment.

L’Ukraine entre dans un nouvel hiver difficile, un nouvel hiver de guerre ; elle place des attentes élevées dans le Conseil européen. Comme le Président de la République l’a rappelé en mai dernier à Bratislava, il est nécessaire d’ancrer l’Ukraine dans l’Europe : c’est une nécessité stratégique et c’est notre intérêt.

Au cœur de cette réunion du Conseil se tiendra, vous le savez, une discussion sur l’élargissement de l’Union européenne. Comme chaque mois de décembre, le Conseil européen reviendra sur le paquet Élargissement, dont l’édition 2023 a été publiée par la Commission le 8 novembre dernier. Sur la base de ce rapport, nos chefs d’État et de gouvernement vont être invités à se prononcer sur l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, la Moldavie et la Bosnie-Herzégovine, ainsi que sur l’octroi du statut de candidat à la Géorgie. Nous avons adopté hier, lors du conseil Affaires générales, des conclusions relatives aux progrès de ces pays et le Conseil européen sera appelé demain à en tirer les conclusions quant à l’ouverture de négociations.

À cet égard, la ligne de la France a toujours été très claire : d’une part, nous devons envoyer à chacun des pays concernés un signal qui soit à la hauteur des progrès qu’il a réalisés ; d’autre part, nous devons continuer d’avancer dans la réforme de l’Union européenne, car la perspective de l’élargissement nous oblige à réfléchir à nos objectifs de long terme et aux moyens de rendre l’Union plus forte.

La commission des affaires européennes du Sénat – je le dis sous le contrôle de M. le président Rapin – a du reste organisé, le 30 novembre dernier, une table ronde ayant pour thème l’élargissement de l’Union européenne, et j’espère que nous aurons l’occasion de revenir sur cette question au cours de nos échanges.

Le soutien à l’Ukraine passe non seulement par les décisions historiques que j’ai évoquées, mais aussi par un volet financier. La proposition de création d’une nouvelle facilité pour l’Ukraine est ainsi au centre de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP), sur laquelle les discussions sont toujours en cours.

Dans ces négociations, la France défend la nécessité que l’Union européenne se dote des moyens nécessaires à la mise en œuvre de nos priorités politiques, tout en limitant autant que possible les effets de la révision pour les finances publiques des États membres.

Le Président de la République rappellera donc, lors du Conseil européen, que l’enjeu est bien de démontrer la capacité de l’Union à répondre aux défis auxquels nous faisons face collectivement, à savoir le soutien à l’Ukraine, le renforcement de la souveraineté économique et la gestion efficace et équilibrée des migrations.

Pour ce qui est de ce cadre pluriannuel, de nouveaux chiffres ont été mis sur la table en début de semaine par le président du Conseil européen, Charles Michel. Nous ferons tout notre possible pour que, sur cette réforme, un consensus se dégage du Conseil, demain et vendredi, dans le respect des principes que je viens de rappeler.

Je rappelle par ailleurs, puisque nous parlons des questions budgétaires, que Mmes les sénatrices Blatrix Contat et Lavarde ont présenté, le 7 décembre, une communication sur la révision du pacte de stabilité et de croissance. Comme vous le savez, en la matière, les discussions sont toujours en cours, mais nous pourrons bien sûr y revenir durant nos échanges de ce soir.

Je dis quelques mots également de la négociation de l’agenda stratégique. Il s’agit d’ordinaire d’un exercice assez consensuel ; pour la prochaine période de cinq ans, néanmoins, il revêt une importance toute particulière. Il va permettre en effet de préciser dès 2024 la façon dont nous voulons construire une Europe plus forte et qui a vocation à s’élargir.

Depuis 2019, énormément de décisions qui sont à la fois inédites et de grande ampleur ont été prises avec rapidité et efficacité : plan de relance européen ; mutualisation de l’achat de vaccins ; financement par l’Union de l’achat d’armes pour soutenir l’Ukraine.

L’Europe a également opéré un profond changement de doctrine en assumant la nécessité de devenir plus souveraine, qu’il s’agisse d’énergie, d’industrie, d’économie numérique, de santé ou encore de défense. Nous devrons évidemment travailler, au cours des cinq prochaines années, à poursuivre et à amplifier ces efforts.

J’ai bien entendu pris connaissance de la proposition de résolution européenne présentée par Didier Marie et Jean-François Rapin sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2024, adoptée par votre commission des affaires européennes le 7 décembre dernier. Je ne peux que partager pleinement, dans le contexte que je viens de décrire, votre diagnostic quant à l’importance d’un approvisionnement sûr et durable de l’Union européenne en matières premières critiques.

J’en viens à la discussion sur les migrations.

La pression migratoire vers l’Union se maintient à un niveau élevé sur les onze premiers mois de l’année 2023. Elle se concentre en particulier sur la route de la Méditerranée centrale, où l’on enregistre une augmentation de 63 % des flux migratoires irréguliers en comparaison avec la même période l’an dernier.

M. le président. Il va falloir conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat. Il faut tenir compte à la fois de la dimension interne des migrations, qui requiert des filtrages à la frontière et un programme de relocalisation efficaces, et de leur dimension externe, qui exige un dialogue avec les pays de la rive sud de la Méditerranée – nous pourrons y revenir.

Évidemment, une discussion aura lieu également sur le conflit au Proche-Orient. Vous connaissez la position de la France ; là encore, nous pourrons en discuter.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires étrangères.

M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que faire de l’Europe dans un monde qui devient chaotique et qui se désoccidentalise ? La Communauté politique européenne, lors de sa dernière réunion, a répondu à cette question par l’un de ses habituels trépieds conceptuels : rendre l’Europe plus prospère, plus résiliente et plus géostratégique. Voilà qui ne saurait nuire, mais, les fâcheux ne se déplaçant pas, les désaccords continuent d’être purgés ailleurs.

Le Conseil européen peut-il accomplir davantage ?

Au chapitre des relations extérieures, tout d’abord, lors du sommet Union européenne-Chine du 7 décembre, Pékin a opposé une fin de non-recevoir aux exigences européennes. Comment s’en étonner ? La politique étrangère de l’Union, en effet, c’est la politique commerciale de la Commission ; or sa présidente cosigne avec le président américain des déclarations qualifiant la Chine de rival stratégique – elle l’est, certes, mais elle n’est pas que cela. Je veux rappeler à cet égard quel était le titre du rapport d’information de notre commission sur la politique étrangère des États-Unis, publié en juillet 2022 : Amis, alliés, mais pas alignés.

Pour ce qui est ensuite des questions de sécurité et de défense, le président de notre commission, Cédric Perrin, lors du dernier débat préalable à la réunion du Conseil, a rappelé l’engouement de nos voisins pour le matériel américain. En 2030, plus de la moitié de la flotte de chasse en Europe devrait être composée d’avions américains ; cela ne devrait-il pas nous inquiéter quant à l’indépendance technologique et stratégique de notre continent ?

J’en viens à l’élargissement de l’Union et à la révision du cadre financier pluriannuel. Même si l’élargissement n’aura pas lieu demain, les deux sujets ne sont pas sans liens.

Le 8 novembre dernier, la Commission a recommandé d’ouvrir des négociations d’adhésion avec un certain nombre de pays – vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État. Vous-même estimiez fin novembre, dans la revue Le Grand Continent, que la question est moins de savoir quand élargir que de savoir comment le faire.

Comment, en effet ? Une étude dévoilée par le Financial Times la veille du dernier sommet chiffrait à 186 milliards d’euros sur sept ans le coût de l’adhésion de la seule Ukraine à l’Union européenne.

À un moment où les Européens ne semblent pas capables de fournir à l’Ukraine les moyens militaires dont elle a besoin pour se défendre, comment ne pas s’interroger sur notre capacité collective à consentir un tel effort financier ?

« En réalité », écriviez-vous d’ailleurs dans le même article, « c’est une révolution européenne que nous préparons », qui « va bouleverser la politique budgétaire de l’Union ». Il me semble que ce sujet devrait occuper une place centrale dans la campagne des élections européennes de l’année prochaine.

Un dernier mot sur l’Ukraine : la situation de l’armée ukrainienne et le soutien des États-Unis paraissent plus incertains que jamais. Sur la table du Conseil ont été mis quelques dizaines de milliards d’euros d’aide civile et militaire supplémentaires. Regardons les choses avec lucidité !

Madame la secrétaire d’État, il est bien naturel que l’Ukraine soit au cœur des préoccupations du Conseil européen, mais la réunion du Conseil sera-t-elle un moment de vérité ? Qui dira clairement que, si nous restons sur des demi-mesures, l’Ukraine sera vraisemblablement battue ? L’Union européenne avait promis de livrer 1 million d’obus : elle en sera très loin. Que veulent les Européens ? Sont-ils prêts à une victoire de la Russie – cela m’étonnerait et j’espère que tel n’est pas le cas ! – et à une consécration du primat de la force sur le droit ? Et comment défendrions-nous, demain, notre flanc Est ?

Madame la secrétaire d’État, pour conclure, comment voyez-vous la situation à l’heure où nous parlons ? Que compte faire la France pour aider l’Ukraine ? L’Europe se ressaisira-t-elle avant qu’il ne soit trop tard ? Nous attendons de vous et du Gouvernement, sur ce sujet si grave, une réponse claire et nette. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce soir, j’aborderai pour ma part deux points, au nom de la commission des finances : la révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027 et la réforme des règles budgétaires européennes.

La révision du cadre financier pluriannuel semble indispensable tant le budget européen est devenu ces dernières années un instrument de gestion de crise. Le budget pluriannuel doit s’orienter vers les nouvelles priorités stratégiques de l’Union européenne : la productivité, l’Ukraine et les grandes transitions.

Je tiens cependant à souligner plusieurs points de vigilance sur les propositions formulées par la Commission européenne, puis par la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne.

Tout d’abord, au cours des négociations, certaines propositions défendues par la Commission européenne se sont trouvées affaiblies. Je pense, notamment, à la plateforme de technologies stratégiques pour l’Europe (Step), plateforme de soutien aux technologies de rupture, dont l’enveloppe envisagée s’est amoindrie.

Ensuite, il ne faudrait pas que les redéploiements de crédits proposés dans le projet de la Commission européenne pour financer les nouvelles priorités de l’Union conduisent à affaiblir les politiques traditionnelles, notamment la politique agricole commune (PAC), dont la France est bénéficiaire nette.

Enfin, je reste prudent quant aux nouvelles ressources propres de l’Union européenne promises pour financer en particulier le remboursement du plan de relance européen Next Generation EU et le Fonds social pour le climat.

La Cour des comptes européenne a rappelé, dans son avis sur les propositions de la Commission européenne, que les recettes projetées seront insuffisantes. Le delta manquant pèsera notamment sur la contribution de la France au budget de l’Union européenne.

J’en viens maintenant à mon second point : la réforme des règles budgétaires européennes. Alors que la suspension du pacte de stabilité et de croissance prendra fin en janvier 2024, je comprends des dernières annonces du ministre de l’économie et des finances que nous serions proches d’un accord.

Je m’en réjouis, car une réforme est nécessaire. Les limites des règles actuelles sont bien connues : elles étaient trop complexes, procycliques et peu appliquées.

Les difficultés rencontrées avec nos partenaires dans les négociations se concentrent encore aujourd’hui sur deux sujets : d’une part, l’exclusion des investissements verts et de défense dans le calcul de la norme de dépenses semble toujours incertaine ; d’autre part, la question d’une clause de sauvegarde semble diviser le couple franco-allemand.

La Commission européenne a intégré dans ses propositions, à la demande de l’Allemagne, une réduction minimale du déficit à hauteur de 0,5 % du PIB par an pour tout pays dont le déficit annuel dépasse la limite de 3 % fixée par les traités. La France défend, au nom de l’adaptation des règles budgétaires aux situations nationales, un assouplissement de cette clause dite du « bras correctif ».

Ne craignez-vous pas, madame la secrétaire d’État, que toute demande de flexibilité soit interprétée comme une façon de se soustraire à un effort nécessaire d’assainissement des finances publiques, et non comme la défense d’une position objectivement légitime et justifiée par des considérations macroéconomiques et de compétitivité ?

La délégation de la commission des finances a pu le constater lors de son déplacement à Madrid fin octobre pour la conférence dite « article 13 », le point de vue de nos partenaires allemands est très clair : il repose sur le refus d’un nouvel endettement européen et la défense de critères quantitatifs.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre débat porte sur la prochaine réunion du Conseil européen qui se tient demain, ce qui nous permet d’échanger utilement avec le Gouvernement. Je me réjouis que nous expérimentions un nouveau format pour ce débat, que j’espère ainsi plus interactif et vivant.

Nous sommes à la veille d’une réunion qui s’annonce stratégique à plus d’un titre pour l’Union européenne. Sans doute les chefs d’État et de gouvernement s’accorderont-ils aisément pour saluer ensemble l’accord intervenu à la COP28 de Dubaï ? Que la planète convienne d’abandonner les énergies fossiles et endosse les objectifs que l’Union s’est fixés pour 2030 en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique est une bonne nouvelle pour le climat. Qu’elle range le nucléaire parmi les énergies propres est une bonne nouvelle pour la France !

L’unité entre les vingt-sept sera moins évidente sur les sujets à l’ordre du jour du Conseil européen : le temps compté me contraint à en retenir deux.

Le premier sujet sur lequel l’unité européenne ne saurait faillir est la continuité du soutien à l’Ukraine, au moment où la contre-offensive ne produit pas les fruits espérés et où les Européens n’arrivent pas à fournir autant d’obus que ce qui avait été initialement annoncé, comme l’a rappelé à juste titre Pascal Allizard. Durant ce « faux plat » éprouvant, ce n’est pas le moment de faiblir. Réitérer notre soutien serait contribuer au « cadeau de Noël » que le Président Zelensky, inquiet de la situation, est allé demander hier au président Biden et au Congrès américain, qui hésite et semble éprouver des doutes.

Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous confirmer que l’Union européenne restera ferme dans son soutien à l’Ukraine, qu’un compromis sera trouvé sur le douzième paquet de sanctions contre la Russie et qu’il pourra être recouru aux actifs immobilisés pour alimenter l’aide européenne à l’Ukraine ?

Il est en effet essentiel de mobiliser tous les moyens possibles de financement au bénéfice du soutien à l’Ukraine. La rallonge de 50 milliards prévue en ce sens dans la révision proposée du cadre financier pluriannuel se justifie, mais il faut absolument minimiser le ressaut sur les contributions nationales, et donc explorer toutes les possibilités de redéploiements budgétaires, sans porter atteinte aux priorités stratégiques et aux politiques d’avenir de l’Union. Peut-on espérer, madame la secrétaire d’État, que le Conseil européen parvienne à s’entendre sur une révision du cadre financier pluriannuel dans le respect de ces contraintes que nous jugeons essentielles ?

Le deuxième grand défi pour l’unité européenne lors du Conseil européen de demain est l’élargissement. Les chefs d’État et de gouvernement devront décider s’ils suivent la proposition que fait la Commission européenne d’ouvrir les négociations d’adhésion avec l’Ukraine, la Moldavie, voire la Bosnie-Herzégovine, et de reconnaître officiellement le statut de candidat à la Géorgie.

Cette décision est très attendue par l’Ukraine, très inquiète du veto que la Hongrie menace d’opposer. Dans le contexte géopolitique actuel, nous ne pouvons que souscrire à l’ouverture de négociations, à condition toutefois de rappeler ce qui fut convenu à Grenade il y a deux mois : élargir l’Union européenne implique de la réformer. À défaut, nous risquerions de l’affaiblir.

La France exigera-t-elle demain de ses partenaires un engagement clair pour lancer une revue des politiques européennes dans la perspective d’un possible élargissement et pour envisager, si besoin, les évolutions institutionnelles afin d’éviter la paralysie d’une Union à trente-cinq ?

Pourrez-vous aussi nous dire si les pays des Balkans occidentaux réunis en sommet avec les vingt-sept aujourd’hui trouvent dans le plan de croissance de 6 milliards d’euros que leur promet l’Union européenne une motivation suffisante pour soutenir leur élan sur la route des réformes en vue de l’adhésion ? La géopolitique a ses exigences, mais n’y sacrifions pas nos valeurs !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée de lEurope. En ce qui concerne le cadre financier pluriannuel, comme vous le savez, nos trois priorités sont l’Ukraine, les migrations et le Fonds européen de souveraineté, devenu la plateforme Step, dont nous voulons absolument ancrer le principe pour les années à venir.

Vous avez souligné que nous manquions de ressources, notamment lorsque vous avez évoqué le plan Next Generation EU. Il est bien évidemment dans nos intentions de travailler, pour le prochain agenda stratégique et en vue de la nouvelle Commission, au développement des ressources propres. Nous n’avons pas assez travaillé sur ce sujet sous cette mandature. C’est un point sur lequel il conviendra de progresser.

Oui, la révision du CFP s’inscrira dans le cadre des contraintes de nos propres finances publiques, ce qui m’amène à la question du pacte de stabilité et de croissance pour lequel nous avons trois principes : la trajectoire des finances publiques doit être soutenable ; elle doit permettre la croissance ; le pacte doit bien prendre en compte les investissements verts et de défense dans le rythme d’ajustement de nos finances publiques, avec des règles adaptées à la situation spécifique de chaque pays – c’est un point très important pour l’appropriation de la trajectoire des finances publiques.

En ce qui concerne l’élargissement, la France soutient les recommandations de la Commission européenne, qui sont d’ouvrir les négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie et d’accorder le statut de candidat à la Géorgie. La France insistera sur les progrès que doit faire la Bosnie-Herzégovine, ainsi que le recommande également la Commission. Comme vous avez pu le lire, notamment dans la presse, à la fois le Président de la République et moi-même, encore hier au conseil Affaires générales, travaillons pour faire évoluer la position de la Hongrie.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Didier Marie applaudit également.)

Mme Mathilde Ollivier. M. le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’ordre du jour particulièrement chargé du Conseil européen de cette semaine, il y a deux grands sujets étroitement liés : l’Ukraine et le cadre financier pluriannuel. Je souhaite vous faire part, madame la secrétaire d’État, de quelques interrogations sur ces thématiques.

J’aborderai d’abord l’Ukraine. Depuis l’agression russe, les Européens ont su rester unis et solidaires. Ils sont restés unis à la fois pour asphyxier l’effort de guerre russe et pour réaffirmer leur plein soutien politique, militaire, économique et humanitaire à l’Ukraine. Mais le sont-ils encore ? Depuis trois mois, force est de constater que ce n’est plus tout à fait le cas.

La Slovaquie a annoncé mettre fin à son soutien à l’Ukraine ; le parti socialiste bulgare envisage une coalition nationaliste hostile à toute aide financière ou militaire ; en Hongrie, Viktor Orbán campe sur ses positions prorusses et s’oppose, notamment, à l’enveloppe de 50 milliards d’euros demandée pour Kiev.

Jeudi dernier, le Président de la République a reçu le Premier ministre hongrois à l’Élysée pour un dîner de travail durant lequel devait être abordée la question des aides supplémentaires de l’Union européenne à l’Ukraine. Cela faisait suite à la demande de la Hongrie de retirer de l’agenda du prochain Conseil européen le soutien budgétaire à Kiev et l’ouverture des procédures d’adhésion à l’Union européenne.

L’ordre du jour est visiblement resté le même. Apparemment, la menace de veto hongrois demeure malgré l’annonce, dès le lendemain de cette rencontre, du déblocage de 920 millions d’euros sur les 10,4 milliards prévus par le plan de relance européen pour la Hongrie.

La nuit dernière encore, Victor Orbán a continué son chantage en mettant encore et toujours son veto dans la balance pour débloquer complètement les aides à son pays.

Quels sont les résultats obtenus par l’Élysée sur le soutien à l’Ukraine et quelles éventuelles concessions ont été faites à la Hongrie ? Un plan B est-il prévu en cas de refus par les chefs d’État du versement de fonds supplémentaires à l’Ukraine ?

J’aimerais également évoquer le cadre financier pluriannuel, fondamental en cette fin d’année.

Le Conseil européen doit parvenir à un accord global sur la proposition de révision à mi-parcours du CFP cette semaine. Surtout, sans une révision, l’Union européenne « pourrait ne pas être en mesure de faire face à une nouvelle crise majeure dans les années à venir » – c’est en tout cas l’avis du commissaire européen au budget, Johannes Hahn.

Dans le même temps, de nombreux chefs d’États et de gouvernement ont annoncé qu’ils ne souhaitaient plus « envoyer davantage d’argent à l’Union européenne ». C’est dire toute la tension qui régnera lors du prochain sommet.

Une façon de sortir de ce dilemme pourrait être d’avancer sur la question des nouvelles recettes pour le budget de l’Union européenne, comme vous l’avez l’évoqué dans votre intervention, madame la secrétaire d’État. Où en sont les négociations sur ce sujet ? Ce point sera-t-il corrélé au réexamen du CFP, ou du moins abordé à cette occasion ? Quelles propositions la France défend-elle et quelle en serait l’incidence sur nos futures contributions ?

On l’a dit, la Hongrie envisage de mettre son veto. Elle est pourtant l’un des deux principaux bénéficiaires nets du budget de l’Union européenne. Elle assurera également la présidence du Conseil européen en 2024 après la Belgique, à la suite des élections européennes. Vous aviez récemment répondu ici même que rien ne l’empêche, à ce stade, d’assurer la présidence tournante. En cas de blocage et à la suite des récents échanges à l’Élysée, dans quel sens évoluera votre position ?

J’aborderai, pour finir, la nomination de Wopke Hoekstra comme commissaire européen.

L’été dernier, la décision de la Commission européenne de nommer Fiona Scott Morton à la direction générale de la concurrence a été unanimement critiquée. La question du conflit d’intérêts était légitimement soulevée en raison de sa carrière antérieure en tant que consultante auprès des Gafam, les grandes entreprises du numérique. Fiona Scott Morton a finalement renoncé à ce poste.

En octobre dernier, Wopke Hoekstra a été nommé commissaire européen à l’action pour le climat. Après la COP28 à Dubaï chez les pétroliers, personne ne semble gêné que l’ex-ministre néerlandais, qui a longtemps œuvré pour l’industrie des combustibles fossiles, soit désormais chargé de l’action climatique !

Voici un aperçu de son curriculum vitæ : employé de Shell, puis de McKinsey, pendant près de seize ans. McKinsey est un cabinet qui ne conseille pas seulement le gouvernement français, il est aussi chargé de la défense et de la communication des plus grands groupes pétroliers…

Lors de son audition devant le Parlement européen, Wopke Hoekstra avait annoncé transmettre dans un court délai la liste des clients pour lesquels il a travaillé au sein de McKinsey. Il est revenu sur cette décision la semaine dernière.

Il a par ailleurs été vivement critiqué pour avoir renoncé à son engagement de promouvoir l’élimination progressive des combustibles fossiles lors de la COP28, avec une référence très problématique aux combustibles fossiles « sans dispositif d’atténuation ».

Cette actualité et sa nomination n’ont pas encore fait l’objet de déclarations officielles de la part de la France. Nous vous donnons ici, madame la secrétaire d’État, l’occasion d’afficher la plus grande cohérence, lorsque de potentiels conflits d’intérêts apparaissent dans le cadre de nominations au sein des institutions communautaires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a invoqué l’article 99 de la Charte des Nations unies pour qualifier la situation à Gaza : « le monde est témoin d’une catastrophe qui se déroule sous nos yeux », nous dit-il. Cet article, invoqué uniquement en cas de danger pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale, n’avait plus été mobilisé depuis cinquante ans.

Autre fait rare, l’unanimité des agences des Nations unies dénonçant tour à tour le « carnage », les « cent soixante enfants tués chaque jour », cent victimes parmi les employés des Nations unies et une cinquantaine parmi les journalistes, et le « risque immédiat de famine ». Les effets de la guerre menée par le régime israélien sont documentés.

Malgré cela, les dirigeants américains ont opposé leur veto au Conseil de sécurité sur une proposition de résolution qui portait l’exigence d’un cessez-le-feu. Les États-Unis ont pris cette position contre leur peuple. Partout, des femmes et des hommes par centaines de milliers foulent le pavé pour crier leur sidération, leur révolte, face à l’écrasement des Palestiniens.

La France s’honorerait à dénoncer ce choix. Les organisations non gouvernementales (ONG), dont Médecins sans frontières, estiment que « le veto des États-Unis les rend complices du carnage à Gaza ».

Madame la secrétaire d’État, la France compte-t-elle faire part de regrets ou condamner le veto des États-Unis ? Une réponse européenne est-elle prévue pour surmonter cette décision irresponsable, qui témoigne de la puissance belliqueuse des États-Unis ? Nous le savons, ils font partie de ceux qui se rémunèrent sur les dividendes de la guerre !

Hier, malgré un nouveau blocage d’Israël et des États-Unis, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution pour la protection des civils et le respect des obligations humanitaires.

Ces blocages ne peuvent nous faire perdre de vue l’objectif à terme : la solution à deux États, qui doit être accompagnée d’initiatives concrètes de notre pays. Le moment est venu d’agir, concrètement et avec force. Reconnaissons unilatéralement l’État palestinien sur la base des frontières de 1967.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont voté en faveur de cette reconnaissance. Le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez tente de convaincre l’Union européenne d’en faire de même. Par ailleurs, 138 pays sur les 193 que compte l’ONU en ont déjà fait autant. Notre pays, avec les États-Unis et le Royaume-Uni, fait partie des trois puissances bloquant ce processus.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, plus d’une vingtaine de rapporteurs des Nations unies ont réitéré, il y a trois semaines, leur inquiétude sur « un génocide en cours » et une « seconde Nakba ».

Une de nos frégates a été visée par des drones au nord du Yémen. L’escalade à la frontière entre le Liban et Israël se poursuit. Ce conflit porte en lui les ferments d’une guerre régionale.

Agir pour la justice, agir pour la paix est un devoir urgent. Il ne s’agit plus d’appeler pieusement à un cessez-le-feu – que de temps perdu, que de morts ! –, il doit être exigé.

La baisse drastique des importations israéliennes, la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël sont des moyens de pression concrets. Leur non-activation nous rendra, de fait, complices de la poursuite de la faillite morale des belliqueux.

L’administration européenne, Josep Borrell en tête, qualifie d’« apocalyptique » la situation des civils à Gaza et estime que la destruction des immeubles est comparable aux destructions des villes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale. Dès lors, quelles aides européennes, humanitaires et d’urgence, d’une part, et quelles aides à la reconstruction, d’autre part, seront mobilisées ?

Nous avons su sanctionner la Russie, lorsque celle-ci a envahi l’Ukraine, et aider cette dernière : il est temps que l’Union européenne prouve qu’elle ne souffre pas d’une indignation sélective en fonction de la religion, de la proximité géographique ou de tout autre prétexte servant de couverture pour faire taire notre humanité commune. Les populations victimes de crimes de guerre, d’où qu’elles viennent, quelles qu’elles soient, méritent notre soutien plein et entier.

Je termine en vous alertant sur les effets qu’engendre ce sentiment de « deux poids, deux mesures » dans notre pays, qui compte les plus importantes communautés musulmane et juive d’Europe, et sur les grands dangers d’un immobilisme qui risquerait d’approfondir les fractures que nous connaissons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, inévitablement, une partie du prochain Conseil européen sera absorbée par les grands conflits du moment.

Je me réjouis de voir que l’Union européenne multiplie les initiatives face à un conflit qui meurtrit à la fois les Israéliens et les Palestiniens, deux peuples pris en otage par le Hamas depuis le tragique 7 octobre dernier.

Le RDSE partage cette voie diplomatique d’équilibre, promue depuis quelques semaines par plusieurs États membres, dont la France, qui consiste à agir sur plusieurs fronts : au Conseil de sécurité, le soutien à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, car la situation humanitaire n’y est plus tenable ; la création, à la demande de Paris et de Berlin, d’un régime de sanctions contre le Hamas et ses partisans – c’est bien le minimum que l’on puisse faire à l’encontre d’une organisation terroriste – ; enfin, une action vigoureuse contre l’escalade des incidents dans les colonies de Cisjordanie, avec des colons extrémistes qui jettent clairement de l’huile sur le feu.

Si la communauté internationale ne favorise pas tout cela rapidement, la solution à deux États s’éloignera chaque jour un peu plus. En tout état de cause, madame la secrétaire d’État, vous avez le soutien du groupe du RDSE pour appuyer toutes ces initiatives diplomatiques.

Pendant ce temps, la question ukrainienne demeure entière. Il est important que l’Union européenne continue, là aussi, à se mobiliser. Les intentions de Moscou n’ont pas faibli. La une de The Economist, qui titre « Est-ce que Poutine peut gagner ? », nous montre clairement que nous devons intensifier nos efforts pour ne laisser la place ni au doute ni à la lassitude.

Avant tout, nous devons rester unis, comme vient de le rappeler le chancelier allemand, position également relayée par la ministre finlandaise des affaires étrangères. Je ne doute pas que la France plaide aussi en faveur de l’unité.

Aussi, il faut absolument débloquer les 50 milliards d’euros d’aides en dons et prêts, ainsi que l’aide militaire de 5 milliards d’euros dont Kiev a besoin.

Au-delà des liens d’amitié qui nous lient à l’Ukraine, l’agression russe met en jeu la sécurité aux frontières de l’Europe. Il n’est pas inutile de le rappeler, en particulier à Viktor Orbán qui devrait pouvoir entendre cela…

J’en viens à la question de l’élargissement de l’Union à l’Ukraine, à la Moldavie ou à la Bosnie-Herzégovine, qui sera également à l’ordre du jour du Conseil européen.

On le sait, il s’agit du principal point de désaccord avec la Hongrie. La politique du donnant-donnant ne semble pas fonctionner. Avons-nous autre chose à mettre sur la table que le blocage de 10 milliards d’euros de fonds européens gelés pour faire plier Budapest ?

Pour autant, sur le fond de la question de l’élargissement, je rappelle que le RDSE est favorable à l’adhésion de l’Ukraine sous réserve qu’elle intervienne dans un contexte de paix. J’ajouterai que les pays candidats doivent continuer à renforcer leur base démocratique, c’est une condition de l’approfondissement du projet européen.

Pour ce qui concerne l’actualité des seuls États membres, le Conseil européen entend aussi aborder le projet de défense commune, sans doute devenu un peu plus pressant dans un contexte géopolitique de plus en plus difficile.

En mars 2022, le Conseil européen avait officiellement mis en place sa « boussole stratégique » pour renforcer la politique de sécurité et de défense de l’Union européenne d’ici à 2030.

Quelles sont les avancées concrètes en matière de consolidation de l’industrie européenne de défense ?

Où en sommes-nous de la proposition de porter lEuropean Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act (Edirpa), l’instrument visant à renforcer l’industrie européenne de la défense au moyen d’acquisitions conjointes, à 1,5 milliard d’euros ?

Naturellement, ces projets et tous les autres supposent un rehaussement des moyens budgétaires de l’Union européenne. Nous avons eu l’occasion d’en débattre lors de l’examen de l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024. La révision du cadre financier s’impose.

Je rappelle simplement que mon groupe souhaite que soit conservé un équilibre entre les nouvelles politiques axées sur les défis climatiques, technologiques, de sécurité et de défense et les politiques traditionnelles, telles que la PAC ou la politique commune de la pêche (PCP), essentielles à la souveraineté alimentaire et à l’attractivité de certains territoires.

Le RDSE se réjouit que la Commission européenne progresse sur la question des nouvelles ressources. Celles-ci s’inscrivent dans la continuité de ce que nous proposons depuis plusieurs années : le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, le levier sur le surplus des résultats d’exploitation des entreprises ou encore l’impôt minimum commun sur les multinationales.

Au-delà de cette dernière considération, mes chers collègues, le Conseil européen des 14 et 15 décembre prochains doit se montrer décisif et ne pas laisser la porte ouverte au chantage de dirigeants populistes, qui s’éloignent des valeurs fondatrices de la communauté européenne.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée de lEurope. En ce qui concerne l’Ukraine, nous n’avons effectivement pas d’autre choix que d’œuvrer à convaincre la Hongrie. Hier, au conseil Affaires générales, vingt-six pays sur vingt-sept soutenaient l’ouverture de négociations d’adhésion avec ce pays. Nous allons continuer de travailler pour faire avancer les choses.

Le Président de la République, le chancelier allemand et les dirigeants polonais ont publié aujourd’hui des déclarations, avec pour objectif d’envoyer un signal très fort sur l’ouverture des négociations. À cette heure, il n’y a pas de plan B.

En parallèle, et pour répondre à une question qui m’a été posée précédemment, il conviendra évidemment de réformer l’Union européenne.

Les deux objectifs figurent dans les conclusions du Conseil européen de Grenade. La présidence belge, qui commence le 1er janvier 2024, aura comme tâche d’ancrer le processus pour engager cette réforme.

Quelles sont nos priorités ? Il faut réformer le budget, la gouvernance et les institutions. À cet égard, les chiffres que cite le Financial Times sont complètement déconnectés de la réalité.

Notre position à Gaza est très claire. Elle s’articule autour de trois principes : le rejet du terrorisme ; la libération des otages, dont encore quatre Français ; la protection des civils, qui est – comme vous l’avez fort justement souligné, madame la sénatrice – une obligation morale autant que juridique. Nous appelons donc à un cessez-le-feu devant conduire à une trêve humanitaire. Le Président de la République demain s’y emploiera pour obtenir une position coordonnée au niveau européen. J’ajoute que la France appelle à sanctionner les colons israéliens.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour la réplique.

Mme Mathilde Ollivier. Je ne crois pas avoir entendu de réponse à ma question sur le commissaire européen Wopke Hoekstra. Au regard des remarques qu’il a formulées ces derniers jours, lors de la COP28, comment la France se positionne-t-elle sur cette nomination ?

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour la réplique.

Mme Silvana Silvani. Madame la secrétaire d’État, vous évoquez des sanctions à destination des colons israéliens. Pourquoi pas ?

Ce n’était pas le sens de mon intervention. Nous appelons à des sanctions contre l’État israélien.

Vous ne répondez pas à la question des moyens que nous pouvons mobiliser – j’en imagine les raisons.

Aux articles 46 à 48 du projet de loi de finances pour 2024, que le Sénat a examiné la semaine dernière, après un vote sans débat à l’Assemblée nationale, la France se porte garante de trois aides à l’Ukraine, y compris via des mécanismes européens. Ces garanties pourraient atteindre 500 millions d’euros en 2024.

Nous demandons que des mesures analogues soient prises, avant la fin de l’examen du budget, pour le peuple palestinien.

Il faut s’accorder sur ce point dès le prochain Conseil européen.

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « c’est un grand jour pour tous ceux qui, pendant de nombreuses années, ont cru que les choses iraient mieux » : tels sont les propos tenus par Donald Tusk, chef de file de la coalition démocrate des forces pro-européennes, à la suite de son élection, avant-hier, au poste de Premier ministre, après huit ans de gouvernement populiste-nationaliste en Pologne.

La présidente de la Commission européenne, dans un message posté à son attention, l’a souligné : son expérience, son engagement à l’égard de nos valeurs européennes seront précieux pour rendre l’Europe plus forte.

Alors que notre drapeau européen, devant lequel je me tiens, a fêté ses 68 ans voilà deux jours, je veux, en introduction de ce débat, saluer cette victoire politique.

De même doit être salué le règlement pour l’industrie « zéro net », validé voilà une semaine par les ministres des vingt-sept États membres, affichant ainsi la volonté commune de voir s’accélérer l’implantation, en Europe, d’usines de technologies vertes pour faire face aux défis du siècle. Pour ce faire, une liste de technologies considérées comme stratégiques pour la transition énergétique a été arrêtée – production de pompes à chaleur, de batteries, d’éoliennes, de panneaux photovoltaïques ou encore de solutions de captage de CO2.

Sur ce point, le Président de la République a annoncé, avant-hier, dans le cadre de France 2030, que notre pays soutiendrait l’investissement des industriels dans ce secteur d’avenir, ainsi que dans le stockage et la transformation du CO2.

Le groupe RDPI, qui a déposé des amendements en ce domaine, s’en félicite.

Sous l’impulsion de notre gouvernement, l’ensemble des technologies nucléaires, absentes du texte initial de la Commission européenne, figurent désormais sur la liste.

Il nous faudra encore avancer, à partir de demain.

Alors que le Conseil européen débute ce jeudi à Bruxelles, les chefs d’État et de gouvernement aborderont l’évolution de nos règles financières communes, notamment la révision du cadre financier pluriannuel, liée à notre soutien à l’Ukraine.

Le budget à long terme, qui assure le financement de nos mesures communes, sera au cœur des discussions, de même que la définition nouvelle de nos règles de gouvernance économique.

Il nous faut, en effet, trouver un compromis sur le devenir du pacte de stabilité et de croissance, suspendu depuis 2020 afin que les États membres puissent faire face aux différentes crises successives – sanitaire, géopolitique, énergétique.

Alors que ce pacte doit être réactivé, revenir à une approche univoque n’aurait pas de sens.

Ce cadre budgétaire, créé à la fin des années 1990, limite, en théorie, pour chaque pays, le déficit des administrations publiques et la dette, afin de préserver des finances saines.

Ces règles n’ayant pas été respectées et ayant, à certains moments, freiné l’investissement, tout le monde s’accorde sur la nécessité de leur évolution.

Reste à trouver, là encore, en responsabilité, le point d’équilibre entre la réduction progressive des dettes – il ne s’agit évidemment pas d’encourager les dérapages – et la possibilité de porter des investissements stratégiques ambitieux.

Les chefs d’État se concentreront également, comme lors de leur dernier rassemblement, sur les deux crises géopolitiques majeures auxquelles nous faisons face, toujours en Européens : la situation dramatique au Moyen-Orient et la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.

Une convergence européenne s’est manifestée en octobre dernier, avec la condamnation des attaques terroristes du Hamas contre Israël, l’exigence de la libération des otages et la demande du respect par tous du droit international humanitaire, ainsi qu’avec le maintien d’une aide et du lien avec l’autorité palestinienne.

La France et douze autres membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont voté, le 8 décembre, en faveur d’une résolution demandant un cessez-le-feu immédiat à Gaza, mais le veto américain a bloqué son adoption. Une majorité écrasante appelant à aller dans le même sens s’est fait entendre hier, à l’Assemblée générale de l’ONU. Le Conseil européen devra avancer sur ce sujet crucial.

En octobre dernier, le Conseil avait aussi renouvelé son appel à renforcer l’aide à l’Ukraine et à sa population, dans toutes ses dimensions – économique, politique, militaire, humanitaire, mais aussi alimentaire.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l’a rappelé ce dimanche : « Une victoire russe en Ukraine serait lourde de menaces pour ses voisins européens. »

Mon groupe soutient évidemment la position de l’Union européenne en faveur de l’indépendance de l’Ukraine, de sa souveraineté, de son intégrité territoriale et de son droit naturel à la légitime défense contre l’agression menée par la Russie.

Il est absolument essentiel de ne pas détourner l’attention de ce conflit. Nous devons rester mobilisés financièrement, diplomatiquement et militairement.

Il nous faut contribuer à de futurs engagements en matière de sécurité. Cela fera l’objet d’un point d’étape à partir de demain.

Nous devons aussi intensifier notre aide en matière de protection civile, plus que jamais à l’approche de l’hiver.

C’est pourquoi ce soutien collectif sera au cœur des discussions, avec notamment l’ouverture de négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Alors que l’avis favorable donné par la Commission européenne doit être approuvé par les Vingt-Sept, le Premier ministre hongrois promet un veto, sous forme de chantage. Ce n’est pas acceptable.

Il faut par ailleurs, à vingt-sept – et, demain, à plus –, interroger la règle de l’unanimité, qui existe toujours au Conseil sur certains sujets, car elle accorde, de fait, un pouvoir de blocage. Un cadre institutionnel adapté s’avère nécessaire. Des réflexions sont en cours.

Le président du Conseil rappelait, en septembre dernier, que l’élargissement est « un investissement géostratégique en matière de paix, de sécurité, de stabilité et de prospérité ».

Alors que plusieurs textes de loi ont pu être adoptés la semaine dernière par le Parlement ukrainien, afin de répondre dès maintenant aux recommandations qui lui ont été faites par la Commission, pourriez-vous nous en dire plus, madame la secrétaire d’État ?

Pour conclure, j’ai une pensée pour Jina Mahsa Amini et le mouvement « Femme, Vie, Liberté », en Iran, auxquels la présidente du Parlement européen a décerné, hier, à titre posthume, le prix Sakharov. Plus largement, j’ai une pensée pour toutes les femmes iraniennes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce Conseil européen est le dernier d’une année difficile.

L’agression russe en Ukraine dure et, malheureusement, la guerre s’enlise.

Les terroristes du Hamas ont frappé Israël, qui poursuit sa riposte, avec un coût humain insupportable.

La COP28 se termine sur un accord insatisfaisant, après de nombreux événements climatiques alarmants, et la croissance économique européenne est en panne, ralentie par le surenchérissement du coût de l’énergie et l’inflation.

C’est dire si les enjeux de ce Conseil sont considérables. Les décisions qui seront prises - ou non - engageront l’avenir de l’Union européenne et de ses États membres.

Face à ces défis, le maître mot est l’unité. L’Union doit être mobilisée, engagée, et parler d’une seule voix.

Je souhaite tout d’abord aborder la situation de l’Ukraine, le soutien immédiat que nous lui devons et les perspectives d’avenir à lui offrir.

Depuis plusieurs semaines, la contre-offensive piétine, les troupes ukrainiennes manquent d’armes et de munitions, et les réponses apportées ne sont pas à la hauteur. Le commissaire Breton s’engageait à fournir aux Ukrainiens 1 million de munitions : ils n’en ont reçu qu’un tiers.

Madame la secrétaire d’État, cela interroge notre capacité à produire nos propres moyens de défense et, plus largement, l’ambition d’une politique industrielle de défense, voire d’une hypothétique défense commune, alors que nos partenaires allemands, empêtrés dans leurs difficultés budgétaires à la suite de l’arrêt de la cour de Karlsruhe, semblent s’éloigner chaque jour un peu plus de ces objectifs.

Si l’on y ajoute la position du Congrès américain et la possible élection de M. Trump en novembre 2024, il est urgent de se ressaisir.

À cet égard, la menace que fait planer M. Orbán sur l’aide à l’Ukraine est inquiétante, car son exécution attenterait à ses capacités de résistance. Elle casse la nécessaire cohésion européenne.

Espérons, madame la secrétaire d’État, que le Président Macron a été convaincant lors de son entretien avec M. Orbán !

Pouvez-vous nous dire quelle initiative la France prendra, en cas de blocage, pour améliorer le soutien à l’Ukraine, alors que la Russie contourne les sanctions, s’arme massivement, mobilise autoritairement des ressources humaines quasi inépuisables ?

L’Europe doit être au rendez-vous de l’Histoire, car une défaite de l’Ukraine serait une défaite pour la démocratie, pour l’État de droit et pour l’Europe.

C’est dans ce contexte que la question de l’élargissement se pose comme une obligation géopolitique – c’est le deuxième point que je souhaite évoquer.

Il faut offrir une perspective claire d’adhésion à l’Ukraine, dont le Parlement procède à de nombreuses avancées législatives en faveur de l’indépendance de la justice et de l’État de droit.

Simultanément, nous devons nous questionner sur les enjeux de cette adhésion, notamment sur l’avenir de la politique agricole commune et sur les défis de la reconstruction.

Le Conseil européen doit, demain, adresser un message précis aux autres pays : à la Moldavie, qui fait figure de « bon élève », et dont la perspective d’adhésion sera un message adressé à son peuple, mais aussi à la Russie ; à la Géorgie, qui doit lever toute ambiguïté sur ses choix diplomatiques ; aux Balkans occidentaux – Albanie et Macédoine du Nord –, pour lesquels les négociations doivent avancer ; au Monténégro, qui doit sortir de son instabilité politique et progresser ; à la Bosnie-Herzégovine, malgré sa complexité institutionnelle issue des accords de Dayton, les interférences serbes et la tentation séparatiste de la République serbe de Bosnie ; enfin, à la Serbie, qui doit choisir entre un alignement sur la Russie ou sur l’Europe et reprendre la voie du dialogue avec le Kosovo.

L’élargissement doit assurer conjointement la prospérité des États membres et des pays candidats, mais aussi la défense de notre modèle démocratique et notre sécurité.

Madame la secrétaire d’État, quelle lecture faites-vous de la situation de ces pays, considérant que la pierre angulaire, notre patrimoine commun doivent être le respect de l’État de droit, des droits humains et de la démocratie ?

Vous dites qu’il s’agit de savoir non pas s’il faut élargir l’Union européenne ni même quand – la réponse est le plus vite possible –, mais bien comment le faire.

Je partage votre sentiment. Mais, si cet élargissement est indispensable, il interroge le projet européen et nécessite une réforme de sa gouvernance.

Madame la secrétaire d’État, la France va-t-elle défendre, au Conseil, la nécessité de questionner les traités et de convoquer une Convention, comme le demande le Parlement européen ?

Le Conseil de demain doit envoyer les signaux nécessaires pour ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire européenne.

Le troisième point que je souhaite évoquer concerne les accords commerciaux.

De nombreux accords sont en cours de finalisation, comme avec la Nouvelle-Zélande et le Chili. D’autres patinent, comme avec le Mexique et l’Australie.

Le Mercosur joue au yoyo. D’un côté, le Président de la République annonce s’opposer à un accord en l’état ; de l’autre, la présidence espagnole pousse pour aboutir.

Nous pensions que l’élection de M. Milei en Argentine reporterait sine die la question, mais, ces derniers jours, le président Lula prédit une signature rapide, avec l’appui de l’Allemagne. Madame la secrétaire d’État, nous avons besoin d’y voir clair !

De manière plus globale, il est indispensable que nous nous interrogions sur le logiciel utilisé pour ces accords commerciaux.

La théorie des « avantages comparatifs » n’est plus satisfaisante au regard des enjeux actuels de souveraineté économique et de transition écologique et numérique.

Outre garantir la prospérité des États membres, le rôle de l’Union est aussi de permettre l’émergence de standards environnementaux, sociaux et démocratiques ambitieux, qui nécessitent l’instauration de dispositifs de conditionnalité et de réversibilité des accords.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer qu’en l’état il n’y aura pas d’accord sur le Mercosur et que le Parlement français sera consulté sur celui-ci le jour venu, comme il devrait l’être sur l’Accord économique et commercial global (Ceta), déjà en vigueur depuis près de cinq ans et toujours pas présenté au Sénat ?

Pour terminer, je veux évoquer la COP28, qui se termine. Le Président de la République salue une étape importante, quand bon nombre d’ONG trouvent l’accord insatisfaisant.

Pouvez-vous nous dire si les conclusions de la COP permettront de respecter la trajectoire définie pour limiter le réchauffement à 1,5 degré supplémentaire ? Quelles en seront les incidences pour l’Union européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat. Puisque j’ai été interrogée sur la défense, je rappelle que l’Union européenne a déjà fait beaucoup en matière de munitions et d’achats communs. Elle a créé un fonds d’investissement, ainsi qu’un fonds de recherche et développement, le Fonds européen de la défense (Fedef).

Ce que nous voulons, pour l’avenir, c’est, bien sûr, augmenter et amplifier toutes ces initiatives, avec une préférence européenne, pour développer une véritable industrie européenne de défense.

Pour ce qui concerne les accords commerciaux, le cadre reste le même.

Nous nous sommes fixé trois principes : la réciprocité - je pense notamment à l’ouverture des marchés publics - ; la nécessité d’accords stratégiques - on peut penser à l’accord avec le Chili - ; la nécessité d’accords qui respectent nos engagements environnementaux.

En l’état, le Mercosur ne respecte pas ces trois critères. La position de la France demeure donc inchangée : c’est non !

Pour répondre sur la COP28, ce que nous voulons, ce sont des résultats. Le commissaire Wopke Hoekstra a travaillé à ces résultats, dans le respect du mandat européen.

Je pense notamment à deux avancées, la sortie progressive des énergies fossiles et l’intégration du nucléaire comme énergie décarbonée, ce qui constitue une victoire à de nombreux points de vue.

En ce qui concerne l’élargissement, je ne peux que répéter que nous allons œuvrer, comme nous l’avons déjà fait au Conseil affaires générales et, de façon plus large, en bilatéral, à soutenir les propositions de la Commission qui recommandent d’ouvrir les négociations d’adhésion à l’Ukraine et à la Moldavie, au regard des progrès importants qu’elles ont effectués.

Nous avons demandé, hier, en conseil Affaires générales, que la présidente de la Commission présente à l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement les progrès effectués par l’Ukraine, notamment dans le but de convaincre la Hongrie.

Pour ce qui est des Balkans occidentaux, nous allons continuer d’encourager les efforts, avec l’intégration graduelle.

Le plan de croissance en est une partie pleine et entière.

Pour faire simple, en cas de progrès en matière d’État de droit et d’alignement sur la politique européenne de sécurité et de défense, des fonds seront versés. Cependant, ces aides sont réversibles !

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.

M. Didier Marie. Je ne reviendrai que sur la COP28, sur laquelle je ne me suis pas attardé tout à l’heure, faute de temps pour l’évoquer plus avant.

Je considère, comme les ONG, que son résultat est plutôt insatisfaisant.

En effet, si le sujet tabou de la sortie des énergies fossiles figure bien dans la déclaration finale, celle-ci ne fixe pas de date précise pour cette sortie.

Par ailleurs, le gaz, énergie fossile, reste une énergie de transition et, pour obtenir un accord, on a laissé à la Chine la possibilité de poursuivre l’utilisation du charbon, là aussi comme énergie transitoire.

Madame la secrétaire d’État, comment, dans ces conditions, atteindre l’objectif de 95 % de baisse de l’usage des énergies fossiles d’ici à 2050 et de limitation à 1,5 degré de l’augmentation de la température dans le délai qui nous est imparti aujourd’hui ? Cet objectif nous semble inatteignable.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en matière de finances et de budget, le Conseil européen n’a inscrit à son ordre du jour que la question de la révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027.

C’est effectivement un sujet d’importance, mais il me semble qu’un autre sujet sera très certainement discuté dans les couloirs : la révision du pacte de stabilité et de croissance (PSC), sur lequel la commission des finances s’est déjà prononcée.

Dans la vision française, défendue par le ministre Bruno Le Maire, que notre commission a auditionné hier, le PSC n’est pas une fin en soi. C’est la garantie de la souveraineté européenne. C’est une nécessité et un moyen, au service d’une Europe prospère. Le PSC doit servir le projet politique européen.

Malheureusement, force est de constater que le conseil Écofin de vendredi dernier a échoué, malgré la bonne volonté de la présidente espagnole… et l’organisation d’un dîner. Il n’a pas été possible de trouver un accord politique.

Le ministre allemand des finances estime que, malgré les nombreux progrès réalisés, les États membres ne touchent pas encore au but. Il considère que les propositions espagnoles de compromis constituent le début d’un autre débat technique, et non sa conclusion.

Les ministres de l’économie ont tout de même réussi à s’accorder sur un point : la clause de sauvegarde pour la réduction de la dette.

Ainsi, pour les pays dont la dette est supérieure à 90 % du PIB, la réduction du ratio dette sur PIB devrait être de 1 % en moyenne par an sur la durée de la période d’ajustement, soit un plan de quatre ans par défaut. Pour les autres pays, dont la dette est supérieure à 60 %, mais inférieure à 90 %, le montant serait fixé à 0,5 %.

Les eurodéputés de la commission des affaires économiques et monétaires ont validé cette approche lundi soir.

Plusieurs points demeurent en discussion.

Le premier est la marge de résilience pour le déficit. Plusieurs États ont demandé, comme pour la réduction de la dette, de différencier l’effort en fonction du niveau d’endettement public. Ainsi, les pays dont la dette publique dépasse 90 % du PIB devraient ramener leur déficit à hauteur de 1,5 % du PIB, tandis que ceux dont l’endettement excessif est situé entre 60 % et 90 % devraient faire converger leur déficit en dessous de 2 % du PIB.

S’agissant du volet correctif, la France a demandé une flexibilité de 0,2 % du PIB par rapport au niveau de 0,5 % qui était prévu pour l’ajustement structurel. Cette flexibilité permettrait aux États membres en situation de déficit excessif - ce sera malheureusement encore notre cas pendant plusieurs exercices budgétaires - de continuer à investir et à faire des réformes.

Le ministre Bruno Le Maire nous a indiqué hier qu’un accord avait été trouvé entre la France et l’Allemagne, mais qu’il nous fallait encore discuter avec l’ensemble des autres États membres, notamment les pays dits « frugaux ».

L’Allemagne a fait un pas, en proposant que l’ajustement budgétaire pour la période 2025-2027 tienne compte de la charge de la dette supplémentaire liée à l’augmentation des taux d’intérêt. L’Italie souhaiterait que cette flexibilité soit rendue permanente.

Enfin, selon les dernières propositions, la Commission européenne doit créer un mécanisme de compte de contrôle permettant de suivre les déviations à la baisse ou à la hausse par rapport à la trajectoire fixée des dépenses budgétaires nettes.

Si l’on se fonde sur le rapport de la Commission, il pourrait être possible, in fine, d’ouvrir une procédure pour déficit excessif basée uniquement sur la dette publique.

Sur ce point, le Portugal demande qu’un État en situation d’excédent budgétaire ne puisse faire l’objet d’une telle procédure pour déficit excessif – la situation des différents États membres explique leur position.

Pour leur part, les députés européens de la fameuse commission Finances ne souhaitent pas de critères quantitatifs pour le déficit public. En revanche, ils ont une vision moins restrictive du compte de contrôle que la Commission.

Hier, devant notre commission des affaires européennes, le ministre Le Maire a déclaré que, s’il n’y avait pas d’accord d’ici à la fin du mois de décembre, clairement, il n’y aurait pas d’accord du tout !

Au regard de l’ensemble de ces éléments, partagez-vous, madame la secrétaire d’État, l’optimisme du ministre Le Maire sur la possibilité d’un accord au sein du Conseil avant la fin de l’année 2023, donc sur la mise en place d’un trilogue au mois de février 2024 ?

Pensez-vous également qu’en cas d’échec les négociations pourraient être rouvertes par la présidence belge ? (M. le président de la commission des affaires européennes applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Louis Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Louis Vogel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen qui s’ouvre demain va se dérouler dans un contexte très préoccupant pour l’Europe. Didier Marie en a déjà parlé.

Permettez-moi de revenir un instant sur ce contexte, avant d’examiner les deux sujets intéressant plus particulièrement Les Indépendants – République et Territoires qui seront discutés demain.

Alors que les élections européennes auront lieu dans un peu plus de six mois, l’Europe et l’idée européenne sont à la croisée des chemins.

Certains pays se sont déjà laissé séduire par les sirènes du populisme, qui remettent en cause l’idée même d’Europe.

Le dernier en date n’est autre que les Pays-Bas, pourtant pays fondateur de l’Union, où le parti d’extrême droite, dit « de la liberté », vient de gagner les élections législatives.

Même l’arrivée au pouvoir en Pologne de Donald Tusk, ancien président du Conseil européen, grâce à la victoire d’une coalition pro-européenne majoritaire, ne peut faire oublier que ce sont bien les ultraconservateurs de Droit et justice (PiS) qui sont arrivés en tête des élections législatives polonaises, après huit ans de pouvoir au cours desquels ils n’ont cessé de combattre les valeurs européennes.

Un sondage paru en novembre dernier donne une projection du prochain Parlement européen qui n’est pas pour nous rassurer.

Le groupe de droite ultraconservatrice nationaliste des Conservateurs et réformistes européens, dont Victor Orbán est en train de se rapprocher, se renforcerait. Le groupe d’extrême droite et d’eurosceptiques Identité et démocratie, dont fait partie le RN, se renforcerait également.

Si ces projections venaient à se confirmer, ces groupes et leurs alliés compteraient un peu plus de 80 membres, ce qui leur donnerait les moyens d’entraver le fonctionnement des institutions européennes, comme ils le font déjà à l’Assemblée nationale.

Lors de la campagne pour les élections européennes, les uns ne parleront que de souveraineté et d’immigration, les autres n’évoqueront que l’urgence climatique.

Ces objectifs ne sont pas incompatibles avec l’Europe : le pacte sur la migration et l’asile et le Green Deal en sont la preuve.

Non seulement ils ne sont pas incompatibles avec l’Europe, mais l’Europe est même le seul moyen de les réaliser. Je crois qu’il faut le répéter ! Il faut faire taire les fossoyeurs de l’Europe.

Comme je l’ai dit, deux sujets préoccupent plus particulièrement les membres du groupe Les Indépendants.

Le premier est la révision du cadre financier pluriannuel jusqu’en 2027. Notre groupe l’a évoquée au cours de l’examen du PLF 2024.

Nous croyons à des ressources propres solides qui permettraient d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés collectivement. Il faut se donner les moyens d’une politique. Nous croyons aussi qu’il est temps de mettre fin aux rabais dont bénéficient certains pays.

Comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, de nouveaux chiffres ont été mis sur la table, et la base de la discussion portera sur la proposition de Charles Michel, à savoir des crédits portés à 22,5 milliards d’euros.

Bien sûr, nous sommes également inquiets des répercussions sur les contributions nationales de ces crédits, notamment sur la nôtre.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous communiquer la position de la France et les lignes rouges que notre pays s’est fixées à cet égard ?

Le second sujet qui nous préoccupe est l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Ukraine, dont il a déjà beaucoup été question ce soir.

Les membres de notre groupe croient résolument en une « Europe puissance », donc en une Europe approfondie, comme nous l’appelons de nos vœux.

Ce sujet soulève la question de la réforme du processus d’élargissement.

Madame la secrétaire d’État, comment appréhendez-vous les négociations sur l’Ukraine ? Plus spécifiquement, quelle est la position de la France sur la réforme du processus d’élargissement ?

Quoi qu’il en soit, je ne veux pas terminer sans vous assurer de tout notre soutien pour ce dernier Conseil européen de 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Didier Marie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat. Sur la révision du pacte de stabilité et de croissance, que vous avez décrit avec précision, madame Lavarde, je souhaite faire trois remarques.

La première concerne la dette et sa trajectoire d’ajustement. Nous avons avancé très significativement par rapport à la règle du vingtième, qui, comme vous le savez, a été définie avant la covid-19.

Pour ce qui est du déficit, comme vous l’avez dit, une flexibilité sera possible, y compris en cas de procédure pour déficit excessif, pour les investissements dans la transition énergétique et pour tenir compte des réformes mises en œuvre. C’est très important pour que nous puissions avoir de la croissance et mener ces transitions, alors même que nous ajustons nos finances publiques.

Comme Bruno Le Maire, je suis confiante sur la possibilité de conclure de nouvelles règles pour le 1er janvier 2024.

Monsieur le sénateur Vogel, d’abord, la Pologne montre, comme vous l’avez souligné, qu’il est possible d’inverser la tendance populiste, puisque c’est un gouvernement du parti populaire européen (PPE) – pour reprendre le terme européen –, ayant réaffirmé son soutien à l’Union européenne, qui va être mis en place.

En même temps que les élections législatives, un référendum sur l’avortement était organisé, pour lequel le taux de participation a été particulièrement élevé. La proposition du précédent gouvernement populiste a été rejetée à 70 %.

Pour ce qui concerne le cadre financier pluriannuel, la ligne de la France est très claire. Nous voulons : une augmentation mesurée, qui ne pèse pas trop sur nos finances publiques, mais qui garantisse en priorité le soutien à l’Ukraine ; la mise en œuvre du Pacte sur la migration et l’asile et des accords avec la rive sud de la Méditerranée ; et, bien sûr, le fonds de souveraineté européenne puisque, pour être puissant géopolitiquement, il faut s’assurer de disposer d’une force industrielle.

Enfin, s’agissant de la réforme du processus d’élargissement de l’Union européenne, qui a été largement portée par la France, vous avez fait allusion, madame Lavarde, à la réforme des traités. J’ai déjà été interrogée sur ce point : à cet égard, il n’y a ni totem ni tabou, mais ce n’est pas une fin en soi. Nous ferons ce qui est nécessaire pour mettre en œuvre les politiques dont nous souhaitons qu’elles soient prioritaires lors de la prochaine mandature de la Commission.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Mme Christine Lavarde. Vous avez dit, madame la secrétaire d’État, que de nouvelles règles seraient définies au 1er janvier. J’ai du mal à partager votre optimisme. Peut-être un accord sera-t-il conclu par les ministres des finances avant la fin de l’année 2023, mais cela ne veut pas dire que de nouvelles règles seront posées.

En effet, comme je l’ai souligné, les parlementaires européens membres de la commission des affaires constitutionnelles ont pris des positions assez différentes. Même si ces divergences ne présagent pas du vote qui interviendra en séance plénière du Parlement européen, elles tendent à le dessiner.

Le trilogue sera donc relativement compliqué. Nous souhaitons tous partager votre optimisme. Pour autant, au cas où ces discussions n’aboutiraient pas, j’aimerais que vous me répondiez sur un point que vous n’avez pas évoqué : la Belgique a-t-elle déjà inscrit à l’ordre du jour du Conseil ce sujet ? Si ce dernier devait être enterré, nous basculerions de nouveau dans le système qui prévalait avant la crise de la covid-19, et dont chacun a pu mesurer les limites.

M. le président. La parole est à M. Louis Vogel, pour la réplique.

M. Louis Vogel. Vous avez parlé, madame la secrétaire d’État, au sujet du cadre financier pluriannuel, d’augmentation « mesurée » ; or cet adjectif ne veut pas dire grand-chose… Je vous remercie néanmoins de nous avoir indiqué quelles priorités permettent d’indexer cette « mesure ».

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa.

Mme Brigitte Devésa. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de sa séance du 22 novembre dernier, le Parlement européen, réuni à Strasbourg, a adopté une résolution tendant à la révision des traités. Cette résolution fait suite à la Conférence sur l’avenir de l’Europe, qui s’est achevée en mai 2022.

Dans ce texte récemment adopté, le Parlement défend des réformes qui visent à « consolider la capacité de l’Union à agir, ainsi qu’à donner davantage la parole aux citoyens ». On y trouve une liste de dix-sept thématiques, abordées de manière parfois très précise.

Je citerai quelques exemples des propositions que contient cette résolution votée par nos collègues du Parlement européen.

Il faut noter, dans le champ institutionnel : la volonté de donner davantage de compétences au Parlement européen dans le processus décisionnel et de lui donner le droit d’initiative législative ; la révision de la composition de la Commission européenne, réduite à quinze membres et dotée d’un président élu qui sera libre de choisir son collège en fonction de ses préférences politiques, mais en gardant à l’esprit l’équilibre géographique et démographique ; enfin, un mécanisme de censure individuel des commissaires.

La résolution met également en avant la publication des positions des États lors des réunions du Conseil.

Toujours dans le champ institutionnel, cette résolution prévoit un passage du vote à l’unanimité au vote à la majorité qualifiée dans certains cas, notamment en matière de politique étrangère.

M. Didier Marie. Très bien !

Mme Brigitte Devésa. Si l’on regarde de plus près les différentes thématiques, on peut notamment lire que l’Union aurait une compétence exclusive en matière d’environnement, de biodiversité et de négociations sur le champ climatique.

En matière de défense, la résolution préconise la mise en place d’une Union de la défense, comprenant des unités militaires et une capacité permanente de déploiement rapide, sous commandement opérationnel de l’Union.

Dans le domaine de l’éducation, la résolution prévoit : l’élaboration de normes et d’objectifs communs pour une éducation qui promeut les valeurs démocratiques et l’État de droit ; la promotion de la coopération entre les systèmes éducatifs, tout en protégeant les traditions culturelles et les diversités régionales ; ou encore, l’établissement de normes communes en matière de formation professionnelle pour accroître la mobilité des travailleurs.

En matière de migration, il est préconisé une politique commune renforcée de l’Union en matière d’immigration, et, dans le domaine de la santé, la fixation d’indicateurs communs pour les systèmes de santé.

Cette résolution a toutefois été adoptée à une faible majorité : 291 voix pour et 274 contre.

Ce texte permet d’amorcer, notamment au travers des thématiques qu’il aborde, un renforcement du fédéralisme européen. C’est la seconde fois que le Parlement européen prend une telle initiative : en juin 2022, les eurodéputés avaient déjà adopté une résolution appelant à modifier les traités.

Pour qu’une telle réforme puisse s’opérer, il faut que la résolution soit inscrite à l’ordre du jour du Conseil européen. Il n’en fut rien l’année dernière ; et tel ne sera pas non plus le cas pour la réunion qui débute demain.

Aussi vous demanderai-je au nom du groupe Union Centriste, madame la secrétaire d’État, si cette résolution est le signe d’une prochaine révision de nos traités. Il est en effet légitime que le Parlement européen prenne l’initiative d’un tel projet.

M. Didier Marie. Très bien !

Mme Brigitte Devésa. Mais ne pourrait-on parler de déni si celui-ci, alors qu’il a été valablement adopté, n’était pas ensuite examiné par le Conseil ?

Nous pensons qu’un débat doit avoir lieu, au regard du vaste champ des thématiques abordées dans cette résolution. Celle-ci a d’ailleurs suscité de nombreuses réactions, portant notamment sur de potentielles atteintes à la souveraineté des États et sur la remise en cause du sacro-saint principe du vote à l’unanimité.

Une réforme des traités apparaît nécessaire dans la perspective du prochain élargissement de l’Union européenne, qui ne fait presque plus de doute. Le nombre de candidats à l’adhésion est en effet en augmentation. À ce jour, huit États sont candidats à l’adhésion : la Turquie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie, l’Albanie, l’Ukraine, la Moldavie et la Bosnie-Herzégovine.

Nous sommes tous conscients ici que la guerre en Ukraine a bouleversé le fonctionnement de l’Union européenne. L’obtention rapide par l’Ukraine du statut de candidat a soulevé de nombreuses réactions dans les Balkans.

« L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises », disait Jean Monnet. La question de l’élargissement de l’Union devra donc être tranchée rapidement : il faudra décider comment élargir et à quels États.

Sur la forme, si une réforme de nos traités devait intervenir avant un élargissement, celui-ci serait élaboré sur le long terme. En effet, nous le savons tous, le processus de révision des traités – depuis l’initiative de révision jusqu’à la ratification définitive par l’ensemble des États – prend des années ; il sera d’autant plus long en l’occurrence que plusieurs États ont déjà fait part de leur hostilité à toute révision.

Une révision des traités semble néanmoins opportune, et la présidente de la Commission européenne a indiqué y être favorable. Elle entraînerait toutefois un élargissement post-révision d’ici à plus d’un an, a minima, sans garantie de succès.

Nos collègues Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, et Gisèle Jourda ont rendu l’année dernière un rapport d’information intitulé Comment donner suite à la Conférence sur lavenir de lEurope ?, dans lequel ils soulignaient qu’il existait dans les traités des formes de souplesse institutionnelle permettant de faire avancer la construction européenne sans passer par la procédure de révision. Il en est ainsi, notamment, de la composition de la Commission européenne.

Il convient de citer également l’article 352 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, aux termes duquel le Conseil peut prendre, à l’unanimité, des mesures visant à atteindre les objectifs des traités.

Quant à l’article 122, il prévoit que l’Union européenne peut prendre des mesures temporaires en cas de crise. Lesdites mesures peuvent être prises à la majorité qualifiée, notamment en matière de fiscalité.

Des amorces de solutions existent donc déjà dans les textes applicables. Si l’élargissement de l’Union devait se faire à brève échéance, s’appuyer sur les dispositifs en vigueur serait une piste à privilégier.

Toujours sur la forme, en matière d’élargissement, les Français seront-ils invités à s’exprimer par le biais d’un référendum, pour valider, ou non, l’élargissement proposé ? La question se pose !

Enfin, sur le fond, à qui l’Union doit-elle s’ouvrir ? L’élargissement doit-il s’effectuer en une seule fois à l’ensemble des pays ayant le statut de candidat et remplissant toutes les conditions fixées, ou se dérouler en plusieurs phases, et, dans ce cas, sur quels critères ?

Les réponses à ces questions nous permettraient de disposer d’une réelle vision tant de l’élargissement de l’Union que des réformes institutionnelles nécessaires. Ces thématiques seront également au cœur des débats des prochaines élections européennes.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, deux sujets principaux sont à l’ordre du jour du Conseil européen qui s’ouvre demain : d’une part, les questions extérieures, portant notamment sur l’Ukraine, le Proche-Orient, l’élargissement de l’Union ; d’autre part, les questions intérieures, en particulier financières.

Le point par lequel je commencerai mon intervention, la cybersécurité, est au croisement de ces deux thèmes puisqu’il concerne une menace qui vient souvent de l’extérieur, mais qui peut avoir des conséquences économiques particulièrement lourdes sur le plan intérieur.

Corapporteure de la proposition de résolution européenne sur la cybersolidarité, qui a été présentée aujourd’hui, je ne reviendrai pas ici en détail sur la position de la commission des affaires européennes du Sénat.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Heureusement ! (Sourires.)

Mme Audrey Linkenheld. Je soulignerai toutefois notre souhait que nos entreprises en ce domaine soient des champions européens, pour mieux nous défendre et mieux réagir en cas d’attaque majeure.

Ce qui est valable pour relever le défi cyber l’est aussi pour relever les défis économiques et climatiques.

Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain considèrent que devront sortir renforcés de ce Conseil l’esprit de solidarité, notamment face à la guerre, mais pas seulement, et la coopération active sur le plan industriel. Or force est de constater que les discussions en cours, tant sur le cadre financier pluriannuel que sur le pacte de stabilité et de croissance ne sont pas à 100 % tournées vers la solidarité et la coopération.

Notre groupe a encore des doutes sérieux quant à l’issue de ce concert européen.

S’agissant du cadre financier et du budget de l’Union, nous restons demandeurs d’un véritable fonds de souveraineté de grande ampleur pour faire face aux besoins colossaux en investissement au service de la transition juste.

Au vu de l’Inflation Reduction Act, la Commission devrait, au lieu de racler les fonds de tiroir, proposer mieux que cette plateforme des « Technologies stratégiques pour l’Europe », dite Step, dotée de quelques milliards d’euros seulement.

Sans champions tertiaires et industriels européens, comment accélérer la transition et la décarbonation de nos modes de production et de transport ? Comment préserver notre souveraineté et notre autonomie énergétique, économique et, à terme, politique si chaque État membre continue de dépendre de partenaires extraeuropéens ?

Oui, nous avons besoin que l’Europe unie investisse davantage grâce à ses ressources propres dans sa réindustrialisation et la transformation de son économie. Les États dits « frugaux » ne peuvent pas méconnaître la conséquence du manque d’investissements qu’ils provoquent, lequel rejaillira négativement sur chacun des États membres.

J’en viens donc au pacte de stabilité et de croissance, puisque ce sont souvent les mêmes pays qui se montrent très demandeurs d’une réactivation des règles relatives au déficit et à la dette publique. Chacun convient, des plus libéraux aux plus interventionnistes, que ces règles sont obsolètes, complexes, inefficaces, inappliquées et inapplicables.

Notre groupe salue l’intégration dans les discussions en cours du sujet des investissements publics en faveur du climat et de l’environnement. Pour autant, tenir compte de ces investissements pour accepter une réduction plus lente du déficit n’est pas la même chose que de les exclure carrément du calcul.

Exclure ces investissements revient à accepter que la soutenabilité climatique soit prioritaire.

Ne pas les exclure, mais les tolérer, signifie que l’on reporte à plus tard une application plus stricte des règles, alors même que la lutte contre le réchauffement climatique se prolongera forcément après 2027, avec des jalons en 2030 et 2050.

Par ailleurs, les négociations sur les investissements verts semblent retenir aussi des critères, voire des conditions, liés à des réformes structurelles. Or, derrière ces réformes, se cache rarement la taxation du capital, des superprofits ou des super-riches, mais plus souvent la remise en cause de protections sociales.

Être moins endettés, mais pas moins inégalitaires, peut nous mener tout droit à l’avènement de solutions populistes, voire autoritaires, qui vont à l’encontre de la raison d’être de l’Union européenne. Le signal qu’attendent les Européens de la part de leurs gouvernants et de leurs représentants est d’abord un signal en faveur de la paix et de la justice.

Madame la secrétaire d’État, comment la France compte-t-elle résoudre ce paradoxe européen, avec un nouveau pacte faisant mine de soutenir les investissements verts nationaux et un budget européen qui n’intègre pas le véritable fonds de souveraineté dont notre continent a pourtant besoin pour faire face aux défis du XXIe siècle soulignés par la COP28.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat. Madame Devésa, nous sommes d’accord, sur le fond, avec ce que vous avez dit sur l’élargissement de l’Union, et qui était très intéressant.

L’élargissement va de pair avec la réforme de l’Union européenne, laquelle ne doit pas venir après ledit élargissement, comme d’aucuns l’avaient demandé : les deux doivent intervenir parallèlement.

Comme vous l’avez indiqué, cela prendra du temps : deux, trois, cinq ou dix ans. Il est difficile de le dire aujourd’hui parce que cet élargissement doit être basé sur le mérite et sur le respect de conditions liées à l’État de droit et aux acquis du marché unique, qui formeront le socle de cette Europe élargie.

Parallèlement à l’élargissement, nous allons réformer l’Union européenne, ce qui pose la question des politiques prioritaires ; vous en avez énoncé certaines. Ce travail sera engagé lorsque la présidence belge en aura lancé le processus.

Entre-temps, il sera bien sûr possible de travailler sur certains aspects politiques, comme la politique étrangère et de sécurité commune (Pesc) ou la fiscalité, lorsque nous serons favorables aux changements proposés. En effet, ces modifications peuvent être adoptées à la majorité qualifiée et ne nécessitent pas de modifier les traités.

Pour ce qui concerne la réponse à l’Inflation Reduction Act, la présidence belge a demandé à Mario Draghi – vous le savez – un rapport sur la compétitivité de l’Union européenne, qui vise précisément à corriger, ou à tout le moins à amender, les politiques existantes afin d’apporter une vraie réponse à l’IRA (Inflation Reduction Act).

Nous espérons que ce rapport, qui sera remis en juin, nous aidera à réduire la bureaucratie et à financer des investissements stratégiques. Même si de tels investissements existent déjà, il faut en effet que le fonds de souveraineté croisse. Par ailleurs, les investissements stratégiques dans l’industrie se font aujourd’hui au travers de projets important d’intérêt européen commun (Piiec), lesquels sont au nombre de trois, dont l’un consacré au cloud, et impliquent à peu près vingt pays. Disant cela, je réponds dans une certaine mesure à votre question portant sur la solidarité et la souveraineté. Mais nous souhaitons aller plus loin.

J’en viens au sujet du pacte de stabilité et de croissance : il ne serait dans l’intérêt de personne de ne pas avancer sur la question des règles budgétaires. Les discussions à cet égard vont d’ailleurs reprendre puisque les trilogues seront menés sous la présidence belge.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’occasion de sa prochaine réunion, le Conseil européen abordera la situation au Proche-Orient, ce qui inclut le conflit israélo-palestinien, mais aussi la politique de voisinage de l’Union européenne dans la région. Et, dans un cas comme dans l’autre, force est de constater que le compte n’y est pas.

Les États membres sont divisés et l’Union européenne ne parvient pas à définir des positions communes. En témoignent les divergences constatées lors du dernier Conseil pour déterminer s’il fallait appeler à un cessez-le-feu ou à des trêves humanitaires, ou encore l’annonce par le Commissaire européen à la politique de voisinage et à l’élargissement d’une suspension des aides fournies par l’Union à l’Autorité palestinienne – une suspension par la suite démentie par la présidente de la Commission.

Sont également évocatrices de ce manque de cohésion les annonces d’Ursula von der Leyen à l’occasion de son déplacement en Israël, en l’absence de toute consultation du président du Conseil et des États membres, pourtant chargés de définir la position diplomatique de l’Union européenne sous le contrôle du chef de la diplomatie européenne.

Cette cacophonie sape notre influence dans la région, déjà affaiblie par de nombreuses années d’atermoiements. Le conflit opposant Israël à la Palestine est devenu si sensible au cours des dernières années que l’Europe a fait l’erreur de s’en tenir à distance, quand elle avait pourtant des leviers d’action pour peser, au titre de son statut de premier donateur à l’Autorité palestinienne et de premier partenaire commercial d’Israël.

En outre, au-delà du conflit israélo-palestinien, la politique de l’Union européenne au Moyen-Orient dans son ensemble n’est pas non plus à la hauteur. Notre approche n’est pas suffisamment globale et se cantonne à une focalisation sur des situations locales, le plus souvent liées à des conflits, sans que nous ayons de vision d’ensemble.

Certes, nous entretenons des relations privilégiées avec certains pays, en particulier la Jordanie ; il nous faudra d’ailleurs veiller à les renforcer. Mais nos échanges avec d’autres États restent trop superficiels et principalement basés sur la coopération bilatérale.

Si les bonnes relations de certains États membres avec différents pays du Moyen-Orient sont indéniablement des atouts qu’il nous faut préserver, il apparaît nécessaire de travailler à un renforcement de la politique européenne vis-à-vis des États du Proche-Orient. Je pense, par exemple, à l’absence d’accord de libre-échange avec les pays du Golfe, où l’Union européenne a pourtant de nombreux intérêts. Le Royaume-Uni n’a d’ailleurs pas fait la même erreur et a engagé des négociations avec le Conseil de coopération du Golfe en vue d’un tel accord.

Il est temps que l’Union ait un discours autonome et cohérent, qu’elle affiche enfin une réelle volonté d’agir et qu’elle remette au cœur de son agenda diplomatique le conflit israélo-palestinien, mais aussi le renforcement de ses relations avec les autres pays du Moyen-Orient.

Je suis conscient que l’instabilité de la région ainsi que le maintien légitime de la souveraineté des États membres en matière d’affaires étrangères et de défense ne faciliteront pas la tâche. Mais l’Union européenne gagnerait à s’attacher à la définition d’une politique commune, complémentaire de celle de ses membres, et à promouvoir ses valeurs au Moyen-Orient. Dans le cas contraire, elle continuerait d’intéresser à titre principal les acteurs de la région pour son assistance humanitaire, mais resterait un simple « pompier spectateur ».

Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais savoir si le Gouvernement partage ce constat de la nécessité de mieux définir une position commune pour réellement peser au Proche-Orient, et si cette volonté semble être partagée par les autres États membres. Par ailleurs, j’aimerais connaître les moyens que la France compte mobiliser auprès des États membres et du Conseil pour parvenir à l’adoption de positions communes.

M. le président. La parole est à M. Alain Cadec.

M. Alain Cadec. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quel bonheur d’intervenir en dernier… (Sourires.)

L’ordre du jour de la réunion du Conseil européen, qui se tiendra jeudi et vendredi prochains, est particulièrement lourd, si l’on considère l’extrême importance des points qui y sont inscrits. Sa seule lecture montre à quel point l’Union européenne se trouve à la croisée des chemins sur le plan tant géopolitique que de son fonctionnement interne.

Sous la pression des événements extérieurs, l’Union doit revoir ses priorités et se donner les moyens de préserver sa sécurité et la pérennité de son modèle. Les défis auxquels elle se trouve actuellement confrontée sont, sans exagération, de nature existentielle.

L’Union européenne et la France doivent faire entendre leurs voix dans le tragique conflit israélo-palestinien en défendant une position d’apaisement et d’équilibre, mais aussi pour éviter que ces violences au Moyen-Orient ne se répercutent au sein même de nos sociétés et n’aggravent encore les fractures entre les communautés qui les composent.

L’Union doit également renforcer en urgence ses efforts en matière de défense pour protéger ses intérêts et sa sécurité, dans un contexte où ceux-ci sont directement menacés par le comportement agressif de la Russie et où un désengagement total des États-Unis sur le continent n’est malheureusement pas à exclure.

Il y a fort à parier que l’aide à l’Ukraine et la perspective européenne que certains souhaiteraient lui offrir seront surtout au cœur des discussions entre chefs d’État et de gouvernement cette semaine, compte tenu des menaces de blocage agitées par la Hongrie.

À cet instant, mon propos pourra paraître iconoclaste à certains.

En effet, on présente en général le soutien à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, ou en tout cas à l’ouverture formelle de négociations d’adhésion, comme allant de soi et ne rencontrant d’opposition que chez tel ou tel dirigeant plus ou moins provocateur et infréquentable, comme le serait Viktor Orbán.

Pour ma part, je me pose la question suivante : à quelques mois d’élections européennes importantes, pensez-vous vraiment, madame la secrétaire d’État, que notre opinion publique soit si évidemment acquise à un nouvel élargissement de l’Union européenne en général, et à l’adhésion de l’Ukraine, en particulier ?

De nombreux Français continuent de penser que le grand élargissement de 2004 a affaibli, plus que renforcé, l’Union, et qu’il a nui à sa cohésion et à son efficacité.

La perspective de nouveaux élargissements effraie légitimement, compte tenu notamment du fait que les institutions européennes ne sont pas conçues pour fonctionner à trente pays et qu’un tel bouleversement exigerait des révisions importantes des traités, dont la faisabilité est en elle-même problématique.

S’agissant particulièrement de l’Ukraine, les inquiétudes sont multiples : sur le plan sécuritaire – voulons-nous vraiment étendre ainsi les frontières entre l’Union et la Russie, dans des zones éminemment contestées et instables ? ; sur le plan des valeurs – l’Ukraine, qui souffre de corruption endémique, remplit-elle vraiment les conditions prévues par les traités pour une adhésion à l’Union ? ; et sur le plan économique – a-t-on pensé notamment, comme l’a souligné Didier Marie, à l’impact dévastateur pour le bon fonctionnement de la politique agricole commune de l’intégration de cette grande puissance agricole ?

Si le principe d’un soutien européen militaire, politique, économique et humanitaire à l’Ukraine me semble encore recueillir un assentiment très large dans notre population, je ne suis pas certain qu’il en soit de même pour son adhésion à l’Union.

Avant de se préoccuper des objections éventuelles de M. Orbán, ne serait-il pas judicieux de commencer par se préoccuper de celles de nos concitoyens ? Les formations politiques favorables à un tel élargissement de l’Union devront en tout cas l’assumer clairement pendant la campagne électorale du printemps prochain. (M. le président de la commission des affaires européennes applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat. Pour répondre avec clarté à M. Cadec, nous devons soutenir l’Ukraine dans la durée, et l’ouverture des négociations d’adhésion s’inscrit dans cette logique.

C’est une manière de garantir sa sécurité et c’est aussi un signal envoyé à la Russie. En effet, nous ne pouvons pas répéter les erreurs de 2008 et de 2014.

Oui, vous avez raison, l’Union européenne doit évoluer et ses priorités doivent être révisées. Le Président de la République a d’ailleurs obtenu l’inscription de cet objectif dans la déclaration de Grenade.

Nous devons travailler avec les pays qui aspirent à devenir membres de l’Union, ce qui prendra du temps. Aussi, l’élargissement ne se fera pas tant que nous n’y sommes pas prêts, ce qui est le cas aujourd’hui.

Monsieur le sénateur Pellevat, le Gouvernement et le Président de la République, plus spécialement, travaillent constamment à la définition de positions communes, notamment pour ce qui concerne la situation au Proche-Orient, tout simplement parce que cela nous rend plus forts, comme vous l’avez souligné.

C’est tout l’objet de la discussion sur la situation au Proche-Orient prévue demain dans le cadre du Conseil européen.

En ce qui concerne les pays du Golfe, l’Union européenne poursuit le renforcement de son partenariat avec les États membres du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCEAG), conformément aux conclusions du Conseil européen de juin 2022.

Ainsi, en juin 2023, l’Union européenne a nommé un représentant spécial pour la région du Golfe, M. Luigi Di Maio, ancien ministre des affaires étrangères italien, afin de renforcer les relations avec les États de la zone.

Sa feuille de route est très ambitieuse. Elle concerne non pas uniquement le secteur humanitaire, mais nombre de domaines prioritaires comme la sécurité régionale et maritime, l’approvisionnement énergétique, la lutte contre le changement climatique, la mise en place d’un partenariat commercial et le développement de liens humains entre les deux régions.

En outre, le 10 octobre 2023, la vingt-septième réunion ministérielle UE-CCEAG s’est déroulée à Mascate. Vingt ministres et secrétaires d’État européens ainsi que des représentants d’un très haut niveau des États du Golfe y ont participé ; nous y étions représentés par le ministre délégué Olivier Becht. Par conséquent, le renforcement de cette relation a un réel intérêt pour les deux parties.

Enfin, dans le cadre de cette réunion, la mise en place d’un dialogue structuré sur la sécurité régionale entre l’UE et les pays du Golfe, dont la première édition aura lieu à Riyad le 24 janvier prochain, a été annoncée. La définition d’un programme s’ensuivra.

Monsieur le sénateur, j’espère vous avoir convaincu de notre intérêt pour les pays du Golfe.

Conclusion du débat

M. le président. Pour conclure le débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Comme à mon habitude, je conclurai ce débat brièvement.

Tout d’abord, je remercie l’ensemble de nos collègues, en majorité des membres de la commission des affaires européennes, d’être restés jusqu’au terme du débat.

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de vous être pliée à ce nouvel exercice, dont nous avons un peu trahi le concept : le bureau du Sénat nous indiquera si les ajustements pratiqués sont acceptables.

Toutefois, madame la secrétaire d’État, si un tel exercice est certainement plus physique et bien plus sportif, si je puis dire, pour vous, il me semble également plus dynamique. J’espère que nos collègues l’ont perçu ainsi.

Madame la secrétaire d’État, la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac) n’est pas le Conseil européen. Or, en matière d’affaires européennes, je vous sais très attachée aux relations parlementaires et interparlementaires.

Avec Didier Marie et Claude Kern, nous venons d’assister à la réunion de la Cosac à Madrid. Tout d’abord, les débats ont porté, pour l’essentiel, sur le conflit israélo-palestinien, notamment sur la question des vies humaines, qui est prédominante d’un côté comme de l’autre.

En effet, l’attaque indescriptible du Hamas ne peut qu’être condamnée, mais il est tout aussi clair que le peuple palestinien, en dehors des partisans du Hamas, souffre aujourd’hui.

Aussi, je ne doute pas que les débats du Conseil européen porteront, comme à la Cosac, essentiellement sur ce sujet et que nous pourrons sortir la tête haute de tels épisodes, si bas et si vils, de la vie internationale.

Ensuite, s’agissant du Mercosur, nous nous sommes sentis relativement seuls. Didier Marie et moi-même en avons fait part au secrétaire d’État espagnol. En effet, si les Pays-Bas et, dans une certaine mesure, les Belges - le ministre belge nous a d’ailleurs indiqué que les Autrichiens seraient avec nous - nous ont rejoints, nous nous sommes sentis très seuls face au discours volontaire et quelque peu surréaliste des Espagnols. (Mme la secrétaire dÉtat le confirme.)

L’épisode est, pour l’instant, bouclé. Nous verrons dans quelles conditions nous pourrons revenir sur ce sujet. Toutefois, au Sénat, la conférence des présidents, qui s’est tenue ce soir, a décidé d’inscrire à l’ordre du jour, en janvier prochain, l’examen de la proposition de résolution relative aux négociations en cours en vue d’un accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, déposée par Sophie Primas et votre serviteur en juin de l’année dernière.

Par ailleurs, vous l’avez compris, les questions financières, qui sont au programme du prochain Conseil européen, commencent à nous inquiéter fortement.

Lorsque je suis devenu président de la commission des affaires européennes, le budget était un sujet traditionnel à traiter, si je puis dire. Aujourd’hui, il s’agit d’une réelle question, qui doit être approfondie, en raison des inquiétudes qu’elle suscite.

J’ai d’ailleurs évoqué le sujet hier avec M. le ministre Le Maire, en lui précisant que nous avions l’impression, à la distance qui est la nôtre, de ne pas maîtriser l’inflation budgétaire actuelle. Il en sera probablement de même, dans quelque temps, de la contribution de la France au budget de l’Union européenne si la question des ressources propres de l’Union n’est pas traitée.

Il s’agit, à mes yeux, d’un sujet essentiel, qui me tient particulièrement à cœur depuis quelques mois, en raison de l’approche d’un coup violent, que je pressens, dans les années à venir.

Par conséquent, si le pacte de stabilité et de croissance doit être évoqué, nous devons également discuter du budget européen et des craintes qu’il peut susciter à l’avenir.

Enfin, la présidence belge de l’Union européenne va débuter. Pendant cette présidence, nous soulèverons un sujet qui a également émergé lors de la réunion de la Cosac, celui des règlements pris, de plus en plus fréquemment, à la place de directives, ce qui entraîne une perte de souveraineté plus importante pour les États membres. (M. Didier Marie approuve.)

C’est ce que nous ressentons au sein de notre commission, mais je sais que ce sentiment est partagé par d’autres collègues.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023.

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 14 décembre 2023 :

(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)

De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :

Proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, présentée par Mme Nadège Havet et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 164, 2023-2024) ;

Débat sur le thème « Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du Comité Interministériel des Outre-mer ? ».

En outre, à quatorze heures trente :

Désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête portant sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France (droit de tirage du Groupe Écologiste - Solidarités et Territoires).

À l’issue de l’espace réservé au groupe RDPI et au plus tard de seize heures à vingt heures :

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

Proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Dominique Vérien et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 167, 2023-2024) ;

Proposition de loi relative aux droits de l’enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses parents en cas de séparation de ces derniers, présentée par Mme Élisabeth Doineau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 177, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt.)

nomination de membres dune commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler limmigration, améliorer lintégration a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mme Muriel Jourda, MM. Philippe Bonnecarrère, Bruno Retailleau, Mmes Marie-Pierre de La Gontrie, Corinne Narassiguin et M. Olivier Bitz ;

Suppléants : Mmes Jacqueline Eustache-Brinio, Nadine Bellurot, Isabelle Florennes, MM. Patrick Kanner, Ian Brossat, Claude Malhuret et Guy Benarroche.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER