Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.
2. Loi de finances pour 2024. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
Adoption, par scrutin public n° 98 à la tribune, du projet de loi, modifié.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud
3. Intitulé de la commission de la culture. – Adoption d’une proposition de résolution dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de la résolution
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 de Mme Colombe Brossel. – Retrait.
Adoption de l’article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin,
M. Philippe Tabarot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2024
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
Vote sur l’ensemble
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote à la tribune du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 127, rapport général n° 128, avis nos 129 à 134).
La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Christine Lavarde. Il y avait 1 363 amendements à l’automne 2017, pour mon premier PLF ; 3 756 amendements cette année, soit sept ans plus tard. L’inflation parlementaire, de 175 %, dépasse très largement l’inflation monétaire !
Il est grand temps que notre autorité de régulation mette fin à cette politique expansionniste. Nous n’avons malheureusement plus de marges de manœuvre.
Sept jours et six nuits consécutives pour examiner la première partie ; huit jours et presque autant de longues nuits pour la seconde partie. Les organismes de M. le rapporteur général et de plusieurs administrateurs de la commission des finances ont été mis à rude épreuve. Certes, les sénateurs disposent de quelques pauses, même si celles-ci sont parfois courtes, entre la fin de la séance publique, dans la nuit, et la réunion de la commission des finances du début de matinée.
Pas de pause pour les agents de la direction de la séance et de la commission des finances. Nous pouvons tous les remercier chaleureusement et sincèrement. (Applaudissements.)
Une fois n’est pas coutume, je souhaite également remercier les ministres, qui, globalement, ont joué le jeu du débat. Ainsi, pas moins de quatre ministres ont siégé lors de l’examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Je tiens à vous remercier tout particulièrement, monsieur le ministre. Vous avez fait l’intégralité de la première partie de ce projet de loi de finances, en restant avec nous six jours et sept nuits. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.) Depuis sept ans, c’est la première fois que j’observe un ministre réussir cette épreuve ! Et c’était votre premier projet de loi de finances.
Je vous remercie de votre écoute, de vos réponses et vos non-réponses. Les 35 000 communes de France aimeraient connaître le calendrier budgétaire qui s’imposera à elles au 1er janvier.
Pour reprendre les termes du cardinal de Richelieu, qui nous surveille tous dans le salon des messagers, la politique est « l’art de rendre possible le nécessaire ».
Le nécessaire, c’est réduire rapidement notre déficit, le deuxième plus élevé de la zone euro, et commencer à rembourser notre dette, dont la charge d’intérêt explose. (MM. Albéric de Montgolfier et André Reichardt applaudissent.)
L’achoppement des discussions du conseil Écofin sur la révision du pacte de stabilité et de croissance le week-end dernier, tout particulièrement sur les modalités du bras correctif, soit les efforts demandés aux États membres en procédure de déficit excessif, montre combien la position de la France est fragilisée sur la scène européenne du seul fait de ses mauvais résultats économiques.
La majorité sénatoriale a fait de la politique, dans le bon sens du terme. Nous avons été capables de proposer des choix responsables, « à l’euro près ». Ainsi, nous avons choisi de limiter le soutien aux apprentis les plus diplômés ; nous avons recentré les dispositifs de soutien face à la hausse des prix de l’électricité sur les plus modestes. Dans notre esprit, monsieur le ministre, il s’agit bien d’un accompagnement vers la fin de la politique du chèque. Il faudra cependant penser à une réforme, car une partie de la population ne pourra pas payer de manière durable de l’électricité à plus de 220 euros par mégawattheure.
Nous avons également refusé la création d’un paradis fiscal pour la Fifa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.) Nous avons transformé l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune improductive.
Plus de 7 milliards d’euros d’économies ont été votés. Ces économies ne se feront pas au détriment du défi de la transition écologique ou de la croissance. Ce sont de vraies économies, pas des économies de papier. L’effort de redressement des finances de l’État est réel, et non porté exclusivement par la disparition progressive et inéluctable des mesures de crise. Cet effort permet d’avoir un déficit public inférieur à 3 % dès 2025. Notre trajectoire pour la loi de programmation des finances publiques est réaliste, monsieur le ministre !
Lors de la seconde lecture de la loi de programmation des finances publiques, vous aviez indiqué : « Nous faisons le pari de la confiance avec les collectivités territoriales. Nous travaillons à une nouvelle méthode avec les élus locaux. »
Quelle est donc cette méthode ? La non-application du principe « qui décide paie » ? En effet, deux articles de ce projet de loi de finances visent à imposer aux collectivités des exonérations non compensées de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Certes, vous ne partagez pas, personnellement, une telle philosophie.
Vous avez également introduit une réforme des budgets verts pour presque toutes les communes dès 2024, alors que, jusqu’à présent, seules les grandes collectivités l’expérimentaient.
Nous partageons bien évidemment l’objectif ; nous remettons uniquement en cause la méthode.
Le Sénat a voté des dispositions vous permettant de mettre en œuvre ce « pari de la confiance », ce pari de la réussite de l’action décentralisée. Permettez-moi de citer quelques exemples : le fonds climat territorial, l’affectation d’une fraction du produit des quotas carbone aux autorités organisatrices de la mobilité, le maintien du prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf sur l’ensemble du territoire, une meilleure définition des zones France Ruralités Revitalisation (FFR).
Avant de voter en faveur de ce projet de loi de finances, le groupe Les Républicains a quelques regrets, qui ont notamment été exprimés lors des explications de vote de la première partie. Je pense notamment au rejet de la hausse du plafond du quotient familial, alors que la baisse de la natalité est un défi aussi important que celui de la dette ; les deux sont d’ailleurs liés.
Je pense aussi à la hausse de la fiscalité, avec la taxation des hauts revenus et des rachats d’action, l’imposition sur les revenus de l’assurance vie et de l’épargne logement.
Monsieur le ministre, dès à présent, travaillons au PLF pour 2025. Cela évitera les trop nombreux articles additionnels de la navette, ainsi que des discussions en séance publique pour cause d’impréparation et de défaut d’information. Je vous propose d’ores et déjà quelques sujets : la taxe de séjour, la fiscalité de la location de courte durée, les ressources des chambres consulaires, la réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, la réforme de la fiscalité de l’eau.
La condition du succès est le partage de l’information. Quand aurons-nous connaissance des fiches d’évaluation des dépenses fiscales arrivées à échéance ?
Monsieur le ministre, vous trouverez encore face à vous, l’année prochaine, une opposition attentive, mais constructive sur les travées du groupe Les Républicains, pour rendre possible ce qui est nécessaire, pour une France tournée vers l’avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dernier budget de l’État en excédent a été voté fin 1973. C’était il y a cinquante ans, sous Georges Pompidou.
Après les Trente Glorieuses, nous bouclons les « Cinquante Piteuses », avec un déficit de 144 milliards d’euros pour l’année à venir.
François Fillon, alors Premier ministre, avouait en 2011 qu’il était « à la tête d’un État en faillite ». Il y avait alors 1 500 milliards de dettes. Que devrions-nous dire de notre situation actuelle, la dette ayant plus que doublé pour atteindre les 3 000 milliards ?
La seule charge de la dette explosera à 52 milliards d’euros l’an prochain. Elle risque de devenir le premier poste budgétaire, devant l’éducation nationale. Notre endettement représentera près de 110 % du PIB en 2024, alors qu’il était de 98 % en 2017.
Depuis 1973, à défaut de poches de pétrole en France, les gouvernements successifs ont décidé de faire les poches des Français. Et le forage fonctionne à plein régime.
Aujourd’hui, les prélèvements obligatoires en France représentent 48 % du PIB ! Sur 100 euros de production de richesse, 48 euros vont à la sphère publique. C’est 6,3 points de plus que le taux moyen des autres pays européens.
Au vu de ce record, vos marges de manœuvre sont nulles. Vous ne parviendrez pas à désendetter le pays, lutter contre l’inflation et investir pour l’avenir sans remettre en question le système économique actuel de socialisme tentaculaire à l’intérieur du pays (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)…
M. Mickaël Vallet. Si seulement !
M. Stéphane Ravier. … et de libéralisme sans entrave à l’extérieur !
Pour retrouver de la croissance, il faut moins d’impôts et de normes pour développer nos industries, réduites de moitié depuis les années 1970, et moins d’accords de libre-échange, comme celui entre l’Union européenne et le Mercosur, en cours de négociation, ou celui entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande, qui soumettent nos paysans face à une concurrence déloyale.
Aujourd’hui, les impôts de production s’élèvent à plus de 100 milliards d’euros, soit quatre fois plus qu’en Allemagne. Pour répondre à cela, votre gouvernement, qui survit grâce à sa perfusion permanente de 49.3, a daigné supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, et pour cause ! Cette baisse d’impôts viendra grever non pas son train de vie, mais le budget des collectivités territoriales, déjà exsangue. C’est tout bonnement irresponsable !
Il n’y a plus d’État stratège, plus d’investissement stratégique, malgré un haut-commissariat au plan, pas de réindustrialisation viable, pas de plan d’infrastructures.
L’État doit se réformer pour parvenir à un libéralisme national : libérer à l’intérieur et protéger à l’extérieur.
Emmanuel Macron avait promis « 60 milliards d’économies par an » en 2017 ; il a aggravé la dette de 700 milliards d’euros. Édouard Philippe a parlé d’« addiction française à la dépense publique », et nous avons eu le « quoi qu’il en coûte » macronien, pour que, in fine, le ministre de l’économie finisse par planter le dernier clou dans le cercueil du mythe du Mozart de la finance, en avouant que nous sommes finalement « à l’euro près ». (Marques d’impatience sur les travées des groupes SER et RDPI.)
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Ravier. En tant que sénateur, dont la fonction est celle de contrôler ce que vous faites de l’argent du contribuable, je m’opposerai bien évidemment à ce projet de loi de finances pour 2024. (Au revoir ! sur les travées des groupes SER et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce dimanche, Javier Milei est officiellement devenu le nouveau président de la République argentine. C’est la première fois qu’un candidat autoproclamé « libertarien » arrive aux plus hautes responsabilités. (Mme Audrey Linkenheld manifeste son mécontentement.)
M. Roger Karoutchi. Il a été élu…
M. Emmanuel Capus. Le populisme et le dégagisme ont trouvé un nouveau carburant : la réduction radicale des dépenses publiques.
Une image a marqué la campagne de Milei. On le voit rugir comme un fou en brandissant une tronçonneuse. Le nouveau président promet de juguler l’inflation en tronçonnant la dépense publique. Le message est on ne peut plus clair : « Ça va saigner ! »
Dans la première interview qu’il a donnée après son élection, Milei a déclaré : « L’équilibre budgétaire est non négociable. C’est zéro déficit. Si un ministre présente un budget en déficit, je le vire. »
Je veux rassurer tous mes collègues qui redoutent sans cesse « l’Internationale de l’ultralibéralisme ». (Exclamations sur les travées du groupe SER.) La France en est encore loin ! Il faudrait d’abord qu’elle se réconcilie avec le libéralisme. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Le projet de loi de finances pour 2024 n’a rien d’un budget à la tronçonneuse ; c’est le moins que l’on puisse dire. C’est un budget pragmatique, qui nous ramène lentement, mais sûrement dans les clous de nos engagements européens.
Les dépenses ont augmenté, la dette aussi, mais le déficit est contenu en deçà de 4,5 %, et l’inflation est limitée à 2,6 %.
On est loin de l’austérité qui s’annonce sous les cieux argentins. Le texte du Gouvernement place la France sur une trajectoire raisonnable, qui nous laisse encore espérer un retour à la normale sans ajustement brutal.
La commission des finances a proposé d’accélérer un peu le rythme. Monsieur le ministre, si vous choisissiez de suivre le train sénatorial, vous arriveriez un peu plus vite à votre objectif de maîtrise des dépenses publiques.
Nous vous avons fait de nombreuses propositions pour limiter la hausse des dépenses. C’est le cas sur la mission « Travail et emploi », dont j’ai l’honneur de rapporter les crédits avec ma collègue Ghislaine Senée.
Le recentrage de l’apprentissage sur les artisans et les PME permettrait de réaliser 725 millions d’euros d’économies par an. Cela mérite que l’on s’y intéresse. Si je m’attarde un instant sur ce point, c’est qu’il me paraît important.
Vous connaissez, monsieur le ministre, l’attachement du groupe Les Indépendants à l’apprentissage, que j’ai toujours salué et défendu, depuis 2017, au nom de la commission des finances du Sénat. Je serai très clair : l’essor de l’apprentissage est une victoire économique et culturelle décisive pour la France.
Cependant, on ne peut pas vouloir rompre avec le « quoi qu’il en coûte » sans optimiser l’utilisation des deniers publics. En l’occurrence, l’essentiel est de soutenir les artisans et les PME qui recrutent et forment des apprentis, plutôt que de risquer d’entretenir une aubaine pour les grands groupes.
Je ne sais pas si vous retiendrez cette mesure. J’espère en tout cas qu’elle contribuera à renforcer et à pérenniser l’apprentissage, qui est une chance pour tous nos jeunes. Je souhaite que cette disposition offre l’occasion d’une concertation avec les partenaires sociaux.
Je profite de cette occasion pour saluer M. le rapporteur général, qui a proposé plusieurs pistes pour réduire nos dépenses publiques. Notre groupe soutient cette démarche, notamment s’agissant de la maîtrise de la masse salariale de l’État.
Sur l’initiative de la commission des finances, le Sénat propose d’économiser 150 millions d’euros en réduisant les effectifs des opérateurs de l’État. Charge désormais au Gouvernement d’identifier les opérateurs qui pourront faire mieux avec moins.
Il est nécessaire de réaliser ces économies, même si aucune économie n’est jamais populaire. C’est le prix à payer pour continuer à investir dans les missions régaliennes de l’État.
Je l’ai dit au début de l’examen du projet de loi de finances, notre groupe soutient le renforcement de l’État dans ses missions régaliennes.
Je me réjouis à cet égard de la hausse significative des budgets de la défense, des forces de l’ordre et de la justice. Si nous voulons rétablir l’autorité de l’État, il faut nous en donner les moyens.
Alors que les menaces se multiplient, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, ce réarmement matériel est indispensable, car c’est un préalable au réarmement moral dont nos démocraties fatiguées ont tant besoin.
Réaliser des économies là où c’est possible pour investir là où c’est indispensable : telle est, mes chers collègues, la ligne que notre groupe a tenté de suivre tout au long de l’examen de ce projet de loi de finances pour 2024.
C’est pourquoi, dans un esprit de responsabilité, nous avons voté la majorité des économies proposées par la commission.
Toutefois, toutes les économies ne sont pas bonnes à prendre. Le rejet de plusieurs missions importantes, au premier rang desquelles les missions « Immigration, asile et intégration » et « Cohésion des territoires », ampute le budget de l’État de manière artificielle.
Je regrette que la majorité sénatoriale n’ait pas fait de propositions pour adopter tous les crédits.
M. Loïc Hervé. Si ! Nous en avons fait, des propositions !
M. Emmanuel Capus. Ne pas adopter certaines missions, c’est ne pas assumer certains défis. Parce qu’il manque de crédits, je crains que le budget ne manque finalement de crédibilité.
Cela me fait penser à une autre image qui a marqué la campagne du nouveau président argentin. On le voit passer devant un tableau où sont annotés les différents ministères de son pays. Un à un, il arrache les post-it en criant : « ¡ Afuera ! », ce qui signifie : « Dehors ! »
C’est ainsi que les populistes s’attaquent à réduire la dette publique. Mes chers collègues, je pense qu’il existe un chemin plus raisonnable pour rétablir nos comptes. Le groupe Les Indépendants salue les économies présentées dans ce budget, mais regrette le rejet de certains crédits. C’est pourquoi, dans sa majorité, il s’abstiendra sur ce texte.
Puisqu’il me reste quelques secondes, je salue M. le président de la commission des finances de la bonne tenue de nos débats, malgré près de 4 000 amendements déposés cette année, ainsi que M. le rapporteur général et M. le ministre, dont l’assiduité et l’écoute ont été soulignées. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Canévet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste est particulièrement préoccupé par l’état des finances publiques. Voilà dix ans, si l’on rapporte la dette au PIB, il y avait sept pays de la zone euro derrière nous. Aujourd’hui, il n’y en a plus que deux : l’Italie et la Grèce.
Vincent Delahaye a souvent eu l’occasion ici de solliciter la règle d’or. Nous devrons sans doute y réfléchir et la mettre en œuvre si nous voulons restaurer la capacité d’action de notre pays.
Dans le cadre du débat, le groupe Union Centriste avait deux objectifs : d’une part, améliorer les recettes pour améliorer la situation financière de l’État ; d’autre part, maîtriser les dépenses.
Les propositions centristes permettent d’améliorer de 2,1 milliards d’euros environ les recettes de l’État. Pour ce qui concerne la maîtrise des dépenses, nous avons proposé de réaliser un effort de 7 milliards d’euros.
Les collègues de mon groupe ont été très offensifs sur les questions d’habitat.
Lana Tetuanui a évoqué l’habitat en outre-mer.
Guislain Cambier a rappelé un besoin de 5 millions de logements dans les dix ans à venir. À l’heure actuelle, nous observons que le nombre de permis de construire a diminué de 28 %, le nombre de crédits de 40 % et le nombre de transactions de 38 %.
Denise Saint-Pé a évoqué la nécessité de la concrétisation de la rénovation énergétique.
Jean Hingray s’est intéressé aux besoins en matière de logement étudiant.
Françoise Gatel s’est penchée sur les besoins des collectivités territoriales en matière de financement pour la rénovation de l’ensemble du bâti.
Jean-François Longeot a sollicité une meilleure programmation pluriannuelle sur différents éléments, comme la biodiversité, les relations entre l’État et les collectivités territoriales, ainsi que la transition énergétique.
En matière d’enseignement, Anne-Sophie Romagny a évoqué la réussite de l’apprentissage, tout en rappelant les difficultés financières de France Compétences.
Annick Billon a rappelé les résultats – hélas ! – particulièrement décevants de notre pays au regard des classements internationaux, résultats à remettre dans un contexte d’obtention du baccalauréat par 90,7 % des lycéens ; c’est dire l’écart entre les résultats français et les comparaisons internationales.
En matière d’économie, plus de 400 types d’aide existent. Il est temps de rationaliser les choses, par souci d’efficacité. En effet, nombreux sont ceux qui ont le sentiment que les aides vont toujours aux mêmes.
À cet égard, Daniel Fargeot a évoqué la place des réseaux consulaires, ainsi que, en matière d’agriculture, la nécessité du renouvellement des générations et de l’amélioration du revenu des agriculteurs.
Yves Bleunven a rappelé la nécessité d’une évaluation du soutien à l’investissement productif.
Vincent Capo-Canellas a souligné la nécessité de l’évaluation des actions du plan de relance.
Brigitte Devésa a insisté sur l’impact de la réforme de France Travail sur l’emploi, qu’il conviendra d’évaluer.
Dans le domaine social, notre collègue Nadia Sollogoub a fait montre d’une ambition en matière de santé. Elle a également souhaité que l’appellation « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » évolue vers « Monde combattant ».
Jocelyne Guidez a rappelé les besoins en matière d’aide alimentaire.
À propos de l’administration, Jean-Michel Arnaud a évoqué les difficultés à obtenir des titres sécurisés. Je pense aux titres de séjour, aux titres d’identité, ainsi qu’aux permis de conduire.
Olivia Richard a regretté les délais de traitement de la justice administrative.
Philippe Bonnecarrère a souligné des résultats particulièrement décevants en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, rappelant notamment qu’il existe aujourd’hui plus de 180 titres de séjour différents dans notre pays. Une rationalisation s’impose donc aussi en la matière.
Claude Kern a évoqué la promotion du sport-santé.
Olivier Cigolotti, les difficultés à recruter dans le domaine militaire, malgré l’augmentation des crédits.
Olivier Cadic et Philippe Folliot se sont appesantis sur la francophonie, qu’il convient de promouvoir.
Catherine Morin-Desailly a appelé l’attention sur le financement de l’audiovisuel, qui ne peut pas continuer à s’appuyer sur le recours au fonds de compensation de la TVA (FCTVA).
Sonia de La Provôté a insisté sur la nécessité d’une stratégie en direction du patrimoine et s’est inquiétée du devenir des écoles supérieures d’art.
Enfin, je veux rappeler deux avancées notables : celle de Bernard Delcros pour ce qui concerne France ruralités revitalisation et celle de Françoise Gatel s’agissant de la prise en compte des communes nouvelles.
Comme vous pouvez le constater, l’apport des centristes a été particulièrement important. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Cet apport a concerné non seulement les dépenses, mais aussi les recettes. Monsieur le ministre, en la matière, il faut vraiment que vous écoutiez nos propositions.
Nathalie Goulet (Applaudissements sur les mêmes travées.) a formulé de nombreuses propositions pour lutter contre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale. Il est nécessaire d’agir plus vigoureusement en la matière, faute de quoi nous irons au-devant des difficultés.
Bernard Delcros vous a proposé une contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus et la taxation des rachats d’actions par les grandes sociétés, qui sont très régulièrement décriés. Ce sont des propositions concrètes !
Sylvie Vermeillet vous a proposé de transformer l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune improductive. Encore une proposition très concrète !
Notre groupe vous a également proposé la suppression d’un certain nombre de niches fiscales. N’ayons pas peur d’avancer à la matière, car il faut être plus juste et plus égalitaire. Tel est le sens de notre vote. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC. – Plusieurs membres de ce groupe se lèvent et applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Grégory Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le « monde d’après » est désormais sous nos yeux. Nos débats n’y ont pas échappé ; ils ont clairement tourné autour de trois enjeux.
Tout d’abord, nous sommes entrés dans un nouveau cycle au niveau monétaire. Il nous faut à présent anticiper des chocs d’inflation à répétition, la moindre étincelle diplomatique étant susceptible de mettre le feu aux liquidités massivement injectées depuis 2008.
Avec le resserrement monétaire, les politiques budgétaires sont désormais au centre des politiques économiques. Or, de ce point de vue, un déficit de 150 milliards d’euros, soit la moitié des recettes nettes de l’État, impacte nos marges de manœuvre.
Au niveau social, l’accès au logement, l’habitat et les mixités se trouvent au cœur des tensions nées de l’accentuation, d’une part, des mobilités intrafamiliales, professionnelles, migratoires et culturelles, et, d’autre part, des angoisses sociales nées du terrorisme, de la guerre, du choc des pandémies.
Enfin, au niveau environnemental, la planète a franchi six des neuf limites vitales, et l’effort n’est pas suffisant pour y faire face. Les accords de Paris fixaient la limite à +1,5°degré. Nous allons vers +3°degrés, et le Gouvernement nous enjoint de nous préparer à +4°degrés ! Il faut donc poursuivre un effort intense pour éviter le réchauffement, mais aussi, et surtout, nous adapter en urgence.
Selon le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, d’ici à 2040, 66 milliards d’euros par an seront nécessaires. Le Fonds monétaire international (FMI) avance les mêmes ordres de grandeur. Or, dans les faits, nous n’y consacrons même pas la moitié de cette somme.
Face à ces défis, que propose le Gouvernement ?
Certes, il propose d’amorcer un virage pris avec la planification écologique, et c’est une première. Mais, avec seulement 7 milliards d’euros – et encore, en recyclant des crédits –, on est très loin du compte. Les inégalités sociales et patrimoniales ne font l’objet d’aucune correction : au contraire !
Fondamentalement, tout cela se traduit par une doxa : « stabilité fiscale », ce qui, au passage, entretient une confusion supplémentaire – et c’est là le plus grave – entre stabilité du système fiscal et stabilité du niveau des prélèvements obligatoires. Or ni l’un ni l’autre ne résiste aux faits.
Notre système fiscal va se prendre de plein fouet la nécessaire transition écologique, à l’image de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont le rendement, selon le Trésor lui-même, va baisser de 13 milliards d’euros d’ici à 2030.
De ce point de vue, refuser d’amorcer structurellement le virage de la fiscalité écologique est coupable : coupable pour ce qui est de la planète et de la protection face aux aléas climatiques, mais coupable aussi pour ce qui est du bon état des finances publiques ! Qu’attendez-vous, monsieur le ministre ? Pourquoi n’engagez-vous pas dès maintenant un véritable virage fiscal en donnant à chacun une visibilité pluriannuelle ? Le rôle d’un État, c’est de prévoir le changement et de sécuriser ceux qui vont le vivre.
De même, avoir pour objectif la stabilité du niveau de prélèvement est une erreur capitale. Il faudrait dégager près de 120 milliards d’euros supplémentaires pour être au rendez-vous et du déficit, et de la transition écologique, et du service de la dette, qui va croître de 35 milliards d’euros d’ici à trois ans.
Dans ce contexte, vous décidez de maintenir vos objectifs de baisse des impôts, notamment de production, sans dire par quoi cette baisse va être compensée. Par l’impôt sur la consommation ? Par l’impôt sur le revenu ? Par l’impôt sur le patrimoine ? Ou en alourdissant encore davantage la charge qui pèse sur les seuls actifs, comme lors de la dernière réforme des retraites ? Ce n’est pas clair !
Nous avons besoin d’un État stratège qui détermine des orientations, mobilise les moyens appropriés et fixe un cap et définisse un projet.
Une politique financière ne fait pas une politique budgétaire, encore moins une politique économique, et encore moins une politique de transition écologique.
De son côté, comment le Sénat a-t-il traité ce PLF ?
Là aussi, pas de modifications structurelles : la majorité sénatoriale a fait sienne la confusion entre stabilité fiscale et stabilité du niveau des prélèvements. Elle a même voté plusieurs amendements non gagés qui enfanteront du déficit et de la dette, à l’image de la reprise du dispositif dit « Balladur » sur le logement. Faire baisser les impôts pour quelques-uns par la dette pour tous est à nos yeux inacceptable.
Certes, ce budget contient des avancées timides, que nous accueillons favorablement : la salutaire correction de malfaçons fiscales – révision de l’imposition des meublés de tourisme, taxation des rachats d’actions –, mais aussi le renforcement du soutien aux collectivités locales, via la dotation globale de fonctionnement (DGF), les fonds de péréquation ou encore la dotation bioclimatique, dont la création était une proposition historique du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Mais mes collègues et moi-même avons formulé d’autres propositions. Face au défi environnemental, nous devons repenser en profondeur ce que signifie le consentement à l’impôt : il y a là – nous le savons bien – une question démocratique de premier ordre. Faire l’autruche ne fera qu’empirer le problème.
À cet égard, vu la situation dégradée des finances publiques, que chacun ici souligne, nous ne partageons pas l’idée selon laquelle il faudrait baisser les impôts de production. Il faut les repenser, sans doute, mais non les baisser pour les baisser. De même, la fiscalité sur le patrimoine doit être revisitée, car il n’y a pas d’autre voie que de prélever les richesses qui dorment, non de manière confiscatoire, mais de manière équitable et efficace. Sans ressources nouvelles, en effet, on échouera. L’impôt sur la fortune (ISF) climatique, qui a été refusé par la majorité sénatoriale, est le symbole d’une telle mobilisation ; vous n’aurez d’autre choix que d’y venir !
La dette n’est pas un tabou si et seulement si elle permet d’abord de financer l’essentiel avant de baisser les impôts. Vous procédez à l’inverse, ce qui est, selon nous, un contresens économique, social et écologique.
Enfin, dans cette période de crise, nous avons proposé de mieux soutenir le logement social. Ce modèle a fait ses preuves en 2008, au moment de la crise de la promotion immobilière, et il est le meilleur levier là où il s’agit de construire sans délai. Les Français attendent des toits à tarifs abordables et construits dans le respect de la planète. Pour innover, pour aider les élus locaux, pour montrer que le « zéro artificialisation nette » (ZAN) est possible, le meilleur outil, c’est le logement social.
Sur tous ces sujets, nous avons proposé des solutions à la fois pragmatiques et plus ambitieuses. Elles ne sont pas retenues ; c’est donc en toute cohérence que nous voterons contre ce projet de budget.
Je conclus en saluant le président et le rapporteur général de la commission des finances, ainsi que l’ensemble des agents qui ont contribué à la préparation de ces débats. Monsieur le ministre, mes chers collègues, 2024 va s’ouvrir et, comme le dirait l’un des collègues de notre groupe, c’est maintenant que cela se « corse » ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Plusieurs sénatrices et sénateurs des groupes SER et CRCE-K applaudissement également.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre – j’aurais aimé pouvoir dire « messieurs les ministres » –, mes chers collègues, à l’aune d’un scrutin d’une telle importance pour l’avenir de notre pays, il est indispensable de se demander dans quel contexte intervient notre vote. À rebours de ce qu’affirment les ministres, en 2023, un quart des ménages ont vécu à découvert en fin de mois pendant au moins trois mois consécutifs ; près de quatre Français sur dix ont renoncé à des soins alors qu’ils en avaient besoin ; la Banque de France prévoit un effondrement de l’investissement des ménages : –5,8 % en 2023, –5,9 % en 2024 !
L’État social continue donc de se dégrader.
L’année 2023 a été celle d’une vulnérabilité climatique jamais atteinte, et qui touche plus sévèrement les plus modestes. Aussi une seule question mérite-t-elle d’être posée : ce projet de loi de finances va-t-il améliorer la vie des gens ?
La réponse est non, pour trois raisons.
Première raison : la limite démocratique inhérente à ce projet.
Nous avons là en effet un texte qui a été pensé sans la représentation nationale. Je vous cite, monsieur le ministre, à propos – précisément – du budget : « J’assume qu’on ait besoin du 49.3 ». C’était le 9 octobre, soit huit jours avant l’ouverture du débat à l’Assemblée nationale !
Élaborant son texte, le Gouvernement a par ailleurs ignoré les alertes émanant des citoyens, des syndicalistes, des maires et des grandes associations de solidarité.
Bien entendu, mes chers collègues, nous avons eu, au Sénat, un débat financier. Mais il a été en partie biaisé par des combinaisons politiques à visée électorale et par l’expression de prétentions individuelles imputables au quinquennat et au fait que les législatives dépendent de l’élection présidentielle.
Ce sont tous ces éléments qui ont conduit notre groupe à déposer une motion tendant à opposer la question préalable. Celle-ci ayant été rejetée, nous avons proposé l’élaboration d’un contre-budget d’initiative citoyenne constitué de plus de 150 propositions de recettes, mais aussi de relance de l’économie, des services publics et du pouvoir d’achat.
Certaines de ces propositions ont été adoptées. Je pense au renforcement de la taxation des rachats d’actions, à la lutte contre les logements vacants, à la suppression des cadeaux fiscaux aux fédérations sportives internationales et à quelques gestes sur la fraude fiscale. Nous nous félicitons de ce travail.
Mais, dans l’ensemble, nos propositions et celles des autres composantes de l’opposition de gauche ont été refusées par le Gouvernement et par la droite, main dans la main ; excusez-moi de vous le dire, mes chers collègues !
C’est bel et bien qu’il y a un clivage, et que ce clivage oppose gauche et droite, c’est-à-dire deux visions de la société.
Ce constat m’amène à la deuxième raison pour laquelle nous voterons contre ce texte.
Le ministre Le Maire, candidat permanent et, au Sénat, absent permanent (Rires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Mickaël Vallet s’esclaffe également.), déclarait : « Ce budget représente la fin d’une époque, celle du “quoi qu’il en coûte” ». « Le temps des économies est venu », ajoutait-il.
La question est : quelles économies et pour qui ?
Pour ce qui est du bouclier énergétique, on totalise 2,3 milliards d’euros de perdus pour les ménages, alors que la hausse des prix de l’énergie continuera en 2024, à hauteur de 10 %. Dans le même temps, les grands groupes du secteur de l’énergie, eux, vont bénéficier d’aides du Gouvernement : 42 milliards d’euros !
Côté collectivités, et nonobstant le discours sur l’augmentation de la DGF, l’exercice financier se traduira par d’importantes pertes financières : pas d’indexation de la DGF sur l’inflation, ce qui veut dire, en euros courants, une baisse de 5,6 milliards d’euros tous transferts confondus ; poursuite de la suppression de 19,6 milliards d’euros de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ce qui veut dire, pour les communes, perte potentielle de la dynamique afférente.
Cet affaiblissement de l’action publique a été aggravé par la droite sénatoriale, c’est-à-dire par vous, chers collègues !
Mission « Administration générale et territoriale de l’État » : –4,7 milliards d’euros ; mission « Immigration, asile et intégration » : –2 milliards d’euros ; mission « Plan de relance » : –1,4 milliard d’euros ; compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » : –4 milliards d’euros ; et, surtout, mission « Cohésion des territoires » : –19 milliards d’euros !
Les projets du Gouvernement et de la droite se confondent, autour d’un même centre de gravité : des économies sur les ménages, les services publics et l’égalité territoriale, mais non sur les actionnaires ni sur les hauts revenus.
Les économies se font aussi contre la planification écologique. En la matière, monsieur Cazenave, je suis obligé de vous donner raison ; je vous cite : « Nous sommes loin de la révolution écologique. » Là-dessus, soyons justes, il est impossible de douter de votre franchise… (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
J’en viens à la dernière raison de notre vote contre : elle est motivée par l’adage classique : « Socialisation des pertes et privatisation des profits ». Autrement dit, vous faites le choix de la dette au détriment de l’impôt.
S’endetter peut être utile pour investir : c’est ce qu’on appelle une dette saine. Mais le problème est l’ampleur et la structure de la dette ! D’une part, il existe 1 800 à 2 000 dispositifs d’aide aux entreprises, dont 56 % seraient des subventions, 5 % des allégements fiscaux. D’autre part, la dette vient aussi en grande partie du refus d’une fiscalité juste et progressive pour tous.
Pour la très grande majorité de nos concitoyens, le système fiscal français est progressif. Toutefois, à partir des 0,1 % les plus riches, il devient dégressif, le taux moyen d’imposition chutant à 26 % pour les 0,0002 % les plus fortunés.
Voilà d’où viennent la dette et le déficit !
Avec 145 milliards d’euros de déficit et 280 milliards d’euros d’endettement, nous atteignons un record.
Il faut clairement parler d’une dépendance aux marchés financiers. Cette bulle a été créée par les intérêts de la dette, qui produisent une fragilité de l’État. L’argent prend alors le dessus sur nos valeurs, ces trois valeurs qui nous lient : liberté, égalité, fraternité ! Or, je le dis, l’argent ne fait ni la Nation ni la démocratie.
Je note aussi que la dette privée des entreprises, et entre entreprises, un tabou – on n’a jamais le droit d’en parler –, représente 162 % du PIB, contre 105 % en moyenne dans la zone euro.
La dette publique, à côté, fait pâle figure. Se déresponsabilisant, le Gouvernement fait le choix de la décentraliser – eh oui ! – et d’en faire supporter le poids par les collectivités et par les salariés, qui n’en sont pourtant pas responsables.
Nous voterons contre ce budget, car il n’améliorera pas la vie quotidienne des Français. Il ne réglera pas la crise énergétique ni ne désamorcera la bombe sociale qui commence à s’abattre devant nous, j’ai nommé la crise du logement.
S’il y a bien un changement dans la politique de l’exécutif, c’est que le Gouvernement vient de s’extraire de la gestion des urgences.
Le Gouvernement et la droite sénatoriale se sont finalement entendus, hier tard dans la nuit, en votant un article d’équilibre dont le solde est amélioré de 42 milliards d’euros. Tout était déjà réglé, entre pacte de fond et faux-semblant de conflit. (M. le ministre délégué le conteste.)
Conclusion : la droite n’a pas d’autre budget que celui du Gouvernement.
Les citoyens, les syndicats, les associations et l’opposition de gauche, eux, en ont un. Il n’est ni irréaliste ni extrémiste : il est nécessaire ! (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
L’année 2024 sera peut-être celle de résistances nouvelles, populaires, larges et unitaires ; et alors, je vous le dis, tout est possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER. – M. Daniel Salmon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi s’achève le marathon budgétaire consacré au projet de loi de finances pour 2024. Mais, contrairement au marathon olympique, dont la distance est immuable, celui-là ne cesse de s’allonger, année après année, en raison du nombre croissant d’amendements déposés.
Le droit d’amendement est un droit fondamental du parlementaire, sur lequel il serait dangereux de revenir. Mais peut-être faudra-t-il encore modifier notre règlement étant donné la contrainte de durée qui encadre l’examen de la loi de finances.
En attendant, je me félicite que les règles relatives à la durée programmée d’examen de chaque mission aient été respectées par tous les groupes, sous la vigilance permanente et bienveillante – il faut bien le dire – du président de la commission des finances, que je remercie, comme je remercie le rapporteur général et le ministre de leur présence assidue, leur pédagogie et leur écoute.
M. Mickaël Vallet. Manquerait plus qu’ils mordent…
M. Christian Bilhac. Le Sénat a apporté au texte présenté par le Gouvernement de nombreuses modifications dont il faut se féliciter. Concernant la partie recettes, je tiens à souligner les avancées inscrites dans le texte par le Sénat : plus de 1,5 milliard d’euros au bénéfice des collectivités territoriales.
Je veux citer, à titre d’exemples, l’abondement d’un fonds d’urgence destiné à aider les collectivités touchées par des inondations et une dotation incendie pour les communes rurales ; la revalorisation de la DGF ; la prolongation du filet de sécurité énergétique pour les collectivités ; une dotation supplémentaire pour les départements ; l’attribution de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL), aux communes de moins de 1 000 habitants sans condition de ressources, 3 000 nouvelles communes y étant désormais éligibles.
Quant au zonage France Ruralités Revitalisation (FRR), il est une avancée pour la ruralité. Le groupe du RDSE regrette néanmoins le rejet de son amendement pour le beau département du Lot, qui s’en trouve exclu, à quelques habitants près, en raison d’un problème de procédure. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous. C’est donc acquis ?… Je vous remercie ! (Rires aux bancs du Gouvernement et des commissions.)
Les dotations sont confortées pour les chambres consulaires, essentielles à nos territoires : chambres d’agriculture, chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat.
Je n’oublie pas l’élargissement à tout le territoire du prêt à taux zéro, qui permettra de soutenir l’accession à la propriété et le secteur du logement.
Concernant la seconde partie du budget, c’est-à-dire le volet dépenses, la plupart des missions ont été adoptées après avoir été amendées par le Sénat. Ont été rejetés, en revanche, les crédits des missions « Cohésion des territoires », « Plan de relance, « Administration générale et territoriale de l’État », « Immigration, asile et intégration » et « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que ceux du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Si les amendements proposés par le Gouvernement et adoptés par le Sénat ont toutes les chances d’être conservés dans l’hypothèse probable où un 49.3 serait déclenché à l’Assemblée nationale, on peut s’interroger sur le sort qui, le cas échéant, serait réservé aux amendements déposés par les sénateurs en séance ou en commission.
Il convient de noter que le Sénat a fait preuve de responsabilité dans l’examen de ce texte : si de nombreuses avancées ont été votées, en particulier en faveur des collectivités territoriales, le déficit global, lui, a été réduit par rapport au texte initial du Gouvernement.
Reste que ce déficit devient de plus en plus inquiétant, d’autant que la charge de la dette va être encore aggravée, dans les années à venir, par la hausse des taux d’intérêt.
Voilà trois ans que je siège dans cette assemblée ; lorsque j’examine avec du recul les événements que nous avons connus depuis lors – la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, l’envolée des prix de l’énergie –, je m’aperçois qu’ils ont rendu toutes les prévisions obsolètes avant même que l’encre n’ait eu le temps de sécher sur le papier. Faudra-t-il faire appel demain, pour voir dans l’avenir, à la boule de cristal ou au marc de café ? (Sourires.)
À l’heure où je m’exprime, il semblerait que les prévisions gouvernementales soient optimistes, mais, compte tenu de ce que je viens de dire, le conditionnel s’impose en la matière.
En ce qui concerne la fiscalité, je me dois de rappeler que les collectivités locales ont de moins en moins d’autonomie fiscale et que désormais l’État ne conserve plus que le tiers du produit de la TVA.
M. Christian Bilhac. Le coût global de la dette de la France dépasse les 54 milliards d’euros et nous devons collectivement nous en inquiéter. Lorsqu’on doit aller voir son banquier tous les mois, c’est que l’on est à sa merci ; c’est une évidence !
Au risque de me répéter, ce n’est pas sur les services publics qu’il faut s’acharner, car la population en a besoin ; c’est à notre suradministration, pléthorique et paralysante, qu’il convient de s’attaquer.
Enfin, avec les collègues de mon groupe, je me réjouis qu’une quinzaine de nos amendements aient été adoptés.
Je souligne aussi que, sur certaines missions, des amendements ont été retirés en échange de l’engagement du Gouvernement à régler les problèmes soulevés. Ainsi du financement des contrats d’apprentissage dans les collectivités – un accord a été annoncé avec le Centre national de la fonction publique territoriale (M. le ministre délégué le confirme.) – ou encore de l’harmonisation des allocations viagères perçues par les veuves de harkis. Dans les deux cas, nous avons retiré nos amendements devant l’engagement du Gouvernement.
Je voterai ce projet de loi de finances pour 2024, et le groupe RDSE se partagera entre approbation et abstention. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Bernard Buis et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début du mois d’octobre, nos collègues du groupe Les Républicains nous ont promis un contre-budget, un budget responsable, un budget d’équilibre, le budget d’une majorité sénatoriale à la hauteur de ses responsabilités.
À l’issue de nos soixante-dix heures de débats, ce contre-budget, le voilà, et il est temps de faire les comptes. Je vous assure que l’on n’est pas déçu du voyage !
M. Roger Karoutchi. Eh bah alors !
M. Didier Rambaud. Relisant votre manifeste d’il y a deux mois (L’orateur brandit un document.), j’y ai trouvé trente-quatre pages traçant un chemin exigeant vers la promesse d’un lendemain meilleur : trente-quatre pages pour le renforcement de l’État, la fin des petites économies, le retour d’une véritable politique familiale de droite ; trente-quatre pages d’économies sur le revenu de solidarité active (RSA), l’aide médicale de l’État (AME), l’hébergement d’urgence et l’aide publique au développement.
Je vous invite tous à le lire, mes chers collègues : c’est beau, c’est bleu, c’est grand !
M. Marc-Philippe Daubresse. Soyez modeste !
M. Didier Rambaud. Le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix, défendait ce projet comme un rempart à « la politique du chien crevé au fil de l’eau », reprenant ainsi l’expression d’André Tardieu, qui fut trois fois président du Conseil sous la IIIe République.
M. Marc-Philippe Daubresse. Nous ne sommes pas à l’Assemblée !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est le Sénat, ici !
M. Didier Rambaud. Si cette République sombra dans la valse des cabinets, c’est dans une autre valse, celle des milliards, que votre budget aura fini de sombrer. (Excellent ! et applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
Je dis quelques mots sur la première partie.
Dès le début de l’examen du texte, l’amendement du président Retailleau sur le quotient familial a été rejeté par vos amis centristes, rejet bientôt suivi d’un nouveau revers pour le groupe majoritaire, sur l’assurance vie. Autrement dit, vous êtes victimes de votre majorité relative ; eh oui, vous aussi !
M. Marc-Philippe Daubresse. Quelle modestie, décidément…
M. Didier Rambaud. On ne compte plus les taxes nouvelles votées à votre corps défendant par vos amis centristes, sans compter les nombreuses créations de niches fiscales.
Cette première partie, ce n’est pas votre budget, c’est le manifeste politique de l’Union Centriste ; reconnaissons-le !
Si la première partie se résume à des critiques injustifiées, qui sont le symptôme de vos incohérences, la seconde partie démontre l’irresponsabilité de la majorité sénatoriale (Huées sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)…
M. Jacques Grosperrin. Et le 49.3 ?
M. Didier Rambaud. … et met en lumière nos désaccords.
M. Marc-Philippe Daubresse. Il s’appelle « Rambaud » : c’est toujours la même histoire…
M. Didier Rambaud. Les crédits du sport supprimés, l’année même des jeux Olympiques ; aucun budget pour la politique migratoire ; rejet en bloc de la mission « Cohésion des territoires » et, corrélativement, disparition de la politique du logement ; fin de la mission « Plan de relance » ; et j’en passe !
M. François Patriat. Très bien !
Mme Sophie Primas. Vous voulez qu’on parle de la Fifa ?
M. Didier Rambaud. Les crédits de toutes ces missions ont été rejetés, pour des raisons que je peine encore à comprendre. Vous nous dites qu’il s’agit de marquer un désaccord politique ; mais vous pouviez proposer un contre-budget ! Telle était d’ailleurs votre ambition de départ, que vous n’avez cessé de répéter dans la presse.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pas du tout !
M. Didier Rambaud. Mais, au pied du mur, vous n’avez su construire une alternative crédible.
Ne nous y trompons pas : si vous avez une majorité, vous êtes responsables du texte que vous rendez.
Vous demandez que les apports du Sénat soient conservés. Or on ne sait même plus vraiment de quoi vous parlez. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Quelle mauvaise foi !
M. Didier Rambaud. De la disparition comme par magie de la dette covid ? Doit-on comprendre que, l’ayant retirée du texte, vous nous en avez débarrassés ? Voilà qui, comme par miracle, vient améliorer encore votre solde… La gauche en a rêvé, vous l’avez fait !
M. Jacques Grosperrin. On sent les marcheurs fâchés et blessés !
M. Didier Rambaud. Voulez-vous plutôt parler des centaines de milliers de postes de fonctionnaires supprimés ? Du reste, on ne sait pas même où vous les supprimeriez. Dans l’éducation nationale ? Dans la police ? Chez les magistrats ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous n’allez pas être déçu !
M. Didier Rambaud. Chacun peut consulter votre amendement, il est public. Vous n’avez pas eu le courage d’aller au-delà de la formule incantatoire et de nous dire où vous voudriez supprimer ces postes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Grégory Blanc et Thomas Dossus ainsi que Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)
M. Jacques Grosperrin. C’est Rambaud, pas Rimbaud, hélas !
M. Didier Rambaud. Monsieur le rapporteur général, mettons que, demain, vous soyez aux responsabilités.
Mme Pascale Gruny. Vous, vous y êtes : c’est triste…
M. Didier Rambaud. Je veux bien croire que dans un an ou deux les comptes seraient rétablis. Mais à quel prix ? Il n’y a plus de stratégie d’ensemble : chacun y va de son petit amendement, et des pans entiers du budget sont passés par pertes et profits pour financer les quelques dépenses consenties au profit de votre électorat. C’est cela que vous appelez un État fort, au rendez-vous des défis du siècle ?
L’irresponsabilité coûte cher, surtout quand elle préside aux décisions de toute une famille politique.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez écrit cela avant-hier ?
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est le crépuscule de Renaissance…
M. Didier Rambaud. « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains », écrivait Péguy. Le groupe LR aura bientôt un budget à l’équilibre, mais il n’a pas de budget. (Rires sur les travées du groupe RDPI.)
M. Jacques Grosperrin. On voit que ce n’est pas de vous, ça !
M. Didier Rambaud. Mes chers collègues, cette irresponsabilité est d’autant plus regrettable que l’examen de la première partie fut l’occasion de voter des dispositions positives pour nos finances publiques. Je pense à la réduction de l’avantage fiscal applicable à la location de meublés touristiques ou à la déliaison des taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, que nous attendions tant et que le ministre nous a permis de voter. Je pense également à la création d’une taxe streaming dont devront s’acquitter les plateformes payantes et gratuites et dont le produit abondera le budget du Centre national de la musique, idée proposée par notre ancien collègue Julien Bargeton.
Par ailleurs, je déplore l’adoption d’un certain nombre d’amendements lors de l’examen des missions : je pense à l’allongement du délai de carence dans la fonction publique d’État, à la coupe de 10 000 postes dans les effectifs des opérateurs de l’État, au rejet des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public », sans oublier la baisse des moyens alloués à l’aide médicale de l’État, pourtant indispensable du point de vue de la sécurité sanitaire comme d’un point de vue humanitaire.
M. Marc-Philippe Daubresse. Ils n’ont pas compris ce qui s’est passé hier, apparemment…
M. Didier Rambaud. Mes chers collègues, compte tenu des amendements votés en première partie et des profonds désaccords que nous avons quant aux missions rejetées en seconde partie, force est de constater que le budget qui sort du Sénat ne ressemble à rien. Il ne ressemble ni à un budget digne d’un parti de gouvernement ni même à un budget tout court : ce n’est ni plus ni moins qu’un texte à trous où les failles s’accumulent ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Qu’y trouve-t-on ? Des politiques non financées, notamment en matière de logement ; des coups de rabot qui ressemblent plutôt à des coups de hache (Mme Sophie Primas et M. Jacques Grosperrin protestent.) ; des amendements non évalués ; des économies de plusieurs milliards d’euros dont aucun contour n’est défini. (Mme Christine Lavarde et M. Marc-Philippe Daubresse protestent.)
D’ailleurs, en parlant de vos économies, j’ai de nouveau l’occasion de pointer votre mauvaise foi : si le Gouvernement décidait de conserver les prétendus apports du Sénat, vous seriez les premiers à lui reprocher l’effondrement de l’État et du service public.
M. Roger Karoutchi. C’est cela…
M. Didier Rambaud. Mes chers collègues du groupe LR, entre la première partie, qui ne vous convient en rien, et la seconde, qui – je l’ai montré – ressemble plus à un texte à trous qu’à un véritable budget,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Réveillez-vous !
M. Didier Rambaud. … le seul vote raisonnable serait de vous abstenir, comme le fera le groupe RDPI ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également. – Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Yannick Jadot applaudit également.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis afin de clore l’examen de ce projet de loi de finances pour 2024.
Le vote que nous nous apprêtons à émettre n’a de solennel que le nom, tant, après un énième 49.3, les parlementaires que nous sommes pouvons légitimement nous interroger sur le sens de la mission pour laquelle nos électeurs nous ont élus.
Je tiens à vous le dire, monsieur le ministre, les heures que nous avons passées dans cet hémicycle, de jour comme de nuit, ne sauraient être balayées par le choix d’un seul homme.
Dans une société où la crise démocratique est de plus en plus prégnante, nous ne pouvons pas nous résoudre à accepter que le Parlement ne soit plus qu’une caisse d’enregistrement de décisions prises ailleurs.
D’ailleurs, le cinglant camouflet que le Gouvernement a subi hier est la manifestation claire que cette méthode n’est plus acceptée, car elle est devenue trop inacceptable.
Si nous ne sommes pas capables de réinventer un mode d’organisation politique qui soit plus soucieux des aspirations de nos concitoyens, alors d’autres s’en chargeront, ceux-là mêmes qui laissent penser à des concitoyens crédules que le problème serait notre système démocratique.
Je le dis avec force, l’effondrement des croyances associées à la démocratie représentative devrait nous préoccuper au plus haut point.
Entrons maintenant dans l’analyse du texte que nous avons examiné.
Je l’avais annoncé lors de la discussion générale, ce budget fait face à un triangle d’incompatibilité que trois semaines de séance n’auront pas réussi à résoudre.
Durant nos débats, comme prévu, l’obsession du Gouvernement à maintenir la baisse des impôts est entrée en collision avec son obsession à réduire le déficit public.
Mais, monsieur le ministre, vous n’êtes pas à une incohérence près.
M. Marc-Philippe Daubresse. Ça, c’est vrai !
M. Thierry Cozic. J’en veux pour preuve les moyens prétendument mobilisés en faveur des investissements verts, qui sont objectivement loin de répondre aux objectifs de décarbonation que vous vous êtes vous-même fixés.
Enfin, comme si l’incohérence n’était pas suffisance, vous avez essayé de nous convaincre que les réductions de dépenses publiques ne se feraient pas au détriment des plus fragiles d’entre nous. Mais, sur ces travées, personne n’est dupe.
Pourtant, sur le papier, la promesse était alléchante. Ce budget devait être un moyen de consolider nos finances publiques tout en continuant de baisser la fiscalité et d’investir pour l’avenir.
Ce « en même temps » très macronien s’est une nouvelle fois fracassé sur le mur des réalités, et votre postulat de départ constitue un vœu pieux, bien éloigné du réel. Votre boussole reste la baisse systémique des impôts sur le capital.
Néanmoins, je note que, pour ne pas apporter de pistes de financements nouvelles, vous avez refusé, comme chaque année depuis 2017, d’aborder des sujets structurants, comme la fiscalité du capital ou la contribution des plus aisés à l’effort collectif de redressement des comptes publics.
Nous regrettons que, tout au long de nos séances, vous fussiez dans l’incapacité de sortir de votre cécité dogmatique.
Que ce soit l’instauration d’un ISF vert ou la suppression de la flat tax, en passant par une réelle taxation des dividendes, rien n’aura trouvé grâce à vos yeux. Ce jusqu’au-boutisme fiscal a néanmoins un coût, car votre politique de l’offre, faite de désarmement fiscal permanent, ne permet pas de réduire la dette, dont vous nous parlez tant à longueur de débat.
Pour reprendre une expression chère à la majorité présidentielle, vous démontrez effectivement qu’il n’y a pas d’argent magique ; votre fragilisation de la fiscalité n’est pas tenable.
À ce propos, j’aimerais vous rappeler que s’il y a bien une dette dont il faut tenir compte en priorité, c’est la dette écologique ; et celle-ci n’est ni négociable, ni repoussable, ni renouvelable.
C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’au cœur du budget aurait dû figurer la bifurcation écologique. Pour atteindre l’objectif de neutralité carbone, 34 milliards d’euros sont nécessaires !
Les 7 milliards d’euros que vous nous avez proposés dans ce budget nous semblent bien dérisoires. Sachez que l’explication qui consiste à dire qu’ils seront multipliés dans les collectivités territoriales ou les organismes de financement public ne nous a absolument pas convaincus.
Avec une mise de départ de l’État si faible,…
M. Thierry Cozic. … comment croire à la multiplication des pains ?
Cette multiplication providentielle interviendrait donc au même moment où vous demandez aux collectivités de baisser leurs dépenses. Le « en même temps » a ses limites…
Pourtant nous avons souhaité vous aider à trouver les ressources nécessaires avec, par exemple, la restauration d’un ISF climatique, comme je l’ai évoqué. Je déplore que cette proposition n’ait pas trouvé grâce à vos yeux.
Enfin, alors que l’inflation persiste et touche de plein fouet les budgets des collectivités territoriales, augmentant sensiblement leurs dépenses contraintes, vous avez refusé notre proposition d’indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation pour l’année 2024.
La droite sénatoriale, si prompte à s’autodéfinir comme intercesseur de la défense des territoires, a brillé par son absence de soutien à notre amendement visant à donner une respiration financière à nos collectivités.
Par ailleurs, l’avenir des ruralités est peu lisible tant la cacophonie qui s’est jouée durant l’examen de l’article 7 a été ridicule.
De même, quand 75 % des articles du projet transmis au Sénat l’ont été sans étude d’impact, le Gouvernement porte une responsabilité forte en la matière ; une association plus appropriée des parlementaires aurait permis d’éviter cet écueil. Monsieur le ministre, tout cela fleure bon l’amateurisme.
Sur plusieurs sujets majeurs, au final, personne n’y a rien compris. Je souhaite que l’atterrissage sur les zonages des ruralités, comme sur d’autres questions, se fasse le plus en douceur possible en intégrant les demandes légitimes des territoires.
Il est un autre atterrissage dont l’issue me semble incertaine : c’est celui du devenir de nos amendements votés sur ces travées après de nombreuses heures de séance. Cela me permet de revenir à mon point de départ : quelle démocratie voulons-nous en France en 2023 ?
M. François Patriat. Pas la vôtre !
M. Thierry Cozic. Pour ne prendre que quelques exemples concrets, monsieur le ministre, allez-vous balayer d’un revers de main notre amendement visant à prévoir 350 millions d’euros supplémentaires en faveur des mesures agroenvironnementales et climatiques ?
Allez-vous revenir sur la suppression de cette scandaleuse niche fiscale pour la Fifa, instaurée à l’Assemblée nationale ?
Allez-vous maintenir le PTZ pour les primo-accédants sur l’ensemble des territoires, comme nous vous l’avons proposé ?
Allez-vous accepter le maintien du fonds de soutien aux activités périscolaires, que nous jugeons très important ?
M. Mickaël Vallet. Essentiel !
M. François Patriat. Irresponsable !
M. Thierry Cozic. Autant d’exemples sur lesquels la balle est dans le camp du Gouvernement, monsieur le ministre.
Parce que nous ne nous faisons aucune illusion, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre ce budget, tant il nous apparaît inique, à sens unique et incapable de nous permettre de relever la complexité des problèmes contemporains s’imposant à nous. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. Le Sénat va maintenant procéder au vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2024, modifié.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Conformément à l’article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l’article 56 bis du règlement.
J’invite Mme Sonia de La Provôté et M. Philippe Tabarot, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l’appel nominal.
(Le sort désigne la lettre M.)
M. le président. Le scrutin sera clos après la fin de l’appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l’appel nominal.
(L’appel nominal a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 98 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 294 |
Pour l’adoption | 191 |
Contre | 103 |
Le Sénat a adopté.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le vote du projet de loi de finances pour 2024, nous arrivons au terme de notre « marathon » budgétaire. Nous avons de nouveau battu des records par rapport à l’an dernier, qu’il s’agisse de la durée d’examen – près de 151 heures de séance, contre 144 heures l’an dernier – ou du nombre d’amendements : plus de 3 760 amendements déposés, contre 3 040 amendements l’an dernier.
Malgré les évolutions engagées depuis deux ans, force est de constater qu’il devient de plus en plus difficile d’assurer la qualité de nos débats dans un cadre constitutionnel aussi contraint que celui de l’examen de la loi de finances. Je souhaite donc poursuivre la réflexion à ce sujet avec les membres de la conférence des présidents.
Pour l’heure, je souhaite remercier tout particulièrement le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, de son écoute et de la qualité de son travail ; ses avis ont permis à chacun de se prononcer en pleine connaissance de cause.
Je salue le président de la commission des finances, Claude Raynal, qui a rappelé nos contraintes en termes de délai lors de la réunion des présidents de groupe le 29 novembre dernier, réunion organisée à la veille de l’examen des missions. Il a contribué par sa particulière vigilance et sa pédagogie à ce que les temps d’examens soient respectés, ce qui n’était pas gagné au départ.
Je veux également remercier les présidentes et les présidents de séance, qui ont permis que nos débats se déroulent de manière apaisée.
Je salue les 49 rapporteurs spéciaux de la commission des finances, les 76 rapporteurs pour avis des autres commissions, ainsi que les présidents de ces dernières et les chefs de file des huit groupes politiques, pour leur contribution à nos débats.
Je remercie également l’ensemble des personnels des services du Sénat et des groupes politiques, particulièrement ceux de la commission des finances, qui ont été à la tâche pendant toute cette période.
Au-delà des remerciements, je souhaite revenir à mon propos initial. Il me semble que nous devons réellement nous interroger. Je crois profondément au droit d’amendement – je vous le dis sans ambages –, mais 3 760 amendements, cela a-t-il encore du sens ?
Je vous livre cette interrogation de manière quelque peu solennelle, car nous aurons à remettre l’ouvrage sur le métier si nous voulons que l’examen du budget reste un temps fort de la démocratie parlementaire, d’autant qu’en raison de la situation politique et du dialogue avec la deuxième chambre du Parlement, l’essentiel du débat budgétaire a lieu au Sénat. Notre rôle est donc essentiel pour éclairer la décision du Gouvernement.
Enfin, je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vos collègues membres du Gouvernement qui se sont succédé au sein de notre hémicycle pour l’examen de ce projet de loi de finances. En écoutant Mme Lavarde tout à l’heure, j’ai compris qu’elle était tombée sous votre charme. (Sourires.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, je m’associe à l’ensemble des remerciements que vous avez formulés à juste titre.
L’année dernière, lorsque je m’étais exprimé comme aujourd’hui à la fin de l’examen du projet de loi de finances, j’avais dit, en parlant du nombre d’amendements, que la coupe était pleine. Cette année, elle a débordé ! (Sourires.) Surtout, d’ailleurs, dans la première partie, où nous avons utilisé tous les temps constitutionnels possibles pour traiter l’ensemble des amendements de première partie.
Mme Christine Lavarde. Sauf le dimanche matin !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Tout cela pose des difficultés auxquelles il faudra réfléchir. Mais il apparaît clairement que cette situation résulte en partie du fait que l’Assemblée nationale n’a pas débattu du texte.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Traditionnellement, les mesures examinées à l’Assemblée nationale ne donnent lieu qu’à quelques reprises, ici, au Sénat, les sujets ayant déjà été « prétraités » par les députés. Ce n’est plus aujourd’hui le cas, et toutes les questions sont à présent reprises au Sénat. Or le temps qui nous est imparti pour examiner le projet de loi de finances est toujours de vingt jours, contre quarante jours pour l’Assemblée nationale. Telle est la difficulté sur laquelle nous butons.
Par ailleurs, comme l’a souligné le président du Sénat, le service de la séance a effectué un important travail, afin d’améliorer la qualité de nos débats, notamment en deuxième partie du texte, lors de l’examen des missions. Je l’en félicite : grâce à cela, nous avons pu éviter les discussions communes sans fin et traiter les différents sujets par thématique plutôt que par gage. La qualité de nos travaux en a été améliorée. Sans cela, nous aurions été totalement débordés.
Je remercie également les services de la commission des finances. Compte tenu du nombre important d’amendements, nous avons dû nous réunir à de nombreuses reprises pour élaborer les différents avis, ce qui a obligé nos administrateurs à travailler d’arrache-pied toutes les nuits. J’aimerais donc que vous les applaudissiez une nouvelle fois pour ce travail souterrain, mais essentiel. (Applaudissements.)
Je salue également l’ensemble des services ayant assisté les rapporteurs pour avis dans leur travail.
Je vous remercie également, mes chers collègues, d’avoir toléré mes interventions, parfois directes, pour vous suggérer d’accélérer les discussions à tel ou tel moment du débat. J’ai bien évidemment essayé de prendre garde à ce que les discussions majeures ne s’en trouvent pas raccourcies.
Dans les semaines à venir, il nous faudra remettre sur le métier l’ouvrage et préparer le prochain projet de loi de finances.
Merci, monsieur le ministre, de votre présence et de la qualité de vos réponses. Vous avez su conserver votre calme, tout comme la majorité des différents ministres, même si un ou deux d’entre eux ont pu manifester des signes d’agacement.
M. André Reichardt. Au moins, ils étaient là !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Quoi qu’il en soit, nous avons su faire œuvre utile en examinant l’intégralité de ce budget. D’aucuns s’interrogent parfois : que reste-t-il des votes du Sénat sur les projets de loi de finances ? Il en reste beaucoup d’informations pour chacun d’entre nous. Ces débats par mission sont majeurs pour éclairer de manière générale le travail du Parlement.
Certes, il nous faudra trouver un certain nombre d’améliorations pour parvenir à travailler plus sereinement. Ne vous sentez pas obligé, mes chers collègues, de passer systématiquement par voie d’amendement. Il existe bien d’autres façons de faire avancer le débat parlementaire. Tout ne se joue pas en loi de finances ; nous en reparlerons dans les jours et les mois qui viennent.
En conclusion, qu’il me soit permis de remercier le rapporteur général de son travail. Il a pour mission ardue de répondre à tout moment à l’ensemble des questions et de faire connaître la position de la majorité du Sénat. Il s’en acquitte remarquablement. Je tenais donc à saluer son action. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je vous remercie également, monsieur le président Claude Raynal.
Je salue à mon tour M. le ministre. De mon point de vue, mais je crois que notre assemblée partage mon sentiment, l’examen de ce texte est une réussite. Vous avez su, monsieur le ministre, être à l’écoute. Quand il a fallu aller vite, j’ai été bref pour vous laisser le temps d’exposer rapidement votre position.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons démontré que notre démocratie ne peut vivre que lorsque les assemblées se réunissent et délibèrent. Le Sénat, qui dispose d’un temps beaucoup plus contraint, a dû faire face à une charge de travail plus importante que les autres années. Faute d’un examen du texte à l’Assemblée nationale, nous avons dû mettre les bouchées doubles.
Au lieu de la traditionnelle « nuit de la mort », nous avons eu toute une semaine compliquée. Un dimanche m’a d’ailleurs été fatal. Je sais gré à Christine Lavarde de m’avoir remplacé au pied levé, avec succès.
Les temps pour faire vivre la démocratie deviennent difficiles. Je remercie donc l’ensemble des sénatrices et des sénateurs d’avoir permis un débat serein, apaisé et constructif. Chacun a eu sa part de satisfaction – même si ça n’a pas toujours été évident – et d’échec, y compris le rapporteur général que je suis, mais c’est le jeu de la démocratie.
Monsieur le ministre, ce qui s’est passé hier à l’Assemblée nationale ne fait que confirmer que notre démocratie est aujourd’hui fragile. Nous devons plutôt, comme nous le faisons au Sénat depuis un certain temps, faire en sorte qu’elle puisse vivre en nous écoutant les uns les autres, et en essayant de tracer des solutions et des perspectives.
L’Assemblée nationale, pour les raisons qui ont été évoquées mille fois, n’a quasiment pas débattu de ce projet de loi : cela conduit à des textes plus faibles, avec des articles additionnels qui nous parviennent sans examen préalable par le Conseil d’État ni aucune étude d’impact. Tout cela fragilise le travail démocratique.
La majorité présidentielle, sur ces travées, a critiqué un peu sévèrement le travail du Sénat. Je veux redire ici que le Sénat a travaillé plus de 150 heures pour produire une copie, qui, certes, n’est pas parfaite, mais que nous vous livrons, monsieur le ministre, à vous et au Gouvernement.
Ce travail doit être estimé à sa juste valeur, car le Parlement est composé de deux assemblées : l’Assemblée nationale et le Sénat. Notre chambre, qui est élue avec un mode de suffrage différent de l’Assemblée nationale et est renouvelée par moitié tous les trois ans, exprime aussi la voix de la France, mais d’une France un peu différente, celle des territoires et des élus locaux. Nous vous avons livré un travail de qualité, après des débats de bonne tenue. Monsieur le ministre, votre responsabilité est grande. Elle est même à présent plus grande aujourd’hui qu’elle ne l’était avant-hier.
Je vous charge de faire le meilleur usage possible de ce travail. Portez aussi au Gouvernement, à la Première ministre, voire au Président de la République, le message suivant : la démocratie, ici, au Sénat vit et bat, comme le cœur des territoires.
À charge maintenant au Gouvernement de se saisir d’un certain nombre de textes et d’amendements que nous avons votés. Si vous ne tenez pas compte de nos apports, la démocratie en sortira encore davantage fragilisée.
Monsieur le ministre, je vous fais confiance non seulement pour porter ce message, mais aussi pour prendre toute la mesure de cette responsabilité, qui est une responsabilité collective. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, après 150 heures d’examen et plus de 3 700 amendements sur ce texte, je puis dire que nous avons bien travaillé. Nous avons réussi à nous mettre d’accord sur un certain nombre d’orientations.
Une majorité s’est dégagée pour continuer à soutenir les entreprises à travers la baisse de la CVAE et la réindustrialisation, avec le crédit d’impôt. Vous avez également validé les sujets de transition écologique. Avec des sorties progressives du gazole non routier (GNR), que vous avez votées, la taxe sur les grandes infrastructures de transport, le malus pour les véhicules les plus polluants, nous nous sommes mis d’accord sur une trajectoire en matière de transition écologique.
Par ailleurs, nous avons trouvé un terrain entente en matière de justice fiscale avec un taux d’impôt minimum sur les sociétés – c’est une grande première –, traduisant l’accord signé avec l’OCDE. Je pense aussi à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, mesure attendue par les classes moyennes, et au plan de lutte contre la fraude fiscale, qui a fait l’objet d’enrichissements de la part du Sénat. Je souhaite que toutes ces mesures soient retenues dans le texte final.
Par ailleurs, vous avez enrichi le texte – nous en parlions tout à l’heure en aparté avec M. le rapporteur général – grâce à l’instauration d’une taxe streaming, aux exonérations pour Mayotte, aux avancées pour les collectivités territoriales, qu’il s’agisse du plan France ruralités ou des communes nouvelles, autant de sujets à propos desquels je me suis engagé à travailler avec vous au cours des prochaines semaines et des prochains mois.
Je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer également nos points de désaccord, car nous avons aussi connu des moments plus tendus sur un certain nombre de sujets, notamment autour des collectivités territoriales.
Je n’étais pas d’accord avec la majorité sénatoriale sur la nécessité de renforcer davantage les moyens accordés aux collectivités territoriales ; nous en avons largement débattu. Je n’ai pas non plus approuvé votre proposition d’augmenter de 20 % de prix de l’électricité. Le Gouvernement soutient, lui, un autre scénario, mais toujours en sortant du bouclier énergétique. Quoi qu’il en soit, nos discussions ont été intéressantes. J’ai également émis des avis défavorables sur la création de quelques niches fiscales.
Monsieur le rapporteur général, vous avez ramené le déficit à 3 %, mais au prix de la suppression de nombreuses missions : « Cohésion des territoires », « Plan de relance », « Immigration, asile, intégration ». Je pense aussi à la suppression des crédits consacrés à l’audiovisuel public. Vous avez d’ailleurs reconnu vous-même, dans votre propos liminaire, que le déficit affiché n’était pas le déficit réel.
Je vous remercie des débats que nous avons eus. Il nous faudra bien sûr préparer plus en amont l’année prochaine cet examen budgétaire. Nous avons d’ailleurs esquissé entre nous un certain nombre de pistes.
Je remercie naturellement le président de la commission des finances, Claude Raynal, ainsi que le rapporteur général de la qualité de nos échanges, dans un contexte toujours convivial. Je salue également Christine Lavarde, qui a remplacé Jean-François Husson ce fameux dimanche funeste (Sourires.), ainsi que les services du Sénat, qui nous ont accompagnés tout au long des discussions, sans oublier les équipes de Bercy, qui se sont fortement mobilisées au cours de cette période. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Mathieu Darnaud.)
PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Intitulé de la commission de la culture
Adoption d’une proposition de résolution dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, l’examen de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de compléter l’intitulé de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues (proposition n° 623 (2022-2023), texte de la commission n° 171, rapport n° 170).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de résolution.
M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de la résolution. Monsieur le président, mes chers collègues, je me réjouis que la conférence des présidents ait accepté d’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée l’examen de cette proposition de résolution visant à compléter l’intitulé de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, que j’ai l’honneur de présider depuis le mois d’octobre 2020, pour y ajouter le mot : « sport ».
C’est une modification que certains d’entre nous appelaient de leurs vœux depuis plusieurs années. Grâce au soutien résolu du président du Sénat, elle est sur le point de se concrétiser.
Je tiens à cette occasion à remercier plus particulièrement trois de nos collègues qui, parmi tant d’autres, ont soutenu ce projet. Par leur investissement, ils illustrent, chacun à leur manière, l’intérêt que le Sénat en général, et notre commission en particulier, porte aux problématiques du sport, au fonctionnement de ses instances et à la défense de ses valeurs.
Je pense à Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission depuis 2011 sur les crédits du sport, à Michel Savin, président du groupe d’études sur les pratiques sportives et les grands événements sportifs depuis 2014, et à Claude Kern, rapporteur pour la commission des différents textes relatifs à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques depuis 2017.
Dans l’esprit de mes trois collègues, comme dans celui de l’ensemble de ses signataires, cette proposition de résolution ne se limite pas à l’adoption d’une simple variation sémantique autour des compétences de la commission de la culture. La modification du règlement du Sénat qui vous est proposée aujourd’hui vise aussi et, surtout, à souligner la place que notre assemblée accorde désormais au sport dans ses travaux.
Au cours de ces vingt dernières années, nous avons en effet constaté que le sport est devenu une matière législative à part entière, et ce n’est ni le président de la commission des lois, qui a souhaité – et obtenu – de pouvoir examiner au fond le dernier projet de loi sur les jeux Olympiques et Paralympiques ni celui de la commission des affaires sociales, chargé d’examiner chaque année des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) visant à la prise en charge du « sport-santé », qui me contrediront.
Le rapport réalisé par François-Noël Buffet sur cette proposition de résolution rappelle, de manière opportune, que, depuis le début des années 2000, pas moins de vingt-quatre textes consacrés au sport ont été examinés au fond ou pour avis par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, représentant près de 10 % de son activité législative annuelle.
Cette hausse du nombre de textes examinés chaque armée par la commission et le Sénat illustre la place grandissante prise par le sport, son organisation, sa promotion, son économie, voire ses dérives, dans la vie de notre pays, de nos collectivités et, bien évidemment, dans celle de nos concitoyens.
La matière est riche et reflète les préoccupations de notre temps.
Les textes qui en relèvent traitent aussi bien du sport amateur que du sport professionnel, visent à réglementer le statut juridique des arbitres comme celui des agents des joueurs, entendent lutter contre le trafic de produits dopants et promouvoir l’éthique et les droits des sportifs, tendent à réprimer le hooliganisme et à garantir la protection des mineurs et de l’honorabilité des encadrants bénévoles.
Si l’activité législative de la commission – et du Sénat – consacrée aux thématiques du sport s’est accrue, il en va de même en matière de contrôle.
La commission a ainsi lancé, au cours des dernières années, des travaux traitant à la fois de problématiques transversales, comme celle des politiques territoriales du sport, de questions spécifiques, comme la situation des conseillers techniques sportifs, mais aussi de questions d’actualité, à l’image de la mission commune d’information, menée conjointement avec la commission des lois, consacrée aux incidents survenus en marge de l’organisation de la finale de la Ligue des champions de football au Stade de France le 28 mai 2022.
Certains groupes politiques lui ont d’ailleurs emboîté le pas dans ce domaine. Je pense en particulier au groupe Les Indépendants – République et Territoires, présidé par Claude Malhuret, qui a récemment usé de son droit de tirage pour étudier la gouvernance des fédérations sportives.
Enfin, la commission s’est, comme d’autres, saisie de la question des jeux Olympiques et Paralympiques, en lien étroit avec la Cour des comptes, afin d’en contrôler les modalités d’organisation, mais aussi d’en comprendre les conséquences sur d’autres pans de ses compétences ; je pense en particulier à l’organisation des événements culturels, notamment des festivals, au printemps et à l’été 2024.
Au regard de la place prise par le sport au sein de l’activité législative et de contrôle de la commission et, plus largement, au sein de notre institution, et au moment où notre pays s’apprête à accueillir le principal événement sportif de la planète, j’espère, mes chers collègues, que le Sénat adoptera à l’unanimité cette proposition de réforme de son règlement. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, mes chers collègues, la commission des lois a examiné, la semaine dernière, la proposition de résolution, présentée par M. le président Laurent Lafon, tendant à modifier le règlement du Sénat afin de compléter l’intitulé de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qu’elle a adoptée sans modification.
Cette proposition de résolution a pour objet de modifier les dispositions de l’article 7 du règlement du Sénat, qui traite du nombre, de l’intitulé et des effectifs des commissions permanentes, afin de mentionner le sport dans l’intitulé de la commission que préside notre collègue Laurent Lafon. Celle-ci deviendrait alors la commission « de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport ».
Il s’agirait de la seconde modification de l’intitulé de cette commission sous la Ve République. En effet, cette dernière s’est longtemps dénommée, de 1959 à 2009, « commission des affaires culturelles », avant que son intitulé ne trouve sa formulation actuelle à l’occasion de la réforme du règlement du Sénat du 2 juin 2009.
La volonté du Sénat, en 2009, d’octroyer un intitulé plus complet à l’ancienne commission des affaires culturelles s’est justifiée par le choix fait dès 1959 de ne pas préciser, au sein du règlement du Sénat, les compétences des différentes commissions permanentes, contrairement à la pratique de l’Assemblée nationale.
Ce choix, gage d’une certaine souplesse et d’un dialogue constant entre commissions, confère cependant une importance d’autant plus grande aux dénominations des commissions, qui doivent exprimer leurs attributions sans excès d’exhaustivité, mais de façon claire et englobante. C’est dans cet état d’esprit que la commission des lois a déterminé sa position sur cette proposition de résolution.
Or nous constatons que le sport constitue une compétence traditionnelle de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, comme l’illustrent les données de long terme issues de son activité législative et de contrôle.
Le président Lafon a mentionné, tout à l’heure, un pourcentage. Pour ma part, je veux indiquer que, depuis l’année 2000, la commission a été saisie, au fond ou pour avis, de vingt-quatre textes concernant directement le sport et les activités qui y sont associées, soit, en moyenne, un texte par an sur l’ensemble de la période.
Ces textes constituent un peu plus de 12 % des textes législatifs dont la commission a été saisie.
Entre 2000 et 2023, la commission a publié dix rapports d’information sur des sujets liés au sport, ce qui représente 7,2 % des rapports d’information publiés sur cette période.
Nous avons donc considéré que la proposition de modification du règlement qui nous réunit aujourd’hui est cohérente au regard de la part du sport au sein de l’activité législative et de contrôle de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ; c’est probablement l’une des dernières fois qu’on l’appellera ainsi.
Cette nouvelle dénomination participerait, en outre, à moins de huit mois du lancement des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, à accorder davantage de visibilité au sport dans les travaux de notre institution et à démontrer l’attachement que porte le Sénat à la bonne tenue et à la réussite de ces jeux.
Je retiens d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt ce que Laurent Lafon vient de dire. La commission des lois et la commission de la culture ont déjà beaucoup travaillé. Mon collègue a rappelé, à juste raison, le travail sur la finale de la Ligue des champions, qui a d’ailleurs permis d’avancer sur un certain nombre de questions de sécurité, avancées dont le Gouvernement tiendra compte à l’occasion des prochains jeux Olympiques.
Nous travaillons sur d’autres sujets de cette nature. Il importe de le souligner.
Nous avons constaté que ce changement d’intitulé n’aurait pas d’incidence sur le périmètre des six autres commissions permanentes du Sénat. Ce point aussi était important : il fallait veiller à faire en sorte qu’un tel changement ne perturbe pas les autres commissions.
Enfin, nous avons pris note du caractère très largement transpartisan de cette proposition de résolution, puisqu’elle a été cosignée par quarante-quatre collègues membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication – c’est la dernière fois que je prononce son intitulé de façon incomplète –, issus de l’ensemble des groupes politiques représentés au Sénat.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois s’est prononcée en faveur de cette proposition de résolution et vous invite, mes chers collègues, à l’adopter à l’unanimité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Monsieur le président, mes chers collègues, comme viennent de le rappeler les présidents de commission Laurent Lafon et François-Noël Buffet, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui vise à ajouter à l’intitulé de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication une cause chère à beaucoup d’entre nous : le sport.
Je me réjouis de cette proposition, qui arrive à la veille de l’accueil en France des jeux Olympiques et Paralympiques.
Alors que le sport touche des millions de nos concitoyens, dirigeants, pratiquants et autres bénévoles, il est temps de refléter plus fidèlement la place qui est la sienne dans la société française du XXIe siècle, mais aussi l’intérêt que lui porte le Sénat.
En effet, depuis des années, notre institution a beaucoup œuvré pour promouvoir le sport et accompagner ses évolutions en France.
Le Sénat n’a pas attendu la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 pour s’intéresser de près au sport : c’est dans le temps long que la chambre haute a progressivement marqué son attention et son attachement aux politiques publiques sportives et au développement de la pratique en France, via son rôle législatif.
Ainsi, pour ne parler que de ces dernières années, nous avons débattu et adopté plusieurs lois pour accompagner la préparation des jeux de 2024, pour démocratiser le sport en France, en posant les jalons d’une meilleure pratique quotidienne d’une activité physique ou sportive et en accompagnant les fédérations sportives dans l’évolution de leur gouvernance, pour assurer une meilleure représentativité de leurs instances internes.
Le Sénat a également voté des progrès sur des textes à portée plus générale. Je pense d’abord à la réforme des retraites, par laquelle nous avons élargi le dispositif de rachat de trimestres pour les retraités sportifs de haut niveau.
Je pense ensuite aux débats du projet de loi de finances 2024, lors desquels nous avons voté 38,8 millions d’euros supplémentaires pour le budget de l’Agence nationale du sport (ANS), contre l’avis du Gouvernement, afin de soutenir le financement des équipements structurants, comme les stades, les dojos ou les piscines. De fait, les collectivités nous font part chaque jour de leurs difficultés pour assurer leurs missions de service public sur le financement des équipements structurants !
De nombreux événements ont aussi animé la vie du Sénat, à l’instar de la présentation du dispositif Terre de Jeux pour les jeux Olympiques et Paralympiques et des 100 ans du maillot jaune. La Haute Assemblée a aussi accueilli les médaillés des jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver et d’été, et organisé la journée olympique, en juin dernier, pour présenter les nouvelles disciplines dans le jardin du Luxembourg.
Encore aujourd’hui, nous pouvons admirer une exposition photo assez insolite sur les grilles de ce jardin, dédiée au sport partout dans le monde.
Cependant, de nombreux combats restent à mener en matière de politiques sportives.
En ce qui concerne la part budgétaire de l’État consacrée à ces politiques, qui représente aujourd’hui moins de 0,2 % des crédits, il nous faut travailler pour relever le plafond des taxes affectées provenant des paris sportifs et autres ressources issues du sport, mais aussi sur une harmonisation des taux de TVA de l’économie du sport et, enfin, sur une évolution et un meilleur accompagnement du financement privé de la pratique sportive.
Dans notre mission de contrôle, nous devons être vigilants à l’application des mesures adoptées par le Parlement s’agissant de la gouvernance des fédérations, mais aussi des sujets d’actualité, comme l’éthique, la parité et les violences dans et autour du sport.
Il nous faut également répondre aux difficultés des collectivités. Nous pensons ainsi qu’il faudrait mettre en place un véritable plan Marshall, en partenariat avec les régions, départements et autres collectivités locales, pour ce qui est des équipements structurants, notamment les piscines, comme cela avait été engagé dans les années 1970.
Notre pays accueille les jeux Olympiques et Paralympiques à Paris en 2024 et va organiser ceux de 2030 dans les Alpes. Profitons de ces deux événements planétaires pour promouvoir et assurer une pratique régulière de tous, développer le sport à l’école, impulser la pratique d’activités physiques en direction du monde de l’entreprise, soutenir les associations et les millions de pratiquants et de bénévoles, déployer le sport-santé, avec la prise en charge de l’activité physique adaptée pour certaines maladies.
Surtout, dans le cadre de ces deux événements, ne ratons pas la marche de l’héritage, sous peine d’attendre à nouveau des décennies pour donner au sport la place qui devrait être la sienne dans les politiques nationales.
La Chambre haute a eu à cœur d’œuvrer à une plus grande pédagogie et à une promotion de la pratique sportive.
En dehors des moments législatifs et des événements, le Sénat est la seule assemblée à avoir un groupe d’études consacré aux pratiques sportives et aux grands événements sportifs. C’est désormais la première chambre du Parlement à offrir au sport une vraie reconnaissance au travers du nom de l’une de ses commissions.
Je tiens à remercier le président de celle-ci, Laurent Lafon, de son soutien, son écoute et son engagement sur tous les sujets qui concernent le sport.
Enfin, je veux souligner le soutien sans faille et le suivi du président Larcher sur tous les enjeux qui touchent à la pratique sportive et aux grands événements qui se déroulent sur nos territoires. Je rappelle qu’il est le seul médaillé olympique à présider une institution française aussi prestigieuse que le Sénat !
M. Max Brisson. Très bien !
M. François Bonhomme. Bravo !
M. Michel Savin. Vous le voyez, mes chers collègues, nous avons, au Sénat, la volonté de faire de notre pays une « nation sportive ».
Aussi, au vu de l’importance croissante que prend le sport dans nos travaux parlementaires et dans la vie du Palais du Luxembourg, il était logique de signifier symboliquement toute la place qu’il prend désormais, en l’intégrant pleinement dans l’intitulé de notre commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, mes chers collègues, cette année, plus que jamais, le sport a été au cœur des réflexions de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Le contexte – il faut le bien le reconnaître – est particulièrement favorable.
Après avoir reçu les passionnés de rugby du monde entier lors de la Coupe du monde, notre pays s’apprête à accueillir à Paris les prochains jeux Olympiques et Paralympiques.
La France pourrait également organiser les jeux Olympiques d’hiver 2030 si la candidature des Alpes françaises était définitivement ratifiée par le Comité international olympique, au mois de juillet 2024.
L’un comme l’autre sont des événements d’envergure mondiale, présentant des défis multiples. Ils nous invitent à nous projeter dans l’avenir et à œuvrer collectivement pour faire de la France une grande nation sportive.
Pour donner corps à cette ambition, nous savons que nous pouvons compter sur la mobilisation des élus locaux et de l’ensemble du réseau associatif, éducatif et médical.
À cet égard, je tiens à rendre hommage aux nombreux bénévoles qui s’investissent dans nos villes et nos villages, pour transmettre les valeurs et la passion du sport. À leurs côtés, nous serons mobilisés pour faire vivre l’héritage des jeux, bien au-delà de la cérémonie de clôture.
Dans la perspective de l’année historique à venir, et pour un avenir désirable, nous devons généraliser la pratique du sport dans tous les territoires.
Il s’agit d’un facteur essentiel de cohésion nationale, mais aussi d’un enjeu de santé publique.
À cet égard, je veux saluer le nouveau plan « 5 000 terrains de sport – Génération 2024 », qui bénéficiera aux équipements sportifs de proximité et aux cours d’école. Ce plan, qui prolonge un premier plan ayant permis de rénover et de créer 5 000 plateaux multisports, aires de fitness et terrains de basket, permettra de concrétiser l’ambition de promotion de l’activité physique et sportive dès le plus jeune âge.
Il accompagne idéalement la mesure mise en place pour la pratique d’une activité physique quotidienne de trente minutes à l’école.
La passerelle entre sport et éducation et entre sport et santé est indéniable : il n’est pas permis d’envisager l’un sans les autres.
La commission se mobilise depuis longtemps, avec une constance et une conviction jamais prises en défaut, en faveur du sport pour tous, à tous les âges de la vie.
Au Sénat, le champ de compétences de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication dépasse donc largement son seul énoncé. Les enjeux du sport et de ses acteurs faisant partie de nos sujets de travail majeurs, le nom de la commission doit refléter pleinement cette réalité.
Pour cette raison, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de la présente proposition de résolution, visant à compléter l’intitulé de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et Les Républicains. – Mme Monique de Marco applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, mes chers collègues, s’inscrivant à la fois dans un cadre légal et dans une orthodoxie propre à la Haute Assemblée, qui porte un soin particulier à la dénomination de ses commissions, cette proposition de résolution présentée sur l’initiative de notre président Laurent Lafon vise à adjoindre le sport à l’intitulé de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en modifiant l’article 7 du règlement du Sénat.
Loin de constituer une démarche exceptionnelle, le présent texte reflète l’évolution de l’environnement dans lequel opèrent les commissions. Il permet de les inscrire dans l’actualité et de faire correspondre leur intitulé à la réalité de leurs travaux, tant législatifs que de contrôle, comme ce fut le cas en son temps, pour cette même commission, avec la réforme du règlement du 2 juin 2009.
D’aucuns pourraient soulever le peu de substance, voire la vacuité, de cette démarche au regard des travaux concrets de la commission. Effectivement, on peut considérer que tout est dans tout, et réciproquement ; mais cela va mieux en le précisant !
Je ne vous apprendrai pas, mes chers collègues, l’importance du poids des mots, surtout quand ils ne laissent que peu de place à l’interprétation, entérinant certes une situation de fait, mais avant tout une compétence traditionnelle de la commission. Cette approche nous oblige en tant que législateurs, et c’est le sens de cette proposition de résolution.
Au-delà, il s’agit surtout d’acter un constat : l’importance du sport aujourd’hui.
Certes, à moins de huit mois du coup d’envoi des prochains jeux Olympiques et Paralympiques, cette modification revêt avant tout une dimension éminemment symbolique. Mais elle traduit également, me semble-t-il, l’envergure du sujet, à la fois, pour les acteurs du monde sportifs, pour nos territoires et pour notre société. Ne pas l’affirmer aurait constitué un manquement, surtout à l’heure où le Président de la République prône le sport comme grande cause nationale en 2024.
Pour ma part, étant particulièrement investi depuis des années sur les questions relatives au sport dans toute sa diversité et toutes ses problématiques, je m’inscris totalement dans cette démarche. Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, j’invite l’ensemble de mes collègues à faire de même.
Le groupe Union Centriste, au nom duquel je m’exprime aujourd’hui, votera pour cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Jacques Lozach applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce jour une proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat, afin de compléter l’intitulé de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Le sport occupe aujourd’hui une place importante dans le cœur des Françaises et des Français. Ciment de notre société, il est un bien précieux d’émancipation, de socialisation et de solidarité. Sa place croissante reflète les attentes de nos concitoyennes et concitoyens sur le sujet, des attentes visibles au travers de nos débats au Sénat.
L’histoire de notre institution montre quelle place significative est consacrée au sport dans l’activité constante de notre commission. Depuis l’année 2000, celle-ci s’est saisie, au fond ou pour avis, de vingt-quatre textes portant directement sur le sport et les activités qui y sont associées. De 2000 à 2023, la commission a publié dix rapports d’information sur des sujets liés au sport, soit 7,2 % des rapports publiés sur la période.
Nouvellement élue, j’ai déjà pu constater que le sport occupait une grande place dans nos échanges. Profiter de l’année 2024, durant laquelle le sport sera grande cause nationale, pour modifier le nom de la commission de la culture et pour inscrire le sport de manière durable au sein de notre institution, serait donc un symbole fort.
Ce serait un symbole fort pour nos collectivités territoriales, qui sont au cœur des pratiques en termes d’équipements, d’encadrement et de soutien aux clubs. Elles sont en effet, au quotidien, les interlocutrices du monde sportif et mènent avec lui des missions d’intérêt général autour de la pratique physique. Inscrire le sport dans l’intitulé de notre commission sénatoriale serait aussi rendre hommage à l’ensemble des élus qui agissent sur le terrain.
Ce serait un symbole fort, aussi, pour rappeler l’importance de la pratique physique au quotidien. Le sport ne doit pas être envisagé comme un sujet de niche. Il ne doit pas être réduit aux grands événements ou aux grands matchs diffusés à la télévision, car il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique. Le sport est profondément politique et, en ce sens, il appelle une attention toute particulière en matière de politique publique.
Les écologistes considèrent que le sport est un enjeu global, qui doit être perçu et appréhendé en lien avec les attentes de notre société. Il s’agit d’une lutte de chaque instant pour sortir les jeunes de la sédentarité, pour développer la tolérance, pour pérenniser le cadre populaire des activités sportives et pour lutter, encore et toujours, contre les violences sexistes et sexuelles.
Le sport est également une vitrine de nos combats politiques. Quelle place lui faisons-nous dans un monde qui se dirige vers un réchauffement de plus de 2,5 degrés à la fin du siècle ?
Il est urgent de penser le sport de demain. Notre rôle, en tant que parlementaires, est d’être force de proposition pour garantir une pratique sportive durable et soutenir à chaque instant nos collectivités dans cette transition.
Le Groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de cette proposition de résolution, afin que le sport soit inscrit dans l’intitulé de notre commission et que ce sujet prenne ainsi toute la place qu’il mérite. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Laurent Lafon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, mes chers collègues, en cette pré-année olympique, alors que Paris s’apprête à devenir la capitale de tous les athlètes du monde, il était paradoxal que notre Haute Assemblée n’affiche pas, dans la dénomination de ses commissions, son intérêt pour les sports et son travail pour les soutenir. Nous nous apprêtons donc à réparer un manquement, qui plaçait un peu le Sénat en dehors de la vie quotidienne de millions de Françaises et de Français, si j’ose dire.
Oui, le sport occupe une place toujours plus grande dans notre société : il irrigue l’ensemble de nos territoires et concerne tous les milieux sociaux. Plus encore, il participe à la diffusion des principes essentiels au bon fonctionnement de la République, et plus globalement de la société. Bien évidemment, je placerai en tête de ces principes le respect des partenaires et des adversaires, ainsi que le dépassement de soi au bénéfice du collectif.
La pratique sportive demeure un espace de mixité sociale et culturelle qu’il convient de consolider et de renforcer, d’autant plus dans la période actuelle, où le repli identitaire et le refus de l’altérité progressent dans de trop nombreux pans de la société. En effet, sous les mêmes couleurs et les mêmes maillots, chacune et chacun dispose des mêmes chances de s’épanouir, d’exprimer l’ensemble de ses capacités et de se sentir membre d’un collectif.
Ce travail de fond si essentiel, infusé dans la quasi-totalité de la population dès le plus jeune âge, est porté par des centaines de milliers de bénévoles, des milliers de clubs et d’associations et des centaines de fédérations.
Les membres du groupe CRCE-Kanaky ont une pensée particulière pour les professeurs d’éducation physique et sportive (EPS), qui, eux aussi, jouent un rôle essentiel pour la diffusion des pratiques sportives et des valeurs qui leur sont associées. Pour de nombreux jeunes enfants, le sport à l’école est non seulement un cadre d’apprentissage, mais aussi un espace de liberté et d’affirmation, dans lequel les déterminismes sociaux et familiaux s’atténuent.
Dans ce contexte difficile pour tous les acteurs du mouvement sportif, ajouter le mot « sport » à la dénomination de notre commission serait un signal fort envoyé par le Sénat. Il signifierait que notre assemblée reconnaît pleinement la place et le rôle du sport dans notre société et que les sénatrices et les sénateurs se tiendront toujours aux côtés des acteurs du mouvement sportif, pour qu’ils continuent à mener des actions d’éducation populaire dans un contexte démocratique et transparent.
Nous voterons donc pour cette proposition de résolution. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, mes chers collègues, « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement ». Le mot « sport » n’est pas un mot honteux qu’il conviendrait de taire, pas plus que le sport n’est une activité honteuse !
Il s’agit, au contraire, d’une activité constitutive de la condition humaine, depuis que nos ancêtres préhistoriques ont couru, sauté, lancé, grimpé et se sont affrontés non seulement pour se nourrir ou survivre, mais aussi pour s’entraîner à être plus performants dans leurs activités de chasse et de survie, avant de se mesurer à leurs congénères par simple jeu.
Bien des années plus tard furent fixées des règles visant à codifier les différentes activités sportives, qui ne se réduisent pas à de simples activités physiques, mais qui sont des épreuves individuelles ou collectives contre le temps ou des adversaires.
Après l’exhibition des vertus de la noblesse ou l’affrontement grégaire de rivalités villageoises, l’époque victorienne a préféré définir et réglementer le sport pour sélectionner les futurs leaders appelés à dominer le monde, plutôt que de s’en remettre aux seules élites universitaires.
Toutefois, le sport a été rattrapé par la fièvre économique, du fait de la professionnalisation de certaines disciplines et de leur marchandisation. Il ne peut plus être géré par la seule sphère privée et doit également être régi, contrôlé et encouragé par la sphère publique, afin que celle-ci promeuve ses bénéfices et régule ses excès.
Ce pan entier de notre activité sociale et économique doit donc bien évidemment faire l’objet d’une reconnaissance officielle par le Parlement. Le Sénat s’honorera tout naturellement de reconnaître la place du sport en ajoutant ce noble mot à l’intitulé de notre commission. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Laurent Lafon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, mes chers collègues, c’est une proposition de résolution pleine de bon sens que nous examinons. Je ne suis sans doute pas le seul, en effet, à m’étonner que le sport soit encore exclu de l’intitulé de la commission du Sénat dédiée à la culture, à l’éducation et à la communication. Une telle exclusion n’a plus aucun sens, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, une bonne partie du travail de cette commission concerne le sport. Pourquoi ne pas modifier son intitulé, alors que, durant les dix dernières années, elle a été saisie de quinze projets et propositions de lois consacrés au sport, dont trois relatifs à l’organisation des prochains jeux Olympiques et Paralympiques ?
Pourquoi ne pas modifier le règlement du Sénat, alors même que cette commission a pris l’initiative de lancer cinq missions de contrôle, sur le thème du sport, sur les politiques territoriales du sport ou encore sur la situation des conseillers techniques sportifs ?
Ensuite, cette exclusion a d’autant moins de sens qu’elle est contraire à ce que représente le sport, à savoir l’inclusion.
« Le sport, parce qu’il gomme les inégalités, est un catalyseur de la cohésion sociale », disaient les maires de Saint-Denis et de Reims, interviewés dans Le Monde d’hier. Le sport transmet également les valeurs indispensables à notre jeunesse que sont le respect, l’entraide et le dépassement de soi, pour ne citer que celles-ci.
Quel beau symbole que cette nouvelle dénomination en 2024, année carrément sportive, si j’ose dire, dont le sport sera la grande cause nationale !
Mes chers collègues, deux cent vingt-sept jours avant le début des jeux dans notre pays, prenons notre élan et empressons-nous de modifier le règlement du Sénat : l’heure est venue que le sport soit reconnu à sa juste valeur !
C’est pourquoi le groupe RDPI votera pour la proposition de résolution présentée par le président Lafon. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et GEST. – M. Laurent Lafon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le président, mes chers collègues, « mal nommer un objet c’est ajouter au malheur de ce monde », écrivait Albert Camus.
Sans dramatiser à l’excès, que dire d’une matière, le sport, exclue depuis toujours de toute appellation officielle au sein des instances permanentes du Sénat, de l’Assemblée nationale, et même du Conseil économique, social et environnemental (Cese), exception faite de certains travaux ponctuels ou de groupes d’étude spécialisés ?
En tant que parlementaires, nous sommes satisfaits de cette reconnaissance, ainsi que des promesses qu’elle laisse entrevoir, car elle va bien au-delà de sa portée symbolique. À cet effet, je salue la détermination du président de la commission de la culture, Laurent Lafon, qui a souhaité modifier notre règlement en ce sens. Ce volontarisme, accompagné de celui du président du Sénat et du président de la commission de la loi, a porté ses fruits.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Avec 15,6 millions de licenciés, un chiffre encore plus élevé de pratiquants libres, 360 000 clubs associatifs, 3,5 millions de bénévoles, 119 fédérations agréées par le ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques et un poids économique de 71 milliards d’euros, soit 2,6 % du PIB – autant que le secteur de l’hôtellerie-restauration –, le sport est le premier mouvement social de France. Il a toute sa place dans l’intitulé d’une commission permanente du Sénat.
À cet égard, notre commission de la culture s’est régulièrement préoccupée des véritables enjeux d’une politique nationale du sport, dont la place reste insuffisante dans le débat public et politique du pays.
Le match qui oppose le sport à ses dérives, parmi lesquelles le dopage, passera inévitablement par une redéfinition des liens entre le sport et l’argent, sujet ô combien tabou.
Sur le plan géopolitique, de nouveaux pays déploient un soft power particulièrement agressif : le Qatar, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis prennent le relais de la Russie et de la Chine. La France, au travers des grands événements sportifs internationaux (Gési), notamment, ne saurait relâcher ses efforts ; elle doit rester fidèle à une histoire, celle de la création par un Français des trois plus grands événements sportifs internationaux : les jeux Olympiques, la Coupe du monde de football, le Tour de France cycliste.
Sur la scène internationale du sport, le maintien de l’excellence française est essentiel. Le Parlement ne peut rester à l’écart de tous ces enjeux, d’où l’importance de notre débat de ce jour. Le sport est en effet un apprentissage des valeurs collectives, mais également un formidable vecteur de messages.
La présence massive du sport comme fait social est un révélateur des mutations de notre société : mondialisation, financiarisation, gigantisme, métropolisation, société de l’image et du divertissement, violences, individualisme… Dans un tel maelström, il devient difficile de promouvoir ses dimensions éducative, éthique et humaniste. À nous tous d’exercer une vigilance accrue !
Dans cette proposition de résolution, le terme « sport » recouvre tous les aspects suivants : activité physique quotidienne (APQ), activité physique adaptée (APA), EPS, activité physique et sportive (APS), disciplines fédérées, pratiques libres, etc. Le risque de confusion est sans doute réel, mais la lisibilité nous impose la simplicité.
La prise en compte du sport dans la vie de la Nation résulte d’une vision, celle de la place du corps dans la société. Cette problématique devient enfin d’actualité avec l’intérêt porté à la démarche Sport, santé, bien-être et à son triptyque : la santé physique – être bien dans son corps –, la santé mentale – être bien dans sa tête –, la santé sociale – être bien avec les autres.
Malheureusement, cette appréhension unitaire de l’homme fut longtemps entravée par une conception philosophique prédominante jusqu’au XXe siècle, celle de Descartes et de son dualisme : le corps d’un côté, l’esprit ou l’âme de l’autre.
Aujourd’hui, de nombreux chantiers restent ouverts, parmi lesquels la faiblesse budgétaire, l’insuffisance du nombre d’heures d’EPS dans notre système éducatif ou la réduction des inégalités sociales et territoriales d’accès à la pratique, qu’elle soit fédérée ou libre.
Dans l’immédiat, l’avenir du sport français dépendra du succès des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, notamment de la mise en œuvre des 170 orientations stratégiques de l’héritage olympique. La présente proposition de résolution peut être analysée comme la 171e orientation… Espérons qu’elle fera école à l’Assemblée nationale ! (Applaudissements.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de résolution tendant à modifier le règlement du sénat afin de compléter l’intitulé de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication
Article unique
Au 5° du 1 de l’article 7 du Règlement du Sénat, le mot : « et » est remplacé par le signe : « , », et, après le mot : « communication », sont insérés les mots : « et du sport ».
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mmes Brossel et Monier, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant les mots :
et du sport
insérer les mots :
, de la vie associative
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cette proposition de résolution nous satisfait tout à fait, dans la mesure où le sport fait partie intégrante des prérogatives de la commission de la culture : nous travaillons fréquemment sur ce sujet, surtout en cette période d’événements sportifs internationaux organisés par la France, au premier rang desquels il faut citer la Coupe du monde de rugby, qui s’est achevée il y a peu, et les prochains jeux Olympiques et Paralympiques.
Après cet ajout, le champ de compétences effectif de la commission sera désormais presque entièrement couvert. Il manquera néanmoins encore une compétence, laquelle est essentielle à nos yeux. En tant que sénateur socialiste et rapporteur pour avis des crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative », je regrette que le secteur de la vie associative ne soit pas intégré dans l’intitulé de notre commission.
En effet, ce secteur occupe 13 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés, au sein de près de 1,5 million d’associations relevant des secteurs les plus divers : sport, culture, arts du spectacle, loisirs, divertissement, vie sociale, défense des droits, des causes et des intérêts, action sociale, humanitaire, médicale et caritative, etc.
Cette activité associative, parallèle au système économique, constitue souvent le fondement de la vie sociale locale et permet de rassembler des personnes parfois isolées, en cherchant à atteindre ces objectifs partagés : favoriser les relations sociales et intervenir auprès de nos concitoyens les plus fragiles.
Le secteur associatif étant au service du bien commun et de l’action publique et participant au développement d’une société plus fraternelle et solidaire, le Sénat s’honorerait en indiquant, dans l’intitulé de l’une de ses commissions, que ledit secteur fait partie de ses préoccupations et de ses priorités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, non pas pour ennuyer nos collègues signataires de cet amendement, naturellement, mais parce que le monde associatif relève du champ de compétences de plusieurs commissions du Sénat : la commission des lois, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, celle des affaires sociales, et même la commission des finances.
Attribuer cette compétence à une seule de ces commissions ne refléterait donc pas la réalité de la situation.
Dans son exposé des motifs, le président Laurent Lafon a évoqué les 360 000 associations qui se consacrent au sport ; ce faisant, il a indiqué que la commission de la culture traitait d’ores et déjà de sport et, plus largement, du monde associatif.
Telles sont les raisons pour lesquelles l’avis de la commission est défavorable. Je crois savoir par ailleurs que l’auteur de la proposition de résolution n’est pas favorable à cet amendement. (M. Laurent Lafon acquiesce.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Si l’on devait adopter cet amendement, pourquoi ne pas intégrer – je prêche là pour ma paroisse – la recherche, ou encore l’enseignement supérieur, dans l’intitulé de notre commission ? (M. Adel Ziane renchérit.)
Je n’ai rien contre la vie associative, mais c’est toute la richesse de notre commission que de traiter de très nombreux sujets. Tous ne peuvent être mentionnés dans son intitulé !
Je ne voterai donc pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Notre collègue vient de présenter en partie mon intervention.
Tout d’abord, je tiens à remercier Yan Chantrel d’avoir proposé cette disposition, qui permet de sensibiliser à l’importance du tissu associatif dans différents domaines, notamment ceux qui sont étudiés par la commission de la culture.
Notre commission traite chaque année de la vie associative, notamment à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, même si d’autres commissions s’en préoccupent également. Elle a d’ailleurs – c’est une difficulté – un spectre d’intervention très large, que nous ne pouvons pas résumer dans son intitulé.
Laure Darcos l’a rappelé, notre champ de compétences recouvre également d’autres secteurs importants, tels que l’enseignement supérieur, la recherche ou la jeunesse ; pour autant, ils n’apparaissent pas en tant que tels dans l’intitulé de notre commission.
Pour des questions de communication et de visibilité de notre travail, il nous faut réduire, peut-être un peu trop, cet intitulé. Mais il me semblait important que le sport apparaisse en tant que tel dans ledit intitulé, pour les raisons qui ont été indiquées par les différents intervenants. Malheureusement, nous ne pourrons pas aller au-delà, au risque de nuire à la compréhension.
Je vous remercie encore une fois, mon cher collègue, de cet amendement d’appel, destiné, me semble-t-il, à susciter une réaction et à rappeler l’importance du tissu associatif.
M. Yan Chantrel. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de compléter l’intitulé de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
(La proposition de résolution est adoptée.)
M. le président. En application de l’article 61, premier alinéa, de la Constitution, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera soumise, avant sa mise en application, au Conseil constitutionnel.
4
Organisation des travaux
M. le président. Mes chers collègues, en accord avec les commissions concernées et le Gouvernement, nous pourrions, demain, si l’espace réservé au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires se terminait avant vingt heures trente, tenir le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023 avant vingt-deux heures.
Par ailleurs, concernant l’ordre du jour du jeudi 14 décembre, nous pourrions commencer l’espace réservé au groupe Union Centriste dès la fin de celui qui est réservé au groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, si celui-ci se terminait avant seize heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 13 décembre 2023 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures trente à vingt heures trente :
(Ordre du jour réservé au GEST)
Proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires, présentée par MM. Joël Labbé, Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 152, 2023-2024) ;
Proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études, présentée par Mme Monique de Marco et plusieurs de ses collègues (texte n° 15, 2023-2024).
Le soir :
Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures quarante.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER