compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin,
M. Philippe Tabarot.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de finances pour 2024
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
Vote sur l’ensemble
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote à la tribune du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 127, rapport général n° 128, avis nos 129 à 134).
La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Christine Lavarde. Il y avait 1 363 amendements à l’automne 2017, pour mon premier PLF ; 3 756 amendements cette année, soit sept ans plus tard. L’inflation parlementaire, de 175 %, dépasse très largement l’inflation monétaire !
Il est grand temps que notre autorité de régulation mette fin à cette politique expansionniste. Nous n’avons malheureusement plus de marges de manœuvre.
Sept jours et six nuits consécutives pour examiner la première partie ; huit jours et presque autant de longues nuits pour la seconde partie. Les organismes de M. le rapporteur général et de plusieurs administrateurs de la commission des finances ont été mis à rude épreuve. Certes, les sénateurs disposent de quelques pauses, même si celles-ci sont parfois courtes, entre la fin de la séance publique, dans la nuit, et la réunion de la commission des finances du début de matinée.
Pas de pause pour les agents de la direction de la séance et de la commission des finances. Nous pouvons tous les remercier chaleureusement et sincèrement. (Applaudissements.)
Une fois n’est pas coutume, je souhaite également remercier les ministres, qui, globalement, ont joué le jeu du débat. Ainsi, pas moins de quatre ministres ont siégé lors de l’examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Je tiens à vous remercier tout particulièrement, monsieur le ministre. Vous avez fait l’intégralité de la première partie de ce projet de loi de finances, en restant avec nous six jours et sept nuits. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.) Depuis sept ans, c’est la première fois que j’observe un ministre réussir cette épreuve ! Et c’était votre premier projet de loi de finances.
Je vous remercie de votre écoute, de vos réponses et vos non-réponses. Les 35 000 communes de France aimeraient connaître le calendrier budgétaire qui s’imposera à elles au 1er janvier.
Pour reprendre les termes du cardinal de Richelieu, qui nous surveille tous dans le salon des messagers, la politique est « l’art de rendre possible le nécessaire ».
Le nécessaire, c’est réduire rapidement notre déficit, le deuxième plus élevé de la zone euro, et commencer à rembourser notre dette, dont la charge d’intérêt explose. (MM. Albéric de Montgolfier et André Reichardt applaudissent.)
L’achoppement des discussions du conseil Écofin sur la révision du pacte de stabilité et de croissance le week-end dernier, tout particulièrement sur les modalités du bras correctif, soit les efforts demandés aux États membres en procédure de déficit excessif, montre combien la position de la France est fragilisée sur la scène européenne du seul fait de ses mauvais résultats économiques.
La majorité sénatoriale a fait de la politique, dans le bon sens du terme. Nous avons été capables de proposer des choix responsables, « à l’euro près ». Ainsi, nous avons choisi de limiter le soutien aux apprentis les plus diplômés ; nous avons recentré les dispositifs de soutien face à la hausse des prix de l’électricité sur les plus modestes. Dans notre esprit, monsieur le ministre, il s’agit bien d’un accompagnement vers la fin de la politique du chèque. Il faudra cependant penser à une réforme, car une partie de la population ne pourra pas payer de manière durable de l’électricité à plus de 220 euros par mégawattheure.
Nous avons également refusé la création d’un paradis fiscal pour la Fifa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.) Nous avons transformé l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune improductive.
Plus de 7 milliards d’euros d’économies ont été votés. Ces économies ne se feront pas au détriment du défi de la transition écologique ou de la croissance. Ce sont de vraies économies, pas des économies de papier. L’effort de redressement des finances de l’État est réel, et non porté exclusivement par la disparition progressive et inéluctable des mesures de crise. Cet effort permet d’avoir un déficit public inférieur à 3 % dès 2025. Notre trajectoire pour la loi de programmation des finances publiques est réaliste, monsieur le ministre !
Lors de la seconde lecture de la loi de programmation des finances publiques, vous aviez indiqué : « Nous faisons le pari de la confiance avec les collectivités territoriales. Nous travaillons à une nouvelle méthode avec les élus locaux. »
Quelle est donc cette méthode ? La non-application du principe « qui décide paie » ? En effet, deux articles de ce projet de loi de finances visent à imposer aux collectivités des exonérations non compensées de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Certes, vous ne partagez pas, personnellement, une telle philosophie.
Vous avez également introduit une réforme des budgets verts pour presque toutes les communes dès 2024, alors que, jusqu’à présent, seules les grandes collectivités l’expérimentaient.
Nous partageons bien évidemment l’objectif ; nous remettons uniquement en cause la méthode.
Le Sénat a voté des dispositions vous permettant de mettre en œuvre ce « pari de la confiance », ce pari de la réussite de l’action décentralisée. Permettez-moi de citer quelques exemples : le fonds climat territorial, l’affectation d’une fraction du produit des quotas carbone aux autorités organisatrices de la mobilité, le maintien du prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf sur l’ensemble du territoire, une meilleure définition des zones France Ruralités Revitalisation (FFR).
Avant de voter en faveur de ce projet de loi de finances, le groupe Les Républicains a quelques regrets, qui ont notamment été exprimés lors des explications de vote de la première partie. Je pense notamment au rejet de la hausse du plafond du quotient familial, alors que la baisse de la natalité est un défi aussi important que celui de la dette ; les deux sont d’ailleurs liés.
Je pense aussi à la hausse de la fiscalité, avec la taxation des hauts revenus et des rachats d’action, l’imposition sur les revenus de l’assurance vie et de l’épargne logement.
Monsieur le ministre, dès à présent, travaillons au PLF pour 2025. Cela évitera les trop nombreux articles additionnels de la navette, ainsi que des discussions en séance publique pour cause d’impréparation et de défaut d’information. Je vous propose d’ores et déjà quelques sujets : la taxe de séjour, la fiscalité de la location de courte durée, les ressources des chambres consulaires, la réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, la réforme de la fiscalité de l’eau.
La condition du succès est le partage de l’information. Quand aurons-nous connaissance des fiches d’évaluation des dépenses fiscales arrivées à échéance ?
Monsieur le ministre, vous trouverez encore face à vous, l’année prochaine, une opposition attentive, mais constructive sur les travées du groupe Les Républicains, pour rendre possible ce qui est nécessaire, pour une France tournée vers l’avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dernier budget de l’État en excédent a été voté fin 1973. C’était il y a cinquante ans, sous Georges Pompidou.
Après les Trente Glorieuses, nous bouclons les « Cinquante Piteuses », avec un déficit de 144 milliards d’euros pour l’année à venir.
François Fillon, alors Premier ministre, avouait en 2011 qu’il était « à la tête d’un État en faillite ». Il y avait alors 1 500 milliards de dettes. Que devrions-nous dire de notre situation actuelle, la dette ayant plus que doublé pour atteindre les 3 000 milliards ?
La seule charge de la dette explosera à 52 milliards d’euros l’an prochain. Elle risque de devenir le premier poste budgétaire, devant l’éducation nationale. Notre endettement représentera près de 110 % du PIB en 2024, alors qu’il était de 98 % en 2017.
Depuis 1973, à défaut de poches de pétrole en France, les gouvernements successifs ont décidé de faire les poches des Français. Et le forage fonctionne à plein régime.
Aujourd’hui, les prélèvements obligatoires en France représentent 48 % du PIB ! Sur 100 euros de production de richesse, 48 euros vont à la sphère publique. C’est 6,3 points de plus que le taux moyen des autres pays européens.
Au vu de ce record, vos marges de manœuvre sont nulles. Vous ne parviendrez pas à désendetter le pays, lutter contre l’inflation et investir pour l’avenir sans remettre en question le système économique actuel de socialisme tentaculaire à l’intérieur du pays (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)…
M. Mickaël Vallet. Si seulement !
M. Stéphane Ravier. … et de libéralisme sans entrave à l’extérieur !
Pour retrouver de la croissance, il faut moins d’impôts et de normes pour développer nos industries, réduites de moitié depuis les années 1970, et moins d’accords de libre-échange, comme celui entre l’Union européenne et le Mercosur, en cours de négociation, ou celui entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande, qui soumettent nos paysans face à une concurrence déloyale.
Aujourd’hui, les impôts de production s’élèvent à plus de 100 milliards d’euros, soit quatre fois plus qu’en Allemagne. Pour répondre à cela, votre gouvernement, qui survit grâce à sa perfusion permanente de 49.3, a daigné supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, et pour cause ! Cette baisse d’impôts viendra grever non pas son train de vie, mais le budget des collectivités territoriales, déjà exsangue. C’est tout bonnement irresponsable !
Il n’y a plus d’État stratège, plus d’investissement stratégique, malgré un haut-commissariat au plan, pas de réindustrialisation viable, pas de plan d’infrastructures.
L’État doit se réformer pour parvenir à un libéralisme national : libérer à l’intérieur et protéger à l’extérieur.
Emmanuel Macron avait promis « 60 milliards d’économies par an » en 2017 ; il a aggravé la dette de 700 milliards d’euros. Édouard Philippe a parlé d’« addiction française à la dépense publique », et nous avons eu le « quoi qu’il en coûte » macronien, pour que, in fine, le ministre de l’économie finisse par planter le dernier clou dans le cercueil du mythe du Mozart de la finance, en avouant que nous sommes finalement « à l’euro près ». (Marques d’impatience sur les travées des groupes SER et RDPI.)
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Ravier. En tant que sénateur, dont la fonction est celle de contrôler ce que vous faites de l’argent du contribuable, je m’opposerai bien évidemment à ce projet de loi de finances pour 2024. (Au revoir ! sur les travées des groupes SER et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce dimanche, Javier Milei est officiellement devenu le nouveau président de la République argentine. C’est la première fois qu’un candidat autoproclamé « libertarien » arrive aux plus hautes responsabilités. (Mme Audrey Linkenheld manifeste son mécontentement.)
M. Roger Karoutchi. Il a été élu…
M. Emmanuel Capus. Le populisme et le dégagisme ont trouvé un nouveau carburant : la réduction radicale des dépenses publiques.
Une image a marqué la campagne de Milei. On le voit rugir comme un fou en brandissant une tronçonneuse. Le nouveau président promet de juguler l’inflation en tronçonnant la dépense publique. Le message est on ne peut plus clair : « Ça va saigner ! »
Dans la première interview qu’il a donnée après son élection, Milei a déclaré : « L’équilibre budgétaire est non négociable. C’est zéro déficit. Si un ministre présente un budget en déficit, je le vire. »
Je veux rassurer tous mes collègues qui redoutent sans cesse « l’Internationale de l’ultralibéralisme ». (Exclamations sur les travées du groupe SER.) La France en est encore loin ! Il faudrait d’abord qu’elle se réconcilie avec le libéralisme. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Le projet de loi de finances pour 2024 n’a rien d’un budget à la tronçonneuse ; c’est le moins que l’on puisse dire. C’est un budget pragmatique, qui nous ramène lentement, mais sûrement dans les clous de nos engagements européens.
Les dépenses ont augmenté, la dette aussi, mais le déficit est contenu en deçà de 4,5 %, et l’inflation est limitée à 2,6 %.
On est loin de l’austérité qui s’annonce sous les cieux argentins. Le texte du Gouvernement place la France sur une trajectoire raisonnable, qui nous laisse encore espérer un retour à la normale sans ajustement brutal.
La commission des finances a proposé d’accélérer un peu le rythme. Monsieur le ministre, si vous choisissiez de suivre le train sénatorial, vous arriveriez un peu plus vite à votre objectif de maîtrise des dépenses publiques.
Nous vous avons fait de nombreuses propositions pour limiter la hausse des dépenses. C’est le cas sur la mission « Travail et emploi », dont j’ai l’honneur de rapporter les crédits avec ma collègue Ghislaine Senée.
Le recentrage de l’apprentissage sur les artisans et les PME permettrait de réaliser 725 millions d’euros d’économies par an. Cela mérite que l’on s’y intéresse. Si je m’attarde un instant sur ce point, c’est qu’il me paraît important.
Vous connaissez, monsieur le ministre, l’attachement du groupe Les Indépendants à l’apprentissage, que j’ai toujours salué et défendu, depuis 2017, au nom de la commission des finances du Sénat. Je serai très clair : l’essor de l’apprentissage est une victoire économique et culturelle décisive pour la France.
Cependant, on ne peut pas vouloir rompre avec le « quoi qu’il en coûte » sans optimiser l’utilisation des deniers publics. En l’occurrence, l’essentiel est de soutenir les artisans et les PME qui recrutent et forment des apprentis, plutôt que de risquer d’entretenir une aubaine pour les grands groupes.
Je ne sais pas si vous retiendrez cette mesure. J’espère en tout cas qu’elle contribuera à renforcer et à pérenniser l’apprentissage, qui est une chance pour tous nos jeunes. Je souhaite que cette disposition offre l’occasion d’une concertation avec les partenaires sociaux.
Je profite de cette occasion pour saluer M. le rapporteur général, qui a proposé plusieurs pistes pour réduire nos dépenses publiques. Notre groupe soutient cette démarche, notamment s’agissant de la maîtrise de la masse salariale de l’État.
Sur l’initiative de la commission des finances, le Sénat propose d’économiser 150 millions d’euros en réduisant les effectifs des opérateurs de l’État. Charge désormais au Gouvernement d’identifier les opérateurs qui pourront faire mieux avec moins.
Il est nécessaire de réaliser ces économies, même si aucune économie n’est jamais populaire. C’est le prix à payer pour continuer à investir dans les missions régaliennes de l’État.
Je l’ai dit au début de l’examen du projet de loi de finances, notre groupe soutient le renforcement de l’État dans ses missions régaliennes.
Je me réjouis à cet égard de la hausse significative des budgets de la défense, des forces de l’ordre et de la justice. Si nous voulons rétablir l’autorité de l’État, il faut nous en donner les moyens.
Alors que les menaces se multiplient, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, ce réarmement matériel est indispensable, car c’est un préalable au réarmement moral dont nos démocraties fatiguées ont tant besoin.
Réaliser des économies là où c’est possible pour investir là où c’est indispensable : telle est, mes chers collègues, la ligne que notre groupe a tenté de suivre tout au long de l’examen de ce projet de loi de finances pour 2024.
C’est pourquoi, dans un esprit de responsabilité, nous avons voté la majorité des économies proposées par la commission.
Toutefois, toutes les économies ne sont pas bonnes à prendre. Le rejet de plusieurs missions importantes, au premier rang desquelles les missions « Immigration, asile et intégration » et « Cohésion des territoires », ampute le budget de l’État de manière artificielle.
Je regrette que la majorité sénatoriale n’ait pas fait de propositions pour adopter tous les crédits.
M. Loïc Hervé. Si ! Nous en avons fait, des propositions !
M. Emmanuel Capus. Ne pas adopter certaines missions, c’est ne pas assumer certains défis. Parce qu’il manque de crédits, je crains que le budget ne manque finalement de crédibilité.
Cela me fait penser à une autre image qui a marqué la campagne du nouveau président argentin. On le voit passer devant un tableau où sont annotés les différents ministères de son pays. Un à un, il arrache les post-it en criant : « ¡ Afuera ! », ce qui signifie : « Dehors ! »
C’est ainsi que les populistes s’attaquent à réduire la dette publique. Mes chers collègues, je pense qu’il existe un chemin plus raisonnable pour rétablir nos comptes. Le groupe Les Indépendants salue les économies présentées dans ce budget, mais regrette le rejet de certains crédits. C’est pourquoi, dans sa majorité, il s’abstiendra sur ce texte.
Puisqu’il me reste quelques secondes, je salue M. le président de la commission des finances de la bonne tenue de nos débats, malgré près de 4 000 amendements déposés cette année, ainsi que M. le rapporteur général et M. le ministre, dont l’assiduité et l’écoute ont été soulignées. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Canévet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste est particulièrement préoccupé par l’état des finances publiques. Voilà dix ans, si l’on rapporte la dette au PIB, il y avait sept pays de la zone euro derrière nous. Aujourd’hui, il n’y en a plus que deux : l’Italie et la Grèce.
Vincent Delahaye a souvent eu l’occasion ici de solliciter la règle d’or. Nous devrons sans doute y réfléchir et la mettre en œuvre si nous voulons restaurer la capacité d’action de notre pays.
Dans le cadre du débat, le groupe Union Centriste avait deux objectifs : d’une part, améliorer les recettes pour améliorer la situation financière de l’État ; d’autre part, maîtriser les dépenses.
Les propositions centristes permettent d’améliorer de 2,1 milliards d’euros environ les recettes de l’État. Pour ce qui concerne la maîtrise des dépenses, nous avons proposé de réaliser un effort de 7 milliards d’euros.
Les collègues de mon groupe ont été très offensifs sur les questions d’habitat.
Lana Tetuanui a évoqué l’habitat en outre-mer.
Guislain Cambier a rappelé un besoin de 5 millions de logements dans les dix ans à venir. À l’heure actuelle, nous observons que le nombre de permis de construire a diminué de 28 %, le nombre de crédits de 40 % et le nombre de transactions de 38 %.
Denise Saint-Pé a évoqué la nécessité de la concrétisation de la rénovation énergétique.
Jean Hingray s’est intéressé aux besoins en matière de logement étudiant.
Françoise Gatel s’est penchée sur les besoins des collectivités territoriales en matière de financement pour la rénovation de l’ensemble du bâti.
Jean-François Longeot a sollicité une meilleure programmation pluriannuelle sur différents éléments, comme la biodiversité, les relations entre l’État et les collectivités territoriales, ainsi que la transition énergétique.
En matière d’enseignement, Anne-Sophie Romagny a évoqué la réussite de l’apprentissage, tout en rappelant les difficultés financières de France Compétences.
Annick Billon a rappelé les résultats – hélas ! – particulièrement décevants de notre pays au regard des classements internationaux, résultats à remettre dans un contexte d’obtention du baccalauréat par 90,7 % des lycéens ; c’est dire l’écart entre les résultats français et les comparaisons internationales.
En matière d’économie, plus de 400 types d’aide existent. Il est temps de rationaliser les choses, par souci d’efficacité. En effet, nombreux sont ceux qui ont le sentiment que les aides vont toujours aux mêmes.
À cet égard, Daniel Fargeot a évoqué la place des réseaux consulaires, ainsi que, en matière d’agriculture, la nécessité du renouvellement des générations et de l’amélioration du revenu des agriculteurs.
Yves Bleunven a rappelé la nécessité d’une évaluation du soutien à l’investissement productif.
Vincent Capo-Canellas a souligné la nécessité de l’évaluation des actions du plan de relance.
Brigitte Devésa a insisté sur l’impact de la réforme de France Travail sur l’emploi, qu’il conviendra d’évaluer.
Dans le domaine social, notre collègue Nadia Sollogoub a fait montre d’une ambition en matière de santé. Elle a également souhaité que l’appellation « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » évolue vers « Monde combattant ».
Jocelyne Guidez a rappelé les besoins en matière d’aide alimentaire.
À propos de l’administration, Jean-Michel Arnaud a évoqué les difficultés à obtenir des titres sécurisés. Je pense aux titres de séjour, aux titres d’identité, ainsi qu’aux permis de conduire.
Olivia Richard a regretté les délais de traitement de la justice administrative.
Philippe Bonnecarrère a souligné des résultats particulièrement décevants en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, rappelant notamment qu’il existe aujourd’hui plus de 180 titres de séjour différents dans notre pays. Une rationalisation s’impose donc aussi en la matière.
Claude Kern a évoqué la promotion du sport-santé.
Olivier Cigolotti, les difficultés à recruter dans le domaine militaire, malgré l’augmentation des crédits.
Olivier Cadic et Philippe Folliot se sont appesantis sur la francophonie, qu’il convient de promouvoir.
Catherine Morin-Desailly a appelé l’attention sur le financement de l’audiovisuel, qui ne peut pas continuer à s’appuyer sur le recours au fonds de compensation de la TVA (FCTVA).
Sonia de La Provôté a insisté sur la nécessité d’une stratégie en direction du patrimoine et s’est inquiétée du devenir des écoles supérieures d’art.
Enfin, je veux rappeler deux avancées notables : celle de Bernard Delcros pour ce qui concerne France ruralités revitalisation et celle de Françoise Gatel s’agissant de la prise en compte des communes nouvelles.
Comme vous pouvez le constater, l’apport des centristes a été particulièrement important. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Cet apport a concerné non seulement les dépenses, mais aussi les recettes. Monsieur le ministre, en la matière, il faut vraiment que vous écoutiez nos propositions.
Nathalie Goulet (Applaudissements sur les mêmes travées.) a formulé de nombreuses propositions pour lutter contre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale. Il est nécessaire d’agir plus vigoureusement en la matière, faute de quoi nous irons au-devant des difficultés.
Bernard Delcros vous a proposé une contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus et la taxation des rachats d’actions par les grandes sociétés, qui sont très régulièrement décriés. Ce sont des propositions concrètes !
Sylvie Vermeillet vous a proposé de transformer l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune improductive. Encore une proposition très concrète !
Notre groupe vous a également proposé la suppression d’un certain nombre de niches fiscales. N’ayons pas peur d’avancer à la matière, car il faut être plus juste et plus égalitaire. Tel est le sens de notre vote. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC. – Plusieurs membres de ce groupe se lèvent et applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Grégory Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le « monde d’après » est désormais sous nos yeux. Nos débats n’y ont pas échappé ; ils ont clairement tourné autour de trois enjeux.
Tout d’abord, nous sommes entrés dans un nouveau cycle au niveau monétaire. Il nous faut à présent anticiper des chocs d’inflation à répétition, la moindre étincelle diplomatique étant susceptible de mettre le feu aux liquidités massivement injectées depuis 2008.
Avec le resserrement monétaire, les politiques budgétaires sont désormais au centre des politiques économiques. Or, de ce point de vue, un déficit de 150 milliards d’euros, soit la moitié des recettes nettes de l’État, impacte nos marges de manœuvre.
Au niveau social, l’accès au logement, l’habitat et les mixités se trouvent au cœur des tensions nées de l’accentuation, d’une part, des mobilités intrafamiliales, professionnelles, migratoires et culturelles, et, d’autre part, des angoisses sociales nées du terrorisme, de la guerre, du choc des pandémies.
Enfin, au niveau environnemental, la planète a franchi six des neuf limites vitales, et l’effort n’est pas suffisant pour y faire face. Les accords de Paris fixaient la limite à +1,5°degré. Nous allons vers +3°degrés, et le Gouvernement nous enjoint de nous préparer à +4°degrés ! Il faut donc poursuivre un effort intense pour éviter le réchauffement, mais aussi, et surtout, nous adapter en urgence.
Selon le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, d’ici à 2040, 66 milliards d’euros par an seront nécessaires. Le Fonds monétaire international (FMI) avance les mêmes ordres de grandeur. Or, dans les faits, nous n’y consacrons même pas la moitié de cette somme.
Face à ces défis, que propose le Gouvernement ?
Certes, il propose d’amorcer un virage pris avec la planification écologique, et c’est une première. Mais, avec seulement 7 milliards d’euros – et encore, en recyclant des crédits –, on est très loin du compte. Les inégalités sociales et patrimoniales ne font l’objet d’aucune correction : au contraire !
Fondamentalement, tout cela se traduit par une doxa : « stabilité fiscale », ce qui, au passage, entretient une confusion supplémentaire – et c’est là le plus grave – entre stabilité du système fiscal et stabilité du niveau des prélèvements obligatoires. Or ni l’un ni l’autre ne résiste aux faits.
Notre système fiscal va se prendre de plein fouet la nécessaire transition écologique, à l’image de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont le rendement, selon le Trésor lui-même, va baisser de 13 milliards d’euros d’ici à 2030.
De ce point de vue, refuser d’amorcer structurellement le virage de la fiscalité écologique est coupable : coupable pour ce qui est de la planète et de la protection face aux aléas climatiques, mais coupable aussi pour ce qui est du bon état des finances publiques ! Qu’attendez-vous, monsieur le ministre ? Pourquoi n’engagez-vous pas dès maintenant un véritable virage fiscal en donnant à chacun une visibilité pluriannuelle ? Le rôle d’un État, c’est de prévoir le changement et de sécuriser ceux qui vont le vivre.
De même, avoir pour objectif la stabilité du niveau de prélèvement est une erreur capitale. Il faudrait dégager près de 120 milliards d’euros supplémentaires pour être au rendez-vous et du déficit, et de la transition écologique, et du service de la dette, qui va croître de 35 milliards d’euros d’ici à trois ans.
Dans ce contexte, vous décidez de maintenir vos objectifs de baisse des impôts, notamment de production, sans dire par quoi cette baisse va être compensée. Par l’impôt sur la consommation ? Par l’impôt sur le revenu ? Par l’impôt sur le patrimoine ? Ou en alourdissant encore davantage la charge qui pèse sur les seuls actifs, comme lors de la dernière réforme des retraites ? Ce n’est pas clair !
Nous avons besoin d’un État stratège qui détermine des orientations, mobilise les moyens appropriés et fixe un cap et définisse un projet.
Une politique financière ne fait pas une politique budgétaire, encore moins une politique économique, et encore moins une politique de transition écologique.
De son côté, comment le Sénat a-t-il traité ce PLF ?
Là aussi, pas de modifications structurelles : la majorité sénatoriale a fait sienne la confusion entre stabilité fiscale et stabilité du niveau des prélèvements. Elle a même voté plusieurs amendements non gagés qui enfanteront du déficit et de la dette, à l’image de la reprise du dispositif dit « Balladur » sur le logement. Faire baisser les impôts pour quelques-uns par la dette pour tous est à nos yeux inacceptable.
Certes, ce budget contient des avancées timides, que nous accueillons favorablement : la salutaire correction de malfaçons fiscales – révision de l’imposition des meublés de tourisme, taxation des rachats d’actions –, mais aussi le renforcement du soutien aux collectivités locales, via la dotation globale de fonctionnement (DGF), les fonds de péréquation ou encore la dotation bioclimatique, dont la création était une proposition historique du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Mais mes collègues et moi-même avons formulé d’autres propositions. Face au défi environnemental, nous devons repenser en profondeur ce que signifie le consentement à l’impôt : il y a là – nous le savons bien – une question démocratique de premier ordre. Faire l’autruche ne fera qu’empirer le problème.
À cet égard, vu la situation dégradée des finances publiques, que chacun ici souligne, nous ne partageons pas l’idée selon laquelle il faudrait baisser les impôts de production. Il faut les repenser, sans doute, mais non les baisser pour les baisser. De même, la fiscalité sur le patrimoine doit être revisitée, car il n’y a pas d’autre voie que de prélever les richesses qui dorment, non de manière confiscatoire, mais de manière équitable et efficace. Sans ressources nouvelles, en effet, on échouera. L’impôt sur la fortune (ISF) climatique, qui a été refusé par la majorité sénatoriale, est le symbole d’une telle mobilisation ; vous n’aurez d’autre choix que d’y venir !
La dette n’est pas un tabou si et seulement si elle permet d’abord de financer l’essentiel avant de baisser les impôts. Vous procédez à l’inverse, ce qui est, selon nous, un contresens économique, social et écologique.
Enfin, dans cette période de crise, nous avons proposé de mieux soutenir le logement social. Ce modèle a fait ses preuves en 2008, au moment de la crise de la promotion immobilière, et il est le meilleur levier là où il s’agit de construire sans délai. Les Français attendent des toits à tarifs abordables et construits dans le respect de la planète. Pour innover, pour aider les élus locaux, pour montrer que le « zéro artificialisation nette » (ZAN) est possible, le meilleur outil, c’est le logement social.
Sur tous ces sujets, nous avons proposé des solutions à la fois pragmatiques et plus ambitieuses. Elles ne sont pas retenues ; c’est donc en toute cohérence que nous voterons contre ce projet de budget.
Je conclus en saluant le président et le rapporteur général de la commission des finances, ainsi que l’ensemble des agents qui ont contribué à la préparation de ces débats. Monsieur le ministre, mes chers collègues, 2024 va s’ouvrir et, comme le dirait l’un des collègues de notre groupe, c’est maintenant que cela se « corse » ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Plusieurs sénatrices et sénateurs des groupes SER et CRCE-K applaudissement également.)