M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pas du tout !

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, vous devez le reconnaître, ce ne sont pas les collectivités qui se sont trompées sur leur situation financière, c’est le Gouvernement. Votre dispositif est inintelligible, mal conçu, et cela relève de votre responsabilité !

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky n’ayant voté ni pour la Lolf ni pour le PLF 2023, il est logique qu’il ne vote pas pour ce texte. En effet, les mesures modificatives que vous nous avez présentées n’infirment pas les grandes lignes de conduite du budget. C’est d’ailleurs logique politiquement, c’est en conformité avec le budget.

Les élus locaux le savent, rectifier un budget est constitutif d’un exercice budgétaire, quel qu’il soit, au-delà des confusions inhérentes à ce nouvel objet budgétaire, sorte d’ovni, dont j’ai parlé au début de mon propos. Aussi, le désaccord ne porte pas sur la forme – tous les élus locaux savent ce qu’est une décision modificative ou un budget supplémentaire –, il porte bien sur le fond. Le libéralisme et le laisser-faire se confrontent au principe de réalité et aux besoins sociaux et environnementaux immenses, auxquels la politique du Gouvernement, à nos yeux, ne répond pas. D’où notre vote négatif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Raphaël Daubet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mettre en phase nos prévisions avec la réalité : tel est l’objet de ce texte.

Un texte utile, qui permet de réajuster les crédits en fin d’année, à la faveur du contexte et de la conjoncture. Un texte que l’on aurait tendance à croire technique, mais qui concentre trois exercices en un seul.

C’est d’abord un exercice de décision et d’action, puisqu’il s’agit d’ouvrir ou d’annuler des crédits. C’est aussi un exercice de bilan et de rapprochement de la prévision et du réel. C’est enfin un exercice de préparation au PLF 2024, dans la mesure où il nous permet de tirer des leçons de la fin de gestion 2023 et où il nous engage pour la suite.

Oui, ce projet de loi est un texte d’action, puisque les ouvertures de crédit permettent de mettre en œuvre de nombreuses mesures. À cet égard, je salue les choix du Gouvernement.

La défense et le soutien à l’Ukraine bénéficient ainsi de plus de 2 milliards d’euros supplémentaires.

En outre, les crédits de l’agriculture sont augmentés de 819 millions d’euros afin de faire face aux crises multiples de cette année, même si nous attendons encore de connaître les conditions d’attribution de ces aides. Je pense, par exemple, aux viticulteurs du Lot, où le vignoble est réellement en danger.

Je tiens également à saluer la rallonge de 440 millions d’euros pour l’allocation aux adultes handicapés.

Enfin, 113 millions d’euros supplémentaires sont accordés à la santé – une goutte d’eau dans l’océan à l’aune des enjeux, mais mieux que rien.

Certes, d’autres besoins auraient aussi mérité un abondement des crédits. Je pense à l’école de la République, récemment frappée en son cœur, qui traverse une crise d’identité si profonde qu’elle justifierait une action d’urgence.

Je pense aux collectivités, étranglées par les charges et l’inflation du coût des projets.

Je pense à la recherche et à l’enseignement supérieur, confrontés à une compétition internationale acharnée.

Je pense enfin au logement, parce que la crise qui se prépare est une véritable bombe à retardement.

Comme d’autres, je constate amèrement l’annulation des crédits consacrés à l’écologie, notamment pour le dispositif MaPrimeRénov’. Elle s’explique par l’augmentation des taux d’intérêt, qui a freiné la capacité des ménages à s’engager sur les restes à charge. Pour autant, il faut tirer les conclusions avec lucidité : ces dispositifs ne sont pas opérants ; il serait illusoire de les reconduire en 2024 dans le même format.

Ce projet de loi est aussi un moment de rétrospective et de bilan.

Il faut bien reconnaître la justesse du scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement dans le PLF 2023, qui prévoyait une croissance du PIB de 1 %.

Il faut reconnaître également que la dette publique diminue légèrement pour tomber à 109,7 % du PIB. De même, le déficit public est finalement contenu à hauteur de 4,9 % du PIB, au lieu des 5 % prévus dans la loi de finances initiale.

Au demeurant, la décomposition du solde public ne laisse aucune place au doute : ce déficit est exclusivement et directement le fait des administrations centrales. Ce constat est sans appel : une réforme profonde de notre organisation administrative s’impose si l’on veut réduire, demain, ce déficit.

L’honnêteté intellectuelle commande aussi de reconnaître que le déficit budgétaire subit un vrai dérapage : non seulement il dépasse les prévisions de la loi de finances de 6,5 milliards d’euros, mais surtout il rompt avec trois années de baisse consécutives, qui dessinaient une trajectoire de retour à un solde budgétaire d’avant covid-19.

Je terminerai mon propos par quelques remarques concernant les recettes.

Les recettes fiscales nettes sont pratiquement toutes supérieures aux prévisions, qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu, de la TVA ou de l’impôt sur les sociétés. Elles poursuivent donc leur accroissement important d’année en année.

Qu’on le veuille ou non, associées à la fiscalité locale, elles pèsent lourdement sur les Français, sans permettre pour autant de réduire le déficit budgétaire de l’État.

Pis, cette année, elles ne suffisent pas à compenser la perte des recettes non fiscales. On peut d’ailleurs s’étonner que l’État, dans un contexte de dynamisme de l’impôt sur les sociétés, qui a généré 6 milliards d’euros de recettes supplémentaires, voie dans le même temps s’effondrer son volume de dividendes.

Enfin, ce projet de loi de finances de fin de gestion est aussi une préfiguration du PLF 2024. Il porte d’ores et déjà en germe les questions qui occuperont nos débats dans quelques jours, à commencer par les enjeux de désendettement et de déficit de l’État. On se demande déjà quelle sera la prochaine crise susceptible de faire déraper nos finances publiques…

En attendant, les membres du groupe RDSE ne voient pas de raison de s’opposer à l’adoption de ce projet de loi de finances de fin de gestion. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (MM. Thierry Cozic et Pascal Savoldelli applaudissent.)

Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l’examen de ce premier projet de loi de finances de fin de gestion, dont mon collègue Thierry Cozic a tracé les contours, me permet de faire le point sur la situation financière des collectivités locales.

En 2023, celles-ci ont été confrontées à une inflation tenace, affectant lourdement leurs dépenses de fonctionnement.

Parallèlement, leurs recettes s’amoindrissent et la prévisibilité de ces dernières relève de la gageure. Les recettes de TVA, qui sont désormais une composante majeure des ressources locales, ne sont pas aussi robustes que ne l’avait anticipé le Gouvernement.

Même si l’inflation devait refluer, les élus locaux auront toujours à faire face à des défis importants : climat socioéconomique dégradé, transition écologique et manque d’attractivité des carrières publiques. Dans ce contexte, le risque de précarisation des collectivités territoriales est réel.

Cette situation est pour partie liée à une dégradation de l’économie mondiale. Elle découle également de décisions prises sans concertation par le Gouvernement comme la suppression de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont les compensations ne peuvent être en rien comparables à des recettes dynamiques à la main des élus. Ce ne sont là que deux exemples ; il y en aurait bien d’autres.

Le récent rapport de la mission d’information sur l’impact des décisions réglementaires et budgétaires de l’État sur l’équilibre financier des collectivités locales de mes collègues Guylène Pantel et Jérôme Bascher relève ainsi que plus de soixante-dix décisions affectant la fiscalité locale et réduisant parfois considérablement l’autonomie des collectivités ont été prises entre 2010 et 2023.

Au-delà de la contrainte budgétaire, l’élément qui bride le plus l’action locale est bien l’incertitude concernant l’évolution des ressources financières et le manque de visibilité qui en découle.

À ce titre, je ne prendrai qu’un exemple, celui du filet de sécurité, qui a déjà été évoqué.

Il a été mis en place par le Gouvernement lors de la loi de finances rectificative pour 2022 afin d’accompagner les collectivités fortement touchées par la flambée des prix énergétiques. Initialement, ce dispositif devait profiter à plus de 22 000 collectivités. Aujourd’hui, seules 6 531 d’entre elles en bénéficient, et le Gouvernement ne manque pas de nous affirmer que ce faible nombre s’expliquerait par la bonne santé financière des collectivités locales.

Nous comprenons aisément qu’il soit réconfortant de le penser, monsieur le ministre, mais nous savons tous ici que la réalité est bien plus nuancée.

Tout dispositif a ses lacunes. Force est de constater que les critères excessivement restrictifs ont privé de nombreuses municipalités en difficulté d’une aide nécessaire, alors même que leurs charges avaient explosé.

Plus dommageable encore, à la suite de la publication de l’arrêté du 13 octobre 2023, bien des collectivités ont eu la désagréable surprise d’apprendre qu’elles devaient rembourser à l’État l’acompte versé. Près de 3 500 communes, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et syndicats se voient ainsi contraints de restituer les fonds reçus, et ce dès ce mois de novembre.

L’ambition initiale d’un filet de sécurité, qui était louable, se heurte désormais à la vérité des chiffres.

Cette situation non seulement crée une pression financière inattendue, mais surtout alimente l’incompréhension des élus locaux vis-à-vis de l’État, faute d’accompagnement et de conseils adaptés dans la mise en œuvre d’un dispositif censé les aider.

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste présentera un amendement afin de ne pas pénaliser ces 3 500 communes et groupements, dont beaucoup sont de taille modeste et se trouvent bien dépourvus en cette fin d’exercice.

Les collectivités locales sont volontaires pour relever bien des défis, mais cela suppose un dialogue équilibré et fiable entre l’État et ces dernières.

La solidité financière de nos communes, départements et régions garantit leur capacité à agir. Préserver celle-ci est essentiel pour notre démocratie locale et pour la cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi de finances de fin de gestion ouvre près de 10 milliards d’euros de crédits et en annule 5,2 milliards, surtout pour des raisons de sous-consommation.

En outre, le déficit budgétaire est supérieur de 7,6 milliards d’euros à ce qui était prévu en loi de finances initiale et rejoint les niveaux de la crise sanitaire.

Un projet de loi de finances de fin de gestion est censé se limiter aux ouvertures et annulations de crédits nécessaires en fin de gestion. Pourtant, la liste desdites ouvertures et annulations est particulièrement longue et concerne une grande partie des programmes du budget général : s’il s’agit d’un schéma de fin de gestion, la gestion a dû être bien complexe…

Certes, toutes les dépenses ne peuvent être prévues en début d’année : l’évolution de la charge de la dette, par exemple, peut varier en cours d’année en fonction de l’évolution de l’inflation et des taux d’intérêt. Cependant, les réserves prévues en début d’année devraient permettre de faire face à ces impondérables, ainsi qu’à des recettes éventuellement moindres qu’escomptées. Or ce n’est pas le cas, puisque le déficit est dégradé alors même que l’année courante, contrairement aux précédentes, n’a pas été marquée par des crises d’une intensité exceptionnelle.

Dans le même temps, le nombre d’emplois de l’État continue d’augmenter, malgré la stabilité promise dans la nouvelle loi de programmation des finances publiques.

Si l’année courante ne s’en tient pas aux objectifs fixés en début d’année, qu’en sera-t-il de ceux qui sont fixés pour 2027 dans la loi de programmation ? Les revues de dépenses réalisées cette année n’ont pas produit beaucoup de résultats ; elles ont conclu, dans le domaine du logement, à la nécessité de mettre fin au dispositif Pinel à fin 2024, ce qui était déjà prévu dans la loi.

La Première ministre annonce à présent de nouvelles revues de dépenses : on ne sait pas pourquoi le Gouvernement trouverait l’an prochain des économies qu’il n’a pas su identifier cette année, mais c’est la condition pour atteindre les objectifs pourtant modestes de la loi de programmation…

Vous donnez deux pistes dans un entretien paru dans la presse ce dimanche.

Vous annoncez d’abord que vous allez réduire la place occupée par les fonctionnaires dans leurs bureaux afin d’économiser des mètres carrés : je crains, monsieur le ministre, qu’une telle mesure ne soit pas à la hauteur de l’enjeu lorsque le déficit budgétaire dépasse 170 milliards d’euros !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Il faut bien commencer par quelque chose !

M. Jean-Baptiste Blanc. Vous citez également, une fois de plus, la politique du logement. Je dirai quelques mots sur ce sujet, étant rapporteur de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes.

En effet, la politique du logement a été votre principale, voire votre seule source d’économies depuis 2017, mais sans mener aucune réforme de fond ni engager des économies de structure. Ce sont des mesures de régulation budgétaire qui ont permis de réaliser des économies sur les aides au logement au détriment et des bénéficiaires de ces aides et des bailleurs sociaux, touchés par la réduction du loyer de solidarité.

Le présent projet de loi de finances de fin de gestion prévoit en revanche une augmentation de crédits en matière de politique du logement, mais sur le seul programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ».

Ce n’est pas vraiment une surprise : chaque année depuis 2012, les dépenses budgétaires en cours d’année de ce programme sont supérieures de plusieurs centaines de millions d’euros aux prévisions de loi de finances initiale. Cette fois, le projet de loi de finances de fin de gestion ouvre 219 millions d’euros supplémentaires.

Vous aviez pourtant annoncé, depuis deux ans, la définition d’une budgétisation de l’hébergement plus sincère en loi de finances initiale, qui devait éviter les ouvertures de crédits en cours d’année : les événements imprévus de la crise sanitaire sont derrière nous, mais la hausse de ces crédits se poursuit, sans parvenir à réduire les besoins non satisfaits. En effet, les associations que nous auditionnons actuellement ne cessent de répéter que le nombre de demandes d’hébergement ne trouvant pas de réponse au numéro d’urgence 115 explose depuis l’an dernier.

Qu’en sera-t-il des crédits ouverts dans le projet de loi de finances pour 2024 ? Sur cette même politique, ils seront inférieurs à ceux qui ont été ouverts en cours d’année 2023, alors que le parc de places d’hébergement est toujours aussi élevé et que les besoins sont constants ! Quelle est la valeur des crédits présentés en loi de finances s’il faut systématiquement revenir devant le Parlement pour en demander de nouveaux en cours d’année ?

Nous aurons bien évidemment ce débat dans quelques jours lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de fin de gestion marque une dégradation du déficit de 7 milliards d’euros, à 172 milliards d’euros.

Comme l’a souligné le rapporteur général, la moyenne des déficits avant crise sanitaire s’élevait à 90 milliards. Déjà, nous étions inquiets – du moins, je l’étais ! Or, depuis 2020, la moyenne des déficits sur quatre ans est de 180 milliards d’euros, soit le double.

Je pouvais comprendre les pointes au moment de la crise, en 2020 ou en 2021 ; mais quatre ans de suite, ce n’est plus une pointe : c’est un déficit structurel !

Or, monsieur le ministre, vous refusez de donner le montant précis en volume de ce déficit et annoncez seulement qu’il représente 4,9 % du PIB. Un tel pourcentage ne représente rien pour les Français : si vous demandez son avis à quelqu’un, il vous répondra qu’un déficit de 3 %, de 4 % ou de 5 %, ce n’est rien. En revanche, si vous lui dites que cela équivaut à 172 milliards sur 454 milliards de dépenses – soit 38 % –, il n’aura pas la même réaction. Le vrai pourcentage de déficit, c’est 38 % des dépenses publiques ! Si nous voulons que nos concitoyens comprennent quelque chose aux finances publiques, c’est comme cela qu’il faut leur parler !

M. Vincent Delahaye. Il faut dire les choses.

Le PIB est un instrument qui représente un danger mortel. Cet indicateur mesure la richesse d’un pays ; mais, vous le savez sans doute, mes chers collègues, 30 % de ce PIB correspond à la dépense publique. Si celle-ci augmente, le PIB – donc la croissance – augmente mécaniquement ; si elle diminue, le PIB risque à son tour de diminuer et nous tombons en récession. (M. Thomas Dossus sexclame.)

Eh oui, monsieur Dossus, nous sommes dans un pays merveilleux : plus on dépense, plus on s’endette et plus on est riches ! C’est une aberration !

Cette spirale infernale est mortifère. En effet, compte tenu de notre niveau d’endettement, nous devons allouer dans ce PLFG 3,8 milliards d’euros de crédits supplémentaires au financement de la charge de la dette.

Les intérêts de la dette représentent près de 48 milliards en 2023. Si l’on suit vos prévisions, ils atteindront 84 milliards en 2027, soit plus que le montant total des recettes de l’impôt sur le revenu. Cela signifie que les 50 % de nos compatriotes qui paient l’impôt sur le revenu rembourseront en réalité les intérêts de la dette !

Nous donnerons simplement de l’argent aux marchés. Monsieur Savoldelli, vous qui n’aimez pas particulièrement les marchés, sachez que nous risquons de leur verser 84 milliards ! Le remboursement de la dette représentera le premier poste de dépenses de l’État.

Pour ma part, je suis effaré : alors que les taux d’intérêt augmentent, nous n’aurons jamais autant emprunté que cette année – 270 milliards – et notre dette atteint 3 000 milliards, soit l’équivalent du montant des recettes fiscales cumulées sur onze années. Vous rendez-vous compte ? Il faudrait multiplier tous les impôts par onze pour rembourser notre dette !

Alors que certains économistes, comme beaucoup de gouvernements, prétendent que l’argent tombe du ciel et qu’il suffit d’emprunter, car les marchés nous font confiance, nous sommes en train de nous apercevoir que la situation se renverse. Les taux d’intérêt seront bientôt supérieurs à la croissance et l’inflation. Toutes nos dépenses, y compris le remboursement de la dette, augmenteront plus vite que nos recettes. C’est un danger mortel.

Malheureusement, 2023 a signé la poursuite du « quoi qu’il en coûte ». J’espère que nous amorcerons un changement, mais je crains que ce ne soit pas encore pour le PLF 2024. Monsieur le ministre, il est grand temps de réagir face à l’augmentation de la dette et à ce cumul de déficits ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023
Première partie

Article liminaire

Les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, les prévisions de solde par sous-secteur, la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques, les prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations pour l’année 2023, les prévisions pour 2023 de ces mêmes agrégats du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ainsi que les données d’exécution pour l’année 2022 s’établissent comme suit :

 

(En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire)

Loi de finances de fin de gestion pour 2023

PLPFP 2023-2027

2022

2023

2023

Ensemble des administrations publiques

Solde structurel (en points de PIB potentiel) (1)

-4,2

-4,1

-4,1

Solde conjoncturel (2)

-0,5

-0,7

-0,7

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (en points de PIB potentiel) (3)

-0,1

-0,1

-0,1

Solde effectif (1 + 2 + 3)

-4,8

-4,9

-4,9

Dette au sens de Maastricht

111,8

109,7

109,7

Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d’impôt)

45,4

44,0

44,0

Dépense publique (hors crédits d’impôt)

57,7

55,8

55,9

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

1 523

1 573

1 575

Évolution de la dépense publique hors crédits d’impôt en volume (en %) *

-1,1

-1,4

-1,3

Principales dépenses d’investissement (en milliards d’euros) **

25

25

Administrations publiques centrales

Solde

-5,2

-5,3

-5,4

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

625

630

631

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

-0,1

-3,8

-3,6

Administrations publiques locales

Solde

0,0

-0,3

-0,3

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

295

312

312

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

0,1

1,0

1,0

Administration de sécurité sociale

Solde

0,4

0,7

0,7

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

704

730

730

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

-2,4

-0,5

-0,5

* À champ constant.

** Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027.

*** À champ constant, hors transferts entre administrations publiques.

M. le président. Je mets aux voix l’article liminaire.

(Larticle liminaire est adopté.)

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

Article liminaire
Dossier législatif : projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023
Avant l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

de l’équilibre

par les mots :

du déséquilibre

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Il me plaît de défendre régulièrement cet amendement.

Comme je le disais à l’instant, il est important de faire mieux comprendre à nos compatriotes les finances publiques, ce qui n’est pas toujours évident. Non contents d’employer un jargon qui n’est pas forcément accessible, nous utilisons des intitulés tels que : « conditions générales de l’équilibre financier ».

Comment cela peut-il faire sens, alors que nous venons de souligner que le déficit de la France atteint 172 milliards d’euros et que le déficit moyen depuis quatre ans est de 180 milliards ? De quel équilibre financier s’agit-il ? Il faut appeler un chat un chat : il s’agit plutôt d’un déséquilibre !

Ainsi, la première partie du projet de loi de finances de fin de gestion devrait être intitulée « conditions générales du déséquilibre financier ». C’est le message que nous devons faire passer aux Français tant que nos budgets seront en déficit – sachant qu’il faudra sans doute une dizaine d’années de rigueur et de travail pour le résorber.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je salue la constance du plaidoyer de notre collègue Vincent Delahaye.

Je vais tenter de vous répondre d’une manière différente des précédents exercices. Nous parlons de « conditions générales de l’équilibre financier », car dès lors que les comptes sont déséquilibrés, l’équilibre est assuré par l’emprunt.

Cet intitulé permet au Gouvernement de rendre visible le besoin croissant d’emprunt, au prix d’une dette toujours en augmentation. De cette manière, les Français constatent que le budget, tel qu’il est construit en recettes et en dépenses, accuse et présente un déséquilibre, malheureusement important et grandissant ; or les conditions de l’équilibre sont le recours à l’emprunt et l’augmentation de la dette, ce qui fait peser un risque important sur notre pays et sa compétitivité.

La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, le PLFG marque une amélioration par rapport à la loi de finances initiale en ramenant le déficit public de 5 % à 4,9 %.

Vous noterez à cet égard que ce pourcentage est conforme aux prévisions de la dernière loi de programmation des finances publiques, qui définit une trajectoire devant ramener le déficit public sous la barre des 3 % en 2027.

Je comprends de votre propos qu’il s’agit d’un amendement d’appel. Je partage votre préoccupation vis-à-vis des finances publiques. La semaine dernière, ici même, j’ai émis au nom du Gouvernement un avis défavorable sur de nombreux amendements dont l’adoption avait pour effet de dégrader le déficit de la sécurité sociale.

Mon avis est donc défavorable, même si je comprends le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, je ne remets pas en cause votre volonté de revenir à l’équilibre et de redresser nos finances publiques : vous êtes en poste depuis quatre mois, je ne vous ferai pas un procès d’intention.

Je comprends que vous préfériez raisonner en pourcentage de PIB ; c’est d’ailleurs une nécessité, les agences de notation s’intéressant principalement à cet indicateur. Je suis conscient que la réduction du déficit public, qui est passé de 5 % à 4,9 %, a été accueillie positivement par les acteurs étrangers, bien qu’elle n’apparaisse pas significative.

Cependant, la situation ne s’améliore pas : au contraire, elle se dégrade. Le déficit a progressé de 7 milliards d’euros, passant de 165 milliards à 172 milliards. Nous avons la chance de voir notre PIB augmenter, grâce, pour une petite partie, à la croissance, et pour une large partie, à l’inflation : ainsi, même augmenté de 7 milliards, le déficit correspond à une moindre part du PIB.

J’ai entendu les arguments du rapporteur général. Je retire mon amendement, qui était en effet un amendement d’appel. Il visait à attirer l’attention du ministre et de tous mes collègues, sur toutes les travées, sur la nécessité de faire des efforts collectifs : car nous aussi, en tant que parlementaires, nous sommes concernés.