Mme Laurence Rossignol. C’est tout le temps nous ! Franchement, on aurait fait votre politique, à vous entendre !
Mme la présidente. L’amendement n° 186, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre IV du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 744-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 744-3-…. - Au sein des lieux de rétention administrative, les étrangers qui ont fait l’objet d’une détention dans un établissement pénitentiaire au cours des six mois précédant leur placement en rétention sont retenus dans des espaces distincts des autres étrangers. »
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Nous continuons sur le sujet des lieux de rétention administrative, car ce débat est extrêmement important. Les choix politiques assumés par le ministre de l’intérieur, de fait, ont un impact sur leur organisation, si je puis la nommer ainsi, et sur la vie à l’intérieur de ces lieux.
Il faut avoir ce débat, et non se limiter à des avis défavorables de la commission et du ministre de l’intérieur.
Même lorsqu’un de nos amendements, par chance, reçoit un avis favorable du Gouvernement, il n’est pas adopté, du fait de certaines modalités procédurales… J’observe d’ailleurs que nos collègues de la droite sénatoriale sont revenus en séance.
Comme le ministre de l’intérieur assume de placer majoritairement en CRA des sortants de prison, nous proposons par cet amendement que les lieux de rétention contiennent des espaces dédiés à la rétention des sortants de prison.
Une chose est sûre : nous ne pouvons pas nous résoudre à voir cohabiter dans un même lieu des personnes qui – vous l’assumez – soulèvent des problèmes de dangerosité, et d’autres retenues uniquement au motif que leur séjour est irrégulier. Le délit n’est tout de même pas exactement de la même nature…
Pour cette raison, il faut des espaces dédiés distincts au sein des lieux de rétention administrative, tant pour les personnes détenues que pour les personnels.
Monsieur le ministre, vous venez de rendre un hommage à ces personnels et de les remercier. Nous nous y associons : ces personnels en souffrance doivent bénéficier d’une protection et de conditions de travail à la hauteur des enjeux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable. Le sujet a été abordé à plusieurs reprises. Il nous paraît difficile de créer par voie législative plusieurs « boîtes » à l’intérieur des CRA, une pour les sortants de prison, une autre pour les personnes poursuivies pour des faits de terrorisme, etc. Cela relève de l’organisation interne de chaque CRA, et non, me semble-t-il, du domaine législatif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis défavorable. Je rappelle que 90 % des personnes détenues dans les CRA sont soit radicalisées, soit délinquantes. Les 10 % restants ne sont pas en contact avec les autres.
Ce qui était dangereux, c’est ce qui existait auparavant, lorsque des gens délinquants étaient retenus avec des gens pas délinquants.
M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. Si, c’est tout à fait vrai ! (M. Savoldelli proteste.) Nous pouvons aller ensemble au CRA d’Île-de-France si vous le souhaitez, dès ce soir, monsieur le sénateur. Et si j’ai raison, vous votez le texte de loi ! (Sourires sur plusieurs travées. – Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.) Je constate que M. Savoldelli a déjà commencé à changer d’opinion…
Non, madame Rossignol, les LRA n’ont pas été créés lorsque vous étiez ministre, sous le gouvernement de M. Hollande. Ils l’ont été à l’époque de M. Jospin.
Mme Laurence Rossignol. Je savais bien que je n’avais rien à voir avec cela ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je remercie M. le ministre d’avoir si bien détaillé ce que sont les LRA, en disant qu’il suffisait de prendre rendez-vous avec le préfet, que ce dernier était facile à trouver. Nous savons à peu près faire notre boulot de parlementaires, et nous arrivons en général à trouver la porte de la préfecture…
Ma question porte sur les lieux de mise à l’abri, qui constituent un non-sens juridique. J’aimerais que vous reveniez sur ce sujet : il y a eu plusieurs condamnations. Nous avons pu voir de nos propres yeux les problématiques existant en matière d’encadrement juridique. Ces lieux se multiplient et s’agrandissent.
J’avais justement fait une demande écrite auprès du préfet de Nice pour visiter ce lieu de mise à l’abri, qui m’a répondu dans un premier temps que je ne pouvais pas le visiter, car il ne s’agissait pas d’un lieu de rétention. Nous y sommes tout de même allés, et nous nous sommes rendu compte qu’il s’agissait bien d’un lieu de rétention. On voit qu’il y a un petit flou.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quand il y a flou…
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Les LRA ne sont pas des lieux de rétention stricto sensu, puisque les gens ne sont pas arrivés en France, formellement et juridiquement, selon le droit européen. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s’exclame.)
Il s’agit d’un lieu temporaire où on va les remettre à disposition, comme M. Benarroche l’a parfaitement expliqué. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas améliorer les conditions, comme cela doit être le cas dans les Hautes-Alpes en particulier. Mais ces lieux ne sont pas des lieux de rétention. (M. Guillaume Gontard proteste.)
Mme la présidente. L’amendement n° 325 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les données disponibles qui concernent la localisation, les conditions d’accès et l’effectivité du droit de visite des parlementaires dans les locaux de rétention administrative.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Comme nous avons des difficultés pour constater un certain nombre de choses, nous nous posons la question : « Après tout, pourquoi pas un rapport ? »
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ah oui ! (Sourires.)
M. Guy Benarroche. Bien que le droit de visite des parlementaires dans les zones d’attente et les locaux de rétention soit prévu par les dispositions de l’article 719 du code de procédure pénale, les parlementaires éprouvent des difficultés pour accéder aux locaux de rétention administrative, aux zones d’attente et plus encore dans les zones de mise à l’abri aux alentours des frontières, puisque notre demande écrite n’a pas été acceptée, même si nous avons tout de même pu visiter ces lieux grâce aux fonctionnaires concernés, ce dont je les remercie.
Le constat que nous faisons est clair : les CRA s’apparentent de plus en plus à des lieux de détention ; les zones de mise à l’abri s’apparentent de plus en plus à des CRA qui n’en seraient pas. Tout cela nous semble un peu flou.
En plus, ces lieux sont situés dans des zones frontalières où un certain nombre de droits sont bafoués, non volontairement, mais parce que l’organisation même de ces lieux n’est plus conforme au rôle qu’ils jouent dans la réalité.
Je le précise, tant dans des zones d’attente que dans des zones de mise à l’abri, on accepte et on autorise la présence d’enfants, malgré, en ce qui concerne les zones d’attente, neuf condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme.
Il nous semble donc essentiel de dresser un bilan des conditions d’accès et l’effectivité du droit de visite des parlementaires, afin de permettre à ces derniers d’exercer un contrôle et un état des lieux de ces différents locaux. Nous le demandons en attendant une commission d’enquête du Sénat sur les lieux de rétention administrative, les zones d’attente et les zones de mise à l’abri.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Vous connaissez l’équation : demande de rapport égale avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas possible !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Dominique Théophile.)
PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 12 bis.
Article 12 bis (nouveau)
Le 5° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles est complété par les mots : « et à l’exclusion de ceux faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 190 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 287 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 434 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour présenter l’amendement n° 190.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise à supprimer l’article 12 bis, qui lui-même supprime une disposition de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, pourtant défendue par votre gouvernement, monsieur le ministre. Cette loi avait permis de mettre fin aux sorties sèches pour les enfants relevant de la protection de l’aide sociale à l’enfance (ASE), ce qui était plutôt une bonne nouvelle.
Par la suppression de cet article, nous souhaitons simplement que les jeunes majeurs faisant l’objet d’une OQTF, jusqu’à présent couverts par la protection de l’ASE au moins jusqu’à l’âge de 21 ans, puissent continuer à bénéficier de cette protection comme auparavant.
Je rappelle que l’on ne peut se voir notifier une OQTF qu’à partir de l’âge de 18 ans. Nous ne voyons pas de raison de menacer ces jeunes majeurs de ne pas être couverts par l’ASE pendant trois ans.
Beaucoup d’OQTF ne sont pas suivies d’effet ; seulement 10 % d’entre elles sont exécutées. La plupart des jeunes concernés, s’ils reçoivent une OQTF, restent sur le territoire français ; s’ils ne bénéficient plus de la protection de l’ASE, ils se retrouvent tout simplement livrés à eux-mêmes.
On imagine les conditions terribles dans lesquelles certains de ces mineurs sont arrivés en France. Il nous semble tout à fait naturel qu’ils puissent bénéficier d’une telle protection, pour eux comme pour nous. En effet, autrement, ils vivraient d’expédients dans la rue ; je ne suis pas sûre que ce soit très bon pour l’ensemble de la société.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 287 rectifié.
M. Guy Benarroche. L’article 12 bis a pour objet d’exclure du bénéfice de la protection de l’aide sociale à l’enfance tout jeune majeur ayant fait l’objet d’une OQTF, ainsi que de lui refuser l’octroi d’un contrat jeune majeur.
Les mesures relatives à la prise en charge des mineurs et des jeunes majeurs par l’aide sociale à l’enfance relèvent du champ de la protection de l’enfance et ne devraient donc pas être incluses dans un texte de loi relatif à l’immigration.
La protection des mineurs de l’aide sociale à l’enfance jusqu’à leurs 21 ans a pour objet de prévenir les ruptures sèches et le basculement vers la pauvreté des jeunes majeurs qui ne sont pas accompagnés par leurs proches, lorsque la famille n’est pas là et que les ressources financières sont insuffisantes.
Le contrat jeune majeur, quant à lui, permet d’assurer la continuité de l’accompagnement afin d’offrir à ces jeunes une autonomie et la perspective d’une insertion professionnelle.
Refuser l’accompagnement aux jeunes majeurs faisant l’objet d’une OQTF est un non-sens politique.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Oh !
M. Guy Benarroche. Cela n’aura pour seule conséquence que d’accroître le nombre de jeunes personnes à la rue et de mettre un frein à toute insertion professionnelle.
Par conséquent, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 434.
M. Pierre Barros. L’article 12 bis prévoit d’exclure du bénéfice de l’aide sociale à l’enfance et du contrat jeune majeur tout majeur faisant l’objet d’une OQTF.
Conformément à la loi du 7 février 2022, le dispositif en vigueur permet, en l’absence de soutien familial, de ressources et de solution d’hébergement, de continuer, une fois qu’elles sont devenues majeures, l’accompagnement des personnes prises en charge par l’ASE jusqu’à leurs 21 ans.
Du fait du très faible taux d’exécution des OQTF, les personnes concernées resteront encore un certain temps sur le territoire. Cet article aura pour effet, dans ce laps de temps, de marginaliser à l’extrême de jeunes majeurs déjà très vulnérables.
Là encore, on prend le problème à l’envers : on aggrave des situations individuelles dans l’unique objectif d’afficher de la fermeté, pour pouvoir ensuite avancer que les personnes en attente d’éloignement ne sont pas aidées par la puissance publique.
Contrairement à ce qu’on a pu lire ou entendre, il n’y a aucune contradiction à assurer la subsistance de ces jeunes majeurs à qui l’on demande de quitter le territoire, d’autant plus que les mesures d’éloignement sont souvent contestées et que beaucoup sont suspendues ou annulées par les juridictions administratives.
En somme, abandonner totalement ces personnes, c’est créer les conditions d’une détresse qui les pousse à sortir des radars. La seule conséquence de ces propositions sera de les placer dans un entre-deux intenable, créant encore plus de foyers de misère sociale.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression pure et simple de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis défavorable. M. Benarroche parlait de « non-sens politique » ? Il y a aussi un non-sens juridique dans cette situation : ces jeunes majeurs sont en situation irrégulière sur le territoire, puisqu’ils font l’objet d’une OQTF, mais, dans le même temps, on demande aux départements de les prendre en charge.
Cela n’a pas de sens. Il faut prendre un parti. Vous avez saisi depuis hier lequel nous prenons : traiter pragmatiquement les situations ne peut se faire qu’à travers le prisme de certains principes. Notre principe est que lorsque quelqu’un est en situation irrégulière sur le territoire, il doit partir.
Encore une fois, ces jeunes peuvent bénéficier d’une admission exceptionnelle au séjour expressément prévue par le code. S’ils n’en bénéficient pas, ils ne peuvent pas rester sur le territoire et on ne peut pas imposer aux départements de les prendre en charge.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 190, 287 rectifié et 434.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 136 rectifié bis est présenté par Mme L. Darcos, MM. Malhuret, Guerriau, Rochette et Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc, L. Vogel, Chasseing et Verzelen, Mme Bourcier et MM. Chevalier et Wattebled.
L’amendement n° 278 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux et Mme Pantel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par les mots :
, sous réserve de l’appréciation du président du conseil départemental
La parole est à Mme Laure Darcos, pour présenter l’amendement n° 136 rectifié bis.
Mme Laure Darcos. L’article 12 bis, adopté par la commission des lois, répond aux difficultés rencontrées par les départements, dont les décisions de ne pas accorder de contrat jeune majeur à des mineurs non accompagnés devenus majeurs et faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ont été suspendues par le Conseil d’État statuant en référé.
La jurisprudence de la juridiction administrative prive de fait les présidents des conseils départementaux de tout pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de mettre en place un contrat jeune majeur. Il apparaît nécessaire de redonner au président de département une faculté d’appréciation de l’opportunité de conclure ou non un contrat jeune majeur, en considération de la motivation, du parcours et du projet pour l’autonomie du jeune.
Dans l’attente de rétablir à l’ensemble des jeunes majeurs relevant de l’aide sociale à l’enfance ce pouvoir d’appréciation pourtant conforme à la volonté du législateur, il est nécessaire de le réintroduire explicitement s’agissant des mineurs non accompagnés non délinquants faisant l’objet d’une OQTF.
Dans certains cas, l’accompagnement d’un jeune majeur par le département est gage d’un parcours d’insertion et de perspectives d’emploi au moment de son accession à la majorité.
M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour présenter l’amendement n° 278 rectifié.
M. Ahmed Laouedj. Je ne vais pas « chipoter », madame la rapporteuse : cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mon cher collègue, rapporteur, c’est une fonction ; rapporteuse, c’est un défaut ! (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Comme « madame la sénatrice » ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cela dépend des sénatrices, madame de La Gontrie !
Il n’est pas cohérent que l’État demande à quelqu’un de partir et qu’un département l’aide à rester. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 136 rectifié bis et 278 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 12 bis.
(L’article 12 bis est adopté.)
Après l’article 12 bis
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 92 rectifié ter est présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Bazin et Paccaud, Mmes Joseph et Dumont, M. J.P. Vogel, Mme Belrhiti, MM. Favreau, Bouchet et Frassa, Mmes V. Boyer, Bellurot et Richer, M. Piednoir, Mmes Gruny, Lassarade et Lopez, MM. Belin, Saury, Cadec et Meignen, Mmes Demas et Garnier, MM. Pellevat, Reynaud et Sol, Mmes Petrus, Josende, Aeschlimann et Berthet, M. Bruyen, Mmes Muller-Bronn et Micouleau, MM. Genet, Sautarel, Chatillon et Tabarot, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Klinger et Bouloux, Mme Pluchet, MM. Perrin et Rietmann, Mme de Cidrac et M. Gremillet.
L’amendement n° 142 rectifié bis est présenté par Mme L. Darcos, MM. Malhuret, Guerriau, Rochette et Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc, Chasseing et Verzelen, Mme Bourcier et MM. Chevalier et Wattebled.
L’amendement n° 279 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux et Fialaire et Mmes Guillotin et Pantel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa du II de l’article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette évaluation est réalisée sur la base d’un cahier des charges national défini en concertation avec les départements. »
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour présenter l’amendement n° 92 rectifié ter.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet amendement tend à répondre à une forte demande de l’Assemblée des départements de France.
Dans le contexte d’une forte progression du nombre de mineurs non accompagnés (MNA), il est nécessaire de donner aux départements les moyens de procéder à une évaluation incontestable de la minorité des requérants, en harmonisant sur l’ensemble du territoire national les modalités de cette évaluation au moyen de l’élaboration d’un cahier des charges national, défini en concertation avec les départements.
Cette disposition correspond à une proposition du rapport, publié au mois de février 2018, de la mission bipartite de réflexion des services d’inspection sur les MNA, à laquelle les départements ont été associés.
Elle vise à une évaluation plus efficace de la minorité des jeunes migrants arrivés sur le territoire national et, in fine, bien sûr, à une meilleure prise en charge de ces jeunes.
Si les départements disposent effectivement aujourd’hui d’un guide des bonnes pratiques, cela n’a strictement rien à voir avec l’évaluation incontestable que les départements souhaitent mettre en place de manière collective et globale sur le territoire.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour présenter l’amendement n° 142 rectifié bis.
Mme Laure Darcos. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être excellemment défendu par Mme Eustache-Brinio. Je me réjouis qu’il ne soit pas tombé sous le coup de l’article 40 de la Constitution, contrairement à d’autres amendements que j’avais déposés.
M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour présenter l’amendement n° 279 rectifié.
M. Ahmed Laouedj. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission demande le retrait de ces amendements, faute de quoi l’avis serait défavorable.
En effet, un arrêté publié au mois de novembre 2019 fixe un référentiel national sur le fondement duquel la procédure d’évaluation de la minorité doit être réalisée. Il est assorti d’un guide de bonnes pratiques.
Cet arrêté et ce guide nous semblent suffisants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je maintiens mon amendement, qui correspond à une demande forte de tous les départements.
Nous savons que les départements sont confrontés à un vrai problème s’agissant des MNA. D’ailleurs, l’année prochaine, l’application de la loi Taquet sera dramatique pour les départements ; ces derniers n’ont pas les moyens d’assumer la prise en charge des MNA qui sera exigée. (Mme Audrey Linkenheld proteste.) Il faut faire preuve de cohérence.
Si les départements émettent une telle demande, c’est qu’ils en ont besoin, car ce qui est entre leurs mains aujourd’hui ne leur suffit pas.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 92 rectifié ter, 142 rectifié bis et 279 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12 bis. (MM. Francis Szpiner et Christian Bruyen applaudissent.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 310 rectifié bis, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième et troisième alinéas de l’article 388 du code civil sont supprimés.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet d’interdire la réalisation des examens radiologiques osseux réalisés à des fins de détermination de l’âge d’un individu.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2018-768 relative à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) M. Adama S. du 21 mars 2019, a confirmé que les examens radiologiques osseux, en l’état des connaissances scientifiques, peuvent comporter une marge d’erreur significative.
Comme le note le Défenseur des droits dans sa décision n° 2019-275, la pratique des radiographies pose en elle-même d’importantes questions d’éthique médicale, car elle ne répond à aucune indication médicale et pourrait mettre en danger la santé de l’enfant, tout en n’apportant aucune réelle plus-value à la procédure de détermination de l’âge.
Cette technique d’expertise a été établie au début du XXe siècle à partir des caractéristiques morphologiques d’une population nord-américaine.
De surcroît, les méthodes utilisées pour estimer l’âge d’un jeune migrant, que ce soit par référence à l’atlas de Greulich et de Pyle, à la maturation dentaire ou à un scanner de la clavicule, n’ont été élaborées qu’à des fins de traitement médical et de référencement des caractéristiques moyennes d’une population, et non pour estimer l’âge d’un individu.
Parce qu’ils sont étrangers, les mineurs sont confrontés au doute et au soupçon. Pour le dire simplement, ces tests ont été créés non pour déterminer l’âge d’une personne, mais seulement pour suivre la croissance des enfants, comme le rappelait Catherine Adamsbaum, cheffe de service de radiologie pédiatrique de l’hôpital Bicêtre, et ils ne sont pas fiables.
La Cimade, Médecins du monde, la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France déplorent ensemble l’instrumentalisation de ces examens radiologiques au profit d’arbitrages migratoires.