Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
article 2
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 65
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
II ter. – À l’article L. 846-2 du code de la sécurité sociale, les mots : « , L. 5412-1 et L. 5412-2 » sont remplacés par les mots : « et L. 5412-1 ».
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination rédactionnelle, tout comme les amendements nos 2 et 3, déposés respectivement aux articles 3 et 9 bis A, que je considère comme défendus. Ces trois amendements du Gouvernement visent simplement à corriger quelques références ou renvois dans le texte issu de la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’avis est favorable sur cet amendement, comme il le sera sur les deux suivants.
Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 57
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
12° L’article L. 262-42 est ainsi modifié :
a) Les mots : « des articles L. 5412-1 et L. 5412-2 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 5412-1 » ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
Cet amendement a déjà été défendu.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 35
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
…° Le tableau constituant le second alinéa des articles L. 755-1, L. 765-1 et L. 775-1, dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 précitée, est ainsi modifié :
a) La sixième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 412-3 |
Résultant de la loi n° … du … pour le plein emploi |
» ;
b) La dixième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 412-15 |
Résultant de la loi n° … du … pour le plein emploi |
» ;
c) La douzième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 412-17 |
Résultant de la loi n° … du … pour le plein emploi |
» ;
d) L’avant-dernière ligne est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
«
L. 412-24 à L. 412-42 |
Résultant de l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 |
L. 412-43 à L. 412-46 |
Résultant de la loi n° … du … pour le plein emploi |
L. 412-47 à L. 412-54 |
Résultant de l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 |
» ;
…°Au 6° de l’article L. 771-2, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 précitée, la première occurrence du mot : « aide » est remplacée par le mot : « accompagnement ».
II. – Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
…° La quatorzième ligne du tableau constituant le second alinéa des articles L. 2651-1, L. 2661-1 et L. 2671-1 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
«
L. 2113-12 |
Résultant de la loi n° … du … pour le plein emploi |
L. 2113-13 |
» ;
…° La dixième ligne du tableau constituant le second alinéa des articles L. 3351-1, L. 3361-1 et L. 3371-1 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
«
L. 3112-1 à L. 3112-4 |
|
L. 3113-1 |
Résultant de la loi n° … du … pour le plein emploi |
L. 3113-2 |
».
Cet amendement a déjà été défendu.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juillet dernier, nous examinions ici, au Sénat, le projet de loi pour le plein emploi. Ce texte a donné lieu à de vifs débats sur ce sujet très important pour nos concitoyens et a mis deux points en évidence.
D’une part, le taux de chômage a diminué significativement ces six dernières années, puisqu’il est passé de 9,4 % à 7,1 %, soit un taux parmi les plus bas de ces quarante dernières années.
D’autre part, il reste encore du chemin à parcourir pour atteindre le plein emploi d’ici à 2027, comme l’a souhaité le Gouvernement.
Cela a été dit, seuls 40 % des deux millions de bénéficiaires du RSA sont inscrits à Pôle emploi. Ce constat interpelle et inquiète. Nous pouvons tous convenir que c’est aussi le travail qui valorise l’individu, dans sa famille, comme dans la société. Nous ne pouvons pas laisser 60 % des bénéficiaires du RSA dans cette situation.
À ce titre, l’inscription automatique des personnes privées d’emploi sur la liste des demandeurs d’emploi apparaît être une mesure pertinente du texte. Elle permettra d’accompagner de manière effective les intéressés.
S’il est juste que les personnes ne pouvant accéder au monde du travail bénéficient de la solidarité nationale, il est tout aussi juste d’accompagner activement ceux qui veulent renouer avec l’emploi. Nous connaissons les nombreux freins qu’une personne en recherche d’emploi rencontre. Il nous faut aider à les lever.
Ce projet de loi prévoit un accompagnement réaliste. Tout le monde ne sera pas pourvu d’un emploi immédiatement. Le texte n’est pas une baguette magique !
Cette quête d’emploi tiendra compte de la situation individuelle en matière de santé, de logement ou d’enfant et, le cas échéant, proposera un accompagnement social.
Ces obligations et objectifs seront formalisés dans un contrat d’engagement avec le demandeur d’emploi.
Nous nous réjouissons, d’ailleurs, que la mention des quinze heures d’activité hebdomadaires proposée par le Sénat ait été conservée dans la version finale du texte. Cela a déjà été dit, il s’agira non pas de travail gratuit, mais d’actions de formation, de découverte de l’entreprise ou d’accompagnement.
Ces obligations seront renforcées par la possibilité d’une sanction de suspension-remobilisation en cas de non-respect des engagements du demandeur d’emploi. C’est un apport important, pour deux raisons.
Premièrement, les quinze heures d’activité concrétiseront, au-delà d’un contrat purement formel, les engagements du demandeur d’emploi et permettront un retour progressif vers le monde professionnel de ceux qui en sont le plus éloignés.
Deuxièmement, ce texte rappelle à chaque allocataire qu’en amont de chaque droit il y a des devoirs.
Des cas d’aménagement, de réduction et de dispense de ces quinze heures d’activité hebdomadaires sont également prévus.
Au-delà d’une modification des règles applicables au RSA, ce projet de loi tend également à favoriser l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap, en simplifiant notamment la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Il fait aussi converger les droits des travailleurs en établissement et service d’aide par le travail avec ceux des salariés.
Il traite aussi d’une difficulté dans l’accès à l’emploi : la garde des enfants. L’article 10 prévoit, à ce titre, de confier aux communes le rôle d’autorités organisatrices de ce service public dans l’objectif d’un accroissement de l’offre.
Cet article avait suscité des craintes quant aux contraintes qui pèseraient alors sur les communes. La version adoptée en commission mixte paritaire en tient compte, en conservant les apports du Sénat.
En effet, la mesure ne concernera pas les communes de moins de 10 000 habitants. L’obligation pour certaines communes de créer un relais petite enfance est reportée à 2026.
En somme, ce texte vise à mettre en place un accompagnement effectif des bénéficiaires du RSA, en contrepartie d’engagements concrets. Il tend à apporter certaines solutions aux freins à l’emploi. Aussi le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra-t-il ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
M. Olivier Henno. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer le travail de la commission des affaires sociales et de notre collègue rapporteure tout au long de ce texte, au moment où une partie du Sénat était amenée à être renouvelée. Il a fallu mener à bien un certain nombre d’auditions. Notre rapporteure a su trouver le chemin d’une commission mixte paritaire conclusive et faire entendre la voix de la majorité sénatoriale.
Un accord en commission mixte paritaire est toujours une bonne nouvelle pour le Parlement. Qu’il me soit donc permis de saluer ce résultat.
Ce projet de loi visait deux objectifs. D’une part, il s’agit de renforcer le suivi et l’accompagnement des personnes sans emploi selon une logique de droits, mais aussi de devoirs. D’autre part, il s’agit d’assurer une coopération renforcée des acteurs qui concourent à l’insertion sociale et professionnelle, adaptée aux situations locales et respectueuse des compétences de chacun, en particulier des collectivités territoriales.
De tels objectifs sont conformes à nos fondamentaux. Le groupe Union Centriste et la majorité sénatoriale ne seront jamais du côté de ceux qui défendent la verticalité. Rien de plus pertinent qu’une gestion au plus près du terrain, gestion paritaire ou gestion locale par des élus.
La défense des corps intermédiaires, l’attachement au paritarisme et à la gestion locale restent notre cap en toutes circonstances.
À ce propos, nous voulons également de nouveau saluer le remarquable travail des missions locales et du réseau des maisons de l’emploi.
Mais revenons-en au texte, mes chers collègues.
La commission mixte paritaire a trouvé un juste équilibre en matière de contrôle et de sanction des bénéficiaires du RSA.
Il s’agira bien évidemment de mieux articuler les parcours d’insertion et de mettre davantage en adéquation les actions avec les besoins du marché de l’emploi.
Pour ce qui concerne les allocataires du RSA, rappelons que 60 % des bénéficiaires ne disposent pas de contrat d’accompagnement et que seulement 41 % d’entre eux sont inscrits à Pôle emploi. Ces chiffres sont inquiétants et nettement insuffisants. La quantité de travail fournie par les personnes âgées de 25 ans à 65 ans dans notre pays est notoirement insuffisante. Il importe donc de leur proposer davantage de parcours d’insertion.
C’est pourquoi nous saluons la proposition de Pascale Gruny, qui donne au préfet de département et au président du conseil départemental le pouvoir d’assumer cette mission, en coordination avec les caisses d’allocations familiales.
J’en viens au réseau France Travail. L’article 4 prévoyait sa création. Le groupe Union Centriste avait salué l’amendement de Pascale Gruny visant à éviter que Pôle emploi ne devienne l’opérateur France Travail. C’est chose faite puisque le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi se nommera « réseau pour l’emploi ».
Cette rédaction, issue d’un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat, permet, d’une part, de bien distinguer l’opérateur France Travail du réseau dans lequel il s’inscrit et, d’autre part, de conférer de la visibilité à la réforme du service public de l’emploi, laquelle est nécessaire à son appropriation par l’ensemble des acteurs.
On l’a vu ces dernières années, le défi du plein emploi est moins une question d’offres d’emploi ou de dynamiques économiques – on espère d’ailleurs que cela va durer – qu’un défi d’adaptation au monde du travail – qui ne fera que s’accentuer compte tenu des évolutions technologiques – et d’incitation au travail, ce qui est, à nos yeux, une bonne nouvelle.
Le groupe Union Centriste votera donc le texte de la commission mixte paritaire, amendé, car il répond à des constats et à des préoccupations auxquelles nous souscrivons. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous voilà de nouveau réunis pour mettre une touche finale au tout dernier texte antisocial, après les réformes de l’assurance chômage et de la retraite - soulignons la grande cohérence de ces trois lois.
Le projet de loi dit « pour le plein emploi » revient à réduire tout bénéficiaire ou allocataire de solidarité au seul statut de demandeur d’emploi. Dès lors, ce texte participe à stigmatiser les personnes en situation de grande précarité en se privant d’une approche holistique et en éludant la question primordiale du travail, de ses conditions et de son sens.
Rappelons-le, selon l’enquête européenne sur les conditions de travail, plus du tiers des travailleurs français souffrent de postures douloureuses dans leur travail, contre 22 % seulement en Allemagne. Par ailleurs, la moitié des travailleurs souffrent d’anxiété contre 30 % en moyenne en Europe.
Les conditions de travail dans notre pays se dégradent depuis quarante ans. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), l’exposition à au moins trois contraintes physiques concerne un tiers des salariés en 2016, soit trois fois plus qu’en 1984. Seuls 37 % des travailleurs considèrent leur travail comme soutenable.
Comme pour la réforme des retraites, le travail est le point aveugle de cette loi. L’objectif reste bien d’apparier les allocataires aux postes vacants des secteurs en tension, et ce alors même que la majorité des quelque 6 % d’emplois vacants le sont souvent parce qu’ils présentent un défaut majeur d’attractivité.
Selon Pôle emploi, 75 % des employeurs reconnaissent que les conditions de travail des postes proposés découragent les candidats. La Dares abonde en ce sens, en soulignant que « même quand l’employeur ne les évoque pas explicitement, les conditions de travail demeurent significativement corrélées aux problèmes de recrutement ».
Le problème des emplois vacants, c’est bien l’attractivité globale des postes proposés et non l’absence de mobilisation des personnes au chômage ou au RSA. Monsieur le ministre, tirez plutôt les enseignements du dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), que vous êtes en train de fragiliser.
Mme Raymonde Poncet Monge. Pourtant, c’est sur les allocataires que la pression sera mise. Ce sont eux qui feront l’objet de sanctions et qui seront contraints à des heures d’activité hebdomadaires dans le cadre d’un contrat asymétrique d’engagement, engagement privé de la réciprocité des obligations et des moyens.
Ce dernier point correspond à une modification significative des principes qui régissent la solidarité, qui nie l’agentivité des allocataires et leurs contributions à la société via les activités bénévoles ou sociales, sans parler du temps passé à survivre avec une allocation qui décroche de plus en plus des seuils de pauvreté !
La disparition du terme « réciprocité », rétabli par l’Assemblée nationale et de nouveau biffé sur demande de la majorité sénatoriale lors de la commission mixte paritaire, révèle la philosophie profonde du texte, à savoir de mettre en avant les devoirs toujours plus grands des allocataires, à l’opposé d’expérimentations comme celles de la métropole de Lyon, qui privilégient une relation de coopération, de confiance mutuelle, de qualité d’accompagnement social et professionnel, grâce à l’augmentation des moyens permettant notamment de baisser le nombre d’allocataires suivis par les conseillers, et d’offrir des accompagnements personnalisés.
Les travailleurs sociaux qui ont souffert d’une dégradation de leurs conditions de travail depuis la première fusion entre l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et l’Assédic aspirent à retrouver le sens de leurs missions, incompatible avec, comme le souligne le chercheur Guillaume Allègre, « une posture de défiance qui va à l’encontre du principe de réciprocité ».
C’est dans la continuité d’une logique réduisant l’allocataire du RSA à un demandeur d’emploi, à un chômeur bénéficiaire d’un revenu de remplacement, que la commission mixte paritaire a systématiquement supprimé les termes de « prestations de soutien et d’aide » d’une société solidaire envers les plus vulnérables.
Guère de réciprocité, plus de contrôle et de contraintes, mépris des prestations de soutien et d’aide : il n’y a plus que des demandeurs d’emploi à accompagner et à orienter vers des emplois vacants devant être occupés à tout prix.
Ce projet de loi qui reproduit quasi à l’identique les lois Hartz en Allemagne. Elles ont certes eu pour conséquence, selon la direction générale du Trésor, la création de 2,5 millions d’emplois, mais il s’agit d’emplois précaires. De telles initiatives instaurent, en définitive, une illusoire société du plein emploi, par le « mal emploi ».
Une croissance quantitative au prix de la destruction des fondements de notre protection sociale et des liens de la solidarité ne peut être un projet auquel les écologistes apportent leur soutien. En conséquence, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans surprise, le Gouvernement et la droite sénatoriale se sont mis d’accord pour punir les allocataires du revenu de solidarité active.
Après avoir supprimé les instances sociales dans les entreprises, après avoir diminué l’indemnisation du chômage, après avoir relevé de deux ans l’âge légal de départ à la retraite, vous imposez désormais aux allocataires du RSA d’accomplir quinze heures d’activité par semaine pour remplir les obligations de leur contrat d’engagement et conserver un revenu minimal de subsistance de 607 euros par mois, soit un peu plus de 19 euros par jour !
Lorsqu’il s’agit de casser les droits sociaux, Les Républicains et le Gouvernement n’ont pas de difficulté à trouver une majorité !
La majorité sénatoriale, après l’avoir supprimée, a finalement accepté la dénomination « France Travail » ainsi que la création du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi.
Le ministre du travail, qui s’était opposé en séance publique à l’inscription des quinze heures d’activité dans la loi, a finalement mangé – ou rangé – son chapeau (M. le ministre fait un signe de dénégation.) et accepté d’inscrire dans le texte l’obligation pour les demandeurs d’emploi et les bénéficiaires du RSA d’effectuer « au moins quinze heures » de formation, d’accompagnement et d’appui.
Cette vision libérale des jobs précaires mal payés, plutôt que l’accompagnement des privés d’emploi vers un emploi stable, épanouissant et correspondant à leur niveau de qualification, est un renoncement supplémentaire.
En réalité, par ce texte, vous ne favoriserez pas le plein emploi, mais vous accroîtrez le non-recours au RSA.
En contraignant les jeunes suivis par les missions locales à s’inscrire à France Travail, vous éloignez encore les plus fragiles des services publics et participez au développement de l’économie souterraine.
Le contrat d’engagement à la carte selon les départements marque une rupture avec le principe d’égalité républicaine. Désormais, les départements, libres de décider des critères imposés aux allocataires du RSA, pourront imposer des activités diverses.
Selon le site du ministère du travail, ces activités peuvent être « l’obtention du permis de conduire, des démarches d’accès aux droits, ou encore la participation à des activités dans le secteur associatif ».
Selon notre collègue rapporteure, Pascale Gruny, « ça peut être des stages, aller en entreprise, valider un projet, de la formation, de l’information ».
Selon notre collègue président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, « ça peut être de l’accompagnement administratif, du temps donné à une collectivité, à une association ».
En bref, il y aura cinquante nuances de critères pour les allocataires du RSA, qui seront forcés de travailler sans droits, sans statut et sans rémunération.
De manière générale, la tendance dans notre pays est au renforcement des devoirs et des sanctions au détriment des droits.
À l’évidence, c’est une remise en cause de l’accès au filet de sécurité minimal que la collectivité verse aux femmes et aux hommes le plus en difficulté.
Cette recherche constante des économies sur le dos des plus fragiles et des plus précaires est d’autant plus injuste et inacceptable que les plus riches et les plus puissants sont épargnés par de telles mesures de contrôle et de telles sanctions. Ainsi, les entreprises ont bénéficié de 157 milliards d’aides publiques sans aucune condition.
Enfin, le rétablissement de l’article 10 prévoyant de donner aux communes un rôle d’autorités organisatrices du service public de la petite enfance devra se concrétiser par des financements de l’État additionnels aux 6 milliards d’euros accordés à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).
Or, cinq ans après l’annonce de l’ouverture de 30 000 places en crèche par le Gouvernement, seules 9 000 ont été créées.
Nous serons donc extrêmement attentifs sur ce point, car les attentes des familles et des travailleurs en la matière sont fortes.
En conclusion, ce projet de loi, financé par la ponction de 2 milliards d’euros sur l’Unédic, favorisera le développement des organismes privés de formation au sein du réseau France Travail tout en généralisant la précarité.
Pour notre part, nous défendons un projet de sécurisation de l’emploi et de la formation dans l’objectif d’éradication du chômage et de la précarité.
Aux antipodes du Gouvernement, nous souhaitons un système qui assure à chacun un emploi ou une formation rémunérée pour revenir en emploi avec une continuité de droits et de revenus sans passage par la case chômage.
Ce projet de loi régressif est une catastrophe sociale et l’ensemble des sénatrices et sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky voteront contre. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, parce que le travail conditionne l’émancipation des individus, la cohésion sociale, mais aussi la dynamique de l’économie française, la responsabilité des pouvoirs publics dans ce domaine est essentielle.
Des secteurs du marché du travail sont en tension de recrutement. Un trop grand nombre de nos concitoyens sont en situation de détresse faute d’emploi. On ne peut donc que partager l’objectif d’une politique de plein emploi pour notre pays.
Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le chômage est en baisse. L’atteinte du plein emploi n’est pas hors de portée.
Pour autant, si la quantité compte, gardons aussi à l’esprit la qualité des emplois. C’est un sujet que nous avons évoqué lors de la réforme des retraites : le RDSE est attentif aux conditions de travail, à la pénibilité de certaines tâches et à la question des petits boulots qui sortent à peine de la précarité.
Par ailleurs, la convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi 2019-2023 rappelle que le principe de durabilité de l’emploi doit être au cœur des offres d’accompagnement.
Soyons lucides : les minima sociaux concurrencent certains emplois trop peu payés et le plus souvent peu épanouissants. Je pense par exemple au phénomène d’ubérisation qui génère aujourd’hui beaucoup d’emplois en zone grise. La croissance inévitable de ces activités de service doit aller de pair avec leur encadrement et la protection des droits du travail.
J’en viens au projet de loi, qui a le mérite d’avancer dans plusieurs directions : une meilleure organisation du service public de l’emploi et de l’insertion au sein du réseau France Travail, un renforcement de la détection des bénéficiaires du RSA et de leur accompagnement, une plus forte inclusion dans l’emploi des personnes handicapées ou encore un effort porté sur l’accueil des enfants.
Globalement, toutes ces mesures vont dans le bon sens, en tout cas sur le papier. C’est pourquoi le groupe RDSE les a majoritairement soutenues en première lecture, même si quelques-uns d’entre nous se sont montrés réservés.
Pour ma part, j’avais la crainte que cette réforme ne conduise à recentraliser des missions actuellement exercées par les collectivités territoriales. Comme vous le savez, monsieur le ministre, leRDSE est attentif aux conséquences des décisions de l’État sur les collectivités locales, comme j’ai pu le rapporter dans le cadre de la mission d’information sur l’impact des décisions réglementaires et budgétaires de l’État sur l’équilibre financier des collectivités locales.
Au sein de la nouvelle gouvernance de France Travail, l’expertise de proximité doit rester au cœur de la politique de l’emploi. Cela passe par le rôle pivot des régions, des départements et des communes. Je pense qu’au Sénat, nous sommes tous d’accord sur ce point.
S’agissant du contrat d’engagement, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord. À titre personnel, je n’étais pas forcément favorable à l’idée de lier le versement du RSA à une activité minimum, mais je reconnais que le régime de dérogations proposé par l’Assemblée nationale permettra de prendre en compte la situation des plus fragiles.
Il faut bien rappeler que la très grande majorité des titulaires du RSA n’ont pas choisi leur sort. Certaines personnes ne seront jamais aptes à travailler et resteront en marge de la société, quoi qu’on fasse. L’humanisme nous invite donc à regarder ces hommes et ces femmes autrement qu’en les stigmatisant, sans oublier que la solidarité est au cœur des valeurs républicaines.
Enfin, je termine sur les mesures en faveur des personnes en situation de handicap et de la petite enfance.
Bien évidemment, sur ces sujets, on ne peut qu’approuver toutes les avancées proposées, que ce soit la convergence des droits sociaux des travailleurs handicapés en milieu protégé, ou l’article relatif au rôle des communes pour l’offre d’accueil du jeune enfant dans sa version assouplie en commission mixte paritaire.
Nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur ce sujet dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. Sachez d’ores et déjà que je serai vigilante quant aux crédits budgétaires qui seront apportés à l’opérateur France Travail, car j’ai aussi une pensée pour le rôle souvent lourd des agents de Pôle emploi, qui sont en première ligne face aux difficultés de nos concitoyens et n’ont pas toujours les moyens suffisants pour remplir leur mission.
Compte tenu de tous ces éléments, mes collègues du groupe RDSE et moi-même approuverons unanimement les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le plein emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)