M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. L’avis du Gouvernement, madame la rapporteure, est identique au vôtre : il est défavorable.
Qu’il y ait des dispositions particulières pour des territoires particuliers dans la République, singulièrement des territoires ultramarins, personne n’en disconvient. J’ai d’ailleurs annoncé à vos collègues mahorais et guyanais que le Gouvernement était disposé à étudier de telles dispositions pour permettre d’envisager différemment dans ces territoires le droit au séjour, voire l’accès à l’asile ou à d’autres validations de titres.
Certes, mesdames les sénatrices, on ne gère pas l’immigration à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin de la même manière que dans le Nord ou en Corrèze. Mais de là à donner au conseil exécutif les compétences de l’État pour délivrer lui-même, après un avis lié, des titres de séjour, il y a un pas que la République une et indivisible ne peut franchir !
On ne va certainement pas assez loin en matière de décentralisation, de déconcentration, ou pour mettre en place des formes d’autonomie. Oui, il conviendra de mieux reconnaître la particularité de certains territoires ultramarins. D’ailleurs, l’article 74 de la Constitution prévoit bien la consultation de vos assemblées délibérantes. Vous savez tous aussi que je suis à l’écoute, à la fois, du territoire de Saint-Barthélemy et de celui de Saint-Martin.
En revanche, il ne me paraît pas envisageable que l’État renonce à des compétences régaliennes pour les attribuer à des collectivités qui ne sont pas encore autonomes, au sens calédonien du terme.
Je vous invite donc à retirer ces amendements et à travailler plutôt sur l’ordonnance et la consultation des territoires exécutifs.
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.
Mme Micheline Jacques. Madame la rapporteure, monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses, au bénéfice desquelles je retire mes amendements.
Toutefois, je suis convaincue qu’il faudrait faire évoluer la loi organique de Saint-Barthélemy en s’inspirant des règles en vigueur en Polynésie française pour parvenir à un dispositif de maîtrise de l’immigration qui réponde à la situation de Saint-Barthélemy.
Mme Annick Petrus. Je retire également mon sous-amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 562 rectifié bis et le sous-amendement n° 606 rectifié sont retirés, ainsi que les amendements nos 500 rectifié et 499 rectifiés.
L’amendement n° 447, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 1er H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois, le Gouvernement remet un rapport évaluant les coûts et les conséquences en termes de santé publique de la réforme du droit à l’aide médicale de l’État opérée par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. Nous demandons un rapport sur l’aide médicale de l’État, l’AME, sujet dont il est beaucoup question dans le cadre de nos débats sur le présent projet de loi.
Il s’agit, au travers de ce rapport, de faire le bilan de la précédente réforme de l’AME, qui date de 2020. On cite beaucoup de chiffres, certains pointent une dépense exorbitante. Tous les éléments, selon nous, doivent être posés sur la table, en toute transparence.
Je rappelle que l’AME est déjà largement encadrée, contrairement à ce qu’affirment certains, voulant nous faire croire que ce serait open bar pour ceux qui en feraient la demande. Il faut nécessairement justifier trois mois de résidence au moment de la demande, le dépôt physique de la demande est obligatoire, il y a un délai de carence de neuf mois pour les prestations non urgentes, et il existe aussi un plafond de ressources de 810 euros.
Bref, il nous paraît nécessaire d’évaluer les conséquences de la réforme de 2020 dans un rapport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous disposons déjà d’un certain nombre d’informations. Depuis la réforme qui a rendu plus drastiques les conditions de recours à l’aide médicale de l’État, le montant des coûts supportés par la France ne cesse d’augmenter puisqu’ils s’élèvent aujourd’hui à 1,2 milliard d’euros. Mais je présume que vous souhaitez des éléments un peu plus précis…
Quoi qu’il en soit, vous connaissez la jurisprudence de la commission des lois sur les demandes de rapport. Nous émettons toujours des avis défavorables et nous ne dérogerons pas ici à cette règle, car le Parlement n’a pas de pouvoir d’injonction à l’égard du Gouvernement. Il ne peut donc pas exiger que celui-ci présente un rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Comme vous l’avez rappelé, cette réforme a été votée en 2020. Elle a apporté un certain nombre de restrictions pour l’accès à l’AME. Depuis cette date, il y a eu la crise sanitaire : la montée en puissance de ces mesures n’est donc pas encore complète.
Par ailleurs, chaque année, dans le cadre de la mission « Santé » du projet de loi de finances, tous les chiffres concernant l’évolution de l’AME sont accessibles.
De plus, le Gouvernement, sous l’autorité de la Première ministre, a lancé une mission confiée à Patrick Stefanini et à Claude Évin, dont nous attendons les conclusions début décembre.
Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis de sagesse.
M. le président. L’amendement n° 503 rectifié, présenté par Mme Souyris, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :
Après l’article 1er H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le non-recours à l’aide médicale de l’État.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. L’aide médicale de l’État, qui date de la IIIe République, prend en charge les frais de santé de certains soins pour des étrangers sans titre de séjour, à savoir ceux qui peuvent prouver une résidence régulière en France depuis au moins trois mois consécutifs – c’est déjà difficile – et qui déclarent des ressources inférieures à 810 euros par mois.
Autrement dit, il s’agit d’une prestation sociale pour les plus pauvres des plus pauvres. En 2022, la France comptait 404 144 bénéficiaires de l’AME. Environ 50 % des étrangers qui peuvent y avoir accès n’y recourent pas, selon les premiers éléments du rapport Évin-Stefanini commandé par la Première ministre.
Avant de vouloir supprimer ou réformer ce dispositif, il paraît essentiel au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires de disposer de données claires sur l’état de l’AME, notamment sur le non-recours à cette prestation.
Plutôt que de suspecter ou de restreindre, il s’agit pour nous de retrouver une égalité de traitement sur notre territoire. Nous voulons partir de cette réalité manifestement inégalitaire pour y remédier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes motifs que précédemment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Les propos de Mme la rapporteure m’interpellent. Selon elle, les dépenses sont en forte augmentation, la dynamique est explosive et le coût de l’AME s’élève aujourd’hui à 1,2 milliard d’euros.
Je sors d’une réunion de la commission des finances au cours de laquelle nous avons discuté des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances. C’est un calcul que nous contestons : ce montant est un retraitement de ce que le Gouvernement a présenté dans le cadre de cette mission.
Comme notre collègue vient de le souligner, aussi bien la Première ministre que le rapport confié à deux experts confirment que l’AME ne constitue pas un facteur d’attractivité et qu’il n’y a pas d’abus. Il s’agit là d’une fiction, laquelle conforte une idéologie qui ne fait pas honneur à la France.
Mme Corinne Narassiguin. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 503 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er İ (nouveau)
I. – Le titre V du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER
« Aide médicale d’urgence
« Art. L. 251-1. – Tout étranger résidant en France sans remplir la condition de régularité mentionnée à l’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné au 1° de l’article L. 861-1 du même code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge, à l’aide médicale d’urgence, sous réserve, s’il est majeur, de s’être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge, d’un droit annuel dont le montant est fixé par décret.
« En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l’état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l’action sociale, bénéficier de l’aide médicale d’urgence dans les conditions prévues à l’article L. 251-2 du présent code.
« De même, toute personne gardée à vue sur le territoire français, qu’elle réside ou non en France, peut, si son état de santé le justifie, bénéficier de l’aide médicale d’urgence, dans des conditions définies par décret.
« Art. L. 251-2. – I. – La prise en charge, assortie de la dispense d’avance des frais, concerne :
« 1° La prophylaxie et le traitement des maladies graves et des douleurs aiguës ;
« 2° Les soins liés à la grossesse et ses suites ;
« 3° Les vaccinations réglementaires ;
« 4° Les examens de médecine préventive.
« II. – La prise en charge est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l’acceptation par les personnes mentionnées à l’article L. 251-1 du présent code d’un médicament générique, sauf :
« 1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ;
« 2° Lorsqu’il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ;
« 3° Dans le cas prévu au deuxième alinéa du II de l’article L. 5125-23 du code de la santé publique.
« Art. L. 251-3. – Sauf disposition contraire, les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Le chapitre II est abrogé ;
3° Le chapitre III est ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Dispositions financières
« Art. L. 253-1. – Les prestations prises en charge par l’aide médicale d’urgence peuvent être recouvrées auprès des personnes tenues à l’obligation alimentaire à l’égard des bénéficiaires de cette aide. Les demandeurs de l’aide médicale d’urgence sont informés du recouvrement possible auprès des personnes tenues à l’obligation alimentaire à leur égard des prestations prises en charge par l’aide médicale.
« Art. L. 253-2. – Les dépenses d’aide médicale d’urgence sont prises en charge par l’État.
« Lorsque les prestations d’aide médicale ont pour objet la réparation d’un dommage ou d’une lésion imputable à un tiers, l’État peut poursuivre le tiers responsable pour le remboursement des prestations mises à sa charge.
« Art. L. 253-3. – Les demandes en paiement des prestations fournies au titre de l’aide médicale par les médecins, chirurgiens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, établissements de santé et autres collaborateurs de l’aide sociale sont présentées, sous peine de forclusion, dans un délai de deux ans à compter de l’acte générateur de la créance.
« Art. L. 253-4. – Sauf disposition contraire, les conditions d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
4° À l’article L. 254-1, les mots : « de l’État » sont remplacés par les mots : « d’urgence ».
II. – Le I entre en vigueur le 1er septembre 2023.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat sur le budget de la sécurité sociale, le ministre de la santé a déclaré : « je pense que l’aide médicale de l’État est un dispositif indispensable, un dispositif de santé publique. »
Les écologistes le pensent aussi, comme de nombreuses associations telles que Médecins du monde, la Cimade ou les 3 000 soignants qui ont demandé récemment le maintien de l’AME dans une tribune, en faisant référence au serment d’Hippocrate.
Après avoir de nombreuses fois raboté ce dispositif et durci les conditions d’accès, remplacer l’AME par un dispositif d’urgence participera à la dégradation de la santé des personnes exilées, qui sont déjà exposées à de multiples risques et vulnérabilités sociales.
Rien ne prouve cependant que des économies en résulteront. Bien au contraire, puisque l’on soignera les pathologies à un stade plus avancé et que l’on augmentera le risque de diffusion ! Peut-on faire l’hypothèse alors qu’il ne s’agit que d’une mesure idéologique, déshumanisante, matinée de xénophobie, voire de racisme ?
Certes le coût apparent de l’AME diminuera, mais il sera noyé dans les dépenses de l’hôpital, certainement majoré, et on l’aura recouvert d’« un voile pudique », pour citer de nouveau le ministre de la santé au cours de son audition.
En 2019, le Défenseur des droits qualifiait le prétendu « appel d’air migratoire » créé par l’AME d’« idée fausse », et l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) en parlait comme d’un « mythe puissant », d’autant que le taux de non-recours est estimé à 80 %.
C’est pourquoi le Défenseur des droits concluait qu’il serait plus opportun de « lever les obstacles à l’effectivité du versement de l’AME pour ceux qui y sont éligibles que de chercher à la restreindre sans justification ».
In fine, pour la présidente de Médecins du monde, supprimer ou limiter à l’urgence l’aide médicale de l’État « ne rapporterait rien, à part la honte » ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – M. Loïc Hervé s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, sur l’article.
Mme Anne Souyris. La suppression de l’aide médicale de l’État au profit d’une aide médicale d’urgence est une grave atteinte aux principes mêmes de solidarité et de fraternité qui fondent notre République. Il s’agit bel et bien d’une suppression puisque le dispositif de soins d’urgence existe déjà.
Mes chers collègues, où sont nos valeurs communes d’égalité et de fraternité ? Où sont les piliers de notre République ? Pour les humanistes des Lumières jusqu’aux chrétiens-démocrates, cette couverture sanitaire était un socle consensuel de notre contrat social. Supprimer l’AME, c’est condamner à mort les plus précaires d’entre nous. (M. Loïc Hervé proteste.)
Mme Valérie Boyer. N’importe quoi !
Mme Anne Souyris. Concrètement, la suppression de l’AME pour ses bénéficiaires signifierait un retard de prise en charge, voire l’arrêt de leurs traitements.
Concrètement, pour la santé publique, la suppression de l’AME signifierait, plus qu’un état de santé extrêmement dégradé pour les bénéficiaires, la propagation de maladies infectieuses. « Leur santé, c’est aussi la nôtre », rappelaient 3 000 soignants dans Le Monde.
Concrètement, pour les finances publiques, le budget de l’AME est de 1,2 milliard d’euros en 2023, soit 0,47 % du budget de l’assurance maladie. La suppression de l’AME créera sans aucun doute une charge supplémentaire pour les hôpitaux via les permanences d’accès aux soins qui s’occuperont de problèmes de santé aggravés, car pris en charge trop tard, rendus vitaux et urgents.
« Nous sommes à un carrefour. D’un côté la fraternité, qui féconde de bonté la communauté humaine ; de l’autre l’indifférence, qui ensanglante la Méditerranée. Nous sommes à un carrefour de civilisations. Ou bien la culture de l’humanité et de la fraternité, ou la culture de l’indifférence : que chacun s’arrange comme il le peut. » Voilà ce que disait le pape François à Marseille, en septembre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Vous entendre citer le pape… Tout arrive !
M. le président. Il faut conclure.
Mme Anne Souyris. Mes chers collègues, je vous appelle à considérer avec extrêmement de sérieux la décision qui nous attend avec cet article et à ne pas supprimer l’AME ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet article, disposition très importante de ce projet de loi, a fait l’objet, sur l’initiative de la commission, d’une modification préoccupante.
Il se dit beaucoup de choses sur l’AME, souvent inexactes. Certains, pour faire peut-être un bon mot ou par méconnaissance des dossiers, disent parfois des bêtises. (M. Roger Karoutchi s’agace.)
Oui, l’AME s’adresse à des étrangers en situation irrégulière, mais percevant des revenus dont on peut convenir ici qu’ils sont très bas. Cette aide ne bénéficie donc pas à tous les étrangers en situation irrégulière sur le territoire. Seuls ceux qui ont moins de 810 euros par mois peuvent y prétendre.
Il existe d’ores et déjà ce que l’on appelle un panier réduit de soins. Par exemple, les lunettes gratuites ou d’autres dispositifs qui ont pu être instaurés récemment ne sont pas accessibles aux titulaires de l’AME.
On peut avoir une vision purement humanitaire, comme l’ont parfaitement illustré Raymonde Poncet Monge ou Anne Souyris. Mais on peut aussi avoir une vision plus intéressée pour la population française. Or, cela a été documenté par le rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et par toutes les études financières, plus les personnes se présentent tard devant les services hospitaliers, plus leur prise en charge est coûteuse. Par ailleurs, quid des politiques de prévention sur le VIH, les hépatites ou la tuberculose ?
Bref, au final, selon les décomptes de l’Igas, le non-recours à l’AME coûterait plus cher à la communauté française, les étrangers n’étant plus protégés contre un certain nombre de maladies susceptibles de causer des épidémies. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.
M. Bernard Jomier. Chaque année, nous débattons de cette question dans cet hémicycle dans le cadre du projet de loi de finances, car il s’agit des crédits de l’État.
Je ne vois donc pas ce que vient faire une telle disposition dans un projet de loi sur l’immigration. Soyons clairs : aucune donnée ne montre le moindre lien, le moindre appel d’air, le moindre effet d’attractivité de l’aide médicale de l’État sur le phénomène migratoire. Personne ne monte dans un canot de fortune, au péril de sa vie, pour pouvoir bénéficier de l’AME en France !
M. Stéphane Ravier. Bien sûr que si ! (Mme Émilienne Poumirol s’indigne.)
M. Bernard Jomier. C’est faux et vous le savez, monsieur Ravier !
M. Stéphane Ravier. Vous niez l’évidence !
M. Bernard Jomier. Vous jouez avec les personnes qui sont tributaires de l’AME !
Le débat a pris cette fois une ampleur inédite en raison de l’inscription de cette mesure dans ce projet de loi. Pour la première fois – les années précédentes, nos discussions passaient un peu inaperçues –, le monde soignant a réagi, et cela fait chaud au cœur ! Les appels se sont multipliés, les organisations, y compris de jeunes soignants et de jeunes médecins, montent au créneau, parce que nous touchons au sens de leur mission.
Le jeu en vaut-il la chandelle ? La suppression de l’AME n’aura aucun impact sur la question du contrôle des migrations, mais aura un effet négatif sur le plan financier. Le rapport de 2019 qui le montre était le fruit d’une mission conjointe de l’Igas et de l’inspection générale des finances (IGF). On transférera sur les hôpitaux la charge financière : voilà le seul résultat de cette réforme.
Je vous appelle donc simplement à raisonner sur des arguments, sur des réalités, et non pas sur des représentations ou des messages qui seraient des marqueurs… Et de quoi, au juste ? Des marqueurs du pire pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, sur l’article.
M. Yannick Jadot. Chers collègues de la droite sénatoriale, à l’époque de Charles Pasqua, de Nicolas Sarkozy, de Brice Hortefeux, vous n’étiez pas tendres avec l’immigration, mais vous gouverniez.
Charles Pasqua mettait en œuvre l’espace Schengen. Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux revenaient sur leurs idées de quotas et de double peine, qui ne convenaient pas dans le cadre de la gestion réelle du pays. À un moment donné, chacun a dû intégrer des arguments rationnels…
Nous avons bien compris que ce qui se jouait ici, avec cette loi sur l’immigration, c’était la survie de votre mouvement politique et l’avenir politique du ministre.
Comment osez-vous jouer ainsi avec la santé des Françaises et des Français ? Comment, après l’épidémie massive de la covid, pouvez-vous envisager de laisser des personnes sans accès aux soins, au risque qu’elles soient des vecteurs d’épidémie pour leur famille et pour l’ensemble de la population française ?
Cessons de jouer à la politique politicienne (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) et attachons-nous plutôt à la santé de nos concitoyens et des étrangers ! Arrêtons de vouloir supprimer l’AME ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.
M. Yan Chantrel. Les lubies de la droite et de l’extrême droite ces vingt dernières années autour de la fameuse aide médicale de l’État se retrouvent dans cet article de la honte, comme l’ont souligné à juste titre certains de mes collègues.
Au-delà du fait qu’il est profondément injuste et inhumain de revenir sur l’AME, vous mettez également en danger l’ensemble de nos compatriotes en détricotant l’aide médicale de l’État puisque, ce faisant, vous vous attaquez à notre politique de santé publique.
Mes collègues l’ont rappelé, vous avez durci l’accès à l’AME en 2020, en instaurant notamment un délai de trois mois sur le territoire.
Toutes ces décisions ont également un impact majeur sur les urgences, qui sont déjà en difficulté. Sans accès à l’AME, l’état de santé des personnes malades va s’aggraver et leur prise en charge se révélera in fine plus coûteuse. Vous mettez ainsi en péril notre système de santé. Les urgences sont d’ores et déjà saturées…
Revenons à davantage de raison dans ce débat. Renoncez à cet article, qui ne sera absolument pas efficace puisque la plupart des étrangers n’ont pas recours à l’AME. C’est d’ailleurs sur ce point que nous devrions concentrer nos efforts afin de remédier à cette situation, car il s’agit d’une question de santé publique.
Toutes vos propositions mettent en danger la santé de nos compatriotes. Nous voterons donc contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.
M. Xavier Iacovelli. Je tenais à rappeler quelques points concernant l’AME.
Mme la ministre l’a souligné, l’aide médicale de l’État, qui a été mise en place en 2000, coûte aujourd’hui à la France un peu plus de 1,2 milliard d’euros pour 400 000 bénéficiaires. Ce dispositif est l’un des plus contrôlés dans notre pays. Il est tellement contrôlé, d’ailleurs, que cette aide ne bénéficie qu’à seulement 50 % de ceux qui y auraient droit. Nous constatons donc plutôt un non-recours qu’un abus de droit !
Par ailleurs, le prérapport Stefanini-Évin le démontre, il n’existe pas aujourd’hui d’attractivité migratoire due à l’AME. Il faut donc sortir des vieilles lubies défendues notamment par l’extrême droite.
Les patients bénéficiant de l’AME sont des personnes arrivées en France non pour se faire soigner, mais pour fuir soit des conflits, soit des dictatures, soit la misère. Il s’agit souvent d’une population très vulnérable en termes de santé publique. Vouloir limiter son accès aux soins défie, à mon sens, toute logique. Cela entraînerait des retards de diagnostic et serait un vecteur potentiel d’épidémies.
Je citerai le cas de l’Espagne, qui a retiré l’aide médicale de l’État aux étrangers en 2012. Ce pays l’a réintroduite en 2018 face à l’augmentation des maladies infectieuses, de la mortalité, et face à l’explosion – ce point peut vous intéresser – des dépenses publiques !
Je pense sincèrement qu’il faut voter la suppression de l’AMU et réinstaurer l’AME. Pour rappel, chers collègues, un simple passage aux urgences coûte 2 000 euros à notre système de santé !
M. le président. Il faut conclure !
M. Xavier Iacovelli. Je vous invite donc à mobiliser plutôt la médecine de ville que les urgences.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.