M. Jean-Pierre Corbisez. Cet amendement vise à prévoir une convocation annuelle des conférences sociales par branche. Celles-ci seront l’occasion de négocier les grilles de salaires afin que soient enfin pris en compte les effets de l’inflation sur le pouvoir d’achat, l’écart maximum entre les salaires, le partage de la valeur ajoutée entre les revenus du capital et ceux du travail et la définition des garanties d’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Les organisations syndicales alertent sur l’urgence de la situation depuis des mois, alors que les salaires ont baissé, que les prix des produits de première nécessité ont explosé et que la pauvreté est en progression continue depuis 2017, la France comptant aujourd’hui 9 millions de pauvres.
La moitié des salariés du privé gagnent 2012 euros par mois, soit moins de 1,6 Smic. Derrière ces chiffres, mes chers collègues, il y a surtout des millions de ménages qui n’arrivent plus à rembourser leurs emprunts et qui ne peuvent plus en contracter de nouveaux, qui ne peuvent pas payer d’activités extrascolaires à leurs enfants, qui peinent à remplir le frigo et qui ne peuvent pas partir en vacances.
L’on ne répond pas à une inflation durable par des primes ponctuelles, comme vous avez prétendu le faire. Il faut donc augmenter les salaires, taxer les profits et baisser les prix des produits de première nécessité.
Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 75.
M. Daniel Salmon. Depuis de nombreuses années, le partage de la valeur se déforme tendanciellement au détriment des travailleurs.
Depuis 1990, la part des salaires dans la valeur ajoutée s’est stabilisée à un niveau inférieur aux valeurs constatées durant les périodes précédentes. La moyenne de la période 1990-2021 s’établit ainsi à 6,9 points en dessous de la moyenne constatée au cours de la période 1970-1985, et à 3,4 points en dessous de la période 1949-1969.
Alors que les taux de marge explosent, le Fonds monétaire international (FMI) estime que la boucle prix-profits explique jusqu’à 45 % de l’inflation. L’augmentation des marges est en partie masquée et permise par des techniques d’optimisation fiscale bien connues, qui se sont répandues. Pour la seule année 2015, le Centre d’études prospectives et d’informations internationales estime ainsi que les profits non déclarés atteignent 36 milliards d’euros.
On assiste actuellement à un recul du salaire réel de 2,2 % – c’est du jamais-vu depuis trente ans. Le véritable vecteur du partage de la valeur, c’est le salaire. Pour protéger les revenus des travailleurs, il faut indexer tous les salaires sur l’inflation.
En prétendant nous protéger de la terrible boucle prix-salaires, les économistes néolibéraux ont œuvré au décrochage des salaires et à la concentration des bénéfices. Aujourd’hui, c’est la boucle prix-profits qui prévaut du fait de l’augmentation des taux de marge.
Dans ce contexte, l’urgence, ce sont bien les salaires. C’est pourquoi cet amendement vise à convoquer des conférences sociales annuelles par branche afin de négocier la grille des salaires et de prendre en compte les effets de l’inflation.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 45 rectifié est présenté par Mmes Lubin et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et S. Robert, MM. Chantrel, Ros et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 55 rectifié est présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère et MM. Fialaire, Gold, Grosvalet, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3231-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter de la promulgation de la loi n°… du … portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, chaque branche ouvre des négociations en vue de revaloriser les salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1° de l’article L. 2253-1, en concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Les accords de branche sont négociés dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n°… du … précitée. »
La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié.
M. Yan Chantrel. Cet amendement vise à ouvrir une conférence nationale sur les salaires, en donnant aux partenaires sociaux six mois pour négocier des accords de branche en vue d’une augmentation des salaires minima hiérarchiques.
Alors que l’inflation persiste en septembre pour atteindre 4,9 % et que les prix de l’alimentation ont augmenté de près de 10 % en une année, les Français s’appauvrissent. Les conséquences de cette hausse des prix et de la stagnation des salaires sont multiples et violentes pour nos compatriotes.
Je ne citerai qu’un exemple, terriblement représentatif de la situation que nous vivons : 32 % des Français ne sont pas toujours en mesure de se procurer une alimentation saine en quantité suffisante pour manger trois repas par jour, et 15 % d’entre eux déclarent même ne plus pouvoir assurer régulièrement petit déjeuner, déjeuner et dîner, faute de moyens.
Les réponses de l’exécutif sont insuffisantes. La conférence sociale sur les bas salaires organisée hier au Cese n’a rien apporté. La création d’un haut conseil des rémunérations, annoncée par la Première ministre, participe davantage d’une stratégie de communication que d’une réelle volonté de contrer l’appauvrissement généralisé de nos concitoyens et le sentiment de déclassement qui gagne l’ensemble des classes moyennes.
L’augmentation des salaires, en particulier les plus bas d’entre eux, est une urgence absolue. Telle est la raison pour laquelle je vous propose de voter cet amendement, mes chers collègues.
Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.
Mme Guylène Pantel. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Les amendements identiques nos 6 et 75 visent à ouvrir, au moins une fois par an, des négociations de branche sur la revalorisation des salaires minima hiérarchiques et sur les mécanismes de revalorisation de l’échelle des salaires en fonction de l’inflation.
Les amendements identiques nos 45 rectifié et 55 rectifié visent à ouvrir des négociations de branche sur les salaires minima hiérarchiques à compter de la promulgation de la loi.
L’ensemble de ces amendements tendant à insérer des articles additionnels s’éloignent de l’accord national interprofessionnel que le présent projet de loi a vocation à transposer. La commission y est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 75.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 45 rectifié et 55 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les organisations liées par une convention de branche se réunissent exceptionnellement à partir du 1er décembre 2023 pour négocier les modalités d’un rétablissement de l’autorisation d’indexer les coefficients de rémunération sur l’évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Le Smic est le seul salaire indexé sur l’inflation, ce qui a pour conséquence un « tassement » de l’ensemble des salaires. En période de forte inflation, les travailleurs et les travailleuses dont le salaire était à peine supérieur au Smic se retrouvent smicards.
Par ailleurs, un salarié sur dix est en situation de pauvreté dans notre pays. Des personnes qui travaillent n’arrivent pas à se loger ; à partir du 10 du mois, elles n’arrivent plus à se nourrir – d’autres collègues en ont parlé.
De fait, les coefficients de rémunération n’étant pas indexés sur l’inflation, dès lors que l’inflation est forte, un certain nombre de branches n’arrivent plus à suivre.
Nous proposons donc que les coefficients des branches soient eux-mêmes indexés sur l’inflation, ce qui évitera que le premier coefficient de cinquante-six d’entre elles soit en dessous du Smic. À défaut, même avec la meilleure volonté du monde, les branches n’arriveront pas à suivre dans les périodes de forte inflation.
Il s’agit d’une mesure de bon sens, mes chers collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je partage votre constat, mon cher collègue : les branches courent effectivement après l’inflation. Je rappelle toutefois, car il ne faudrait pas se tromper de débat, qu’un très faible nombre de branches sont structurellement aux minima.
Je vous aurais volontiers conseillé de soumettre cette proposition aux partenaires sociaux : peut-être l’auraient-ils insérée dans l’accord national interprofessionnel ? Il reste qu’elle n’y figure pas.
Le présent projet de loi ayant pour objet de transposer l’accord national interprofessionnel, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Fabien Gay. On ne peut donc rien faire bouger ?
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Si nous devons nous contenter de transposer un accord sans pouvoir modifier quoi que ce soit par ailleurs, à quoi le Parlement sert-il ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. À rien !
M. Fabien Gay. Vous avez défini un cadre inégal, car, sans intervention de l’État, le rapport de force entre les salariés et le patronat est déséquilibré – c’est précisément pour cela que l’on a créé le code du travail.
Vous dites que nous posons de très bonnes questions, que ce soit sur les salaires ou sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, mais qu’on ne peut rien changer. Je pose donc de nouveau la question en toute sincérité : à quoi le Parlement sert-il ? Sommes-nous de simples valideurs d’un accord que, pour notre part, nous estimons mauvais, mais que d’autres trouvent très bon ? Vous conviendrez que c’est un problème.
Pour ma part, je pense qu’il faut certes qu’un cadre soit défini, mais que l’État doit pouvoir intervenir et le Parlement débattre afin d’influer sur certains sujets. Ainsi, alors que nous considérons que le compte n’y est pas sur la question des salaires, pourquoi ne faisons-nous pas évoluer le cadre ?
Nous pensons, je le répète, que les négociations sur les salaires devraient figurer dans les accords interprofessionnels. Ayons un débat sur cette question et tranchons-la ! Il s’agit d’un débat de méthode, mais aussi, avouons-le, d’un véritable débat de fond, d’un débat politique, mes chers collègues.
Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – D’ici le 1er décembre 2023, les organisations syndicales et patronales reconnues représentatives au niveau national se réunissent afin de négocier un accord national interprofessionnel sur la hausse des salaires minimum conventionnels à 2 050 euros brut mensuel.
II. – D’ici le 1er décembre 2023, les organisations syndicales et patronales reconnues représentatives au niveau national ouvrent une négociation interprofessionnelle sur les modalités d’une péréquation inter-entreprises financée par une contribution progressive, afin de garantir la soutenabilité financière pour les associations employeuses, les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises de la hausse des salaires prévue au I.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Par le présent amendement, nous proposons l’ouverture de négociations nationales interprofessionnelles en vue de relever le montant des salaires minima conventionnels à 1 600 euros net et d’instituer un système de péréquation interentreprises visant à soutenir les plus petites entreprises, qui peuvent avoir le plus de difficultés à assumer une telle revalorisation du Smic.
J’entends qu’il ne faut pas s’écarter du cadre de l’ANI, au risque d’être hors sujet. Or les questions que nous soulevons ne sont hors sujet ni pour nos concitoyens, ni pour les organisations syndicales, ni, plus largement, pour les partenaires sociaux.
Ces derniers étaient réunis hier dans le cadre d’une conférence sociale qui, force est de le constater, n’a suscité que de la déception. Pourtant, bien qu’elles aient été passablement malmenées ces derniers temps, les organisations syndicales sont malgré tout venues débattre de manière très constructive, notamment des questions salariales. Or les réponses à leurs questions, quand elles n’ont pas été tout simplement éludées, ont été reportées à des lendemains dont on n’est pas sûrs qu’ils chantent.
Aujourd’hui, alors que nous abordons de nouveau ces sujets dans l’hémicycle, on nous dit que ce n’est pas de cela qu’il faut parler. Mais si, c’est précisément de cela qu’il faut parler !
En défendant nos amendements – le droit d’amendement appartient aux parlementaires –, nous vous alertons sur ce qui se passe dans le pays : l’inflation est en train d’étrangler et d’appauvrir les salariés, lesquels sont très en colère.
Nous souhaitons simplement que vous puissiez examiner quelques-unes de nos propositions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Les dispositions que vous proposez d’introduire ne figurant pas dans l’accord national interprofessionnel, la commission y est défavorable, ma chère collègue.
Je rappelle que nous examinons le projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise.
Il est vrai que, sur ce sujet, se joue un équilibre subtil entre la démocratie sociale et la démocratie politique. Je considère pour ma part que les salariés et les employeurs sont le cœur nucléaire de l’entreprise, et que dès lors que les organisations syndicales et les organisations patronales se mettent d’accord, le législateur doit s’effacer.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Elles ne sont pas toutes d’accord !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous sommes peut-être en désaccord sur ce point, chère collègue. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. L’avis est défavorable pour les mêmes raisons.
Je ne défendrai pas, au nom du Gouvernement, la même position que Mme la rapporteure devant votre assemblée : le Parlement vote ce qu’il souhaite ; c’est là une évidence.
Le Gouvernement s’est cependant engagé sur une transposition intégrale et fidèle de l’accord. Telle est la raison pour laquelle, quel que soit l’intérêt des dispositions proposées au travers des amendements qui sont présentés, je continuerai d’émettre un avis favorable sur les amendements tendant à reprendre strictement le contenu de l’accord, ainsi que sur les amendements ayant recueilli un avis unanime de l’ensemble des sept signataires – les trois organisations patronales et quatre des cinq organisations syndicales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il me semble que vous n’avez pas été aussi fidèle aux précédents accords nationaux interprofessionnels, notamment sur la formation professionnelle et sur la santé au travail, monsieur le ministre.
Pour que la transposition soit fidèle, elle doit être totale. Or tel n’est pas le cas. Je pense à cet égard au refus de prendre en compte les métiers repères, ce qui permettait pourtant d’équilibrer le texte. Pour autant, une transposition totale ne doit pas empêcher le Parlement d’ajouter des dispositions, non pas à l’accord, mais au projet de loi.
Si le Medef et la Confédération des PME ont demandé qu’on ne touche pas à l’accord – il faudra donc y réintroduire ce qui y a été enlevé –, tel n’est pas le cas des quatre organisations syndicales signataires de l’accord, que j’ai interrogées. Toutes m’ont indiqué qu’elles souhaitent certes une transposition totale de l’accord, mais qu’elles n’ont jamais demandé que le projet de loi se borne à cette seule transposition. Le patronat oui, mais pas les organisations syndicales… De fait, qui d’autre que le législateur pourrait se prononcer sur le Smic ?
Dans le passé, on a bien imposé les minima et le Smic au patronat. Qu’est-ce que le droit du travail, si ce n’est un outil pour rééquilibrer le rapport de subordination ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. J’entends bien la rhétorique qui est développée depuis le début de ce débat : l’accord, rien que l’accord. Mais qui a fixé le cadre de la négociation ? Si l’on ne peut pas aborder certains sujets au motif qu’ils n’étaient pas inclus dans la négociation, quand pourrons-nous le faire ? Quand pourrons-nous aborder les sujets qui n’entrent pas dans le cadre défini et qui ne figurent dans aucun projet de loi soumis au Parlement ?
Dans ce contexte, vous comprendrez, mes chers collègues, que nous saisissions toutes les occasions qui nous sont données pour rappeler au Parlement qu’une grande partie des salariés de ce pays travaillent non pas dans de grands groupes ayant la possibilité de partager la valeur, mais dans de très petites entreprises et dans des PME, et que depuis deux ans, depuis que l’on connaît une inflation galopante et que les prix sont en hausse, ces salariés n’ont connu absolument aucune amélioration de leur pouvoir d’achat.
Le Smic augmente, les grands groupes accordent de la participation ou de l’intéressement à leurs salariés, mais entre les deux, il y a des employeurs qui se fichent éperdument de l’inflation et de la hausse des prix et qui n’accordent jamais aucune hausse de salaire à leurs salariés.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. J’ai bien noté votre phrase, madame la rapporteure, que je ne manquerai pas de rappeler : « Quand la démocratie sociale s’exprime, la démocratie politique doit s’effacer. »
C’est peu dire que la démocratie sociale s’est exprimée dans le pays cette année : 94 % des salariés étaient opposés au projet de réforme des retraites et les huit organisations syndicales se sont unies, ce qui n’était pas arrivé depuis trente ans, pour dire non à cette réforme. Et pourtant, vous l’avez mise en œuvre ! Et je ne reviendrai pas sur la manière dont les choses se sont passées tant à l’Assemblée nationale qu’ici même, au Sénat.
Prenez donc garde aux arguments que vous utilisez, madame la rapporteure ! Cette année, la démocratie sociale s’est exprimée avec force dans le pays. Pourtant, vous l’avez piétinée. (M. Laurent Burgoa proteste.) Pendant six mois, des millions de Français sont descendus dans les rues, des grèves ont eu lieu dans toutes les entreprises privées et dans toutes les administrations.
Notre collègue Monique Lubin a demandé à juste titre par qui le cadre des négociations était fixé. Si l’on ne peut avoir voix au chapitre ni sur la définition du cadre ni sur son contenu, il est difficile de nous demander de respecter la démocratie sociale, d’autant que, comme vous l’aurez noté, les organisations syndicales souhaitent elles aussi que les accords portent par exemple sur les salaires, les conditions de travail et l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Dans ces conditions, nous ne pouvons pas ne pas débattre de la méthode et de la définition du cadre. Le Gouvernement ne peut pas dire qu’il définit le cadre, mais qu’il n’intervient pas si les partenaires sociaux ne se mettent pas d’accord.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. Je tiens à rappeler à mes collègues qui s’expriment au nom des salariés que la majorité de ces derniers ne sont pas syndiqués.
Dans les territoires ruraux comme celui que je représente, ce sont plutôt les patrons qui, du fait de la pénurie de travailleurs, courent après les salariés. Au risque de vous décevoir, mes chers collègues, dans un tel contexte, les salariés n’ont besoin ni des syndicats ni des parlementaires que nous sommes pour négocier leur salaire actuellement.
Prenons garde aux généralisations et aux prises de position quelque peu caricaturales des syndicats, qui ne sont absolument pas représentatives de la situation de tous les salariés ni de toutes les entreprises de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. La démocratie sociale – puisque c’est d’elle qu’il est question – s’exprime quand il y a un accord. Or, depuis le début, vous faites comme si cet accord avait été uniquement signé par les syndicats ou les représentants des organisations professionnelles et patronales, ce qui ne laisse pas de me surprendre.
La démocratie sociale se concrétise par la signature de trois organisations professionnelles et de quatre organisations syndicales. Certes, la CGT n’a rien signé, et c’est peut-être cela qui vous gêne, à la réflexion…
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est quand même la deuxième organisation !
M. Olivier Henno. En vous écoutant, je me dis que vous avez une vision un peu hémiplégique de la démocratie sociale. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) La démocratie sociale, ce n’est pas seulement les organisations syndicales ! C’est le paritarisme, notion qui suppose un accord entre les organisations patronales et les organisations syndicales. Au fond, vous remettez en cause le paritarisme, qui vous déplaît. C’est bien sur ce point qu’il y a un clivage entre nous !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Un défenseur du paritarisme ! Ça nous fait bien marrer !
M. Olivier Henno. Quoi qu’il en soit, je salue le travail de Mme la rapporteure sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Bien entendu, l’hémicycle est le lieu d’expression des points de vue. Comme l’a dit Mme la rapporteure, ce projet de loi est bien une transposition de l’ANI, qui a été signé par les organisations, même si toutes ne l’ont pas fait. Quant au périmètre, il a été fixé par le Gouvernement.
Aujourd’hui, tous les éléments sont sur la table pour examiner cet accord national interprofessionnel. La commission des affaires sociales a été très claire concernant la méthode adoptée, sur laquelle il n’y a pas eu de discussion. Il s’agissait de rester fidèle aux accords signés, et non pas au texte voté par l’Assemblée nationale, conformément à la demande des syndicats signataires. Tel est le cadre général.
Tous les amendements proposés peuvent ouvrir le débat et permettre l’expression du point de vue des uns et des autres. Pour autant, quand Mme la rapporteure répète que nous restons fidèles à la ligne de conduite de la commission, cela me semble cohérent.
Il nous faut avancer ! Nous ne sommes pas là pour refaire tous les débats ! Le sujet des salaires est un sujet d’actualité, tout comme celui des retraites. À cet égard, je pense au lancement, hier soir, de la conférence sur les retraites et les outils qui seront mis en place. Je veux simplement repositionner le débat qui nous occupe cet après-midi, à savoir la transposition de l’ANI. (Mme le rapporteur applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Permettez-moi de rappeler la méthode. Depuis tout à l’heure, j’entends dire que le Gouvernement a fixé le cadre. Or il a simplement rédigé le document d’orientation et l’a adressé aux partenaires sociaux.
Permettez-moi également de préciser deux points.
Tout d’abord, la rédaction de ce document s’est faite dans le cadre d’une concertation qui a duré plus de quatre semaines avec l’ensemble des partenaires sociaux.
Ensuite, ces derniers, y compris ceux qui auraient voulu que le document soit élargi à la question des salaires, ont accepté d’entrer dans la négociation. Pour qu’il y ait un accord, il faut des signataires. Avant tout, il faut accepter d’entrer dans la négociation, ce que les partenaires sociaux ont fait sur la base du document d’orientation que nous avons produit.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chatillon, pour explication de vote.
M. Alain Chatillon. N’oublions pas deux sujets majeurs pour les entreprises. Le premier est la compétitivité. À cet égard, permettez-moi de vous rappeler le passage des 40 heures aux 35 heures, sous le gouvernement dont était membre Martine Aubry. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Second sujet, à l’échelle européenne, nous sommes le pays dans lequel l’âge de départ à la retraite est le moins élevé, puisque cet âge est de 67 ans en Allemagne et de 65 ans dans les pays d’Europe du Nord. (Mêmes mouvements.)
S’agissant de la compétitivité, je rappelle que, voilà quatre ans, l’industrie agroalimentaire réalisait 12 milliards d’excédent, alors que, cette année, elle enregistre un déficit de 2 milliards d’euros.
Par ailleurs se pose le problème de l’énergie. Pourquoi l’énergie est-elle devenue chère ? Parce que nous n’avons pas entretenu les centrales atomiques ! Ceux qui ne les ont pas entretenues sont François Hollande et le Président de la République actuel. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Hors sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Mon cher collègue, la compétitivité et la productivité de la France ont-elles baissé après la mise en place des 35 heures ? Non ! (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vos discours sont caricaturaux ! Allez jusqu’au bout de votre démarche et donnez-nous les chiffres exacts !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er bis
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 84 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère et MM. Fialaire, Gold, Grosvalet, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels établissent, avant le 31 décembre 2024, un bilan de l’action de la branche en faveur de la promotion et de l’amélioration de la mixité des métiers, prévu à l’article L. 2232-9 du code du travail, assorti de propositions d’actions visant notamment à améliorer l’accompagnement des entreprises dans l’atteinte de cet objectif. Ce bilan et les propositions associées sont élaborés en lien avec l’observatoire prospectif des métiers et des qualifications mentionné à l’article L. 2241-12 du même code lorsqu’il existe.
La parole est à Mme Guylène Pantel.