M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Bien entendu, les élus municipaux connaissent leur territoire. Ils connaissent les immeubles de leur commune, ils connaissent même parfois certaines cages d’escalier.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Parfois ?
M. Daniel Salmon. C’est une réalité, mais, pour notre part, nous préférons la décision collégiale. À notre sens, celle-ci garantit une plus grande équité et s’appuie sur des critères objectivables. La décision jupitérienne ne nous satisfait jamais.
Dans cet hémicycle, nous légiférons souvent pour éviter des dérives dans tel ou tel cas. Eh bien, j’ai l’impression qu’avec cette proposition de loi nous organisons de potentielles dérives. Je ne dis pas – on fait parfois trop de raccourcis ici – que ces dérives seront massives, mais il y en aura, c’est certain.
La crise du logement est une catastrophe annoncée, comme beaucoup d’autres catastrophes, mais le Gouvernement n’a fait que l’empirer. La vraie question est la pénurie de logements. Or je pense que cette proposition de loi n’apporte aucune solution, que ce soit en matière de sécurité publique ou pour résorber la pénurie de logements sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans la discussion générale, nous sommes favorables au fait de redonner des pouvoirs aux élus locaux au sein de la Caleol ; nous approuvons donc l’augmentation du nombre de conseillers municipaux appelés à y siéger. Toutefois, je crains que la présence effective et régulière d’un tel nombre de conseillers municipaux dans ces commissions ne suscite quelques difficultés d’organisation.
Le droit de veto a quant à lui suscité un débat au sein de notre groupe. Bien sûr, il faut se fonder sur le principe selon lequel tous les maires sont intègres. Pourtant, ce n’est pas toujours la réalité dans tous les territoires : il nous semble que certains maires risquent d’abuser de ce droit de veto.
Dans ces conditions, les membres de mon groupe s’abstiendront sur ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je voudrais avant tout remercier d nouveau Mme la rapporteure et Mme la ministre. J’ai parfois été assez bruyante pendant vos interventions, madame la ministre ; n’y voyez qu’une expression de la fougue de ceux qui essaient de représenter nos maires et d’exprimer les difficultés auxquelles ils sont confrontés !
Je ne vais pas redire en détail ce que n’est pas cette proposition de loi. Je me suis déjà exprimée longuement sur ce sujet. Non, mes chers collègues, ce texte ne va pas résoudre le plus grave problème du logement : celui de la construction, de l’incitation à construire, qu’il s’agisse de logement en général ou de logement social.
Je veux également dire à ceux de nos collègues qui ont peur de la décision verticale du maire qu’un maire ne prend jamais une décision tout seul ! Jamais ! Avant de la prendre, il travaille avec ses services sociaux, avec son adjoint chargé de la politique sociale, avec le bailleur et avec l’État. Jamais un maire n’arrive dans un bureau et ne déclare : « C’est à lui que je vais donner ce logement. » C’est fini, ce genre de choses ! Ces pratiques ont peut-être eu cours à une autre époque, mais elles sont terminées : jamais un maire ne travaille tout seul. C’est pourquoi le poids, non pas du maire seul, mais de l’équipe municipale, me semble un élément extrêmement important.
Monsieur Savoldelli, je n’ai certes pas parlé de demandeurs de logement, mais j’ai parlé des gens, de ceux qui habitent dans ma commune, dans le Far West des Yvelines, et vont travailler à Aulnay-sous-Bois : deux heures de transport pour y aller, deux heures pour en revenir ! (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Pascal Savoldelli ironise.) Non, mes chers collègues, ce n’est pas du pipeau ! Je pourrais presque vous donner leurs noms : puisque les dossiers ne sont pas anonymisés, je les connais ; comme je les rencontre, comme ils viennent dans mon bureau pour me supplier de les aider à obtenir un logement à Aulnay-sous-Bois, je peux vous dire qui c’est ! Ces personnes dont les enfants sont perdus, parce qu’ils ont perdu leurs repères à l’école et que les parents passent quatre heures chaque jour dans les transports, j’en ai plein dans mon quartier ! Voilà ce que nous voulons éviter : nous voulons permettre l’intégration de toutes les populations, jusqu’aux plus modestes, dans nos communes.
Mme Audrey Linkenheld. L’intégration ?
Mme Sophie Primas. Je n’ai donc pas parlé de demandeurs de logement : j’ai parlé des gens, de leur réalité, de leurs difficultés !
M. Pascal Savoldelli. Pour vous, il n’y a pas de demandeurs de logement ! C’est factuel !
Mme Sophie Primas. Merci en tout cas pour ce débat intéressant, qui montre à quel point ce sujet est un sujet d’ampleur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous connaissez l’attachement de notre groupe à la commune et son engagement à donner du pouvoir aux élus, notamment aux maires. Pour autant, un pouvoir sans moyens, c’est comme une voiture sans essence : vous pouvez vous mettre au volant, vous n’avancerez pas d’un mètre ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est exactement ce qui se passe avec ce texte : vous allez organiser la pénurie ou, plutôt, la gestion de la pénurie de logements.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Non !
M. Fabien Gay. La question fondamentale – Pascal Savoldelli y a insisté, tout comme nous –, c’est celle du budget. Redonnons-nous aux bailleurs les moyens de construire ou de rénover du logement ? Allons-nous, oui ou non, leur redonner les 10 milliards d’euros qui ont été volés en six ans par le pouvoir macroniste ?
Voilà la seule question qui vaille !
Une fois cette question résolue, si nous nous mettons en action et que nous construisons du logement massivement, puisque nous n’organisons pas la pénurie ou la gestion de la pénurie, nous pourrons avoir un autre débat et commencer à répondre aux besoins des demandeurs. Dans ce processus, le maire a une place, parce qu’il est acteur de la réponse à nos concitoyens et nos concitoyennes.
Vous l’aurez compris : pour nous, cette proposition tape à côté.
Par ailleurs – et c’est un débat de fond –, nous sommes fondamentalement en désaccord, non seulement sur le droit de veto, mais également sur la question du logement neuf, qui exclura de fait un certain nombre de publics, notamment les plus précaires. Certes, ce dernier point ne concerne que la première attribution, mais, comme les locataires quittent désormais leur logement social de plus en plus tard, ne pas permettre à tous les publics d’avoir accès au logement neuf les pénalisera encore plus dans leur parcours.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, où l’on fait valoir que le groupe GEST a déjà expliqué son vote par la voix de M. Daniel Salmon.)
M. Yannick Jadot. N’opposons pas la loi et les maires.
J’en suis convaincu, partout dans nos territoires, les maires travaillent à gérer au mieux les problèmes de leurs concitoyens et à faire en sorte que tout se passe pour le mieux. Pour autant, il existe aussi des maires, notamment les maires les plus actifs en matière de construction et d’attribution de logements sociaux, qui trouvent que le système de gouvernance actuel est bon, non pas parce que cela contraint leur exercice, mais parce qu’ils considèrent que détenir un droit de veto n’est pas un levier qui améliorera l’attribution des logements sociaux.
N’opposons pas les maires et le reste du monde. Notre débat n’est pas celui-là. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Avez-vous été maire ?
M. Yannick Jadot. Notre débat porte sur la gouvernance au sein du processus d’attribution des logements sociaux. J’espère que, dans les discussions que nous aurons lors de l’examen du budget ou à d’autres occasions, nous donnerons ici, dans cette assemblée, des moyens pour la construction et de l’attribution de logements sociaux en masse. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Comme je l’ai annoncé lors de la discussion générale, et les débats n’ont pas modifié notre position, nous ne voterons pas cette proposition de loi.
Comme l’a souligné notre collègue Fabien Gay, c’est d’abord en raison de la création d’un droit de veto, mais aussi en raison de la réservation des logements sociaux. Pour notre part, nous sommes davantage favorables à un travail en concertation en amont ; des outils existent déjà, ils peuvent être améliorés et développés. Nous devons y travailler. Les maires doivent être associées à cette concertation en amont des commissions d’attribution.
Cette proposition de loi aura au moins eu l’avantage de montrer que nous sommes tous d’accord sur ce constat. Depuis six ans, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous disons que le logement est une bombe sociale. Nous voyons bien aujourd’hui toutes les limites de la politique de réduction des crédits, d’actions contre les bailleurs sociaux, de mise en place de la RLS, qui a entraîné la baisse des constructions de logements sociaux – toutes ces mesures prises par le Gouvernement que nous avons dénoncées.
Depuis six ans, les ponctions sur le logement social sont permanentes – pour ma part, j’évalue le montant de celles-ci à 11 milliards d’euros, plutôt qu’à 10 milliards. Cela explique que nous en soyons là aujourd’hui.
Évidemment, cette proposition de loi ne résoudra pas les problèmes. Il est donc important que nous ayons un débat de fond sur le logement. Madame la ministre, vous ferez passer ce message au ministre chargé du logement, dont, je le répète, nous regrettons aujourd’hui l’absence à l’occasion du premier débat de cette session sur ce sujet si important.
Il faudra qu’il vienne très rapidement devant notre assemblée nous exposer sa vision du logement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour explication de vote.
Mme Amel Gacquerre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voterons cette proposition de loi avec enthousiasme.
Je suis ravie que ce texte soit le premier inscrit à l’ordre du jour de nos travaux. En effet, comme beaucoup d’entre nous ici, je sors d’une campagne électorale et, s’il y a bien un message que les maires et les élus nous ont fait passer, c’est qu’on leur redonne le pouvoir d’agir.
Par conséquent, merci beaucoup et bravo ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. En guise de conclusion, je tiens à remercier très sincèrement Sophie Primas, auteur de cette proposition de loi.
Je remercie également le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, d’avoir inscrit en priorité ce texte à l’ordre du jour de nos travaux, dès l’ouverture et la reprise de nos travaux parlementaires. Cela montre l’intérêt de la droite et du centre, mais aussi de toutes les sensibilités politiques de cet hémicycle, pour la question du logement.
Depuis un certain nombre d’années, nous n’avons cessé de dire que le logement était la priorité numéro un. Malheureusement, ce n’était pas la priorité du Gouvernement. Depuis 2017, c’est-à-dire l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, cela ne l’a jamais été.
Le Sénat a le premier dénoncé la ponction faite sur les bailleurs sociaux au travers de la RLS. Bien évidemment, nous n’avons jamais pu en prévoir la suppression dans les projets de loi de finances successifs, car une telle mesure tombait sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Pour autant, nous avons à plusieurs reprises demandé que soit prévue une clause de revoyure – en vain.
Nous savions pertinemment que ce dispositif deviendrait définitif. Nos inquiétudes ont malheureusement été confirmées.
Amendement après amendement, nous avons également demandé la baisse de la TVA à 5,5 %.
Mes chers collègues, certains d’entre vous disent attendre de voir ce que fera la droite lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Vous avez déjà vu ce que la droite a été capable de faire au cours des discussions précédentes, à savoir dénoncer les coupes claires du Gouvernement en direction du monde du logement social et des bailleurs sociaux, lesquelles ont réduit toute capacité d’autofinancement.
M. Pascal Savoldelli. On va voir !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Bien plus, nous considérons que le logement doit aujourd’hui être appréhendé dans sa globalité, toute la chaîne du logement.
Le débat qui a précédé l’examen de ce texte portait sur l’accession à la propriété, mais il faudrait également aborder un jour la question du logement privé. Comment donner aux bailleurs privés un véritable statut…
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. … afin d’assurer un rendement au logement locatif privé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
11
Sécurité des élus locaux et protection des maires
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, présentée par M. François-Noël, Mme Françoise Gatel, M. Mathieu Darnaud, Mme Maryse Carrère, MM. Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Jean-Claude Requier et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 648 [2022-2023], texte de la commission n° 8, rapport n° 7).
Dans la discussion générale, la parole est à M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous penchons aujourd’hui sur un sujet malheureusement d’actualité, à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi visant à renforcer la sécurité des élus locaux et la protection des maires, texte que j’ai déposé au mois de mai dernier avec mes collègues Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Maryse Carrère et qui a été cosigné par plus de 200 de nos collègues.
Ce sujet, c’est évidemment celui des menaces et violences à l’encontre des élus locaux, plus particulièrement des maires, menaces et violences qui se sont multipliées cette année, comme en témoignent l’incendie volontaire – volontaire, je le répète ! – contre le domicile de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, qui a démissionné depuis lors, ou encore l’attaque à la voiture bélier dirigée contre le domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun. D’autres maires ont également été victimes de violences et de menaces.
Ces violences exercées à l’encontre des élus sont insupportables, nous sommes tous d’accord sur ce point. D’ailleurs, le Sénat est, de longue date, très attentif à ce que les élus locaux, particulièrement les maires, reçoivent la protection qui leur est due dans le cadre de leur mandat.
Face à l’accroissement des violences à l’encontre des élus, la commission des lois du Sénat a engagé, à la suite du tragique décès du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, au mois d’août 2019, plusieurs travaux afin de quantifier ces phénomènes et d’y apporter des réponses concrètes et opérationnelles. Son Plan d’action pour une plus grande sécurité des maires, présenté par Philippe Bas en 2019 et adossé à une consultation nationale des élus locaux, a permis de mettre en lumière l’ampleur des incivilités et des violences dirigées contre les élus.
De premières avancées ont été traduites dans la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite Engagement et proximité, notamment grâce au travail de Françoise Gatel et Mathieu Darnaud. D’autres initiatives sénatoriales ont suivi, notamment la proposition de loi de Nathalie Delattre visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression.
Au mois de mars dernier, j’ai proposé à la commission des lois de lancer un cycle d’auditions sur les agressions visant les élus locaux, après l’agression du maire de Saint-Brevin-les-Pins. Ces travaux nous ont permis d’objectiver le malaise ressenti par les élus municipaux, qui se manifeste par un triple effet : d’abord, une baisse des candidatures aux élections municipales, déjà observée entre 2014 et 2020, posant les ferments d’une crise de la démocratie locale sans précédent ; ensuite, la croissance depuis 2020 du nombre de démissions d’élus municipaux ; enfin, le malaise grandissant des maires, accompagné d’un sentiment d’abandon, que nous constatons tous dans nos échanges quotidiens avec eux. Nous avons tous pu le constater encore récemment à l’occasion de la campagne électorale qui vient de se dérouler ou lors des entretiens réguliers que nous avons avec ces élus.
Le constat est sans appel : si les élus locaux, singulièrement les maires, doivent bénéficier à tout moment de la protection effective de notre République, celle-ci est aujourd’hui largement perfectible.
C’est pourquoi nous avons déposé cette proposition de loi, en nous fixant un double objectif : protéger les élus locaux dans l’exercice de leurs mandats et améliorer leur accompagnement par les acteurs judiciaires et étatiques chargés des élus victimes.
Cette proposition est articulée autour de trois axes visant à renforcer la sécurité des élus locaux : premièrement, renforcer l’arsenal répressif ; deuxièmement, améliorer la prise en charge des élus victimes de violences, agressions ou injures dans le cadre de leur mandat ou d’une campagne électorale ; troisièmement, opérer un changement de culture au sein du monde judiciaire et des acteurs étatiques dans la prise en compte des violences commises sur les élus.
S’agissant du premier axe, il importe que les agressions et violences commises sur les élus locaux soient plus sévèrement sanctionnées. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé d’aligner les peines encourues en cas de violences commises sur les élus locaux sur le régime existant pour les dépositaires de l’autorité publique que sont les policiers ou les gendarmes. Nous souhaitons également créer une peine de travail d’intérêt général en cas d’injure publique proférée à l’encontre des élus locaux ou personnes dépositaires de l’autorité publique. Nous voulons aussi renforcer les sanctions encourues en cas de harcèlement, notamment en ligne, des élus locaux. L’augmentation des faits de cyberharcèlement des élus locaux est une réalité qui ne cesse malheureusement de croître, qui est difficilement réprimée et contre laquelle il faut à tout prix lutter.
Au titre du deuxième axe, nous proposons de simplifier l’octroi de la protection fonctionnelle pour les maires en rendant cette protection automatique afin d’éviter qu’un maire ou un adjoint au maire ait à en faire la demande à son conseil municipal. De surcroît, il paraît nécessaire d’imposer la prise en charge par l’État des coûts de couverture assurantielle pour la protection fonctionnelle pour les communes de moins de 10 000 habitants et de ne pas laisser cette charge à leur seul budget.
Enfin, les élus locaux bénéficiant de la protection fonctionnelle ne doivent pas avoir à s’acquitter du reste à charge ou de dépassements d’honoraires. Il convient donc d’améliorer la couverture de ces frais d’avocat en garantissant un reste à charge égal à zéro.
De la même manière, afin de garantir, dans un contexte de crise des vocations électorales, l’engagement des citoyens dans les campagnes électorales et de permettre à chacun d’être candidat aux élections sans craindre pour sa sécurité, nous avons proposé l’institution d’un droit à la protection fonctionnelle pendant la campagne électorale pour les candidats, protection qui serait prise en charge par l’État. Celle-ci serait complétée par une prise en charge des dépenses des candidats pour leur sécurité. Nous y reviendrons certainement lors de la discussion des articles.
Enfin, l’amélioration de la protection des élus locaux passe également par l’accès à une couverture assurantielle adaptée et robuste pour les risques liés à leur mandat.
J’en viens au dernier axe. Nous souhaitons provoquer un profond changement de culture au sein du monde judiciaire et des acteurs étatiques dans la prise en compte des réalités des mandats électifs locaux.
Le double caractère d’agent de l’État et de justiciable des maires les place successivement, voire simultanément, comme partenaires privilégiés du ministère public, mais aussi comme justiciables, qu’ils soient mis en cause ou victimes dans le cadre de l’exercice de leur mandat.
Au surplus, les maires signalent régulièrement des faits ou comportements au procureur de la République et se retrouvent, sans être accompagnés, responsables d’assurer la communication des décisions judiciaires auprès de leurs administrés.
En conséquence, nous proposons de créer un mécanisme de dépaysement d’office des affaires lorsqu’un élu est mis en cause, afin d’éviter qu’il ne se retrouve mis en cause et pris en charge comme victime par le même procureur de la République.
Par ailleurs, il est primordial de mieux informer les maires et de faciliter leur compréhension des décisions judiciaires. C’est pourquoi nous prévoyons qu’ils soient informés dans un délai suffisamment bref – un mois – de ce que devient leur plainte : classement sans suite ou poursuite de la procédure. Il faut qu’ils sachent ce qui se passe.
Enfin, l’idée selon laquelle le procureur de la République puisse, à la demande du maire, s’exprimer dans le bulletin municipal fait débat. Il s’agit non pas d’évoquer les sujets concernant la commune, mais d’exposer les grandes lignes d’une politique pénale afin de permettre à nos concitoyens de mieux comprendre les situations. C’est un point assez nouveau, mais qui me paraît intéressant pour l’information du grand public. Évidemment, personne ne connaît le procureur de la République en dehors de circonstances judiciaires – c’est ce que je souhaite à chacun d’entre nous. Il est donc utile que la population puisse identifier cet acteur et comprendre son travail.
Encore récemment, ce qui, moi, m’a le plus surpris dans les relations qui existent – ou qui n’existent pas, d’ailleurs – entre le monde judiciaire ou le monde préfectoral et les maires, c’est que, malgré des situations locales signalées d’actes de violence ou de menaces, que celles-ci soient cyber ou physiques, nombre d’élus n’ont pas de contact avec le procureur de la République ou le substitut, quelquefois même pas avec le préfet de leur département.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. François-Noël Buffet. Ce n’est pas une généralité : certains préfets, certains procureurs de la République ou leurs substituts accomplissent parfaitement leur travail et sont en contact très régulier avec les élus quand une difficulté surgit ; dans ce cas, tout se passe bien.
Ce texte est fait pour ceux qui ne les voient jamais ou qui n’ont jamais de contact avec eux. Il faut donc impérativement que, dans la culture judiciaire comme dans la culture préfectorale, même si c’est un peu différent, ce contact puisse devenir naturel et simple.
Comme le dit notre président, les maires sont en permanence « à portée de baffe ». Cette réalité, nous l’avons tous vécue, puisque la plupart d’entre nous ont été maires. Parce qu’ils sont seuls, les maires ont besoin de nouer ce lien avec le procureur ou le préfet pour expliquer leur situation et, surtout, que celle-ci soit prise en compte.
C’est donc pour ceux qui sont éloignés de tout et qui ne savent pas grand-chose des plaintes qu’ils ont pu déposer qu’il faut que nous puissions renforcer cette protection.
Mon témoignage, c’est aussi le vôtre, mes chers collègues. J’ai exercé pendant vingt ans les fonctions de maire dans une commune de la banlieue de l’agglomération lyonnaise : j’ai connu des moments difficiles – costauds, pourrais-je dire – avec des citoyens, mais pas tant que cela. Je me souviens de deux ou trois situations particulièrement tendues, mais elles n’ont jamais atteint le niveau de violence que vivent aujourd’hui nos collègues maires.
Depuis cinq ans, les rapports ont changé. La violence est devenue quotidienne et elle est par ailleurs débridée. Il faut que cela cesse.
Ce texte ne résoudra pas tous les problèmes de cette nature, mais il apportera à tout le moins un soutien bien utile et bien nécessaire à l’ensemble des élus, des maires et des adjoints, qui ont en charge la responsabilité de nos communes et de nos territoires. Voilà dans quel état d’esprit j’ai rédigé ce texte avec mes collègues cosignataires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé aujourd’hui, en ce premier jour de débats en séance publique, à traiter d’un sujet particulièrement important pour la démocratie locale et que je sais cher à chacun d’entre nous : la protection des élus locaux et la sécurité des maires.
L’actualité nous rappelle régulièrement à quel point ces violences se multiplient et montent en intensité, comme en témoignent la tragique attaque à la voiture bélier dirigée contre le domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses ou l’incendie volontaire du domicile et des véhicules du maire de Saint-Brevin-les-Pins, lequel a depuis lors démissionné.
Ces événements ont mis en pleine lumière les violences auxquelles les élus locaux, en particulier les maires, sont confrontés dans l’exercice quotidien de leur mandat.
Si ces récents drames marquent le franchissement d’un cap, ils ne constituent pourtant que la partie visible d’un phénomène plus latent et en pleine expansion.
Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de l’intérieur, près de 2 265 plaintes ou signalements pour des faits de violence verbale ou physique à l’encontre des élus ont été recensés en 2022, soit une hausse de 32 % par rapport à l’année précédente.
D’après les données qui m’ont été transmises par la direction générale de la police nationale, dans près de trois quarts des cas, ce sont les maires qui sont visés. Plus de 12 % de ces faits constituent des violences physiques, tandis que les atteintes par paroles et écrits en représentent 76 %.
Je tiens à rappeler ici que ces violences sont évidemment intolérables.
La République ne peut donc rester sans réaction face à ces actes qui mettent en danger la sécurité des élus locaux et de leurs proches et notre pacte républicain : l’agression d’un maire, c’est une attaque contre la République.
Toutefois, face aux violences et aux agressions, les maires se sentent bien souvent trop seuls et déplorent l’inaction des acteurs étatiques et judiciaires. Force est de constater que, si les élus locaux, singulièrement les maires, doivent bénéficier à tout moment de la protection effective de notre République, celle-ci est aujourd’hui largement perfectible.
Les conséquences de ces violences ne peuvent plus être négligées par le Gouvernement. Comme l’ont montré les travaux de la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, dont Mathieu Darnaud a été le rapporteur, les violences envers les élus constituent une véritable menace pour notre démocratie locale en ce qu’elles risquent d’alimenter la vague de plus en plus importante des démissions d’élus municipaux et de provoquer une érosion des vocations électorales.