M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le retour au respect de l’élu local dépend d’un contexte général favorable.
Une part de plus en plus importante de nos concitoyens n’a plus aucune raison d’estimer ni de craindre le policier, la justice ou l’élu, parce qu’ils sont affaiblis institutionnellement, juridiquement et matériellement.
Dès mon premier mandat de sénateur, j’avais déposé une proposition de loi visant à renforcer les peines encourues pour atteinte à un élu et à automatiser la protection fonctionnelle pour le maire et ses adjoints.
Vous avez attendu que 4 000 élus locaux, dont 1 300 maires, démissionnent depuis 2020 pour agir. Ce retard est regrettable, mais mieux vaut tard que jamais.
En 2022, 1 400 faits ont été recensés contre les seuls élus locaux. Selon le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), un maire sur trois se dit victime de menaces.
Violences, insultes et harcèlement se multiplient et les maires des Bouches-du-Rhône n’échappent pas à ce fléau.
Puisque la crise de l’autorité est généralisée, aligner les sanctions encourues en cas de violence sur un élu sur celles qui sont encourues en cas de violence sur les forces de l’ordre aux termes de l’article 222-14-5 du code pénal est une solution législative cohérente.
Cet article prévoit une sanction de sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende en cas d’incapacité temporaire de travail (ITT) de huit jours et de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas d’ITT inférieure ou égale à huit jours.
Lorsque les faits sont accompagnés de circonstances aggravantes, les peines sont alourdies d’un tiers. Elles sont doublées dès lors que s’y ajoutent plusieurs circonstances aggravantes.
Le message est très clair. Encore faudra-t-il qu’il soit appliqué chaque fois qu’un élu sera victime de violences, quelle qu’en soit la forme.
Par ailleurs, puisque nous avançons enfin sur le volet pénal avec une certaine unanimité, notre assemblée devrait en profiter pour impulser le chantier, tout autre, visant à étendre les pouvoirs de nos polices municipales en rehaussant leur qualité judiciaire, en facilitant l’accès aux fichiers et à l’armement, en favorisant la mutualisation entre les communes ou encore par le reclassement des fonctionnaires en catégorie B.
Les policiers municipaux doivent pouvoir prévenir les agressions envers les élus. Nous ne pouvons limiter en permanence notre réponse aux mesures curatives ou à la sanction.
En tout état de cause, les policiers municipaux sont souvent les primo-intervenants. Ils incarnent, par leur présence et leur uniforme, le prolongement de l’autorité des élus.
Plus largement, les élus locaux, et particulièrement les élus communaux, doivent, pour être respectés, retrouver de l’autonomie et des compétences d’action dans un mouvement général de décentralisation.
La démocratie locale et nationale n’est pas viable si l’on accepte la hausse de l’insécurité comme une fatalité. L’insécurité n’est pas un mal sans cause. La première crise sécuritaire locale est une crise de l’autorité et de la confiance.
Le respect de l’autorité se suscite. C’est à l’État de montrer l’exemple. De ce côté-là, le chemin de la confiance est encore long.
Je ne voudrais pas moquer les efforts de proposition qui ont été faits par le Gouvernement. Cependant, proposer aux élus de porter un bouton d’alarme dans la poche pour alerter en cas d’agression relève davantage du gadget que d’une mesure sérieuse.
Prenons du recul. Cessons les solutions concoctées dans les cabinets de conseil.
Place à une vision politique. Pensons renforcement de la répression, mais aussi décentralisation, confiance, partage de l’autorité.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les élections sénatoriales et la campagne électorale à laquelle elles ont donné lieu nous ont convaincus que l’insécurité figure parmi les premières préoccupations des élus locaux.
Les menaces verbales et les agressions physiques qu’ils subissent sont de plus en plus nombreuses. Elles ciblent aussi fréquemment leurs proches.
L’attaque inacceptable du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, n’est que le dernier fait divers d’une litanie sans fin de violences sans retenue, qui bousculent notre société et, en particulier, ceux qui incarnent la République au quotidien.
Souvenons-nous également de l’incendie volontaire du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins, alors que ce dernier s’y trouvait avec sa famille. Lorsqu’il fut reçu au Sénat par Joël Guerriau, Yannick Morez lui a livré un témoignage glaçant, comme tant d’autres, sur les intimidations et les menaces auxquelles font face les édiles locaux.
Cette violence a parfois des conséquences tragiques. Nous n’oublions pas la mort du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel.
L’Essonne est, elle aussi, fortement touchée par ce fléau, qui n’épargne d’ailleurs aucune figure d’autorité. Je pense en particulier à mon ami Patrick Rauscher, maire de Saintry-sur-Seine, qui ne compte plus les menaces de mort proférées à son endroit ni le nombre de plaintes qu’il a déposées et qui n’aboutissent jamais.
Les violences s’ajoutent aux nombreuses difficultés d’exercice de la fonction de maire, comme la judiciarisation croissante de la vie publique locale.
Accumulées, elles expliquent en partie la vague de démission de nos élus locaux et sont très certainement à l’origine de la crise des vocations, qui n’est autre qu’une crise démocratique que nous devons traiter.
Notre législation doit être adaptée au contexte dans lequel s’exercent désormais les mandats locaux.
La proposition de loi de François-Noël Buffet m’apparaît comme une avancée importante pour les élus. Elle satisfait une attente forte et répond à un réel besoin de protection.
Les dispositions de cette proposition de loi constituent des améliorations bienvenues. Nous sommes particulièrement favorables au durcissement des peines encourues par les auteurs de violences, qu’elles soient verbales ou physiques.
De même, nous approuvons sans réserve les mesures envisagées contre les auteurs d’injures publiques ou de harcèlement en ligne. Elles permettent d’adapter la réponse pénale aux comportements injurieux et aux menaces proférées sur les réseaux sociaux.
L’article 3 prévoit que la protection fonctionnelle est accordée automatiquement aux maires et aux adjoints qui en font la demande. Celle-ci ouvre droit, comme vous le savez, au conseil juridique, à l’assistance psychologique et à la couverture des coûts résultant de l’obligation de protection à l’égard du maire et des élus.
La commission des lois a décidé, à juste titre, d’étendre le dispositif d’octroi automatique de la protection fonctionnelle aux conseillers départementaux et régionaux exerçant des fonctions exécutives, en cas de violences, de menaces ou d’outrages.
Avec la prise en charge par l’État du coût de la couverture assurantielle des élus des communes de moins de 10 000 habitants, prévue à l’article 4, et la prise en charge par la commune des dépassements d’honoraires en matière de soins médicaux et d’assistance psychologique, prévue à l’article 8, le législateur s’engage en faveur d’une protection renforcée des élus locaux.
Par ailleurs, le sujet de la protection des candidats aux élections nous paraît également important. Cette protection est l’une des réponses possibles au phénomène de désintérêt pour la vie politique locale et peut être de nature à favoriser l’engagement citoyen. Elle représente cependant un véritable défi mis à la charge de l’État.
Enfin, le texte vise à améliorer la sécurité de nos communes. Le maire en est un acteur incontournable. Nous soutenons donc les dispositions du texte qui procèdent de cette logique, notamment le renforcement de la présence du procureur de la République au sein des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
De même, nous sommes particulièrement favorables aux dispositions permettant au maire d’être systématiquement informé des suites judiciaires données aux faits qu’il a lui-même signalés au parquet ou qui ont donné lieu à un dépôt de plainte.
Par ailleurs, il nous semble judicieux d’offrir aux procureurs de la République un espace de communication dans les magazines municipaux, afin que nos concitoyens soient mieux renseignés sur le niveau d’insécurité auquel ils sont exposés, ainsi que sur les mesures prises pour l’endiguer.
L’insécurité mine le quotidien de nos élus et de nos concitoyens. Elle porte atteinte à la cohésion de notre Nation. Pour autant, ce texte suffira-t-il à endiguer les incivilités et les violences, fruits de la montée des individualismes ? Je n’en suis pas totalement persuadée.
Nous voyons bien que la sanction, même exemplaire, reste insuffisante pour ceux qui défient les lois de la République ou qui n’acceptent pas de se soumettre aux règles de la vie en société, acceptées par chacun d’entre nous.
Réprimer plus sévèrement les comportements inciviques auxquels les élus sont confrontés est certes indispensable. Cependant, pour endiguer la crise des vocations, il faudra très certainement aller plus loin et instaurer un statut de l’élu réellement attractif.
Fort de cette conviction, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat peut être fier des deux propositions de loi examinées aujourd’hui qui renforcent, pour l’une, le rôle du maire dans l’attribution des logements sociaux et, pour l’autre, la protection des élus.
Ces mesures étaient appelées de leurs vœux par tous les candidats aux élections sénatoriales et par l’ensemble des élus que nous avons rencontrés lors de l’exercice de nos mandats. Nous-mêmes, qui avons souvent déjà été maires avant que la loi n’interdise le cumul avec le mandat de parlementaire, savons de quoi nous parlons.
Car la situation a évolué et la sécurité a – malheureusement – changé de camp. Aujourd’hui, les élus souffrent : en 2022, 1 500 maires ont été agressés ; lors des émeutes du début du mois de juillet dernier, plus de 600 maires ont été victimes d’agression et 25 000 bâtiments publics ont été vandalisés, parmi lesquels 105 mairies et 243 écoles, dont 60 ont été intégralement détruites. Cela est bien évidemment inadmissible.
Ce constat n’est pas sans conséquence et nous conduit à nous inquiéter pour l’horizon 2026, car les vocations se feront rares.
Un certain nombre de lois ont été votées sans que leurs effets aient été bien mesurés. Les élus ont perdu leur autonomie financière et leur capacité d’agir. Une de nos collègues évoquait la décrédibilisation de l’action publique : les procédures sont beaucoup trop longues et n’aboutissent pas, du moins pas aux yeux des administrés. Ces derniers sont devenus, depuis l’époque du covid-19, des consommateurs. Cette situation est extrêmement difficile à vivre pour les maires.
La perte d’autonomie et d’autorité n’est en fait que la manifestation dans nos communes de la perte d’autorité de l’État : les maires ne sont pas entendus et font souvent l’objet d’agressions et de menaces, notamment de cyberattaques.
La France compte 520 000 élus locaux, qui constituent pour notre pays une vraie richesse, car les communes sont, on le sait, le lieu de l’efficience. Or 165 000 d’entre eux, dont 6 400 maires, annoncent déjà qu’ils ne se représenteront pas. Quel sera le visage de la France en 2026, lorsque nous devrons faire face à cette situation ?
Alors, que pouvons-nous faire au Sénat ? Notre mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France a fait des propositions – et nous continuerons à en faire – pour renforcer la sécurité des élus locaux, mais aussi pour rétablir un certain nombre de leurs pouvoirs et de leurs capacités d’action.
Avec cette proposition de loi, nous nous penchons sur la sécurité de ces élus. Beaucoup de ceux que nous avons rencontrés au cours de nos campagnes électorales ou au cours de l’exercice de notre mandat souhaitent la création de peines planchers.
Monsieur le président de la commission des lois, il faudra étudier cette piste, déterminer dans quelle mesure un tel dispositif est applicable, apprécier s’il est constitutionnel ou non, et si son instauration peut faire en sorte que, tout simplement, la peur change de camp.
Disons-le, il faut beaucoup de courage lorsque l’on est élu et, comme le disait joliment Churchill, le courage est la première des qualités humaines, car c’est elle qui garantit toutes les autres. De courage, les maires n’en manquent pas et, au Sénat, nous sommes là pour les assister et pour les assurer de notre soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pas un mois ne passe sans que l’agression d’un élu fasse la une et que nous soyons interrogés localement, dans les territoires, sur le rôle que nous pouvons jouer au Sénat à cet égard.
Les chiffres, nous les connaissons. En 2022, une augmentation de 15 % des violences contre les élus a été constatée par l’AMF.
Cette trajectoire se poursuit en 2023, année marquée par les agressions de nombreux élus lors des émeutes urbaines de juillet dernier. Notons que ces chiffres ne reflètent d’ailleurs pas totalement la réalité, car beaucoup d’élus renoncent à porter plainte, par souci d’apaisement ou par anticipation du manque de suites données à leur plainte.
Ces violences doivent pourtant être prises très au sérieux, car elles constituent une menace grave pour notre tissu d’élus locaux, fondement de notre démocratie. Les près de 500 000 élus français, qui œuvrent quotidiennement pour nos concitoyens, pour la plupart de manière bénévole, représentent une richesse pour la France ; il est de notre devoir de les préserver et de les protéger au mieux. Faute de réaction, nous prendrions le risque de voir se multiplier les démissions, déjà nombreuses, et d’amplifier la crise de l’engagement citoyen qui – j’en ai bien peur – commence déjà à s’installer.
Aussi, j’accueille très favorablement cette proposition de loi et je remercie, pour leur initiative, les collègues qui l’ont déposée. Il est en effet essentiel de renforcer les sanctions. Il faut faire passer le message : les actes visés sont graves, et ils le sont encore plus lorsqu’ils sont commis sur les titulaires d’un mandat électif.
Cependant, j’estime que l’aggravation des peines ne pourra être pleinement efficace en l’absence de peines planchers, en particulier pour les récidivistes.
Je pense par exemple au maire de L’Houmeau, en Charente-Maritime, qui a été agressé cet été pour s’être opposé à une installation illicite de gens du voyage. Son agresseur avait onze mentions à son casier judiciaire, dont certaines pour des violences volontaires. Il n’a pourtant été condamné qu’à une peine d’un an de prison avec sursis. Comment lutter contre le sentiment d’impunité des agresseurs lorsque les peines sont aussi légères ? Nous devons nous pencher sur la question.
En ce qui concerne la protection fonctionnelle et la prise en charge des victimes, les évolutions proposées sont elles aussi tout à fait bienvenues pour protéger les élus et les accompagner plus efficacement. Le traumatisme psychologique d’une agression ou d’un harcèlement est en effet trop souvent minimisé, alors qu’il devrait être pris en charge pour éviter de laisser des traces encore plus profondes. Il est, en outre, injuste que la victime ait à supporter les frais médicaux ou de justice.
Le renforcement des liens avec les acteurs judiciaires est aussi opportun, en particulier la création d’une obligation d’information sur les suites données aux plaintes. Les élus se plaignent en effet régulièrement de la lenteur du traitement de leurs plaintes et du fait que celles-ci donnent fréquemment lieu à des classements sans suite, sans même qu’ils en soient informés.
Je voterai donc en faveur de cette proposition de loi, qui constitue une avancée fondamentale dans la protection des élus locaux. Il nous faudra cependant poursuivre notre travail pour, cette fois, non pas renforcer le traitement a posteriori des agressions des élus, mais les prévenir en amont, notamment en nous intéressant aux causes de la hausse des violences. Voilà un vaste chantier qui est devant nous, et sur lequel nous sommes attendus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, assurer la sécurité et la protection de chaque citoyen est l’essence même des missions de l’État. Il doit en être de même pour nos élus locaux, car ce sont des citoyens qui ont décidé de s’investir quasiment bénévolement pour l’intérêt général, le bien-être, la sécurité et la protection de tous.
Cet impératif de protection de nos élus s’impose avec d’autant plus d’acuité que les agressions contre eux ne cessent malheureusement d’augmenter et d’être de plus en plus violentes : insultes, violences verbales et physiques, intimidations, images placardées dans les lieux publics, menaces de mort. Leurs familles sont également prises pour cible.
Les réseaux sociaux sont utilisés pour démultiplier ces délits et ces crimes de manière anonyme. Les émeutes récentes l’ont encore montré : une violence effrayante, parfois mortelle, s’abat sur nos élus.
Le Puy-de-Dôme, par exemple, n’est malheureusement pas épargné par la hausse des violences : les maires de Saint-Bonnet-près-Riom et de Volvic peuvent en témoigner, à la suite des insultes et des menaces dont ils ont été victimes.
Les rapports entre les citoyens et les élus ont, comme l’a indiqué le président de la commission des lois, changé depuis quelques années. Face à cette situation, le temps est non plus au constat, mais aux solutions, car nous devons à ces derniers une réelle protection.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui prévoit ainsi des évolutions en ce qui concerne les sanctions, ainsi que sur la protection et l’information de nos élus.
Je remercie sincèrement les collègues qui se sont investis sur ce sujet pour leur travail performant : je pense à l’enquête menée en 2019 auprès des élus locaux et à l’établissement de quatorze mesures concrètes pour améliorer leur protection. Il est temps que l’État entende les élus, madame la ministre, et que ces mesures soient désormais adoptées par le Parlement.
Car il y va de la vocation de ceux qui veulent s’engager pour l’intérêt général, comme le montrent les démissions de nos édiles. Face à une condamnation insuffisante de leurs agresseurs, voire à une certaine impunité de ces derniers, les élus ne souhaitent plus mettre leur vie et celle de leurs proches en danger.
Il est important d’introduire une circonstance aggravante en cas d’atteinte à la vie privée et familiale. En effet, comme cela a été souligné, les suites judiciaires aux agressions d’élus sont encore peu fréquentes : un tiers des agressés saisit la justice et seul un cinquième des plaintes aboutit à une condamnation pénale. Ainsi, 6 % seulement des victimes voient leur agression reconnue et obtiennent réparation.
Il faut améliorer l’effectivité et l’efficacité de la sanction pénale. Les sanctions doivent être renforcées. Un travail d’intérêt général est-il une peine suffisante en cas d’insulte envers un élu ?
Enfin, il paraît fondamental que l’octroi de la protection fonctionnelle soit automatique et que l’information des élus soit améliorée à ce sujet.
Madame la ministre, entendez le message des élus et protégez-les ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires
TITRE Ier
CONSOLIDER L’ARSENAL RÉPRESSIF EN CAS DE VIOLENCES COMMISES À L’ENCONTRE DES ÉLUS
Avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Maurey, Mme Pluchet, M. Sautarel, Mmes Morin-Desailly et N. Goulet, MM. Capo-Canellas, Cigolotti, Lafon, Longeot et Levi, Mme Noël, MM. Daubresse et H. Leroy, Mme Loisier, MM. Henno, Laugier et Menonville, Mme de La Provôté, MM. Paccaud, Chasseing, Mizzon, Canévet, Guerriau et Reichardt, Mme Muller-Bronn, MM. Milon, Rochette, J.P. Vogel, Le Rudulier, Courtial, Pointereau, Houpert et Laménie, Mme Lopez, M. Belin, Mme L. Darcos, MM. Duffourg et Kern, Mmes JOSENDE, Aeschlimann et Herzog, M. Wattebled, Mmes F. Gerbaud et Jacquemet, MM. Hingray, Pellevat et J.M. Arnaud et Mme Lermytte, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 4 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :
1° L’article 132-18-1 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 132-18-1. – Pour les crimes commis contre un titulaire d’un mandat électif public dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;
« 2° Sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;
« 3° Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;
« 4° Quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. » ;
2° L’article 132-19-1 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 132-19-1. – Pour les délits commis contre un titulaire d’un mandat électif public dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Un an, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;
« 2° Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;
« 3° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;
« 4° Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires. »
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Les agressions physiques et verbales à l’encontre des élus dans le cadre de l’exercice de leur mandat augmentent de manière préoccupante. Ainsi, en 2022, 2 265 atteintes envers des élus ont été enregistrées, soit une hausse de 32 % par rapport à 2021.
Mais ce chiffre est en réalité bien supérieur puisque de nombreux élus ne portent pas plainte à la suite d’une agression. Il ne reflète pas non plus les tensions croissantes entre les maires et les administrés qui, même si elles ne constituent pas des agressions, rendent l’exercice du mandat de plus en plus difficile.
Malgré plusieurs alertes ces dernières années, parfois tragiques – je pense notamment au décès du maire de Signes –, des mesures à la hauteur du problème n’ont pas été prises.
Si un renforcement des peines encourues est nécessaire, nous ne pouvons toutefois que déplorer que, lorsque les plaintes des maires aboutissent, les peines prononcées soient bien en deçà de celles prévues par la loi. Il apparaît donc indispensable de prévoir une peine plancher en cas de délit ou de crime contre un élu de la République.
Cet amendement vise ainsi à instaurer des peines minimales contre les auteurs de crimes et délits à l’encontre des titulaires d’un mandat électif, à l’instar de celles qui avaient été créées en 2007 et supprimées par la suite lors du quinquennat de François Hollande.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement vise à introduire des peines planchers pour les délits et crimes commis sur les seuls titulaires d’un mandat électif public.
En premier lieu, il paraît inconcevable juridiquement d’instaurer un tel mécanisme d’encadrement des peines pour les seuls titulaires d’un mandat électif public. Il semble difficile de justifier l’application de ce mécanisme aux seuls élus, alors que d’autres dépositaires de l’ordre public, comme les membres des forces de l’ordre, pourtant soumis à des menaces et violences de même nature, n’en bénéficieraient pas.
En second lieu, on sait que le dispositif des peines planchers, qui a été en vigueur entre 2007 et 2014, n’a pas été un grand succès : si cette réforme a bien contribué à alourdir la durée des peines, les juges ont, dans 62 % des cas, prononcé, par décision motivée, des condamnations dérogeant au principe de la peine plancher. Ce dispositif était en fait beaucoup moins automatique qu’il n’y paraissait.
Enfin, il me semble que cette disposition, si elle était adoptée, serait censurée par le Conseil constitutionnel pour rupture d’égalité. On ne peut pas proposer aux élus locaux des solutions qui ne seraient pas juridiquement robustes.
À mon sens, il serait plus efficace, si l’on veut alourdir les peines, d’adopter les articles suivants de la proposition de loi.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Dans la continuité des propos de Mme la rapporteure, le Gouvernement émet aussi un avis défavorable sur cet amendement.
Vous proposez, monsieur Longeot, de réintroduire le mécanisme des peines planchers en cas de crime ou de délit commis à l’encontre d’un élu dans l’exercice ou du fait de ses fonctions.
La peine a pour fonction de sanctionner l’auteur de l’infraction, de lui permettre de s’amender et de faciliter son insertion ou sa réinsertion.
Or les différentes études statistiques ont démontré que les peines planchers n’ont pas entraîné, comme l’a dit Mme la rapporteure, un recours plus important aux peines d’emprisonnement, lesquelles étaient déjà très majoritaires s’agissant des condamnations pour les crimes et délits en cas de récidive.
Ensuite, l’abrogation des peines planchers n’a pas entraîné de baisse de la sévérité des juridictions pénales : en effet, durant les années pendant lesquelles ce dispositif s’appliquait, entre 2008 et 2013, le quantum moyen ferme des peines d’emprisonnement prononcées était inférieur à celui de la période actuelle.
Enfin, le rétablissement des peines planchers serait susceptible d’aggraver les délais de traitement des dossiers en matière pénale : chaque audience pourrait prendre encore plus de temps, dans la mesure où les débats risqueraient de s’éterniser sur l’application ou non de la peine plancher et sur les motifs permettant d’y déroger.