M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Fabien Gay, vous faites référence aux deux procédures que l’État a lancées au début de mars 2023, en vue de désigner le futur exploitant du Stade de France à compter de l’expiration de la concession actuelle à l’été 2025.
L’une de ces procédures porte sur la cession et l’autre sur le renouvellement de la concession d’exploitation. La cession n’est donc que l’une des hypothèses envisagées pour l’exploitation future du Stade.
Pour sélectionner le futur exploitant, l’État comparera la meilleure offre remise au titre de chacune des deux procédures, au regard de deux critères indiqués dans les avis publiés sur des supports librement accessibles, conformément au droit de la commande publique, pour chacune des deux procédures.
Deux critères seront pris en compte : premièrement, un critère « avantage économique global » de chacune de ces offres pour l’État au regard du prix d’acquisition proposé ou, pour la concession, l’accroissement de la valeur du Stade en fonction des investissements réalisés, de la robustesse financière de chaque offre et de la répartition des risques proposée ; deuxièmement, un critère technique et commercial prenant notamment en compte l’amélioration des conditions et de la qualité d’accueil des événements sportifs et des usagers – en particulier la Fédération française de football (FFF) et la Fédération française de rugby (FFR) –, afin que ceux-ci soient au cœur du projet et que cette enceinte à laquelle vous avez rendu un hommage vibrant continue à offrir une haute qualité d’accueil.
Ces critères permettront de sélectionner en toute transparence et de manière objective le meilleur projet global pour l’avenir du Stade de France et pour l’État, dans le respect du droit de la commande publique.
S’agissant de la programmation et de la tarification, le dossier de consultation transmis aux candidats prévoit, même en cas de cession, que le futur exploitant du Stade est contraint d’accueillir prioritairement les événements organisés par les fédérations de rugby et de football, ainsi que les grands événements sportifs internationaux. L’État conserve un droit de regard sur la tarification des activités du futur exploitant à destination du grand public.
Les garanties dont l’État a assorti cette consultation sont donc de nature à répondre au cœur de votre question : nous faisons en sorte que le Stade de France ne devienne pas un endroit comme les autres et que, au contraire, son lien particulier avec la Nation puisse être préservé.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, nous demeurons pour notre part opposés à la vente du Stade de France.
Je vous propose que les parlementaires et les élus locaux du département soient associés le plus rapidement possible aux discussions avec Bercy.
encadrement des autorisations annuelles de débits de boissons temporaires pour les associations
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 624, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, en cette période estivale propice aux événements festifs, notamment pour le tissu associatif, je souhaite vous interroger sur la législation portant sur les autorisations annuelles de débits de boissons temporaires délivrées aux associations. En effet, alerté par des acteurs de la Drôme, je m’interroge sur l’encadrement de ces autorisations.
D’une part, l’article L. 3334-2 du code de la santé publique prévoit que les associations établissant des cafés ou des débits de boissons doivent obtenir, pour la durée des manifestations publiques qu’elles organisent, l’autorisation de l’autorité municipale, dans la limite de cinq autorisations annuelles pour chaque association.
D’autre part, en dépit du principe d’interdiction de vente et de distribution d’alcool dans les stades et les établissements d’activités physiques et sportives, l’article L. 3335-4 du même code dispose :
« Le maire peut, par arrêté, et dans les conditions fixées par décret, accorder des autorisations dérogatoires temporaires, d’une durée de quarante-huit heures au plus […] en faveur : […] des associations sportives agréées conformément à l’article L. 121-4 du code du sport et dans la limite des dix autorisations annuelles pour chacune desdites associations qui en fait la demande ».
Autrement dit, si les maires ont la possibilité de délivrer cinq autorisations annuelles de débits de boissons temporaires aux associations, par exemple culturelles ou de loisirs, il se trouve que les associations sportives peuvent, quant à elles, bénéficier de dix autorisations annuelles.
Monsieur le ministre, alors que les débits de boissons temporaires représentent l’une des principales sources de revenus pour les associations de loisirs, à l’instar des nombreux comités des fêtes, quelles raisons justifient une telle différence de nombre d’autorisations annuelles de débits de boissons temporaires pouvant être délivrées aux associations par les maires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Buis, je vais formuler ce qui vous brûle les lèvres : lorsque l’on évoque les débits de boissons, et compte tenu des températures attendues, il faut rechercher la modération avant tout ! (Sourires.) Mais je ne pense pas que vous souhaitiez au travers de cette question orale encourager une augmentation de la consommation…
Ce lien avec les impératifs de santé publique explique pourquoi une réglementation encadre de manière générale la vente d’alcool. Connaissant les règles, y compris en termes de cession, pour les licences 4, vous me posez une question plus spécifique sur les débits de boissons temporaires. Vous l’avez dit, deux régimes coexistent.
Le régime dérogatoire de dix autorisations annuelles d’ouverture de débits de boissons temporaires pour les associations sportives agréées est issu de la loi de finances rectificative pour l’année 1998.
En 1998, l’équivalent de l’étude d’impact jointe à la notice de la loi de finances rectificative indiquait qu’environ 30 % des recettes de ces clubs de sport étaient tirées des débits de boissons temporaires. Le législateur a donc décidé de conforter ce dispositif avec un régime prévoyant dix jours par an.
Puis, le temps a passé et l’on s’est rendu compte en 2001 qu’il était souhaitable de prévoir à l’article L. 3334-2 du code de la santé publique, au-delà du cas des associations sportives, une possibilité de délivrance à raison de cinq autorisations par an pour les associations.
Pourquoi un tel décalage ? Parce qu’il existe des centaines de milliers d’associations dans notre pays, mais nettement moins d’associations sportives agréées. La taille potentielle de la base justifie donc que le taux soit plus restrictif.
La loi a prévu qu’il convenait de laisser au maire la faculté d’accorder à une association, de manière temporaire – dans le cadre d’une fête, d’une kermesse, etc. –, le bénéfice de cette dérogation.
Pour autant, compte tenu du nombre d’associations existantes, ouvrir plus largement cette dérogation reviendrait à créer des situations de concurrence déloyale.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
3
Reconstruction des bâtiments dégradés au cours de violences urbaines
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 (projet n° 888, texte de la commission n° 894, rapport n° 893, avis nos 891 et 892).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire sur ce texte ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Si une commission mixte paritaire sur ce texte devait se réunir, nous siégerions en séance publique le vendredi 21 juillet pour la lecture de ses conclusions.
Discussion générale
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, du 27 juin au 5 juillet, notre pays a été marqué par des nuits de violences et de pillages inqualifiables, avec des destructions dont l’étendue surpasse le triste précédent des émeutes de 2005.
Sous la conduite du Président de la République et de la Première ministre, nous nous étions engagés à présenter un texte permettant de répondre au besoin de travaux d’urgence. Je tiens à saluer le travail du Sénat au cours des dernières heures et, plus largement, l’état d’esprit dans lequel ce projet a été accueilli.
Au-delà de la circulaire qui a été publiée, les mesures proposées, qui relèvent de la loi, visent à faire face plus rapidement à l’urgence de la reconstruction matérielle, en levant un certain nombre de verrous.
Je vous le dis d’emblée, ce texte ne constitue pas une réponse globale à la situation que nous avons connue. Il s’agit ici de traiter non pas les causes, mais les conséquences. Nous voulons, dans l’urgence du moment, prendre des dispositions permettant de reconstruire plus vite les bâtiments qui ont été touchés entre le 27 juin et le 5 juillet et qui figurent sur une liste limitative.
Je souhaite que la plus grande union possible puisse se manifester à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, comme tel a été le cas de façon quasiment unanime pour soutenir toutes les victimes.
Les chiffres dont nous parlons sont trois fois supérieurs à ceux des violences de 2005, qui avaient duré trois semaines. Le bilan, à ce stade, fait état d’un montant de 650 millions d’euros pour les destructions d’équipements, d’infrastructures et de biens privés.
Les symboles de la République ont été particulièrement touchés : 274 commissariats, brigades de gendarmerie ou postes de police municipale ; 105 mairies ; 243 établissements scolaires, dont 60 dans lesquels les dégâts sont particulièrement importants et une dizaine d’écoles complètement détruites ; 47 établissements relevant du ministère de la justice ; 3 centres hospitaliers ; des équipements urbains ; des bus ; des tramways ; des médiathèques ; des maisons de quartier ; des crèches ; des gymnases ; des maisons de la culture, et même des locaux associatifs.
Autant de lieux précieux pour apprendre, pour bénéficier d’opportunités et pour faire vivre les promesses de notre République. Autant d’équipements et de services essentiels pour nos concitoyens. Ces dégâts masquent les attaques ignobles qui ont eu lieu contre les dépositaires de la force publique – représentants des forces de l’ordre, sapeurs-pompiers, élus.
Je n’oublierai pas de citer les commerces, en particulier les pharmacies. Plus de 1 000 commerces ont été vandalisés et pillés, et un nombre particulièrement élevé de bureaux de tabac ont été pris pour cible.
Toutefois, vous le savez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs, ces statistiques pèsent peu en comparaison de ce que nos concitoyens ont vécu.
Je pense, comme beaucoup d’entre vous, à Vincent Jeanbrun, dont l’épouse et les enfants ont été agressés avec une brutalité et une lâcheté sans nom.
Je pense aux parents d’élèves de l’école élémentaire Champollion de Dijon, partiellement détruite par un engin incendiaire, dont les enfants jouaient sur une aire de jeux adjacente, alors qu’eux-mêmes préparaient la fête de fin d’année.
Je pense à cette maison de quartier d’Angoulême, incendiée à deux reprises en trois jours.
Je pense aux équipes de la mairie de Mons-en-Barœul attaquées avec un acharnement inouï pendant des heures, sans relâche, aux mortiers d’artifice.
Je pense, enfin, aux gérants de cafés, aux employés, aux propriétaires de commerces de proximité, aux pharmaciens, à tous ceux qui se lèvent tôt et qui mènent une vie droite et honnête, mais qui ont perdu durant ces nuits le fruit de leur labeur, quand ce n’étaient pas les économies d’une vie.
Nous ne lâchons rien face à ceux que le spectacle de la destruction facile réjouit, ou à ceux qui n’auront pas eu le courage de se joindre aux nécessaires appels au calme. Nous devons désormais tous nous tenir aux côtés de ceux qui doivent rebâtir.
Ce projet de loi a vocation à susciter une forme d’union nationale au service d’une reconstruction plus rapide et de qualité. Effacer les stigmates des dégâts qu’ils ont causés permettra d’adresser aux émeutiers, aux délinquants et aux criminels le plus cinglant des désaveux. Ce n’est qu’une partie de la réponse, mais c’est tout de même une réponse.
Les dégâts causés, considérables, justifient une action urgente et concertée de la part des pouvoirs publics. Le droit en vigueur prévoit d’ores et déjà de nombreux mécanismes ; la circulaire de la Première ministre les mobilise pleinement. Mais nous devons aller plus loin.
Tout d’abord, pour les bâtiments atteints, souvent anciens, l’objectif est de faciliter la reconstruction, dans le cadre législatif offert par la reconstruction à l’identique, tout en permettant des adaptations pour répondre aux nouvelles exigences en termes de sécurité et, bien sûr, d’environnement.
Ensuite, nous proposons d’autoriser au plus vite le commencement des travaux préparatoires – démolition, terrassement, installation de chantiers, fondations –, même si la demande d’autorisation est en cours d’instruction, afin de gagner un temps précieux.
Toutefois, accélérer les procédures d’autorisation administrative pour retrouver plus vite les bâtiments que nous connaissons ne veut pas dire confondre vitesse et précipitation. La qualité des instructions ne sera pas sacrifiée. Les maires conserveront naturellement leur pouvoir d’appréciation. Ce bon équilibre que nous avons cherché à préserver, le texte y répond.
Après ce volet portant sur les règles d’urbanisme, nous aborderons la reconstruction plus spécifique du bâti public : facilitation des marchés publics de travaux ; dérogation aux obligations de publicité préalables ; usage plus étendu des marchés de conception-réalisation. Ce deuxième volet nous permettra de remplir ces objectifs.
Pour ce qui concerne le financement, nous vous proposons de rendre possible la mobilisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) en faveur des collectivités et de leurs groupements.
Les travaux pourront être subventionnés en totalité, de manière dérogatoire. Ces mesures exceptionnelles sont nécessaires pour répondre à l’urgence de la situation et permettre une reconstruction à la fois efficace et rapide.
Je le redis, ces mesures sont temporaires et limitées aux seuls bâtiments détruits par les émeutes. Elles ne seront pas utilisables au-delà. Notre objectif est que ceux de nos concitoyens qui ont été affectés par ces violences puissent retrouver des bâtiments pérennes et durables destinés à leur rendre service.
L’enjeu est que les ordonnances soient promulguées le plus tôt possible, à commencer par celles qui portent sur les marchés publics, pour lesquelles nous prévoyons une échéance en septembre prochain au plus tard.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne serai pas plus long. Cet ensemble de mesures forme à mon sens un tout cohérent et de bon sens, permettant un choc de simplification strictement circonscrit aux besoins des collectivités territoriales les plus touchées. Je sais pouvoir compter sur votre soutien et votre engagement à leurs côtés pour faire avancer ce projet de loi déterminant.
Reconstruire, ce n’est pas gommer ou effacer, c’est rendre justice à la majorité silencieuse. C’est ne pas laisser le dernier mot aux émeutiers, pour lesquels la réponse doit être judiciaire.
Il y a eu le temps de l’urgence du retour au calme. Nous sommes maintenant dans le temps de l’urgence de la reconstruction, du traitement rapide des conséquences. Et bien sûr, à la rentrée, viendra le temps de l’action résolue sur les causes, les politiques à conduire et les dispositifs à ajuster. Cette action, nous commençons déjà à la construire, de façon pragmatique et lucide, au service de notre cohésion sociale, territoriale et nationale.
Je vous remercie de l’accueil que vous avez réservé à ce projet de loi et me réjouis que nous puissions, ensemble, faire œuvre législative efficace et utile. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous puissions faire aboutir ce texte in extremis – et même un peu au-delà ! (Sourires.) –, avec une première lecture ici, au Sénat, chambre des collectivités territoriales.
Notre assemblée, engagée, est attentive au soutien qu’elle se doit d’apporter aux maires, comme le prévoit l’article 24 de la Constitution. Elle a été particulièrement vigilante s’agissant des événements exceptionnels que nous avons traversés du 27 juin au 5 juillet dernier.
Aussi, je tiens à remercier tous ceux qui sont présents aujourd’hui, qu’il s’agisse du président de séance, de mes collègues sénatrices et sénateurs ou des fonctionnaires du Sénat. Je salue également M. le président Gérard Larcher, qui est présent dans nos travées.
Les émeutes qui ont secoué la France à la suite de la mort du jeune Nahel ont débouché, vous l’avez dit, monsieur le ministre, sur des violences intolérables. Je pense aux attaques physiques contre les forces de l’ordre, contre des maires et, désormais, contre leurs familles.
Nous avons également vu, durant ces émeutes, des scènes de pillages de commerces, des incendies de voitures, des feux de poubelles dans les cages d’escalier, des actes de vandalisme qui sont une offense à l’État de droit. Ces destructions touchent durement nos concitoyens dans leur vie quotidienne ou leur activité professionnelle.
Nous avons enfin assisté à la dégradation ou au saccage d’équipements publics : mairies, écoles, centres d’action sociale, trésoreries, postes de police. Au total, plus de 750 bâtiments publics auraient ainsi été dégradés et plus d’une centaine détruits, partiellement ou en totalité.
Dans mon département des Yvelines, plusieurs écoles sont parties en fumée. Spectacle désolant !
Je pense ce matin à Nicolas Dainville, maire de La Verrière, à Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes, et à bien d’autres, trop souvent touchés par ces phénomènes. Mais je songe aussi à ces maires de communes qui ne sont pas des grandes villes avec des quartiers en politique de la ville. Ce sont des maires de communes moyennes, calmes, jamais ou peu touchées par ce genre d’événements.
Tout cela nous révolte, nous consterne et nous interroge. La crise est désormais éteinte, au moins en apparence. Il faudra des mois pour en analyser les ressorts profonds et pour trouver des solutions de long terme.
Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion en profondeur, monsieur le ministre, sur la perte des autorités, qu’il s’agisse de la police, du maire ou du maître, sur le maintien de l’ordre, sur la responsabilité parentale, sur les politiques publiques de logement, d’éducation, d’intégration et de soutien social dans les quartiers de la politique de la ville et, je le répète, en dehors de ces quartiers.
Pour l’heure, il y a urgence à reconstruire. C’est une urgence républicaine. J’entends et je comprends la colère de nos concitoyens victimes ou spectateurs stupéfiés de ces violences, qui ne veulent plus payer pour des dégâts trop souvent pris en charge par la puissance publique, c’est-à-dire par chacun de nous.
Néanmoins, je le répète, la République ne doit pas reculer : nous ne pouvons pas abandonner ces jeunes, parfois âgés de 12 ans seulement, à la spirale de la violence. Plus que jamais, avec le retour à un ordre réaffirmé, nous avons besoin d’écoles, de bibliothèques, de maisons des arts et d’équipements sportifs, qui sont le socle de l’émancipation républicaine.
C’est la raison pour laquelle, dès le 3 juillet dernier, j’ai déposé, avec plusieurs autres sénateurs, une proposition de loi d’urgence pour la reconstruction des bâtiments et équipements publics endommagés lors des émeutes. Mes chers collègues, vous êtes nombreux à l’avoir cosignée, et je vous en remercie.
Avec le président Larcher, nous avons immédiatement bataillé pour obtenir son examen au cours de cette session extraordinaire. Finalement, nous avons en quelque sorte réussi, puisque, dès le lendemain, le Président de la République a annoncé, devant les maires réunis à l’Élysée, ce projet de loi d’urgence pour accélérer la reconstruction.
Le Gouvernement a fait le choix d’un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances, qui, sur le fond, reprend l’ensemble des dispositions prévues dans notre proposition de loi : l’assouplissement des règles d’urbanisme et l’accélération des délais d’instruction, l’adaptation de seuils de passation des marchés publics et des règles de procédure, ainsi que la possibilité pour l’État et les autres collectivités de subventionner à 100 % les dépenses de reconstruction en dépassant le seuil maximal de droit commun de 80 %.
Le projet de loi prévoit en outre un remboursement anticipé de la taxe sur la valeur ajoutée aux collectivités, afin de pallier les éventuels problèmes de trésorerie. Il prévoit également que les bâtiments privés, notamment les commerces et logements, pourront bénéficier des mesures dérogatoires d’urbanisme. Ces deux apports sont bienvenus.
Nos collègues Catherine Di Folco et Vincent Delahaye exposeront plus précisément le contenu des articles 2 et 3.
En ce qui concerne l’article 1er, à savoir l’adaptation des règles d’urbanisme, le projet de loi prévoit trois éléments.
Premièrement, il vise à étendre des dispositions qui existaient déjà dans le code de l’urbanisme, afin d’autoriser la reconstruction ou la réfection à l’identique des bâtiments touchés, en tenant compte des règles d’urbanisme en vigueur au moment de la construction initiale, et non pas de la demande de reconstruction.
Le champ des modifications admises, par rapport au bâtiment détruit, sera également élargi, notamment pour améliorer la sécurité, l’accessibilité ou les performances énergétiques ou environnementales. Ce sont des mesures de bon sens.
Deuxièmement, les opérations et travaux préliminaires, comme la démolition ou l’évacuation des gravats, pourraient être engagés dès le dépôt de la demande de permis. Là non plus, il n’y a aucune difficulté.
Enfin, pour accélérer l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme, les délais seraient réduits et la règle du « silence vaut refus » renversée dans certains cas. Sont surtout visés les avis, accords et autorisations préalables nécessaires pour délivrer une autorisation d’urbanisme. Je pense notamment aux autorisations délivrées par la CDAC, la commission départementale d’aménagement commercial, et aux avis des ABF, les architectes des Bâtiments de France. De nouveau, il s’agit d’une mesure de bon sens.
Je le précise, les conditions de participation du public ne seront pas affectées par les modifications prévues.
Naturellement, il est difficile de savoir quelles évolutions seront concrètement nécessaires, compte tenu du caractère récent des événements. Il faut donc affiner l’inventaire des dégradations et laisser aux maîtres d’ouvrage le temps d’élaborer leurs nouveaux projets.
C’est pourquoi il me semble justifié, pour une fois, de recourir à une habilitation à légiférer par ordonnance : le sujet est très technique ; il nécessite l’adaptation de très nombreuses dispositions, qui sont parfois de nature réglementaire et qui devront être coordonnées entre elles pour être pleinement efficientes. Compte tenu du caractère consensuel de ces mesures, l’administration me semble la mieux placée pour agir vite et bien.
Par ailleurs, le délai d’habilitation de trois mois est suffisamment court pour répondre à l’urgence de la situation et suffisamment long pour ne pas nous priver de la possibilité de prendre des mesures complémentaires, si des cas particuliers se présentaient durant l’été. J’invite cependant le Gouvernement à édicter et mettre en œuvre, sans attendre, dès les semaines qui viennent, les principales adaptations déjà identifiées.
Pour toutes ces raisons, nous n’avons pas amendé en commission l’article 1er du texte, pas plus que nos collègues de la commission des finances n’ont touché à l’article 3. Quant à nos collègues de la commission des lois, ils n’ont modifié qu’à la marge l’article 2.
Pour finir, dans le cadre de ce qui devrait être ma dernière intervention en tant que présidente de la commission des affaires économiques, je souhaite remercier le Gouvernement – une fois n’est pas coutume ! (Sourires.) – d’avoir permis un dialogue fructueux avec ses services lors de l’élaboration du texte.
Je veux également, par anticipation, remercier l’Assemblée nationale, qui a aussi accepté, sur le principe, un dialogue en amont avec notre assemblée, afin que ce projet de loi puisse aboutir le plus vite possible.
Enfin, je remercie tout particulièrement les fonctionnaires du Sénat, qui ont dû prolonger leur travail après une année chargée et difficile ! (Applaudissements.)
M. le président. Si vous me le permettez, ma chère collègue, je remercie à mon tour tous les sénateurs présents aujourd’hui, lesquels, par définition, prennent le risque de voir l’Assemblée nationale nous faire revenir vendredi – espérons que tel ne sera pas le cas ! (Sourires.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi vise à répondre aux besoins urgents de reconstruction. Vous l’avez dit, un nouveau texte, que nous attendons impatiemment, devra traiter des causes de ces émeutes.
Je voudrais rendre hommage, dans tous les départements touchés – je pense bien sûr en particulier à l’Essonne – à tous les maires, élus, personnels municipaux et bénévoles qui se sont mobilisés plusieurs nuits de suite pour tenter de limiter les dégâts.
La commission des finances s’est saisie pour avis de ce texte, avec une délégation au fond sur l’article 3. Pour faciliter le lancement des travaux de réparation, cet article prévoit une série de mesures dérogatoires au droit commun du financement des investissements locaux.
Comme les deux autres articles, il prend la forme d’une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de trois mois.
Un projet de loi de ratification de l’ordonnance devra ensuite être déposé dans les trois mois qui suivent sa publication.
Pour financer leurs opérations de réparation, il convient de rappeler que les collectivités bénéficieront, d’une part, d’indemnités au titre de l’engagement de la responsabilité sans faute de l’État, qui est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis à l’occasion de manifestations qui dégénèrent, et, d’autre part, des prises en charge par les assureurs, au moins pour les collectivités qui ont souscrit des contrats d’assurance.
Trois mesures sont ainsi proposées.
En premier lieu, le Gouvernement serait habilité à déroger au régime de droit commun du versement du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA. En l’état du droit, les collectivités perçoivent les attributions au titre de ce fonds en n+2 ou, dans certains cas, en n+1 par rapport à l’exécution des dépenses.
L’exposé des motifs précise que l’habilitation permettra un versement anticipé du FCTVA dès l’année n, pour les travaux de réparation entrepris par les collectivités à la suite des dégradations intervenues entre le 27 juin et le 5 juillet 2023.
Non seulement cette mesure est pleinement justifiée, mais je considère, à titre personnel, qu’elle devrait constituer le fonctionnement normal du FCTVA. Dès lors que son bénéfice constitue un droit pour les collectivités territoriales, il n’y a pas de raison que l’État préserve ainsi sa trésorerie au détriment de celle des collectivités.
Par ailleurs, cet outil ne saurait être considéré à lui seul comme une réponse suffisante, puisqu’un certain nombre de dépenses engagées par les collectivités pour procéder aux réparations ne seront pas éligibles au FCTVA.
En deuxième lieu, l’article habilite le Gouvernement à déroger à la règle imposant une participation minimale des collectivités au financement de leurs projets d’investissement. Dans le droit commun, cette part est fixée à 20 % de l’ensemble des financements apportés par les personnes publiques. Il en résulterait, selon l’exposé des motifs, que les collectivités pourraient bénéficier de subventions allant jusqu’à 100 % du coût des travaux.
En parallèle de cette mesure législative, une instruction ministérielle a d’ores et déjà prévu la création d’un fonds dédié au sein de la mission budgétaire « Relations avec les collectivités territoriales », pour le soutien à la reconstruction.
Cependant, la traduction budgétaire du dispositif reste floue à ce jour, et l’administration n’a pas été en mesure de me fournir d’évaluation de son coût à ce stade. Il serait donc souhaitable que le Gouvernement, eu égard à la confiance que nous lui accordons en lui donnant cette habilitation, communique dès que possible au Parlement des précisions sur le montant de l’enveloppe, ses modalités de financement et, le cas échéant, la nécessité d’ouvrir des crédits supplémentaires en loi de finances rectificative de fin de gestion.
En troisième et dernier lieu, l’ordonnance permettrait de déroger à la règle de plafonnement des fonds de concours pouvant être versés au sein des intercommunalités, dont les attributions ne peuvent aujourd’hui excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours.
Cette mesure permettrait de donner davantage de souplesse aux collectivités pour le financement des travaux de réparation. Son impact budgétaire est, quant à lui, neutre pour l’État, puisqu’il n’est question que de flux financiers internes au bloc communal.
Enfin, la méthode de l’habilitation appelle naturellement une certaine vigilance de notre part. Dans le cas présent, elle est proposée par le Gouvernement au regard du caractère à la fois urgent, technique et, je le crois, consensuel des mesures envisagées pour faciliter l’engagement rapide par les collectivités des travaux nécessaires à la réparation des dégâts causés par les émeutes.
Mes chers collègues, la commission des finances vous propose donc d’en prendre acte et d’adopter cet article sans modification. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)