Sommaire
Présidence de M. Roger Karoutchi
Secrétaires :
Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.
comptabilisation des surfaces photovoltaïques dans le calcul du « zéro artificialisation nette »
Question n° 760 de M. Philippe Bonnecarrère. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Philippe Bonnecarrère.
réaction au plan « france ruralités »
Question n° 773 de M. Bruno Belin. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Bruno Belin.
manque de moyens humains pour le suivi linguistique des élèves allophones
Question n° 789 de M. Éric Gold. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Question n° 788 de Mme Mélanie Vogel. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
compensation aux collectivités locales de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
Question n° 649 de M. Rémi Cardon. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Rémi Cardon.
cession éventuelle du stade de france
Question n° 775 de M. Fabien Gay. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Fabien Gay.
encadrement des autorisations annuelles de débits de boissons temporaires pour les associations
Question n° 624 de M. Bernard Buis. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Bernard Buis.
3. Reconstruction des bâtiments dégradés au cours de violences urbaines. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Amendement n° 2 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 3 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 5 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 4 de M. Claude Raynal. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1 rectifié de M. André Reichardt. – Retrait.
Adoption, par scrutin public n° 333, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Karoutchi
vice-président
Secrétaires :
Mme Martine Filleul,
M. Jacques Grosperrin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 13 juillet 2023 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
comptabilisation des surfaces photovoltaïques dans le calcul du « zéro artificialisation nette »
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 760, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le ministre, en vous posant cette question, je n’ai pas dans l’idée de faire un point général sur le « zéro artificialisation nette » (ZAN) : ce serait un peu trop peu ambitieux. Cela étant, j’aurais beaucoup d’observations à formuler sur cet objectif punitif et sur cette logique globale de décroissance…
Ma question concerne exclusivement le traitement des énergies renouvelables dans ce cadre.
De nombreux maires nous posent la question suivante : les opérations de développement d’installations photovoltaïques ou éoliennes par une commune entreront-elles en compte dans le calcul de son ZAN ? Vous vous doutez bien, monsieur le ministre, que, en fonction de la réponse, la gestion de ces dossiers sera à l’évidence très différente.
Il nous avait été indiqué que cette question serait tranchée par la voie législative. Or je n’ai rien décelé de tel dans le projet de loi relatif à l’industrie verte, qui a été récemment adopté par le Sénat et que l’Assemblée nationale examine actuellement, non plus que dans la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Je réitère donc ma question : les opérations de développement d’installations photovoltaïques ou éoliennes seront-elles, oui ou non, prises en compte dans le calcul du ZAN communal ?
Votre réponse est très attendue par les élus locaux.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, à la différence des autres questions orales sans débat, pour lesquelles j’aurai la joie de m’exprimer en lieu et place de mes collègues, je puis, pour celle que vous venez de me poser, vous répondre directement et vous annoncer la publication imminente d’un décret en lien avec votre question et avec cette interrogation légitime partagée par nombre d’élus locaux.
Pour dire les choses de manière simple, une installation éolienne, dans la mesure où son emprise au sol est généralement inférieure à 50 mètres carrés, ne sera pas prise en compte dans le calcul de l’artificialisation nette.
S’agissant des panneaux photovoltaïques, dès lors qu’ils seront installés non pas à même le sol, qu’ils n’altéreront donc pas, mais à une hauteur qui permettra à la faune de se reproduire et à la flore de préserver les qualités écologiques du terrain, ils ne seront pas, eux non plus, pris en compte dans le calcul de l’artificialisation nette.
Il ne s’agit pas que cet objectif du ZAN ait pour conséquence de bloquer le développement d’énergies dont nous avons besoin et qui, je le sais, suscitent des attentes dans nos territoires, dont vous vous faites ce matin, monsieur le sénateur, le porte-parole très légitime.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.
M. Philippe Bonnecarrère. Je prends donc note que l’objectif du ZAN ne bloquera pas le développement de ces projets.
Monsieur le ministre, je vous adjure cependant d’être particulièrement attentif aux détails dans la rédaction du décret. En particulier, je vous ai entendu dire que les panneaux photovoltaïques ne devraient pas être posés à même le sol. Je perçois là une subtilité technique à laquelle il faudra veiller…
J’admets bien volontiers cet objectif du ZAN, que nous portons en commun, dès lors que les contraintes qu’il impose ne sont pas une entrave au développement effectif des énergies renouvelables.
réaction au plan « france ruralités »
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 773, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Bruno Belin. Monsieur le ministre, voilà quelques semaines, à Saulgé, dans le département de la Vienne, vous étiez au côté de la Première ministre lorsque celle-ci est venue présenter le plan France Ruralités.
Au cours de son intervention, parmi d’autres points, elle a évoqué les enjeux liés à l’école et à la scolarisation, surtout en milieu rural – je sais que vous connaissez bien ce sujet.
Monsieur le ministre, ma question est fort simple : quelle est la stratégie du Gouvernement pour préparer, au travers de ce plan France Ruralités, la rentrée scolaire 2024 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Bruno Belin, vous l’avez dit, avec le plan France Ruralités, les territoires ruraux sont au cœur des attentions du Gouvernement. Et vous avez raison de le souligner : la scolarisation en milieu rural et les moyens qui sont alloués dans cette perspective à l’éducation nationale représentent un enjeu particulier.
Dans ce contexte, l’idée est bien d’avoir un dialogue territorial spécifique. Celui-ci comporte une nouveauté, à savoir une visibilité à trois ans. Ainsi que l’a annoncé le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, dès l’automne prochain sera mise en place dans chacune des académies, en amont des conseils départementaux de l’éducation nationale (CDEN), une instance départementale de dialogue et de concertation.
Plusieurs objectifs lui seront assignés.
D’une part – et cela constitue non pas l’ensemble de la réponse, mais une partie de celle-ci –, elle devra lancer un appel à projets d’internats d’excellence destinés spécifiquement aux territoires ruraux.
D’autre part, il lui faudra généraliser l’expérimentation de ce qu’on appelle les « territoires éducatifs ruraux », sur lesquels la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) travaille de manière effective. L’objectif est que nous disposions de 185 territoires éducatifs ruraux à partir de 2024, contre 63 à la minute où je vous parle, soit le triple.
Chaque département – hors ceux de l’Île-de-France – sera doté d’au moins un territoire éducatif rural. La définition du périmètre géographique, l’établissement des diagnostics et l’élaboration des plans d’action feront l’objet d’une concertation entre les autorités académiques et les élus, de telle sorte que la création de ces territoires soit officialisée au plus tard au tout début de l’année 2024.
Outre ces politiques spécifiques, qui sont le pivot de cette stratégie pour les territoires ruraux, je veux citer bien évidemment les stages de réussite, l’école ouverte, le dispositif Devoirs faits et les cordées de la réussite, qui ont déjà concerné spécifiquement près de 37 000 élèves des territoires ruraux.
Nous avons évidemment le souhait de conduire une politique en faveur de l’équité. C’est pourquoi le taux d’encadrement des élèves dans les territoires ruraux est plus élevé qu’en milieu urbain : le ratio est de 20,28 enfants par classe dans les communes rurales éloignées et de 21,2 dans les communes rurales, alors que le ratio moyen national est de 21,7.
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.
M. Bruno Belin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je formulerai deux remarques factuelles.
D’une part, il manque à ce plan France Ruralités du contenu et une orientation stratégique : un Médicobus par département si les collectivités concernées sont volontaires, un chargé de projet par département, 5 000 euros ou 6 000 euros par commerce repris en milieu rural, tout cela est insuffisant !
D’autre part, s’agissant des questions scolaires, qui font l’objet de mon interrogation, j’entends que 185 territoires éducatifs ruraux vont être expérimentés. Si l’on ramène ce chiffre à l’ensemble des départements, cela donne une moyenne de deux pour chacun d’entre eux. Nous ne pouvons nous en satisfaire.
De même, évoquant le nombre d’élèves par classe, vous pointez la différence de ratio entre les classes qui sont situées en zone rurale et celles qui se trouvent en zone urbaine. N’oubliez jamais, cependant, que les enfants vivant en milieu rural passent beaucoup de temps dans les cars scolaires. C’est pourquoi il convient d’être très attentif à la cartographie des regroupements pédagogiques.
Vous parlez de plans à trois ans – c’est essentiel –, élaborés en coordination par les élus et les autorités académiques – ainsi que, je l’espère, par les préfets, qui ont une vision politique des choses un peu plus aiguë que les recteurs d’académie.
À tout le moins, cette concertation autour du plan à trois ans doit d’ores et déjà acter qu’il n’y aura pas de fermetures de classes à la rentrée de 2024. Puisqu’il faut se projeter à trois ans, ayons le courage de sacraliser, par ce statu quo, les classes des territoires ruraux.
manque de moyens humains pour le suivi linguistique des élèves allophones
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, auteur de la question n° 789, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Éric Gold. Monsieur le ministre, j’ai été interpellé par une équipe de soutien linguistique de mon département qui s’occupe de la bonne intégration, en milieu scolaire, des élèves arrivés récemment sur le territoire et ne parlant pas le français.
L’obligation d’instruction vaut dans notre pays pour les jeunes de 3 ans à 16 ans. Cette règle s’applique également aux nouveaux arrivants, même ceux dont la langue maternelle n’est pas le français.
Pour leur donner les mêmes chances de réussite, un soutien spécifique, notamment linguistique, est prévu.
Cependant, pour les professeurs de ces unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants, la tâche devient de plus en plus difficile du fait de l’augmentation continue du nombre d’élèves concernés. À Clermont-Ferrand, ils sont 50 % de plus, alors que le nombre d’enseignants demeure identique.
Naturellement, les conditions d’enseignement se dégradent, pour l’équipe pédagogique comme pour les élèves concernés.
Or ces jeunes ont besoin d’un accompagnement adapté et soutenu, notamment ceux qui n’ont pas été scolarisés antérieurement ou qui ont connu des parcours de vie compliqués, voire traumatiques.
Neuf heures au minimum d’enseignement intensif du français sont préconisées dans une circulaire du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse. Or, bien souvent, par manque de moyens humains, les enseignants ne peuvent intervenir qu’une à deux heures par semaine, chacun d’entre eux ayant parfois plusieurs écoles à couvrir sur son secteur.
Un rapport de la Cour des comptes publié en mars dernier indique par ailleurs que les délais d’affectation dans ces unités spécialisées se sont fortement allongés, retardant de fait la scolarisation des enfants et adolescents nouvellement arrivés. Ses auteurs précisent également que plusieurs années peuvent être nécessaires à l’acquisition d’une langue, notamment à un âge clé pour les apprentissages.
Le manque de moyens alloués peut ainsi expliquer le niveau insuffisant atteint par certains élèves en français à l’entrée en sixième. Le retard pris est donc considérable.
Or, en plus de l’enseignement de notre langue, cet accompagnement permet aussi une découverte de la culture citoyenne de notre pays, indispensable à la bonne intégration de ces citoyens de demain.
Monsieur le ministre, compte tenu de l’importance de ces enjeux, le Gouvernement a-t-il l’intention d’augmenter les moyens humains consacrés au suivi des élèves allophones ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Éric Gold, la scolarisation et l’accueil des élèves allophones nouvellement arrivés en France répondent d’abord, bien sûr, aux prescriptions du code de l’éducation, mais ils sont au cœur de l’attention du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Dans un contexte marqué notamment par l’arrivée d’enfants de réfugiés ukrainiens depuis mars 2022, tous les acteurs de l’éducation nationale se mobilisent pour accueillir et scolariser au sein de l’école de la République chaque enfant, quels que soient sa situation, son origine et son mode de vie.
Les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants ne sont pas des classes exclusives. Au contraire, elles accueillent les jeunes élèves allophones venant d’arriver en France, sur temps scolaire.
L’enjeu est bien de leur permettre de maîtriser rapidement et suffisamment le français pour qu’ils puissent suivre, avec une facilité croissante, les cours en classe ordinaire. C’est donc à cette aune et au regard de cette finalité qu’il convient d’examiner la situation.
Ce sont ainsi 1 570 professeurs qui sont mobilisés pour enseigner dans ces structures, lesquelles connaissent, pour certaines d’entre elles, un nombre d’élèves fortement variable.
Vous m’interrogez plus particulièrement sur la situation dans le département du Puy-de-Dôme. Après un échange à ce sujet avec les autorités académiques, il apparaît que ce territoire, en particulier sa partie rurale, est confronté à une véritable difficulté pour répondre à la forte augmentation du nombre d’élèves allophones arrivants, lesquels sont inscrits dans 30 écoles différentes.
Sachez, monsieur le sénateur, que le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse travaille en ce moment avec le rectorat et la direction des services départementaux de l’éducation nationale pour trouver des solutions à ce problème.
Ce matin, à ce banc, je ne puis vous apporter une réponse plus complète, mais je vous assure que le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, à la suite de votre alerte, vous tiendra informé du dispositif qui sera mis en place de façon spécifique dès la rentrée.
protection des élèves de l’enseignement français à l’étranger du harcèlement et des violences sexuelles
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, auteure de la question n° 788, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le ministre, voilà quelques mois, j’ai eu à Barcelone une discussion très difficile avec les parents d’une élève – des parents angoissés et très en colère –, qui me faisaient part des faits d’agression sexuelle et de pédocriminalité dont avait été victime leur petite fille à l’école maternelle française de Barcelone.
Ces faits, ils les avaient confiés au proviseur, l’alertant d’un comportement qu’il avait trouvé inquiétant. Puis, quelques mois plus tard, quand la parole de leur fille s’est libérée et que les faits en question ont été décrits plus précisément, ils ont porté plainte.
Pendant ces mois, il ne s’est rien passé à l’école. Une fois leur plainte déposée, c’est la police catalane qui est intervenue directement au sein de l’établissement pour arrêter l’individu en question.
Rien n’a donc été fait entre le moment où ils ont signalé les premiers faits et le moment où la police a agi. Pendant ces mois, peut-être d’autres crimes ont-ils été commis, faisant d’autres victimes. Puisque cet homme travaillait à l’école française de Barcelone depuis plusieurs années, on peut l’imaginer.
Ces faits ne sont pas isolés : 13 % des collégiens, en France, déclarent avoir été victimes d’agressions sexuelles, et l’enseignement français à l’étranger ne fait sans doute pas exception.
Le droit local catalan, ma foi, par comparaison avec celui d’autres pays, est plutôt performant. Pourtant, des parents se sont mobilisés, ont parlé, sans qu’il y ait de réaction adéquate.
Que fallait-il ? Il fallait des formations, des protocoles, des procédures. Comme c’est trop souvent le cas dans notre réseau, on ne peut pas laisser les familles à la merci d’une réaction adéquate, ou non, du corps enseignant.
Le ministre Pap Ndiaye s’est engagé à apporter un certain nombre d’améliorations. Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais savoir ce qui sera fait pour que, à l’avenir, de tels faits fassent l’objet d’un traitement différent.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Vogel, vous le savez, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) relaie les priorités éducatives du ministère de l’éducation et de la jeunesse, en veillant notamment à prendre en compte l’ensemble des contextes locaux, notamment juridiques.
À ce titre, la prévention et le traitement des agressions et des violences sexuelles dans les établissements d’enseignement français à l’étranger font l’objet de la même vigilance qu’en France.
C’est pourquoi, bien que le programme pHARe de prévention du harcèlement ne puisse être imposé dans des établissements qui ne s’insèrent pas dans le même contexte administratif et le même contexte juridique que sur le territoire national, l’AEFE n’admet aucune tolérance face à ces situations inacceptables et agit pour renforcer les dispositifs en vigueur.
Tout d’abord, la détection et la prévention des abus sexuels s’intègrent au même titre que le harcèlement ou toute violence ou toute discrimination à l’école dans les parcours citoyens et les parcours éducatifs de santé que les établissements doivent mettre en place dans le cadre de leur projet éducatif.
Ensuite, la prévention des situations de violence ou de harcèlement est pensée dans le cadre de la formation générale de l’élève et peut, du reste, faire l’objet de partenariats structurés avec le monde professionnel ou associatif local, dont l’expertise complète souvent celle des enseignants.
En outre, une attention particulière est accordée à la parole des élèves sur le sujet. À cet égard, de nouvelles exigences seront introduites dans les critères d’homologation dès l’année scolaire 2023-2024.
Enfin, chaque année, les plans régionaux de formation qui sont proposés dans les différentes zones géographiques de l’AEFE intègrent des actions de formation relatives à ces questions, à destination du personnel d’encadrement, des enseignants, des équipes éducatives de santé et des personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service (Atoss).
Afin de renforcer le dispositif à l’échelle du réseau et de mieux accompagner les équipes d’encadrement, l’AEFE a travaillé à un protocole complet et précis à destination de l’ensemble des établissements du réseau à travers le monde pour déclencher une réaction homogène en cas de signalement de fait à caractère sexuel émanant d’élèves ou de leur famille. Ce protocole sera appliqué dès la rentrée prochaine.
compensation aux collectivités locales de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la question n° 649, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, en octobre dernier, j’ai interpellé le ministre Jean-Noël Barrot au sujet des répercussions de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur les collectivités territoriales.
Il m’avait alors indiqué que « la perte de recettes induite pour les collectivités territoriales en raison de cette suppression sera compensée […] par l’affectation d’une fraction de TVA, ce qui leur permettra de bénéficier d’une recette pérenne et dynamique, qui évolue en lien avec l’inflation. »
Néanmoins, le Gouvernement a, depuis lors, choisi de calculer la compensation pour chaque collectivité locale sur la base de la moyenne de ses recettes de CVAE sur les années 2020-2023.
Or le choix de prendre en compte dans le calcul l’année 2021, au cours de laquelle la CVAE a connu une baisse de rendement exceptionnelle en raison de la crise sanitaire, est un arbitrage plutôt défavorable pour les collectivités.
À l’heure où celles-ci n’ont de cesse de se serrer la ceinture, à l’heure où elles se démènent pour faire toujours plus avec toujours moins, à l’heure où le Gouvernement est en difficulté pour boucler son budget, ce nouveau cadeau fiscal aux entreprises de 14 milliards d’euros par an, aux dépens des ménages, est à revoir.
À ce propos, qu’en est-il de la mission flash confiée à l’Inspection générale des finances pour étudier les modalités de répartition des mesures de compensation, de manière à maintenir un lien avec la dynamique locale ?
D’ailleurs, monsieur le ministre, nous sommes confrontés au même problème avec la compensation de la suppression de la taxe d’habitation.
Comptez-vous proposer une modification des règles de calcul pour tenir compte de cette promesse de compensation à l’euro près et, ainsi, honorer la promesse gouvernementale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Cardon, depuis la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui a été décidée entre 2012 et 2017 et qui a conduit à une ponction sans précédent et sans équivalent depuis lors sur les finances des collectivités territoriales, les réformes qui ont concerné la fiscalité – je vous le confirme – se sont faites à l’euro près.
La suppression de la taxe d’habitation, laquelle continue d’être calculée fictivement pour donner droit ensuite à compensation, correspond très exactement à cette perspective. Je vous invite, à cet égard, à examiner de près la réalité des comptes des collectivités territoriales du département dans lequel vous êtes élu !
Pour qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, je vous rappelle que jamais un impôt n’a été compensé en se fondant sur une seule année, en particulier lorsqu’il s’agit d’un impôt par définition instable – c’est le cas de ladite CVAE.
À la différence de la taxe professionnelle, la CVAE peut évoluer en fonction des cycles économiques – c’est même pour cette raison qu’elle a été créée. Elle ne se caractérise donc pas par la rigidité et la constance attachées à d’autres dispositifs d’imposition.
L’inconvénient d’une moyenne, c’est qu’elle prend en compte des années « bonnes » et d’autres qui le sont moins. Mais, compte tenu des très fortes variations pouvant exister sur un même territoire, la moyenne a le mérite de protéger les collectivités.
Je prendrai l’exemple, extrême, des centrales nucléaires. Là où des procédures de révision sous contrainte ont été lancées, la CVAE est tombée à zéro pour les années concernées. Si l’on avait fondé les critères de compensation sur l’année d’arrêt, les effets de bord auraient été considérables.
Les 650 millions d’euros correspondant au delta entre 2022 – la meilleure année – et la moyenne ont été de facto intégralement reversés : 150 millions d’euros ont été fléchés vers les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) et 500 millions d’euros, qui ont abondé le fonds vert, ont été spécifiquement orientés vers les collectivités, en vue de reconstituer leur niveau de CVAE.
Par ailleurs – vous l’avez dit en posant votre question –, il est possible de compenser au-delà de la TVA en tenant compte du dynamisme économique. Je le rappelle, on n’a pas entendu les collectivités auxquelles des recettes de TVA ont été affectées se plaindre du niveau de cette compensation… En effet, cette dernière est de l’ordre d’un point par an si l’on compare les tendances. Elle est donc plus dynamique que la CVAE.
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.
M. Rémi Cardon. Je n’ai pas davantage de lumières sur la mission flash en la matière…
Il semblerait que pour vous, monsieur le ministre, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Le fait que vous n’ayez pas réellement répondu à ma question le confirme.
Après avoir fait preuve d’un esprit centralisateur en termes d’aménagement du territoire au travers du « zéro artificialisation nette » (ZAN), il serait temps que vous redeveniez l’élu local que vous étiez en refusant l’État centralisateur, y compris sur des sujets tels que la fiscalité locale.
Puisque nous fêtons les « cent jours d’apaisement » voulus par le Président de la République, il serait temps de revoir votre copie en la matière !
cession éventuelle du stade de france
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 775, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, auriez-vous l’idée de vendre la tour Eiffel ou l’opéra Garnier, qui plus est à une puissance étrangère ? « Impensable ! », me diriez-vous. Pourtant, depuis le mois de mars dernier, discrètement, le Gouvernement a mis une hypothèse similaire sur la table pour vendre le Stade de France, le contrat de concession accordé en 1995 au consortium Vinci-Bouygues arrivant à son terme.
Or ce lieu est bien davantage qu’une simple enceinte sportive. Il est une part de notre héritage et de notre histoire commune. Il est l’incarnation du génie français, des ingénieurs et ouvriers qui l’ont construit et lui ont donné vie. Il renferme nos souvenirs, de la première étoile gagnée par les Bleus en 1998 aux matchs de football et de rugby de nos équipes nationales, jusqu’aux concerts pharaoniques gravés dans l’imaginaire collectif. Des victoires, des défaites, des rires et ces larmes qui nous sont communs, gravés dans la pierre.
Les émotions et les souvenirs ne s’achètent pas, même à coups de milliards versés par une pétromonarchie comme le Qatar. Le PSG, le Paris Saint-Germain, a son histoire, qui s’inscrit au Parc des Princes ; le peuple français a son stade, qui porte le nom de France à Saint-Denis !
Vendre, ce serait donc brader notre patrimoine commun et assurément renoncer à une pratique sportive et culturelle à prix abordables pour toutes et tous, et d’abord pour les Séquano-Dyonisiens.
Vendre, ce serait envoyer le signal que le sport et la culture sont une marchandise que l’on peut brader au plus offrant. Il est temps que l’ensemble des élus et parlementaires du département, et au-delà, soient associés à ces discussions.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que le Stade de France ne sera pas vendu à une puissance étrangère, telle que le Qatar, et qu’il restera propriété de la Nation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Fabien Gay, vous faites référence aux deux procédures que l’État a lancées au début de mars 2023, en vue de désigner le futur exploitant du Stade de France à compter de l’expiration de la concession actuelle à l’été 2025.
L’une de ces procédures porte sur la cession et l’autre sur le renouvellement de la concession d’exploitation. La cession n’est donc que l’une des hypothèses envisagées pour l’exploitation future du Stade.
Pour sélectionner le futur exploitant, l’État comparera la meilleure offre remise au titre de chacune des deux procédures, au regard de deux critères indiqués dans les avis publiés sur des supports librement accessibles, conformément au droit de la commande publique, pour chacune des deux procédures.
Deux critères seront pris en compte : premièrement, un critère « avantage économique global » de chacune de ces offres pour l’État au regard du prix d’acquisition proposé ou, pour la concession, l’accroissement de la valeur du Stade en fonction des investissements réalisés, de la robustesse financière de chaque offre et de la répartition des risques proposée ; deuxièmement, un critère technique et commercial prenant notamment en compte l’amélioration des conditions et de la qualité d’accueil des événements sportifs et des usagers – en particulier la Fédération française de football (FFF) et la Fédération française de rugby (FFR) –, afin que ceux-ci soient au cœur du projet et que cette enceinte à laquelle vous avez rendu un hommage vibrant continue à offrir une haute qualité d’accueil.
Ces critères permettront de sélectionner en toute transparence et de manière objective le meilleur projet global pour l’avenir du Stade de France et pour l’État, dans le respect du droit de la commande publique.
S’agissant de la programmation et de la tarification, le dossier de consultation transmis aux candidats prévoit, même en cas de cession, que le futur exploitant du Stade est contraint d’accueillir prioritairement les événements organisés par les fédérations de rugby et de football, ainsi que les grands événements sportifs internationaux. L’État conserve un droit de regard sur la tarification des activités du futur exploitant à destination du grand public.
Les garanties dont l’État a assorti cette consultation sont donc de nature à répondre au cœur de votre question : nous faisons en sorte que le Stade de France ne devienne pas un endroit comme les autres et que, au contraire, son lien particulier avec la Nation puisse être préservé.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, nous demeurons pour notre part opposés à la vente du Stade de France.
Je vous propose que les parlementaires et les élus locaux du département soient associés le plus rapidement possible aux discussions avec Bercy.
encadrement des autorisations annuelles de débits de boissons temporaires pour les associations
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 624, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, en cette période estivale propice aux événements festifs, notamment pour le tissu associatif, je souhaite vous interroger sur la législation portant sur les autorisations annuelles de débits de boissons temporaires délivrées aux associations. En effet, alerté par des acteurs de la Drôme, je m’interroge sur l’encadrement de ces autorisations.
D’une part, l’article L. 3334-2 du code de la santé publique prévoit que les associations établissant des cafés ou des débits de boissons doivent obtenir, pour la durée des manifestations publiques qu’elles organisent, l’autorisation de l’autorité municipale, dans la limite de cinq autorisations annuelles pour chaque association.
D’autre part, en dépit du principe d’interdiction de vente et de distribution d’alcool dans les stades et les établissements d’activités physiques et sportives, l’article L. 3335-4 du même code dispose :
« Le maire peut, par arrêté, et dans les conditions fixées par décret, accorder des autorisations dérogatoires temporaires, d’une durée de quarante-huit heures au plus […] en faveur : […] des associations sportives agréées conformément à l’article L. 121-4 du code du sport et dans la limite des dix autorisations annuelles pour chacune desdites associations qui en fait la demande ».
Autrement dit, si les maires ont la possibilité de délivrer cinq autorisations annuelles de débits de boissons temporaires aux associations, par exemple culturelles ou de loisirs, il se trouve que les associations sportives peuvent, quant à elles, bénéficier de dix autorisations annuelles.
Monsieur le ministre, alors que les débits de boissons temporaires représentent l’une des principales sources de revenus pour les associations de loisirs, à l’instar des nombreux comités des fêtes, quelles raisons justifient une telle différence de nombre d’autorisations annuelles de débits de boissons temporaires pouvant être délivrées aux associations par les maires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Buis, je vais formuler ce qui vous brûle les lèvres : lorsque l’on évoque les débits de boissons, et compte tenu des températures attendues, il faut rechercher la modération avant tout ! (Sourires.) Mais je ne pense pas que vous souhaitiez au travers de cette question orale encourager une augmentation de la consommation…
Ce lien avec les impératifs de santé publique explique pourquoi une réglementation encadre de manière générale la vente d’alcool. Connaissant les règles, y compris en termes de cession, pour les licences 4, vous me posez une question plus spécifique sur les débits de boissons temporaires. Vous l’avez dit, deux régimes coexistent.
Le régime dérogatoire de dix autorisations annuelles d’ouverture de débits de boissons temporaires pour les associations sportives agréées est issu de la loi de finances rectificative pour l’année 1998.
En 1998, l’équivalent de l’étude d’impact jointe à la notice de la loi de finances rectificative indiquait qu’environ 30 % des recettes de ces clubs de sport étaient tirées des débits de boissons temporaires. Le législateur a donc décidé de conforter ce dispositif avec un régime prévoyant dix jours par an.
Puis, le temps a passé et l’on s’est rendu compte en 2001 qu’il était souhaitable de prévoir à l’article L. 3334-2 du code de la santé publique, au-delà du cas des associations sportives, une possibilité de délivrance à raison de cinq autorisations par an pour les associations.
Pourquoi un tel décalage ? Parce qu’il existe des centaines de milliers d’associations dans notre pays, mais nettement moins d’associations sportives agréées. La taille potentielle de la base justifie donc que le taux soit plus restrictif.
La loi a prévu qu’il convenait de laisser au maire la faculté d’accorder à une association, de manière temporaire – dans le cadre d’une fête, d’une kermesse, etc. –, le bénéfice de cette dérogation.
Pour autant, compte tenu du nombre d’associations existantes, ouvrir plus largement cette dérogation reviendrait à créer des situations de concurrence déloyale.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
3
Reconstruction des bâtiments dégradés au cours de violences urbaines
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 (projet n° 888, texte de la commission n° 894, rapport n° 893, avis nos 891 et 892).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire sur ce texte ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Si une commission mixte paritaire sur ce texte devait se réunir, nous siégerions en séance publique le vendredi 21 juillet pour la lecture de ses conclusions.
Discussion générale
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, du 27 juin au 5 juillet, notre pays a été marqué par des nuits de violences et de pillages inqualifiables, avec des destructions dont l’étendue surpasse le triste précédent des émeutes de 2005.
Sous la conduite du Président de la République et de la Première ministre, nous nous étions engagés à présenter un texte permettant de répondre au besoin de travaux d’urgence. Je tiens à saluer le travail du Sénat au cours des dernières heures et, plus largement, l’état d’esprit dans lequel ce projet a été accueilli.
Au-delà de la circulaire qui a été publiée, les mesures proposées, qui relèvent de la loi, visent à faire face plus rapidement à l’urgence de la reconstruction matérielle, en levant un certain nombre de verrous.
Je vous le dis d’emblée, ce texte ne constitue pas une réponse globale à la situation que nous avons connue. Il s’agit ici de traiter non pas les causes, mais les conséquences. Nous voulons, dans l’urgence du moment, prendre des dispositions permettant de reconstruire plus vite les bâtiments qui ont été touchés entre le 27 juin et le 5 juillet et qui figurent sur une liste limitative.
Je souhaite que la plus grande union possible puisse se manifester à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, comme tel a été le cas de façon quasiment unanime pour soutenir toutes les victimes.
Les chiffres dont nous parlons sont trois fois supérieurs à ceux des violences de 2005, qui avaient duré trois semaines. Le bilan, à ce stade, fait état d’un montant de 650 millions d’euros pour les destructions d’équipements, d’infrastructures et de biens privés.
Les symboles de la République ont été particulièrement touchés : 274 commissariats, brigades de gendarmerie ou postes de police municipale ; 105 mairies ; 243 établissements scolaires, dont 60 dans lesquels les dégâts sont particulièrement importants et une dizaine d’écoles complètement détruites ; 47 établissements relevant du ministère de la justice ; 3 centres hospitaliers ; des équipements urbains ; des bus ; des tramways ; des médiathèques ; des maisons de quartier ; des crèches ; des gymnases ; des maisons de la culture, et même des locaux associatifs.
Autant de lieux précieux pour apprendre, pour bénéficier d’opportunités et pour faire vivre les promesses de notre République. Autant d’équipements et de services essentiels pour nos concitoyens. Ces dégâts masquent les attaques ignobles qui ont eu lieu contre les dépositaires de la force publique – représentants des forces de l’ordre, sapeurs-pompiers, élus.
Je n’oublierai pas de citer les commerces, en particulier les pharmacies. Plus de 1 000 commerces ont été vandalisés et pillés, et un nombre particulièrement élevé de bureaux de tabac ont été pris pour cible.
Toutefois, vous le savez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs, ces statistiques pèsent peu en comparaison de ce que nos concitoyens ont vécu.
Je pense, comme beaucoup d’entre vous, à Vincent Jeanbrun, dont l’épouse et les enfants ont été agressés avec une brutalité et une lâcheté sans nom.
Je pense aux parents d’élèves de l’école élémentaire Champollion de Dijon, partiellement détruite par un engin incendiaire, dont les enfants jouaient sur une aire de jeux adjacente, alors qu’eux-mêmes préparaient la fête de fin d’année.
Je pense à cette maison de quartier d’Angoulême, incendiée à deux reprises en trois jours.
Je pense aux équipes de la mairie de Mons-en-Barœul attaquées avec un acharnement inouï pendant des heures, sans relâche, aux mortiers d’artifice.
Je pense, enfin, aux gérants de cafés, aux employés, aux propriétaires de commerces de proximité, aux pharmaciens, à tous ceux qui se lèvent tôt et qui mènent une vie droite et honnête, mais qui ont perdu durant ces nuits le fruit de leur labeur, quand ce n’étaient pas les économies d’une vie.
Nous ne lâchons rien face à ceux que le spectacle de la destruction facile réjouit, ou à ceux qui n’auront pas eu le courage de se joindre aux nécessaires appels au calme. Nous devons désormais tous nous tenir aux côtés de ceux qui doivent rebâtir.
Ce projet de loi a vocation à susciter une forme d’union nationale au service d’une reconstruction plus rapide et de qualité. Effacer les stigmates des dégâts qu’ils ont causés permettra d’adresser aux émeutiers, aux délinquants et aux criminels le plus cinglant des désaveux. Ce n’est qu’une partie de la réponse, mais c’est tout de même une réponse.
Les dégâts causés, considérables, justifient une action urgente et concertée de la part des pouvoirs publics. Le droit en vigueur prévoit d’ores et déjà de nombreux mécanismes ; la circulaire de la Première ministre les mobilise pleinement. Mais nous devons aller plus loin.
Tout d’abord, pour les bâtiments atteints, souvent anciens, l’objectif est de faciliter la reconstruction, dans le cadre législatif offert par la reconstruction à l’identique, tout en permettant des adaptations pour répondre aux nouvelles exigences en termes de sécurité et, bien sûr, d’environnement.
Ensuite, nous proposons d’autoriser au plus vite le commencement des travaux préparatoires – démolition, terrassement, installation de chantiers, fondations –, même si la demande d’autorisation est en cours d’instruction, afin de gagner un temps précieux.
Toutefois, accélérer les procédures d’autorisation administrative pour retrouver plus vite les bâtiments que nous connaissons ne veut pas dire confondre vitesse et précipitation. La qualité des instructions ne sera pas sacrifiée. Les maires conserveront naturellement leur pouvoir d’appréciation. Ce bon équilibre que nous avons cherché à préserver, le texte y répond.
Après ce volet portant sur les règles d’urbanisme, nous aborderons la reconstruction plus spécifique du bâti public : facilitation des marchés publics de travaux ; dérogation aux obligations de publicité préalables ; usage plus étendu des marchés de conception-réalisation. Ce deuxième volet nous permettra de remplir ces objectifs.
Pour ce qui concerne le financement, nous vous proposons de rendre possible la mobilisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) en faveur des collectivités et de leurs groupements.
Les travaux pourront être subventionnés en totalité, de manière dérogatoire. Ces mesures exceptionnelles sont nécessaires pour répondre à l’urgence de la situation et permettre une reconstruction à la fois efficace et rapide.
Je le redis, ces mesures sont temporaires et limitées aux seuls bâtiments détruits par les émeutes. Elles ne seront pas utilisables au-delà. Notre objectif est que ceux de nos concitoyens qui ont été affectés par ces violences puissent retrouver des bâtiments pérennes et durables destinés à leur rendre service.
L’enjeu est que les ordonnances soient promulguées le plus tôt possible, à commencer par celles qui portent sur les marchés publics, pour lesquelles nous prévoyons une échéance en septembre prochain au plus tard.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne serai pas plus long. Cet ensemble de mesures forme à mon sens un tout cohérent et de bon sens, permettant un choc de simplification strictement circonscrit aux besoins des collectivités territoriales les plus touchées. Je sais pouvoir compter sur votre soutien et votre engagement à leurs côtés pour faire avancer ce projet de loi déterminant.
Reconstruire, ce n’est pas gommer ou effacer, c’est rendre justice à la majorité silencieuse. C’est ne pas laisser le dernier mot aux émeutiers, pour lesquels la réponse doit être judiciaire.
Il y a eu le temps de l’urgence du retour au calme. Nous sommes maintenant dans le temps de l’urgence de la reconstruction, du traitement rapide des conséquences. Et bien sûr, à la rentrée, viendra le temps de l’action résolue sur les causes, les politiques à conduire et les dispositifs à ajuster. Cette action, nous commençons déjà à la construire, de façon pragmatique et lucide, au service de notre cohésion sociale, territoriale et nationale.
Je vous remercie de l’accueil que vous avez réservé à ce projet de loi et me réjouis que nous puissions, ensemble, faire œuvre législative efficace et utile. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous puissions faire aboutir ce texte in extremis – et même un peu au-delà ! (Sourires.) –, avec une première lecture ici, au Sénat, chambre des collectivités territoriales.
Notre assemblée, engagée, est attentive au soutien qu’elle se doit d’apporter aux maires, comme le prévoit l’article 24 de la Constitution. Elle a été particulièrement vigilante s’agissant des événements exceptionnels que nous avons traversés du 27 juin au 5 juillet dernier.
Aussi, je tiens à remercier tous ceux qui sont présents aujourd’hui, qu’il s’agisse du président de séance, de mes collègues sénatrices et sénateurs ou des fonctionnaires du Sénat. Je salue également M. le président Gérard Larcher, qui est présent dans nos travées.
Les émeutes qui ont secoué la France à la suite de la mort du jeune Nahel ont débouché, vous l’avez dit, monsieur le ministre, sur des violences intolérables. Je pense aux attaques physiques contre les forces de l’ordre, contre des maires et, désormais, contre leurs familles.
Nous avons également vu, durant ces émeutes, des scènes de pillages de commerces, des incendies de voitures, des feux de poubelles dans les cages d’escalier, des actes de vandalisme qui sont une offense à l’État de droit. Ces destructions touchent durement nos concitoyens dans leur vie quotidienne ou leur activité professionnelle.
Nous avons enfin assisté à la dégradation ou au saccage d’équipements publics : mairies, écoles, centres d’action sociale, trésoreries, postes de police. Au total, plus de 750 bâtiments publics auraient ainsi été dégradés et plus d’une centaine détruits, partiellement ou en totalité.
Dans mon département des Yvelines, plusieurs écoles sont parties en fumée. Spectacle désolant !
Je pense ce matin à Nicolas Dainville, maire de La Verrière, à Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes, et à bien d’autres, trop souvent touchés par ces phénomènes. Mais je songe aussi à ces maires de communes qui ne sont pas des grandes villes avec des quartiers en politique de la ville. Ce sont des maires de communes moyennes, calmes, jamais ou peu touchées par ce genre d’événements.
Tout cela nous révolte, nous consterne et nous interroge. La crise est désormais éteinte, au moins en apparence. Il faudra des mois pour en analyser les ressorts profonds et pour trouver des solutions de long terme.
Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion en profondeur, monsieur le ministre, sur la perte des autorités, qu’il s’agisse de la police, du maire ou du maître, sur le maintien de l’ordre, sur la responsabilité parentale, sur les politiques publiques de logement, d’éducation, d’intégration et de soutien social dans les quartiers de la politique de la ville et, je le répète, en dehors de ces quartiers.
Pour l’heure, il y a urgence à reconstruire. C’est une urgence républicaine. J’entends et je comprends la colère de nos concitoyens victimes ou spectateurs stupéfiés de ces violences, qui ne veulent plus payer pour des dégâts trop souvent pris en charge par la puissance publique, c’est-à-dire par chacun de nous.
Néanmoins, je le répète, la République ne doit pas reculer : nous ne pouvons pas abandonner ces jeunes, parfois âgés de 12 ans seulement, à la spirale de la violence. Plus que jamais, avec le retour à un ordre réaffirmé, nous avons besoin d’écoles, de bibliothèques, de maisons des arts et d’équipements sportifs, qui sont le socle de l’émancipation républicaine.
C’est la raison pour laquelle, dès le 3 juillet dernier, j’ai déposé, avec plusieurs autres sénateurs, une proposition de loi d’urgence pour la reconstruction des bâtiments et équipements publics endommagés lors des émeutes. Mes chers collègues, vous êtes nombreux à l’avoir cosignée, et je vous en remercie.
Avec le président Larcher, nous avons immédiatement bataillé pour obtenir son examen au cours de cette session extraordinaire. Finalement, nous avons en quelque sorte réussi, puisque, dès le lendemain, le Président de la République a annoncé, devant les maires réunis à l’Élysée, ce projet de loi d’urgence pour accélérer la reconstruction.
Le Gouvernement a fait le choix d’un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances, qui, sur le fond, reprend l’ensemble des dispositions prévues dans notre proposition de loi : l’assouplissement des règles d’urbanisme et l’accélération des délais d’instruction, l’adaptation de seuils de passation des marchés publics et des règles de procédure, ainsi que la possibilité pour l’État et les autres collectivités de subventionner à 100 % les dépenses de reconstruction en dépassant le seuil maximal de droit commun de 80 %.
Le projet de loi prévoit en outre un remboursement anticipé de la taxe sur la valeur ajoutée aux collectivités, afin de pallier les éventuels problèmes de trésorerie. Il prévoit également que les bâtiments privés, notamment les commerces et logements, pourront bénéficier des mesures dérogatoires d’urbanisme. Ces deux apports sont bienvenus.
Nos collègues Catherine Di Folco et Vincent Delahaye exposeront plus précisément le contenu des articles 2 et 3.
En ce qui concerne l’article 1er, à savoir l’adaptation des règles d’urbanisme, le projet de loi prévoit trois éléments.
Premièrement, il vise à étendre des dispositions qui existaient déjà dans le code de l’urbanisme, afin d’autoriser la reconstruction ou la réfection à l’identique des bâtiments touchés, en tenant compte des règles d’urbanisme en vigueur au moment de la construction initiale, et non pas de la demande de reconstruction.
Le champ des modifications admises, par rapport au bâtiment détruit, sera également élargi, notamment pour améliorer la sécurité, l’accessibilité ou les performances énergétiques ou environnementales. Ce sont des mesures de bon sens.
Deuxièmement, les opérations et travaux préliminaires, comme la démolition ou l’évacuation des gravats, pourraient être engagés dès le dépôt de la demande de permis. Là non plus, il n’y a aucune difficulté.
Enfin, pour accélérer l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme, les délais seraient réduits et la règle du « silence vaut refus » renversée dans certains cas. Sont surtout visés les avis, accords et autorisations préalables nécessaires pour délivrer une autorisation d’urbanisme. Je pense notamment aux autorisations délivrées par la CDAC, la commission départementale d’aménagement commercial, et aux avis des ABF, les architectes des Bâtiments de France. De nouveau, il s’agit d’une mesure de bon sens.
Je le précise, les conditions de participation du public ne seront pas affectées par les modifications prévues.
Naturellement, il est difficile de savoir quelles évolutions seront concrètement nécessaires, compte tenu du caractère récent des événements. Il faut donc affiner l’inventaire des dégradations et laisser aux maîtres d’ouvrage le temps d’élaborer leurs nouveaux projets.
C’est pourquoi il me semble justifié, pour une fois, de recourir à une habilitation à légiférer par ordonnance : le sujet est très technique ; il nécessite l’adaptation de très nombreuses dispositions, qui sont parfois de nature réglementaire et qui devront être coordonnées entre elles pour être pleinement efficientes. Compte tenu du caractère consensuel de ces mesures, l’administration me semble la mieux placée pour agir vite et bien.
Par ailleurs, le délai d’habilitation de trois mois est suffisamment court pour répondre à l’urgence de la situation et suffisamment long pour ne pas nous priver de la possibilité de prendre des mesures complémentaires, si des cas particuliers se présentaient durant l’été. J’invite cependant le Gouvernement à édicter et mettre en œuvre, sans attendre, dès les semaines qui viennent, les principales adaptations déjà identifiées.
Pour toutes ces raisons, nous n’avons pas amendé en commission l’article 1er du texte, pas plus que nos collègues de la commission des finances n’ont touché à l’article 3. Quant à nos collègues de la commission des lois, ils n’ont modifié qu’à la marge l’article 2.
Pour finir, dans le cadre de ce qui devrait être ma dernière intervention en tant que présidente de la commission des affaires économiques, je souhaite remercier le Gouvernement – une fois n’est pas coutume ! (Sourires.) – d’avoir permis un dialogue fructueux avec ses services lors de l’élaboration du texte.
Je veux également, par anticipation, remercier l’Assemblée nationale, qui a aussi accepté, sur le principe, un dialogue en amont avec notre assemblée, afin que ce projet de loi puisse aboutir le plus vite possible.
Enfin, je remercie tout particulièrement les fonctionnaires du Sénat, qui ont dû prolonger leur travail après une année chargée et difficile ! (Applaudissements.)
M. le président. Si vous me le permettez, ma chère collègue, je remercie à mon tour tous les sénateurs présents aujourd’hui, lesquels, par définition, prennent le risque de voir l’Assemblée nationale nous faire revenir vendredi – espérons que tel ne sera pas le cas ! (Sourires.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi vise à répondre aux besoins urgents de reconstruction. Vous l’avez dit, un nouveau texte, que nous attendons impatiemment, devra traiter des causes de ces émeutes.
Je voudrais rendre hommage, dans tous les départements touchés – je pense bien sûr en particulier à l’Essonne – à tous les maires, élus, personnels municipaux et bénévoles qui se sont mobilisés plusieurs nuits de suite pour tenter de limiter les dégâts.
La commission des finances s’est saisie pour avis de ce texte, avec une délégation au fond sur l’article 3. Pour faciliter le lancement des travaux de réparation, cet article prévoit une série de mesures dérogatoires au droit commun du financement des investissements locaux.
Comme les deux autres articles, il prend la forme d’une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de trois mois.
Un projet de loi de ratification de l’ordonnance devra ensuite être déposé dans les trois mois qui suivent sa publication.
Pour financer leurs opérations de réparation, il convient de rappeler que les collectivités bénéficieront, d’une part, d’indemnités au titre de l’engagement de la responsabilité sans faute de l’État, qui est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis à l’occasion de manifestations qui dégénèrent, et, d’autre part, des prises en charge par les assureurs, au moins pour les collectivités qui ont souscrit des contrats d’assurance.
Trois mesures sont ainsi proposées.
En premier lieu, le Gouvernement serait habilité à déroger au régime de droit commun du versement du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA. En l’état du droit, les collectivités perçoivent les attributions au titre de ce fonds en n+2 ou, dans certains cas, en n+1 par rapport à l’exécution des dépenses.
L’exposé des motifs précise que l’habilitation permettra un versement anticipé du FCTVA dès l’année n, pour les travaux de réparation entrepris par les collectivités à la suite des dégradations intervenues entre le 27 juin et le 5 juillet 2023.
Non seulement cette mesure est pleinement justifiée, mais je considère, à titre personnel, qu’elle devrait constituer le fonctionnement normal du FCTVA. Dès lors que son bénéfice constitue un droit pour les collectivités territoriales, il n’y a pas de raison que l’État préserve ainsi sa trésorerie au détriment de celle des collectivités.
Par ailleurs, cet outil ne saurait être considéré à lui seul comme une réponse suffisante, puisqu’un certain nombre de dépenses engagées par les collectivités pour procéder aux réparations ne seront pas éligibles au FCTVA.
En deuxième lieu, l’article habilite le Gouvernement à déroger à la règle imposant une participation minimale des collectivités au financement de leurs projets d’investissement. Dans le droit commun, cette part est fixée à 20 % de l’ensemble des financements apportés par les personnes publiques. Il en résulterait, selon l’exposé des motifs, que les collectivités pourraient bénéficier de subventions allant jusqu’à 100 % du coût des travaux.
En parallèle de cette mesure législative, une instruction ministérielle a d’ores et déjà prévu la création d’un fonds dédié au sein de la mission budgétaire « Relations avec les collectivités territoriales », pour le soutien à la reconstruction.
Cependant, la traduction budgétaire du dispositif reste floue à ce jour, et l’administration n’a pas été en mesure de me fournir d’évaluation de son coût à ce stade. Il serait donc souhaitable que le Gouvernement, eu égard à la confiance que nous lui accordons en lui donnant cette habilitation, communique dès que possible au Parlement des précisions sur le montant de l’enveloppe, ses modalités de financement et, le cas échéant, la nécessité d’ouvrir des crédits supplémentaires en loi de finances rectificative de fin de gestion.
En troisième et dernier lieu, l’ordonnance permettrait de déroger à la règle de plafonnement des fonds de concours pouvant être versés au sein des intercommunalités, dont les attributions ne peuvent aujourd’hui excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours.
Cette mesure permettrait de donner davantage de souplesse aux collectivités pour le financement des travaux de réparation. Son impact budgétaire est, quant à lui, neutre pour l’État, puisqu’il n’est question que de flux financiers internes au bloc communal.
Enfin, la méthode de l’habilitation appelle naturellement une certaine vigilance de notre part. Dans le cas présent, elle est proposée par le Gouvernement au regard du caractère à la fois urgent, technique et, je le crois, consensuel des mesures envisagées pour faciliter l’engagement rapide par les collectivités des travaux nécessaires à la réparation des dégâts causés par les émeutes.
Mes chers collègues, la commission des finances vous propose donc d’en prendre acte et d’adopter cet article sans modification. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a été saisie de l’article 2 du projet de loi, qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance, afin de permettre aux acheteurs publics de déroger à certaines règles de la commande publique pour faciliter la réfection ou la reconstruction des bâtiments publics dégradés lors des récentes violences urbaines.
Lorsque des bâtiments publics sont attaqués, qu’il s’agisse d’une mairie, agora de la démocratie locale, ou d’une administration délivrant des services quotidiens à la population, ce sont la République et le vivre-ensemble qui sont attaqués. Nous ne pouvions donc rester sans réponse.
Ainsi, leur reconstruction rapide, autant pour assurer la nécessaire continuité du service public que pour symboliser la reprise de l’ordre républicain face à ces violences que nous condamnons, est un objectif que la commission a soutenu en adoptant l’article 2.
Ces violences, inadmissibles dans leur expression, ont ciblé de nombreuses personnes dépositaires de l’autorité publique : pompiers, membres des forces de l’ordre ou encore élus locaux.
Les bâtiments publics ont également payé un lourd tribut lors de ces exactions, puisqu’ils représentent 30 % des bâtiments endommagés. Au total, plus de 750 bâtiments publics nécessitent des travaux de réfection ou de reconstruction. Parmi ceux-ci, les bâtiments les plus emblématiques des institutions républicaines locales ont fait l’objet de dégradations : 273 bâtiments des forces de l’ordre, 168 écoles et 105 mairies ont été détériorés.
Au lendemain de ces émeutes, ce triste bilan appelle notre mobilisation collective pour conduire dans l’urgence un chantier national de reconstruction. Relever ce défi appelle un cadre juridique d’exception, de nature à accélérer au maximum la conduite des travaux.
Dans cette perspective, et face au risque juridique que constituerait l’initiation de travaux d’urgence sur le fondement des seules dérogations déjà permises par le droit de la commande publique, l’article 2 vise à garantir aux acheteurs publics une assise juridique sûre et à les inciter à lancer promptement les travaux nécessaires.
Ces nouvelles dérogations, temporaires et limitées aux seuls bâtiments publics endommagés lors de ces émeutes, permettraient aux acheteurs publics de passer des marchés publics sans publicité, mais avec une mise en concurrence pour des travaux dont le montant serait inférieur à un seuil défini dans l’ordonnance. Les premières pistes du Gouvernement évoquaient un seuil d’un million d’euros, soit un fort rehaussement par rapport au seuil de droit commun, qui est de 100 000 euros.
Ces dérogations permettraient également de ne pas allotir les marchés et, enfin, de conclure plus facilement des marchés globaux.
Le gain de temps estimé de la dérogation au principe de publicité s’élève, pour l’acheteur public, à quatre semaines. En permettant de ne passer qu’un seul marché, la conclusion d’un marché global entraînerait quant à elle un gain approximatif de quatre mois.
Les dérogations que nous propose le Gouvernement nous paraissent justifiées et proportionnées pour atteindre l’objectif de prompt rétablissement des services publics dans les communes concernées.
Dans une démarche constructive, la commission a adopté un amendement à cet article visant à clarifier l’étendue du périmètre de ces dérogations, en mentionnant les « acheteurs soumis au code de la commande publique », notamment afin de lever une ambiguïté résultant du texte initial et d’inclure les bailleurs sociaux.
Notre soutien à ce texte n’est cependant pas un chèque en blanc. À ce titre, nous avons émis trois réserves, monsieur le ministre.
En premier lieu, le seuil d’un million d’euros, évoqué par le Gouvernement, en dessous duquel les acheteurs publics pourront déroger au principe de publicité, ne nous semble pas à la hauteur des enjeux de reconstruction des bâtiments publics. Nous souhaiterions que le Gouvernement réévalue ce seuil, en prenant en considération les besoins réels exprimés par les collectivités publiques, afin que ce régime exceptionnel soit plus aisément mobilisable par les acheteurs publics.
En effet, il existe une marge de manœuvre significative, puisque la réglementation européenne autorise des dérogations jusqu’à 5,3 millions d’euros.
C’est pourquoi la commission a adopté un amendement tendant à modifier l’intitulé du projet de loi : celui-ci mentionnera désormais les travaux de « réfection » des bâtiments endommagés, afin d’en illustrer la portée réelle.
Monsieur le ministre, nous nous sommes en outre interrogés sur l’étendue du dispositif de l’amendement n° 5 du Gouvernement, que nous avons examiné ce matin en commission. En effet, alors que, en réponse à notre demande, les services du ministère nous ont assuré à trois reprises que les travaux de voirie publique ne feraient pas partie des équipements publics, l’objet de cet amendement les cite explicitement.
Nous attendons donc des explications de votre part quant au périmètre précis de l’ordonnance : la voirie, les lampadaires, la vidéoprotection, pour ne citer que ces exemples, sont-ils inclus ? Je vous remercie par avance de toutes ces précisions.
Enfin, à l’instar du Conseil d’État, nous regrettons que le Gouvernement ne soit pas allé au bout de la démarche d’urgence, qui aurait consisté à inscrire directement le dispositif dérogatoire dans le projet de loi, plutôt qu’à recourir à une ordonnance. En effet, le gain de temps que l’on peut espérer de cette dérogation au principe de publicité serait de quatre semaines, soit un délai bien inférieur aux deux mois demandés par le Gouvernement pour publier l’ordonnance.
À tout le moins, il nous semblerait opportun que l’ordonnance soit présentée en conseil des ministres dans les meilleurs délais, si possible avant la pause estivale, afin que les procédures de passation des marchés puissent être entamées rapidement.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, j’espère que vous serez en mesure de vous engager sur ce point précis devant la représentation nationale et d’apporter ainsi une réponse à une très forte attente des maires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Bruno Belin applaudit également.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, décidément, urgence et résilience sont désormais les impératifs de l’action publique !
Maires, parlementaires, membres du Gouvernement, nous avons tous dû agir vite et fort face à la succession des crises, lesquelles n’ont d’ailleurs pas non plus épargné nos voisins. Je pense à la crise sanitaire, aux crises écologiques, mais aussi aux émeutes, qui ne sont pas l’apanage de la France ; en témoignent les violentes insurrections qui ont touché le Royaume-Uni en 2011, à la suite, là encore, de la mort d’un jeune homme, ou bien encore celles qui ont eu lieu à Stuttgart, en Allemagne, en juin 2020.
Nous voilà donc réunis pour prendre les mesures urgentes qui s’imposent après les graves événements qui se sont déroulés dans plusieurs centaines de nos communes et dont les balafres et les stigmates, même quand ils auront disparu, laisseront des traces profondes dans les esprits.
Dans l’Yonne, nous n’avons pas été épargnés – à Sens, à Joigny, à Migennes, à Saint-Florentin et à Auxerre. Chez nous, comme partout ailleurs, nos compatriotes ont été choqués, sidérés par le déferlement de la violence et des attaques contre les figures incarnant l’autorité de notre pays – M. le ministre a cité les chiffres tout à l’heure.
J’ai naturellement une pensée toute particulière pour Vincent Jeanbrun et sa famille, pour Stéphanie Von Euw, maire de Pontoise, ainsi que pour tous les maires pris pour cible.
Cette violence s’est aussi traduite par le pillage de magasins et de commerces, ce qui a poussé Sylvain Tesson à écrire que nous étions en présence d’« émeutes de l’iPhone ». En effet, lorsque la consommation est érigée en nouvelle religion, ce qui prime, ce n’est plus être, c’est paraître. « Je pille, donc je suis » semblent nous dire ces jeunes, qui nous narguent à coup d’« émojis » sur les réseaux sociaux. Descartes, reviens, ils sont devenus fous !
« Nous avons assisté, impuissants, au pillage de la ville » me confiait Paul-Antoine de Carville, le maire de Sens, lors de l’une de ces nuits de violence aveugle et gratuite. Enfin, quand je dis « gratuite », ce n’est pas exact : au contraire, l’addition sera lourde !
À ce moment de mon intervention, je tiens à rendre hommage à l’action des forces de sécurité : police nationale, gendarmerie, pompiers, sans oublier les policiers municipaux, qui ont parfois été en première ligne, souvent dans des rapports de force qui leur étaient défavorables, à quelques dizaines contre plusieurs centaines…
Aujourd’hui, l’ordre est revenu – c’est heureux –, et l’heure est à la reconstruction. Tel est l’objet de ce projet de loi, monsieur le ministre. Il s’agit de donner en urgence aux élus locaux les moyens de reconstruire et de réparer le plus rapidement possible.
Le texte comporte trois habilitations pour légiférer par voie d’ordonnance. Le contexte le justifie, dès lors que la rapidité sera au rendez-vous et que l’on n’attendra pas le terme des deux ou trois mois, selon les articles. Je me réjouis d’ailleurs que la commission des affaires économiques ait adopté le texte dans un très large consensus.
Le tout n’a qu’un seul objectif : donner aux maires les outils pour reconstruire vite et bien. Cela signifie qu’il faut déroger au droit en vigueur pour autoriser la reconstruction à l’identique, faciliter l’engagement des opérations et des travaux préliminaires dès le dépôt de la demande d’urbanisme, grâce notamment à la mise en place d’un rescrit – peut-être ce dispositif pourra-t-il être généralisé à l’avenir ? –, simplifier les conditions de recours aux marchés globaux et limiter l’allotissement.
Il faut reconstruire vite et bien, mais en aidant les élus financièrement. Tel est l’objet de l’article 3, qui prévoit, tout d’abord, une dérogation à l’obligation de participation minimale de 20 %, ensuite, un déplafonnement des fonds de concours, enfin, le versement anticipé dans l’année du FCTVA. Toutes ces mesures sont bienvenues, monsieur le ministre.
Permettez-moi néanmoins d’appeler votre attention sur certains points dont Mme Di Folco vient de parler : quid de la voirie ou du remplacement des caméras de vidéosurveillance ? Il me semble à cet égard que l’amendement que le Gouvernement a déposé va dans le sens d’une extension du champ de l’habilitation – c’est une bonne chose, car les attentes sont fortes.
J’ajoute que les communes auront également besoin de nouveaux outils leur permettant, par exemple, de recourir à des avances de liquidités, notamment ces communes dont les projets, qui n’avaient pas encore abouti, sont partis en fumée. Je pense en particulier à la ville de Sens, dont le projet de centre social a été anéanti.
Voilà pour la reconstruction matérielle : sachez que vous nous trouverez résolument à vos côtés, monsieur le ministre, pour voter les dispositions de ce texte.
Cela étant, il nous faut œuvrer sur un autre chantier, considérable, celui de la reconstruction républicaine et morale, si je puis dire. Comment faire pour qu’il n’y ait plus plusieurs France qui se regardent en chiens de faïence ?
Vivre ensemble, cela ne se décrète pas : cela se construit au quotidien. Souvenez-vous de Renan : la Nation est « un plébiscite de tous les jours »…
Il nous faut un nouveau creuset forgeant le sentiment d’appartenance nationale. Je crois à cet égard qu’il est grand temps de passer au service national universel (SNU) « format XXL ». Le généraliser serait une piste pour remédier à l’anomie et à la désaffiliation qui guette.
Il faut en outre l’ordre et le progrès, pour faire écho à la devise d’un autre pays.
L’ordre est bien sûr nécessaire, car aucun territoire ne saurait se soustraire à l’ordre républicain. La République ne doit pas tolérer de zones à détruire – ZAD –, ni de zones de non-droit – ZND. L’ordre est indispensable, puisque, comme le ministre de l’intérieur l’a précisé, 40 % des interpellés avaient déjà un casier judiciaire ou étaient inscrits au traitement d’antécédents judiciaires (TAJ). Ne laissons pas quelques dizaines de milliers de fauteurs de troubles mettre à mal l’unité de la Nation et désespérer cette majorité silencieuse que vous évoquiez.
Il faut également le progrès, parce qu’aucun territoire ne saurait être oublié, abandonné ou, pis encore, considéré comme perdu.
N’opposons pas les uns aux autres : ce principe est valable tant dans le rural que dans le rurbain, l’urbain et les quartiers. Je pense aux maisons France Services, aux programmes de retour des services publics dans les territoires, aux dotations qui ont significativement augmenté pour accompagner les territoires.
Monsieur le ministre, on le voit bien, le débat de ce jour n’épuisera pas tous les sujets que posent les événements que nous venons de vivre.
Le présent projet de loi est cependant un préalable indispensable. C’est la raison pour laquelle le groupe RDPI, à l’unisson de nombreux autres groupes – nous avons pu le constater hier lors de la réunion de la commission des affaires économiques – le votera ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les émeutes qui ont eu lieu entre le 27 juin et le 5 juillet dernier à la suite de la mort du jeune Nahel ont surpris par leur violence et par l’ampleur des dégâts qu’elles ont entraînés.
Elles ont touché l’Île-de-France, les métropoles, près de 500 communes dans des territoires jusqu’ici épargnés, et elles ont causé la dégradation, voire la destruction de plus de 800 bâtiments publics, mairies, écoles, bibliothèques ou postes de police, ce qui a affecté la continuité du service public. Les commerces n’ont pas été épargnés non plus : ils ont parfois subi des pillages.
Le présent projet de loi d’urgence formule en trois articles la réponse du Gouvernement face à ces événements, laquelle prend la forme d’une demande d’habilitation à légiférer par ordonnance, afin de créer un cadre juridique d’exception, notamment en matière de droit de l’urbanisme et de la construction.
De nombreuses communes et villes font désormais face à l’impérieuse nécessité de rouvrir centres aérés et bases de loisirs pour accueillir les enfants cet été, de réhabiliter leurs écoles pour les accueillir dès la rentrée de septembre prochain et d’assurer la continuité de certains services publics dont les bâtiments ont été touchés.
Pour autant, si les intentions sont louables, le texte est limité par une faiblesse criante, à savoir son imprécision, tant sur le périmètre des actions pour lesquelles le Gouvernement demande à légiférer par ordonnance que sur ses aspects financiers.
Il comporte en outre de nombreuses inconnues. Si le Gouvernement a évoqué la possibilité de reconstruire en améliorant la performance environnementale, la sécurité et l’accessibilité des bâtiments par rapport à leur état antérieur, cette intention n’est pas clairement précisée dans le texte.
Le texte prévoit que la reconstruction pourra se faire « nonobstant toute disposition de droit de l’urbanisme contraire », y compris lorsqu’un document d’urbanisme applicable en dispose autrement. Or nous n’avons aucune garantie en termes de protection du patrimoine ou de participation du public.
Les installations provisoires destinées à accueillir du public ou à garantir la continuité des services publics entreront-elles, monsieur le ministre, dans le champ des ordonnances ?
Aucune précision n’est donnée non plus sur l’encadrement de la durée de mise en œuvre des mesures d’urgence. Tout au plus évoque-t-on « un délai limité ».
Enfin, le délai de deux à trois mois annoncé pour publier les ordonnances nous semble totalement en contradiction avec le discours du Gouvernement sur le caractère d’urgence des actions à mener. Nous demanderons donc une publication plus rapide de celles-ci par voie d’amendement.
Élaboré dans l’urgence, ce texte n’est de toute façon pas le bon véhicule législatif, qui permettrait d’apporter les financements nécessaires en cas de dépenses accidentelles ou liées à des circonstances exceptionnelles. Mais nous ne pouvons pas nous exonérer de voter en sa faveur, car il est malgré tout nécessaire pour rassurer les élus et nos concitoyens.
Pour autant, ces faiblesses exigent un contrôle parlementaire rigoureux, pour à la fois accélérer les travaux et encadrer ceux-ci, afin d’éviter les abus.
Enfin, plus largement, nous ne pouvons pas nous empêcher de souligner que ce texte, exclusivement technique, ne résoudra pas le problème de fond : la destruction la plus préoccupante est celle de notre cohésion sociale.
Les émeutes ne sauraient être qualifiées de manière réductrice d’« urbaines », comme ce fut le cas par exemple en 2005. En effet, aucun territoire n’a été épargné : sur 553 communes touchées, 169 ne comprennent pas de quartiers prioritaires de la politique de la ville.
C’est la triste illustration d’un mal-être qui s’aggrave, d’une déconnexion de plus en plus évidente entre l’État et la population, d’un fossé devenu béant entre certaines classes sociales et entre Français.
Monsieur le ministre, les mobilisations sociales qui se succèdent inlassablement devraient vous interpeller. Nous n’en serions pas là aujourd’hui si l’État avait apporté des réponses concrètes au déclassement d’une large partie de la population, ghettoïsée géographiquement et socialement, au moins depuis les dernières émeutes de 2005, si ce n’est depuis plus de trente ans.
Les élus et les associations, comme les familles, dénoncent la disparition progressive de la police de proximité. Les questions systémiques, telles que celle des discriminations et du racisme au sein des forces de police, n’ont jamais été réglées et elles ont été très peu débattues.
Depuis 1990, les politiques de la ville successives ont représenté 90 milliards d’euros d’investissements de la part de l’État. C’est aussi le montant annuel des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises… Et ce n’est rien en comparaison des dépenses engagées depuis 2020 pour faire face à la pandémie. Faut-il dès lors s’étonner du résultat ?
Les politiques de la ville n’ont jamais réglé l’absence de mixité sociale dans les quartiers dits sensibles, alors que c’est l’un des problèmes fondamentaux qui explique, entre autres, l’explosivité du contexte actuel.
L’urgence est d’interroger leurs postulats, de créer une nouvelle urbanité et de mettre fin au culte du zonage, un « étiquetage » qui fait fuir les populations plus qu’il ne les attire.
Toutefois, la réponse financière à elle seule ne réglera pas tout. Il faut apporter des solutions éducatives, familiales et sociales. Pour l’État, la véritable urgence, mes chers collègues, consiste à prendre des mesures qui soient à la hauteur des enjeux, pour faire en sorte que ces expressions de violence ne se reproduisent plus, pour éviter la fragmentation continue de notre société et pour ne pas atteindre un point de non-retour.
Nous avons posé un diagnostic et formulons inlassablement des propositions concrètes pour remédier aux difficultés : renforcer la protection des élus locaux, toujours en première ligne ; renforcer les moyens des collèges et lycées, où les conditions d’enseignement ne font que se dégrader depuis cinq ans ; accompagner les familles monoparentales ; organiser un comité interministériel des villes et formuler des propositions concrètes et transversales ; enfin, oser traiter la question sécuritaire en envisageant des réformes profondes et le retour d’une véritable police du quotidien sur tout le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 juin dernier, à Nanterre, un policier a tué un jeune de 17 ans. Je tiens à redire l’émotion qui est la nôtre face à la mort de Nahel et aux circonstances qui l’ont entourée.
Quarante ans après les Minguettes, dix-huit ans après la mort de Zyed et Bouna, la justice doit être au rendez-vous pour Nahel.
L’émotion légitime qu’a suscitée ce drame s’est rapidement muée en une colère vive, qui a détruit des biens publics et privés. Celles et ceux qui se trouvaient déjà pénalisés par des services publics défaillants ou absents, faute de moyens financiers et humains, souffriront davantage encore de ces dégradations, que nous avons condamnées. Pour ces femmes et ces hommes, c’est donc la double peine.
Les biens publics qui ont été détériorés doivent être reconstruits au plus vite. Tel est le sens de ce texte, qui crée des dérogations afin d’accélérer les procédures d’urbanisme et la passation des marchés publics. Au vu de l’urgence, nous reconnaissons que c’est un cas de nécessité exceptionnelle.
Néanmoins, ce texte n’est pas sans susciter quelques interrogations. Tout y semble possible, mais rien n’y est sûr : il n’est pas certain que les projets de reconstruction aboutiront ni que l’État mettra de l’argent sur la table pour les financer.
Une fois encore, il nous faudra attendre les ordonnances pour en savoir davantage sur l’effectivité des dispositifs. Un projet de loi de finances rectificative, plus transparent et respectueux du Parlement, aurait été mieux indiqué.
Cela étant, nous nous rejoignons sur un objectif : il faut reconstruire vite ! L’égal accès à des services publics présents partout sur territoire est l’un des piliers de notre République.
La République a été beaucoup convoquée ces derniers jours dans nombre de discours, dans des « arcs » qui incluent ceux qui l’ont toujours combattue, mais excluent ceux qui, historiquement, l’ont toujours défendue. C’est un bouleversement des valeurs qui brouille le sens. Nous pensons que la République doit s’incarner, en premier lieu au travers des services publics.
Cependant, la reconstruction des bâtiments n’est que l’un des aspects du problème. Car, s’il faut reconstruire vite, il faut surtout rebâtir urgemment la cohésion, la justice sociale et même, j’irai jusqu’à le dire, notre République.
Tout d’abord, il faut débattre du lien entre la police et une partie de la population, les classes populaires notamment, qui subit des violences policières ne pouvant plus être niées. Ce sont ces personnes que le premier syndicat de police de France qualifie de « nuisibles » et face auxquelles il appelle à la guerre civile dans le silence assourdissant du Gouvernement. Je vous le dis très clairement, monsieur le ministre : c’est un silence inacceptable dans un État de droit.
Ensuite, il faut admettre que les quartiers populaires cumulent les difficultés. Les services publics y sont moins présents qu’ailleurs. Il s’agit non pas de se plaindre ou de vouloir davantage que les autres, mais d’étancher une soif d’égalité républicaine. D’autant que, contrairement à une idée répandue par l’extrême droite et ses affidés, il n’y a pas seulement 25 % de Français qui paient l’impôt dans les quartiers.
Mes chers collègues, je vous livre un scoop : en France, tout le monde paie l’impôt, à tout le moins un impôt injuste, puisqu’il est identique pour tous, smicards comme millionnaires, je veux parler de la TVA !
Dans les banlieues, les citoyens paient des impôts au même titre que les autres, mais ils ne bénéficient pas des mêmes services. Il n’y a donc pas, tel le tonneau des Danaïdes, des milliards d’euros dépensés pour les banlieues. Au contraire, il y a moins qu’ailleurs.
Les transports y dysfonctionnent – j’en sais quelque chose en tant qu’usager du RER B. Les professeurs y sont davantage absents et ne sont pas remplacés ou le sont peu, ce qui, pour un élève de Seine-Saint-Denis, par exemple, entraîne la perte de l’équivalent d’une année scolaire.
La justice, débordée, y est rendue trois fois plus lentement qu’ailleurs et le taux de pauvreté est trois fois plus élevé dans les quartiers populaires que dans le reste du pays. Et ce constat est également valable pour l’emploi, le logement, l’accès à la santé et tant d’autres choses.
À ces manques et à ces difficultés vient s’ajouter un discours de stigmatisation, d’exclusion et de division. Or, quand des responsables politiques divisent les citoyens et les opposent sur la base de discriminations, ils fragmentent la République.
Ce à quoi nous devons nous employer, c’est à retisser du lien, plutôt qu’à diviser, comme ne cessent de le faire l’extrême droite et ses alliés, dont la réflexion se limite à leur désir d’exclusion. Je le dis fermement ici : il n’y a pas de catégories de Français, pas de « Français comment ? », pas de « Français de nationalité faciale » ou de « Français de papier ». Il y a le peuple français, il y a la République française, et c’est tout !
Il en va de même de nos territoires : banlieues, territoires ruraux et ultramarins, tous subissent en réalité l’assèchement des services publics, les privatisations et les politiques libérales.
Plutôt que de nous diviser, rassemblons-nous pour ceux qui se trouvent dans les zones blanches de la République. Unissons-nous pour donner à tous nos élus, qui en ont assez d’exercer leur mandat avec trois bouts de ficelle et deux sparadraps, les moyens de satisfaire les besoins de la population.
Aujourd’hui, nous votons ce texte. Demain, nous continuerons le combat pour que la République démocratique, sociale, laïque et féministe ne soit plus seulement un slogan, mais s’applique partout, sans exclusion, sur tout le territoire ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le décès d’un jeune est toujours un drame. Pourtant, il n’excuse en rien le déferlement de violences, les pillages et les actes délictuels et criminels que ce drame a provoqués.
La justice devra faire toute la lumière sur les circonstances de ce décès, mais nos concitoyens n’ont pas à payer le prix de la bêtise agressive d’une minorité violente.
Ces délinquants ont pris prétexte de ce drame pour mettre à sac certains quartiers et commettre des violences contre les forces de sécurité, les élus ou les biens publics et privés. Ils se sont attaqués à la concorde républicaine et ont détruit ce que nous avons mis tant de temps à bâtir.
Avec mes collègues du groupe Union Centriste, nous condamnons vivement les agissements de ces voyous et souhaitons apporter tout notre soutien à l’ensemble des sinistrés, aux enfants qui voient leurs écoles détruites, ainsi qu’aux citoyens et conseillers municipaux des 105 mairies dégradées.
En effet, ces violences, ce sont plus de 650 millions d’euros de dégâts en quatre jours, des écoles endommagées, et près de 850 bâtiments publics dégradés ou incendiés. Ces casseurs détruisent leurs propres services publics, leurs propres commerces et ruinent le quotidien de leurs familles et de leurs voisins.
Notre groupe a formulé des propositions pour enrayer cette vague de violences et contribuer à la politique de la ville, et il continuera de le faire.
Il nous faudra consolider notre politique familiale, ainsi que le soutien à la parentalité ; je pense plus particulièrement à la responsabilité des parents en matière éducative et face aux agissements de leurs enfants.
En plus d’une réponse pénale et sécuritaire forte, le Gouvernement se devait de prendre toute sa part dans la reconstruction et le soutien aux sinistrés.
Ce texte est donc une nécessité. Nous devons agir rapidement afin que les collectivités puissent reconstruire les infrastructures touchées. À ce titre, la dérogation à certaines règles de droit commun en matière de commande publique et de droit de l’urbanisme est salutaire.
Les interrogations restent néanmoins nombreuses. Les pistes de soutien financier aux collectivités sont esquissées, mais en aucun cas précisées.
De plus, nous aurions souhaité plus de transparence et de coconstruction pour les ordonnances. Celles-ci doivent être prises avec un savant équilibre entre précaution et pragmatisme. Le Gouvernement doit agir avec prudence et avec force. Cette simplicité et cette réactivité devraient à l’avenir inspirer l’État pour faciliter la vie de nos élus et les libérer de quelques contraintes administratives.
Enfin, le projet de loi doit permettre de faire des conséquences dramatiques de ces émeutes une occasion pour massifier la rénovation énergétique et investir afin de passer un cap supplémentaire en la matière.
C’est le sens de l’amendement que j’avais initialement déposé. Son objet était de ne pas oublier la nécessaire transition écologique et énergétique, qui sera primordiale, surtout dans nombre de ces quartiers prioritaires, où la précarité énergétique est un facteur aggravant.
Mme la rapporteure a pris en compte cette demande, et j’en suis satisfaite.
Les investissements performants en matière d’économies d’énergie et de transition écologique permettront aux collectivités locales et entreprises de s’y retrouver à terme économiquement face à la flambée des prix des énergies et de résilience écologique.
Mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera pour ce texte. Nous ne devrons pas laisser nos élus au bord de la route ! Il faut redéfinir notre socle républicain. Il nous faut tirer les enseignements de cette crise. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le drame de la mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre le 27 juin, a suscité l’émotion de toute la Nation.
Puis, une colère immense a submergé le pays. Les ressorts profonds de celles-ci sont présents de manière chronique. Ils n’ont toujours pas été clairement analysés, donc compris, alors que c’est l’une des conditions pour apporter des réponses et éviter qu’une telle situation ne se reproduise.
Une partie de l’expression de cette colère s’est cristallisée dans la casse, le pillage, la violence. Nous sommes pris de vertige face à cette autodestruction.
Bien sûr, rien ne peut justifier cette violence, les intimidations, les agressions, la destruction de commerces et de bâtiments publics. Les écologistes ont tout de suite condamné fermement ces modes d’action violents. Ils ont condamné les attaques inqualifiables qu’ont subies des élus de la République, de nouveau en première ligne.
Mais rappelons que les forces de l’ordre, malgré des missions de plus en plus difficiles, se doivent d’avoir des pratiques exemplaires dans chacun de leurs actes du quotidien, car l’exemplarité est le meilleur rempart de la démocratie. La violence légitime ne doit en aucun cas sombrer dans la violence injustifiée.
Alors que les émeutes urbaines sont calmées pour le moment, tout le monde est d’accord sur la nécessité de reconstruire, et vite !
Une école, un centre de loisirs, une salle des fêtes ou un service d’état civil constituent des services essentiels. Les élus des communes touchées par ces émeutes attendent des assouplissements et l’accélération de procédures afin d’engager au plus vite les chantiers de rénovation ou de reconstruction.
Précisons dans un premier temps que nous déplorons fortement la volonté du Gouvernement de faire passer ces dispositifs à travers une loi d’habilitation, qui n’apporte pas de gain de temps et contraint encore une fois les parlementaires dans leur droit d’amendement.
Si les délais de procédure en matière d’urbanisme et de publicité des marchés publics sont raccourcis, la question de la disponibilité des matériaux et des entreprises reste entière. Nous lançons également quelques alertes.
Monsieur le ministre, la qualité du bâti reconstruit est primordiale. Reconstruire à l’identique serait préjudiciable si les exigences de performances environnementales, notamment thermiques, mais aussi de fonctionnalité n’étaient pas réinterrogées. Attention à ne pas confondre vitesse et précipitation !
Par ailleurs, le texte tend à déroger aux règles de passation et de dévolution des marchés publics : si nous entendons la nécessité de cette mesure, il importe que l’État assure un contrôle strict, afin d’éviter les dérives et de prévenir d’éventuels conflits d’intérêts.
Au final, nous l’avons dit, ce texte est une réponse partielle et court-termiste. Certes, elle est nécessaire et attendue par les élus locaux ; c’est pourquoi nous la voterons. Mais elle ne constitue en rien un début d’analyse des causes structurelles des événements, ce qui permettrait de fixer un cap. Sur ce point, il n’y a aucune réponse ni aucune méthode de la part du Président de la République et du Gouvernement.
Certes, depuis 2005, la politique de la ville a apporté quelques réponses. Mais les actions se sont concentrées sur de la rénovation urbaine. Je pense par exemple au nouveau programme de renouvellement urbain lancé en 2014. Cependant, le plus souvent, ces rénovations ont été menées sans les habitants, voire leur ont été imposées, et la question de l’accompagnement social a été mise de côté.
En France, la croyance selon laquelle le social se règle par le spatial est profondément ancrée. La rénovation a permis de changer le visage de nombreux quartiers, mais sur l’école, sur les discriminations, sur l’accès à l’emploi, sur le rapport à la police, sur la concentration d’inégalités, d’injustices, de frustrations et d’échecs et sur la relégation, les problématiques restent entières.
La sociologue et urbaniste Marie-Hélène Bacqué, autrice en 2013 d’un rapport sur la politique de la ville, souligne la perte de sa substance sociale. Cette politique a été bureaucratisée, et les professionnels et associations qui y contribuent sont aujourd’hui largement épuisés par les logiques de concurrence et d’appel d’offres.
À quand un grand plan de services publics dans les quartiers populaires ? À quand la coconstruction avec les habitants des politiques de transformation sociale ? À quand une réforme profonde de l’institution policière afin qu’elle retrouve un ancrage local et un rôle de gardien de la paix ?
À partir de ces quartiers se posent des questions centrales pour la société française : celle de l’égalité, celle de la démocratie, celle de la gestion de la crise climatique, qui s’y fera sentir plus fortement qu’ailleurs, et celle de notre héritage colonial. Pour toutes les embrasser, il faut de la volonté et du courage politique. Nous les attendons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Michel Canévet applaudit également. )
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 juin dernier, un contrôle de police qui aurait pu se dérouler comme tant d’autres a conduit au décès, dans des circonstances dramatiques, d’un jeune homme de 17 ans à Nanterre.
L’émotion du moment a – hélas ! – été rapidement débordée par plusieurs nuits de violences urbaines, de dégradations et de pillages, sans rapport direct et hors de proportion avec le fait initial.
Nous savons malheureusement comment une actualité chasse l’autre : un fait divers ou un événement est vite remplacé par un autre qui fait les gros titres quelques jours plus tard. Cependant, tous n’ont pas les mêmes conséquences violentes, entretenues, voire facilitées par les réseaux sociaux et l’information en continu.
Une semaine après l’événement déclencheur, les dégâts matériels étaient presque comparables à ceux qui sont causés par une catastrophe naturelle. Le Gouvernement a d’abord estimé leur montant à quelque 300 millions d’euros, ce qui était déjà un record par rapport aux émeutes de 2005 et au mouvement des « gilets jaunes ». Les compagnies d’assurances ont réévalué la semaine dernière ce coût à 650 millions d’euros, et d’aucuns disent que le bilan matériel va continuer de s’alourdir dans les prochains jours.
Je reviens sur la stupéfaction collective ressentie face à cette éruption soudaine de violence aveugle et, disons-le, quelque peu crapuleuse lorsqu’il s’agit de piller des boutiques d’électronique, de vêtements, de chaussures. Les acteurs du terrain nous diront sans doute que le risque était prévisible. Il devient chaque jour plus évident que nous avons manqué, depuis maintenant plusieurs décennies, d’importants objectifs en matière d’éducation, d’intégration, de vivre ensemble. De fait, les indicateurs témoignent d’une augmentation régulière de la criminalité et de la délinquance en France.
Le 7 juin dernier, lors des questions d’actualité, mon collègue Éric Gold avait attiré l’attention du Gouvernement sur l’inquiétante banalisation des violences du quotidien, en particulier en milieu scolaire, et sur l’urgence d’y remédier. Je rappellerai aussi une nouvelle fois les travaux de mon collègue Henri Cabanel sur l’engagement et la culture citoyenne chez les jeunes ; c’est un axe à approfondir.
On ne peut que regretter le manque d’attention accordée en 2018 à la remise du dernier plan Borloo, qui préconisait en particulier de concentrer les efforts sur l’éducation et le lien social dans les quartiers difficiles.
Mon groupe votera ces habilitations, compte tenu du caractère d’urgence de la situation, mais il continuera de s’interroger sur les réponses à apporter à plus long terme.
Comment résoudre les problèmes de violence urbaine et, plus généralement, d’incivilité, petite ou grande, qui fragilisent notre société et dont les premières victimes sont précisément les habitants des quartiers concernés ?
Comment lutter contre le sentiment d’abandon et de relégation, répandu en milieu urbain, mais aussi en milieu rural, malgré les milliards d’euros investis chaque année dans la politique de la ville et les différents dispositifs de solidarité ?
Comment enfin améliorer les relations entre les forces de l’ordre et la population, qui apparaissent toujours fortement dégradées ?
Je n’oublie évidemment pas la protection des élus, sur laquelle travaille beaucoup le Sénat. Notre groupe, le RDSE, est, sur l’initiative de Nathalie Delattre, à l’origine d’un texte sur le sujet. Mais nous voyons bien qu’il reste beaucoup à faire si nous voulons préserver les vocations.
En attendant les réponses qu’il faudra nécessairement apporter à ces défis, il faut accélérer le chantier national de reconstruction, vocable qui rappelle celui de l’après-guerre. Si nombre de bâtiments et équipements publics ont été touchés, la majorité des dégâts concernent des biens privés : boutiques, commerces et entreprises.
C’est l’objet du texte d’urgence que nous examinons aujourd’hui.
Ce cadre d’exception que nous nous apprêtons à voter appellera néanmoins toute notre vigilance au moment de sa mise en œuvre. En particulier, il faudra éviter les irrégularités lors des autorisations administratives et les abus dans la commande publique qui risqueraient de saper la crédibilité des acteurs publics.
Le texte ne prévoit pas de nouvelles dépenses publiques, ce qui est cohérent avec la volonté de l’exécutif de renouer avec un certain sérieux budgétaire.
En conclusion, les membres du groupe RDSE voteront en faveur de ce projet de loi d’habilitation et espèrent un vote conforme de nos collègues députés, ce qui nous éviterait de devoir revenir vendredi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, durant plus d’une semaine, la France s’est trouvée plongée dans le chaos après la mort de Nahel à Nanterre. Durant plus d’une semaine, de très nombreuses villes ont été otages de la violence inouïe des émeutiers, qui n’attendaient qu’une occasion pour laisser libre cours à leur haine de notre pays et de ses institutions.
Il fallait en découdre avec les forces de l’ordre et mettre à terre les édifices publics représentatifs de cette France qu’ils ne respectent pas et dont ils ignorent tous les codes collectifs.
À peine les dernières fumées d’incendie dissipées, certains observateurs se sont livrés à des critiques absurdes : nous aurions abandonné les quartiers populaires et méprisé ceux qui y vivent péniblement, victimes de la pauvreté, des discriminations et du racisme. Or c’est tout l’inverse : tous les élus le savent bien.
Mon département, l’Essonne, a été le théâtre de violents affrontements et a connu son lot de dégradations et de pillages. Mairies, écoles, médiathèques, maisons de quartier, postes de police municipale, commerces, restaurants, bus et voitures : rien n’a échappé aux destructions. Mais les maires ont eu l’intelligence collective de ne pas trop en faire état sur les réseaux sociaux et dans les médias, pour éviter d’exciter ces jeunes, qui faisaient entre eux de la surenchère sur Snapchat d’un quartier à l’autre.
Rien ne justifie un tel déchaînement de violence contre les personnes et les biens.
Aujourd’hui, le constat est amer, et la colère des élus de nos communes est d’autant plus légitime que les émeutiers ont voulu faire table rase des services publics, pourtant si indispensables à la population, y compris à eux-mêmes. C’est la preuve supplémentaire de leur aveuglement.
Nos écoles, lieux d’apprentissage du vivre ensemble et de la transmission des savoirs, ont été la cible délibérée des voyous. Ces écoles, où les enfants apprennent à user de la raison et à s’exercer à l’esprit critique sous le regard bienveillant de leurs professeurs, hussards de la République, abandonnés depuis longtemps par leur ministère !
Et pourtant, selon le célèbre pédopsychiatre Boris Cyrulnik, interrogé dans Le Point la semaine dernière : « Ces enfants sont désespérés, car ils ne sont pas tutorisés. » Pour ce spécialiste de la toute petite enfance, ces jeunes désécurisés obéissent à des rituels claniques. Seule l’éducation peut les sauver.
Le plus triste est que ces délinquants ont surtout puni leurs petits frères et petites sœurs, qui, ne pouvant pas partir en vacances cet été, seront privés des activités culturelles et ludiques que les maisons de quartier et les médiathèques leur auraient offertes.
Le coût des dommages est insupportable pour nos communes et pour les professionnels. France Assureurs estime qu’il est trois fois supérieur à celui des sinistres occasionnés par les quatre semaines d’émeutes de l’automne 2005.
Dix jours après le début des violences urbaines, plus de 11 000 sinistres ont été déclarés, pour un coût total de 650 millions d’euros, dont 227,5 millions pour les biens des collectivités territoriales et 357,5 millions pour ceux des professionnels.
Dans ce contexte, la Première ministre a adressé une circulaire aux préfets, le 5 juillet dernier, afin d’accélérer les procédures de reconstruction et de réparation. Je salue cette initiative, dont l’objectif était d’éviter que des interprétations trop strictes de notre législation relative aux procédures d’urbanisme et aux règles de la commande publique n’entravent la dynamique de reconstruction.
L’exigence de célérité doit prévaloir sur l’application tatillonne des normes, dont notre pays s’est fait une spécialité.
Le projet de loi que le Gouvernement soumet à l’examen du Sénat aujourd’hui comporte trois articles d’habilitation à légiférer par ordonnance dans le champ des règles d’urbanisme, de la commande publique et du financement de la reconstruction.
L’article 1er a pour objet de faciliter la reconstruction à l’identique, les travaux immédiats et la réduction des délais. L’habilitation prévoit notamment la possibilité pour les reconstructions à l’identique d’appliquer les règles d’urbanisme en vigueur au moment de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme initiale, ainsi que la faculté de démarrer les travaux de reconstruction dès le dépôt de la nouvelle demande.
L’article 2 a pour objet d’autoriser à déroger aux règles de passation et de dévolution des marchés publics et aux règles de recours aux marchés globaux prévues par le code de la commande publique. Ainsi, il sera permis aux maîtres d’ouvrage publics de conclure des marchés ou des lots d’un marché sans publicité, mais avec mise en concurrence préalable, pour les travaux inférieurs à 1 million d’euros hors taxes, et de s’affranchir de l’obligation d’allotissement, afin de pouvoir confier à un même opérateur un marché global.
Enfin, l’habilitation de l’article 3 prévoit la possibilité de subventionner les collectivités au-delà du plafond de 80 %, de déroger au plafonnement des fonds de concours versés entre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et communes, et d’accélérer les versements du FCTVA.
Indéniablement, de telles dispositions sont de nature à répondre à la demande des élus locaux, qui veulent rendre de nouveau accessibles à leurs administrés les services publics de proximité dont ils ont tant besoin. Le Sénat est là pour les entendre et les soutenir. Notre groupe se prononcera donc en faveur de ce texte.
La reconstruction achevée, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion sur la prévention de cette délinquance, de plus en plus précoce, sur la nécessité de restaurer l’autorité de l’État dans les quartiers gangrénés par le trafic de drogue, sur le besoin d’éducation, y compris des parents, sur la nécessité de la sanction et de la réparation, ainsi que sur l’accompagnement global des personnes déclassées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un policier a ouvert le feu lors d’un contrôle routier ; le conducteur, mineur, est mort. Nous le déplorons évidemment. Depuis, le policier est placé en détention provisoire. Malgré l’enquête en cours, malgré la saisine de la justice afin de faire toute la lumière sur les faits, notre pays a connu plusieurs nuits d’émeutes d’une rare intensité. Plus de 800 membres des forces de l’ordre ont été blessés. Je veux saluer le professionnalisme des femmes et des hommes qui sont intervenus tout au long de cette période, comme ils le font au quotidien, pour protéger nos concitoyens.
Certains d’entre nous ont été directement visés par des actions violentes. C’est notamment le cas – cela a été rappelé – du maire de L’Haÿ-les-Roses, M. Vincent Jeanbrun, et de sa famille. Au nom du groupe Les Indépendants, je tiens à lui témoigner notre entier soutien, ainsi qu’à tous ceux qui ont été victimes de violences.
Contestation après contestation, nous voyons se multiplier de tels actes contre les élus. Les violences sont toujours inacceptables. Cependant, lorsque des élus sont pris pour cible, c’est la République qui est attaquée. Sur fond de crise des vocations, l’avenir de la démocratie suscite des inquiétudes bien légitimes. Il est urgent d’inverser cette tendance et de retrouver le chemin du dialogue républicain. Les récentes émeutes confirment que brûler n’est ni un programme ni une solution.
Comme beaucoup d’autres départements, l’Aube n’a pas été épargnée. Le bilan matériel de ces événements est très lourd : il est encore en cours de chiffrage, mais je pense notamment aux près de 2 millions d’euros qu’avait coûtés la maison de quartier des Sénardes à Troyes.
On ne compte plus les commerces détruits, les salles de classe dégradées, les mairies incendiées. Glorifiant le vandalisme le plus stérile, nous avons vu fleurir sur les réseaux sociaux, en forme d’appels de la tribu, les défis les plus délétères. Certains l’ignorent sans doute, mais le pouvoir de brûler une voiture n’équivaut pas à celui de la construire. La vraie puissance appartient aux bâtisseurs, pas aux casseurs.
Mme Sophie Primas, rapporteur. C’est vrai !
Mme Vanina Paoli-Gagin. Depuis les émeutes, ceux qui n’avaient pas grand-chose ont encore moins. Cela a été rappelé, les assureurs évaluent les dégâts à plus de 650 millions d’euros. Ces événements auraient, en outre, coûté à notre économie plus de 300 millions d’euros.
Dans les quelque 500 communes concernées, plus de 800 bâtiments publics ont été dégradés. Se pose maintenant la question de leur réparation.
Le principe d’une loi d’urgence pour reconstruire aux frais du contribuable les bâtiments détruits par des émeutiers peut laisser perplexe. L’État doit-il se presser de financer les dégâts causés par ceux qui s’en sont pris à notre République ?
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires considère qu’il est urgent de reconstruire, non pour les émeutiers, mais pour tous les autres.
Vous le savez bien, mes chers collègues, hormis quelques fanatiques encouragés par l’irresponsable et inflammable France insoumise, hormis quelques opportunistes, l’immense majorité de nos concitoyens souhaitent que le calme revienne, pour que la justice puisse faire sereinement son travail, pour que nos concitoyens puissent reprendre le cours de leurs activités. Tous le savent bien : ce n’est que par le travail que l’individu peut s’émanciper.
Nous voulons dire à ceux de nos concitoyens qui vivent dans des quartiers difficiles et qui n’ont pas fait le choix de la délinquance, à ceux qui sont allés travailler plutôt que piller, que la République ne les abandonne pas.
Ce travail de reconstruction sera également l’occasion de démontrer la puissance publique. À cet égard, la République doit être présente sur l’ensemble du territoire de notre pays.
Au-delà de la réparation des dégâts, nous sommes convaincus que le travail de restauration devra être poursuivi. Monsieur le ministre, il faut restaurer l’État dans ses capacités et dans son autorité. Nous devons collectivement veiller à faire en sorte que les lois de la République soient appliquées sur l’ensemble du territoire.
En conséquence, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra l’adoption de ce texte, première étape d’un retour de l’État que nous appelons ardemment de nos vœux. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en complément de mon collègue et ami Christian Redon-Sarrazy, qui a dit l’essentiel tout à l’heure, j’évoquerai brièvement l’article 3 du projet de loi.
Les violences urbaines qui se sont déroulées entre le 27 juin et le 5 juillet derniers vont probablement coûter plusieurs centaines de millions d’euros, qu’il va maintenant falloir prendre en charge.
Le maintien de l’ordre public relève exclusivement de la compétence de l’État. À la suite des émeutes de 2005, certaines collectivités avaient d’ailleurs demandé au juge de reconnaître la responsabilité sans faute de l’État.
Logiquement, au-delà des interrogations légitimes et des réponses politiques qu’appellent ces événements, l’État doit être au rendez-vous pour financer la reconstruction des biens dégradés ou démolis. Avec l’article 3 du présent projet de loi, il souhaite faciliter les reconstructions des biens. C’est indéniablement une bonne chose.
L’article prévoit trois mesures : rembourser dans l’année le FCTVA ; supprimer la participation minimale d’une collectivité à un projet qu’elle porte ; supprimer la limite concernant le montant total des fonds de concours. Tout cela va dans le bon sens.
Sur le fond, quelques imprécisions auraient pu être levées.
Ainsi, sur la modification des dépenses ouvrant droit au FCTVA, le Gouvernement ne précise pas ses intentions à ce stade. Par exemple, la location de structures temporaires peut-elle entrer dans le champ du remboursement ?
Sur le sujet de la participation financière minimale, si le bornage dans le temps est, de fait, prévu par le dispositif, qui restreint cette dérogation aux seuls dommages occasionnés par les « émeutes », on peut s’interroger sur la formule « dommages directement causés », qui pourrait ouvrir un champ de contestation.
Sur la question des fonds de concours, je note également une absence de précision quant à la typologie des travaux pris en charge ; l’ordonnance devra évidemment y remédier.
En l’espèce, il ne s’agit pas seulement de faciliter les reconstructions. Il faut évidemment aussi les financer. Et les solutions budgétaires peuvent être multiples. À ce stade, nous ne savons pas grand-chose de celles qui seront retenues : création d’un fonds exceptionnel, au-delà du fonds peu important qui a d’ores et déjà été mis en place ; avances ; subventions ; etc. Le Gouvernement doit, en associant les parlementaires et les élus locaux, élaborer des propositions budgétaires concrètes, qui n’apparaissent pas pour l’instant.
Au regard du contexte économique, qui oblige les collectivités territoriales à maîtriser leurs dépenses, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défendront des propositions pour soutenir nos élus locaux dès la rentrée, et au plus tard lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative de fin de gestion.
De manière générale, les ordonnances amenuisent le rôle des parlementaires. Le Parlement ne peut pas être qu’une chambre d’approbation ou d’enregistrement.
En conséquence, il me paraît opportun de créer un comité de suivi, afin de donner à voir en toute transparence ce qui est fait. Nous devons être capables de suivre l’évolution de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis.
Malgré ces quelques réserves, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera pour le texte qui nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Daphné Ract-Madoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Arpajon, Athis-Mons, Bondoufle, Chilly-Mazarin, Corbeil-Essonnes, Dourdan, Draveil, Épinay-sous-Sénart, Étampes, Évry-Courcouronnes, Fleury-Mérogis, Gif-sur-Yvette, Grigny, Juvisy-sur-Orge, Les Ulis, Lisses, Massy, Saint-Germain-lès-Corbeil, Saint-Michel-sur-Orge, Sainte-Geneviève-des-Bois, Savigny-sur-Orge, Vigneux-sur-Seine ou Viry-Châtillon… cela n’est malheureusement pas un cours de géographie essonnienne. C’est la liste non exhaustive des communes de mon département qui ont été touchées par les émeutes.
Derrière le drame du décès de Nahel Merzouk et la nécessaire enquête qui doit s’ensuivre, rien n’excuse les violences, les dégradations et les pillages qui ont eu lieu dans toute la France.
Rien n’excuse les dégâts humains, moraux, matériels et financiers.
Rien n’excuse enfin les attaques répétées contre des institutions qui sont le ciment de notre République.
J’ai une pensée toute particulière pour les élus locaux et les agents publics, sur le pont jour et nuit, qui ont vu leurs mairies endommagées, comme celle de Dourdan ; pour les enfants qui ont vu leurs écoles saccagées, comme celle de Viry-Châtillon ; pour les habitants d’Évry-Courcouronnes et leur maison de quartier ; pour l’ensemble de nos concitoyens qui ont vu leurs équipements, leurs services de transports et leurs commerces du quotidien dégradés et détruits. Nous avons vu des pompiers encerclés apeurés, des policiers municipaux assiégés, certains élus agressés, quand d’autres éteignaient les incendies, extincteurs toujours à portée de main dans le coffre.
À l’aune de ces réalités, il nous faut nous poser les bonnes questions et tirer de ces événements tragiques des enseignements pour nos territoires et notre jeunesse. Il est de notre responsabilité de prendre le temps du débat démocratique, d’échanger avec l’ensemble des acteurs de nos quartiers, afin d’éviter tout aveuglement malheureux. La gravité de ces événements ne doit ni être ignorée ni minimisée.
Le coût inédit de ces dégradations, parfaitement mis en lumière par ma collègue Françoise Férat, rendait nécessaire le dépôt rapide d’un projet de loi. Je salue à ce titre le recours aux ordonnances plutôt que le choix d’une rédaction dans l’urgence : cela laissera à l’État le temps de mettre en œuvre un plan adéquat et permettra de consulter largement les représentants des principales victimes.
L’accompagnement de chacun doit être notre priorité. Le présent projet de loi répond à cet impératif. J’appelle de mes vœux une mobilisation forte de notre institution sur cette question, mes chers collègues. Les causes et les conséquences d’un tel déchaînement de violence dans nos territoires devront être étudiées et questionnées, tout comme le plan de reconstruction. À cet égard, la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information sénatoriale me semblerait tout à fait appropriée.
Si la reconstruction matérielle et financière est éminemment nécessaire et urgente, j’espère que notre démocratie transformera la conflictualité brûlante de ces émeutes en un puissant ferment permettant de rebâtir des fondations solides et républicaines dans nos communes, des fondations où le dialogue apaisé trouvera toute sa place et où les symboles de notre République continueront d’être des lieux de rassemblement plutôt que de destruction. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Bruno Belin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la malheureuse semaine de casse et d’émeutes que nous avons vécue a tout de même quelques vertus.
Elle nous permet de faire corps avec ce qui fait la République et de réaffirmer le soutien entier aux élus locaux, aux pompiers, à l’ensemble des services de l’État – police, gendarmerie, corps préfectoral –, totalement mobilisés, chacun ayant fait preuve d’engagement et d’efficacité.
Elle nous permet ce matin, monsieur le ministre, de parler simplification, par obligation. C’était l’objet initial de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, sans doute insuffisante et peut-être incomplète, voire décevante selon certains.
Ces casseurs stupides, hors-la-loi, qui ont brûlé leur mairie, leur école, leur pharmacie, voire leur bureau de poste, pourtant si important pour le versement de leurs minima sociaux, nous permettent ce matin de desserrer les trop nombreux freins qui contraignent trop souvent les motivations, les ambitions et les respirations des territoires. Il s’agit de donner aux élus locaux de nouvelles possibilités, de nouvelles prérogatives et, je l’espère, de nouvelles perspectives, de manière à pouvoir vite faire confiance à la France pratique.
Mais, monsieur le ministre, pourquoi n’irions-nous pas plus loin aujourd’hui ?
Le texte que nous examinons ce matin vise à régler la question du court terme. Il faut réparer, reconstruire.
Cependant, il faudra très vite voter de nouveaux textes pour éviter que cela ne se reproduise, peut-être généraliser la vidéosurveillance, décider de peines planchers, les appliquer et être clair : casser, c’est payer !
En outre, pourquoi ne pas faire de l’extraordinaire de ce matin l’ordinaire de demain ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Absolument !
M. Bruno Belin. Il faut supprimer les contraintes, les normes, les diagnostics, les études, les comités de suivi, les comités de pilotage, les dossiers… tout ce qui fait perdre du temps aux projets, tout ce qui coûte, tout ce qui use les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Vous savez très bien que des éléments sont facilement retirables ; le débat de ce matin montre que nous les avons identifiés. On peut supprimer le plafond d’autofinancement à 20 % pour un projet dès lors qu’il est financé. On peut très bien envisager de récupérer la TVA la même année ; on le fait bien pour les entreprises et les commerces. On peut ne pas forcément conditionner la perception des avances au service fait, ce qui bénéficierait aussi aux trésoreries des collectivités.
Les élus ont besoin de ces messages, au moment où nous risquons de manquer de candidats pour s’occuper de nos si précieuses communes.
Donnons-leur l’espérance et les moyens de faire ce pour quoi ils s’engagent, de façonner leur ville de demain et de rendre le quotidien plus aisé !
Liberté, égalité, fraternité ; moins de papiers ! Faisons en sorte que la France de la paperasse fasse plus de place à la France de l’audace. Faisons urgemment le pari de la France de l’agilité, de la flexibilité, de la fluidité. C’est la France de la proximité, celle que nous côtoyons tous les jours. La France de la rapidité : c’est ce que nous voulons aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, écoles, bibliothèques, commissariats, mairies, centres sociaux, commerces ou pharmacies : telle est la liste, non exhaustive, des bâtiments qui, lors des récentes émeutes urbaines, ont été attaqués, dégradés, incendiés, démolis.
Élèves, citoyens, maires, policiers, gendarmes, pompiers, patrons et employés : telle est, cette fois, la liste des victimes de ces délinquants. Plus de 2 500 bâtiments pillés par une poignée de criminels, et des millions de Français à devoir en payer l’addition !
Face à ces images de déferlement d’une violence inouïe, la Nation entière doit s’unir autour de ses forces de sécurité, de ses élus locaux, et j’en passe.
L’urgence aujourd’hui, c’est de reconstruire les bâtiments détruits, dans les meilleurs délais. C’était d’ailleurs l’objet de la proposition de loi visant à lever les obstacles en matière de réglementation de l’urbanisme déposée par notre collègue Sophie Primas, soutenue sans réserve par le président du Sénat.
Je me réjouis que nous ayons été entendus, comme le montre le projet de loi, similaire, que nous examinons ce matin, et je veux saluer le travail des rapporteurs.
Notre groupe Les Républicains votera bien évidemment ce texte.
Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une urgence économique, mais surtout d’une urgence républicaine.
Bien sûr, je partage l’avis de nos compatriotes : ce sont toujours les mêmes qui payent !
Mais on ne peut pas laisser des enfants sans école ou des citoyens sans service public. N’ajoutons pas du chaos au chaos !
Voilà quatre jours, nous célébrions la France, son drapeau, son histoire… Mais, en l’état de notre société, était-ce un jour de gloire ou un jour de défaite ?
Dix-sept atteintes aux élus ont été recensées. Les enfants d’un maire ont été attaqués à leur domicile. Il est temps de protéger ceux qui sont en première ligne et d’aggraver les peines pour les auteurs de violences à leur encontre.
Monsieur le ministre, il nous faut retrouver de l’ordre ! C’est la vocation première de l’État, pour surmonter cette crise civique majeure. La peur ne doit pas nous affaiblir. Et l’image des feux d’artifice du 14 juillet doit symboliser notre volonté de ne jamais rien céder à quiconque. Nous ne baisserons ni les bras ni les yeux.
Soyons lucides : la mort récente de ce jeune homme a servi de prétexte à des délinquants pour saccager tout ce qui se trouvait sur leur passage. Mineurs pour beaucoup, ils ont crié leur haine de la France.
Les refus d’obtempérer surviennent toutes les vingt minutes en France. Combien de temps allons-nous accepter cette défiance manifeste envers nos forces de l’ordre, donc envers l’État ?
Parmi les pays d’Europe, seule la France connaît de telles émeutes, alors que les difficultés sociales n’épargnent pas nos voisins.
Il faut le dire et le redire : notre société bascule dans l’ensauvagement.
Face au délitement acté de notre République, de grands devoirs s’imposent à nous : rétablir une réponse pénale dissuasive, avec notamment un accroissement de la capacité carcérale ; abaisser la majorité pénale à 16 ans ; rendre les parents des mineurs délinquants pénalement responsables ; transformer notre école, avec une défense affirmée de la Nation et de la laïcité ; soutenir sans relâche nos forces de sécurité ; remettre l’autorité au centre de notre société.
Telles sont les propositions pour restaurer l’ordre public que défend le groupe Les Républicains. Elles ont notamment été présentées par le président de notre groupe, Bruno Retailleau.
Aujourd’hui, l’incendie semble maîtrisé, grâce au travail acharné de nos forces de secours et de sécurité. Mais jusqu’à quand ? Des zones incandescentes menacent à tout moment de s’embraser de nouveau.
N’attendons pas et soyons au rendez-vous pour ne plus subir ces violences inacceptables et en payer l’addition ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023
Article 1er
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi destinée, pendant une durée limitée, à accélérer ou à faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection des bâtiments affectés par les dégradations ou destructions liées aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, en :
1° Autorisant la reconstruction ou la réfection, à l’identique ou avec des modifications limitées ou des améliorations justifiées, de ces bâtiments sous réserve qu’ils aient été régulièrement édifiés, nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, y compris lorsqu’un document d’urbanisme applicable en dispose autrement ;
2° Autorisant l’engagement des opérations et travaux préliminaires dès le dépôt, selon le cas, de la demande de permis ou de la déclaration préalable requise ;
3° Adaptant les règles de délivrance des autorisations d’urbanisme et, le cas échéant, des autorisations préalablement requises au titre d’autres législations, en aménageant les procédures d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme ainsi que les délais prévus par des dispositions législatives, et en prévoyant que, lorsque la consultation d’un organisme ou d’une autorité administrative, ou l’obtention d’un accord ou d’une autorisation sont prévues, le silence gardé sur la demande d’avis, d’accord ou d’autorisation vaut, selon le cas, avis favorable ou décision d’acceptation.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois suivant la publication de l’ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, sur l’article.
M. Michel Canévet. Monsieur le ministre, comme vous l’avez indiqué tout à l’heure dans votre exposé liminaire, l’objet du présent projet de loi n’est pas d’examiner les causes des incidents qui nous rassemblent aujourd’hui. Néanmoins, il faut se demander comment autant de jeunes – selon les statistiques du ministère de l’intérieur, il s’agissait essentiellement de mineurs – peuvent se trouver dans les rues aussi tardivement à causer des dégâts tels que ceux que nous avons pu observer. Les dégradations ont été très importantes.
Tout cela amène à s’interroger sur l’autorité parentale et à se dire qu’il faudra réfléchir aux mesures à mettre en œuvre pour éviter que de tels scénarios ne se reproduisent à l’avenir. Nous aurons un travail collectif à effectuer.
Monsieur le ministre, je souhaitais prendre la parole sur l’article 1er pour me réjouir des dispositions permettant d’accélérer la remise en état des immeubles qui ont été dégradés. Cela porte essentiellement sur le code de l’urbanisme, notamment pour alléger l’instruction.
Il me semble également nécessaire que la question des recours soit étudiée dans l’habilitation à légiférer par ordonnance. Il ne faudrait pas que des recours aient pour effet de retarder significativement les opérations de reconstruction, dont nous souhaitons tous ardemment qu’elles interviennent au plus vite. Il convient de se pencher sur ce sujet, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Cet article était-il indispensable ? Il semblerait que non, à en croire votre propre circulaire du 5 juillet dernier, dans laquelle vous défendiez une position inverse en vous appuyant sur l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme… Mais rassurez-vous : nous voterons l’article 1er sans ergoter, de même que les articles suivants.
Toutefois, je profite de l’occasion pour insister sur un point : s’il faut évidemment reconstruire le plus rapidement possible les équipements publics, cela ne concerne pas seulement les bâtiments. C’est l’ensemble des services à rendre à la population qu’il faut reconstruire, en engageant une sorte de reconquête républicaine, par un réinvestissement des services publics dans les quartiers populaires, dans les villes moyennes, dans la ruralité, dont les habitants, dans toute leur diversité, se sentent de plus en plus abandonnés.
La République est souvent invoquée dans les discours ; il faut qu’elle s’incarne dans une présence de proximité, une présence humaine, efficace et utile à nos concitoyens. Vous direz que je m’éloigne du présent projet de loi, mais je reste dans le sujet ; plusieurs d’entre vous ont fait référence au contexte.
J’illustrerai mon propos en évoquant l’école. À nos yeux, la rentrée scolaire ne doit pas se dérouler comme si rien ne s’était passé. Nous savons que des classes sont toujours surchargées et que des enseignants ne seront pas remplacés au cours de l’année scolaire, privant les élèves d’un nombre considérable d’heures d’enseignement. Certaines académies connaissent une profonde crise de recrutement ; il manquera des enseignants devant les classes à la rentrée. Un tel chantier nous semble au moins aussi urgent que ce dont nous débattons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Si nous sommes deux membres de notre groupe à intervenir, c’est parce que la présidente Éliane Assassi a demandé à Mme Borne la tenue d’un débat au Parlement sur les causes des événements que nous venons de subir.
Bien évidemment, il faut voter ce texte en urgence pour reconstruire et réhabiliter les bâtiments ; je pense par exemple à l’extension des dérogations aux bailleurs sociaux.
Monsieur le ministre, vous soulignez à juste titre que des symboles de la République ont été dégradés. Nous devons en tirer des leçons. Il faut organiser un débat pour comprendre ce qui s’est passé et pourquoi.
Pour notre part, nous estimons qu’il faut commencer par mieux reconnaître et respecter toute la population française. Il y a trop d’inégalités devant la République, et nous devons en débattre.
Monsieur le ministre, votre rôle est de nous donner rendez-vous pour un débat politique, car ces émeutes naissent tout de même d’un vide politique, d’une absence de relais sociaux et du manque de conflits, au bon sens du terme : les conflits des idées, ceux qui animent la démocratie, directe comme représentative.
Ainsi, notre groupe a demandé qu’en plus de mesures d’urgence pour accompagner les collectivités et les bailleurs, nous ayons un débat de fond, car notre société est confrontée à de nombreux problèmes. C’est vraiment nécessaire pour réfléchir aux moyens de corriger les inégalités devant la République et de reconnaître et respecter toute la population ; je dis bien toute la population. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’abonderai dans le sens de M. Savoldelli.
Le président de mon groupe, Patrick Kanner, avait lui aussi écrit à la Première ministre pour lui demander l’organisation d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution. Les jours ont passé, sans réponse. Et, hier, notre demande a été déclinée ; il nous a été indiqué qu’il fallait réfléchir…
Certes, c’est une très bonne chose de réfléchir. C’est pourquoi nous allons demander qu’après un délai de réflexion, c’est-à-dire à la rentrée parlementaire, le débat se tienne enfin. Vous l’avez noté, tout le monde débat de ce qui s’est passé en France, sauf le Parlement. Ce n’est pas normal ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Redon-Sarrazy, Mme de La Gontrie, MM. Raynal et Kanner, Mme Artigalas, M. Bouad, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi
par les mots :
au plus tard jusqu’au 31 juillet 2023
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Ma présentation vaudra également défense des amendements nos 3 et 4, qui ont le même objet.
Le 4 juillet dernier, le Président de la République a réuni les maires des villes particulièrement touchées par les violences urbaines. Il leur a annoncé un projet de loi d’urgence pour accélérer les chantiers de reconstruction et de réfection.
Le Gouvernement a traduit la volonté du chef de l’État par un texte d’habilitation à légiférer par ordonnance. Dont acte.
Toutefois, les délais prévus pour la publication de ces ordonnances repoussent potentiellement l’application de mesures concrètes à la fin du mois d’octobre, ce qui contredit l’impératif d’urgence affiché dans les discours.
Notre amendement vise donc à fixer la date de publication des ordonnances au plus tard le 31 juillet. C’est tout à fait réaliste. Depuis le 4 juillet, vous aurez disposé de quasiment un mois pour préparer des mesures qui relèvent de différents ministères et qui ne posent pas de difficultés particulières. Il s’agit de garantir l’effectivité du critère d’urgence qui est invoqué. L’urgence justifie d’ailleurs que le Parlement accepte de légiférer dans des circonstances exceptionnelles.
Qu’on se le dise, les mesures que comporte ce texte ont une portée très limitée au regard de l’ampleur des reconstructions à engager. Toutefois, ce projet de loi est important, car il envoie un signal de mobilisation et de solidarité aux populations qui sont les premières victimes des dégradations.
La dynamique de reconstruction des centres-villes et des quartiers doit être rapidement engagée. Sinon, les habitants risquent de se sentir de nouveau abandonnés.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre objectif est bien d’accompagner les collectivités pour qu’elles organisent rapidement les opérations de reconstruction. Car oui, il y a urgence à redonner aux habitants leur cadre de vie, leurs commerces, leurs services de proximité. Il y a urgence à restaurer la continuité des services publics dans toutes les communes qui ont subi des dégradations.
L’urgence de la reconstruction, c’est bien, me semble-t-il, ce qui nous réunit aujourd’hui !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Comme je l’ai indiqué précédemment, un délai d’habilitation de trois mois n’empêche pas le Gouvernement de prendre les mesures déjà identifiées dans les tout prochains jours ; je suis sûre que M. le ministre reviendra sur ce point.
Si je rejoins notre collègue Christian Redon-Sarrazy sur l’impératif d’urgence, le délai de trois mois laisse une marge de manœuvre pour compléter, au besoin, la première salve de mesures de nouveaux cas qui nécessiteraient d’autres adaptations de nature législative pouvant émerger au cours de l’été ou à la rentrée.
Je le précise, c’est le Conseil d’État lui-même qui, dans son avis, a suggéré l’allongement du délai à trois mois.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Ainsi que Mme la rapporteure vient de le rappeler, c’est le Conseil d’État lui-même qui a suggéré d’allonger de deux à trois mois le délai que nous avions imaginé.
Malgré notre volonté d’aller vite, certains délais sont incompressibles. Nous devons saisir le Conseil national d’évaluation des normes et le Conseil d’État, de même que nous devons inscrire le projet de loi à l’ordre du jour du conseil des ministres. Certes, dans l’hypothèse que j’appelle de mes vœux, c’est-à-dire celle d’un vote conforme, nous gagnerions quelques jours. Mais si nous rédigions les ordonnances dans un délai aussi bref que celui qui est proposé, c’est-à-dire entre le 20 juillet et le 31 juillet, ce ne serait pas très rassurant quant à leur contenu.
Pour preuve, vos travaux en commission nous ont conduits à déposer l’amendement n° 5 rectifié, afin de n’oublier aucun élément relatif la voirie ou aux équipements publics. De la même manière, le temps de consolidation d’une partie des dégâts peut être précieux.
Je demande donc le retrait des amendements tendant à prévoir la publication des ordonnances au plus tard au 31 juillet, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Je profite de l’occasion pour répondre à une interpellation qui m’a été adressée. S’il est vrai que beaucoup de mesures peuvent être prises par décret, refaire à l’identique – je reprends les termes de M. Salmon – en tenant compte des nouvelles normes en matière de sécurité ou d’environnement, ce n’est pas exactement refaire à l’identique ! Il faut donc une loi d’habilitation. D’ailleurs, au-delà du débat qui nous occupe aujourd’hui, peut-être devrions-nous avoir une réflexion plus large sur nos procédures.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi destinée, pendant une durée limitée, à accélérer ou faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection des bâtiments affectés par des dégradations ou destructions liées aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, en permettant aux acheteurs soumis au code de la commande publique :
1° De conclure un marché ou des lots d’un marché sans publicité préalable mais avec mise en concurrence pour des marchés inférieurs à un seuil défini par l’ordonnance ;
2° De déroger au principe d’allotissement et de recourir aux marchés globaux.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois suivant la publication de l’ordonnance.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Redon-Sarrazy, Raynal, Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi
par les mots :
au plus tard jusqu’au 31 juillet 2023
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. Ce sera le même avis que celui de la commission des affaires économiques sur l’amendement n° 2, mais pas tout à fait pour les mêmes motifs.
Je partage avec M. Redon-Sarrazy le souhait que les ordonnances soient publiées le plus tôt possible. J’ai invité M le ministre à faire en sorte qu’elles soient publiées, si possible, lors du dernier conseil des ministres avant la pause estivale, et je réitère ma demande. Peut-être – sait-on jamais ? – celle qui concerne la commission des lois est-elle plus facile à rédiger que les autres…
Quoi qu’il en soit, la commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable.
Je souhaite répondre à Mme Di Folco. Je ne m’élèverai pas au-dessus de ma condition : je n’ai aucune maîtrise sur l’ordre du jour du conseil des ministres. Nous travaillons pour aller aussi vite que possible sur chacun des articles débouchant sur une ordonnance. Certes, nous fixons une date butoir. Mais plus vite nous pourrons aller, plus vite nous irons.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
réfection
insérer les mots :
des équipements publics et
La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. J’ai été interpellé ce matin à la tribune, comme je l’avais déjà été en commission, sur plusieurs sujets.
Parfois, il s’agissait de préciser que des dégradations pouvaient avoir affecté autre chose que des bâtiments : du mobilier urbain, des éléments de voirie, d’éclairage public, de réseaux de transports, etc.
Cet amendement vise à répondre très précisément à une telle demande en élargissant le champ des dispositions, au-delà des bâtiments, aux équipements publics.
J’ajoute que nous avons apporté une rectification rédactionnelle à cet amendement pour que le mot « publics » ne porte que sur les équipements et que le mot « bâtiments » soit suivi du terme « affectés », afin que des bâtiments privés puissent profiter des dispositions de l’ordonnance si le texte est adopté.
Je remercie le Sénat de ses remarques non seulement rédactionnelles, mais aussi de fond, qui nous éviteront d’avoir un trou dans la raquette lorsque nous nous retournerons vers les élus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. Une telle précision est la bienvenue. Avis favorable.
Monsieur le ministre, je me permets de vous reposer la question du seuil, à laquelle vous n’avez pas répondu.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. Nous allons également vous écouter sur le fait de ne pas nous limiter à un million d’euros. Nous n’irons certainement pas jusqu’aux 5,3 millions d’euros prévus par les seuils européens, pour de nombreuses raisons, notamment parce que la disposition de la taille du marché entraînerait un défaut de concurrence transfrontalière sur plusieurs projets.
Je n’entrerai pas dans les détails, mais nous pouvons aboutir à un seuil de 1,5 million d’euros. (Mme le rapporteur pour avis manifeste sa préférence pour un seuil plus élevé.) Je vois bien que vous souhaiteriez aller au-delà, mais je vous donne déjà un premier élément de réponse aujourd’hui : mes services travaillent et nous ne nous limiterons pas à un million d’euros.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
I. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi destinée à faciliter la réparation des dommages directement causés par les actes de dégradation et de destruction liés aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus du 27 juin 2023 au 5 juillet 2023, en :
1° Déterminant les modalités particulières de versement des attributions destinées aux bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, au titre des dépenses éligibles au bénéfice des dispositions de l’article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales ;
2° Déterminant les modalités de dérogation à l’obligation de participation minimale prévue au premier alinéa du III de l’article L. 1111-10 du même code applicables au financement des projets d’investissement ;
3° Déterminant les modalités de dérogation au plafond des fonds de concours définis à l’article L. 5215-26, au V de l’article L. 5214-16 et au VI de l’article L. 5216-5 du même code.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, sur l’article.
M. Michel Canévet. Par cet article, le Gouvernement propose fort opportunément de ramener à l’année même de l’investissement la possibilité pour les collectivités concernées de bénéficier du FCTVA.
Je pense que c’est une excellente disposition. Le Gouvernement l’a retenue dans ce texte, mais nous aurions intérêt à l’appliquer, de manière générale, à l’ensemble des collectivités. En effet, de nombreuses collectivités ne perçoivent le bénéfice du FCTVA qu’à l’année n+1, voire à l’année n+2, ce qui est en déconnexion totale avec le moment où l’investissement a été réalisé.
Cela ne se justifie absolument plus. Aussi, monsieur le ministre, il me semblerait opportun, dans le cadre de la prochaine loi de finances, que le système de perception du FCTVA soit identique pour chacun ou, à tout le moins, que l’on mette fin au délai de deux ans pour le percevoir.
J’invite le Gouvernement à réfléchir sur cette question et à formuler des propositions très rapidement, car il s’agit d’une mesure d’accompagnement des collectivités dans leurs investissements.
Par ailleurs, comme nous examinons un texte d’habilitation à légiférer par trois ordonnances, j’invite le Gouvernement à faire en sorte que celles-ci soient ratifiées par le Parlement. Il est anormal qu’il existe encore des dispositions permettant que les ordonnances ne soient pas toujours ratifiées par le Parlement.
Dès lors que le Gouvernement est habilité à légiférer par ordonnance, il me paraît de bonne logique qu’il revienne devant le Parlement pour les faire ratifier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’approuve tout ce qui a été dit sur l’article 3.
Je profite de ce qui sera sans doute ma dernière intervention dans cet hémicycle pour vous dire mon profond attachement au bicamérisme et au Sénat ; pour vous dire que la généralisation absolue de la procédure d’urgence est délétère et porte atteinte à la qualité de la loi ; pour vous dire que le recours excessif à l’article 45 de la Constitution pose problème et que, comme vient de le souligner notre collègue, la ratification des ordonnances devrait être expresse.
Je souhaite enfin remercier très chaleureusement les administrateurs et administrateurs-adjoints, les personnels des trois comptes rendus et tous les fonctionnaires du Sénat. Durant vingt-deux ans, j’ai apprécié leur très grande qualité, leur très grand dévouement. Je leur dis de tout cœur : « Merci ! » (Applaudissements prolongés.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. De nombreux hommages ont été rendus ces derniers jours. Pour ma part, je reconnais avoir été ému lorsque le président Larcher a salué le travail de notre présidente de groupe ; vous avez vu qu’elle aussi était émue. (M. Gérard Larcher acquiesce.) C’est une belle reconnaissance du pluralisme et une belle preuve de l’humanité qui règne entre un grand nombre d’entre nous ; peut-être pas la totalité des membres du Sénat, mais un grand nombre ! (Sourires.) Je vous remercie, mes chers collègues, de reconnaître la valeur de la politique.
L’article 3 concerne la commission des finances. Au nom de mon groupe, je tenais à saluer l’extension du champ des dispositions aux bailleurs sociaux, mesure dont je me réjouis, car ces derniers viennent tout de même de se faire ponctionner 1,3 milliard d’euros, avant les émeutes, par la réduction de loyer de solidarité (RLS).
Monsieur le ministre, je voudrais avoir des certitudes. C’est ce que demandent les élus. Ils réclament des garanties dans les relations entre l’État et les collectivités. Si j’ai bien compris, vous allez utiliser les crédits provisionnels ouverts en loi de finances initiale pour 2023, soit 40 millions d’euros, ainsi que les moyens de la réserve de précaution du programme 122, soit 12 millions d’euros.
Je vous avoue que nous sommes préoccupés, car ce volume budgétaire est bien en deçà des moyens que l’État doit engager pour répondre aux besoins des collectivités territoriales, des bailleurs et des populations. Pouvez-vous nous donner davantage d’éléments quant à la réalité, à la sincérité et au périmètre de l’aide de l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. Je commencerai par un clin d’œil : j’ai été accueilli dans cette maison à la commission des lois par le président Sueur, et je suis présent le jour où il prononce ses derniers mots dans l’hémicycle : la boucle est bouclée !
Sur le fond, le FCTVA n’est pas un dispositif récent. Un certain nombre d’ajustements ont été effectués, et le coût pour les finances publiques apparaît une seule fois : l’année de la demande de remboursement. Sur la base des deux années précédentes, ce coût est de 5,3 milliards d’euros. En fonction de l’année où vous déclenchez le dispositif et de la temporalité des projets, notamment municipaux, les conséquences financières varient.
Le dispositif financier que ce projet de loi sous-tend représente 94 millions d’euros immédiatement disponibles. Mais le vrai sujet est ailleurs : nous avons donné aux collectivités locales jusqu’au 30 septembre pour nous faire remonter leurs besoins. C’est parce que nous craignons qu’il y ait des oublis que nous nous tournons vers les élus pour qu’ils nous indiquent précisément quels dégâts ils ont subis. En parallèle, les préfets ont l’obligation d’évaluer également les dégâts.
Enfin, il faut déduire du total le montant des primes d’assurance : la somme que nous aurons à affecter ne représente pas le simple coût consolidé des travaux ; c’est le delta entre ce qui est couvert par les assurances et ce qui pourrait l’être à un autre titre.
Nous ne connaîtrons pas le détail final avant le mois d’octobre prochain, soit au moment où débutent les discussions budgétaires, ce qui tombe assez bien. J’y insiste : les sommes dont nous parlons aujourd’hui ne constituent aucunement une limite à notre action.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, sur l’article.
M. Laurent Somon. J’aimerais que le ministre nous apporte une précision.
Il est indiqué à l’article 3 qu’il est possible de déroger au plafond des fonds de concours et que le Gouvernement pourra déterminer le régime des dépenses éligibles au FCTVA.
Des équipements qui ne sont pas ordinairement éligibles au FCTVA, mais qui auraient été dégradés pendant ces journées pourraient-ils y devenir éligibles ? Je pense notamment aux terrains synthétiques de sport. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie Mercier. Excellent !
M. Fabien Genet. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. Nous ne pouvons pas utiliser une ordonnance pour défaire ce qu’une loi de finances a fait ; ce serait outrepasser les limites du domaine réglementaire.
En revanche – je sais l’émotion que la question suscite –, ce qu’une loi de finances a fait, une autre loi de finances peut le défaire. Nous pourrions donc faire œuvre utile dans quelques semaines, au regard des éléments qui nous remontent des territoires sur les exclusions d’une partie de ces équipements du champ des dépenses éligibles au FCTVA. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Cet effort représenterait environ 200 millions d’euros, ce qui me semble correspondre aux besoins. Cela permettra d’accompagner une nation sportive qui se prépare à accueillir de grands événements. (Mêmes mouvements.)
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme de La Gontrie, MM. Kanner et Féraud, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi
par les mots :
au plus tard jusqu’au 31 juillet 2023
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos ouvertures sur le FCTVA. Nous saurons nous en souvenir au cours de la discussion du prochain projet de loi de finances…
Ne confondons pas vitesse et précipitation. Nous avons tous envie que les choses aillent très vite, mais nous avons aussi tout intérêt à ce que les ordonnances soient le mieux rédigées possible. Laissons au Gouvernement le temps nécessaire pour s’adapter aux besoins qui se feront jour et corriger tout oubli éventuel.
La commission des finances demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme N. Goulet, M. Pellevat, Mme Schalck, MM. Perrin, Rietmann et Daubresse, Mme Muller-Bronn, MM. Genet et Chatillon, Mmes Gosselin, Berthet et Belrhiti, MM. Duplomb et Belin et Mme Drexler, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport dressant le bilan de son application ainsi que l’opportunité d’en tirer des mesures de simplification et d’adaptation du droit en vigueur.
La parole est à M. Bruno Belin.
M. Bruno Belin. Je présente cet amendement au nom de notre collègue André Reichardt. Il s’agit d’une demande de rapport pour nous permettre de réfléchir à la simplification des procédures.
Dans nos collectivités, nous avons tous dû mener des études et encore des études ; nous avons tous rencontré des problèmes de marché public. Lorsque j’étais président de département, il a fallu mener cinq ans d’étude pour une année de travaux sur une route départementale ; et une fois les études terminées, il a fallu les refaire, parce qu’elles étaient caduques ! Nous voulons que les choses soient plus fluides, monsieur le ministre !
Mais je ne reprendrai pas mon propos de discussion générale, et je retire cet amendement, que nous étions un certain nombre à avoir cosigné.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. Monsieur Belin, je vous remercie d’avoir bien voulu retirer votre amendement. Ce faisant, vous m’avez privé d’un argument : je trouvais étonnant qu’une personne faisant l’apologie du « sans papier », à la fois dans son discours et dans sa manière de s’exprimer, demandât au Gouvernement de fournir de la « paperasse » en remettant un rapport dans six mois ! (Sourires.)
Alors que nous arrivons au terme de ce débat, je voudrais faire passer trois messages à la Haute Assemblée.
Le premier s’adresse au président Larcher et à la présidente Primas. Je voudrais encore une fois saluer la réactivité du Sénat, dans les heures qui ont suivi le dépôt de ce texte d’urgence, pour faire en sorte que la discussion puisse s’engager très vite. Voilà qui marque la volonté de la Haute Assemblée de se tenir une fois de plus aux côtés des élus.
Je voudrais également souligner l’excellent état d’esprit dans lequel la séance d’aujourd’hui a été préparée. Malgré un calendrier qui semblait arrêté, les fonctionnaires de cette maison et les parlementaires ont pris leurs responsabilités pour manifester de manière concrète leur solidarité.
Deuxième message, j’ai bien entendu la demande de débat sur les causes. Je vous invite, je nous invite, à mettre à profit les semaines qui viennent avant la tenue d’un tel débat. Ce qui me frappe, c’est que beaucoup réclament un débat arguant du fait qu’ils alertaient sur ces risques depuis des années ; or ils s’expriment parfois avec des mots diamétralement opposés pour expliquer ce qui s’est passé.
J’ai l’impression que chaque ancien candidat à la dernière élection présidentielle voit dans ces violences urbaines la prophétie auto-réalisée de ce qu’il avançait. Nous devrons donc mener un travail minimal de convergence, parce qu’il ne sera pas possible d’avoir des explications qui s’opposeraient radicalement.
Enfin, dernier message, ce moment a bien évidemment un sens : celui de nous trouver aux côtés des élus. Là encore, ce moment d’unité nationale ne doit pas être évanescent. Nous aurons vocation à nous retrouver à la rentrée pour évoquer plus largement le rôle des élus locaux, leur statut et l’appui que nous pouvons leur apporter pour leur faciliter la vie. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir souligné une fois encore le rôle du Sénat.
La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera bien évidemment ce texte attendu.
C’est un texte d’urgence, mais il est tout de même symbolique que ce soit justement au terme des 100 jours d’« apaisement » annoncés par le Président de la République que nous soyons ainsi amenés à légiférer de manière exceptionnelle.
La flambée de violences que notre pays a connue montre bien que notre société est à vif. Les causes de cette situation sont extrêmement profondes, et il est particulièrement frustrant – je rejoins en cela ce qu’ont demandé plusieurs collègues – de ne pas avoir de débat sur le sujet.
Certains ici, sur différentes travées, ont esquissé un début d’explication sur les causes de ces violences, mais nous n’avons pas pu aller plus loin, ce qui, encore une fois, est frustrant, d’autant que nous n’avons pas tous les mêmes interprétations.
Monsieur le ministre, de nombreux élus locaux et les associations représentatives vous ont écrit pour que les choses aillent vite et que vous ne vous limitiez pas à ce projet de loi. Des propositions vous ont été adressées.
Si nous ne voulons pas que le baril de poudre que sont parfois devenus nos quartiers s’enflamme de nouveau, il faut agir vite pour lutter contre les causes profondes ayant mené à cette flambée de violences.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, je voudrais vous faire part d’un satisfecit et d’un regret.
Le satisfecit, c’est pour vous remercier d’avoir joué un rôle important sur la question des copropriétés. Si une telle disposition avait été intégrée dans le projet de loi, les choses auraient été beaucoup plus compliquées.
Le groupe Les Républicains va naturellement voter ce texte, et le Gouvernement nous trouvera toujours à ses côtés lorsqu’il voudra raccourcir les délais, accélérer les choses et simplifier les procédures. J’ai d’ailleurs bien aimé l’expression utilisée tout à l’heure par Bruno Belin : de l’audace plutôt que de la paperasse !
Le regret, c’est que nous avons là un petit texte ! Certes, il est important d’accélérer les procédures pour reconstruire. Mais nous aurions aimé que tout cela soit mis en perspective par une analyse et par la parole présidentielle, afin de poser un diagnostic et de définir les causes de ces violences.
Oui, il va falloir rebâtir ce qui a été brûlé et détruit pendant cinq jours et cinq nuits. Mais il va aussi falloir rebâtir ce qui a été déconstruit pendant des décennies : l’autorité ! L’autorité des parents, l’autorité du maître, l’autorité de la force publique, l’autorité de la loi !
Il faudra aussi faire en sorte que ces jeunes des quartiers aiment la France. Arrêtons de présenter la France comme éternellement coupable, vouée à jamais à une sorte de pénitence perpétuelle ! Si on présente la France comme peu estimable, peu aimable, il n’y a guère de chances que ces jeunes veuillent faire partie du destin collectif national.
Je voudrais simplement saluer notre collègue questeur Jean-Pierre Sueur et nos collègues présidents de groupe Éliane Assassi et Jean-Claude Requier. Nous avons pour eux, au-delà de nos divergences, non seulement du respect, mais aussi une profonde estime, et je le dis du fond du cœur. C’est aussi cela, le Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi dont la commission a ainsi rédigé l’intitulé : projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 333 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 344 |
Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Applaudissements.)
4
Ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance.
La prochaine séance aura lieu le vendredi 21 juillet matin pour les éventuelles conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi qui vient d’être adopté.
Dans l’hypothèse où cette commission mixte paritaire ne serait pas nécessaire, M. le président du Sénat prendrait acte de la clôture de la session extraordinaire, lorsque nous aurons reçu le décret de M. le Président de la République en portant clôture. Cette information serait publiée au Journal officiel et sur le site internet de notre assemblée.
Sauf élément nouveau, le Sénat se réunirait alors le lundi 2 octobre 2023 à 15 heures pour l’élection du président du Sénat.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures trente-cinq.)
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des affaires économiques pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mmes Sophie Primas, Catherine Di Folco, MM. Arnaud Bazin, Vincent Delahaye, Franck Montaugé, Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Julien Bargeton ;
Suppléants : Mmes Micheline Jacques, Christine Lavarde, Évelyne Renaud-Garabedian, Françoise Férat, MM. Claude Raynal, Henri Cabanel et Fabien Gay.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER