Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canévet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous rappeler le contexte de l’adoption de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, avant d’évoquer notre Constitution.
Seize années après l’adoption de la dernière loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, deux propositions de loi organique avaient été déposées en mars 2021, au Sénat, par notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales, dont je salue le travail, et, en mai 2021, à l’Assemblée nationale, par M. Thomas Mesnier, député, rapporteur général de la commission des affaires sociales, visant toutes deux à rénover le cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale.
L’adoption de cette réforme s’était faite sans difficulté politique, avec le soutien du Gouvernement, et ne laissait présager aucune difficulté de mise en œuvre. À l’époque, M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, s’exprimait ainsi devant l’Assemblée nationale : « Les deux propositions de loi organique et les deux propositions de loi qui les accompagnent constituent des avancées décisives pour le pilotage de nos finances publiques et pour les pouvoirs du Parlement. […] La proposition symétrique de Thomas Mesnier, consistant à prévoir la création d’un projet d’approbation des comptes de la sécurité sociale déposé au printemps, est tout à fait opportune, et le Gouvernement soutiendra cette disposition. »
L’article 24 de notre Constitution dispose : « Le Parlement vote la loi. » Nous le faisons, après des débats riches de nos différences et de notre diversité. L’article 21 de notre Constitution débute ainsi : « Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense nationale. Il assure l’exécution des lois. » La loi organique adoptée et promulguée s’impose donc dans son intégralité dès son entrée en vigueur, et le Gouvernement doit en assurer l’exécution par le biais de ses services.
En l’espèce, et contre toute attente, le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale que nous examinons aujourd’hui concerne une loi de financement qui n’a pas été intégralement exécutée. Les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale n’indiquent pas les résultats atteints lors des trois dernières années, comme la loi organique le prévoit. De même, comme cela a été dit, l’annexe relative aux niches sociales ne comporte pas d’évaluation des mesures concernées.
Quelles sont les raisons de ces lacunes ? Soit le Gouvernement n’arrive pas à obtenir de ses services un projet respectant les exigences de la loi organique, alors que lesdits services sont reconnus pour leur grande qualité d’expertise et leur réactivité ; soit l’exécutif considère que l’information des parlementaires n’est pas une priorité. Il serait regrettable qu’il ne veuille pas informer correctement les Français de l’usage qui a été fait de leurs cotisations sociales. Ces dernières sont, pour notre groupe, trop élevées dans notre pays. Elles devront donc, à terme, être réduites pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, n’en déplaise à certains dans cet hémicycle…
Je n’aborderai pas dans le détail le fond des dispositions, qui ont été particulièrement bien décrites par notre excellente rapporteure générale Élisabeth Doineau, dont je salue les analyses de qualité. Je relèverai seulement deux points qui, au-delà de la forme, justifient également le dépôt d’une question préalable.
Alors que nous venons de demander aux Français un effort important concernant l’assurance vieillesse, il est temps de nous attaquer au déficit de l’assurance maladie.
Notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe visait déjà en 2017 les actes inutiles et redondants. Citant un rapport de l’OCDE, il expliquait que « 28 % des actes prescrits sont jugés, par les médecins eux-mêmes, non pleinement justifiés ». Vous en savez quelque chose, monsieur le ministre, docteur ! Rapportés aux dépenses d’assurance maladie, ces actes représentent quelque 50 milliards d’euros.
Dans cette droite ligne, et en dépit des actes de correction mis en place depuis, la Cour des comptes émet une demande appuyée concernant l’amélioration de la maîtrise médicalisée. En effet, elle nous dit que, malgré trente années de mise en œuvre, la France reste éloignée des pays les moins dispendieux, avec une différence de l’ordre de 11 milliards d’euros à 19 milliards d’euros par an, ce qui grève d’autant l’assurance maladie et représente environ 150 milliards d’euros de dépenses cumulées sur dix ans !
Nous regrettons aussi le fait que le cahier des charges prévu en application de l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 n’était toujours pas publié ce matin, alors qu’il aurait dû l’être avant le 30 juin de cette année.
Au demeurant, monsieur le ministre, la grève des praticiens hospitaliers qui affecte l’ensemble du territoire national aujourd’hui et demain matin montre bien les attentes extrêmement fortes qui demeurent, malgré l’action mise en œuvre.
Les membres du groupe Union Centriste voudraient vous rendre attentif à la difficulté budgétaire à laquelle sont confrontés les établissements et services sociaux, médico-sociaux et hospitaliers, monsieur le ministre. Dans les Ehpad, des déficits importants s’annoncent. Dans les établissements hospitaliers, il en va souvent de même, malgré quelques crédits non reconductibles parfois alloués par les agences régionales de santé. Cela montre bien que, malgré les efforts effectués, malgré une situation difficile, il reste encore, pour ce qui concerne la mise en œuvre dans notre pays des politiques médico-sociales et médicales, des attentes extrêmement fortes sur le terrain. Il convient que le Gouvernement s’attache, avec le Parlement, à apporter à l’ensemble de ces services les moyens de fonctionner dans de bonnes conditions.
Le groupe Union Centriste votera, dans sa grande majorité, la motion déposée par la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le premier projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, que nous avons souhaité décorréler du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Auparavant expédiée à l’automne, l’approbation des comptes de l’année précédente fait aujourd’hui l’objet d’un projet de loi à part, présenté chaque année au mois de juin et accompagné d’un rapport de la Cour des comptes. Ces conditions d’examen doivent améliorer le pouvoir de contrôle du Parlement en matière de finances sociales.
Dans son rapport, la Cour des comptes estime que, à travers les tableaux d’équilibre et le tableau patrimonial, le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022 fournit une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde de la sécurité sociale.
Toutefois, d’autres éléments suscitent des préoccupations. C’est le cas du maintien dans le projet de loi de chiffres erronés pour 2021 ou de l’absence de mise à jour d’indicateurs nécessaires au suivi de l’efficacité et de l’efficience des politiques publiques, comme le nombre de places en crèches ou l’évaluation des niches sociales. C’est le cas également des comptes pour 2022 de la Cnaf et de la branche famille, que la Cour des comptes a refusé de certifier en raison d’une augmentation problématique du taux de paiements erronés et qui ne sont d’ailleurs pas mentionnés en annexe de cette loi. Qu’envisagez-vous, monsieur le ministre, pour faire baisser le nombre d’erreurs de paiement de la CAF ?
Les marges de progression attendues sont importantes. Sur ce point, je rejoins la rapporteure générale Élisabeth Doineau, que je salue au passage pour son travail et la pédagogie dont elle fait toujours preuve.
Mais rappelons qu’il s’agit d’un premier exercice et je tiens, à ce stade de la discussion, à rappeler la position constante du groupe du RDSE, qui est de s’opposer aux motions préalables et de toujours privilégier le débat.
Concernant la situation financière en 2022, si le solde global des administrations de sécurité sociale retrouve son niveau d’avant crise avec un excédent de 9 milliards d’euros, les régimes obligatoires de base demeurent, eux, très déficitaires.
C’est essentiellement la branche maladie qui plombe les comptes, avec un déficit de 21 milliards d’euros, du fait des restes de la crise sanitaire et des mesures prises face à l’inflation, que nous avons tous estimées nécessaires. Le déficit est toutefois moins élevé que prévu et a diminué de plus de 4 milliards par rapport à 2021, grâce à des dépenses allégées sur le front de la covid-19.
Le montant des dépenses d’assurance maladie dépasse toutefois encore de 10 milliards d’euros l’Ondam fixé fin 2021. Avec les crises qui se succèdent, il devient manifestement de plus en plus difficile d’anticiper le niveau des dépenses. Je me joins donc à ceux qui réclament le rétablissement du seuil d’alerte en cas de risque de dépassement de l’Ondam et, au moins, un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative qui permettrait à la représentation nationale d’en débattre.
La branche vieillesse est, elle, déficitaire de près de 4 milliards d’euros. Pour faire face à cette situation, une réforme des retraites vient d’être adoptée, mais le Conseil d’orientation des retraites projette un déficit persistant et estime impossible de retrouver l’équilibre en 2030 alors que, début janvier, le président de cette même instance niait l’urgence de la réforme. Monsieur le ministre, considérez-vous que le modèle n’est pas viable sur le long terme et qu’une réforme plus globale est à envisager ?
S’agissant des branches famille et autonomie, toutes deux excédentaires, des questions se posent aussi sur les années à venir : le manque de places, notamment en crèches, et les fortes tensions de recrutement appellent à envisager des augmentations de dépenses, pour la petite enfance et le médico-social. Une situation financière moins favorable doit donc être anticipée.
Ce projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale est aussi l’occasion de préparer le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, mais surtout de se poser la question de la meilleure utilisation des finances publiques, non pas uniquement pour aboutir à un équilibre financier, certes nécessaire, mais surtout pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens.
Face aux grandes transitions démographiques, technologiques et épidémiologiques que nous traversons, il serait illusoire d’espérer à système constant une baisse de nos dépenses de santé. Piloter l’Ondam uniquement de manière économique n’est pas suffisant.
Nous avons des leviers puissants, vertueux et efficaces à actionner, comme la prévention et l’éducation à la santé, et notre groupe souhaite attirer votre attention sur les attentes fortes des professionnels de santé sur le terrain.
Si des mesures utiles, comme la vaccination et les visites médicales obligatoires, ont été prises, il faut aller plus vite et plus fort, se fixer un cap en matière de prévention et s’inscrire dans une stratégie de moyen terme et long terme. Une loi de programmation pluriannuelle, proposée par le Sénat lors de l’examen des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale, peut être le véhicule adéquat d’une telle démarche.
Malgré ces points de vigilance, la majorité du RDSE ne s’opposera pas à l’approbation des comptes.
Jean Monnet, l’un des pères fondateurs de l’Europe, a dit : « Les hommes n’acceptent les changements que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. » Je crois que le moment du changement est largement venu. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui porte sur l’exécution du budget de la sécurité sociale pour 2022. Si les comptes de la sécurité sociale de l’année écoulée étaient jusqu’alors arrêtés à la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, leur approbation fait dorénavant l’objet d’un texte distinct. C’est une première.
À l’évidence, je me réjouis à l’idée que ce texte renforce l’information du Parlement et des citoyens sur la situation des comptes sociaux. Cette lumière faite est un maillon supplémentaire sur notre vie démocratique et elle accroît la transparence que nous devons à nos concitoyens.
Domaine aride, les finances publiques ne peuvent que s’apparenter à un long sentier, austère, ardu, escarpé. Pourtant, rien ne mérite davantage que l’on s’y aventure, en voyant loin, sinon clair, avec résolution et acharnement, mais non que l’on s’y abandonne. Parce qu’elles donnent corps, entre autres, à la sécurité sociale, grâce à l’effort consenti par nos concitoyens et nos entreprises, elles consolident notre pacte républicain, gage de solidarité. Oui, comme le ministre chargé des comptes publics l’a dit tout à l’heure, l’économie crée la richesse, ce qui finance la solidarité.
Toutefois, il nous faut éclaircir ce que les chiffres et les constats illustrent, puisque ceux-ci sont avant tout le reflet de choix politiques en matière de sécurité sociale. Pour le dire autrement : le déficit de la sécurité sociale est-il une fatalité ?
Pour l’année 2022, je ne peux que regretter la non-certification de la branche famille par la Cour des comptes, notamment en raison de l’augmentation de la proportion de paiements erronés. Sur la forme, la Cour a également déploré les dates de production, moyennant une réduction de quatre moins des délais d’analyse par les juridictions financières par rapport à la situation qui prévalait jusqu’en 2021. Quinze jours pour examiner les comptes et les rapports des commissaires aux comptes, mes chers collègues, vous vous en doutez, c’est bien trop peu.
Par ailleurs, en tant que rapporteure de la branche maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je constate, non sans un grand désappointement, que c’est de cette branche que provient la quasi-totalité de l’augmentation du déficit depuis la crise sanitaire. En effet, les dépenses de santé, après avoir augmenté lors de la crise sanitaire, n’ont pas diminué depuis, pour partie à cause de l’inflation, mais aussi en raison du Ségur de la santé.
Malgré tout, ces 21 milliards d’euros de déficit de la branche maladie ont permis d’assurer la prise en charge des dépenses de santé engagées alors que le déficit toutes branches, y compris le FSV, s’élève à 19,6 milliards d’euros.
Permettez-moi de m’attarder sur l’Ondam. Si, de 2011 à 2019, l’Ondam a systématiquement été respecté, il ne l’a plus été depuis, en raison de la crise sanitaire et des mesures prises pour compenser l’inflation. Ainsi, l’exécution de 2022 montre une nouvelle fois un dépassement par rapport à la dernière prévision actualisée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Ce dépassement est, cette année encore, substantiel par rapport à la prévision initiale, puisqu’il se chiffre à plus de 10,4 milliards d’euros et qu’il n’est plus uniquement imputable à la crise sanitaire.
Ainsi, mes chers collègues, l’Ondam, qui atteint désormais environ 250 milliards d’euros, ne semble pas pilotable, contrairement à ce que nous a affirmé en commission le directeur de la Cnam. Pis, il n’est pas à même de rendre compte au législateur des actes effectifs des dépenses et des choix politiques du Gouvernement, encore moins de les arbitrer. Cela était vrai en loi de financement initiale ; c’est désormais vrai en loi d’approbation.
La question du pilotage de l’Ondam est clairement posée. Au moins, le Parlement devrait pouvoir l’examiner sous-objectif par sous-objectif. Cette demande me paraît légitime : comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le budget de la sécurité sociale est bien supérieur au budget de l’État, dont les missions se voient souvent allouer des montants inférieurs à ceux de chacun des sous-objectifs de l’Ondam, et elles sont votées une par une.
Pour 2023, le comité d’alerte, dans son avis du 7 juin, a appelé à une grande vigilance. La Cour des comptes semble porter le même discours d’alerte et souligne que la progression de l’Ondam actuellement prévue est inférieure à la dynamique d’inflation, ce qui conduira à exercer une forte contrainte, évidemment inacceptable, sur les acteurs de santé, qu’il s’agisse de l’hôpital public ou des acteurs du médico-social. Le comité d’alerte doit jouer pleinement son rôle !
Je vous le dis, cela n’est plus tenable : nous avons besoin d’un Ondam sincère et utile, avec un découpage fin des dépenses, qui distingue notamment celles qui sont liées à des remboursements répondant aux assurances sociales des dépenses pilotables que sont les dotations.
Nous ne devons pas perdre de vue notre objectif : la recherche constante d’un équilibre dans la maîtrise de l’évolution des dépenses pour améliorer, chemin faisant, l’état de santé des Français.
Enfin, je citerai le constat, aussi explicite qu’alarmant, de la Cour des comptes, selon lequel il existe « des risques élevés portant sur la soutenabilité de la dette publique française à moyen terme ». La Cour estime qu’il « n’est plus possible de repousser le nécessaire redressement des finances publiques », et donc des comptes sociaux. Il est fini, le temps où la dette rapportait de l’argent…
À ce jour, la Cades peut absorber une dette de 8,8 milliards d’euros, quand le déficit de la sécurité sociale prévu pour 2023 est de 8,2 milliards d’euros !
L’examen des comptes de la sécurité sociale est indispensable au travail de contrôle qui nous échoit en tant que parlementaires, a fortiori lorsque ceux-ci sont le reflet de choix politiques en matière de solidarité et de santé.
Tout cela s’inscrit dans un contexte où la médecine de ville est toujours aussi fragile, où les hôpitaux n’ont pas retrouvé leur niveau d’activité de 2019, c’est-à-dire d’avant la pandémie : ils présentent des déficits importants et les établissements accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées présentent eux aussi des déficits, les uns et les autres étant confrontés de surcroît à des difficultés de recrutement.
Enfin, considérant l’avis de la commission des finances de la Haute Assemblée, et même si, nous aussi, sommes très attachés au débat, faute d’annexe exacte et compte tenu de la non-conformité à la loi organique, au nom du groupe Les Républicains, je vous invite, mes chers collègues, à adopter la motion tendant à opposer la question préalable présentée par Mme la rapporteure générale Élisabeth Doineau, dont je salue le travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui et qui sera peut-être rejeté, si la motion tendant à opposer la question préalable est adoptée, constitue, comme cela a été dit, une première. Il s’agit d’une nouveauté issue de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Nous saluons cette possibilité nouvelle donnée au Parlement d’étudier les comptes de l’année échue séparément du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année suivante.
Le présent projet de loi d’approbation des comptes laisse apparaître quelques points positifs, qui ont déjà été identifiés. Ainsi, trois des cinq branches de la sécurité sociale sont excédentaires : la branche famille de 1,9 milliard d’euros, la branche autonomie de 200 millions d’euros et la branche AT-MP de 1,7 milliard d’euros.
Par ailleurs, les 337 000 emplois créés en 2022 se traduisent par un surcroît de cotisations pour la sécurité sociale de 5 milliards d’euros. Ces recettes s’ajoutent à celles provenant du million d’emplois créés depuis 2017.
Sur ce point, nous espérons que le projet de loi prévoyant la création de France Travail, dont nous aurons l’occasion de débattre la semaine prochaine, permettra d’aller plus vite sur le chemin tracé par le Gouvernement vers le plein emploi.
Toutefois, les chiffres que je viens de citer ne suffisent pas à effacer le plus critique d’entre eux : le déficit de 19,6 milliards d’euros de la sécurité sociale en 2022.
Nous en convenons tous, ce montant est colossal. Il est dû, pour 3,8 milliards d’euros, au déficit de la branche vieillesse. Nous ne referons pas aujourd’hui le débat sur la réforme des retraites, mais le déficit récurrent de cette branche est bien la preuve indiscutable que la réforme était nécessaire.
Toutefois, le déficit de la sécurité sociale est surtout dû à celui de la branche maladie, qui atteint 21 milliards d’euros.
Les dépenses liées à la crise sanitaire, dont l’impact a encore été très significatif en 2022, bien que dans une moindre mesure qu’en 2021, ne pèsent néanmoins que pour près de 12 milliards d’euros dans les comptes de l’assurance maladie.
Un travail important devra donc être réalisé sur le reste, notamment sur l’explosion des arrêts maladie, car les indemnités journalières ne représentent pas moins de 15 milliards d’euros par an et sont, malheureusement, en hausse tendancielle.
Il convient aussi de lutter contre la fraude sociale et les erreurs. Le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille n’est pas anodin, même s’il n’est pas inédit, et il doit être sérieusement pris en compte.
Ce refus résulte notamment de l’augmentation des erreurs dans le versement du revenu de solidarité active (RSA), de la prime d’activité et des aides au logement, pour des montants qui atteignent plusieurs milliards d’euros.
À ces erreurs s’ajoutent la fraude à l’assurance maladie, celle aux aides sociales et celle relative au travail dissimulé. Il est inacceptable que, au total, près de 15 milliards d’euros destinés à la solidarité nationale et à la pérennité de notre système de protection sociale soient ainsi détournés.
Là encore, nous ne doutons pas que le plan de lutte contre la fraude sociale, porté par le ministre chargé des comptes publics, ainsi que les mesures prises pour lutter contre les erreurs aboutiront à des améliorations concrètes. Nous veillerons toutefois à ce que l’augmentation des moyens de contrôle soit effective.
Enfin, il a été souligné en commission que l’Ondam n’était plus respecté depuis 2020, pour la première fois depuis 2011. Pour autant, notre pays n’avait jamais eu, dans la période récente, à faire face à une pandémie mondiale d’une telle ampleur, suivie d’une telle inflation.
C’est aussi la première fois que les hôpitaux bénéficient de tels budgets : ils ont été pendant longtemps sous-financés, tandis que les soignants étaient sous-payés. Toutefois, la crise des hôpitaux est encore loin d’être terminée et beaucoup reste à faire en la matière, tout comme en faveur de l’accompagnement de l’autonomie.
Nous aurons l’occasion de discuter, à l’automne, des orientations budgétaires que nous souhaitons voir adopter pour assurer la pérennité de la sécurité sociale.
Comme à leur habitude et parce qu’ils veulent débattre, les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront contre la motion tendant à poser la question préalable.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022 (n° 705, 2022-2023), rejeté par l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour la motion.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’ai eu l’occasion, dans mon propos liminaire, d’exprimer les observations de la commission des affaires sociales sur ce premier projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, texte qu’il ne faut pas confondre avec un projet de loi d’appréciation de la politique de sécurité sociale. Il s’agit d’un exercice nouveau, et je me permets d’insister sur ce point, mes chers collègues, car j’ai entendu, dans les propos des uns et des autres, le besoin d’émettre un avis sur la politique du Gouvernement dans ce domaine.
Le texte qui nous est soumis est un projet de loi d’approbation, c’est-à-dire d’évaluation des comptes. Le moindre euro, aussi bien en recette qu’en dépense, doit faire l’objet d’une évaluation pour en déterminer l’utilité.
C’est pour cela que nous avions demandé, lors de l’examen du projet de loi organique, qu’une annexe soit consacrée à l’évaluation de l’efficacité des niches sociales : nous devons les examiner à la loupe pour apprécier si nous avons eu raison de les voter et si elles ont encore une raison d’être.
En tout cas, la commission a plusieurs raisons – je les ai données tout à l’heure – de vous proposer d’adopter cette motion qui tend à opposer la question préalable. Je reconnais que son adoption suscitera sans doute, pour tous ceux qui souhaitaient débattre, une certaine frustration. Mais pour débattre, encore faut-il disposer de tous les éléments ; or nous ne les avons pas tous.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole contre la motion ?…
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. La commission des affaires sociales propose de rejeter le texte en développant un certain nombre d’arguments. Je me permettrai d’apporter quatre précisions en réponse à certains d’entre eux.
Ma première précision concerne le refus par la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille. Un tel refus ne constitue pas une première, si je puis m’exprimer ainsi. De plus, le Gouvernement a d’ores et déjà pris toutes les dispositions pour répondre aux observations de la Cour par le biais d’un investissement massif dans les systèmes d’information, d’une fiabilisation du calcul des prestations ou encore d’un renforcement de la lutte contre la fraude.
Ma deuxième précision concerne la cohérence des données présentées dans les tableaux d’équilibre. La Cour des comptes a validé les tableaux tels qu’ils sont présentés dans le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale.
Ma troisième précision concerne les annexes au projet de loi. Je tiens à préciser que ces dernières offrent au Parlement des informations aussi exhaustives et actualisées que possible. Vous auriez souhaité que l’intégralité des 240 indicateurs des rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale prenne en compte les données de l’année 2022. Sachez que nous transmettons au Parlement les données les plus récentes dont nous disposons et que nous nous efforçons de faire en sorte que toutes ces informations soient disponibles le plus tôt possible.
Enfin, ma dernière précision est relative aux niches sociales. Je tiens à souligner le travail d’ampleur qui a été amorcé dans ce domaine dès l’automne 2022 et qui a débouché sur la remise du rapport de l’Igas et de l’IGF. Ce dernier a été publié au moment de la présentation du Placss et présente le cadre méthodologique pour l’évaluation des niches sociales au cours des prochaines années.
Le Gouvernement émet donc, vous l’aurez compris, un avis défavorable sur cette motion.
J’en profite pour remercier tous les services de mon ministère, notamment ceux de la direction de la sécurité sociale, qui ont travaillé plusieurs mois pour élaborer ce premier Placss.