M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Catherine Deroche, vous m’alertez sur les difficultés de médecins qui font face à des défauts de couverture assurantielle, pour des montants individuels importants, et qui ne sont pas couverts par le FAPDS, fonds de garantie abondé par les professionnels de santé.
En effet, le FAPDS intervient pour une réclamation soit déposée à compter du 1er janvier 2012, en cas d’expiration du délai de validité de la couverture du contrat d’assurance, soit mettant en jeu un contrat d’assurance conclu, renouvelé ou modifié à compter du 1er janvier 2012, en cas de dépassement des plafonds de garantie.
Je suis sensible à la situation de ces médecins et de leurs familles.
Néanmoins, compte tenu du nombre très limité de cas concernés, que vous avez rappelé, et conformément aux conclusions du rapport d’information de Mme Catherine Procaccia de 2021, auquel vous avez fait référence, la situation n’appelle pas, à ce jour, une évolution des textes.
Un élargissement des critères aurait, en outre, comme le souligne également le rapport d’information de la sénatrice, un impact non maîtrisé sur l’équilibre financier du fonds et poserait un problème d’équité entre les professionnels cotisant au fonds.
Je souhaite toutefois que les travaux d’évaluation prospective soient relancés, en lien avec les organismes concernés.
Ces travaux devront permettre de préciser la situation et le besoin de financement et d’ouvrir, le cas échéant, une réflexion sur la mise en place d’un financement alternatif au FAPDS ou sur l’élargissement de certains critères de prise en charge.
état des lieux de l’accueil collectif des jeunes enfants
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la question n° 634, transmise à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Marie Mercier. Madame la ministre, quel accueil voulons-nous pour nos petits enfants dans les structures collectives ?
Avant de vous parler du rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas), je veux faire une remarque d’ordre général. Vous savez que les petits enfants arrivent dans les crèches quelquefois à six heures et demie le matin. Or, jusqu’à onze heures trente, heure du déjeuner, ils ne peuvent rien manger, quand bien même un pédiatre aurait pu diagnostiquer un retard staturopondéral et réclamer cette alimentation du milieu de matinée ! Vous en conviendrez : c’est une aberration absolue. Il y a d’autres façons de lutter contre l’obésité.
Venons-en au rapport de l’Igas du 11 avril. Il existe des dysfonctionnements graves, voire très graves dans certains établissements : privations d’eau, changes non effectués, nuisances sonores, absence totale de prise en compte du rythme du nourrisson… Les enfants concernés sont presque en danger.
Pourquoi un constat aussi alarmant ? Parce qu’une logique comptable a prévalu sur le bien-être des enfants et parce que la pénurie de personnel est critique. Avez-vous mesuré l’ampleur de cette crise ?
Les professionnels de la petite enfance sont parfois démotivés, fatigués. Ils ont besoin d’être formés pour réagir aux difficultés, la qualité de l’accueil des petits enfants dépendant de l’équipe qui les prend en charge.
La Fédération française des entreprises de crèches a également mis en avant ses difficultés de recrutement, qui conduiront à la fermeture de places.
Comment comptez-vous accepter de « fabriquer » 200 000 places d’accueil alors que l’on manque de professionnels ? Où en est le service unique de la petite enfance ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Marie Mercier, je réponds en lieu et place de Jean-Christophe Combe, qui ne pouvait être présent ce matin.
En matière d’accueil du jeune enfant, le précédent quinquennat a permis des avancées concrètes, sur des sujets tels que la clarification des règles pour l’administration des médicaments, la création d’un référent santé-accueil inclusif dans toutes les crèches ou la mise en place d’une charte obligatoire sur la qualité d’accueil.
Le rapport de l’Igas que vous évoquez, que le ministre Jean-Christophe Combe avait diligenté dès juillet dernier et qu’il a rendu public il y a peu, nous invite néanmoins à aller plus loin. Il dénonce notamment l’hétérogénéité de la qualité de l’accueil sur le territoire, l’intégration insuffisante des connaissances sur le jeune enfant ou encore les limites des contrôles.
Les propositions du rapport sont en cours d’expertise, et le ministre s’est déjà engagé devant la représentation nationale à y donner suite dans les prochaines semaines.
Sur ces questions, l’action du Gouvernement est guidée par deux priorités.
La première est de garantir à toutes les familles la meilleure qualité d’accueil dans tous les établissements – publics, associatifs, privés –, en tenant compte des fragilités ou risques particuliers identifiés dans certains modèles. À ce titre, s’il n’est pas possible, en raison d’un manque de personnel, de respecter le cadre réglementaire, il faut, bien sûr, réduire la capacité d’accueil. Des décisions sont prises en ce sens par les préfets, à la suite notamment de la demande qui leur avait été faite dès l’été dernier par la Première ministre de se rapprocher des départements pour renforcer les contrôles.
La seconde est de soutenir les équipes et de lutter contre la pénurie de professionnels, à la fois symptôme et facteur aggravant de la situation. Le Gouvernement y travaille, dans le cadre d’un comité de filière dédié, avec une campagne de promotion des métiers et la construction d’un socle social commun, contrepartie de la participation de l’État au financement des revalorisations salariales.
Ce que je résume là, en réalité, c’est l’ambition de la garantie d’accueil du jeune enfant, dont le ministre a engagé le déploiement à la demande du Président de la République et de la Première ministre, et qui fera très prochainement l’objet de premières annonces.
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.
Mme Marie Mercier. Madame la ministre, les crèches sont une chance pour le développement des enfants, une chance absolue ! Protéger les plus vulnérables doit être l’honneur d’un État digne de ce nom.
Je vous remercie de bien vouloir relayer cette histoire de collation de milieu de matinée : derrière son apparence anecdotique, il y va de la bonne santé de l’enfant. (Mme la ministre déléguée opine.)
Merci de rendre cette filière attractive !
situation des hôpitaux en isère
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 664, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, depuis plusieurs mois, les hôpitaux isérois se trouvent dans une situation alarmante. À Voiron, un collectif de citoyens et de soignants cherche à interpeller le Gouvernement sur le manque de moyens et de personnel.
Bien que l’hôpital de Voiron soit pratiquement neuf, un bâtiment entier est vide, alors qu’il pourrait accueillir des lits pour prendre en charge les patients qui en ont besoin.
Le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes (CHU-GA) se trouve également en grande difficulté. Les représentants du personnel, en grève illimitée depuis plusieurs mois, alertent sur leurs conditions de travail. Ils ont d’ailleurs déposé un signalement auprès du procureur pour mise en danger de la santé d’autrui.
Avec la fermeture des urgences de Voiron et de Bourgoin-Jallieu, toutes les urgences du CHU-GA sont complètement saturées. Conséquence dramatique de cette situation, depuis décembre 2022, trois personnes dont le pronostic médical n’indiquait pas d’urgence à leur arrivée sont décédées alors qu’elles attendaient un lit.
L’équipe de chirurgie pédiatrique vient, elle aussi, de craquer. Six nouveaux arrêts de travail obligent à annuler les interventions pédiatriques. Près de cinq cents enfants et leurs familles sont aujourd’hui dans l’attente.
Nous avons appris récemment que 123 lits seraient rouverts en septembre, mais cela ne compensera malheureusement pas le nombre de lits fermés.
Aussi, madame la ministre, comptez-vous enfin prendre des mesures efficaces pour améliorer la situation du système hospitalier en France, notamment en Isère, où elle est particulièrement critique ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Guillaume Gontard, le Gouvernement a déjà pris de nombreuses mesures pour améliorer la situation du système de santé et des hôpitaux, notamment les investissements du Ségur, ainsi que la revalorisation des primes de nuit et des astreintes de garde.
Notre mobilisation est constante pour continuer de traduire les engagements du Président de la République en termes d’attractivité et de refondation de nos hôpitaux, à l’échelon national comme local.
Certaines de ces mesures produisent déjà leurs effets, d’autres auront un impact à moyen terme. Leur mise en œuvre revient aussi aux acteurs territoriaux pour élaborer des solutions durables.
Concernant la situation du CHU Grenoble Alpes, des tensions existent en effet, principalement dues à une pénurie de ressources humaines médicales et paramédicales, plutôt qu’à un manque de moyens.
Cependant, je ne puis vous laisser dire que la moitié des lits sont fermés, car c’est faux. Ces fermetures sont liées tant à l’évolution des prises en charge qu’à des problématiques d’effectifs. Quant au signalement adressé au procureur, il a été classé sans suite.
Je puis, en revanche, vous assurer que toutes les précautions sont prises par la gouvernance de l’établissement pour assurer la sécurité des patients en adaptant l’organisation aux ressources disponibles.
S’agissant du service des urgences du site de Voiron, celui-ci n’est pas fermé : son organisation a été adaptée sur les plages horaires de nuit, du fait d’une insuffisance de ressources médicales.
Pour ce qui concerne les locaux disponibles, il s’agit non pas d’un bâtiment entier vide, mais d’une unité non utilisée en raison d’un projet initial d’installation d’une clinique voisine qui n’a pas été mené à terme. Ces espaces seront réaffectés à l’avenir en fonction des besoins de la population et des ressources disponibles.
Le centre hospitalier Pierre Oudot, à Bourgoin-Jallieu, reste opérationnel, offrant ainsi une solution de rechange pour les patients. L’offre de soins urgents est également complétée par les cliniques privées, dont les services d’urgence continuent à jouer leur rôle.
En réaction à ces tensions, les mesures d’urgence pérennisées issues de la mission flash sont pleinement mobilisées sur le territoire isérois. Elles comprennent l’envoi d’infirmiers à domicile par le service d’aide médicale urgente (Samu) pour des levées de doute et la revalorisation des rémunérations pour encourager les praticiens à participer aux gardes et à la régulation médicale, entre autres.
Ces actions, appuyées par l’engagement des professionnels de santé, permettent de garantir la continuité de la réponse aux besoins de soins sur le territoire.
Enfin, l’agence régionale de santé (ARS) joue un rôle dans la coordination des acteurs, fluidifiant les filières de soins grâce à des avancées, comme celle qui a été récemment obtenue dans la filière psychiatrique et qui a permis de soulager le service d’urgence du CHU-GA.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Si je vous comprends bien, madame la ministre, tout va bien !
M. Guillaume Gontard. Cela ne me semble pourtant pas tout à fait le cas… À Voiron, à Bourgoin-Jallieu ou à Grenoble, la situation est particulièrement dramatique. J’aurais donc aimé que vous apportiez une réponse plus précise, qui corresponde à l’urgence présente ; il faut en effet agir tout de suite.
Il est vrai qu’il y a une pénurie de ressources, liée notamment aux conditions de travail. De nombreux médecins démissionnent et, du fait d’un taux de postes vacants de 50 %, le CHU-GA fonctionne avec seulement la moitié de ses effectifs.
Le problème n’est pas seulement financier, vous l’avez dit : les hôpitaux sont confrontés à des difficultés de recrutement. Il faut urgemment augmenter le nombre de places en faculté de médecine et favoriser le recrutement extérieur, par exemple en facilitant la reconnaissance de l’équivalence de diplôme des médecins étrangers.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Ouvertures de casinos
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos, présentée par Mme Catherine Deroche, M. Stéphane Piednoir, M. Claude Nougein et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 363, texte de la commission n° 585, rapport n° 584).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Deroche, auteure de la proposition de loi.
Mme Catherine Deroche, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que Stéphane Piednoir, Claude Nougein et moi-même vous présentons reprend en partie un texte déposé en avril 2019 par les quatre sénateurs de Maine-et-Loire, sollicités alors par le maire de Saumur.
Ce texte étendait la possibilité d’installation d’un casino aux communes comptant dans leur périmètre un ou plusieurs éléments du patrimoine matériel ou immatériel propriété de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE).
La proposition de loi déposée cette année a été travaillée avec les députées des circonscriptions des communes de Saumur et Arnac-Pompadour – je salue Laetitia Saint-Paul, députée de Maine-et-Loire, présente dans nos tribunes. J’y associe les premiers cosignataires, Emmanuel Capus et Daniel Chasseing.
L’ouverture d’un casino est une source importante d’emplois et contribue de façon déterminante au développement touristique et culturel, ce qui rejaillit nécessairement sur l’ensemble des autres activités de la commune où il est implanté, participant ainsi à son animation et à l’attractivité du territoire concerné. Par ailleurs, les casinos sont souvent parmi les premiers contributeurs du budget des communes qui les accueillent.
Les jeux d’argent et de hasard, dont les casinos font partie, sont régis par un principe de prohibition, qui connaît toutefois des dérogations limitatives et encadrées.
En effet, les textes en vigueur, votés avant l’existence des jeux en ligne, limitent l’ouverture des casinos aux stations thermales, balnéaires ou climatiques ; aux villes principales d’agglomérations de plus de 500 000 habitants ayant des activités touristiques et culturelles particulières, participant pour plus de 40 % au fonctionnement d’un centre dramatique national ou d’une scène nationale, d’un orchestre national et d’un théâtre d’opéra ; aux communes dans lesquelles un casino était régulièrement exploité avant l’entrée en vigueur de la loi du 14 avril 2006 portant diverses dispositions relatives au tourisme ; enfin, aux communes ou stations classées de tourisme de plus de 15 000 habitants du département de la Guyane.
Cette liste a l’avantage de poser des limites à une activité qui se doit – nous souscrivons à cet objectif – d’être strictement encadrée.
Ce faisant, elle a aussi pour effet de concentrer les casinos dans certaines zones géographiques, notamment les bords de mer ou les départements les plus urbanisés, en privant d’autres zones, moins dynamiques, de cette activité pourtant susceptible de les aider à développer une économie locale. La législation actuelle sur l’implantation des casinos est donc à l’origine d’inégalités territoriales peu justifiées.
Les départements ruraux du centre de la France ont notamment pour attrait touristique les activités équestres, qui, de par leur lien avec le monde du jeu et des paris, pourraient constituer le support du développement d’infrastructures touristiques, telles que des casinos.
Ainsi, en autorisant les villes ayant développé une activité importante en lien avec l’équitation à ouvrir des casinos, il serait possible de pallier l’inégale répartition de ces établissements sur le territoire.
Pour cette raison, notre proposition de loi vise à autoriser la création de casinos dans les communes « sites historiques du Cadre noir et des haras nationaux » qui ont organisé, pendant au moins cinq années avant le 1er janvier 2023, dix événements hippiques de rayonnement national ou international. À ce jour, seules deux communes, Arnac-Pompadour et Saumur, entrent dans ce cadre.
L’IFCE est l’opérateur public au service de la filière équine française qui assure la gestion du Cadre noir de Saumur, mais aussi d’une vingtaine de haras nationaux partout en France. Il est dépositaire d’un patrimoine matériel et immatériel équestre unique, qu’il lui appartient de porter et valoriser, seul ou en partenariat. Ses actions se déploient sur tout le territoire sous les marques patrimoniales haras nationaux et Cadre noir, dont Saumur et Arnac-Pompadour sont les sièges sociaux et administratifs.
Il est à noter qu’il ne reste que deux sites « haras national » en France avec participation de l’État : Arnac-Pompadour et Saumur. De plus, les missions régaliennes ayant évolué, l’État se désengagera progressivement de ces deux sites. Les autres haras nationaux, au nombre d’une vingtaine, ont été cédés ou donnés.
Reste Uzès, encore haras national, qui n’accueille plus de compétitions et n’est plus utilisé que pour des formations. Par ailleurs, ce site n’est pas historique, puisqu’il a été construit en 1962.
Conditionner l’ouverture d’un casino à l’existence d’un patrimoine équestre participerait ainsi au développement de cette filière touristique importante, tout en assurant un soutien à la relance de l’ensemble de la filière cheval.
La commission, partageant l’objectif des auteurs de la proposition de loi, a souhaité améliorer le dispositif proposé, d’une part, en s’assurant que les communes visées satisfont aux critères pertinents qui justifient l’ouverture d’un casino sur leur territoire et, d’autre part, en permettant aux communes dotées des infrastructures équestres similaires à celles de Saumur et d’Arnac-Pompadour d’accueillir le cas échéant un casino.
Mes collègues coauteurs s’exprimeront dans la discussion générale. Je vous remercie, d’ores et déjà, du soutien apporté à ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte proposé par Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, et par ses collègues a une ambition simple. Son article unique vise à répondre aux attentes anciennes et légitimes des maires de territoires ruraux qui souhaitent accueillir un casino.
Il s’agit plus précisément des communes de Saumur et d’Arnac-Pompadour, qui disposent d’équipements équestres ancestraux, nécessitant que des financements soient trouvés rapidement pour assurer leur pérennité.
En effet, depuis plus de dix ans, l’État se désengage progressivement de la filière équestre, laissant bien souvent les collectivités territoriales bien seules pour entretenir et financer les activités et les infrastructures de cette filière. Or ces équipements et les événements équins font partie intégrante du patrimoine de ces territoires. Ils sont de véritables atouts permettant d’attirer touristes et visiteurs.
Vous le savez, l’ouverture d’un casino municipal est par principe prohibée. Depuis près de deux siècles, l’État encadre de manière très stricte les jeux d’argent et de hasard. Cette interdiction est justifiée par les motifs d’intérêt général tenant à la prévention des « risques d’atteinte à l’ordre public et à l’ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs ».
L’exploitation des casinos fait partie des exceptions anciennes au principe de prohibition, mais son étendue a peu évolué au cours des dernières années.
Actuellement, les seules catégories de communes pouvant accueillir un casino, de manière dérogatoire, figurent sur la liste limitative prévue à l’article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure. Il s’agit principalement des communes classées stations balnéaires, thermales, climatiques, de tourisme, ou des villes principales d’agglomérations de plus de 500 000 habitants dotées d’établissements culturels spécifiques.
Par ailleurs, une particularité existe depuis plus d’un siècle pour la Ville de Paris, puisqu’il est interdit d’exploiter un casino à moins de 100 kilomètres de son territoire, exception faite de la commune d’Enghien-les-Bains. Toutefois, depuis le 1er janvier 2018, la capitale expérimente l’exploitation de sept clubs de jeux ; cette expérimentation prendra fin le 31 décembre 2024.
Enfin, l’ouverture d’un casino municipal nécessite une double autorisation, à la fois municipale et ministérielle.
L’autorisation du ministère de l’intérieur fait suite notamment à une enquête administrative. Les services de ce ministère contrôlent et régulent de manière très rigoureuse cette branche des jeux d’argent et de hasard. À ce jour, il existe 203 casinos, et leur nombre n’a que peu évolué au cours des dernières années.
Mes chers collègues, à l’issue de cette courte présentation du cadre juridique applicable aux casinos, je souhaite vous exposer la position de la commission des lois, dont les membres se sont prononcés favorablement sur la proposition de loi visant à introduire une sixième hypothèse de dérogation à l’interdiction d’exploitation de casinos.
La commission a notamment été sensible au fait que les territoires ruraux ne disposent pas des mêmes atouts que les communes du littoral – c’est une évidence – et qu’ils pourraient utilement bénéficier de l’ouverture de casinos pour accroître leur attrait touristique et leurs ressources financières.
En outre, les communes qui ont une activité équestre importante sont déjà en lien avec l’univers du jeu et des paris, de sorte que l’ouverture d’un casino viendrait compléter une offre touristique liée aux jeux d’argent et de hasard déjà existant.
Au surplus, les maires de Saumur et d’Arnac-Pompadour ont mis en avant la nécessité de l’arrivée d’un casino dans leur commune pour financer l’activité équestre présente sur leur territoire ou à proximité.
C’est pourquoi l’intention qui sous-tend la proposition de loi de la présidente Deroche et de ses collègues a emporté la complète adhésion de notre commission, laquelle a néanmoins souhaité améliorer le caractère opérationnel du dispositif, en ciblant mieux les communes susceptibles d’en bénéficier.
En premier lieu, la commission des lois a jugé pertinent de permettre aux communes disposant d’une infrastructure équestre pluriséculaire d’accueillir un casino sur leur territoire. Elle a décidé d’étendre, de manière restrictive, le champ de la proposition de loi aux communes qui accueillent soit le site historique du Cadre noir, soit un haras national.
Cette extension demeure très limitée, dans la mesure où, selon les informations transmises par l’IFCE, seules huit communes pourraient éventuellement justifier de la présence d’un haras dit « national ».
En deuxième lieu, la commission a maintenu l’exigence d’activités équestres régulières et anciennes au sein de la commune : cette dernière doit pouvoir justifier de l’organisation d’au moins dix événements équestres par an entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2023.
En troisième lieu, afin de conserver un lien étroit entre la commune, les activités hippiques et les paris sportifs qui y sont associés, la commission a introduit une troisième condition : la présence du siège d’une société de courses hippiques dans la commune.
En résumé, le texte voté en commission permet aux communes d’accueillir un casino si elles répondent aux trois conditions cumulatives suivantes : disposer d’un haras national ou du site historique du Cadre noir ; avoir organisé au moins dix événements équestres à caractère national ou international par an au cours des cinq dernières années ; être le siège d’une société de courses hippiques au 1er janvier 2023.
À l’aune de ces trois critères, le texte qui est soumis à votre appréciation offre la possibilité d’ouvrir de nouveaux casinos, mais de manière extrêmement réduite. En effet, la commission a souhaité s’inscrire dans la philosophie du législateur, en restreignant au maximum la création d’établissements de jeux d’argent et de hasard.
De plus, la commission a tenu compte de la nécessité urgente de répondre aux difficultés de financement des activités et infrastructures équestres des communes de Saumur et d’Arnac-Pompadour. Il s’agit de régler une situation particulière.
Par ailleurs, le texte issu des travaux de la commission assure une égalité de traitement avec les communes disposant d’infrastructures similaires, sans déséquilibrer la filière des casinos sur l’ensemble du territoire.
Néanmoins, j’y insiste, il apparaît nécessaire d’envisager une réflexion plus globale sur les critères d’installation d’un casino dans une commune. À cet égard, la fin de l’expérimentation relative aux clubs de jeux parisiens, prévue le 31 décembre 2024, sera l’occasion pour le Gouvernement de clarifier et de remettre à plat, par un véhicule législatif plus adapté, les règles régissant l’installation des casinos en France.
Pour conclure, ayant régulièrement échangé avec les auteurs de la proposition de loi,…
M. Claude Nougein. C’est vrai !
M. François Bonhomme, rapporteur. … je les remercie chaleureusement de leur disponibilité et de la qualité de nos discussions, qui ont visé à formuler des pistes de solution équilibrées et consensuelles, dans l’intérêt de nos communes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec plus de 200 établissements sur son territoire, la France concentre 40 % des casinos de l’Union européenne. Elle jouit ainsi d’une offre ludique considérable, qui constitue un véritable atout pour l’attractivité de nos territoires.
Pour les 196 communes accueillant un casino, au-delà des revenus fiscaux directs perçus, cette exploitation participe au développement de l’économie locale et à l’attractivité du territoire, en créant des emplois en son sein, mais aussi dans son environnement direct.
Toutefois, compte tenu de leurs critères d’implantation, l’offre de casinos est inégalement répartie sur le territoire national. Elle se concentre majoritairement sur les bords de mer ou dans les départements les plus urbanisés. D’autres zones, moins dynamiques, sont quant à elles non couvertes – c’est le cas de 38 départements français.
Ces critères d’implantation sont le fruit de près de deux siècles d’encadrement strict, mais nécessaire, des jeux d’argent et de hasard par l’État.
Actuellement, conformément au code de la sécurité intérieure, peuvent accueillir un casino de manière dérogatoire les communes classées stations balnéaires, thermales, climatiques ou de tourisme ou les villes principales d’agglomération de plus de 500 000 habitants qui sont dotées d’établissements culturels spécifiques.
La multiplication de démarches émanant aussi bien d’élus locaux que de parlementaires témoigne d’une volonté, sur le terrain, de faire évoluer les conditions d’implantation de ces établissements.
Pour autant, il est essentiel de penser cette évolution avec prudence et sagesse. Le cadre juridique d’implantation des casinos doit ainsi être réformé pour maîtriser l’évolution du nombre de ces établissements.
Compte tenu des enjeux de sécurité et de santé publique liés à leurs activités, les casinos font l’objet d’une grande vigilance de la part des services du ministère de l’intérieur et des outre-mer. C’est dans cette perspective que la direction des libertés publiques et des affaires juridiques procède aux interdictions administratives de jeux ou agrée les employés des casinos.
De même, le service central des courses et jeux (SCCJ) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) réalise des audits périodiques des établissements pour veiller au respect de la réglementation, mène des enquêtes administratives sur les employés et mobilise un réseau de correspondants territoriaux.
Préserver la capacité du ministère de l’intérieur et des outre-mer d’assurer, à moyens constants, ces missions, est fondamental pour la sécurité de tous.
Par ailleurs, nous devons penser cette évolution avec précaution et discernement pour ne pas fragiliser le réseau de casinos existant, en garantissant une aire de chalandise suffisante pour ces établissements. Si une remise à plat des critères d’implantation des casinos devait avoir lieu, elle mériterait une large concertation avec les acteurs de ce secteur économique singulier.
Afin d’étendre le maillage actuel de l’implantation des casinos en France et de permettre à des communes rurales d’en bénéficier, cette proposition de loi étend la possibilité d’installation des casinos à un nouveau cas de figure.
Il est en effet proposé d’autoriser l’implantation d’un casino aux communes sur le territoire desquelles sont implantés, au 1er janvier 2023, le siège d’une société de courses hippiques, ainsi que le site historique du Cadre noir ou un haras national où ont été organisés au moins dix événements équestres au rayonnement national ou international par an entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2023.
Trois communes qui, à l’heure actuelle, ne sont pas dotées d’un casino deviendraient éligibles : Arnac-Pompadour, Saumur et Segré-en-Anjou Bleu. La rédaction issue de l’examen du texte en commission étend ainsi l’autorisation d’implantation d’un casino à un nombre limité de communes.
Si elle ne constitue pas une fin en soi, cette proposition de loi permet de faire évoluer les conditions d’implantation de nos casinos et d’aller vers des zones blanches, répondant en cela à une attente forte des territoires concernés.
Pour ces raisons, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat quant à l’adoption de ce texte, dont nous souhaitons que la rédaction soit retravaillée au cours de la navette parlementaire, afin de prévoir le cumul d’un critère tiré de l’activité hippique et d’un critère lié au classement touristique de la commune. Cette nouvelle rédaction s’inscrirait dans la logique de la rédaction actuelle de l’article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure, qui exige la vérification d’un critère d’attractivité touristique constaté par un label.
Par ailleurs, nous attirons votre attention sur le risque que des ajouts dans la loi au gré de la promotion d’intérêts particuliers n’aboutissent à un inventaire à la Prévert de critères dépourvus de cohérence.
Si un casino est un atout pour l’attractivité d’un territoire et pour le développement local, son implantation ne peut guère faire l’économie des moyens de vigilance accrue que ces établissements mobilisent face aux enjeux de sécurité et de santé publique intrinsèquement liés à leurs activités.
Pour finir, je remercie les parlementaires qui se sont saisis de cet enjeu, qui touche au cœur de nos territoires et aux loisirs de nos concitoyens.