Sommaire

Présidence de M. Alain Richard

Secrétaires :

Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.

1. Procès-verbal

2. Décès d’un ancien sénateur

3. Questions orales

difficultés de montage des dossiers de subventionnement européen

Question n° 515 de M. Fabien Genet. – M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger ; M. Fabien Genet.

saturation des services de visas en afrique du nord et subsaharienne

Question n° 628 de Mme Hélène Conway-Mouret. – M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.

dysfonctionnements et retards dans le traitement des dossiers et le versement des subventions de rénovation thermique des logements

Question n° 600 de M. Rémi Cardon. – M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger ; M. Rémi Cardon.

financements de remplacement pour les communes après l’abrogation de la taxe pluviale

Question n° 651 de Mme Christine Herzog. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Christine Herzog.

routes nationales dans le gers

Question n° 663 de M. Alain Duffourg. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

multiples nuisances occasionnées par le dispositif de vélos-taxis de type tuk-tuk à paris

Question n° 644 de Mme Catherine Dumas. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Catherine Dumas.

renouvellement des conventions france services

Question n° 658 de M. Alain Marc. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Alain Marc.

manque de protection sociale des enfants issus de la communauté rom

Question n° 660 de Mme Brigitte Lherbier. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

fonds vert

Question n° 677 de M. Jean-Baptiste Blanc. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

accompagnement des commerçants rennais

Question n° 657 de Mme Sylvie Robert. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

vol de matériel agricole

Question n° 199 de M. Jean-Marie Mizzon. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean-Marie Mizzon.

reconnaissance de l’utilité des systèmes d’endiguement sur la garonne

Question n° 627 de Mme Nathalie Delattre. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

reclassement de l’habitat inclusif en établissement recevant du public

Question n° 653 de M. Pierre-Jean Verzelen. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

vote des budgets communaux et retard dans la transmission des informations aux collectivités

Question n° 612 de M. Stéphane Demilly. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

situation financière alarmante de saint-saulve dans le département du nord liée au calcul de la dotation globale de fonctionnement

Question n° 633 de Mme Martine Filleul. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Martine Filleul ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée.

moyens humains et financiers dédiés aux collectivités

Question n° 646 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

politique de lutte contre les violences faites aux femmes

Question n° 552 de Mme Amel Gacquerre. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

exclusion des chaudières à gaz du label « basse consommation »

Question n° 642 de Mme Kristina Pluchet. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Kristina Pluchet.

création d’un budget opérationnel de programme en normandie

Question n° 673 de Mme Agnès Canayer. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Agnès Canayer.

conditions d’éligibilité aux aides relatives au statut de calamités agricoles sécheresse

Question n° 607 de M. Max Brisson. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Max Brisson.

rôle et moyens de l’agence française anticorruption

Question n° 606 de M. Jean-Pierre Sueur. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean-Pierre Sueur.

fichier des comptes bancaires et données personnelles des français

Question n° 227 de M. Gilbert Roger. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; M. Gilbert Roger.

guichet unique

Question n° 506 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Gilbert-Luc Devinaz.

automatisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et impact sur le budget de la commune de lambersart

Question n° 576 de M. Olivier Henno. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.

situation de l’école nationale supérieure d’architecture de normandie

Question n° 638 de Mme Catherine Morin-Desailly. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; Mme Catherine Morin-Desailly.

conséquences du filet de sécurité pour les communes

Question n° 647 de Mme Céline Brulin. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; Mme Céline Brulin.

dépôt dématérialisé des comptes annuels des entreprises

Question n° 679 de M. Serge Babary. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Serge Babary.

accès aux informations concernant la santé pour les jeunes sourds et malentendants

Question n° 622 de Mme Colette Mélot. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.

mise en œuvre d’une convention de mise à disposition des accompagnants d’élèves en situation de handicap

Question n° 544 de Mme Nadège Havet. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.

formation des enseignants et calcul du droit à pension de retraite

Question n° 639 de M. Olivier Rietmann. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Olivier Rietmann.

difficultés à venir pour les festivals et les spectacles

Question n° 518 de Mme Else Joseph. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; Mme Else Joseph.

agence nationale du sport et développement des infrastructures en milieu rural

Question n° 564 de M. Laurent Somon. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.

complément de traitement indiciaire pour le personnel des filières administrative, logistique et technique des établissements médico-sociaux autonomes

Question n° 655 de M. Bruno Sido. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Bruno Sido.

avenir des dépistages des cancers

Question n° 567 de Mme Valérie Boyer. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Valérie Boyer.

inquiétudes des infirmiers libéraux

Question n° 603 de Mme Nathalie Delattre, en remplacement de M. Henri Cabanel. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Nathalie Delattre.

situation des urgences du centre hospitalier d’ardèche méridionale

Question n° 618 de Mme Anne Ventalon. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Anne Ventalon.

inquiétudes des personnes handicapées concernant la future réforme des dispositifs médicaux

Question n° 640 de M. Philippe Mouiller. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Philippe Mouiller.

développement de l’apprentissage dans la fonction publique hospitalière

Question n° 494 de M. Bernard Buis. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Bernard Buis.

réévaluation du pictogramme de « femme enceinte »

Question n° 676 de Mme Jocelyne Guidez. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

exclus du fonds de garantie abondé par tous les professionnels de santé

Question n° 678 de Mme Catherine Deroche. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

état des lieux de l’accueil collectif des jeunes enfants

Question n° 634 de Mme Marie Mercier. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Marie Mercier.

situation des hôpitaux en isère

Question n° 664 de M. Guillaume Gontard. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Guillaume Gontard.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

4. Ouvertures de casinos. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Catherine Deroche, auteure de la proposition de loi

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté

Mme Nathalie Goulet

Mme Nathalie Delattre

M. Claude Nougein

M. Emmanuel Capus

Mme Monique de Marco

Mme Nicole Duranton

M. Joël Bigot

Mme Cécile Cukierman

M. Stéphane Piednoir

M. Daniel Chasseing

M. Hussein Bourgi

M. Édouard Courtial

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Amendement n° 1 rectifié de M. Franck Menonville. – Rejet.

Amendement n° 2 rectifié ter de Mme Else Joseph. – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Nathalie Goulet

Adoption de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

5. Ferme France. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Laurent Duplomb, auteur de la proposition de loi

M. Pierre Louault, auteur de la proposition de loi

M. Serge Mérillou, auteur de la proposition de loi

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

Question préalable

Motion n° 10 de M. Daniel Salmon. – M. Daniel Salmon ; Mme Sophie Primas, rapporteur ; M. Marc Fesneau, ministre ; M. Jean-Claude Tissot. – Rejet par scrutin public n° 283.

Discussion générale (suite)

M. Jean-Claude Requier

M. Daniel Gremillet

M. Franck Menonville

6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

7. Ferme France. – Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)

M. Joël Labbé

Mme Patricia Schillinger

M. Jean-Claude Tissot

M. Fabien Gay

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Guillaume Chevrollier

Mme Nadia Sollogoub

Mme Muriel Jourda

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

Clôture de la discussion générale.

Avant l’article 1er

Amendements identiques nos 70 rectifié quinquies de Mme Sylviane Noël et 79 rectifié de M. Franck Menonville. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Article 1er

M. Stéphane Demilly

Amendements identiques nos 11 de M. Daniel Salmon et 57 de M. Fabien Gay. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 27 rectifié de M. Jean-Claude Tissot. – Adoption.

Amendement n° 121 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendement n° 82 de M. François Bonhomme. – Retrait.

Article 2

Amendement n° 28 rectifié de M. Jean-Claude Tissot. – Adoption.

Amendement n° 12 de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 122 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 2

Amendement n° 86 rectifié de M. Henri Cabanel. – Rejet.

Article 3

Amendement n° 13 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 104 de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 29 rectifié de Mme Angèle Préville. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 3

Amendement n° 30 rectifié de M. Franck Montaugé. – Rejet.

Article 4

Amendement n° 105 de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 31 rectifié de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.

Amendement n° 58 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendement n° 123 rectifié de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 5

M. Jean-Claude Tissot

Amendement n° 59 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendement n° 106 de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendements identiques nos 19 rectifié ter de M. Michel Canévet et 54 rectifié ter de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 90 de M. Franck Montaugé. – Rejet.

Amendement n° 7 rectifié de M. Laurent Duplomb. – Rejet.

Amendement n° 32 rectifié de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.

Amendement n° 124 rectifié de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

Article 6

Amendements identiques nos 33 rectifié de M. Jean-Claude Tissot et 94 de M. Daniel Salmon. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 7

Amendement n° 34 rectifié de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 8

M. Jean-Claude Tissot

Mme Patricia Schillinger

Amendements identiques nos 35 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy, 60 de M. Fabien Gay et 107 de M. Joël Labbé. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 87 rectifié de M. Henri Cabanel. – Rejet.

Amendement n° 36 rectifié de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.

Amendement n° 8 rectifié de M. Laurent Duplomb. – Rejet.

Amendement n° 9 rectifié de M. Laurent Duplomb. – Adoption.

Adoption, par scrutin public n° 284, de l’article modifié.

Après l’article 8

Amendement n° 37 rectifié de M. Franck Montaugé. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 9

Amendement n° 92 rectifié bis de M. Jean-François Longeot. – Adoption.

Amendement n° 84 rectifié de M. Henri Cabanel. – Devenu sans objet.

Amendements identiques nos 22 rectifié bis de M. Michel Canévet et 75 rectifié de M. Franck Menonville. – Devenus sans objet.

Amendement n° 85 rectifié de M. Henri Cabanel. – Devenu sans objet.

Amendements identiques nos 23 rectifié ter de M. Michel Canévet et 76 rectifié de M. Franck Menonville. – Devenus sans objet.

Amendement n° 108 de M. Joël Labbé. – Devenu sans objet.

Amendement n° 125 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 91 rectifié bis de M. Jean-François Longeot. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 10

Amendement n° 109 de M. Joël Labbé. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 10

Amendement n° 26 rectifié ter de Mme Françoise Gatel. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 38 rectifié de Mme Angèle Préville. – Rejet.

Article 11

M. Marc Laménie

Amendements identiques nos 39 rectifié de M. Jean-Claude Tissot, 61 de M. Fabien Gay et 110 de M. Joël Labbé. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 111 de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 112 de M. Joël Labbé. – Rejet.

Adoption, par scrutin public n° 285, de l’article.

Après l’article 11

Amendements identiques nos 56 rectifié bis de Mme Anne-Catherine Loisier et 83 rectifié bis de M. Henri Cabanel. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendement n° 119 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 12

Amendements identiques nos 62 rectifié de M. Fabien Gay, 74 de M. Didier Marie et 113 de M. Joël Labbé. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 95 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 126 de la commission. – Adoption.

Adoption, par scrutin public n° 286, de l’article modifié.

Article 12 bis (nouveau)

Amendement n° 96 de M. Daniel Salmon. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 12 bis

Amendement n° 97 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Article 13

Amendements identiques nos 40 rectifié de M. Jean-Claude Tissot, 63 de M. Fabien Gay et 114 de M. Joël Labbé. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 127 de la commission. – Adoption.

Adoption, par scrutin public n° 287, de l’article modifié.

Article 14

Amendement n° 21 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Adoption.

Amendement n° 117 de M. Joël Labbé. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 15

Amendements identiques nos 14 de M. Daniel Salmon, 41 rectifié de M. Jean-Claude Tissot, 64 de M. Fabien Gay et 72 de Mme Patricia Schillinger. – Rejet des quatre amendements.

Amendement n° 98 de M. Daniel Salmon. – Adoption.

Adoption, par scrutin public n° 287, de l’article.

Après l’article 15

Amendement n° 17 rectifié de M. Alain Duffourg. – Rejet.

Amendement n° 99 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Article 16

Amendement n° 65 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendement n° 42 rectifié de M. Franck Montaugé. – Rejet.

Amendement n° 100 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 17

Amendements identiques nos 15 de M. Daniel Salmon, 43 rectifié de M. Jean-Claude Tissot et 66 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l’article.

Article 18

Amendements identiques nos 44 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy, 67 de M. Fabien Gay, 93 de Mme Patricia Schillinger et 115 de M. Joël Labbé. – Rejet des quatre amendements.

Adoption de l’article.

Article 19

Amendements identiques nos 16 de M. Joël Labbé, 47 rectifié de M. Jean-Claude Tissot, 68 de M. Fabien Gay et 88 rectifié de Mme Guylène Pantel. – Rejet des quatre amendements.

Adoption, par scrutin public n° 289, de l’article.

Article 20

Amendements identiques nos 48 rectifié de M. Jean-Claude Tissot, 69 de M. Fabien Gay et 101 de M. Daniel Salmon. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 128 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 129 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 21

Amendements identiques nos 20 rectifié bis de M. Michel Canévet, 51 rectifié de M. Franck Montaugé, 55 rectifié ter de Mme Anne-Catherine Loisier et 89 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Adoption des quatre amendements.

Amendement n° 71 rectifié bis de M. Laurent Duplomb. – Retrait.

Amendement n° 102 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 22

Amendements identiques nos 49 rectifié de M. Jean-Claude Tissot et 120 du Gouvernement. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 103 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 22

Amendement n° 118 rectifié bis de Mme Annick Jacquemet. – Retrait.

Article 23

Amendement n° 116 de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 50 rectifié bis de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 24

Amendement n° 4 rectifié ter de M. Jean-François Longeot. – Retrait.

Amendements identiques nos 24 rectifié ter de M. Michel Canévet et 77 rectifié de M. Franck Menonville. – Retrait de l’amendement n° 24 rectifié ter, l’amendement n° 77 rectifié n’étant pas soutenu.

Adoption de l’article.

Article 25

Amendement n° 130 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Intitulé du titre VI

Amendement n° 131 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’intitulé.

Article 26 – Adoption.

Mme Sophie Primas, rapporteur

M. Marc Fesneau, ministre

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Alain Richard

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

M. Jean-Claude Tissot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 10 mai 2023 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Roger Lise, qui fut sénateur de la Martinique de 1977 à 1995.

3

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

difficultés de montage des dossiers de subventionnement européen

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, auteur de la question n° 515, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée de l’Europe.

M. Fabien Genet. Monsieur le ministre, je rencontre chaque semaine les élus municipaux de mon département de la Saône-et-Loire et je suis chaque fois marqué par les difficultés qu’ils rencontrent pour boucler les plans de financement de leurs investissements.

Bien évidemment, le coût de ces projets souffre de l’inflation et de la hausse du prix des matières premières. Mais s’y ajoute la difficulté à trouver des cofinancements, en particulier auprès des fonds européens.

Dans un département rural comme le nôtre, nos élus étaient habitués au Fonds européen de développement régional (Feder) ou encore aux fonds Liaison entre action de développement de l’économie rurale (Leader).

Ces fonds européens, gérés par les régions, posent aujourd’hui de grandes difficultés aux collectivités, notamment rurales, qui souhaitent les utiliser. En effet, ces dossiers très complexes réclament une ingénierie particulière, ce qui dissuade bien souvent les élus de se lancer dans ces demandes, d’autant que le délai moyen de versement et de décaissement des aides est de deux à trois ans, ce qui est parfaitement insoutenable pour beaucoup de nos collectivités.

Plusieurs exemples venus du terrain montrent que le recours à ces fonds est bien souvent délaissé par les élus, qui préfèrent trouver d’autres solutions de financement et qui sont obligés de décaler la réalisation de leurs projets. En outre, il semblerait qu’il existe d’importantes disparités régionales dans l’utilisation de ces fonds européens, comme l’avait relevé notre collègue Colette Mélot dans son rapport d’information sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France.

Monsieur le ministre, je souhaiterais donc vous interroger sur l’utilisation de ces fonds, sur leur répartition sur le territoire, sur leur consommation et sur les simplifications de démarches envisageables pour permettre aux collectivités territoriales d’y recourir dans les meilleures conditions.

Pourriez-vous plus particulièrement m’indiquer les chiffres relatifs à la consommation de ces crédits pour la région Bourgogne-Franche-Comté, dont relève le département de la Saône-et-Loire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité et des Français de létranger. Monsieur le sénateur Genet, la France a bénéficié d’une enveloppe de 27,8 milliards d’euros au titre des fonds européens sur la programmation 2014-2020 et de 17,3 milliards d’euros sur la programmation 2021-2027.

Pour la période 2014-2020, la région Bourgogne-Franche-Comté, sur laquelle vous m’interrogez plus spécifiquement, s’est vu allouer 1,49 milliard d’euros. L’exécution de la programmation 2021-2027 étant en cours, les chiffres ne sont pas encore arrêtés.

La programmation 2014-2020 a été particulière, car marquée par plusieurs crises, notamment celle de la covid-19. L’Union européenne a par ailleurs lancé React-EU en 2020, qui a abondé les programmes du Feder, du Fonds social européen (FSE) ou encore du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) à hauteur de 47,5 milliards d’euros. Pour la France, cela a représenté une enveloppe de 3,09 milliards d’euros en 2021 et une seconde enveloppe de 822 millions d’euros en 2022 – la région Bourgogne-Franche-Comté a ainsi reçu une enveloppe supplémentaire de 115 millions d’euros au titre de React-EU, répartie sur le Feder et sur le FSE.

L’actuelle programmation 2021-2027 des fonds européens a été l’occasion de plusieurs démarches de simplification au niveau tant européen que national : 80 mesures de simplification ont été récemment présentées par la Commission européenne. À l’échelon français, la stabilité de la gouvernance des fonds au travers de la conservation des autorités de gestion de 2014 et de la réduction du nombre de programmes de 41 à 23 contribue aussi à cette dynamique.

Beaucoup d’espoirs de simplification reposent aussi sur la technique des options de coûts simplifiés (OCS), qui facilite la justification des dépenses pour les porteurs de projets. Le Gouvernement continuera de défendre toute mesure visant à faciliter l’instruction des dossiers.

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour la réplique.

M. Fabien Genet. Je vous remercie de ces informations, monsieur le ministre.

Je regrette toutefois que vous ne m’ayez pas répondu sur la consommation des crédits, car c’est là que le bât blesse. Je partage avec vous l’espoir qu’ils soient mieux consommés : il y va à la fois de l’aide aux collectivités territoriales et de l’image de l’Union européenne qui sont deux défis majeurs.

saturation des services de visas en afrique du nord et subsaharienne

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question n° 628, adressée à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, en octobre dernier, je vous interrogeais déjà sur les conséquences délétères pour les relations franco-africaines de la réduction massive des visas alloués aux ressortissants du Maghreb.

En dépit de l’annonce de la normalisation de notre politique des visas décidée en fin d’année, les mesures de rétorsion que la France avait adoptées ont laissé des stigmates. La situation ne semble toujours pas stabilisée.

Un exemple : la baisse de 30 % du nombre d’apprenants à l’Institut français de Tanger illustre la lente dégradation de nos liens d’amitié et le profond ressentiment de familles pourtant francophones et francophiles qui préfèrent, pour certaines d’entre elles, se tourner vers d’autres pays qui leur octroient sans difficulté un visa Schengen.

Six mois se sont écoulés et c’est d’un autre pays que je voudrais vous parler, qui va servir d’exemple concret – je pourrais malheureusement en citer beaucoup d’autres. Il s’agit du Cameroun, où les difficultés entourant les demandes de visa pour la France ne cessent de s’aggraver.

Elles commencent par l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous, puisque seules 50 places sont proposées pour environ 500 demandes par jour. Afin d’apurer les retards, le poste a sollicité des renforts et fait le choix de passer par un prestataire pour la gestion des prises de rendez-vous dont le numéro de téléphone dédié semble injoignable…

À Yaoundé, des officines privées continuent de bloquer des créneaux, qu’elles revendent à des tarifs exorbitants à des personnes qui doivent impérativement se rendre en France pour des raisons professionnelles, familiales ou médicales.

Il semble donc que les mesures annoncées par votre ministère en décembre dernier n’aient pas les effets escomptés. Tout comme les conseillers des Français de l’étranger de la circonscription, je suis régulièrement saisie par des compatriotes dont le conjoint ou la conjointe ne parvient pas à obtenir de rendez-vous pour un visa de court séjour en France.

Monsieur le ministre, je vous alerte régulièrement sur le besoin urgent de renforcer les équipes consulaires, afin d’alléger la surcharge de travail des agents que je constate à chacun de mes déplacements.

Je voudrais vous faire une proposition : ne serait-il pas envisageable de permettre, a minima pour les demandes de visa de court séjour, le dépôt du dossier par voie électronique, puis de consacrer l’entretien avec un agent à l’observation des originaux et à la vérification de la conformité des pièces ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité et des Français de létranger. Madame la sénatrice Conway-Mouret, vous avez raison de pointer la situation d’engorgement de certains services des visas. Nous la suivons avec la plus grande attention et cherchons à l’améliorer.

Ses causes sont multiples : à la hausse des demandes consécutive à la sortie de la crise sanitaire, notamment pour les longs séjours, s’ajoutent l’exigence accrue en matière de lutte contre la fraude, demandée par le ministère de l’intérieur, mais aussi l’intervention des officines que vous évoquez dans certains pays.

Le ministère se mobilise contre ce dernier phénomène en communiquant auprès du public et par la mise en place d’obstacles techniques à cette captation en masse de rendez-vous – la limite étant que ces officines ne sont pas illégales dans les pays concernés.

Enfin, je ne méconnais pas les enjeux d’organisation et de fonctionnement de notre réseau consulaire. La ministre de l’Europe et des affaires étrangères et le ministre de l’intérieur ont confié une mission d’expertise à Paul Hermelin, assisté des corps d’inspection des deux ministères. Son rapport vient d’être remis et des conclusions en seront rapidement tirées.

Mon ministère déploie des personnels temporaires pour réduire au mieux les délais. Il s’agit également de prioriser les publics cibles de notre politique d’influence.

L’externalisation de la collecte des dossiers de demande est en place dans quarante-six pays, dont le Maroc ; elle sera en vigueur au Cameroun dès l’automne prochain.

En récupérant en amont les données biométriques et en assurant que le public soit correctement informé et accueilli, la procédure d’externalisation permet aux agents consulaires de se concentrer sur leur tâche régalienne d’instruction des demandes.

En ce qui concerne la dématérialisation des procédures, France-Visas, l’un des cinquante projets stratégiques de l’État dans le domaine des systèmes d’information, tend précisément à moderniser la gestion des demandes de visas tout en renforçant sa sécurité.

Ce projet doit permettre à l’usager, comme vous l’appelez de vos vœux, une transmission dématérialisée du dossier. Cette possibilité, déjà accessible pour les demandes de visa pour études, sera progressivement étendue.

Enfin, l’adoption prochaine d’un règlement européen sur la numérisation des visas permettra au traitement des demandes de court séjour de franchir une nouvelle étape vers la dématérialisation.

dysfonctionnements et retards dans le traitement des dossiers et le versement des subventions de rénovation thermique des logements

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la question n° 600, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.

M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, malgré l’alerte lancée en octobre dernier sur les dysfonctionnements de la plateforme MaPrimeRénov’, la situation ne s’améliore toujours pas.

Voilà un mois, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a affirmé devant la commission d’enquête sénatoriale sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation thermique que les difficultés d’accès n’étaient toujours pas résolues. Depuis octobre dernier, des centaines de signalements supplémentaires ont été enregistrés, portant leur nombre total à près de 1 500.

La plateforme MaPrimeRénov’ souffre de graves dysfonctionnements techniques récurrents et identifiés : accès ou dépôt de pièces impossibles, annonce d’inéligibilité lors de la demande de versement de l’aide après la réalisation des travaux, délais interminables, absence d’information, argent non versé. Ces problématiques techniques ralentissent, voire bloquent les travaux de rénovation énergétique.

Il est urgent d’agir. Cette situation peut entraîner des conséquences sociales dramatiques sur la situation des ménages modestes qui attendent le versement de leur aide, au risque de les plonger dans la précarité.

Malgré l’accompagnement renforcé de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour les dossiers les plus anciens, rien n’est fait sur le problème majeur que connaît MaPrimeRénov’ : la rupture d’égalité devant le service public persiste, avec l’obligation de passer par le portail internet et le refus du Gouvernement de mettre en place des canaux alternatifs au 100 % numérique pour la constitution des dossiers.

Monsieur le ministre, alors que les dysfonctionnements se multiplient et que les urgences sociales et climatiques se font de plus en plus pressantes, allez-vous enfin ouvrir des guichets physiques dans les espaces France Services pour rétablir l’égalité d’accès au service public de la rénovation thermique ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité et des Français de létranger. Monsieur le sénateur Cardon, vous m’interrogez sur les difficultés d’accès à l’aide financière MaPrimeRénov’ en matière de rénovation énergétique.

Il faut rappeler que cette subvention, principale aide de l’État pour accompagner les ménages dans leurs projets de rénovation énergétique, a permis de soutenir plus de 1,5 million d’usagers depuis son lancement en janvier 2020.

Pour répondre à ces volumes très importants tout en traitant chaque demande individuelle afin de s’assurer de son éligibilité, l’Anah mobilise des équipes dédiées pour l’instruction et le paiement des dossiers, autour d’une plateforme nationale dématérialisée.

Dans un contexte de forte demande et de montée en puissance du dispositif, avec l’extension des publics éligibles en 2021 et les primes exceptionnelles dans le cadre du volet « gaz » du plan de résilience économique et sociale en 2022, certaines demandes ont pu rencontrer des difficultés pour aboutir dans les délais habituels. Toutefois, le nombre de cas est très limité, surtout au regard des 630 000 primes engagées en 2022.

Par ailleurs, l’Anah se mobilise très fortement pour fluidifier le parcours des usagers avec la mise en place d’une équipe dédiée aux situations les plus difficiles. Les dossiers en difficulté, notamment ceux que la Défenseure des droits a pu signaler, font l’objet d’un suivi individualisé. Ainsi, 91 dossiers sur les quelque 500 dossiers signalés par la Défenseure des droits en octobre 2022 ont déjà pu bénéficier de cet accompagnement – les autres sont en cours de traitement.

L’Anah met ainsi en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la qualité et la rapidité du traitement des dossiers MaPrimeRénov’. Le délai moyen de traitement est inférieur à cinq semaines ; pour un dossier complet ne nécessitant pas de contrôles renforcés, il est environ de deux semaines ; il faut compter environ trois semaines pour obtenir le paiement d’une demande de subvention. Lorsqu’un dossier nécessite des documents justificatifs complémentaires ou fait l’objet d’un contrôle sur place pour lutter contre la fraude, ces délais peuvent être allongés et atteindre en effet trois mois.

Il s’agit non pas de nier les difficultés, mais de les ramener à leur juste proportion dans le cadre d’un dispositif dont le succès est indéniable et qui constitue l’un des piliers de notre politique de rénovation énergétique.

L’amélioration de l’information des usagers est aussi une priorité pour accompagner l’augmentation du volume des projets de rénovation. La création du service public France Rénov’, en 2022, et la montée en charge progressive de Mon Accompagnateur Rénov’, en 2023, permettront de faciliter le parcours des ménages dans leur projet de rénovation.

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question : allez-vous déployer des accompagnateurs dans les espaces France Services pour aider nos concitoyens à monter leur dossier ?

Je ne m’avance pas en disant que votre réponse ne va pas plaire à un couple de retraités de la Somme qui a dû contracter un prêt à un taux de 15 %, faute de versement de l’aide et de nouvelles de vos services… On ne peut plus attendre, il faut agir !

financements de remplacement pour les communes après l’abrogation de la taxe pluviale

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 651, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Christine Herzog. Madame la ministre, instaurée en 2011, la taxe pluviale a été abrogée en 2015 en raison d’un coût de collecte supérieur à son rendement.

Cette taxe devait permettre de financer les installations de gestion des eaux pluviales urbaines pour l’entretien, l’exploitation, le renouvellement et les extensions. Par la même occasion, elle limitait le déversement de ces eaux dans les ouvrages publics.

Depuis 2015, la gestion des eaux pluviales relève de la compétence des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), mais aucun nouveau moyen de financement n’a été mis en place pour remplacer cette taxe. Compte tenu du coût élevé de cette gestion, cette perte de ressource constitue un problème majeur pour les petites communes.

Ainsi, en Moselle, le budget du syndicat mixte intercommunal d’assainissement du sud de la Bisten doit budgéter 134 547 euros pour 2023. Pour couvrir ces coûts, il n’y a pas d’autre solution que de les refacturer à chaque commune, à savoir 45 122 euros pour la commune de Ham-sous-Varsberg et 13 651 euros pour celle de Guerting, deux communes de moins de 3 000 habitants.

La suppression de cette taxe entraîne des conséquences financières plus qu’importantes pour les petites communes rurales, lesquelles font déjà face à bien d’autres difficultés économiques.

Quelles sont les bases de calcul utilisées pour déterminer le coût refacturé aux communes ? Pourquoi ce coût de gestion n’est-il pas directement intégré dans les charges d’assainissement depuis l’abrogation de la taxe pluviale ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Herzog, le service public de gestion des eaux pluviales urbaines constitue aujourd’hui une compétence obligatoire des métropoles, des communautés urbaines et des communautés d’agglomération.

Pour les communautés de communes, cette compétence est exercée à titre facultatif. Compte tenu de la faiblesse de son utilisation et de sa complexité, la taxe de gestion des eaux pluviales a été supprimée lors de l’examen de la loi de finances pour 2015.

Le service public de gestion des eaux pluviales ne peut être financé par une redevance : il est à la charge du budget général de la collectivité ou du groupement qui en assure l’exercice. En effet, il n’est pas possible d’identifier la consommation de chaque usager du service de la gestion des eaux pluviales comme on peut le faire en matière d’assainissement. Il n’est ainsi pas possible d’établir une redevance proportionnée à l’usage du service à des abonnés, dès lors qu’il s’agit d’un service rendu à l’ensemble du territoire.

Par conséquent, la redevance établie pour financer le service public d’assainissement ne peut, dans le même temps, financer le service de gestion des eaux pluviales.

Dès lors que la piste de la taxe affectée a été expérimentée sans succès et que le service public de gestion des eaux pluviales est un service public administratif, la solution est d’en rester au financement par le budget de l’EPCI ou de la commune.

En ce qui concerne les bases de calcul utilisées pour déterminer le coût refacturé aux communes, le syndicat doit être en mesure d’isoler les dépenses relevant du seul service de gestion des eaux pluviales. À ce titre, l’article R. 2226-1 du code général des collectivités prescrit aux syndicats d’identifier l’ensemble des éléments constitutifs du système de gestion des eaux pluviales et urbaines.

Je me tiens à votre disposition, madame la sénatrice, pour rencontrer, avec vous, les maires de ces communes de moins de 3 000 habitants afin de voir ce que l’on peut faire concrètement.

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réplique.

Mme Christine Herzog. Madame la ministre, je retiens votre invitation et me mettrai en relation avec ces communes, qui ont besoin d’éclairages sur cette situation.

routes nationales dans le gers

M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, auteur de la question n° 663, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

M. Alain Duffourg. Madame la ministre, le département du Gers est traversé par deux routes nationales, la RN124 et la RN21, mais son chef-lieu, Auch, n’est pas relié par une 2x2 voies ou par une autoroute à la capitale régionale, Toulouse, contrairement aux autres départements.

En mai 2021, un protocole a été conclu entre l’État et le département, en présence du Premier ministre, en vue d’achever la mise à 2x2 voies de la route nationale entre Auch et Toulouse. Les travaux ont commencé et doivent se terminer en 2027.

La RN21, qui relie Limoges à l’Espagne, est particulièrement accidentogène ; or rien n’est prévu à ce sujet dans les plans précédents.

Des fonds seront-ils programmés pour prolonger la mise à 2x2 voies de la RN124 jusqu’à l’autoroute A65 ? Ce serait un moyen de lutter contre le dépeuplement massif et le déclassement de l’ouest du département.

Sur la RN21, des aménagements importants sont nécessaires, notamment pour le contournement d’Auch dans le cadre de la construction d’un nouvel hôpital.

J’espère que vos réponses seront de nature à apaiser mes concitoyens gersois, qui m’interrogent.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Duffourg, je tiens à réaffirmer la volonté de l’État de permettre à chaque département de disposer d’un système de transport répondant de manière adaptée aux besoins de mobilité des territoires et de leurs habitants.

Je vous confirme que la fin de l’aménagement à 2x2 voies de la RN124 entre Toulouse et Auch fait partie des priorités de l’État en Occitanie.

De premiers travaux ont pu être réalisés grâce au protocole de mai 2021 entre l’État, la région Occitanie et le département du Gers. Cet aménagement a, pour l’État, vocation à être poursuivi dans le cadre de la future contractualisation du volet mobilité du contrat de plan État-région (CPER) avec la mise à 2x2 voies de la dernière section en bidirectionnel entre Gimont et l’Isle-Jourdain.

Une mise en service de l’infrastructure en 2027 est envisageable, si les collectivités territoriales confirment leur intérêt pour le projet, dans un contexte de crédits routiers limités.

Vous évoquez l’hypothèse d’un aménagement à 2x2 voies de la RN124 à l’ouest d’Auch. La loi d’orientation des mobilités (LOM) préconise des aménagements ponctuels plutôt que des mises à 2x2 voies systématiques pour les itinéraires de désenclavement. L’opportunité d’un tel projet, qui n’a pour l’instant fait l’objet d’aucune étude par les services de l’État, reste à confirmer.

Le département du Gers, futur gestionnaire de l’infrastructure à la suite de la mise en œuvre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, pourra, s’il le souhaite, poursuivre des études dans ce sens.

Les autres aménagements que vous évoquez, en particulier sur la RN21, font l’objet, comme vous le rappelez, de discussions entre les acteurs locaux en vue de permettre au département du Gers de disposer d’une stratégie d’aménagement partagé pour la voirie, dont il a souhaité le transfert.

multiples nuisances occasionnées par le dispositif de vélos-taxis de type tuk-tuk à paris

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteure de la question n° 644, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, je souhaite, par votre intermédiaire, attirer l’attention du ministre délégué en charge des transports sur les multiples nuisances occasionnées par le dispositif de vélos-taxis de type tuk-tuk à Paris.

Une multiplicité d’infractions au code de la route est régulièrement constatée par les forces de l’ordre : signalisation tricolore non respectée, utilisation du portable en conduisant, stationnement gênant, absence d’immatriculation et de ceintures de sécurité à l’arrière, sans oublier circulation interdite dans les couloirs de bus ou sur les pistes cyclables.

La majorité de ce type de vélos-taxis et l’ensemble des faits répréhensibles précités se concentrent d’ailleurs dans les secteurs touristiques du centre de Paris : Trocadéro, Champ-de-Mars, tour Eiffel, Louvre, Tuileries…

Je m’inquiète de l’explosion ces derniers mois du nombre de véhicules tuk-tuk dans les rues de la capitale, qui s’accompagne de pratiques commerciales abusives dont sont victimes de nombreux touristes français et étrangers.

J’ai déjà sollicité à plusieurs reprises les services de la préfecture de police de Paris à ce sujet.

Le 27 avril dernier, une opération a permis la destruction d’une trentaine d’engins illégaux, mais le préfet de police de Paris m’a informée que l’action des forces de l’ordre se heurte à un vide juridique qui ne lui permettrait pas de mener une action pleinement efficace.

Il semble notamment que des articles du code des transports requièrent, pour leur application, un décret en Conseil d’État.

Madame la ministre, l’ensemble des textes qui font aujourd’hui défaut vont-ils enfin être publiés par vos services pour permettre au préfet de police de mener des actions de plus grande ampleur et mettre un terme à ce fléau à Paris ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Dumas, je tiens tout d’abord à rappeler que le terme « tuk-tuk » recouvre deux types de véhicules distincts dans le code des transports : d’une part, les véhicules motorisés à deux ou trois roues (VMDTR), d’autre part, les cycles à pédalage assisté (CPA) avec assistance électrique inférieure à 0,25 kilowattheure.

Les premiers sont régis par l’article L. 3123-1 du code des transports et font l’objet d’une réglementation complète sur les obligations des entreprises qui les exploitent.

Les seconds sont régis par l’article L. 3123-2 du code des transports, qui a instauré un encadrement du transport de personnes à titre onéreux avec de tels véhicules.

L’usage de véhicules relevant de ces deux catégories est d’ores et déjà soumis au respect du code de la route dont les règles telles que le respect de la signalisation tricolore, l’interdiction de l’utilisation du portable pendant la conduite ou du stationnement gênant, par exemple, sont opposables à tous les usagers de la route.

Les cycles à pédalage assisté ne sont pas autorisés à circuler ou stationner sur la voie publique en attente de clientèle. C’est une prérogative réservée aux taxis. Les sanctions sont d’ores et déjà prévues par le code des transports aux articles L. 3124-11 et L. 3124-12.

Les sanctions à l’encontre de ceux qui ne respectent pas les dispositions du code de la route ou les dispositions générales en matière de transport de particuliers sont d’ores et déjà applicables sans texte complémentaire.

Enfin, je tiens à souligner que le préfet de police et ses services sont très fortement mobilisés pour lutter contre les pratiques irrégulières que vous évoquez. Des actions de contrôle sont régulièrement réalisées et les sanctions prévues sont appliquées.

Madame la sénatrice, je ne manquerai pas de transmettre personnellement votre question au ministre délégué chargé des transports.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.

Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, je salue votre bonne connaissance des tuk-tuk, mais je me permets d’insister.

Cette question me tient à cœur, moi qui suis élue de Paris : il est important d’agir contre ce fléau, alors que 15 millions à 20 millions de personnes sont attendues dans notre pays pour les jeux Olympiques et que le monde entier aura son regard braqué sur la capitale.

renouvellement des conventions france services

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, auteur de la question n° 658, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Alain Marc. Madame la ministre, l’accessibilité aux services publics constitue un enjeu d’égalité et de cohésion sociale.

Face à l’évolution de nos modes de vie et des technologies, l’organisation de nos services publics doit être repensée.

Aussi, je me félicite de la mise en place du réseau France Services, qui vise à rapprocher le service public de ses usagers et à proposer à ces derniers une offre élargie de services au plus près des territoires, en particulier dans les zones rurales, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les territoires ultramarins. Être au plus près des populations est primordial.

Piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), le réseau des structures labellisées France Services se compose de près de 2 400 guichets uniques de proximité, regroupant plusieurs administrations sur leurs sites.

Les financements de l’État vont se poursuivre à l’issue des conventions liant les maisons France Services à la collectivité locale, commune ou intercommunalité. Pourriez-vous m’indiquer, madame la ministre, la durée de l’engagement de l’État et son montant ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Alain Marc, vous l’avez dit, le réseau France Services créé en 2019 sur l’initiative du Président de la République représente un nouveau modèle d’accès aux services publics pour les Français. Il vise à permettre à chaque citoyen, quel que soit l’endroit où il vit, en ville ou à la campagne, d’accéder aux services publics et d’être accueilli dans un lieu unique, par des personnes formées et disponibles, pour effectuer ses démarches du quotidien.

Depuis les premières labellisations en 2020, le Gouvernement, par l’intermédiaire de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), a accompagné les collectivités pour l’implantation de nouvelles maisons France Services partout sur le territoire. Nous arriverons d’ici à la fin de l’année à 2 750 espaces France Services et tiendrons donc l’engagement présidentiel.

Ce dispositif a fait ses preuves, et c’est pourquoi le Gouvernement souhaite en assurer la pérennité.

Pour ce faire, 12,5 millions d’euros supplémentaires ont pu être investis en 2023, afin de renforcer la participation de l’État à hauteur de 5 000 euros pour les maisons France Services, hors maisons France Services postales. Au-delà du renforcement de la participation de l’État, nous accroîtrons également la qualité de l’offre de service et l’« aller vers » pour nos usagers. Vous pouvez compter sur notre volonté de pérenniser ce dispositif qui a fait ses preuves.

Quoi qu’il en soit, pour répondre plus concrètement à votre question, il faudra attendre la loi de finances pour 2024.

M. le président. Ce n’est plus qu’une question de temps !

La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.

M. Alain Marc. Quand quelque chose ne va pas, nous le disons ! Quand quelque chose fonctionne bien, ce qui est le cas des maisons France Services, nous le disons aussi. Je parlais tout à l’heure avec des collègues présidents de communautés de communes et des maires de petites communes de 1 000 habitants à 2 000 habitants. Ils sont tous très contents de ce service, qui fonctionne bien.

Or certaines collectivités arriveront à la fin de leur conventionnement à la fin de l’année. Que deviendront les agents, si la somme de 35 000 euros octroyée par maison France Services n’est pas versée ? Bien évidemment, nous ferons tous en sorte, dans le cadre du projet de loi de finances, de reconduire ces budgets.

manque de protection sociale des enfants issus de la communauté rom

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 660, transmise à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

Mme Brigitte Lherbier. Mme la secrétaire d’État auprès de la Première ministre chargée de l’enfance est venue échanger avec les élus et le personnel du département du Nord, pour constater combien la situation des enfants en détresse, en grand danger dans leur famille, est désespérante.

Ainsi, 270 enfants doivent être placés par ordonnance judiciaire dans le Nord, nous le rappelons régulièrement dans cet hémicycle. Or tel n’est pas le cas, faute de places dans les foyers, occupées par les mineurs étrangers isolés, faute de recrutement d’assistantes familiales.

Dans ce contexte douloureux, la protection sociale des enfants issus de la communauté rom n’est absolument pas assurée.

Victimes d’un racisme banalisé et comptant parmi les populations les plus défavorisées d’Europe, les Roms, et plus particulièrement les mineurs, devraient être davantage accompagnés et protégés par les pouvoirs publics.

On estime à près de 15 000 personnes le nombre de Roms sur le territoire national, dont la moitié environ sont des mineurs.

Or ces populations extrêmement vulnérables sont pour la plupart en grande précarité médicale : peu d’entre eux accèdent à des soins, même les plus élémentaires.

De nombreux enfants sont contraints, sous nos yeux, en particulier à Lille, à la mendicité, seuls ou accompagnés d’un parent ou d’un proche, plus ou moins douteux, parfois dès le berceau. Dans d’autres cas, infiniment plus graves, il est fait état de proxénétisme chez des mineurs, sous les yeux des Lillois et des habitants des grandes villes.

Madame la ministre, l’État doit à tout prix s’emparer de ce sujet. Sans une action forte de notre part, ces enfants et leurs enfants après eux resteront victimes du cercle vicieux de l’exclusion, de la précarité et, surtout, de la délinquance.

Ne les abandonnons pas, si nous ne voulons pas que la vulnérabilité de ces enfants ne nous éclate en pleine figure.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Lherbier, le Gouvernement partage pleinement vos préoccupations sur la situation de ces enfants. Concernant les populations originaires d’Europe de l’Est qui vivent en France dans des campements et bidonvilles – je le précise, la France, conformément aux principes républicains inscrits dans sa constitution, ne désigne pas une communauté sur la base de son origine –, une profonde transformation de l’action publique a été engagée dès 2018, avec une instruction du Gouvernement signée par huit ministres et visant à sortir du cycle des évacuations et des réinstallations.

L’objectif est de parvenir à une résorption définitive des lieux d’habitat informel, par une action le plus tôt possible et par une approche globale, intégrant prévention des risques sur les sites, protection de l’enfance, insertion sociale, dont la scolarisation, avec solutions de relogement, mais aussi sécurité publique, dans un équilibre entre accès aux droits et respect des lois de la République.

C’est une action de longue haleine, car elle concerne des personnes souvent déjà marginalisées dans leur pays d’origine. Elle se heurte aussi à des résistances s’expliquant souvent par la force de l’antitsiganisme, forme de racisme spécifique, désigné comme tel dans le plan national 2023-2026 de lutte contre le racisme, présenté en janvier dernier par la Première ministre.

Néanmoins, des progrès sont enregistrés, puisque 3 000 personnes ont quitté ces bidonvilles depuis 2018 et que plus de 3 200 enfants ont été scolarisés, notamment grâce à la création récente de 42 postes de médiateurs scolaires, qui font le lien entre les familles et l’école et contribuent ainsi à casser la spirale de la reproduction de la grande précarité.

Bien évidemment, il nous faut poursuivre en ce sens.

fonds vert

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 677, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la ministre, depuis quelques mois, le fonds vert crée une attente très forte chez les élus locaux.

Doté de 2 milliards d’euros de crédits, il est destiné à financer des projets présentés par les collectivités territoriales et leurs groupements allant dans le sens de la transition écologique, en lien avec 14 sous-thèmes, qui vont de la prévention des inondations à la renaturation des villes et villages, en passant par le recyclage des friches. Les élus étaient très enthousiastes, et le sont toujours, pour déposer des dossiers. Pourtant, depuis quelque temps, quelques critiques et doutes se font entendre, mettant en avant un besoin de transparence et de simplification.

Ce fonds a été réparti entre les territoires en fonction de critères démographiques et de leurs besoins propres. Toutefois, la répartition entre les territoires et la répartition au sein d’un même territoire ne sont pas connues. Or ce fonds vert ne sera un succès que s’il bénéficie équitablement à tous les territoires, qu’ils soient ruraux, urbains, périurbains, littoraux ou de montagne, et à toutes les catégories de collectivités.

En outre, les préfets de région sont chargés d’attribuer, en toute liberté, selon des critères qu’ils décident seuls ou, parfois, avec le préfet de département, ce fonds vert aux collectivités. Il s’agit d’une critique récurrente chez les élus locaux, qui mettent également en cause les enveloppes de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).

Il conviendrait que les réponses, notamment les réponses négatives, soient motivées, car il serait fâcheux que ce fonds vert vienne, en réalité, pallier les insuffisances des dotations DETR et DSIL et qu’il ne soit, en vérité, qu’une DETR-DSIL repeinte en vert.

Les besoins sont immenses pour faire face au défi climatique, il était donc impératif de reconduire ce fonds, comme l’a annoncé Mme la Première ministre le 3 avril dernier. Toutefois, ne faudrait-il pas aller plus loin ? Cette somme ne devrait-elle pas être globalisée, pluriannuelle et non fléchée, projet par projet, tant les besoins sont immenses ?

Contrairement à la première mouture pour laquelle les maires de France n’avaient pas été associés en amont, le Gouvernement a annoncé le lancement d’une concertation avec les associations d’élus. Ce sera l’occasion, sans nul doute, de réfléchir aux besoins de transparence et de simplification réclamés par les élus, en répondant, notamment, aux besoins en matière de logiciel. Sans doute serait-il nécessaire de prioriser les besoins en réduisant le nombre de thèmes ?

Je vous demande donc de bien vouloir indiquer aux élus locaux les pistes d’amélioration envisagées pour ce fonds vert nouvelle version.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Blanc, Christophe Béchu a voulu un dispositif souple, transparent et déconcentré.

Il est souple et transparent, car nous avons fait des cahiers d’accompagnement indicatifs et partagés entre les porteurs de projets et les instructeurs chargés d’analyser et de hiérarchiser les demandes.

Il est déconcentré, pour que le fonds vert s’appuie sur le dialogue territorial.

Au total, 4 milliards d’euros sont engagés par l’État pour accompagner les collectivités dans la transition écologique : 2 milliards d’euros au titre de la DETR et de la DSIL et 2 milliards d’euros au titre du fonds vert.

L’impact écologique est recherché sur tout le territoire : 1 417 demandes sont situées en zones de revitalisation rurale, 578 en quartiers prioritaires, et les deux tiers des projets sont portés dans des communes de moins de 10 000 habitants. La mobilisation des élus s’observe dans tous les départements, ainsi que dans les collectivités d’outre-mer.

Pour ce qui concerne l’accompagnement des porteurs de projet, l’outil « démarches simplifiées » est un guide disponible via la plateforme Aides-territoires, qui possède de multiples ressources d’information.

Afin de répondre aux attentes des porteurs de projets, l’administration du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a été chargée de mener les concertations nécessaires pour tenir compte de l’expérience de ces premiers mois.

Par ailleurs, des échanges réguliers ont lieu entre le Gouvernement et les préfets, afin de perfectionner le dispositif.

Les associations d’élus ont été consultées dès la création du fonds vert. Demain, je les recevrai de nouveau aux côtés de Christophe Béchu, pour échanger notamment sur la pérennisation du fonds vert en 2024, annoncée par la Première ministre le 3 avril dernier.

L’accélération de la transition écologique se fera dans les territoires avec les collectivités locales, grâce à l’engagement de tous leurs élus, qui peuvent compter sur le fonds vert.

Néanmoins, j’entends les propositions d’amélioration que vous mentionnez. Avec Christophe Béchu, je me tiens à votre disposition pour en parler et améliorer le dispositif.

accompagnement des commerçants rennais

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteure de la question n° 657, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, le 24 avril dernier, la maire de Rennes et les présidents des différentes associations de commerçants de cette ville ont adressé à la Première ministre un courrier relatant les grandes difficultés commerciales, financières et assurantielles des commerçants et artisans rennais situés en centre-ville.

En effet, ils ont subi d’importants dégâts notamment liés à la violence d’éléments extérieurs à la mobilisation contre la réforme des retraites. Rappelons-le clairement, les dégradations, y compris contre le mobilier urbain, pourtant bien public, et les troubles à l’ordre public ne doivent en aucun cas être amalgamés avec les manifestations organisées par les syndicats, qui se sont très bien déroulées.

En 2016, Rennes avait aussi fait face à une situation singulière, appelant une réponse singulière, pour aider et accompagner ces commerçants et artisans doublement victimes.

Ils ont en effet été victimes d’importants préjudices matériels et de lourdes pertes d’exploitation. La baisse du chiffre d’affaires des commerçants du centre-ville est estimée à 41 millions d’euros pour le premier trimestre 2023. Ils sont aussi victimes d’un défaut de couverture assurantielle, qui se manifeste notamment par la résiliation unilatérale de leur contrat par les assureurs et par l’insertion d’une clause instaurant une période probatoire de deux ans sans sinistre, dans le cadre des contrats nouvellement proposés.

En 2016, le Gouvernement avait rapidement réagi en remboursant les franchises et en débloquant une aide exceptionnelle pour compenser les pertes d’exploitation et préserver l’activité économique et l’emploi.

Madame la ministre, êtes-vous prête à aller dans le même sens et à soutenir les commerçants et artisans de Rennes, en mettant en place un fonds de compensation ? Êtes-vous également prête, avec vos collègues de l’économie et des finances, à faire évoluer la loi, afin que les assureurs ne puissent plus rompre unilatéralement les contrats dès lors que les dégradations sont le fait de casseurs isolés ?

Vous le savez, les commerçants et les artisans subissent une double peine. Ces décisions sont une affaire de justice, mais aussi de sauvegarde de nos centres-villes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Robert, la loi et la jurisprudence reconnaissent déjà aux commerçants rennais, comme à toute personne victime de dégradations liées à la violence de casseurs, la possibilité d’obtenir de plein droit la prise en charge, par l’État, des préjudices qui n’auraient pas été indemnisés par leurs assureurs.

Ils peuvent en effet utiliser deux régimes distincts de responsabilité sans faute de l’État : d’une part, l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ouvrant un droit à indemnisation pour les victimes de dommages intervenus lors d’attroupements ou de rassemblements ; d’autre part, le régime jurisprudentiel de responsabilité sans faute pour rupture d’égalité devant les charges publiques, dès lors que la victime établit qu’elle a subi un préjudice grave et spécial, qui ne saurait être regardé comme une charge lui incombant normalement, résultant notamment de la fermeture de commerces pour prévenir leur saccage.

À cet égard, depuis 2019, l’État a indemnisé à hauteur de 14,5 millions d’euros, dont plus de 6,7 millions d’euros en 2022, les victimes de dommages causés lors des manifestations, notamment les commerçants, dans la plupart des cas de façon amiable, démontrant ainsi que ces régimes de responsabilité sont suffisants pour assurer l’indemnisation des victimes.

vol de matériel agricole

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 199, transmise à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, le vol de matériel agricole prend une ampleur inquiétante dans notre pays, en particulier en Moselle.

Dans ce territoire, l’isolement des agriculteurs permet en effet un large spectre de délits : gazole siphonné, vol de fioul, de métaux, tracteurs dérobés puis abandonnés dégradés, actes de vandalisme, voitures brûlées ou encore vol d’animaux. Détail d’importance, ces actes délictueux sont souvent le fait de jeunes délinquants. Ainsi, ceux qui ont été interpellés récemment dans la commune de Bouzonville ont entre 14 ans et 16 ans.

Et que dire des nombreux vols de GPS, outils précieux à plus d’un titre ? Ce matériel de géolocalisation et d’autoguidage par satellite, qui permet aux agriculteurs de gagner en temps, en précision et, par là même, en productivité, coûte en moyenne 10 000 euros. La conséquence, c’est que les GPS s’écoulent très bien et très vite sur le marché noir. Certains, dérobés en Moselle, sont rallumés à New York !

Mais alors que médias régionaux et nationaux confondus dénoncent cette situation et donnent la parole aux victimes, comme à ce céréalier et éleveur mosellan de Tromborn, le phénomène gagne en importance.

Madame la ministre, entendez-vous mettre en place une politique de sécurité spécifique à nos territoires ruraux, avec davantage d’effectifs de gendarmerie spécialisés dans cette catégorie de vols ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Mizzon, s’inscrivant dans une logique partenariale avec le monde agricole, la gendarmerie nationale décline, à l’échelon national et dans chaque territoire, une politique de sécurité ambitieuse en matière de lutte contre les atteintes aux exploitations agricoles. Elle comprend plusieurs volets, de la prévention à la répression en passant par l’accompagnement des victimes.

Localement, comme à la compagnie de Boulay-Moselle, les exploitants agricoles peuvent bénéficier de l’accompagnement des correspondants sûreté, présents au sein de chaque brigade de gendarmerie, pour disposer de conseils de sécurisation.

À l’échelon départemental, la gendarmerie propose gracieusement l’expertise de ses référents sûreté en matière de sécurisation des exploitations agricoles et d’accompagnement à la mise en place de dispositifs de vidéoprotection.

La gendarmerie informe également sur les phénomènes d’appropriation et diffuse les bonnes pratiques lors des réunions d’information au profit des représentants de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles et des Jeunes Agriculteurs.

De plus, la gendarmerie s’investit dans le traitement judiciaire des atteintes aux exploitations agricoles. Les enquêtes diligentées par les unités de police judiciaire de la gendarmerie permettent de donner un coup d’arrêt aux activités de groupes criminels.

Au niveau central, un suivi particulier de ces atteintes est effectué par le service central de renseignement criminel de la gendarmerie et permet d’en dresser des analyses opérationnelles, qui sont relayées vers les échelons territoriaux de commandement de la gendarmerie. La direction générale de la gendarmerie nationale adapte la réponse de la gendarmerie aux besoins de sécurité exprimés par la profession.

Actuellement, dans un souci constant d’amélioration de la prise en charge des victimes, la gendarmerie développe un dispositif de prise de plainte en mobilité, c’est-à-dire au domicile du plaignant, permettant ainsi aux agriculteurs victimes de déposer plainte sans avoir à se déplacer en brigade de gendarmerie.

J’ajoute que les 200 brigades nouvelles qui seront annoncées en juin et juillet permettront de renforcer ces dispositifs, plus particulièrement en ruralité et auprès des agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, très satisfaisante sur le plan intellectuel. Toutefois, chacun le sait, les réponses qui satisfont l’esprit ne règlent pas forcément les problèmes ! C’est en tout cas ce que nous constatons sur le terrain.

J’ai évoqué la question du matériel agricole, mais j’aurais pu évoquer celle du BTP, domaine dans lequel le constat est similaire. Selon moi, vous ne pourrez pas faire l’économie d’un renforcement supplémentaire des effectifs, pour venir à bout de ce drame, qui déchire nos campagnes.

reconnaissance de l’utilité des systèmes d’endiguement sur la garonne

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la question n° 627, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Nathalie Delattre. Madame la ministre, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam du 27 janvier 2014 précise la compétence des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, la fameuse Gemapi.

En France métropolitaine, le linéaire recensé de digues à entretenir est de 6 000 kilomètres. Ces dernières peuvent se trouver « à cheval » sur plusieurs EPCI, aussi la loi prévoit-elle un délai complémentaire pour le transfert de compétence.

Dans ce cadre, un certain nombre de communes actuellement gestionnaires rencontrent des difficultés à faire reconnaître l’utilité des systèmes d’endiguement par leurs EPCI réputés, à terme, compétents.

Dans le Sauternais, en Gironde, les rives de la Garonne sont sauvegardées par un système d’endiguement construit en 1855. Depuis cent cinquante ans, ces terres protégées ont été habitées, cultivées et aménagées.

C’est tout particulièrement le cas des systèmes d’endiguement de Toulenne-Preignac et Preignac-Barsac, « à cheval » sur deux communautés de communes, Convergence Garonne et Sud Gironde.

Depuis 2014, ces systèmes d’endiguement abritent deux stations d’épuration, dont celle qui traite les effluents vinicoles de tout le Sauternais, un stade municipal, une portion de la route départementale 1113 et une trentaine d’habitations.

Ces digues ont fait l’objet constant d’efforts financiers considérables de la part des collectivités et de l’État pour être entretenues, améliorées et même reconstruites, à la suite de la crue de 2021.

Pourtant, l’une des deux intercommunalités s’est d’ores et déjà prononcée, le 4 avril dernier, à bulletin secret, contre la prise de compétence de ces digues. La deuxième communauté de communes doit voter le 31 mai prochain, et l’inquiétude des maires concernés est grande. Que se passera-t-il si elle refuse également cette compétence ou bien si elle l’accepte sans couvrir toutefois la totalité des travaux, ce qui serait normal ?

C’est pourquoi, madame la ministre, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement compte faire pour débloquer cette situation et éviter a minima une gabegie des deniers publics et, au pire, une catastrophe humaine.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Delattre, la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, la Gemapi, a été confiée par la loi Maptam aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Cette compétence obligatoire doit permettre d’assurer la bonne gestion des ouvrages de protection contre les inondations.

Les inondations ne connaissant pas les frontières administratives, de nombreux systèmes d’endiguement sont à cheval sur plusieurs communes.

La gouvernance de la compétence Gemapi doit donc pouvoir s’adapter pour garantir, à l’échelle appropriée, la cohérence de l’action publique en matière de prévention des inondations. La loi Maptam a prévu des outils destinés à faciliter la gouvernance de la Gemapi, dans le respect du principe de libre administration des collectivités.

Pour gérer chaque système d’endiguement à l’échelle la plus pertinente et pour l’efficacité de la protection d’un territoire, la loi donne la possibilité aux EPCI à fiscalité propre de transférer la compétence ou même seulement de la déléguer à un syndicat mixte spécialisé de type établissement public territorial de bassin ou de type établissement public de gestion et d’aménagement de l’eau. C’est en particulier le cas pour un système d’endiguement qui dépasserait le territoire du seul EPCI à fiscalité propre.

Par ailleurs, une digue non reprise dans un système d’endiguement doit être neutralisée, pour éviter tout accident lors d’une crue.

Par le dialogue qu’ils assurent avec les collectivités, les préfets de département veillent à ce que les choix de gouvernance de celles-ci n’aient pas de conséquences négatives pour la pérennisation des endiguements utiles à nos concitoyens.

En 2023, le Gouvernement a spécifiquement défini des mesures du fonds vert, parmi les quatorze critères, pour accompagner les territoires qui pourraient rencontrer des difficultés financières. Ces aides visent, comme vous le souligniez, à ce que des systèmes d’endiguement utiles à la protection contre les inondations ne soient pas abandonnés.

reclassement de l’habitat inclusif en établissement recevant du public

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la question n° 653, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la ministre, j’attire votre attention sur les conséquences de l’avis du Conseil d’État en date du 20 février 2023 reclassant un habitat inclusif en établissement recevant du public de type J.

Concrètement, cette décision signifie que les bailleurs devront respecter une réglementation stricte de sécurité incendie, celle qui est applicable aux établissements recevant du public, ce qui remettra en cause le développement actuel de l’habitat inclusif.

L’habitat inclusif, lancé en 2017 par la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel, constitue une forme d’habitat adapté pour les personnes âgées dépendantes et/ou en situation de handicap. C’est un intermédiaire entre le logement ordinaire et l’accueil en établissement. En pratique, il s’agit de plusieurs logements indépendants adaptés, qui se caractérisent par la volonté de leurs occupants de vivre ensemble. Ces derniers signent un bail, ce qui en fait des locataires comme les autres.

Le Gouvernement a récemment réaffirmé sa volonté politique de développer ce modèle domiciliaire sur l’ensemble du territoire. Cependant, l’avis du Conseil d’État interroge la future dynamique de déploiement de ces habitats inclusifs.

Cette mise en conformité concernera les habitats inclusifs qui regroupent plus de six personnes âgées dépendantes ou en situation de handicap. Or, pour fonctionner de façon optimale, ces habitats ont besoin de plus de six personnes, afin de faciliter la mutualisation des ressources et permettre le recrutement d’une personne présente vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Cette décision aura également des conséquences sur le développement des habitats inclusifs, en contradiction avec la réforme souhaitée par le Gouvernement. En effet, les bailleurs sociaux se montreront beaucoup plus frileux et examineront plus sérieusement le risque de loger des personnes âgées dépendantes et/ou en situation de handicap.

Enfin, cette décision remet en cause le développement de l’habitat inclusif, en ce qu’il constituait une étape structurante de la transformation de l’offre au bénéfice de l’inclusion des personnes en situation de handicap. De nombreux projets s’étaient déployés en accord avec les aspirations de vie des personnes concernées et représentaient un espoir pour beaucoup d’entre elles.

Aussi, j’appelle le Gouvernement à une mise en cohérence des réglementations en matière d’habitat inclusif, afin de répondre aux enjeux de ce modèle et d’assurer aux occupants des habitats inclusifs un soutien indéfectible.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Verzelen, selon la juridiction administrative, l’aptitude des personnes à se soustraire aux effets d’un incendie constitue l’un des paramètres à retenir pour l’appréciation des mesures en vue d’assurer la sécurité des personnes contre l’incendie, en vertu de l’article R. 143-3 du code de la construction et de l’habitation.

Les espaces destinés à loger des personnes handicapées, dont l’aptitude à se soustraire aux effets d’un incendie est nécessairement diminuée, constituent donc des établissements destinés à recevoir du public, au sens de la réglementation de sécurité contre les incendies.

Le fait que les personnes handicapées concernées soient titulaires d’un contrat de location et ne soient pas admises dans un établissement médico-social et que l’immeuble ne comporte pas de lieu collectif de vie ne faisait pas obstacle à cette qualification d’ERP, établissement recevant du public.

En conséquence, mes services ont engagé, sous un format interministériel, des travaux pour faire évoluer la réglementation applicable à ce type de logement. Des échanges entre mes services et ceux du ministère en charge de la construction et du ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées sont en cours, et devraient aboutir à une solution juridique complète. Les différents acteurs du secteur sont également associés à cette démarche.

Une telle réglementation doit concilier le développement, légitime, de l’habitat inclusif sur l’ensemble du territoire national, avec la nécessaire préservation de la sécurité de tous les occupants de ces logements, ainsi que des services de secours appelés à intervenir en cas de sinistre.

Le cadre juridique devra prévoir des prescriptions spécifiques pour garantir un niveau de sécurité contre les risques d’incendie adapté à ce type d’habitation et de public.

C’est pour ces raisons, monsieur le sénateur, que le Gouvernement envisage de compléter le corpus juridique applicable en matière de protection incendie des logements et bâtiments accueillant de l’habitat inclusif.

vote des budgets communaux et retard dans la transmission des informations aux collectivités

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la question n° 612, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Stéphane Demilly. Madame la ministre, selon l’article L. 1612-2 du code général des collectivités locales, le budget primitif des collectivités doit être adopté avant le 15 avril, sauf année de renouvellement, pour laquelle un délai supplémentaire de quinze jours est toléré.

Les articles D. 1612-1 et suivants listent les documents que les services de l’État doivent transmettre aux décideurs concernés avant l’adoption du budget, notamment afin de contribuer à la sincérité du scénario budgétaire.

Or, madame la ministre, nous constatons que le délai entre la réception de ces informations et la date limite du vote officiel se réduit comme peau de chagrin. Mon collègue Jean Hingray vous avait d’ailleurs alertée l’année dernière sur le sujet.

Sans détailler le calendrier de notification de toutes les dotations, prenons simplement l’exemple le plus emblématique, celui de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Depuis plusieurs années, son montant est communiqué aux conseils municipaux la première semaine d’avril, ce qui ne laisse plus qu’une semaine pour, le cas échéant, réunir la commission des finances et planifier la séance de conseil municipal, sachant que le délai de convocation du conseil est de trois jours francs pour une commune de moins de 3 500 habitants, et de cinq jours pour les autres.

Ce n’est plus une peau de chagrin, madame la ministre, c’est une vraie seringue !

Vous me répondrez peut-être qu’il est possible de reporter la date de vote en cas de réception tardive « des informations indispensables à l’établissement du budget », ce qui nous rapproche du milieu de l’année civile. Cela, vous en conviendrez, n’est pas acceptable. Cette situation est particulièrement problématique pour nos communes.

Madame la ministre, des aménagements sont-ils prévus afin que les collectivités puissent recevoir leurs informations budgétaires, et ainsi voter leur budget annuel, dans un délai un peu plus raisonnable ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Demilly, comme vous l’avez souligné, les collectivités territoriales et leurs groupements doivent voter leur budget avant le 15 avril de l’année, soit quinze jours après la transmission par l’État des éléments utiles à la préparation de ce budget, dont la liste est fixée par décret.

Si ces éléments utiles sont transmis après le 31 mars, la loi dispose que la date limite de vote des taux est décalée afin de laisser un délai d’examen d’au moins quinze jours aux collectivités territoriales pour voter leur budget. Mais il s’agit simplement là d’un élément de ma réponse, monsieur le sénateur.

Je tiens à souligner le délai contraint – il est toujours intéressant de connaître les contraintes de l’autre partie – dont disposent les services de l’État pour effectuer la répartition de la DGF du fait, d’une part, de la disponibilité tardive de certaines données, d’autre part, de la complexité de la répartition de près de 27 milliards d’euros, à l’euro près, selon des règles complexes reposant sur un grand nombre de critères physiques, financiers et sociaux.

J’ai pu moi-même mesurer la complexité d’un tel exercice, car j’ai personnellement insisté pour que soit avancée, dès cette année, la date d’information des collectivités au sujet de la DGF.

Chaque année, tous les efforts sont mis en œuvre par les services de la direction générale des collectivités locales (DGCL) pour publier le plus tôt possible les résultats de la répartition de la DGF.

En 2020, malgré les très fortes perturbations engendrées par la crise sanitaire, la publication est intervenue le 6 avril. En 2021, la publication a eu lieu le 2 avril. Cette année, pour la première fois, la mise en ligne est intervenue le 31 mars.

Conformément à l’engagement que j’ai pris auprès de vos collègues sénateurs, j’ai demandé aux services de raccourcir le délai de la répartition pour l’année 2024 et de prévoir sa publication une semaine plus tôt, soit le 24 mars. Les services s’y sont engagés. Nous nous dirigeons donc peu à peu vers un délai d’un mois, contre quinze jours auparavant. En 2024, nous en serons à trois semaines.

situation financière alarmante de saint-saulve dans le département du nord liée au calcul de la dotation globale de fonctionnement

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 633, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Martine Filleul. Madame la ministre, dans mon département du Nord, la commune de Saint-Saulve vit une situation financière particulièrement difficile liée au calcul de sa dotation globale de fonctionnement (DGF) et peine à sortir la tête de l’eau.

M. Yves Dusart, son maire, le dénonce depuis plusieurs années auprès de l’État et de ses représentants, sans que rien change jamais !

Je serai directe, car je ne suis pas la première parlementaire à me saisir de ce sujet, d’autres collègues, députés ou sénateurs, sont déjà intervenus dans l’hémicycle. À chaque question, nous avons toujours droit aux mêmes réponses : le Gouvernement reconnaît que la situation est anormale, mais rien n’est fait.

Par avance, je vous prie, madame la ministre, de ne pas gâcher le précieux temps de réponse dont vous disposez pour nous dire encore qu’il s’agit du poids de l’histoire concernant le calcul de la DGF ou entrer dans des explications techniques connues de tous : vous le savez, les élus le savent déjà, nous le savons tous déjà.

De fait, c’est une question d’égalité de traitement, d’autant que le Président de la République a déjà débloqué des fonds exceptionnels dans le passé. Je pense notamment à la ville de Marseille. Les élus, légitimement, ne comprennent pas ce « deux poids, deux mesures ».

Je vous demande donc une réponse concrète à la question suivante : allez-vous, oui ou non, apporter une aide immédiate à la commune de Saint-Saulve, en quelque sorte son dû ?

Le maire de la commune, croyez-le bien, madame Faure, sera le premier à écouter votre réponse.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Filleul, la commune de Saint-Saulve perçoit une DGF par habitant inférieure à la moyenne des communes de la même strate de population, soit 40,40 euros par habitant 2023 contre une moyenne de la strate de 168,60 euros.

Le niveau relativement faible de la DGF de Saint-Saulve est lié à son attribution – vous l’avez indiqué – au titre de la dotation forfaitaire qui s’établit à 8,80 euros par habitant en 2023, contre une moyenne nationale de 93,30 euros.

Comme vous l’avez souligné, cette inégalité de DGF provient pour partie de la consolidation de composantes historiques figées dans la dotation forfaitaire à la suite des réformes successives. Si les modes de calcul ont ainsi été simplifiés autour de l’évolution de la population communale, des écarts historiques de dotations entre communes sont maintenus et expliquent cette inégalité intrinsèque. Elle ne nous satisfait pas.

Depuis 2017, le poids de la dotation forfaitaire qui cristallise les plus fortes inégalités dans la DGF des communes a été réduit au profit des dotations de péréquation.

Or les dotations de péréquation sont réparties en fonction de critères objectifs de ressources et de charges indépendants des choix de gestion des communes, et qui font l’unanimité.

C’est d’ailleurs l’évolution de ces dotations de péréquation qui permet à la DGF de la commune de Saint-Saulve progresser de 4,4 % en 2023.

Je vous rejoins, madame la sénatrice, dans le constat de la nécessité d’une réforme de la dotation forfaitaire des communes. Nous y travaillons.

Une telle réforme produirait toutefois des variations à la hausse ou à la baisse de la dotation forfaitaire de nombreuses communes. De ce fait, j’ai demandé qu’une large concertation soit menée dans le cadre de l’agenda territorial avant de l’engager. Je m’y suis attelée avec mon collègue Christophe Béchu et avec la direction générale des collectivités locales (DGCL).

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.

Mme Martine Filleul. Je vous remercie, madame la ministre, de ces éléments d’information. Pour autant, ils ne me satisfont pas, car ils n’apportent aucune réponse concrète et précise à la commune de Saint-Saulve, qui est réellement en attente.

Force est de constater – et je le déplore – que vous ne vous engagez pas à venir au secours de cette commune, qui est en grande difficulté.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Contrairement à ce que vous venez de dire, madame la sénatrice, je m’engage – bien évidemment – à venir au secours de cette commune si elle est en difficulté.

La question de la DGF est épineuse. Comme je l’ai proposé, je suis disposée à recevoir le maire de Saint-Saulve avec la DGCL afin de travailler ensemble aux moyens à mettre en place pour l’accompagner, en cas de difficulté.

moyens humains et financiers dédiés aux collectivités

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 646, adressée à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, je ne peux commencer mon propos sans avoir une pensée pour le maire de Saint-Brévin-les-Pins, victime d’une violence extrême qui l’a conduit à démissionner de sa fonction.

De nombreux maires, de nombreux élus de la République m’interpellent dans mon département, le Pas-de-Calais, puisqu’ils sont eux aussi la cible d’individus et de groupuscules qui les insultent ou les agressent physiquement. Madame la ministre, je pense qu’il faut prendre des mesures plus énergiques pour ne pas laisser en souffrance ces élus.

Madame la ministre, en octobre 2022, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le Gouvernement a décidé de venir en aide aux collectivités les plus fragilisées pour qu’elles puissent faire face à l’augmentation des coûts de l’énergie et à la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires en instaurant le filet de sécurité.

À ce jour, nous sommes interpellés par plusieurs maires qui risquent de devoir rembourser l’acompte perçu. Trouvez-vous cela juste ? Quelles mesures envisagez-vous prendre pour ne pas pénaliser les efforts consentis par ces collectivités ?

Pouvez-vous m’indiquer, madame la ministre, combien de communes sont touchées dans le Pas-de-Calais ?

Par ailleurs, le montant exceptionnel de dotation globale de fonctionnement (DGF) pour 2023 n’est pas accompagné par une revalorisation de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), qui augmente moins vite que l’inflation – 1,7 % contre 6 %. Cela induit une perte de capacité financière pour les villes les plus pauvres.

Enfin, vous le savez, les maires, notamment les maires ruraux, souffrent du manque de moyens humains. Ils sont souvent amenés à traiter l’ensemble des dossiers et des problématiques avec leur seule secrétaire de mairie.

Aujourd’hui plus que jamais, la question d’un guichet unique se pose, celui-ci faciliterait l’accès aux aides, aux subventions et surtout aux interlocuteurs adaptés aux problématiques qui les touchent.

Ce n’est pas faire offense aux maires et aux secrétaires de mairie que de dire qu’il est de plus en plus compliqué de s’y retrouver entre les compétences des uns et les prérogatives des autres. Qu’avez-vous effectivement prévu au sujet du guichet unique ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, je crains de ne pas pouvoir répondre dans le temps qui m’est imparti à toutes les questions que vous avez posées.

Pour soutenir les collectivités territoriales face aux effets de l’inflation et les aider à investir dans la transition écologique, un ensemble de mesures ont été mises en œuvre dans loi de finances pour 2023, parmi lesquelles une hausse de 320 millions d’euros de la DGF pour la première fois depuis treize ans.

L’État a considérablement renforcé son soutien à l’investissement dans les territoires. Comme je l’ai souligné tout à l’heure, les dotations de soutien à l’investissement local sont maintenues en 2023 à leur haut niveau historique de 2 milliards d’euros. Le fond d’accélération de la transition écologique des territoires a été créé et doté de 2 milliards d’euros supplémentaires. Il sera reconduit en 2023.

Le Gouvernement a déployé plusieurs mesures de soutien face à la hausse des dépenses d’énergies payées par les collectivités territoriales au travers de plusieurs dispositifs. Je pense au bouclier tarifaire, à l’amortisseur électricité et au filet de sécurité.

Dans le projet de loi de finances pour 2023, des crédits ont été votés à hauteur de 430 millions d’euros, ce qui a permis le versement rapide d’acomptes. Vous me demandez si je trouve normal que l’on réclame aujourd’hui ces acomptes. Dans la loi de finances, le versement de ces 430 millions d’euros était assorti de critères. Nous avons certes payé rapidement ces acomptes, mais nous avons indiqué qu’il fallait s’assurer que les critères étaient bien respectés. Je trouve donc légitime que des acomptes puissent être repris lorsqu’ils ont été versés à tort. C’est une question de bon sens.

En ce qui concerne la revalorisation globale du métier de secrétaire de mairie, j’y travaille avec Stanislas Guerini par un renforcement de l’offre de formation, par une promotion spécifique des agents dans le cadre de leur parcours professionnel et par une reconnaissance de leur contribution essentielle aux élus.

Au-delà de la revalorisation de leur statut et de leur rémunération, nous nous interrogeons notamment sur la meilleure manière de mettre en place ces formations ainsi que sur leurs échéances afin de proposer aux maires des promotions de jeunes secrétaires de mairie.

politique de lutte contre les violences faites aux femmes

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, auteure de la question n° 552, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, le 9 mars dernier, à Béthune, Nadège, une mère de famille de 48 ans a été victime de féminicide, tuée à son domicile par son ancien compagnon, sous les yeux de sa fille âgée de 12 ans.

Il y a près d’un an, toujours dans le Béthunois, deux enfants âgés de 4 ans et 7 ans étaient retrouvés morts, dans une voiture incendiée par leur père. Ce dernier n’avait pas supporté la séparation.

Ces deux drames récents dans le Pas-de-Calais, parmi de nombreux autres malheureusement, ont un point commun : l’auteur des crimes était connu des services de police et de gendarmerie.

Force est de constater que les dispositifs de protection des victimes et la réponse pénale sont insuffisants à ce jour.

À Béthune, la femme tuée par son ex-compagnon avait porté plainte pour menace de mort, huit mois avant son assassinat. Selon le collectif « Féminicides par compagnons ou ex », trente et une femmes ont été tuées par leur conjoint depuis le début de l’année 2023. La plupart des auteurs avaient fait l’objet de dépôt de plainte, voire de condamnations.

Trop souvent, les délais allongés entre le dépôt d’une plainte pour violences et la réponse du Parquet placent la victime dans une situation de danger durant laquelle nombre de conjoints ou d’ex-conjoints violents passent à l’acte.

Pour sécuriser la situation des femmes qui portent plainte, il serait notamment impératif de fixer un délai maximal entre le dépôt de plainte et la réponse du Parquet, qu’il s’agisse d’une condamnation ou d’un classement sans suite.

Il faut le reconnaître, l’État a sensiblement augmenté les moyens alloués à la lutte contre les violences conjugales. Or le nombre de violences conjugales augmente toujours et les inégalités territoriales demeurent.

La région des Hauts-de-France est la plus touchée par les féminicides. Il est essentiel d’adapter la lutte aux réalités locales, de territorialiser les politiques et d’augmenter les moyens mobilisés.

Madame la ministre, quels outils et moyens supplémentaires comptez-vous mettre en œuvre rapidement pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes, notamment dans les territoires les plus touchés par ce fléau, notamment les Hauts-de-France ?

Que prévoyez-vous pour renforcer la protection des victimes et améliorer la réponse pénale afin d’éviter de nouveaux drames ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Gacquerre, depuis 2017, le Gouvernement a lancé une mobilisation générale de l’État, en lien avec les associations et les collectivités pour lutter contre le fléau des violences intrafamiliales.

Le Gouvernement a lancé en mars le déploiement du « pack nouveau départ », qui a vocation à apporter une réponse coordonnée, rapide et individualisée aux besoins des victimes de violences conjugales, en vue de les aider à quitter leur conjoint violent. Ces victimes seront aussi mieux détectées grâce à un réseau d’acteurs de première ligne sensibilisés et formés.

Il permettra une priorisation de l’accès aux aides et dispositifs de droit commun dans une logique de coupe-file. Il comprendra notamment la possibilité d’une aide financière d’urgence. Le pack nouveau départ sera élargi à la France entière d’ici à la fin de l’année 2025.

Le 8 mars, le Gouvernement a présenté le plan « Toutes et tous égaux ». Ce plan comporte plusieurs mesures pour lutter contre le fléau des violences intrafamiliales dans les territoires, notamment le déploiement de pôles spécialisés dans chaque juridiction, ainsi que le renforcement de la formation des magistrats et de l’ensemble des acteurs de première ligne en matière de lutte contre les violences intrafamiliales.

En cas de danger grave et imminent pour les victimes, une ordonnance de protection immédiate pourra être délivrée sous vingt-quatre heures.

Par ailleurs, le fichier de protection des victimes de violences intrafamiliales sera enrichi progressivement des données relatives à la victime pour mieux la protéger.

Enfin, chaque département sera doté d’une structure médico-sociale de prise en charge globale des femmes victimes de tous types de violences, adossée à un centre hospitalier, afin de généraliser le recueil de plaintes.

Le Gouvernement consacre des moyens budgétaires et humains sans précédent à la lutte contre les violences conjugales. Le budget du ministère de l’égalité entre les femmes et les hommes a été multiplié par deux en cinq ans.

Pour autant, madame la sénatrice, il nous faut poursuivre dans cette voie et accélérer la mise en place des dispositifs d’aides. Il importe que nous progressions ensemble sur cette question.

exclusion des chaudières à gaz du label « basse consommation »

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, auteure de la question n° 642, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Kristina Pluchet. Madame la ministre, au début du mois de mars, le Gouvernement a lancé auprès des fédérations professionnelles concernées une consultation pour modifier l’arrêté qui fixe les conditions d’obtention du label basse consommation – je fais référence ici aux dispositifs liés à MaPrimeRénov’.

Est ainsi envisagée l’exclusion des « chaudières alimentées majoritairement par des combustibles fossiles ». Nous ne sommes pas naïfs : il s’agit là d’une première mesure allant dans le sens du projet de règlement de la Commission européenne, qui souhaite interdire dès 2029 toutes les chaudières, y compris celles qui sont compatibles avec des biocombustibles, alors même que les parlementaires européens sont parvenus à un compromis pour les autoriser.

Or les parlementaires français vont devoir se saisir de la stratégie française sur l’énergie et le climat avec deux échéances majeures en 2023 et en 2024.

Ces orientations sont donc, vous en conviendrez, éminemment questionnables. Le Gouvernement semble procéder à des orientations énergétiques stratégiques par voie réglementaire, en amont du législateur.

Madame la ministre, sur cette question épineuse au sujet de laquelle le Gouvernement a été plusieurs fois interrogé, j’ai lu vos arguments, vos chiffres, vos promesses de concertation, mais j’aimerais une fois pour toutes que vous nous expliquiez sur quelles études précises vous vous fondez pour envisager d’exclure tout un vecteur énergétique de chauffage qui remplira pourtant des critères très intéressants de performance.

Quels sont les résultats de l’étude d’impact économique que vous avez bien évidemment menée pour envisager une mesure d’une telle envergure ?

Compte tenu des lourdes conséquences financières pour les ménages français, il serait dommage que l’on s’aperçoive a posteriori que tout cela repose sur des projections dogmatiques et incomplètes, comme d’autres décisions énergétiques passées.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Pluchet, il n’y a, à ce jour, pas d’interdiction d’installation de chaudières au gaz dans les logements existants. Depuis le début de l’année 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose le recours à une part importante d’énergie décarbonée pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire dans les logements neufs.

S’agissant du biogaz, énergie décarbonée qui n’est pas utilisée seulement dans le secteur des bâtiments, son développement doit être encouragé. Je rappelle néanmoins les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 480 térawattheures de gaz en 2021 et nous avons actuellement une capacité d’injection dans le réseau de seulement 10 térawattheures de biogaz, avec un gisement global de biomasse qui restera limité et fortement sollicité par ailleurs.

Les tarifs d’achat du biogaz injecté dans les réseaux seront bientôt revalorisés et accompagnés de plusieurs mesures de simplification et de flexibilisation. Le dispositif des certificats de production de biométhane introduit par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets de 2021, dite loi Climat et résilience, obligera progressivement les fournisseurs à augmenter la part de biométhane incorporée.

Réduire notre consommation globale de gaz n’est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz, au service des secteurs et pour le cas où les alternatives au gaz sont limitées. Nous devons faire les deux afin de sortir au plus vite des énergies fossiles, décarboner notre économie et renforcer notre souveraineté énergétique.

Enfin, concernant une éventuelle interdiction progressive de la vente de chaudières à gaz neuves, une telle décision ne pourrait s’envisager qu’après une concertation large et documentée avec les parties prenantes, et dimensionnée précisément en tenant compte de l’ensemble des enjeux techniques et économiques associés. Il importe de ne laisser aucun ménage dans l’impasse et de donner suffisamment de visibilité aux professionnels.

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour la réplique.

Mme Kristina Pluchet. Madame la ministre, vous n’avez pas tout à fait répondu à ma question. Il importe, selon moi, de tirer la leçon de ce qui s’est produit l’hiver dernier. Soyez pragmatique, le mix énergétique est toujours plus prudent !

création d’un budget opérationnel de programme en normandie

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 673, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, pendant près de cinquante ans, l’administration française aimait tellement la Normandie qu’elle en avait créé deux. Depuis 2015, la Normandie est réunifiée au bénéfice de sa rationalité et de sa performance.

Pourtant, ce rapprochement naturel demeure inabouti. En effet, l’organisation de la justice en Normandie est tout sauf normande. Elle est tantôt nordique, tantôt bretonne !

Ainsi, l’unité opérationnelle (UO) de Rouen est rattachée au budget opérationnel de programme (BOP) Grand Nord, géré par la cour d’appel de Douai, quand celle de Caen dépend du BOP Grand Ouest, relevant de la cour d’appel de Rennes.

Cette organisation subordonne la cour d’appel de Rouen à quatre cours d’appel selon les thématiques, entraînant de graves conséquences sur le pilotage de la justice en Normandie. Cette situation amenuise l’efficacité judiciaire, voire l’entrave.

Cet état de fait illustre parfaitement les conclusions du rapport des états généraux de la justice, lequel pointait « la discordance entre les cartes administratives et judiciaires au niveau régional ».

La création d’un BOP normand est indispensable pour assurer l’efficacité de l’action de la justice à l’échelon régional tout en étant en cohérence avec le schéma territorial de toutes les autres administrations de l’État.

Les acteurs normands demandent de la cohérence territoriale. Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la création d’un BOP normand ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Canayer, comme vous le savez, le Gouvernement et le garde des sceaux sont très attachés à la proximité de l’institution judiciaire avec les territoires.

Le garde des sceaux connaît à la fois votre engagement pour votre territoire, mais également pour la justice de notre pays.

Cette question d’organisation budgétaire et comptable revêt une importance toute particulière à l’heure où il s’apprête à présenter la loi de programmation pour la justice. En effet, ces 7,5 millions d’euros supplémentaires sur cinq ans que M. le garde des sceaux vous propose d’accorder aux tribunaux et à l’administration pénitentiaire ont une évidente contrepartie : celle de la bonne gestion.

La question que vous soulevez est donc en lien direct avec la transformation majeure que le garde des sceaux porte pour la justice. L’une des clés du succès est bien celle de la réorganisation des services administratifs déconcentrés de l’administration judiciaire.

C’est la raison pour laquelle le garde des sceaux a demandé à l’administration de mettre en place une grande opération de déconcentration au 1er janvier 2024. Aujourd’hui, nous sommes encore en train d’envisager toutes les hypothèses pour bâtir un projet cohérent. Vous comprendrez que nous ne pouvons donner une réponse ferme sur une cour d’appel alors que nous souhaitons penser une solution plus globale.

Toutefois, le garde des sceaux conserve en mémoire votre proposition particulièrement bien étayée. Il vous suggère d’en discuter prochainement avec lui à la Chancellerie afin d’avancer sur des propositions concrètes.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.

Mme Agnès Canayer. M. le garde des sceaux me fait une réponse de Normand (Sourires.), qui ne satisfait en rien la Normandie !

Nous connaissons bien les intentions de M. le garde des sceaux à propos de la justice, mais je tenais ce matin à attirer particulièrement son attention sur l’enjeu pour la Normandie d’une telle réorganisation, dont nous ignorons les contours exacts.

conditions d’éligibilité aux aides relatives au statut de calamités agricoles sécheresse

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, auteur de la question n° 607, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Max Brisson. Madame la ministre, face au sévère épisode de sécheresse de 2022, l’état de calamité agricole a été reconnu dans les Pyrénées-Atlantiques.

Oui, le Gouvernement a pris la mesure de la gravité de la situation, en diligentant un assouplissement des critères d’éligibilité, dont un abaissement de 13 % à 11 % du taux de pertes sur le produit brut.

Depuis le 16 janvier, les paysans basques et béarnais peuvent faire leur déclaration pour toucher l’indemnité compensatoire qui leur revient.

Toutefois, près de 33 % des demandes déposées sur l’ensemble du département ont été rejetées, soit un éleveur sur trois exclu du dispositif. Et pour cause : celui-ci n’est pas adapté aux spécificités des exploitations d’élevages du département.

En effet, les fermes y ont une surface moyenne d’environ 30 hectares, surface relativement faible en comparaison des moyennes nationales, mais elles supportent, grâce à la transhumance en montagne, des cheptels considérables pour leur permettre de dégager un revenu.

Cette singularité, qui permet de placer le département sur le podium des installations de jeunes agriculteurs, est toutefois difficilement prise en compte dans les différentes mesures d’aides conjoncturelles mises en place.

Les remontées du terrain indiquent que le seuil de 11 % de perte de produit brut est trop excluant.

Madame la ministre, pour répondre au désarroi des éleveurs, le Gouvernement est-il enclin à proposer de nouveaux critères d’éligibilité aux aides ?

Accepterait-il au moins de fixer un nouveau seuil de pertes à 8 %, conformément à la motion formulée par la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Brisson, depuis le début de l’été 2022, le Gouvernement s’est pleinement mobilisé face à l’épisode inédit de sécheresse.

Pour le régime des calamités agricoles, nous avons prévu une accélération exceptionnelle de la procédure au profit des éleveurs les plus affectés. Plus de quatre mois ont ainsi été gagnés.

Nous avons également pris la décision exceptionnelle de relever le taux d’indemnisation de 28 % à 35 %.

S’agissant du département des Pyrénées-Atlantiques, le comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) du 9 décembre a émis un avis favorable sur la reconnaissance du département en calamités agricoles pour les pertes subies à la suite de la sécheresse sur fourrages.

Le CNGRA du 15 mars 2023 a aussi émis un avis favorable concernant des pertes de fonds sur plants de cultures pérennes sur l’ensemble du département.

J’ai néanmoins conscience que ni l’accélération du calendrier ni le relèvement exceptionnel du taux d’indemnisation ne bénéficient aux agriculteurs qui ne sont pas éligibles aux calamités, notamment ceux qui n’atteignent pas le seuil de 11 % de pertes globales.

Il convient de rappeler que ce seuil a déjà fait l’objet d’un abaissement, à titre exceptionnel, dans le cadre de la sécheresse de 2022.

Le Gouvernement est conscient du fait que le département des Pyrénées-Atlantiques n’a pas été concerné par les sécheresses ces années passées et que le dispositif des calamités agricoles sur fourrages, complexe à déployer, n’est pas un outil habituel dans le département.

Aussi, Marc Fesneau a demandé aux services de la direction départementale des territoires (DDT), avec l’appui des équipes du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, de réaliser un travail approfondi de vérification des paramètres de cette calamité.

Un travail d’analyse des dossiers inéligibles et de vérification d’erreurs de déclaration ou de saisie a été mené. Ce critère n’existe plus dans le nouveau système d’assurance récolte, en vigueur depuis le 1er janvier 2023.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.

M. Max Brisson. Madame la ministre, un tiers des dossiers sont actuellement rejetés. Les éleveurs du département lancent un véritable cri de détresse. Ils ont d’ailleurs alerté le ministre Marc Fesneau lorsqu’il est venu dans les Pyrénées-Atlantiques.

Certaines exploitations sont aujourd’hui en danger. La courbe des installations, qui connaissait une dynamique positive, est en train de s’inverser. Les critères mis en place ne répondent pas à la réalité du département, avec une économie de montagne et de transhumance particulièrement performante. Je demande de nouveau au Gouvernement d’examiner de près la situation des éleveurs de la montagne pyrénéenne.

rôle et moyens de l’agence française anticorruption

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 606, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation de l’Agence française anticorruption.

Cette agence, créée par la loi du 9 décembre 2016, devait répondre notamment aux critiques de l’OCDE, qui pointait « la faible réactivité des autorités françaises » et « la faiblesse des moyens affectés aux enquêtes » dans la lutte contre la corruption.

Or, depuis juillet 2022, les six personnalités qui composent la commission des sanctions pouvant être saisie par l’agence ont cessé leurs fonctions et leurs successeurs n’ont pas encore été nommés à ce jour.

De plus, le magistrat qui dirigeait l’Agence française anticorruption vient de terminer son mandat et la direction est donc vacante.

Enfin, une circulaire dédiée au traitement des atteintes à la probité, annoncée en septembre 2022 et qui devait être adressée début 2023, se fait également attendre.

Quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre afin que cette agence, dont le rôle est essentiel, ait les moyens d’assumer sa mission ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Sueur, l’Agence française anticorruption, l’AFA, joue un rôle essentiel, qui est pleinement reconnu et encouragé par le gouvernement français.

Dans son rapport de 2021, l’OCDE soulignait que la France avait entrepris des réformes de première importance pour lutter efficacement contre la corruption.

Si l’AFA comptait 36 agents à sa création en 2017, elle en dénombre 50 depuis décembre 2022. Par ailleurs, 5 créations d’emplois supplémentaires ont été arbitrées sur la trajectoire 2023-2024 afin de multiplier les contrôles liés à la Coupe du monde de rugby en 2023 et aux jeux Olympiques de 2024, de renforcer les contrôles des sociétés publiques locales, des entreprises étrangères opérant en France, ainsi que les contrôles de suite sur les acteurs publics et sur les entreprises. La dotation globale de l’AFA pour ses dépenses d’expertise est maintenue à un haut niveau, à savoir 350 000 euros annuels pour les années 2023 à 2027. À cette somme s’ajoutent les avances de frais d’expertise des conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP) qui peuvent représenter de 2 millions à 3 millions d’euros par an.

Le décret portant nomination de membres de la commission des sanctions a été publié le 17 avril 2023 et la nomination d’un nouveau directeur de l’agence est en cours.

Le Gouvernement est particulièrement soucieux de préserver à un haut niveau les moyens alloués à l’AFA et de les faire évoluer en lien avec les nécessités inhérentes à la poursuite de ses missions.

Par ailleurs, une circulaire portant sur les relations entre l’autorité judiciaire et les juridictions financières sera très prochainement diffusée afin d’améliorer la détection de ces infractions et les moyens permettant de favoriser des enquêtes efficaces et une réponse pénale dynamique.

Enfin, des travaux interministériels importants sont actuellement menés, sous la coordination de l’AFA, pour l’élaboration d’un nouveau plan pluriannuel de lutte contre la corruption pour la période 2023-2025. Celui-ci sera au niveau des standards internationaux les plus exigeants. Vous pouvez compter sur nous, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie de vos déclarations, madame la ministre. J’espère que les six personnes composant la commission des sanctions vont être effectivement réunies à la suite de la parution du décret et que le directeur, en cours de nomination depuis déjà un certain temps, finira par être nommé. Je rappelle que l’ancien directeur a déclaré devant une commission de l’Assemblée nationale que les capacités d’action et les moyens en personnel de cette instance étaient nettement inférieurs à ce qui était prévu lors du vote de la loi : 53 agents, alors que 70 étaient prévus. Il est absolument nécessaire d’augmenter ces effectifs vu l’importance du sujet.

fichier des comptes bancaires et données personnelles des français

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 227, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Gilbert Roger. Monsieur le ministre, j’ai déposé cette question en octobre dernier. Force est d’admettre que la réponse a tardé à venir jusqu’à nous…

À la suite de révélations de la presse, les Français, comme les parlementaires, ont appris la tentative de la direction générale des finances publiques (DGFiP) de faire évoluer le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), en 2021, pour y inclure toutes les informations bancaires des citoyens français. Ce processus s’est fait dans une opacité telle que ni le Parlement ni la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), pourtant garants des libertés publiques, n’ont été avertis de ces démarches. Nombreux sont nos concitoyens qui s’interrogent et nous interpellent sur cette tentative de Bercy de s’arroger autant de données personnelles sans l’accord de la représentation nationale.

Aussi, monsieur le ministre, je vous remercie de bien vouloir vous expliquer sur cette réforme, qui ne repose, me semble-t-il, sur aucune base légale à ce jour, et de nous détailler la vision de Bercy quant à l’utilisation des informations bancaires des Français dans un avenir proche.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur, l’article 1649 A du code général des impôts (CGI) fait obligation aux organismes qui reçoivent habituellement en dépôt des valeurs mobilières de déclarer à l’administration fiscale l’ouverture et la clôture des comptes de toute nature, ainsi que la location de coffres-forts.

Les données collectées sont répertoriées dans le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), détenu par la DGFiP. Ce fichier est consulté par les services de la DGFiP en charge du contrôle fiscal et du recouvrement, ainsi que par les organismes dûment autorisés par le législateur, à des fins, notamment, de lutte contre la fraude.

Le fichier des comptes bancaires et assimilés, créé en 1971, informatisé en 1982 et mis à jour en 2002 (Ficoba 2), recense donc les comptes de toute nature ouverts sur le territoire national. Il fournit aux organismes légalement habilités, dans le cadre de l’exercice de leurs missions, des informations sur les comptes détenus par une personne ou une société.

Cette application est aujourd’hui obsolète, sur le plan tant fonctionnel que technique. Elle n’est pas en mesure de prendre en compte les évolutions du secteur bancaire et doit répondre à un accroissement des sollicitations.

Dans ce contexte, la refonte de Ficoba est essentielle pour la DGFiP et les nombreux partenaires et acteurs en charge de la lutte contre les différents types de fraude. Elle vise plus largement à améliorer le recouvrement des créances publiques.

Des études de modernisation technique et fonctionnelle ont donc été engagées – il s’agit du projet Ficoba 3 – sur la période 2020-2023. Un financement a été obtenu à cette fin dans le cadre du fonds de transformation de l’action publique (FTAP) 2020.

Dans le cadre de ces travaux, des réflexions internes à l’administration ont été conduites sur l’intégration ou non dans le fichier des données relatives aux soldes des comptes bancaires à une date déterminée. Il s’agit d’une réflexion logique, car disposer du solde des comptes n’est pas en soi une nouveauté conceptuelle.

En effet, le fichier national des contrats d’assurance vie (Ficovie), qui recense les assurances vie, permet de connaître le solde de ces dernières. De même, l’administration fiscale dispose des soldes des comptes bancaires détenus à l’étranger par des résidents fiscaux français grâce aux données de l’échange automatique d’informations internationales.

Une telle évolution du fichier Ficoba ne serait, en tout état de cause, possible qu’après avis de la Cnil et intervention du législateur.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour la réplique.

M. Gilbert Roger. Je ne serai plus sénateur en septembre prochain, mais j’encourage le Gouvernement à présenter devant la représentation nationale, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2024, les voies et moyens d’une approbation du législateur, au-delà de toute considération d’ordre technique. Ne marchez pas sur les plates-bandes du Parlement !

guichet unique

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, auteur de la question n° 506, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la secrétaire d’État, depuis le 1er janvier 2023, en application de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, tous les centres de formalités des entreprises ont été regroupés sur un seul site dénommé le guichet unique. Cela représente un défi colossal à la charge de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Pour avoir rencontré les représentants de la chambre de métiers et de l’artisanat (CMA) de mon territoire, je puis vous assurer que la situation sur le terrain est difficile.

Depuis la mise en œuvre de cette simplification, de nombreux dysfonctionnements sont apparus, laissant dans le désarroi des milliers d’entrepreneurs, mais aussi le réseau consulaire, et provoquant le mécontentement et le stress des mandataires, des clients et des collaborateurs consulaires. Si les chambres des métiers ont perdu leur rôle de service public dans la gestion des centres de formalités, elles le conservent quant à la validation des déclarations traitées par le guichet Inpi. Or des erreurs d’orientation ont été constatées, des entreprises étant dirigées vers les registres du commerce ou de l’Urssaf plutôt que vers les chambres de métiers.

Cela a un impact financier pour les CMA, puisque les entreprises non inscrites à la section artisanale du répertoire national ne seront pas soumises à la taxe pour les frais de la chambre. Par ailleurs, la qualification professionnelle n’est pas vérifiée, ce qui peut porter préjudice aux consommateurs.

Madame la secrétaire d’État, comment comptez-vous sécuriser ces aspects dans les évolutions de la plateforme unique ? Quand pourra-t-on compter sur un guichet unique pleinement opérationnel ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Devinaz, l’instauration du guichet unique pour les formalités des entreprises constitue à la fois un projet technique de grande ampleur et une redéfinition en profondeur des rôles de l’ensemble des acteurs de l’écosystème des formalités, après plus de quarante ans de fonctionnement des centres de formalités des entreprises (CFE). Ces deux facteurs expliquent en grande partie les retards que le projet a connus à son démarrage, et que le Gouvernement s’est engagé à résorber.

Ouvert en janvier dernier conformément à la loi Pacte, le guichet unique a permis aux entreprises de réaliser plus de 485 000 formalités depuis cette date. Il prend d’ores et déjà en charge la totalité des formalités de création, et ce sera également le cas des cessations dans quelques jours. Les tests se poursuivent actuellement pour les formalités de modification, qui ouvriront progressivement d’ici au mois de juin. Enfin, une nouvelle version simplifiée du dépôt des comptes est disponible depuis la fin du mois d’avril. Je sais que vous y tenez, monsieur le sénateur.

Dans cette transformation, les chambres de métiers et de l’artisanat, qui accompagnent par ailleurs nos entreprises de manière essentielle sur nos différents territoires, conservent un rôle déterminant. Il leur appartient en effet de vérifier le caractère artisanal de l’activité déclarée par une entreprise. Il leur revient également de contrôler la qualification professionnelle.

Enfin, l’orientation des dossiers vers les organismes en charge de la validation, dont les CMA, repose exclusivement sur les informations fournies par les entreprises concernant leur activité, au moyen d’une classification fine des activités, qui a été élaborée conjointement avec les chambres de métiers et de l’artisanat.

Monsieur le sénateur Devinaz, malgré les difficultés inhérentes à un projet d’une aussi grande ampleur que le guichet unique, soyez rassuré sur la pleine mobilisation du Gouvernement pour corriger les défauts constatés et permettre une mise en place pleine et effective le plus rapidement possible. C’est l’engagement que les services de Bercy ont pris.

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Pour avoir visité l’Inpi avec la délégation sénatoriale aux entreprises, et après avoir entendu les explications de ses représentants, je suis persuadé que, si les chambres consulaires avaient été considérées comme de véritables partenaires à part entière, et non comme de simples acteurs, la construction de ce guichet unique se déroulerait beaucoup mieux.

automatisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et impact sur le budget de la commune de lambersart

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, auteur de la question n° 576, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

M. Olivier Henno. Madame la secrétaire d’État, à l’occasion de cette question, je veux avec gravité évoquer le ras-le-bol et le cafard des maires. Les causes en sont nombreuses.

Il y a tout d’abord la violence. À cet égard, la démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins est hautement symbolique. Plus généralement, les maires, les élus locaux veulent bien être à portée d’engueulade, mais pas à portée de coups. L’État doit agir !

Une autre cause réside dans l’abondance de normes. Le dernier exemple en date est le zéro artificialisation nette (ZAN).

Enfin, il y a la question de l’insécurité financière, qui débouche parfois sur une véritable dépendance financière. Les maires et les élus locaux veulent une décentralisation de projet, et non pas une décentralisation d’exécution. Ils veulent pouvoir conduire des projets, sans être considérés comme des agents de l’État. Aussi, ils ont besoin d’autonomie fiscale et de lisibilité financière.

À ce sujet, ce qui se passe sur l’automatisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) est symptomatique de l’impact négatif que peuvent avoir les choix du Gouvernement sur le budget des communes.

En effet, l’État a décidé d’exclure du FCTVA un certain nombre de dépenses, parmi lesquelles celles relevant des deux comptes d’immobilisation 211 « Terrains » et 212 « Agencements et aménagements de terrains ». À titre d’exemple, cette exclusion entraîne une perte de 350 000 euros pour la ville de Lambersart sur une opération de rénovation en 2023 de deux terrains de sport en gazon synthétique. Aussi, je me fais l’écho des inquiétudes du maire de Lambersart, tout en appelant à une réponse claire du Gouvernement sur les comptes 211 et 212, qui illustrent parfaitement l’insécurité financière qui touche les maires et les élus locaux.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Henno, vous avez rappelé les actes de violence que subissent les maires, en particulier depuis 2020. Depuis le dernier renouvellement municipal, environ 1 500 maires ont démissionné, après s’être pourtant présentés devant les électeurs pour faire vivre leur commune.

Je ne peux pas vous répondre, monsieur le sénateur, sans réaffirmer le soutien du Gouvernement au maire de Saint-Brevin-les-Pins, élu de mon territoire, la Loire-Atlantique. Cet édile a connu le pire, en voyant son propre domicile incendié, après avoir subi des insultes et des menaces en présence de ses enfants. Personne ne peut accepter cela, que l’on soit maire, sénateur, député, ministre, tous détenteurs d’un petit bout de notre République et de notre démocratie.

Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, les difficultés sont de divers ordres, mais vous avez insisté sur l’automatisation du FCTVA. Au-delà de vos propos sur le ras-le-bol et le vague à l’âme des maires, cette question est très technique.

Le périmètre des comptes du plan comptable des collectivités ne permet pas de faire coïncider exactement l’assiette automatisée et l’assiette réglementaire précédant la réforme. Certains comptes d’agencement et d’aménagement de terrains n’ont pas été retenus dans l’assiette automatisée, car ils comportent des dépenses hors taxe, par nature inéligibles au FCTVA. Toutefois, d’autres dépenses réalisées par les collectivités dans le cadre de projets d’aménagement d’un terrain de sport sont susceptibles d’ouvrir le bénéfice du FCTVA : ainsi, les achats d’équipements sportifs et urbains, qu’ils soient fixés au sol ou non, sont inclus dans l’assiette automatisée du FCTVA ; il en va de même de l’achat des machines d’entretien des terrains ou du matériel d’éclairage du stade. A contrario, d’autres dépenses ne sont plus éligibles.

Monsieur le sénateur, pour ne pas apparaître trop technique ce matin, je vous propose de vous communiquer la réponse écrite qui m’a été transmise par les services de Bercy, laquelle pourra vous permettre d’apporter des éléments précis aux maires. C’est bien là l’essentiel.

situation de l’école nationale supérieure d’architecture de normandie

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la question n° 638, adressée à Mme la ministre de la culture.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement, notamment de la ministre de la culture, sur la situation de l’école nationale supérieure d’architecture de Normandie (Ensan), située à Darnétal, dans mon département de Seine-Maritime. Les Ensa sont au cœur des enjeux de patrimoine et de la cité, en application, notamment, de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, qui a contribué à réhabiliter le rôle et la place de l’architecture dans la cité, au service du patrimoine.

Par ailleurs, face aux défis climatiques et écologiques et de l’aménagement équilibré du territoire et de l’urbanisme, auxquels la société dans son ensemble, ainsi que nos collectivités territoriales, est confrontée, ces écoles sont amenées à jouer un rôle en matière de formation initiale, mais également de formation continue, et ce dans une logique de réflexion et d’adaptation permanentes.

Depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, l’Ensan rencontre de graves problèmes structurels résultant d’un manque d’investissement dans la formation, l’accompagnement pédagogique et les locaux de l’école. Cela a eu pour conséquence une grève, à la suite d’une initiative conjointe des enseignants et des étudiants dans le courant du mois de février. Les services du ministère ont reçu une délégation de l’Ensan au mois de mars, sans que soit programmé un nouveau rendez-vous concernant les futurs moyens accordés à l’école, notamment dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Pourtant, je puis vous assurer que la direction a fait de grands efforts sur les finances, le personnel enseignant agissant quant à lui sur la transformation des formations, notamment en matière environnementale.

En outre, l’argent public investi en moyenne par étudiant pour les Ensa est significativement inférieur à ce que l’on observe dans le reste de l’enseignement supérieur, l’école de Normandie figurant plutôt dans la fourchette basse pour les moyens et ETP alloués.

Dans une logique d’équité avec les autres branches de l’enseignement supérieur et compte tenu de l’importance du rôle des Ensa pour l’avenir, je demande à Mme la ministre de la culture si elle entend allouer des moyens à la hauteur des enjeux à l’occasion du prochain projet de loi de finances, voire dans le cadre du premier projet de loi de finances rectificative pour 2023.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice Morin-Desailly, nous connaissons votre engagement particulier pour l’école nationale supérieure d’architecture de Normandie. Vos alertes à cet égard sont récurrentes, comme cela m’a été rappelé par Mme la ministre de la culture.

Plus que jamais, nous avons besoin d’accompagner un certain nombre d’établissements qui ont vocation à nous apporter des solutions pour la transition écologique, le grand défi de notre siècle. La ministre de la culture en a fait une priorité. Le budget de son ministère pour 2023 en témoigne, avec une augmentation inédite de 20 % des crédits consacrés aux Ensa. S’y ajoute une somme de 57 millions d’euros au titre du plan de relance pour la rénovation des bâtiments. Au total, les Ensa bénéficieront d’un investissement de plus de 75 millions d’euros d’ici à 2025.

Madame la sénatrice, votre interrogation porte plus spécifiquement sur l’Ensa de Normandie. Ma collègue Rima Abdul-Malak a rencontré personnellement les représentants des étudiants et de la direction ces dernières semaines. Cette large concertation a notamment permis d’annoncer une aide immédiate de 3 millions d’euros, plus spécifiquement consacrée à la vie étudiante.

Enfin, le soutien en faveur de la recherche sera accru. Les rémunérations des enseignants de recherche et des doctorants seront alignées dès la rentrée sur celles de leurs homologues universitaires.

Au-delà de ces annonces, madame la sénatrice, Mme la ministre m’a priée de vous rappeler son attachement à la recherche de solutions à plus long terme. Elle a ainsi demandé à la nouvelle directrice de l’architecture et du patrimoine d’engager une plus vaste concertation pour réactualiser la stratégie élaborée en 2015 et l’inscrire dans les défis de notre temps. Je vous assure, madame la sénatrice, que la ministre de la culture vous tiendra au courant, étape après étape, de ces réflexions.

conséquences du filet de sécurité pour les communes

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 647, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

Mme Céline Brulin. Madame la secrétaire d’État, le filet de sécurité qui doit permettre aux collectivités de faire face à l’explosion des coûts de l’énergie se traduit par des versements d’acomptes aux communes potentiellement bénéficiaires. Cependant, certaines d’entre elles ne l’ont pas demandé, de crainte de devoir rembourser l’argent versé.

En effet, c’est au moment de l’établissement du compte administratif que les collectivités connaissent avec certitude l’évolution de leur épargne brute, qui doit avoir diminué de 25 % pour qu’elles puissent bénéficier du filet de sécurité 2022.

Les premières régularisations tombent, et certaines communes, comme Harfleur ou Maromme en Seine-Maritime, doivent rembourser parfois des centaines de milliers d’euros, ce qui met évidemment en péril leur équilibre budgétaire.

C’est injuste, car ce sont leurs efforts de gestion qui conduisent précisément à une moindre diminution de leur épargne brute. C’est aussi contre-productif, car cela a un impact sur les investissements, par exemple des rénovations thermiques qui permettraient de diminuer durablement les coûts de l’énergie.

Dans d’autres cas, comme à Eu, le contrôle de légalité pointe l’insuffisance de ressources propres de la commune au regard des coûts énergétiques. C’est bien là le problème, les fluctuations rendant difficile l’élaboration des budgets.

Il faut reporter la régularisation. Le ministre délégué chargé des comptes publics a donné quelques signes en ce sens. Je crois qu’il convient de garantir aux communes concernées qu’aucun remboursement ne leur sera demandé avant, au minimum, d’avoir examiné leur situation de 2023.

Il faut aussi améliorer le dispositif. Nous avons réussi à abaisser à 15 % le critère de perte d’autofinancement pour 2023, mais le décret a été rejeté par le comité des finances locales, parce qu’il conduisait à exclure beaucoup trop de collectivités.

Madame la secrétaire d’État, quand, et dans quel sens, ce décret sera-t-il retravaillé et republié ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice Brulin, même si je n’apprécie pas spécialement l’exercice, je vais m’efforcer de lire de manière exhaustive la réponse qui m’a été préparée, car votre question est particulièrement technique.

Le Gouvernement est pleinement conscient des effets de l’inflation sur la situation financière des collectivités territoriales et agit en conséquence.

Il a, en lien avec le Parlement, mis en place un filet de sécurité contre les conséquences de l’inflation, lequel figure à l’article 14 de la loi de finances rectificative du 16 août 2022. Ce dispositif vise à compenser certaines hausses de dépenses subies en 2022 et permet d’apporter un soutien financier immédiat aux collectivités territoriales.

Le décret n° 2022-1314 du 13 octobre 2022 en précise le fonctionnement, en décrivant notamment les modalités de calcul et de versement de la dotation octroyée à ce titre.

Pour accompagner les collectivités les plus en difficulté, un mécanisme d’acompte allant de 30 % à 50 % de la dotation prévue a été mis en place. À leur demande, les collectivités pouvaient solliciter un acompte jusqu’au 15 novembre 2022, à condition qu’elles anticipent, pour la fin de l’exercice 2022, une baisse d’épargne brute de plus de 25 %, sur le fondement d’une estimation de leur situation financière.

Il a toutefois toujours été indiqué que les collectivités bénéficiaires pourraient être amenées à rembourser l’acompte en 2023, si, au vu de l’exécution budgétaire 2022, le montant définitif de la dotation calculé était inférieur à celui de l’acompte versé en 2022.

À ce stade des travaux, les dotations définitives n’ont pas encore été totalement calculées et les services du ministère n’ont formulé aucune demande de remboursement d’acompte.

L’article 113 de loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a reconduit ce filet de sécurité pour les dépenses supportées en 2023, en élargissant le champ des bénéficiaires. Il vise plus spécifiquement à compenser les effets des hausses de dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain. Un décret précise ce dispositif.

Madame la sénatrice, comme pour M. Henno précédemment, je vous propose de vous communiquer la réponse par écrit pour que vous puissiez apporter des réponses très précises aux maires concernés.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Madame la secrétaire d’État, en lisant cette réponse, vous avez pu vous rendre compte de la complexité du dispositif. Nous sommes un certain nombre de parlementaires à souhaiter que les demandes de remboursement soient reportées et que la situation des communes concernées soit examinée sur deux, trois, voire quatre ans. Sinon, nous serions devant une situation où une aide viendrait déstabiliser encore davantage la santé financière de communes censées être aidées. J’imagine que tel n’est pas le but du dispositif…

dépôt dématérialisé des comptes annuels des entreprises

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, auteur de la question n° 679, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Serge Babary. Madame la secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur les nombreuses difficultés rencontrées par les déclarants avec le guichet unique aux entreprises en matière de création, modification et radiation. Mon collègue Devinaz vous a déjà interrogée à ce sujet.

Certains des problèmes ont été résolus avec la réouverture partielle d’Infogreffe.

Le dépôt des comptes annuels des entreprises ne bénéficie malheureusement pas de cette réouverture et doit donc être réalisé via le guichet unique.

Or, dans le cadre de ses travaux, la délégation sénatoriale aux entreprises a été alertée par l’ordre des experts-comptables, ainsi que par de nombreux entrepreneurs, au sujet de nombreux bugs et anomalies rencontrées au moment de ce dépôt dématérialisé.

Des pièces non obligatoires, telles que le rapport de gestion des microentreprises ou encore la déclaration de publicité, peuvent être exigées. Cela peut bloquer l’examen de ces dossiers. Les entrepreneurs rencontrent également des difficultés en raison du format numérique, à savoir un PDF complété en ligne, exigé par la plateforme.

Aussi, il y a aujourd’hui une véritable inquiétude concernant l’accomplissement de cette formalité, dont le flux devrait augmenter de manière exponentielle au cours des mois de mai et juin.

L’absence de réalisation de cette formalité est susceptible d’emporter de graves conséquences pour les entreprises concernées : amende ou refus de financement de la part des banques.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer la fiabilité du système ? Réfléchissez-vous à la mise en place d’un format de données informatisées, tel que l’a évoqué l’ordre des experts-comptables ? De manière plus générale, que va-t-il se passer au 1er juillet, quand le guichet unique reprendra toutes ses missions ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Babary, nous avons un peu tous les mêmes remontées sur nos territoires, cela dit sans expertise ministérielle particulière.

La réglementation prévoit que les entreprises soumises à l’obligation du dépôt des comptes réalisent cette formalité soit par voie papier, soit par voie dématérialisée. Depuis le 1er janvier 2023, ce dépôt en ligne se fait exclusivement sur le guichet unique, en application des dispositions issues de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Depuis cette date, 100 000 dépôts papier environ, ainsi que 25 000 dépôts de compte en ligne ont été effectués. Des difficultés ont été identifiées, comme vous l’avez rappelé, et des actions de remédiation ont rapidement été menées.

Une deuxième version de cette procédure, simplifiée par rapport à la version initiale, a ainsi été ouverte à la fin du mois d’avril sur le guichet unique par l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Elle a été élaborée en concertation avec les experts-comptables et les mandataires, qui sont les principaux déposants au quotidien. Elle réduit notamment le nombre d’étapes préalables et limite donc les risques d’erreurs directement liés à l’utilisation du guichet.

Parallèlement, en lien avec les greffiers des tribunaux de commerce, qui valident ces dossiers, des bonnes pratiques ont été élaborées et partagées avec les déposants professionnels, qui leur permettent de mieux identifier les motifs de rejet par les greffes, parfois source d’incompréhension, et d’améliorer la qualité de leur dépôt.

Ces actions ont vocation à améliorer l’expérience utilisateur pour le dépôt des comptes en ligne sur le guichet unique à brève échéance. Il ne faut pas créer de stress supplémentaire pour les entrepreneurs, dans une situation déjà difficile. On observe d’ailleurs que la voie récemment ouverte est d’ores et déjà la plus utilisée par les déclarants.

Vous pouvez compter sur la pleine mobilisation du Gouvernement pour la mise en place opérationnelle effective du guichet unique, tout comme nous savons pouvoir compter sur votre vigilance permanente. Monsieur Babary, je m’engage à ce que le ministre en charge du dossier vous informe régulièrement sur les étapes à venir.

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.

M. Serge Babary. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

C’est une affaire qui dure depuis un moment déjà ! J’ai interrogé Bruno Le Maire le 18 juin 2022. Voici sa réponse : « Nous avons laissé à l’Inpi jusqu’au début du mois de mars, pas plus tard, pour que le site soit effectif, opérationnel, simple et d’accès direct. » Le 8 février 2023, la délégation aux entreprises, que je préside, a rencontré les responsables de l’Inpi. Le 22 mars dernier, lors des questions d’actualité au Gouvernement, j’ai interpellé Olivia Grégoire. Voici sa réponse : « Ce projet, comme tout projet informatique d’ampleur, est complexe – vous l’avez également dit, madame la secrétaire d’État –, mais nous serons au rendez-vous fin juin. »

Il faut véritablement prendre la mesure des difficultés rencontrées par les entrepreneurs. L’affaire du dépôt des comptes annuels est très grave, puisqu’il y a déjà des blocages. Il est nécessaire de prendre contact avec l’ordre des experts-comptables !

accès aux informations concernant la santé pour les jeunes sourds et malentendants

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, auteure de la question n° 622, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Colette Mélot. Madame la secrétaire d’État, agir pour la réduction des inégalités sociales de santé est aujourd’hui une priorité des politiques publiques. Mais, nous le savons, les personnes en situation de handicap sont potentiellement plus vulnérables et moins réceptives aux actions de prévention.

Les campagnes de prévention sont difficilement accessibles aux malentendants dans la mesure où la maîtrise de la lecture, qui a été freinée par le handicap, peut les mettre en difficulté dans la compréhension des messages.

De plus, le mode de communication des sourds est très visuel. Cela rend les supports de prévention classiques peu adaptés à ce public. Ainsi, pour les jeunes malentendants scolarisés – c’est un public vulnérable qui rencontre des difficultés multiples –, l’accès aux informations relatives à la santé est un sujet massif, qu’il s’agisse des problèmes d’addiction, d’alimentation, de santé sexuelle ou mentale, ou encore de ceux qui sont liés aux écrans, aux réseaux sociaux, voire au harcèlement scolaire.

L’information qu’ils reçoivent est souvent parcellaire, car elle est peu adaptée à leur handicap. Cela s’expliquerait aussi par le fait que les interprètes sont encore trop peu nombreux ; par ailleurs, le numéro 114 ou le dispositif Fil Santé Jeunes, qui est doté d’un service d’interprètes, sont encore trop méconnus, si l’on en croit les jeunes concernés.

À tout cela il faudrait ajouter que la lecture et la compréhension sont parfois compliquées. Or de l’ensemble de ces facteurs résulterait un isolement des personnes concernées – certaines d’entre elles m’en ont fait part –, dont les conséquences psychologiques peuvent être parfois désastreuses.

Le service de santé de l’éducation nationale doit pouvoir interagir avec les jeunes et leur famille, les interprètes, les codeurs, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et les services de soins, afin de préparer, d’accompagner les actions de sensibilisation et de favoriser l’accès à des supports adaptés.

Alors que les déserts médicaux sont une réalité dans notre pays et que la prévention est l’un des défis majeurs de notre politique sanitaire, comment créer les conditions nécessaires pour que les campagnes diffusées dans les établissements scolaires puissent être accessibles à ce public ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice Mélot, nous connaissons bien votre engagement pour une école inclusive, en faveur de tous les enfants, qu’ils vivent en territoire urbain ou rural, qu’ils soient porteurs ou non d’un handicap.

Vous avez raison, la promotion de la santé à l’école est un objectif essentiel. Il serait incohérent de dire que l’éducation est la mère de toutes les batailles sans accompagner de la même manière chacun des élèves et des enfants.

Lorsque la santé est promue à l’école, on le sait, le climat scolaire est de meilleure qualité. Cela permet de rendre tangible, d’incarner la promesse républicaine de l’égalité.

Mais, en réalité, de grandes difficultés persistent, et cela en dépit de l’objectif de renforcement du pouvoir d’agir des élèves et de lutte contre les discriminations et les handicaps à l’intérieur de l’école.

Les élèves sourds, à l’instar des autres élèves, ont un droit fondamental à l’éducation. Ce droit impose – j’y insiste – au système éducatif de s’adapter, afin de leur offrir les meilleures chances de réussite et une diversité dans leur parcours, et non de leur tracer des limites. Ils n’ont aucune raison de voir leurs choix limités.

Pour cette raison, la scolarisation en classe ordinaire ou en unité localisée pour l’inclusion scolaire et en unité d’enseignement, et la mise en place de parcours de formation pour les jeunes sourds dans des pôles d’enseignement sont en développement croissant.

Cependant, en ce qui concerne l’accès aux informations écrites, notamment la lecture, un programme d’enseignement bilingue, en langue des signes et en langue française, devrait être prochainement publié, dans lequel je fonde énormément d’espoirs.

Vous suivez ce sujet de très près, je le sais, madame la sénatrice. L’apprentissage de la lecture pour tous les élèves sourds est un enjeu fondamental pour l’expression d’une citoyenneté également éclairée. L’enseignement de la langue des signes française (LSF) et en langue des signes française par les professeurs garantit aussi l’éducation à la santé aux élèves en situation de surdité.

Enfin, la transposition en droit français de la directive européenne relative aux exigences en matière d’accessibilité applicable aux produits et services vise à assurer l’accessibilité native des livres numériques, afin d’en garantir l’universalité pour l’ensemble des élèves.

Madame la sénatrice, je sais pouvoir compter sur votre mobilisation pour que sa transposition soit rapidement réalisée.

mise en œuvre d’une convention de mise à disposition des accompagnants d’élèves en situation de handicap

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, auteure de la question n° 544, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nadège Havet. Madame la secrétaire d’État, au cours d’un quinquennat le nombre d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) a crû d’à peu près 40 %. Il s’élève désormais à 430 000. Près de 100 000 enfants de plus qu’en 2017 bénéficient ainsi d’un parcours adapté dans les écoles, avec des AESH à leurs côtés.

Je veux saluer ce matin l’engagement de ces professionnels de même que le soutien des pouvoirs publics à cette nécessaire politique d’inclusion.

Cependant, les 120 000 personnes mobilisées correspondent dans les faits à 80 000 équivalents temps plein. Ainsi, beaucoup n’ont pas de contrat à temps plein. Par conséquent, leurs rémunérations sont plus faibles.

Cela doit nous faire réfléchir. En effet, comment parvenir à leur proposer 35 heures hebdomadaires ? Cette problématique a donné lieu voilà un mois à une prise de parole du Président de la République, qui a justement rappelé que la véritable difficulté est d’avoir un service complet. Ma question portera sur ce point. Elle fait suite à une première réunion avec le cabinet du ministre, en septembre dernier.

J’ai été interpellée au début de l’année 2022 par nombre d’élus finistériens sur les difficultés à recruter et à maintenir en poste ces professionnels, notamment du fait de l’articulation difficile entre les temps scolaire et périscolaire.

L’une des réponses pourrait être de mettre en œuvre un dispositif global, afin, d’une part, d’éviter la rupture dans l’accompagnement des enfants, d’autre part, de garantir la continuité et la cohérence des modalités d’intervention des AESH avec l’objectif de consolider leurs contrats.

Pour faire suite à la décision de 2020 du Conseil d’État, la proposition spécifique de mise en œuvre d’un conventionnement de mise à disposition des AESH recrutés par l’éducation nationale lorsque leur présence est requise sur les temps périscolaires pourrait être une réponse pertinente.

Il faut déterminer la meilleure formule juridique de même que la solution administrative la moins lourde possible pour les collectivités territoriales et pour l’État. Où en sommes-nous sur cette question ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice Havet, je connais votre engagement pour les personnes en situation de handicap en particulier et pour une école inclusive en général.

Aujourd’hui, l’accompagnement des AESH est absolument nécessaire pour garantir l’égalité et l’inclusion des élèves en situation de handicap. En réalité, le Conseil d’État a rappelé, dans sa décision de novembre 2020, qu’il revient non pas à l’État, mais aux collectivités de l’organiser financièrement.

Cependant, quelle est la priorité des priorités si ce n’est l’intérêt de l’enfant et l’accompagnement des familles ? Il faut certes tenir compte du droit, j’en conviens.

À l’instar des métiers d’accueils collectifs de mineurs, du périscolaire, de l’extrascolaire, ce sont plus que jamais des vocations. Il s’agit donc de les sécuriser et de les rendre moins précaires, pour les rendre plus attractifs. Je pense aux AESH, aux animateurs et aux éducateurs. Les gens restent peu ou pas assez longtemps dans ces métiers, alors qu’ils sont essentiels.

Si nous croyons à la complémentarité entre éducation formelle et éducation informelle, c’est-à-dire entre l’apprentissage et l’instruction des savoirs fondamentaux et le développement des fameuses compétences transversales nécessaires à une bonne scolarité au cours du temps méridien, alors nous avons besoin de créer un trait d’union entre elles.

À la suite des annonces du Président de la République, les membres du cabinet du ministre de l’éducation nationale se sont mobilisés pour annoncer que, dans les centres de loisirs, les enfants de 3 ans à 17 ans bénéficieront d’un bonus périscolaire alloué par les caisses d’allocations familiales (CAF).

D’ailleurs, ce n’est pas anodin, nous sommes en pleine négociation de la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la Caisse nationale des allocations familiales. Ce rendez-vous conditionnera les cinq prochaines années de l’accompagnement des enfants, des jeunes et des adolescents dans tous les temps d’apprentissage.

Madame la sénatrice, AESH, accompagnateurs et animateurs sont aujourd’hui les pépites de notre système d’éducation informelle. Il faut leur proposer des formations complémentaires, des métiers à temps plein, plus attractifs et qui payent mieux. Bien nommer les choses, c’est déjà trouver des solutions.

formation des enseignants et calcul du droit à pension de retraite

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, auteur de la question n° 639, transmise à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Olivier Rietmann. Madame la secrétaire d’État, ma question s’adressait à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini.

Vous ne pouvez ignorer ce sujet sur lequel j’ai, sans succès manifeste, interrogé le Gouvernement à plusieurs reprises. Il fait l’objet depuis quelques semaines d’une couverture médiatique remarquée.

D’ailleurs, le 6 mars dernier, j’ai adressé un courrier à votre collègue, le ministre Olivier Dussopt, qui, la veille, dans l’hémicycle à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, s’était engagé à trouver une solution avant l’été pour les professeurs victimes d’un véritable cafouillage administratif. Ce courrier a finalement été transmis par le cabinet d’Olivier Dussopt et par moi-même.

Près de 30 000 enseignants seraient concernés. Ils ont en commun d’avoir suivi, au début des années 1990, une formation à l’institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), pour laquelle la loi leur permettait de bénéficier d’une allocation censée être prise en considération dans le calcul pour leurs droits à la retraite.

Or le décret d’application de cette loi du 26 juillet 1991 n’a jamais été publié ! Cette disposition n’est donc actuellement pas appliquée. Aussi, les trimestres acquis par l’enseignant au cours de la période de formation ne sont pas comptabilisés.

Dans une réponse datée du 30 mars 2023, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, conscient de la gravité de la situation, écrit que celle-ci ne peut pas perdurer. Selon lui, « les travaux interministériels ont été relancés pour identifier les évolutions à apporter et les mettre en œuvre dans les meilleurs délais ».

Madame la secrétaire d’État, vous l’aurez compris, ma question est donc simple : à quelle date votre gouvernement entend-il publier le texte réglementaire manquant ?

Serez-vous en mesure de respecter l’engagement pris par votre collègue Olivier Dussopt de faire entrer en vigueur la disposition avant l’été ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Rietmann, votre question a le mérite d’être particulièrement claire. Cela aurait pu me conduire à répondre clairement, si je disposais d’une telle date ! (Sourires.)

En revanche, M. le ministre Pap Ndiaye m’a fait savoir que les travaux auxquels vous avez fait référence sont bien en cours. Il tient farouchement à honorer l’engagement qu’il a pris ici au banc des ministres ; c’est essentiel pour la confiance dans les institutions de notre pays.

Aussi, il est chargé, avec M. Stanislas Guerini, de la mise en application des dispositions de l’article 14 de la loi du 26 juillet 1991. Elle est nécessaire, elle a été engagée. Les services sont en train de finaliser le projet de décret. Cependant, je n’ai pas connaissance de la fameuse date que vous sollicitez.

M. le ministre me demande de vous dire qu’il vous tiendra au courant dès que le décret sera validé et dès qu’il sera transmis.

Mettons fin à ce cafouillage : il n’y a pas de raison que l’article 14 de la loi du 26 juillet 1991 continue à ne pas s’appliquer. Il s’agit d’une inégalité, à laquelle il faut répondre le plus rapidement possible.

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.

M. Olivier Rietmann. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne me satisfait pas.

Un tel engagement a été pris voilà trente ans. Il a d’abord été réitéré par le ministre Dussopt, voilà trois mois, puis plus récemment par le ministre de l’éducation nationale, enfin par vous-même ce matin. Le ministre Dussopt s’était engagé à publier le texte avant l’été !

Madame la secrétaire d’État, près de 30 000 enseignants vous ont entendue ce matin ! Nous suivrons la réponse ; nous reviendrons à la charge, s’il le faut.

difficultés à venir pour les festivals et les spectacles

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 518, adressée à Mme la ministre de la culture.

Mme Else Joseph. Madame la secrétaire d’État, ma question s’adressait à la ministre de la culture, puisqu’elle concerne les difficultés en cours et à venir rencontrées par les spectacles subventionnés, en particulier les festivals.

En raison d’une succession de problèmes liés au contexte, mais pas uniquement, les spectacles doivent réduire leur taille pour éviter une déroute financière.

Ainsi, la récente poussée inflationniste, en particulier sous l’effet de l’augmentation des prix de l’énergie, qui ont été multipliés par trois, voire par quatre, a conduit à des situations compliquées. Les saisons ont été raccourcies. On déplore beaucoup d’annulations. Le Syndicat national des scènes publiques (SNSP) a annoncé que plus de 100 000 spectateurs ont été perdus pour cette année. Où en est-on réellement ?

Il est nécessaire d’assurer un meilleur avenir dans le domaine du spectacle vivant, alors même qu’il faut faire avec l’augmentation du point d’indice et des salaires des intervenants, les conventions collectives, qui renchérissent les coûts et les charges pour les festivals.

D’autres facteurs plus anciens contribuent à l’asphyxie budgétaire. Je pense à l’empilement des missions et aux exigences classiques découlant des cahiers des charges : la médiation culturelle, l’éducation artistique, et les projets avec les établissements scolaires ou pénitentiaires.

Le soutien des collectivités territoriales ne suffit plus à couvrir les charges fixes. Pourtant, le 9 février dernier, des aides exceptionnelles ont été annoncées pour soutenir les structures les plus en difficulté, tandis qu’elles étaient confrontées à la hausse des prix de l’énergie. Où en est-on ?

Ainsi, dans le Grand Est, ma région, dix-sept équipements et structures bénéficieraient d’une aide différenciée, dont le montant s’élèverait de quelques milliers d’euros à 70 000 euros, sans davantage de précisions.

Si l’on veut assurer la pérennité des festivals, il faut éviter de toucher aux tarifs. La question de leur survie doit nous faire réfléchir à la place que nous voulons donner à la culture dans notre pays.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice Joseph, je connais de loin votre attachement au spectacle vivant et à la vie culturelle de votre territoire en particulier et de notre pays en général. La culture fait partie du génie français. Sa vivacité et son caractère populaire nous permettent d’être le peuple que nous sommes. Son accompagnement est donc nécessaire.

Vous avez abordé la question des festivals. Ce sujet touche particulièrement l’ouest de la France, où se situe mon territoire. On compte plus de 7 000 festivals, notamment en été, dont un certain nombre ont lieu dans votre département. La ministre de la culture m’a en effet rappelé qu’il accueillait le festival du Cabaret vert et le festival mondial des théâtres de marionnettes. Cela donne bien envie de venir !

Le soutien financier du ministère de la culture est important. Près de 800 festivals ont été soutenus en 2022, pour un montant de quelque 31 millions d’euros. Ils viennent en complément de l’action du Centre national de la musique, qui aide par un relèvement de la taxe sur les spectacles. Ainsi, il a soutenu 155 festivals de musique en 2022 pour un total de 4 millions d’euros.

Cependant, l’inflation – c’est un problème du quotidien – est une réalité à laquelle tout le monde est confronté, à l’instar du coût de l’énergie. Le Gouvernement a été au rendez-vous. Au-delà des aides transversales mises en place par le ministre de l’économie, ma collègue Rima Abdul-Malak a annoncé le 1er mars dernier des aides exceptionnelles.

Elles toucheraient dix-sept structures dans votre région, de la Comédie de Reims à l’Orchestre national de Metz Grand Est, en passant par la scène nationale de Mulhouse. Chaque structure aidée s’est vu communiquer par la direction régionale des affaires culturelles (Drac) le montant alloué. Des précisions pourront vous être transmises, puisque c’est le sens de votre demande, madame la sénatrice.

Les services du ministère de la culture travaillent de façon étroite et en concertation avec l’ensemble du secteur du spectacle vivant pour relever les défis économiques et environnementaux auxquels il est confronté.

Nous en avons besoin pour retrouver l’espérance et l’élan, dont nous devons garantir les conditions.

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.

Mme Else Joseph. Nous partageons cette préoccupation. Il faut changer le modèle économique des festivals.

Je n’ai pas posé la question relative à la manière de faire revenir les jeunes. C’est un véritable problème.

Bien entendu, vous êtes bienvenue à nos deux grands événements majeurs de l’été : le festival international des théâtres des marionnettes en septembre, le festival du Cabaret vert. Ce sera l’occasion de discuter concrètement avec les acteurs du territoire.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Je vous remercie de votre invitation, madame la sénatrice !

agence nationale du sport et développement des infrastructures en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, auteur de la question n° 564, adressée à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

M. Laurent Somon. Madame la secrétaire d’État, les grands événements sportifs internationaux qui ont lieu en France sont utiles au rayonnement et à l’économie du pays.

Ce sont aussi des motifs d’engagement de nos territoires, par les ressources qu’ils mobilisent, par l’accueil qu’ils proposent et par l’engouement qu’ils suscitent, voire les vocations et les désirs de pratique qu’ils révèlent.

Permettez-moi, à quelques poignées de semaines des jeux Olympiques de 2024, de rappeler notre projet de sport pour tous, dans tous les territoires de l’Hexagone. Les compétitions sont organisées dans une dizaine de villes. Le reste du territoire est donc plus éloigné de ces grands moments de fête populaire. Aussi, il faut accompagner son développement de façon soutenue, ce qui passe par la réhabilitation de gymnases affectés aux collèges, par exemple. Il faut surtout éviter la désillusion d’un événement sportif qui aurait pu permettre la création de nouveaux équipements.

L’Agence nationale du sport (ANS) intervient dans l’élaboration et le déploiement de programmes d’intervention cohérents avec les objectifs des politiques sportives. Or quels sont les moyens, les actions et les aides mobilisés par l’ANS et par la direction des sports en cette période, en faveur des équipements sportifs en milieu rural – en particulier les gymnases situés dans les zones les plus retranchées –, qui, en dehors des sites d’accueil des jeux Olympiques et des équipements au rayonnement large des grandes villes, ne sont pas souvent retenus dans les programmations ?

Est-ce que ces actions seront fondées sur un juste équilibre de l’offre des disciplines et des infrastructures le permettant, dans tous les territoires et départements de métropole et d’outre-mer ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Somon, vous interrogez la ministre des sports, qui, ne pouvant être présente ce matin, m’a transmis sa réponse.

Vous avez raison sur un point absolument essentiel : les jeux Olympiques, qui arrivent dans « une poignée de semaines », pour reprendre votre expression, seront un grand rendez-vous. Ils doivent inclure tout le monde et laisser un héritage.

Pour être un grand événement populaire, les Jeux devront irriguer le sport pour tous, les familles et les plus jeunes, afin de permettre à chacun de les vivre au plus près. Ainsi, l’État, les mouvements sportifs et les collectivités territoriales – tout le monde – se retroussent les manches pour que ce grand rendez-vous soit une réussite, monsieur le sénateur.

Les engagements de l’ANS sont fondés sur deux piliers : la haute performance et le développement de la pratique sportive pour tous. À ce titre, la mission de corriger les inégalités territoriales – elles sont réelles – passe par la revitalisation rurale, en particulier dans les bassins de vie.

Monsieur le sénateur, votre question porte sur les moyens. Sur ce point, entre 2021 et 2022, près de 2 000 projets ont été soutenus en zone rurale par l’ANS, pour un montant de subventions de plus de 117 millions d’euros. Plus particulièrement, quelque 58 % des rénovations d’équipements au titre du plan de relance 2021-2022 ont bénéficié aux territoires ruraux pour un montant de 34 millions d’euros.

En parallèle, la première année du déploiement du plan « 5 000 terrains de sport », annoncé par le Président de la République en octobre 2021, a profité prioritairement aux zones rurales. On y trouve en effet plus de 70 % des équipements financés, pour un montant de 51 millions d’euros.

Monsieur le sénateur, nous parlons aujourd’hui de plusieurs millions d’euros et de milliers d’équipements sportifs. Ce qui compte, je crois, c’est de trouver les voies et moyens pour accompagner le développement de terrains de sport – vous avez parlé des gymnases. Il est important, quand les élus locaux, l’État et l’ANS se retrouvent autour de la table, que la ferveur d’un territoire ait pu trouver un écho.

complément de traitement indiciaire pour le personnel des filières administrative, logistique et technique des établissements médico-sociaux autonomes

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 655, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Bruno Sido. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur le complément de traitement indiciaire (CTI) au sein des établissements et des services médico-sociaux autonomes.

Ce complément de traitement indiciaire de 183 euros a été institué pour le personnel des établissements de santé, afin de répondre aux enjeux de reconnaissance et de valorisation du secteur.

Pourtant, le personnel des filières administrative, logistique et technique dans les établissements publics médico-sociaux autonomes, qui ne sont pas rattachés à un service hospitalier, est exclu de ce dispositif.

Ainsi, les agents des services hospitaliers, les personnes qui travaillent auprès de résidents et de personnes handicapées dans la maison d’accueil spécialisée (MAS) Foyer Montéclair située à Andelot-Blancheville, dans mon département de la Haute-Marne, sont exclus de ce dispositif. Ils relèvent pourtant de la fonction publique hospitalière.

A contrario, le personnel des filières administrative, logistique et technique, qui effectue les mêmes tâches dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) non rattaché, bénéficie de ce complément de traitement indiciaire.

La directrice, qui gère les deux établissements, perçoit ainsi la moitié de cette prime pour ses missions au sein de l’Ehpad, mais rien pour ses mêmes missions à la MAS d’Andelot-Blancheville.

Voilà une véritable injustice et un manque total d’équité !

Plus généralement, il reste en France encore 3 000 agents de la fonction publique hospitalière privés de ce CTI.

Ainsi, je souhaite avoir tous les éclaircissements nécessaires pour expliquer les différences de traitement entre le personnel des filières administrative et logistique d’une maison d’accueil spécialisée publique non rattachée, qui ne bénéficie pas du CTI, et les agents d’un Ehpad non rattaché, qui ont le même grade, exercent les mêmes fonctions et qui bénéficient de cette revalorisation.

Est-ce que cette situation va être régularisée ? Pour quels motifs les professionnels concernés n’ont-ils pas été revalorisés au même titre que les autres agents de la fonction publique hospitalière ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, Jean-Christophe Combe regrette de ne pouvoir être présent ce matin. Il m’a priée de vous fournir les éléments suivants en réponse à votre interrogation.

L’attractivité des métiers du secteur sanitaire, social et médico-social est au premier rang de la feuille de route du Gouvernement.

Nous entendons agir sur l’ensemble des leviers d’attractivité. Notre action en faveur de la revalorisation de ces métiers est déjà déterminée. Je pense aussi aux enjeux d’accès à la formation continue, d’amélioration des conditions de travail, ou encore de lutte contre la sinistralité.

Vous avez justement rappelé les mesures fortes prises par l’État, aux côtés des départements, en faveur des rémunérations, à la fois au titre du Ségur, mais aussi de la mission dite Laforcade, qui concernent près de 700 000 salariés.

L’ensemble de ces mesures a fait l’objet de travaux préparatoires, qui ont largement associé, à chaque fois, les acteurs concernés. Les gains d’attractivité sont réels pour certains métiers en tension.

Pour autant, il convient de poursuivre les actions menées à destination de l’ensemble des professionnels.

Pour cela, il convient d’arriver, aux côtés des représentants des employeurs et des salariés, à la construction d’une convention collective unique pour le secteur social et médico-social.

C’est la condition d’une revalorisation durable des parcours professionnels de l’ensemble du personnel du secteur, y compris technique et administratif. L’État et l’Assemblée des départements de France ont annoncé le 18 février 2022 qu’ils sont prêts à mobiliser 500 millions d’euros pour faire aboutir ces travaux.

Les discussions sur l’augmentation des rémunérations, notamment les plus bas salaires, doivent avoir leur place dans le cadre de cette convention collective unique étendue.

J’ajoute que l’enjeu de l’attractivité de ces métiers ne se résume pas à ces seules revalorisations. C’est l’ensemble de la politique que nous menons qui doit permettre de reconnaître la pleine valeur des professionnels mobilisés chaque jour aux côtés de nos concitoyens les plus vulnérables.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour la réplique.

M. Bruno Sido. Madame la ministre, je vous remercie de nous avoir lu la réponse du ministre concerné.

Je note toutefois qu’elle ne répond pas à ma question. Or ces 3 000 personnes attendent leur revalorisation !

avenir des dépistages des cancers

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 567, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je voudrais vous alerter. Depuis plusieurs mois la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) a annoncé son désir de reprendre le pilotage des invitations de la population à participer aux dépistages des cancers, sous prétexte qu’elle garantirait de meilleurs résultats en matière de participation et qu’elle ferait des économies.

Pourtant, il n’en est rien. Les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) s’inquiètent d’une « forme de nationalisation du dépistage », sans garantie d’une amélioration des taux de participation. Depuis 2019, ils assurent cette mission d’envoi des invitations au dépistage, en lien avec les agences régionales de santé (ARS) et les directions de la coordination de la gestion du risque. Ils jouent un rôle pivot dans la coordination.

Malheureusement, l’assurance maladie en assumant cette nouvelle mission d’invitation, en dépit de l’avis de tous les professionnels et des élus locaux, indique qu’elle ne communiquera pas aux centres de dépistage les fichiers des populations concernées. Quelle brutalité, madame la ministre !

Cela implique que le suivi ne pourra plus être assuré par les centres de dépistage. Cela aura également de lourdes conséquences, notamment la perte de qualité du suivi médical, de laquelle résulterait une dégradation du système de santé, au profit d’une seule campagne d’invitations !

Pourtant, ces centres, qui bénéficient d’une visibilité locale, sont prêts à orienter la majeure partie de leurs activités autour de la prévention. Ils souhaitent, d’une part, s’investir pour lutter contre les inégalités territoriales et sociales de santé, d’autre part, optimiser la prise en charge des personnes présentant un risque élevé de cancer.

Pourquoi la Cnam se précipite-t-elle autant, alors que rien ne peut garantir que cette opération augmentera le taux de participation ?

Pourquoi désorganiser ce qui fonctionne très bien depuis les années 1990 ?

Madame la ministre, envisagez-vous de revenir sur ce choix ? Il affectera lourdement la qualité du dépistage des cancers en France. Cela fera perdre des chances aux malades et cela fera sortir la France des indicateurs de qualité des dépistages organisés en Europe.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, le ministre François Braun regrette de ne pouvoir être présent ce matin. Il m’a priée de vous fournir les éléments suivants.

Une politique efficace de prévention primaire et de dépistage est essentielle pour lutter contre le cancer. C’est une priorité dans notre action.

Trois programmes de dépistages organisés ont été mis en place pour le cancer du sein, le cancer colorectal et le cancer du col de l’utérus.

La stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 comporte également des actions ambitieuses, notamment pour améliorer l’accès au dépistage.

Une nouvelle feuille de route des dépistages organisés des cancers « Priorité dépistages » a été annoncée en décembre 2022 par la Première ministre. Il s’agit de rénover l’organisation des dépistages.

De premières mesures d’évolution des missions des centres régionaux de coordination des dépistages des cancers ont été annoncées. De plus, le transfert à l’assurance maladie du pilotage des invitations à participer à un dépistage organisé est prévu au début de l’année 2024. Il est également prévu de recentrer les missions confiées aux CRCDC sur les missions essentielles de suivi des résultats des programmes de dépistages organisés, d’information et de formation des professionnels. Enfin, il est prévu un recours systématique à des opérations d’« aller vers » par les caisses d’assurance maladie, mobilisant tous les acteurs de prévention, dont les CRCDC, sous le pilotage des ARS.

Cette nouvelle organisation doit contribuer à augmenter la réalisation des dépistages organisés.

Pour mener à bien ces travaux, la direction générale de la santé (DGS) a annoncé le 19 janvier dernier le lancement, en lien avec l’assurance maladie, de plusieurs chantiers préparatoires, notamment sur les invitations et sur l’« aller vers » en 2023. Des représentants des CRCDC sont évidemment associés.

De premiers jalons de la future organisation ont déjà pu être mis en place. Sur le volet de l’« aller vers », la poursuite des missions des CRCDC a ainsi pu être confirmée, en lien avec les autres acteurs de la prévention et sous la coordination des ARS.

Les points d’attention que vous soulignez sont bien identifiés par nos services dans la mise en place de cette nouvelle organisation.

Par ailleurs, nous restons vigilants à l’équilibre financier et aux moyens qui seront alloués aux CRCDC pour mener à bien leurs missions.

J’invite donc les CRCDC à poursuivre leurs contributions aux travaux en cours, afin de réussir ensemble la mise en œuvre de la nouvelle feuille de route.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je n’ai toujours pas compris pourquoi vous cassiez ce qui fonctionne aujourd’hui.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Je ne casse pas !

Mme Valérie Boyer. Le système actuel fonctionne bien depuis les années 1990 pour le cancer du sein, le cancer colorectal et le cancer du col de l’utérus. Vous savez bien que les campagnes de SMS ne fonctionnent pas auprès des publics précaires.

Aujourd’hui, la question est la suivante : pourquoi se précipiter pour casser ce qui fonctionne, contre l’avis de tous les professionnels de santé et des élus locaux ? L’inquiétude est grande. Je ne voudrais pas que cette nouvelle façon de travailler entraîne d’importantes pertes de chances. C’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui !

inquiétudes des infirmiers libéraux

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, en remplacement de M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 603, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je pose cette question en lieu et place de mon collègue Henri Cabanel, qui s’est blessé sur son exploitation viticole et auquel je souhaite un prompt rétablissement.

Henri Cabanel souhaitait attirer votre attention, madame la ministre, sur les inquiétudes des infirmiers libéraux quant à leur situation, qui se dégrade.

Pendant la covid-19, les infirmiers libéraux ont prouvé qu’ils étaient des acteurs indispensables à toutes les étapes du processus mis en place durant la crise sanitaire : dépistage, soins, vaccination. De plus, ils ont démontré leur faculté d’auto-organisation pour coordonner un centre de vaccination et intervenir pour tester, soigner et, surtout, vacciner, en tous lieux, à domicile, dans des bateaux, dans des bus, sous des tentes, dans les écoles ou encore dans des centres pour sans-abri, tout en continuant à prendre en charge leurs patients habituels.

Tout au long de l’année, ils se trouvent contraints de travailler les week-ends, en plus de la semaine, pendant leurs congés, voire pendant leurs temps de pause.

Face à cet engagement sans faille, une revalorisation de leurs actes et de leurs indemnités kilométriques est-elle envisagée ? De fait, les actes médicaux infirmiers, les fameux AMI, sont bloqués depuis l’augmentation de 15 centimes d’euro obtenue en avril 2009, et leurs indemnités kilométriques sont inférieures à celles d’autres professionnels de santé, ce qui est injuste, la hausse de carburant étant identique pour tous.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, je me joins à vos vœux de prompt rétablissement adressés au sénateur Cabanel.

Le Gouvernement soutient l’implication indispensable des infirmiers libéraux sur le terrain, au plus près des patients, notamment des plus âgés en situation de dépendance. J’ai moi-même accompagné, vendredi, une infirmière libérale dans sa tournée du matin.

S’agissant de la rémunération des infirmiers libéraux, la mise en place du bilan de soins infirmiers (BSI), en 2020, a rénové le modèle de facturation des actes infirmiers, avec une rémunération forfaitaire journalière adaptée à l’état du patient – âgé, complexe…

Le BSI a connu un succès important auprès de la profession. Ainsi, l’avenant n° 8 de janvier 2022 à la convention des infirmiers libéraux prévoit un doublement de l’investissement sur le BSI sur la période 2020-2024, avec un montant de 217 millions d’euros, contre 122 millions d’euros prévus initialement.

Le dispositif du BSI vise également à améliorer la prise en charge et l’accès aux soins des patients, notamment par le développement de la coordination pluriprofessionnelle et l’investissement dans la prévention.

Si le déploiement du BSI a été décalé en raison d’un impact financier supérieur aux prévisions, cette réforme du mode de financement des actes infirmiers demeure pertinente. Aussi, l’avenant n° 9 de juillet 2022 comporte 22 millions d’euros de rémunérations, notamment pour les infirmiers en pratique avancée.

Pour ce qui concerne les indemnités kilométriques, une révision de leur mode de calcul est déjà intervenue en 2019, et l’assurance maladie a revalorisé, pour la seule année 2022, les indemnités kilométriques des infirmiers libéraux pour compenser la hausse du coût du carburant. Cette mesure s’était cumulée avec les remises de l’État, accessibles à tout conducteur.

Plus largement, en tant qu’acteurs majeurs de l’organisation des soins sur le territoire, en raison de leur effectif et de leur polyvalence, les infirmiers libéraux et leurs conditions de travail occupent une place centrale dans les travaux de transformation du système de santé que nous menons.

Nous avons lancé une mission conjointe de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) sur l’évolution de la profession et de la formation infirmières. Cette mission préconise des transformations sur ces deux champs.

Pour mieux valoriser et accompagner les infirmiers dès leurs études, nous travaillons notamment à l’intégration du mentorat dans les formations, à l’encouragement et à la meilleure reconnaissance du tutorat et au déploiement de dispositifs tels que les cordées de la réussite.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour la réplique.

Mme Nathalie Delattre. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse détaillée. Il y a en effet urgence.

En raison des difficultés que je viens d’évoquer, près de 60 infirmiers sur 100 envisagent de quitter leur profession d’ici cinq ans.

Face à une population française vieillissante, il faut absolument arrêter cette hémorragie et accéder aux revendications de la profession, que j’aurais pu évoquer également. Je pense à la revalorisation des lettres clés de leur nomenclature ainsi qu’à une meilleure prise en compte de la pénibilité de la profession pour les droits à la retraite.

situation des urgences du centre hospitalier d’ardèche méridionale

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, auteure de la question n° 618, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Anne Ventalon. Madame la ministre, le centre hospitalier d’Ardèche méridionale souffre d’une pénurie médicale, d’autant plus qu’il ne dispose pas des moyens d’un centre hospitalier universitaire (CHU).

Sa situation est à ce point critique que le service des urgences est, depuis le 1er avril, fermé le soir et la nuit, si bien que, dans ce territoire à l’écart des autoroutes et des gares, où, déjà, les secours mettent de plus en plus de temps à intervenir, les prises en charge s’effectuent dans des hôpitaux éloignés. Ainsi, les blessés nécessitant une radio se trouvent réorientés d’un département à l’autre – à moins que celle-ci ne soit reportée au lendemain matin… Conséquence : l’état du patient s’aggrave ou, faute d’imagerie médicale, des soins inadéquats lui sont prodigués.

Depuis longtemps, la position géographique d’Aubenas est un frein pour le recrutement des médecins, notamment celui des indispensables intérimaires.

À présent, cette tension n’est plus tenable : c’est la question de l’égalité devant la survie en cas d’accident qui se pose. Faudra-t-il une prise en charge trop tardive, conduisant à un drame, pour que les pouvoirs publics réagissent ?

Aujourd’hui, 100 000 personnes sont concernées. Cet été, ce territoire accueillera 300 000 personnes venues pour la saison estivale pratiquer des loisirs facteurs d’accidents et de blessures. Qui soignera ces patients ? Et dans quelles conditions ?

Madame la ministre, allez-vous permettre la réouverture des urgences de nuit de l’hôpital d’Aubenas ? Pour cela, seriez-vous prête à réquisitionner des médecins à l’échelon régional ? Du fait de la situation d’exception géographique d’Aubenas, êtes-vous prête à impliquer la réserve sanitaire ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la situation du centre hospitalier (CH) d’Ardèche méridionale, dit Charme.

Des mesures ont été engagées de longue date par l’agence régionale de santé (ARS) pour soutenir ce territoire : financement de postes d’assistant à temps partagé avec le CH de Valence, financement de la régulation dans le cadre de la permanence des soins ambulatoires (PDSA) au service d’aide médicale urgente (Samu) en journée, ou encore financement d’infirmières pour les transports interhospitaliers.

Depuis le début du mois d’avril, les difficultés structurelles de recrutement de l’établissement ont conduit à la fermeture des urgences d’Aubenas la nuit, en privilégiant le maintien du service mobile d’urgence et de réanimation (Smur) sur le territoire. Les urgences vitales sont donc assurées et prises en charge au sein du Charme la nuit – il faut le dire.

Même si l’affluence estivale dans le sud de l’Ardèche n’est pas encore au plus haut niveau, cette fermeture partielle peut être de nature à susciter des inquiétudes et des tensions.

C’est pourquoi l’ARS, avec les différents acteurs, met en place un plan d’action portant sur trois axes principaux : l’offre de soins urgents, avec la volonté de doubler la ligne de la maison médicale de garde, d’étendre ses plages d’ouverture, voire d’ouvrir des maisons médicales de garde éphémères dans les zones les plus touristiques ; l’optimisation des transports sanitaires, via la mise en place d’une seconde ligne de transports sanitaires urgents préhospitaliers et l’optimisation de la mobilisation des transports sanitaires afin d’économiser les sorties du service départemental d’incendie et de secours (Sdis) ; l’évitement des passages aux urgences ou des sorties du Smur, grâce à la communication sur le bon usage du recours aux urgences, l’équipement du Sdis en matériel de biologie embarquée ou encore la cartographie des ressources des médecins effecteurs de la PDSA.

Par ailleurs, depuis le 1er mai est mis en place et financé par l’ARS, sur la zone d’Aubenas, un dispositif de garde postée du Sdis, avec des infirmiers formés aux protocoles d’urgences. La réussite de ce plan se fera par la mobilisation collective des acteurs de santé, libéraux et établissements.

Concernant la réforme de l’intérim, pour accompagner ces solutions locales, comme le plan travaillé par les acteurs d’Ardèche méridionale, le ministère de la santé et de la prévention a mis en place des outils, comme la majoration de la prime de solidarité territoriale, qui rémunère les praticiens prêtant main-forte dans les établissements en difficulté, dont l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes s’est saisie.

Je le répète, la permanence des soins sera assurée partout, grâce à des solutions organisationnelles travaillées localement.

Notre hôpital est renforcé à long terme par cette réforme et par les autres transformations que nous menons.

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.

Mme Anne Ventalon. Madame la ministre, j’entends bien votre réponse, mais je vous demande vraiment de mesurer que les difficultés de l’hôpital d’Aubenas sont véritablement accrues par l’éloignement des CHU et par l’enclavement.

Le personnel soignant est épuisé et la population souffre de ce climat anxiogène.

Je le répète, n’attendons pas qu’un drame se produise ! Un service continu des urgences de l’hôpital d’Aubenas s’impose.

inquiétudes des personnes handicapées concernant la future réforme des dispositifs médicaux

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 640, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, le projet de réforme des dispositifs médicaux, en particulier des aides à la mobilité, suscite des inquiétudes auprès des personnes en situation de handicap, en ce qu’il remet notamment en cause la liberté de choix de son fauteuil roulant par l’utilisateur.

Ainsi, l’utilisateur n’aurait plus le choix de la modalité d’acquisition du produit, à savoir l’achat d’un fauteuil neuf ou remis en bon état d’usage ou bien la location, sur une courte ou longue durée. Ce choix serait laissé non plus à l’utilisateur, mais au prescripteur.

Concernant la réforme de la nomenclature des véhicules pour personnes handicapées du titre IV de la liste des produits et prestations remboursables par l’assurance maladie, d’autres dispositions inquiètent également les usagers : les modalités de restitution du fauteuil roulant, les délais entre deux renouvellements de prise en charge et la question, essentielle, du niveau de prise en charge de chaque fauteuil roulant, notamment au lendemain de l’annonce du Président de la République.

Par ailleurs, les représentants des personnes en situation de handicap appellent de leurs vœux une rectification de la définition de la remise en bon état d’usage (RBEU) d’un dispositif médical. Ils restent d’ailleurs toujours dans l’attente de la programmation d’une réunion de consultation sur un futur décret relatif notamment à la RBEU, cette réunion étant promise depuis plusieurs semaines.

Les récentes annonces effectuées par le Président de la République lors de la dernière Conférence nationale du handicap (CNH) et par Gouvernement suscitent de la satisfaction, mais également des interrogations.

Les personnes attendent que le remboursement intégral des fauteuils roulants annoncé pour 2024 se traduise par un remboursement de tous les modèles de fauteuils sans reste à charge, et non par une extension du 100 % Santé aux fauteuils roulants.

Aussi, madame la ministre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me préciser les suites que vous entendez réserver aux légitimes demandes exprimées par les personnes en situation de handicap.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Philippe Mouiller, la réforme des dispositifs médicaux, notamment des aides à la mobilité, était nécessaire afin de compléter l’offre de fauteuils roulants remboursés par la sécurité sociale.

Une évolution était attendue pour répondre au problème du reste à charge pour les fauteuils roulants les plus spécifiques. Pour ces derniers, 60 000 personnes en situation de handicap ont encore plus de 5 000 euros de reste à charge.

Actuellement, les contraintes financières des personnes pour lesquelles le fauteuil roulant est le prolongement du corps conditionnent leur choix de fauteuil roulant. Ce choix ne devrait pourtant pas être un choix par défaut.

C’est pourquoi nous avons engagé une évolution et un travail avec toutes les parties prenantes, notamment les associations. L’objectif est bien un meilleur équipement pour les personnes en situation de handicap, en particulier pour les besoins les plus spécifiques.

Concernant le remboursement d’un fauteuil roulant, à l’achat ou en location, il se fait sur prescription. La responsabilité du prescripteur implique un dialogue avec la personne en situation de handicap et, le cas échéant, avec ses proches.

Demain, les possibilités seront élargies, avec la liberté de choix des modalités d’accès. Aujourd’hui, celle-ci concerne uniquement l’achat et, dans de rares cas, la location de courte durée.

De plus, un essai du modèle de fauteuil roulant pressenti sera possible, pour une durée allant jusqu’à une semaine.

Pour ce qui est du travail sur la nomenclature, il suit le processus défini pour tous les dispositifs médicaux, avec plusieurs étapes de consultations et de coconstruction. La consultation publique par la Haute Autorité de santé a permis de préciser la nomenclature. La version définitive du texte est en cours de finalisation, avec notamment les apports des associations.

Enfin, le réemploi des aides techniques permettra de mieux servir l’ensemble des usagers, notamment ceux qui ont une utilisation temporaire des fauteuils roulants.

Dans ce cadre, les préoccupations écologiques sont partagées par tous.

Enfin, le décret en cours de consultation auprès de la Commission européenne permettra d’apporter toutes les garanties quant à la sécurité et à la performance des fauteuils roulants remis en bon état d’usage.

En complément, une norme est également travaillée avec l’Agence française de normalisation (Afnor).

Monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur notre volonté d’obtenir un meilleur équipement pour les personnes handicapées.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, je vous remercie de nous rappeler l’engagement du Gouvernement. Celui-ci ne fait pas de doute.

En revanche, vous n’avez répondu ni à ma question sur le reste à charge et son montant – les 5 000 euros seront-ils pris en charge ou non ? – ni à celle du libre choix. (Mme la ministre déléguée le conteste.) Vous avez évoqué le débat, mais sans répondre directement. Je le regrette.

développement de l’apprentissage dans la fonction publique hospitalière

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 494, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Bernard Buis. Madame la ministre, l’attractivité des métiers de la fonction publique est un enjeu essentiel pour restaurer la confiance entre nos concitoyens et l’État. Le défi est de taille, notamment dans la fonction publique hospitalière. Pourtant, des solutions existent, à l’image du développement de l’apprentissage.

À ce sujet, en ce qui concerne les agents de la fonction publique d’État, une « prime d’apprentissage » de 500 euros par an, versée au maître d’apprentissage, a été créée par le décret du 27 septembre 2021.

En ce qui concerne les agents de la fonction publique hospitalière, deux décrets ont été publiés les 9 et 20 septembre 2021 afin de rendre le dispositif d’apprentissage plus attractif, par le biais d’incitations financières.

Mais ces incitations sont dirigées vers les seuls établissements, et il n’existe pas à ce jour de dispositif individuel de valorisation des maîtres d’apprentissage. Or de nombreuses collectivités territoriales – à l’image du conseil départemental de la Drôme, qui m’a alerté à ce sujet – ont décidé de s’engager dans la promotion de l’apprentissage, afin de contribuer à une meilleure insertion professionnelle et de renforcer l’attractivité des métiers.

Compte tenu de l’absence de dispositif individuel de valorisation des maîtres d’apprentissage au sein de la fonction publique hospitalière, certains employeurs ont actuellement recours à des méthodes inadaptées : je pense notamment au paiement d’heures supplémentaires à destination des maîtres d’apprentissage ou encore à la « prime de service ».

Il semble donc que les collectivités locales doivent traiter différemment les maîtres d’apprentissage de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique d’État.

Dans le contexte difficile que traversent nos territoires en matière de couverture médicale, crise en partie due au manque d’attractivité des métiers de la fonction publique hospitalière, il me paraît important que le Gouvernement puisse me répondre sur ce sujet.

Madame la ministre, quelles solutions pourraient être envisagées afin de mettre fin à cette discordance et, ainsi, dynamiser l’insertion professionnelle dans nos hôpitaux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Bernard Buis, je vous remercie d’avoir bien voulu évoquer ce sujet important.

Le développement de l’apprentissage dans la fonction publique hospitalière est un enjeu clé, participant activement à renforcer l’attractivité des carrières hospitalières, notamment à l’égard des jeunes, pour lesquels il représente une voie d’entrée privilégiée dans les carrières de santé.

La promotion de l’apprentissage au sein des établissements est nécessaire et constitue un levier bien identifié par le Gouvernement, qui lui attache une importance prioritaire.

Aussi, pour répondre à l’objectif fixé de 4 000 contrats d’apprentis dans la fonction publique hospitalière d’ici à la fin du quinquennat, une aide financière de l’État, d’un montant de 3 000 euros par an et par apprenti, sera mise en place pour le recrutement des apprentis dans la fonction publique hospitalière.

Par ailleurs, les services du ministère de la santé et de la prévention mènent actuellement des travaux afin de mettre en place, sur le plan juridique, une allocation versée aux maîtres d’apprentissage au sein même de la fonction publique hospitalière. Il est envisagé d’ouvrir le bénéfice de cette allocation d’ici à la fin de l’année 2023.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.

M. Bernard Buis. Je vous remercie de toutes ces précisions, madame la ministre.

Je pense que ces mesures seront fortement appréciées.

réévaluation du pictogramme de « femme enceinte »

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 676, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Jocelyne Guidez. Madame la ministre, ma question porte sur la réévaluation du pictogramme de « femme enceinte », annoncée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) le 24 janvier dernier.

Ce pictogramme est obligatoire sur toutes les boîtes de médicaments tels que la Dépakine depuis 2017. Pendant des années, l’absence de signalétique a été trompeuse, faisant croire aux patientes que le médicament était un produit comme les autres, sans danger.

Thalidomide, Distilbène, Dépakine… Les scandales liés aux médicaments sont nombreux et leur existence a témoigné, à de multiples reprises, de la nécessité d’encadrer les pratiques et de prévenir des dangers pour qu’ils cessent enfin.

Le pictogramme de « femme enceinte » vise ainsi à informer les femmes enceintes de la tératogénicité d’un médicament et de limiter les risques pour leur enfant à naître. Il a notamment permis d’amener les femmes ayant un projet de grossesse à discuter des risques éventuels liés à la prise d’un traitement pendant la grossesse avec les professionnels de santé, à réévaluer leur traitement ou encore à se tourner vers une alternative thérapeutique, en évitant les médicaments fœtotoxiques. Il s’agit d’une information capitale pour anticiper et, parfois même, éviter aux femmes enceintes de recourir aux avortements médicaux.

Or cette réévaluation intervient sans qu’aucune difficulté notable de compréhension ait été signalée par les patientes. Madame la ministre, pourriez-vous me préciser pourquoi et de quelle manière le conseil scientifique temporaire de l’ANSM entend réviser ces pictogrammes clairs, simples à comprendre et utiles à la prévention des risques ? Un retour en arrière n’est pas envisageable et risquerait d’entraver le consentement éclairé des patientes.

Je souhaite aussi connaître la méthodologie de la réévaluation de ce dispositif. Ne serait-il pas plus pertinent, en l’état, de conserver les pictogrammes dans leur forme actuelle et d’axer la réévaluation sur la mise en place d’un observatoire ou d’un service dédié à leur apposition sur les boîtes de médicaments ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Guidez, vous m’interrogez sur la réévaluation du pictogramme de « femme enceinte ».

Ce pictogramme représentant une femme enceinte barrée a été mis en place en 2017 et concerne les médicaments ou produits dont le résumé des caractéristiques cite des effets tératogènes ou fœtotoxiques.

L’objectif était de rendre les femmes enceintes vigilantes et de les amener à se rapprocher de leur médecin ou pharmacien pour questionner la pertinence de la prise de traitements durant la grossesse, et les accompagner dans l’évolution éventuelle de leur prise en charge.

Cependant, des critiques ont pu émerger sur la bonne compréhension des visuels. Des retours de terrain ont notamment montré que certaines patientes pouvaient arrêter brusquement leur traitement, mettant leur santé en danger.

Aussi, l’ANSM a été saisie par la direction générale de la santé pour améliorer le dispositif et le rendre plus efficace, dans l’intérêt des femmes.

L’ANSM a mis en place un comité scientifique temporaire, qui se réunit depuis janvier 2023. Son objectif est de dresser un état des lieux de la compréhension de ces pictogrammes par le public et de proposer un aménagement du dispositif réglementaire existant.

Le comité s’appuiera sur les éléments suivants : les résultats d’une enquête d’opinion, diligentée par l’ANSM, pour évaluer la connaissance et la réceptivité de ces pictogrammes ; les auditions et les contributions écrites des différentes parties prenantes – représentants des usagers, professionnels, consommateurs, industriels et rédacteurs de revues scientifiques.

À ce jour, l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant (Apesac), le Conseil national de l’Ordre des médecins, France Assos Santé et les syndicats des industries pharmaceutiques ont été auditionnés publiquement. Les prochaines auditions auront lieu avant la fin du mois de mai 2023.

À l’issue de ces travaux, la faisabilité d’une évolution des pictogrammes sera évaluée par l’ANSM et des propositions seront soumises au ministère pour validation, avant leur mise en œuvre.

Le cas échéant, une campagne de communication sera déployée par l’ANSM autour des pictogrammes revisités, pour accompagner et améliorer l’appropriation du public.

exclus du fonds de garantie abondé par tous les professionnels de santé

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteure de la question n° 678, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Catherine Deroche. La loi Kouchner du 4 mars 2002 a rendu obligatoire l’assurance responsabilité civile des professionnels de santé en prévoyant des plafonds de garantie. La loi About du 30 décembre 2002 a opéré un changement de régime juridique, substituant au principe de « base fait générateur », la garantie couvrant toutes les activités effectuées pendant la durée du contrat, celui de « base réclamation », qui a remplacé la couverture indéfinie des actes passés par une couverture des seuls faits dommageables, non connus de l’assuré, faisant l’objet d’une première réclamation par la victime pendant la période de validité du contrat.

En raison de « trou de garantie » pouvant résulter des dispositions combinées de ces deux lois, l’article 146 de la loi de finances pour 2012 a créé un Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé exerçant à titre libéral (FAPDS).

Comme l’a constaté notre collègue Catherine Procaccia dans son rapport d’information sur l’assurance responsabilité civile médicale du 16 juin 2021, si la réforme conduite en 2012, avec la création de ce fonds et le relèvement des plafonds de garantie à 8 millions d’euros par sinistre, a contribué à améliorer la couverture des professionnels de santé les plus exposés, une question reste : cette réforme a-t-elle mis fin à toute situation résiduelle de « trou de garantie » pour des praticiens qui avaient régulièrement souscrit une assurance responsabilité civile médicale ? Le principal cas de figure concernerait les situations dans lesquelles la réclamation a été portée par la victime avant le 1er janvier 2012 ou en 2012.

Une enquête a évalué que cinq médecins, majoritairement des gynécologues-obstétriciens et des anesthésistes, sont exposés à un risque de « trou de garantie ». La création du fonds avait pour objectif d’éviter de telles situations, qui menacent de ruine les praticiens concernés et leurs familles.

Que fait le Gouvernement pour ces exclus ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Catherine Deroche, vous m’alertez sur les difficultés de médecins qui font face à des défauts de couverture assurantielle, pour des montants individuels importants, et qui ne sont pas couverts par le FAPDS, fonds de garantie abondé par les professionnels de santé.

En effet, le FAPDS intervient pour une réclamation soit déposée à compter du 1er janvier 2012, en cas d’expiration du délai de validité de la couverture du contrat d’assurance, soit mettant en jeu un contrat d’assurance conclu, renouvelé ou modifié à compter du 1er janvier 2012, en cas de dépassement des plafonds de garantie.

Je suis sensible à la situation de ces médecins et de leurs familles.

Néanmoins, compte tenu du nombre très limité de cas concernés, que vous avez rappelé, et conformément aux conclusions du rapport d’information de Mme Catherine Procaccia de 2021, auquel vous avez fait référence, la situation n’appelle pas, à ce jour, une évolution des textes.

Un élargissement des critères aurait, en outre, comme le souligne également le rapport d’information de la sénatrice, un impact non maîtrisé sur l’équilibre financier du fonds et poserait un problème d’équité entre les professionnels cotisant au fonds.

Je souhaite toutefois que les travaux d’évaluation prospective soient relancés, en lien avec les organismes concernés.

Ces travaux devront permettre de préciser la situation et le besoin de financement et d’ouvrir, le cas échéant, une réflexion sur la mise en place d’un financement alternatif au FAPDS ou sur l’élargissement de certains critères de prise en charge.

état des lieux de l’accueil collectif des jeunes enfants

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la question n° 634, transmise à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

Mme Marie Mercier. Madame la ministre, quel accueil voulons-nous pour nos petits enfants dans les structures collectives ?

Avant de vous parler du rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas), je veux faire une remarque d’ordre général. Vous savez que les petits enfants arrivent dans les crèches quelquefois à six heures et demie le matin. Or, jusqu’à onze heures trente, heure du déjeuner, ils ne peuvent rien manger, quand bien même un pédiatre aurait pu diagnostiquer un retard staturopondéral et réclamer cette alimentation du milieu de matinée ! Vous en conviendrez : c’est une aberration absolue. Il y a d’autres façons de lutter contre l’obésité.

Venons-en au rapport de l’Igas du 11 avril. Il existe des dysfonctionnements graves, voire très graves dans certains établissements : privations d’eau, changes non effectués, nuisances sonores, absence totale de prise en compte du rythme du nourrisson… Les enfants concernés sont presque en danger.

Pourquoi un constat aussi alarmant ? Parce qu’une logique comptable a prévalu sur le bien-être des enfants et parce que la pénurie de personnel est critique. Avez-vous mesuré l’ampleur de cette crise ?

Les professionnels de la petite enfance sont parfois démotivés, fatigués. Ils ont besoin d’être formés pour réagir aux difficultés, la qualité de l’accueil des petits enfants dépendant de l’équipe qui les prend en charge.

La Fédération française des entreprises de crèches a également mis en avant ses difficultés de recrutement, qui conduiront à la fermeture de places.

Comment comptez-vous accepter de « fabriquer » 200 000 places d’accueil alors que l’on manque de professionnels ? Où en est le service unique de la petite enfance ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Marie Mercier, je réponds en lieu et place de Jean-Christophe Combe, qui ne pouvait être présent ce matin.

En matière d’accueil du jeune enfant, le précédent quinquennat a permis des avancées concrètes, sur des sujets tels que la clarification des règles pour l’administration des médicaments, la création d’un référent santé-accueil inclusif dans toutes les crèches ou la mise en place d’une charte obligatoire sur la qualité d’accueil.

Le rapport de l’Igas que vous évoquez, que le ministre Jean-Christophe Combe avait diligenté dès juillet dernier et qu’il a rendu public il y a peu, nous invite néanmoins à aller plus loin. Il dénonce notamment l’hétérogénéité de la qualité de l’accueil sur le territoire, l’intégration insuffisante des connaissances sur le jeune enfant ou encore les limites des contrôles.

Les propositions du rapport sont en cours d’expertise, et le ministre s’est déjà engagé devant la représentation nationale à y donner suite dans les prochaines semaines.

Sur ces questions, l’action du Gouvernement est guidée par deux priorités.

La première est de garantir à toutes les familles la meilleure qualité d’accueil dans tous les établissements – publics, associatifs, privés –, en tenant compte des fragilités ou risques particuliers identifiés dans certains modèles. À ce titre, s’il n’est pas possible, en raison d’un manque de personnel, de respecter le cadre réglementaire, il faut, bien sûr, réduire la capacité d’accueil. Des décisions sont prises en ce sens par les préfets, à la suite notamment de la demande qui leur avait été faite dès l’été dernier par la Première ministre de se rapprocher des départements pour renforcer les contrôles.

La seconde est de soutenir les équipes et de lutter contre la pénurie de professionnels, à la fois symptôme et facteur aggravant de la situation. Le Gouvernement y travaille, dans le cadre d’un comité de filière dédié, avec une campagne de promotion des métiers et la construction d’un socle social commun, contrepartie de la participation de l’État au financement des revalorisations salariales.

Ce que je résume là, en réalité, c’est l’ambition de la garantie d’accueil du jeune enfant, dont le ministre a engagé le déploiement à la demande du Président de la République et de la Première ministre, et qui fera très prochainement l’objet de premières annonces.

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.

Mme Marie Mercier. Madame la ministre, les crèches sont une chance pour le développement des enfants, une chance absolue ! Protéger les plus vulnérables doit être l’honneur d’un État digne de ce nom.

Je vous remercie de bien vouloir relayer cette histoire de collation de milieu de matinée : derrière son apparence anecdotique, il y va de la bonne santé de l’enfant. (Mme la ministre déléguée opine.)

Merci de rendre cette filière attractive !

situation des hôpitaux en isère

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 664, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, depuis plusieurs mois, les hôpitaux isérois se trouvent dans une situation alarmante. À Voiron, un collectif de citoyens et de soignants cherche à interpeller le Gouvernement sur le manque de moyens et de personnel.

Bien que l’hôpital de Voiron soit pratiquement neuf, un bâtiment entier est vide, alors qu’il pourrait accueillir des lits pour prendre en charge les patients qui en ont besoin.

Le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes (CHU-GA) se trouve également en grande difficulté. Les représentants du personnel, en grève illimitée depuis plusieurs mois, alertent sur leurs conditions de travail. Ils ont d’ailleurs déposé un signalement auprès du procureur pour mise en danger de la santé d’autrui.

Avec la fermeture des urgences de Voiron et de Bourgoin-Jallieu, toutes les urgences du CHU-GA sont complètement saturées. Conséquence dramatique de cette situation, depuis décembre 2022, trois personnes dont le pronostic médical n’indiquait pas d’urgence à leur arrivée sont décédées alors qu’elles attendaient un lit.

L’équipe de chirurgie pédiatrique vient, elle aussi, de craquer. Six nouveaux arrêts de travail obligent à annuler les interventions pédiatriques. Près de cinq cents enfants et leurs familles sont aujourd’hui dans l’attente.

Nous avons appris récemment que 123 lits seraient rouverts en septembre, mais cela ne compensera malheureusement pas le nombre de lits fermés.

Aussi, madame la ministre, comptez-vous enfin prendre des mesures efficaces pour améliorer la situation du système hospitalier en France, notamment en Isère, où elle est particulièrement critique ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Guillaume Gontard, le Gouvernement a déjà pris de nombreuses mesures pour améliorer la situation du système de santé et des hôpitaux, notamment les investissements du Ségur, ainsi que la revalorisation des primes de nuit et des astreintes de garde.

Notre mobilisation est constante pour continuer de traduire les engagements du Président de la République en termes d’attractivité et de refondation de nos hôpitaux, à l’échelon national comme local.

Certaines de ces mesures produisent déjà leurs effets, d’autres auront un impact à moyen terme. Leur mise en œuvre revient aussi aux acteurs territoriaux pour élaborer des solutions durables.

Concernant la situation du CHU Grenoble Alpes, des tensions existent en effet, principalement dues à une pénurie de ressources humaines médicales et paramédicales, plutôt qu’à un manque de moyens.

Cependant, je ne puis vous laisser dire que la moitié des lits sont fermés, car c’est faux. Ces fermetures sont liées tant à l’évolution des prises en charge qu’à des problématiques d’effectifs. Quant au signalement adressé au procureur, il a été classé sans suite.

Je puis, en revanche, vous assurer que toutes les précautions sont prises par la gouvernance de l’établissement pour assurer la sécurité des patients en adaptant l’organisation aux ressources disponibles.

S’agissant du service des urgences du site de Voiron, celui-ci n’est pas fermé : son organisation a été adaptée sur les plages horaires de nuit, du fait d’une insuffisance de ressources médicales.

Pour ce qui concerne les locaux disponibles, il s’agit non pas d’un bâtiment entier vide, mais d’une unité non utilisée en raison d’un projet initial d’installation d’une clinique voisine qui n’a pas été mené à terme. Ces espaces seront réaffectés à l’avenir en fonction des besoins de la population et des ressources disponibles.

Le centre hospitalier Pierre Oudot, à Bourgoin-Jallieu, reste opérationnel, offrant ainsi une solution de rechange pour les patients. L’offre de soins urgents est également complétée par les cliniques privées, dont les services d’urgence continuent à jouer leur rôle.

En réaction à ces tensions, les mesures d’urgence pérennisées issues de la mission flash sont pleinement mobilisées sur le territoire isérois. Elles comprennent l’envoi d’infirmiers à domicile par le service d’aide médicale urgente (Samu) pour des levées de doute et la revalorisation des rémunérations pour encourager les praticiens à participer aux gardes et à la régulation médicale, entre autres.

Ces actions, appuyées par l’engagement des professionnels de santé, permettent de garantir la continuité de la réponse aux besoins de soins sur le territoire.

Enfin, l’agence régionale de santé (ARS) joue un rôle dans la coordination des acteurs, fluidifiant les filières de soins grâce à des avancées, comme celle qui a été récemment obtenue dans la filière psychiatrique et qui a permis de soulager le service d’urgence du CHU-GA.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Si je vous comprends bien, madame la ministre, tout va bien !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Non !

M. Guillaume Gontard. Cela ne me semble pourtant pas tout à fait le cas… À Voiron, à Bourgoin-Jallieu ou à Grenoble, la situation est particulièrement dramatique. J’aurais donc aimé que vous apportiez une réponse plus précise, qui corresponde à l’urgence présente ; il faut en effet agir tout de suite.

Il est vrai qu’il y a une pénurie de ressources, liée notamment aux conditions de travail. De nombreux médecins démissionnent et, du fait d’un taux de postes vacants de 50 %, le CHU-GA fonctionne avec seulement la moitié de ses effectifs.

Le problème n’est pas seulement financier, vous l’avez dit : les hôpitaux sont confrontés à des difficultés de recrutement. Il faut urgemment augmenter le nombre de places en faculté de médecine et favoriser le recrutement extérieur, par exemple en facilitant la reconnaissance de l’équivalence de diplôme des médecins étrangers.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos
Discussion générale (suite)

Ouvertures de casinos

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos, présentée par Mme Catherine Deroche, M. Stéphane Piednoir, M. Claude Nougein et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 363, texte de la commission n° 585, rapport n° 584).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Deroche, auteure de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos
Article unique

Mme Catherine Deroche, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que Stéphane Piednoir, Claude Nougein et moi-même vous présentons reprend en partie un texte déposé en avril 2019 par les quatre sénateurs de Maine-et-Loire, sollicités alors par le maire de Saumur.

Ce texte étendait la possibilité d’installation d’un casino aux communes comptant dans leur périmètre un ou plusieurs éléments du patrimoine matériel ou immatériel propriété de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE).

La proposition de loi déposée cette année a été travaillée avec les députées des circonscriptions des communes de Saumur et Arnac-Pompadour – je salue Laetitia Saint-Paul, députée de Maine-et-Loire, présente dans nos tribunes. J’y associe les premiers cosignataires, Emmanuel Capus et Daniel Chasseing.

L’ouverture d’un casino est une source importante d’emplois et contribue de façon déterminante au développement touristique et culturel, ce qui rejaillit nécessairement sur l’ensemble des autres activités de la commune où il est implanté, participant ainsi à son animation et à l’attractivité du territoire concerné. Par ailleurs, les casinos sont souvent parmi les premiers contributeurs du budget des communes qui les accueillent.

Les jeux d’argent et de hasard, dont les casinos font partie, sont régis par un principe de prohibition, qui connaît toutefois des dérogations limitatives et encadrées.

En effet, les textes en vigueur, votés avant l’existence des jeux en ligne, limitent l’ouverture des casinos aux stations thermales, balnéaires ou climatiques ; aux villes principales d’agglomérations de plus de 500 000 habitants ayant des activités touristiques et culturelles particulières, participant pour plus de 40 % au fonctionnement d’un centre dramatique national ou d’une scène nationale, d’un orchestre national et d’un théâtre d’opéra ; aux communes dans lesquelles un casino était régulièrement exploité avant l’entrée en vigueur de la loi du 14 avril 2006 portant diverses dispositions relatives au tourisme ; enfin, aux communes ou stations classées de tourisme de plus de 15 000 habitants du département de la Guyane.

Cette liste a l’avantage de poser des limites à une activité qui se doit – nous souscrivons à cet objectif – d’être strictement encadrée.

Ce faisant, elle a aussi pour effet de concentrer les casinos dans certaines zones géographiques, notamment les bords de mer ou les départements les plus urbanisés, en privant d’autres zones, moins dynamiques, de cette activité pourtant susceptible de les aider à développer une économie locale. La législation actuelle sur l’implantation des casinos est donc à l’origine d’inégalités territoriales peu justifiées.

Les départements ruraux du centre de la France ont notamment pour attrait touristique les activités équestres, qui, de par leur lien avec le monde du jeu et des paris, pourraient constituer le support du développement d’infrastructures touristiques, telles que des casinos.

Ainsi, en autorisant les villes ayant développé une activité importante en lien avec l’équitation à ouvrir des casinos, il serait possible de pallier l’inégale répartition de ces établissements sur le territoire.

Pour cette raison, notre proposition de loi vise à autoriser la création de casinos dans les communes « sites historiques du Cadre noir et des haras nationaux » qui ont organisé, pendant au moins cinq années avant le 1er janvier 2023, dix événements hippiques de rayonnement national ou international. À ce jour, seules deux communes, Arnac-Pompadour et Saumur, entrent dans ce cadre.

L’IFCE est l’opérateur public au service de la filière équine française qui assure la gestion du Cadre noir de Saumur, mais aussi d’une vingtaine de haras nationaux partout en France. Il est dépositaire d’un patrimoine matériel et immatériel équestre unique, qu’il lui appartient de porter et valoriser, seul ou en partenariat. Ses actions se déploient sur tout le territoire sous les marques patrimoniales haras nationaux et Cadre noir, dont Saumur et Arnac-Pompadour sont les sièges sociaux et administratifs.

Il est à noter qu’il ne reste que deux sites « haras national » en France avec participation de l’État : Arnac-Pompadour et Saumur. De plus, les missions régaliennes ayant évolué, l’État se désengagera progressivement de ces deux sites. Les autres haras nationaux, au nombre d’une vingtaine, ont été cédés ou donnés.

Reste Uzès, encore haras national, qui n’accueille plus de compétitions et n’est plus utilisé que pour des formations. Par ailleurs, ce site n’est pas historique, puisqu’il a été construit en 1962.

Conditionner l’ouverture d’un casino à l’existence d’un patrimoine équestre participerait ainsi au développement de cette filière touristique importante, tout en assurant un soutien à la relance de l’ensemble de la filière cheval.

La commission, partageant l’objectif des auteurs de la proposition de loi, a souhaité améliorer le dispositif proposé, d’une part, en s’assurant que les communes visées satisfont aux critères pertinents qui justifient l’ouverture d’un casino sur leur territoire et, d’autre part, en permettant aux communes dotées des infrastructures équestres similaires à celles de Saumur et d’Arnac-Pompadour d’accueillir le cas échéant un casino.

Mes collègues coauteurs s’exprimeront dans la discussion générale. Je vous remercie, d’ores et déjà, du soutien apporté à ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte proposé par Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, et par ses collègues a une ambition simple. Son article unique vise à répondre aux attentes anciennes et légitimes des maires de territoires ruraux qui souhaitent accueillir un casino.

Il s’agit plus précisément des communes de Saumur et d’Arnac-Pompadour, qui disposent d’équipements équestres ancestraux, nécessitant que des financements soient trouvés rapidement pour assurer leur pérennité.

En effet, depuis plus de dix ans, l’État se désengage progressivement de la filière équestre, laissant bien souvent les collectivités territoriales bien seules pour entretenir et financer les activités et les infrastructures de cette filière. Or ces équipements et les événements équins font partie intégrante du patrimoine de ces territoires. Ils sont de véritables atouts permettant d’attirer touristes et visiteurs.

Vous le savez, l’ouverture d’un casino municipal est par principe prohibée. Depuis près de deux siècles, l’État encadre de manière très stricte les jeux d’argent et de hasard. Cette interdiction est justifiée par les motifs d’intérêt général tenant à la prévention des « risques d’atteinte à l’ordre public et à l’ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs ».

L’exploitation des casinos fait partie des exceptions anciennes au principe de prohibition, mais son étendue a peu évolué au cours des dernières années.

Actuellement, les seules catégories de communes pouvant accueillir un casino, de manière dérogatoire, figurent sur la liste limitative prévue à l’article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure. Il s’agit principalement des communes classées stations balnéaires, thermales, climatiques, de tourisme, ou des villes principales d’agglomérations de plus de 500 000 habitants dotées d’établissements culturels spécifiques.

Par ailleurs, une particularité existe depuis plus d’un siècle pour la Ville de Paris, puisqu’il est interdit d’exploiter un casino à moins de 100 kilomètres de son territoire, exception faite de la commune d’Enghien-les-Bains. Toutefois, depuis le 1er janvier 2018, la capitale expérimente l’exploitation de sept clubs de jeux ; cette expérimentation prendra fin le 31 décembre 2024.

Enfin, l’ouverture d’un casino municipal nécessite une double autorisation, à la fois municipale et ministérielle.

L’autorisation du ministère de l’intérieur fait suite notamment à une enquête administrative. Les services de ce ministère contrôlent et régulent de manière très rigoureuse cette branche des jeux d’argent et de hasard. À ce jour, il existe 203 casinos, et leur nombre n’a que peu évolué au cours des dernières années.

Mes chers collègues, à l’issue de cette courte présentation du cadre juridique applicable aux casinos, je souhaite vous exposer la position de la commission des lois, dont les membres se sont prononcés favorablement sur la proposition de loi visant à introduire une sixième hypothèse de dérogation à l’interdiction d’exploitation de casinos.

La commission a notamment été sensible au fait que les territoires ruraux ne disposent pas des mêmes atouts que les communes du littoral – c’est une évidence – et qu’ils pourraient utilement bénéficier de l’ouverture de casinos pour accroître leur attrait touristique et leurs ressources financières.

En outre, les communes qui ont une activité équestre importante sont déjà en lien avec l’univers du jeu et des paris, de sorte que l’ouverture d’un casino viendrait compléter une offre touristique liée aux jeux d’argent et de hasard déjà existant.

Au surplus, les maires de Saumur et d’Arnac-Pompadour ont mis en avant la nécessité de l’arrivée d’un casino dans leur commune pour financer l’activité équestre présente sur leur territoire ou à proximité.

C’est pourquoi l’intention qui sous-tend la proposition de loi de la présidente Deroche et de ses collègues a emporté la complète adhésion de notre commission, laquelle a néanmoins souhaité améliorer le caractère opérationnel du dispositif, en ciblant mieux les communes susceptibles d’en bénéficier.

En premier lieu, la commission des lois a jugé pertinent de permettre aux communes disposant d’une infrastructure équestre pluriséculaire d’accueillir un casino sur leur territoire. Elle a décidé d’étendre, de manière restrictive, le champ de la proposition de loi aux communes qui accueillent soit le site historique du Cadre noir, soit un haras national.

Cette extension demeure très limitée, dans la mesure où, selon les informations transmises par l’IFCE, seules huit communes pourraient éventuellement justifier de la présence d’un haras dit « national ».

En deuxième lieu, la commission a maintenu l’exigence d’activités équestres régulières et anciennes au sein de la commune : cette dernière doit pouvoir justifier de l’organisation d’au moins dix événements équestres par an entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2023.

En troisième lieu, afin de conserver un lien étroit entre la commune, les activités hippiques et les paris sportifs qui y sont associés, la commission a introduit une troisième condition : la présence du siège d’une société de courses hippiques dans la commune.

En résumé, le texte voté en commission permet aux communes d’accueillir un casino si elles répondent aux trois conditions cumulatives suivantes : disposer d’un haras national ou du site historique du Cadre noir ; avoir organisé au moins dix événements équestres à caractère national ou international par an au cours des cinq dernières années ; être le siège d’une société de courses hippiques au 1er janvier 2023.

À l’aune de ces trois critères, le texte qui est soumis à votre appréciation offre la possibilité d’ouvrir de nouveaux casinos, mais de manière extrêmement réduite. En effet, la commission a souhaité s’inscrire dans la philosophie du législateur, en restreignant au maximum la création d’établissements de jeux d’argent et de hasard.

De plus, la commission a tenu compte de la nécessité urgente de répondre aux difficultés de financement des activités et infrastructures équestres des communes de Saumur et d’Arnac-Pompadour. Il s’agit de régler une situation particulière.

Par ailleurs, le texte issu des travaux de la commission assure une égalité de traitement avec les communes disposant d’infrastructures similaires, sans déséquilibrer la filière des casinos sur l’ensemble du territoire.

Néanmoins, j’y insiste, il apparaît nécessaire d’envisager une réflexion plus globale sur les critères d’installation d’un casino dans une commune. À cet égard, la fin de l’expérimentation relative aux clubs de jeux parisiens, prévue le 31 décembre 2024, sera l’occasion pour le Gouvernement de clarifier et de remettre à plat, par un véhicule législatif plus adapté, les règles régissant l’installation des casinos en France.

Pour conclure, ayant régulièrement échangé avec les auteurs de la proposition de loi,…

M. Claude Nougein. C’est vrai !

M. François Bonhomme, rapporteur. … je les remercie chaleureusement de leur disponibilité et de la qualité de nos discussions, qui ont visé à formuler des pistes de solution équilibrées et consensuelles, dans l’intérêt de nos communes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec plus de 200 établissements sur son territoire, la France concentre 40 % des casinos de l’Union européenne. Elle jouit ainsi d’une offre ludique considérable, qui constitue un véritable atout pour l’attractivité de nos territoires.

Pour les 196 communes accueillant un casino, au-delà des revenus fiscaux directs perçus, cette exploitation participe au développement de l’économie locale et à l’attractivité du territoire, en créant des emplois en son sein, mais aussi dans son environnement direct.

Toutefois, compte tenu de leurs critères d’implantation, l’offre de casinos est inégalement répartie sur le territoire national. Elle se concentre majoritairement sur les bords de mer ou dans les départements les plus urbanisés. D’autres zones, moins dynamiques, sont quant à elles non couvertes – c’est le cas de 38 départements français.

Ces critères d’implantation sont le fruit de près de deux siècles d’encadrement strict, mais nécessaire, des jeux d’argent et de hasard par l’État.

Actuellement, conformément au code de la sécurité intérieure, peuvent accueillir un casino de manière dérogatoire les communes classées stations balnéaires, thermales, climatiques ou de tourisme ou les villes principales d’agglomération de plus de 500 000 habitants qui sont dotées d’établissements culturels spécifiques.

La multiplication de démarches émanant aussi bien d’élus locaux que de parlementaires témoigne d’une volonté, sur le terrain, de faire évoluer les conditions d’implantation de ces établissements.

Pour autant, il est essentiel de penser cette évolution avec prudence et sagesse. Le cadre juridique d’implantation des casinos doit ainsi être réformé pour maîtriser l’évolution du nombre de ces établissements.

Compte tenu des enjeux de sécurité et de santé publique liés à leurs activités, les casinos font l’objet d’une grande vigilance de la part des services du ministère de l’intérieur et des outre-mer. C’est dans cette perspective que la direction des libertés publiques et des affaires juridiques procède aux interdictions administratives de jeux ou agrée les employés des casinos.

De même, le service central des courses et jeux (SCCJ) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) réalise des audits périodiques des établissements pour veiller au respect de la réglementation, mène des enquêtes administratives sur les employés et mobilise un réseau de correspondants territoriaux.

Préserver la capacité du ministère de l’intérieur et des outre-mer d’assurer, à moyens constants, ces missions, est fondamental pour la sécurité de tous.

Par ailleurs, nous devons penser cette évolution avec précaution et discernement pour ne pas fragiliser le réseau de casinos existant, en garantissant une aire de chalandise suffisante pour ces établissements. Si une remise à plat des critères d’implantation des casinos devait avoir lieu, elle mériterait une large concertation avec les acteurs de ce secteur économique singulier.

Afin d’étendre le maillage actuel de l’implantation des casinos en France et de permettre à des communes rurales d’en bénéficier, cette proposition de loi étend la possibilité d’installation des casinos à un nouveau cas de figure.

Il est en effet proposé d’autoriser l’implantation d’un casino aux communes sur le territoire desquelles sont implantés, au 1er janvier 2023, le siège d’une société de courses hippiques, ainsi que le site historique du Cadre noir ou un haras national où ont été organisés au moins dix événements équestres au rayonnement national ou international par an entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2023.

Trois communes qui, à l’heure actuelle, ne sont pas dotées d’un casino deviendraient éligibles : Arnac-Pompadour, Saumur et Segré-en-Anjou Bleu. La rédaction issue de l’examen du texte en commission étend ainsi l’autorisation d’implantation d’un casino à un nombre limité de communes.

Si elle ne constitue pas une fin en soi, cette proposition de loi permet de faire évoluer les conditions d’implantation de nos casinos et d’aller vers des zones blanches, répondant en cela à une attente forte des territoires concernés.

Pour ces raisons, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat quant à l’adoption de ce texte, dont nous souhaitons que la rédaction soit retravaillée au cours de la navette parlementaire, afin de prévoir le cumul d’un critère tiré de l’activité hippique et d’un critère lié au classement touristique de la commune. Cette nouvelle rédaction s’inscrirait dans la logique de la rédaction actuelle de l’article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure, qui exige la vérification d’un critère d’attractivité touristique constaté par un label.

Par ailleurs, nous attirons votre attention sur le risque que des ajouts dans la loi au gré de la promotion d’intérêts particuliers n’aboutissent à un inventaire à la Prévert de critères dépourvus de cohérence.

Si un casino est un atout pour l’attractivité d’un territoire et pour le développement local, son implantation ne peut guère faire l’économie des moyens de vigilance accrue que ces établissements mobilisent face aux enjeux de sécurité et de santé publique intrinsèquement liés à leurs activités.

Pour finir, je remercie les parlementaires qui se sont saisis de cet enjeu, qui touche au cœur de nos territoires et aux loisirs de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Mme Françoise Gatel applaudit.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les casinos représentent une manne d’un peu plus d’un milliard d’euros au 31 octobre 2021, en diminution par rapport aux années précédentes.

De son côté, la filière équine suscite, selon l’Observatoire économique et social du cheval de l’Institut français du cheval et de l’équitation, brasse plus de 11 milliards d’euros de flux financiers par an.

L’idée d’utiliser ces filières pour soutenir les collectivités locales et le patrimoine n’est pas nouvelle, comme en témoigne la récente expérience du loto du patrimoine, organisée par le célèbre Stéphane Bern.

Les collectivités territoriales souffrent d’un manque de moyens pour financer les infrastructures existantes. Aussi nos collègues auteurs de cette proposition de loi ont-ils, de manière parfaitement logique et cohérente, opéré un rapprochement entre les deux activités, pour combler un désert ludique et profiter des revenus des jeux.

Comme l’ont souligné les orateurs précédents, le texte que nous examinons peut sembler simple et guidé par une certaine logique : il s’agit d’aider au financement de l’entretien des infrastructures du Cadre noir de Saumur.

Pour ce faire, la proposition de loi comprend un article unique introduisant une sixième hypothèse de dérogation au principe d’interdiction générale des jeux d’argent et de hasard, qui serait fondée sur l’existence d’infrastructures et d’activités équestres au sein de la commune. Le texte instaure donc un double critère.

La commission est revenue sur la condition cumulative tenant à l’existence du site historique du Cadre noir et d’un haras national sur le territoire d’une même commune, de manière à étendre le champ de la proposition de loi aux communes qui accueillent ou l’un, ou l’autre.

Par ailleurs, si les communes d’Arnac-Pompadour et de Saumur organisent annuellement de nombreux événements équestres, les événements dits « hippiques » ont lieu dans les hippodromes se trouvant sur le territoire de communes voisines. La commission a donc retenu le terme « équestre », qui renvoie à l’ensemble des activités relatives au monde du cheval et de l’équitation.

La commission a souhaité maintenir un lien étroit entre la commune, les activités hippiques ou équestres et les paris sportifs, en retenant comme critère d’implantation la présence dans la commune du siège d’une société de courses hippiques.

Avec ce texte, je suis saisie d’une double allégresse : mon département, l’Orne, comprend à la fois un haras national – le haras national du Pin –, propriété du département depuis la promulgation de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, et un casino – celui de Bagnoles de l’Orne Normandie. Me voilà donc absolument comblée !

Toutefois, la rédaction issue des travaux de la commission fragilise le texte. En effet, alors que celui-ci était assez cohérent lorsqu’il s’agissait d’implanter un casino unique à Saumur, l’extension de son champ à d’autres communes le dessert, car aucune négociation ne s’est tenue avec les autorités compétentes – j’y reviendrai.

Au sujet des auditions non publiées, le rapport indique : « Il ressort des auditions des syndicats de casinos, de l’Association nationale des élus des territoires touristiques et des services du ministère de l’intérieur, menées par M. le rapporteur, qu’il apparaît nécessaire d’envisager aujourd’hui une réflexion plus globale sur les critères permettant l’installation d’un casino dans une commune. » C’est exactement ce qu’a dit Mme la secrétaire d’État. À cet égard, la fin de l’expérimentation relative aux clubs de jeux parisiens devra donner lieu à une évaluation globale.

Par ailleurs, la facilité qui consiste à fusionner l’hippisme et l’équestre, c’est-à-dire ce qui relève des courses – donc du jeu – et ce qui relève des concours hippiques – donc du sport – n’est, selon les spécialistes, pas judicieuse. La complexité de la situation appelle une réflexion plus globale.

Malgré ses mérites, le texte qui nous est proposé est un texte de circonstance, qui devra être retravaillé. Mais son examen lance clairement un débat qui méritera d’être approfondi avec l’ensemble des acteurs de la filière cheval.

Les voies de financement de la filière provenant des paris en ligne et des courses hippiques sont déjà bien identifiées et fléchées. L’extension, dans la version de la commission, du champ de la proposition de loi complexifie le sujet et appelle d’autres réflexions, qui sont d’ailleurs engagées entre les autorités de tutelle et les syndicats d’opérateurs. Voilà ce à quoi nous devons parvenir : qu’il y ait un débat global sur le sujet, pour trouver un bon équilibre.

Un texte de circonstance peut déséquilibrer l’ensemble de la filière, comme en témoigne l’ouverture du casino de Saint-Gervais-les-Bains, qui a affaibli ceux de Megève et de Chamonix.

Il est vrai que les territoires ruraux doivent pouvoir se doter de casinos et qu’il faut opérer un rééquilibrage entre les territoires. Cette proposition de loi a le mérite d’évoquer ce sujet. Néanmoins, j’estime que sa rédaction doit être retravaillée.

Aussi, le groupe Union Centriste s’abstiendra sur cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’implantation des casinos pourrait sembler un sujet anecdotique ou secondaire, voire, au regard des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens, marginal. Chacun, dans cet hémicycle, conviendra que l’actualité appelle peut-être d’autres priorités.

Toutefois, j’ai la conviction que nous aurions tort de nous désintéresser de cette proposition de loi. En effet, mon département, la Gironde, comptant six casinos, je mesure l’impact positif de la présence de ces établissements sur nos territoires.

Pour prendre l’exemple particulier du casino de Bordeaux, qui a ouvert il y a une vingtaine d’années, celui-ci représente un gain significatif pour la ville, puisqu’elle prélève directement une somme sur le produit des jeux de l’établissement, qui alimente notamment les lignes budgétaires consacrées aux politiques sociales.

Aussi, sans entrer encore dans les aspects juridiques, la question de l’implantation des casinos de jeu présente un intérêt économique certain pour les communes concernées. Notre pays compte un peu plus de 200 casinos, qui emploient plusieurs dizaines de milliers de personnes et contribuent au développement économique des espaces touristiques où ils sont implantés.

De ce point de vue, chacun s’accordera sur l’opportunité de cette proposition de loi. Pour ma part, je partage néanmoins certaines remarques que j’ai déjà pu entendre au sujet de ce texte : l’implantation d’un casino ne saurait être une solution pérenne pour répondre aux difficultés financières que rencontrent nos collectivités dans leur ensemble.

Il s’agit d’un problème global, qui mérite une réponse généralisée à l’ensemble des collectivités. Nous devons nous y pencher à l’occasion de l’examen du projet de loi, mais aussi lorsque nous cherchons des solutions pour dynamiser les politiques économiques de nos collectivités.

Par ailleurs, je suis plus circonspecte sur la dimension juridique du texte, notamment lorsque je lis la rédaction de l’article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure, qui fixe une liste de dérogations permettant l’ouverture de nouveaux casinos.

Actuellement, les communes déclarées villes d’eau, stations thermales ou balnéaires, ainsi que les villes principales d’agglomérations de plus de 500 000 habitants ayant des activités touristiques et culturelles particulières peuvent accueillir de tels établissements.

Cette proposition de loi vise à ajouter une nouvelle catégorie, très singulièrement liée aux événements hippiques. Si je veux bien admettre le lien existant entre le monde des paris et celui des jeux, nous comprenons surtout que cela permettrait d’inclure les communes d’Arnac-Pompadour et de Saumur, ainsi que, par l’assouplissement des critères en commission, une dizaine d’autres communes. Je puis d’ailleurs vous proposer d’autres communes girondines à ajouter si besoin !

Plutôt que d’élargir le dispositif d’autorisation par des critères si spécifiques qu’ils ne viseraient qu’une ou deux communes déjà bien identifiées, peut-être vaudrait-il mieux le repenser dans sa globalité, de sorte qu’il soit moins contraignant d’un point de vue législatif.

En outre, sans tomber dans une forme de moralisme excessif, je refuse de faire comme si le phénomène de la dépendance aux jeux n’avait rien de préoccupant. Une proposition de loi qui élargit les possibilités d’implantation des casinos ne peut s’affranchir de toute réflexion sur la promotion et le développement d’établissements de jeux de hasard et d’argent, en particulier à une époque où les paris sportifs en ligne posent de grandes difficultés, notamment parmi les jeunes générations.

Le législateur se doit de faire preuve de vigilance pour ne pas donner le sentiment qu’il accompagne favorablement ce développement inquiétant, au moment même où les casinos français ont connu, depuis le début de l’année, des baisses de fréquentation significatives par rapport à 2019, et même s’ils sont nombreux, à l’instar du casino de Bordeaux, à prendre en charge les addictions. Il est toujours bon de le répéter, et nous devons en faire une ligne de conduite.

Même si la situation semble s’arranger en 2023, la pandémie de la covid-19 a bouleversé les habitudes : de plus en plus de joueurs préfèrent désormais les jeux d’argent en ligne, malgré l’interdiction des jeux de hasard sur internet. Cela mériterait une étude d’impact approfondie, ce que ne permet pas la présente proposition de loi – c’est fort dommage !

Cela dit, le groupe RDSE reste, dans son ensemble, favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Claude Nougein. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. Claude Nougein. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nos territoires ruraux sont trop souvent abandonnés, alors qu’ils sont si dynamiques et innovants !

Plus que jamais, notre espace rural mérite que nous fassions preuve d’une véritable ambition. Il est de plus en plus perçu par les Français comme une richesse, comme un facteur d’équilibre social et comme un lieu d’épanouissement. Mais, malgré cette image positive, la vérité du monde rural reste mal connue et mal comprise.

Les besoins en infrastructures et en services publics sont souvent ignorés. De plus, de récentes lois comme la loi Climat et résilience, qui fixe un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, vont accentuer la désertification rurale et le désengagement de l’État, ce dernier sonnant aujourd’hui comme une alerte dans l’esprit des élus qui défendent leur territoire.

La filière équine représente parfois une composante importante du développement des territoires ruraux, en cela qu’elle est créatrice d’emplois et génératrice d’activités sportives, sociales et culturelles. Elle crée du lien social, elle favorise le développement rural et elle est une alliée du développement durable.

De plus, le cheval est un acteur majeur de la culture française : l’Unesco a inscrit l’équitation de tradition française au patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2011. En Corrèze, nous avons la chance, avec le haras national d’Arnac-Pompadour, de compter un site historique, véritable emblème du territoire et de la filière équestre, laquelle se délite.

La commune d’Arnac-Pompadour abrite toujours le siège administratif de l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE. Or, devant une gestion toujours plus complexe, l’État souhaite se désengager de cette filière et se concentrer sur ses missions régaliennes, ce qui est peut-être normal, d’ailleurs.

Comment compenser ce désengagement ? Comment sauver cette filière équestre connue et reconnue ? Bien sûr, les territoires ruraux ont l’innovation chevillée au corps. Bien sûr, leurs élus font toujours preuve d’imagination et d’innovation pour faire vivre leurs territoires.

L’attrait touristique des départements ruraux du centre de la France repose notamment sur les activités équestres, qui, de par leur lien avec le monde du jeu et des paris, pourraient constituer un support du développement de nouvelles infrastructures telles que des casinos.

Ainsi, autoriser les villes ayant développé une activité importante en lien avec l’équitation à ouvrir des casinos pourrait viser un double objectif : remédier à l’inégale répartition de ces établissements sur le territoire et sauver la filière cheval.

La législation en vigueur profite essentiellement à des communes littorales et à des stations thermales, auxquelles nous donnons un certain monopole, alors qu’elles disposent déjà de nombreux atouts touristiques, à l’inverse de nos territoires ruraux, qui sont bien plus enclavés.

En outre, l’ouverture d’un casino dans une commune est une source importante d’emplois. Ces établissements contribuent ainsi de façon déterminante aux développements touristiques et culturels, ce qui rejaillit nécessairement sur l’ensemble des autres activités de la commune où ils sont implantés. Ils participent à l’animation et à l’attractivité des territoires concernés et comptent souvent, à la faveur de la redistribution fiscale, parmi les premiers contributeurs du budget des communes.

Aussi, mes chers collègues, cette proposition de loi va au-delà de la simple autorisation d’ouverture d’un casino. Il s’agit de maintenir en vie toute une filière de l’économie locale de communes qui comportent à la fois un stade équestre et un établissement de l’Institut français du cheval et de l’équitation, mais aussi qui ont développé une attractivité particulière et récurrente liée à l’organisation d’événements équestres de rayonnement national ou international.

Par exemple, dans la commune d’Arnac-Pompadour, plus de 160 journées équestres seront maintenues – ce n’est pas rien, c’est même la vie de ce territoire ! Seules quelques communes, dont Arnac-Pompadour et Saumur, entrent dans le cadre du dispositif. Ces communes sont des sites historiques du Cadre noir ou des haras nationaux.

Il n’y a aucun casino dans ces territoires, ni même alentour. En effet, il n’y en a pas à moins de 100 kilomètres d’Arnac-Pompadour, et je pense qu’il en va de même pour Saumur. Il s’agirait d’installer des établissements petits, mais viables, dont les taxes permettraient de sauver la filière équestre. L’économie locale et l’attractivité de tout un territoire en dépendent.

Ces ouvertures de casinos assureraient des retombées économiques aux communes dotées d’une activité équestre pluriséculaire et permettraient d’accroître leur attrait touristique et leurs ressources financières.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, il s’agit de défendre non pas la multiplication des casinos, mais la survie de la filière équestre dans ces villes historiques du cheval !

Aussi, le groupe Les Républicains se prononcera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Alain Duffourg applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (M. Daniel Chasseing applaudit.)

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les communes d’Arnac-Pompadour et de Saumur, dans mon département du Maine-et-Loire, sont deux hauts lieux de l’équitation. Leur nom est associé à une longue tradition d’élevage et d’activités équestres. Leur réputation dépasse largement nos frontières.

Saumur est le site historique du célèbre Cadre noir. Il participe, avec ses écuyers et ses chevaux, au rayonnement international de l’art équestre à la française.

Mme Nathalie Goulet. Tout à fait !

M. Emmanuel Capus. Son patrimoine, ses compétitions et ses infrastructures équestres constituent la clé de voûte de l’attractivité de la commune. Ils irriguent l’ensemble des secteurs d’activité locaux.

Le désengagement progressif du ministère de l’agriculture risque de compromettre la poursuite des activités équestres sportives à Saumur, à Arnac-Pompadour et dans les territoires ruraux avoisinants.

Ce texte introduit donc, tout simplement, une dérogation à la loi, afin de permettre l’ouverture d’un casino à Saumur et à Arnac-Pompadour. Il s’agit d’une demande de longue date des élus locaux et des parlementaires du territoire, dont je salue la mobilisation. À ce propos, je salue le maire d’Arnac-Pompadour et la députée de la circonscription de Saumur, Laetitia Saint-Paul, qui sont présents dans la tribune. Ces deux communes sont historiquement et intimement liées au monde équestre.

Par cette proposition de loi, soutenue par l’ensemble des sénateurs des départements concernés, cosignée par Daniel Chasseing et moi-même et amendée par M. le rapporteur, il s’agit de remédier au déséquilibre dans l’implantation des casinos à l’échelle du territoire national.

En France, les casinos sont concentrés, principalement, sur le littoral. Les territoires ruraux du centre du pays sont, à de rares exceptions près, totalement laissés de côté. Quand on sait à quel point ces établissements sont un atout pour leur territoire, on ne peut que le déplorer.

Comme l’a souligné Claude Nougein, l’implantation d’un casino contribue de manière déterminante au développement touristique et culturel local. Son exploitation est une source importante d’emplois à l’année et – vous l’avez reconnu, madame la secrétaire d’État – d’activité économique pour le territoire concerné.

Aussi l’implantation d’un casino dans ces deux communes serait-elle une excellente chose, d’autant plus que, pour ce qui concerne Saumur, le casino le plus proche se trouve à 106 kilomètres – il s’agit du petit casino de La Roche-Posay. Je rassure donc Nathalie Goulet : il n’y aura pas de grande concurrence avec d’autres casinos.

Ainsi, la majorité des membres du groupe Les Indépendant votera, comme Daniel Chasseing et moi-même, qui en sommes cosignataires, cette proposition de loi.

J’ajouterai un dernier argument : il s’agit peut-être de la dernière proposition de loi déposée par notre collègue Catherine Deroche. C’est donc l’occasion de manifester, par notre vote positif, notre reconnaissance pour son travail, à propos de cette proposition de loi, mais aussi tout au long de ses trois mandats. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. François Bonhomme, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre ordre du jour, à l’approche des élections sénatoriales, nous réserve, parfois, des surprises.

Cette proposition de loi comprend un article unique introduisant une sixième dérogation au principe d’interdiction générale des jeux d’argent et de hasard, qui reposerait sur l’existence d’une infrastructure et d’une activité équestre au sein d’une commune.

Une telle dérogation profiterait essentiellement à deux communes, dont l’une est située dans le département d’élection des auteurs de la proposition de loi… Outre l’opportunité de voter une telle loi six mois avant les élections sénatoriales, qui concerneront ce département, ce texte nous semble problématique sur plusieurs points.

Tout d’abord, la finalité de cette proposition de loi, par l’ajout de deux nouvelles conditions, est de permettre à deux villes d’implanter des casinos sur leur territoire. Nous le savons tous, et les auteurs de la proposition de loi le soulignent avec justesse, en raison des critères d’installation, l’implantation des casinos est très inégale sur notre territoire, avec de lourdes conséquences, car la présence d’un casino crée des emplois directs ou indirects et a des retombées touristiques positives.

Au-delà de l’argument de la création d’emplois, les communes où se trouve installé un casino bénéficient d’une manne financière certaine : ces presque 200 communes perçoivent en moyenne 1,4 million d’euros chaque année au titre d’une taxe sur les produits des jeux. Ces ressources représentent jusqu’à 30 % du budget des villes concernées. La Gironde comptant six casinos, ces derniers représentent une manne financière non négligeable pour le département.

Nous entendons les besoins de la filière équine, et singulièrement, bien entendu, les difficultés que rencontrent les communes de Saumur et d’Arnac-Pompadour pour financer leurs activités et infrastructures équestres. Nous entendons aussi la petite musique issue des travaux de la commission, M. le rapporteur trouvant « nécessaire d’envisager une réflexion plus globale sur les critères permettant l’installation d’un casino dans une commune ».

Toutefois, nous ne pensons simplement pas que la solution envisagée pour remédier à ce problème, à savoir installer de nouveaux casinos, soit la bonne. Cet objectif de création d’emplois et cet espoir de revenus supplémentaires pour les communes et pour favoriser la filière équine ne sauraient cacher les problématiques liées aux casinos.

Notre groupe considère que la restriction d’implantation des casinos se justifie par des considérations de santé publique.

Les jeux d’argent et de hasard, donc les casinos, sont, comme l’a rappelé le rapporteur, régis par un principe de prohibition. Leur interdiction se justifie par des motifs d’intérêt général. Ainsi, l’article L. 320-2 du code de la sécurité intérieure dispose qu’ils « font l’objet d’un encadrement strict aux fins de prévenir les risques d’atteinte à l’ordre public et à l’ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs ».

L’addiction aux jeux d’argent peut avoir des conséquences financières, psychologiques et familiales dramatiques pour les victimes. Selon le sociologue spécialisé Jean-Pierre Martignoni-Hutin, 48 000 personnes sont interdites de jeu en France, sans tenir compte de celles qui sont inscrites dans des dispositifs de régulation du jeu.

Selon SOS Joueurs, 79 % des victimes d’addiction au jeu sont endettées. Aussi, de grâce, évitons d’ouvrir une brèche pour la multiplication de ces établissements de jeu d’argent.

À nos yeux, ce texte ne présente que l’une des solutions envisageables pour la respiration financière des communes. Nous le répétons souvent, les baisses de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la mainmise du préfet sur de trop nombreux financements, les restrictions de levier fiscal propre et la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) asphyxient les collectivités locales.

C’est bien là le cœur du problème de nos territoires : leurs capacités d’actions sont limitées. Or ce problème ne peut et ne doit être résolu qu’au travers de mesures structurelles, pérennes et adaptées à chaque territoire.

Nous souscrivons à l’ambition de redonner aux collectivités territoriales les moyens d’une plus grande autonomie financière, celle-ci étant mise à mal depuis plusieurs années. Au reste, plusieurs groupes du Sénat y travaillent. Le véritable enjeu réside là, et non dans l’ouverture des portes de nouveaux casinos de jeu.

Ce texte facilitant les installations de casinos ne constitue en rien une solution. Nous ne le voterons pas.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi importante pour réduire les inégalités territoriales en matière d’ouverture de casinos.

Ce texte vise à permettre leur installation dans les terres de cheval, qui attirent chaque année un public nombreux pour des événements équestres ou des courses hippiques. Ces dernières sont d’ailleurs déjà une forme de jeu d’argent. Dès lors, l’arrivée du casino ne fait pas de différence morale majeure. Par ailleurs, passion du jeu et cheval sont liés : l’une offre la chance d’un instant, l’autre incarne la force et la beauté en mouvement. (Mme Catherine Deroche approuve.)

Permettez-moi de souligner l’importance économique du secteur des casinos en France.

Actuellement, notre pays compte 196 casinos, qui jouent un rôle majeur pour notre économie, dans 190 communes d’implantation privilégiées. Dans ces communes, la contribution financière du casino représente en moyenne près de 10 % du budget communal – jusqu’à 80 % pour certaines.

De plus, la filière française des casinos représente 50 000 emplois, notamment 18 200 emplois directs. Ces établissements sont donc des acteurs essentiels de l’animation locale et contribuent au dynamisme des régions où ils opèrent.

Ma région, la Normandie, pays de cheval, est un exemple concret de la richesse que peuvent apporter les activités équestres.

M. François Bonhomme, rapporteur. Absolument !

Mme Nicole Duranton. Les centres équestres normands, notamment le célèbre haras national du Pin dans l’Orne qu’a mentionné ma collègue précédemment et tout près duquel se trouve le casino de Bagnoles-de-l’Orne, attirent des passionnés de chevaux du monde entier. Ils offrent une multitude d’activités, allant des compétitions équestres à la vente de chevaux en passant par les concours de dressage et de saut d’obstacles.

La législation actuelle limite l’ouverture des casinos aux stations balnéaires, thermales et climatiques, ainsi qu’aux grandes agglomérations de plus de 500 000 habitants proposant des activités touristiques et culturelles spécifiques. Cette concentration des casinos dans certaines régions a pour conséquence de créer des inégalités territoriales d’ordre économique.

Lors de son examen en commission des lois, la proposition de loi a été modifiée pour garantir son opérationnalité. Un amendement a été adopté pour permettre aux communes de Saumur et d’Arnac-Pompadour d’accueillir un casino sur leur territoire. Ces villes se distinguent par leurs activités équestres prestigieuses, telles que le concours national d’Arnac-Pompadour et la compétition « Saumur complet », qui attirent des milliers de spectateurs chaque année.

Bien sûr, les jeux d’argent sont aussi un enjeu de santé publique qu’il faut considérer avec sérieux. L’ordonnance du mois d’octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard montre l’engagement du Gouvernement envers la protection des citoyens, la transparence et l’intégrité dans le domaine des jeux d’argent et de hasard. En effet, elle a créé l’Autorité nationale des jeux (ANJ), dotée de pouvoirs renforcés, encadré la privatisation de la Française des jeux (FDJ) et préservé le contrôle rigoureux sur ces activités.

Le titre II du livre III du code de la sécurité intérieure prévoit déjà le dispositif par lequel les communes peuvent demander l’ouverture d’un casino. Il comporte une possibilité d’appel de la décision préfectorale et celle d’octroyer des dérogations. Tout en étant d’accord sur le principe, on peut donc interroger le véhicule législatif choisi.

Ouvrir des casinos seulement dans les stations thermales, c’est la double peine pour les autres départements touristiques, qui méritent aussi leur part de frissons et de jackpots.

Ces territoires méritent leur tour de roulette ; ouvrons-leur les portes de la chance ! (Sourires. – Mme Nathalie Goulet sexclame.) Cette ouverture permettrait de développer davantage ces infrastructures touristiques et contribuerait à l’épanouissement économique local.

De plus, ce texte n’est pas dépourvu de garanties. Les communes éligibles devront avoir organisé au moins dix événements hippiques de rayonnement national ou international pendant une période d’au moins cinq années avant le 1er janvier 2023. L’amendement adopté en commission tend à préciser que les communes doivent disposer soit du site historique du Cadre noir, soit d’un haras national, et doivent être le siège d’une société de courses hippiques au 1er janvier 2023.

Cette proposition de loi offre une occasion unique de dynamiser Saumur et Arnac-Pompadour, en permettant à ces deux communes d’ouvrir des casinos. Cela aurait un impact positif sur l’emploi, en créant de nouvelles occasions pour les habitants de ces régions. Les casinos sont connus pour offrir une variété de postes, allant des croupiers aux serveurs, en passant par les agents de sécurité et les responsables marketing.

Ainsi, l’ouverture de casinos dans ces villes permettra de stimuler l’économie locale et l’emploi et sera l’occasion d’offrir aux habitants de ces territoires des événements culturels à thèmes, dîners-spectacles et animations, au sein de lieux uniques. Bien souvent, des offres financières spécifiques sont d’ailleurs négociées pour les locaux.

Cela aura également un impact positif sur les commerces locaux, tels que les hôtels, les restaurants, les magasins et les attractions touristiques. Les retombées économiques seront significatives, créant ainsi un cercle vertueux de développement, de prospérité et d’attractivité.

Les autres pistes d’extension des dérogations pour l’ouverture de casinos, explorées par les amendements de mes collègues Franck Menonville pour les plans d’eau et Else Joseph pour les départements frontaliers, méritent également d’être discutées ici.

En conclusion, cette proposition de loi offre l’occasion de réduire les inégalités territoriales et d’adresser un message quant à notre engagement en faveur de l’équité des territoires. Pour autant, elle peut être perçue comme un effort trop sectoriel, trop spécifique à un petit nombre de villes, sans que la nécessité d’en passer par une loi soit établie.

Les membres du groupe RDPI voteront donc chacun en toute liberté sur ce texte.

M. François Bonhomme, rapporteur. Oh ! (Sourires.)

Mme Nicole Duranton. En ce qui me concerne, je voterai pour. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Joël Bigot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi très spécifique, pour permettre aux communes de Saumur, en Maine-et-Loire, et d’Arnac-Pompadour – cela ne s’invente pas ! (Sourires.) –, en Corrèze, d’ouvrir un casino.

Ce texte vient répondre utilement à une demande ancienne des élus locaux, notamment du Saumurois.

En 2019, lors de l’examen de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, j’ai défendu avec mes collègues de Maine-et-Loire, Catherine Deroche et Stéphane Piednoir, un amendement visant le même objectif : permettre l’ouverture de casinos dans les villes accueillant l’Institut français du cheval et de l’équitation.

Nous voulions ainsi préserver le patrimoine équestre et l’attrait touristique de ces communes en leur apportant des moyens financiers aptes à garantir la pérennité de la filière Cheval en France. Cet amendement n’a malheureusement pas pu être discuté pour des raisons d’irrecevabilité.

Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité de ce travail transpartisan. Elle est conforme à l’objectif d’attractivité du territoire. Nous espérons donc l’adoption de ce texte consensuel qui, au regard des déclarations du Président de la République, devrait recueillir l’assentiment du Gouvernement.

En effet, interpellé sur le sujet par le maire de Saumur en 2019 lors du grand débat national post-« gilets jaunes », le Président de la République avait promis, comme à son habitude, que la commune recevrait l’autorisation avant la fin de son premier quinquennat ; il indiquait même ne pas comprendre les freins juridiques à la réalisation d’un tel projet. Depuis lors, certains élus disposent même d’un engagement écrit de la présidence favorable à cette implantation…

Les modifications actées par la commission la semaine dernière précisent et améliorent la proposition de loi initialement déposée. La nouvelle rédaction permet en l’occurrence de lever les difficultés posées par les conditions cumulatives d’existence du Cadre noir et d’un haras national sur le territoire d’une même commune, alors que ce n’est pas le cas tant pour Saumur que pour Arnac-Pompadour.

L’ajout d’un critère pour la commune bénéficiaire, à savoir accueillir le siège d’une société de courses hippiques au 1er janvier 2023, mais également avoir organisé annuellement au moins dix événements équestres au cours des cinq dernières années, me paraît suffisamment restrictif pour encadrer le dispositif proposé.

Ainsi, la version actuelle permet de clarifier et rend opérationnelle la volonté des auteurs de la proposition de loi, à laquelle je souscris. Elle devrait également inspirer nos députés impliqués sur ce sujet pour qu’ils concourent à l’adoption finale de ce texte au plus tôt.

Les retombées attendues en termes d’attractivité sont très importantes pour le Maine-et-Loire, notamment la ville de Saumur. De l’aveu même du maire, la commune escompte entre 200 000 et 300 000 visiteurs supplémentaires par an. L’activité pourrait créer entre 60 et 100 emplois selon la taille de l’établissement, et les recettes fiscales, de l’ordre de 1 à 2 millions d’euros par an, ne sont pas négligeables, d’autant que s’y ajoutera un soutien à l’activité équestre.

Ce texte permettra de toute évidence d’apporter des solutions à nos territoires qui n’entraient pas dans les critères actuels de la loi.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je salue cette initiative de notre assemblée, qui arrive à point nommé.

Mme Nathalie Goulet. C’est le cas de le dire !

M. Joël Bigot. Les élus du Maine-et-Loire et d’ailleurs peuvent se rendre compte en actes que la chambre des territoires demeure toujours attentive à leurs enjeux locaux. Le Sénat est dans son rôle lorsqu’il rappelle à l’exécutif ses promesses.

Je souhaite enfin utiliser cette tribune pour enjoindre à nos députés de se saisir de ce travail, afin qu’aboutisse rapidement ce dossier qui n’a que trop duré. Tous les feux sont au vert, mes chers collègues : tâchez d’en assurer un dénouement heureux.

Je me prononcerai donc en faveur de cette proposition de loi, à l’instar d’un certain nombre de mes collègues, même si tous ne la voteront pas. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi sur laquelle nous nous apprêtons à débattre se présente comme un outil pour réduire les inégalités territoriales via l’ouverture de casinos.

Je vous l’avoue, mes chers collègues, nous n’avons pas la même définition de la lutte contre les inégalités, puisque votre proposition de loi ne concerne que deux communes, dans un pays qui en compte plus de 35 000…

M. François Bonhomme, rapporteur. Il y a un début à tout !

Mme Cécile Cukierman. En changeant un seul mot, monsieur le rapporteur, je le reconnais, vous avez élargi à treize communes cette proposition de loi. Toutefois, vous en conviendrez, cela reste encore très faible.

Je parle bien évidemment des communes qui peuvent accueillir les différents événements équestres, mais nous pourrions nous interroger très sérieusement sur celles qui accueillent des événements importants et qui ne peuvent bénéficier d’une autorisation pour ouvrir un casino.

Comme je l’ai indiqué en commission, il faudrait mener une réflexion d’ensemble sur les règles d’implantation des casinos (M. Stéphane Piednoir sexclame.) et cesser de parler d’inégalités territoriales entre communes alors que la ville de Saumur reçoit une dotation globale de fonctionnement à hauteur de 7 millions d’euros pour 26 000 habitants.

Par ailleurs, on ne peut utiliser l’ouverture d’un casino pour pallier la perte de moyens financiers des collectivités, laquelle est une réalité. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le Sénat a voté l’indexation de la DGF sur l’inflation, une disposition qui a été retirée dans le cadre du recours au 49.3 – c’est fort regrettable.

Chaque année, il y a moins de ressources directes pour les collectivités. Il faut que l’État, qui se désengage depuis des années, soit responsable face aux besoins de toutes les communes. Ce n’est pas une délégation de service public via les casinos qui permettra toujours à des budgets de résister.

Que fait-on quand certaines collectivités dépendent essentiellement de cette ressource ? Le rapport de la Cour des comptes souligne les limites de ce montage, et nous ne pouvons prendre de décision sans tenir compte de la crise sanitaire que nous avons traversée ou de la crise de l’énergie que nous vivons actuellement.

En effet, dans son rapport, la Cour des comptes note la dépendance forte de certaines collectivités à cette ressource, surtout en période de crise. En faisant reposer le financement de charges récurrentes et pérennes sur les recettes en provenance du casino, elles ne peuvent résister aux retournements de la conjoncture économique.

Ce risque a été visible à deux reprises : pendant et après le confinement, avec les restrictions sanitaires. Certaines recettes ont chuté de 20 %, 30 %, voire 50 %. Le prélèvement sur le produit des jeux représente près de 30 % des recettes réelles de fonctionnement. Je laisse aux plus mathématiciens d’entre nous le soin de calculer les ratios.

Vous défendez le fait que l’ouverture de casinos permettra de répondre à des enjeux liés à l’emploi, à l’économie locale, au tourisme. Mais certaines communes ont témoigné de l’effet limité de telles installations. De la même manière, certaines communes qui ne comptent pas de casinos ont malgré tout de l’emploi, une économie locale florissante et un développement touristique important.

Nous pourrions également regretter l’absence d’une loi d’envergure qui viserait à repenser véritablement l’installation et les règles d’ouverture des casinos pour l’ensemble des communes de notre pays, qui prendrait en compte les problématiques liées à l’addiction aux jeux, notamment ses conséquences sur la vie des gens, et qui envisagerait, dans le cadre d’une politique publique, une politique de prévention en la matière en partenariat avec les responsables et les gérants de casinos – un certain nombre d’entre eux, je le sais, y sont très attentifs.

Sans surprise, mes chers collègues, vous l’aurez compris, sans réelle réflexion ni échanges sur l’implantation des casinos, nous ne pouvons être favorables à cette proposition de loi. Œuvrons à être utiles à nos collectivités à l’occasion du prochain débat budgétaire et à donner les moyens nécessaires et indispensables à nos communes, pour qu’elles puissent bâtir sereinement leur budget dès l’an prochain. (Mme Monique de Marco applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France compte actuellement près de 200 casinos, répartis dans 63 départements ; 38 départements français en sont donc totalement dépourvus. Rappelons que ces établissements sont également des complexes de loisirs intégrant des spectacles, des animations culturelles et artistiques, de la restauration, etc.

Lancée par Napoléon en 1804 afin de lutter contre la clandestinité des jeux d’argent, l’implantation de casinos dans notre pays est régie par une loi de 1906, qui souhaitait la réserver aux villes thermales ou balnéaires. Par conséquent, l’implantation des casinos est très hétérogène sur le territoire, avec une très forte présence le long du littoral, dans les grandes stations touristiques et dans les villes d’eau, en lien étroit avec le tourisme, donc, mais sous une forme restrictive.

Partant de ce constat, Catherine Deroche, Claude Nougein et moi-même avons d’abord souhaité, grâce à la proposition de loi que nous soumettons à votre examen aujourd’hui, élargir le champ des possibles en la matière et rectifier ce que l’on peut considérer aujourd’hui comme une inégalité territoriale, tout en restant fidèles à cette caractéristique touristique.

Tous ceux qui connaissent le beau département du Maine-et-Loire le savent, la ville de Saumur remplit parfaitement ce premier critère, elle qui se trouve au cœur du parc régional Anjou-Touraine et qui est posée sur ce fleuve royal qu’est la Loire. Parmi ses nombreux atouts, nous pouvons citer son château, ses troglodytes, ses caves et même son marathon, qui s’est tenu dimanche dernier.

Nous sommes convaincus qu’il faut renforcer l’attractivité de cette belle ville, que l’on dit souvent endormie. Il ne fait aucun doute que l’implantation d’un casino contribuerait à la fois au renforcement de son rayonnement touristique et à son développement économique.

Il ne faut pas oublier que les casinos sont des établissements créateurs d’emploi, souvent le principal employeur de la localité dans laquelle ils sont implantés. Cela représente environ 15 000 emplois directs, que ce soit pour l’activité de jeux ou pour la restauration-hôtellerie, l’animation, l’accueil, la sécurité, auxquels s’ajoutent 30 000 emplois indirects. L’implantation d’un casino à Saumur, sujet régulièrement mis sur la table depuis plusieurs décennies, entraînera la création d’une centaine d’emplois.

Enfin, les retombées financières potentielles se mesurent aussi sur le budget des collectivités locales concernées, à hauteur de 30 % à Deauville, par exemple. Soutenir ce projet donnerait incontestablement des marges de manœuvre intéressantes aux élus pour lancer des initiatives créatrices de valeur.

Il est évidemment une autre dimension, tout aussi essentielle, la filière équine. L’école de cavalerie et ses nombreux manèges font partie des véritables fiertés et de l’histoire de cette sous-préfecture du Maine-et-Loire.

Saumur, ville du cheval s’il en est, accueille le siège social de l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE, institut public au service de la filière équine qui assure la gestion du Cadre noir de Saumur et des haras nationaux, dépositaire d’un patrimoine matériel et immatériel unique qu’il lui appartient d’entretenir et de valoriser.

Or cet établissement souffre depuis quelques années d’un désengagement financier de l’État, fragilisant l’ensemble de la filière. Particulièrement sensibles au soutien qu’il convient de lui apporter, c’est en étroite collaboration avec l’IFCE que nous avons souhaité écrire cette modification de l’article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure, qui régit l’implantation des casinos dans notre pays.

Toutefois, comme toute modification dérogatoire d’un texte de loi existant, il convient d’être mesuré. C’est dans cet esprit d’équilibre que nous avons limité cette nouvelle dérogation aux communes accueillant des sites historiques de haras nationaux ou du Cadre noir.

Pour le dire clairement, cela ne concernerait que quelques villes, en particulier Saumur et Arnac-Pompadour, y compris avec la nouvelle rédaction issue des travaux de la commission, sous la conduite de son rapporteur François Bonhomme, dont je salue l’excellent travail.

Je conclus cette intervention par la question de l’accès aux jeux d’argent. Dans l’absolu, on peut considérer que toute mesure de facilitation pourrait inciter un public plus nombreux à céder à la tentation, voire à tomber dans les affres de l’addiction, dont on connaît les dangers potentiels. Ce serait à mon sens tenir un discours d’un autre temps, en faisant abstraction des changements radicaux de pratiques que l’on observe depuis une dizaine d’années.

Rien de plus facile aujourd’hui, y compris pour des foyers aux revenus modestes, que d’acheter un jeu à gratter ou de s’inscrire sur une plateforme de jeux en ligne. Le buraliste connaît bien ses clients et sait les mettre en garde contre des dépenses excessives. De même, le croupier d’un casino a l’expérience nécessaire pour repérer le joueur qui s’enflamme et dont la banqueroute pourrait nuire à l’établissement lui-même.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous remercie du soutien que vous pourrez apporter à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Saumur et Pompadour ont des activités équestres mondialement connues.

Pompadour bénéficie de la réputation de son haras et de l’ancienneté de ses activités équestres. On les doit notamment à la famille de Pompadour, à l’origine de la construction du château de style flamboyant et de ses écuries. Cette dynastie s’achève en 1728. Louis XV achète le château et l’offre à sa célèbre favorite, qui va devenir ainsi la marquise de Pompadour. Il décide d’y créer un haras, inspiré par la qualité des pâturages limousins.

À la Révolution, le haras devient bien national. Il est vendu, puis réquisitionné par Napoléon Bonaparte pour être un bien public.

Sous Napoléon III, le sénateur Brunet empêche la privatisation du château. La République conserve le haras pour la guerre, mais aussi pour l’activité équestre.

Ensuite, le domaine accueille progressivement le siège de plusieurs grandes organisations équestres : le Sire, ou système d’information relatif aux équidés, l’établissement public administratif Les haras nationaux, enfin, l’IFCE depuis 2010.

Mes chers collègues, voilà un résumé de l’histoire prestigieuse de Pompadour et de son haras. L’activité d’élevage y est très importante – sélection, reproduction ; on y trouve aussi des activités sportives – jumping, hippodrome –, qui ont des retombées économiques très importantes pour la commune et ce territoire rural.

Le vote de ce texte donnerait la possibilité aux communes de Saumur et de Pompadour d’avoir un casino.

Pour Pompadour, le nom, l’histoire de ce lieu, son haras national, mais aussi l’absence d’un casino dans un rayon de cent kilomètres sont des données en faveur du projet. De plus, les retombées financières permettront de maintenir les 160 journées par an d’activités sportives équestres nationales et internationales, si importantes pour l’économie et le tourisme dans ce territoire, comme cela a été rappelé.

Je vous invite donc à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France compte plus de 200 casinos. L’objectif initial de cette proposition était d’offrir aux communes d’Arnac-Pompadour en Corrèze et de Saumur dans le Maine-et-Loire la possibilité d’ouvrir chacune leur propre casino, objectif légitime et recevable.

Au regard du droit positif en vigueur, cette faculté leur était malheureusement interdite. En effet, les conditions permettant l’ouverture de tels établissements sont prévues de manière particulièrement stricte par l’article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure.

Sont pour l’heure autorisées à accueillir un casino en leur sein les communes ayant un statut de station de tourisme, balnéaire, thermale ou climatique ou les communes-centres des grandes métropoles dotées d’équipements culturels particuliers.

Il s’agit là d’un choix pour le moins arbitraire, qui entraîne une surconcentration de ces établissements sur les littoraux et, dans une moindre mesure, dans les communes thermales, laissant de nombreux territoires français écartés de la possibilité de se doter de ce type d’établissement.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a donc pour objectif d’élargir ce champ. Dans sa rédaction initiale, elle permettait en effet d’ouvrir cette possibilité aux seules communes dotées de « sites historiques du Cadre noir et des haras nationaux [ayant] organisé, au moins pendant cinq années […] au moins dix événements hippiques au rayonnement national ou international par an ».

Jugeant que ces critères cumulatifs rendraient ce texte difficilement opérationnel, M. le rapporteur a préféré en changer la rédaction de l’article unique. Cette modification de la législation en vigueur devrait permettre l’ouverture à terme d’une douzaine de casinos supplémentaires.

Si le texte originel pouvait faire sens, dans la mesure où les activités hippiques et équestres alimentent grandement le monde des paris, donc des jeux d’argent, dont les casinos tirent leurs recettes, cette nouvelle rédaction soulève des interrogations et nous inquiète.

Si l’ouverture de deux nouveaux casinos n’est pas de nature à bouleverser les équilibres territoriaux en la matière, qu’en est-il de l’ouverture potentielle de treize nouveaux établissements ?

Nous ne nions aucunement que ces nouveaux casinos constitueraient des sources nouvelles d’attractivité économique et touristique pour les communes qui les accueilleront. Pour autant, nous ne pouvons adhérer à cette libéralisation excessive, et ce pour au moins deux raisons.

D’une part, il est à craindre que l’ouverture d’une douzaine de nouveaux casinos ne vienne bouleverser cette activité et ne mette encore plus en difficulté cette filière, déjà fragilisée par l’essor des jeux de hasard et des paris en ligne.

D’autre part, la fréquentation des casinos et la pratique des jeux de hasard et de paris en ligne sont source d’excès, de dépendance et d’endettement pour certains de nos concitoyens.

Ainsi, au cours des cinq dernières années, les dépenses de jeux des Français ont augmenté de 12,5 %. Par ailleurs, 1,6 % de nos concitoyens s’adonneraient à une pratique excessive en la matière, soit plusieurs centaines de milliers de personnes, particulièrement au sein des milieux sociaux défavorisés, populaires et paupérisés.

Nous partageons donc les réserves et la prudence qui ont été exprimées tant par notre collègue Nathalie Goulet que par Mme la secrétaire d’État. Pour autant, une fois n’est pas coutume, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain disposeront d’une liberté de vote, liée aux enjeux locaux et territoriaux, ainsi que Joël Bigot l’a exposé tout à l’heure. Pompadour et Saumur, oui ! En revanche, l’ouverture d’un casino dans une douzaine de nouvelles communes n’est pas forcément raisonnable.

Par conséquent, dans sa majorité, le groupe SER s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Courtial. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, faire plus avec moins, c’est ce casse-tête récurrent que les élus locaux doivent résoudre au quotidien. C’est donc naturellement que les communes cherchent de nouvelles sources de revenus.

Les casinos, en tant que jeux d’argent et de hasard, sont régis par une règle de prohibition. Ce principe salutaire, que cette proposition de loi ne remet nullement en cause, vise à prévenir les risques d’atteinte à l’ordre public et à l’ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs.

Si l’on peut comprendre que les dérogations à la prohibition de principe d’implantation des casinos concernent des villes ayant une culture du tourisme, on peut néanmoins s’interroger sur les inégalités territoriales résultant de cette logique. En effet, cette dernière a finalement contribué à rendre encore plus attractives des communes ayant déjà de forts atouts touristiques.

L’objectif de ce texte est donc de lutter contre les inégalités territoriales, sans pour autant supprimer l’interdiction de principe des casinos ni transformer les villes françaises en autant de mini-Las Vegas. (Sourires.)

L’extension prévue est limitée aux communes ayant un lien particulier et important avec l’activité hippique. En effet, ces communes ont déjà une relation étroite avec l’industrie du jeu, du fait des paris hippiques qui y ont lieu. Un casino compléterait une offre existante et permettrait à la commune de dégager une nouvelle manne financière.

Cependant, je m’interroge sur le caractère trop restrictif de cette définition. En effet, cette nouvelle occasion ne semble concerner que deux communes en France : Arnac-Pompadour et Saumur.

Ainsi, elle exclut des communes de premier plan en matière hippique, qui méritent tout autant de se voir accorder l’ouverture d’un casino sur leur territoire. Je pense évidemment en particulier au sud de l’Oise, caractérisé par ses nombreux haras, ou à des communes hippiques de premier plan, comme la cité impériale de Compiègne ou encore Chantilly – capitale du cheval, n’en déplaise à Fontainebleau ! (Sourires.)

C’est en effet à Chantilly que se trouve le plus grand centre d’entraînement de chevaux de course d’Europe et qu’ont lieu 197 courses hippiques par an, dont, je le rappelle, les prestigieux prix du Jockey Club et de Diane. La ville compte également un musée vivant du cheval qui attire chaque année 200 000 visiteurs. Au total, 2 000 personnes y vivent de la filière hippique.

Pourquoi l’activité pluriséculaire de Chantilly dans le domaine du cheval serait-elle donc considérée comme moins importante que celles de Saumur et d’Arnac-Pompadour ?

Cette proposition de loi, dont les objectifs sont louables, aura des effets positifs, mais je regrette son caractère trop restreint. J’avais envisagé d’amender le texte, mais cela aurait sans doute remis en cause l’équilibre fragile qui a été trouvé. Je lance donc un appel, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en faveur d’une ouverture plus large, qui bénéficierait également à cette terre de chevaux qu’est l’Oise.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à l’examen du texte de la commission.

proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

L’article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° Des communes sur le territoire desquelles sont implantés, au 1er janvier 2023, le siège d’une société de courses hippiques ainsi que le site historique du Cadre noir ou un haras national où ont été organisés au moins dix événements équestres au rayonnement national ou international par an entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2023. »

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Wattebled, Decool et A. Marc, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Des communes riveraines des étangs salés et des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares. »

La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Cet amendement tend à offrir la possibilité aux communes riveraines d’un étang salé ou d’un lac d’une superficie supérieure à 1 000 hectares, soit les communes soumises à la loi Littoral, d’implanter un casino.

Actuellement, seules certaines villes, communes ou stations balnéaires, thermales ou climatiques peuvent en accueillir un. Or l’ouverture d’un tel établissement contribue au développement économique d’un territoire et à son animation touristique.

Les lacs soumis à la loi Littoral accueillent des bases de loisirs qui proposent des activités nautiques et de plein air, des hébergements et de la restauration. L’ouverture d’un casino permettrait de compléter l’offre touristique proposée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Bonhomme, rapporteur. Cet amendement tend à rendre possible l’ouverture d’un casino dans les communes riveraines d’étangs salés, sans que cette notion soit précisée, ou de plans d’eau dont la superficie est supérieure à 1 000 hectares.

Je rappelle que la proposition de loi vise à trouver de nouvelles sources de financement pour les activités et infrastructures équestres et qu’elle repose sur le fait qu’il existe un lien entre les jeux d’argent et de hasard et les courses hippiques, ce qui n’est pas le cas des communes visées dans l’amendement.

Comme l’ont indiqué plusieurs intervenants, nous attendons la fin de l’expérimentation relative aux clubs de jeux à Paris en 2024 pour remettre à plat le dispositif d’autorisation des jeux. Nous pensons donc qu’il est plus opportun d’attendre ce rendez-vous.

C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Cet amendement tend à ouvrir la possibilité aux communes riveraines d’un étang salé ou d’un lac d’une superficie supérieure à 1 000 hectares d’implanter un casino.

Or de nombreuses communes étant riveraines d’un étang salé ou d’un plan d’eau, elles pourraient toutes, si cet amendement était adopté, ouvrir un casino, ce qui n’apparaît pas opportun.

En outre, aucun mécanisme de régulation de l’implantation des casinos qui relèveraient de ces nouveaux critères n’est prévu.

D’une manière générale, en réponse à un certain nombre de demandes qui ont été formulées, notamment par le sénateur Courtial, nous vous proposons de travailler avec les services de l’État au cours de la navette parlementaire pour étudier les critères qui permettraient, le cas échéant, d’étendre à d’autres communes le droit d’ouvrir un casino, mais dans un cadre correct.

En attendant, le Gouvernement vous prie de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Courtial, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

M. Édouard Courtial. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié ter, présenté par Mme Joseph, M. Laménie, Mme Gruny, M. Anglars, Mme Borchio Fontimp, MM. Pellevat, Bascher et Klinger, Mme Belrhiti, MM. Darnaud et Belin, Mmes Berthet et Dumont, M. Meurant, Mme Ventalon, MM. Cadec, Charon et Moga, Mme Lassarade, M. Folliot, Mme Muller-Bronn, MM. Cambon, Lefèvre et Genet, Mme Di Folco, M. Détraigne, Mme Micouleau, MM. C. Vial, Calvet et Levi, Mmes Imbert et Eustache-Brinio, MM. Chatillon et Mandelli et Mme Bellurot, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Des communes, à raison d’une par département frontalier, où aucun casino n’est autorisé à la date de la demande d’une commune classée commune touristique, membre d’une intercommunalité à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants. »

La parole est à Mme Else Joseph.

Mme Else Joseph. L’implantation de casinos peut contribuer au développement de nos territoires, dans le respect de notre législation et selon des critères objectifs adaptés au caractère exceptionnel de cette activité.

Cet amendement vise à étendre l’autorisation d’ouvrir un casino aux territoires qui en sont encore privés. Il tend à prévoir l’ouverture d’un casino dans chaque département frontalier qui en serait dépourvu, mais dans une ville classée commune touristique et membre d’une intercommunalité à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants.

S’il était adopté, cet amendement permettrait un rééquilibrage salutaire de l’implantation des casinos en inscrivant dans la législation spécifique le souci de l’aménagement du territoire, qui reste absent des dispositifs actuels.

Selon mon collègue Marc Laménie et moi-même, qui représentons les Ardennes, cette mesure présente un intérêt pour tous nos territoires frontaliers. Son adoption permettrait d’éviter des fuites fiscales importantes vers la Belgique ou le Luxembourg et de récupérer cette assiette. L’administration centrale aurait d’ailleurs réalisé un rapport sur ce sujet.

Un avis défavorable serait incompréhensible, d’autant que le Gouvernement s’était engagé en ce sens lors de la signature du pacte Ardennes, le 15 mars 2019.

En outre, l’adoption de cet amendement ne susciterait pas de dépenses publiques, bien au contraire. L’implantation d’un casino constituerait un atout touristique certain et serait d’un intérêt stratégique, notamment pour tous les départements frontaliers du nord-est, en incitant à la consommation en France, en Belgique et non pas au Luxembourg.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Bonhomme, rapporteur. Je comprends parfaitement l’intention de notre collègue, qui pose trois conditions cumulatives : les communes éligibles doivent être situées dans un département frontalier, être classées communes, non pas historiques, mais touristiques – cette notion est prévue par le législateur – et appartenir à une intercommunalité de plus de 100 000 habitants.

Il faut toutefois veiller à ne pas bouleverser l’implantation actuelle des casinos en France et attendre en 2024 la fin de l’expérimentation prévue dans la loi de 2017 relative au statut de Paris. Il sera alors sans doute possible de remettre à plat la question des zones transfrontalières et de mettre en œuvre une implantation plus équilibrée des casinos sur notre territoire.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Cet amendement vise à répondre à la situation particulière des départements frontaliers, dont les habitants, en l’absence d’offre de jeux en France, vont jouer dans les casinos étrangers.

Il tend à limiter le nombre de casinos qui pourraient être ouverts en fixant trois conditions : chaque département frontalier ne pourrait compter qu’un seul casino, ce dernier ne pourrait être ouvert que dans une commune classée, laquelle devrait être membre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants.

En ce qui concerne cet amendement, le Gouvernement s’en remettra donc à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je me suis exprimée durant la discussion générale et, je l’ai dit, notre groupe est momentanément assez hostile à l’extension du droit d’ouvrir un casino, en attendant une étude plus poussée sur le sujet.

Je voterai évidemment contre cet amendement, qui tend à permettre l’ouverture d’un casino à la frontière luxembourgeoise, au moment même où l’on travaille par ailleurs sur la fraude fiscale… On a déjà tellement de problèmes de blanchiment, on ne va pas en plus installer une lessiveuse à la frontière ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour explication de vote.

Mme Else Joseph. Je remercie le Gouvernement de s’en remettre à la sagesse de notre assemblée sur cet amendement et j’encourage évidemment mes collègues à le voter.

Je rappelle que, à la suite de la demande formulée par le ministre de l’intérieur en 2019, une réflexion est en cours sur une possible évolution des critères relatifs à l’implantation des casinos. Ce travail, me dit-on, a abouti. Il permettrait de donner une base législative à ces demandes d’ouverture de casinos. La ville de Sedan et celle de Saumur seraient citées dans ce rapport.

Cette proposition de loi est l’occasion de revenir sur la carte des casinos en France, qui résulte de textes assez anciens, lesquels privilégiaient à l’époque des communes touristiques et thermales.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je soutiendrai naturellement cet amendement, qu’a très bien présenté ma collègue des Ardennes, Else Joseph. Je remercie d’ailleurs tous ses cosignataires.

Je respecte l’intervention de notre collègue Nathalie Goulet, mais je rappelle que, si le Luxembourg n’est pas très loin des Ardennes, notre frontière la plus proche est avec la Belgique.

Historiquement, les casinos ont été implantés dans des stations thermales. Or les Ardennes en comptent de nombreuses. Soutenue par notre collègue député Jean-Luc Warsmann, l’implantation de casinos était prévue dans des secteurs frontaliers dans le cadre du pacte Ardennes signé il y a quelques années par des représentants des collectivités territoriales et le Gouvernement.

La Belgique est à deux pas. Nous aimons beaucoup nos amis belges, mais il serait dommage que des fuites d’argent aient lieu des Ardennes vers la Belgique ! La ville de Sedan a des arguments forts. Un casino concourt réellement à l’attractivité, donc à l’aménagement du territoire.

Je soutiendrai cet amendement et je salue ceux de nos collègues qui feront de même. Je remercie également Mme la secrétaire d’État de s’en remettre à la sagesse de notre assemblée sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je tiens simplement à dire à Catherine Deroche et aux auteurs de la proposition de loi que notre opposition est liée non pas à la proposition de loi initiale, mais à son extension.

Les amendements qui ont été déposés en séance et les discussions qui ont eu lieu montrent qu’un véritable débat est nécessaire. Des négociations avec les opérateurs sont déjà en cours au sein du ministère de l’intérieur. Je pense qu’il est extrêmement important de les poursuivre.

J’espère que nous pourrons continuer de débattre tranquillement de ce texte au cours de la navette parlementaire, comme l’a suggéré Mme la secrétaire d’État, en nous appuyant sur les études d’impact. Des évolutions sont probablement nécessaires.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous abstiendrons favorablement sur ce texte. (Sourires.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos
 

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Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Discussion générale (suite)

Ferme France

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission des affaires économiques, de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, présentée par MM. Laurent Duplomb, Pierre Louault, Serge Mérillou et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 349, texte de la commission n° 590, rapport n° 589).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Laurent Duplomb, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Question préalable

M. Laurent Duplomb, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après six ans d’un travail scrupuleux et objectif, dans la pure tradition du Sénat, je peux l’affirmer : oui, la France agricole décline !

Si nous continuons ainsi, je pense que nous pourrions, dans un avenir proche, perdre non seulement notre souveraineté alimentaire, mais aussi notre sécurité alimentaire. D’ailleurs, la pandémie de la covid-19 et la guerre en Ukraine nous ont fait toucher du doigt cette réalité, pourtant improbable il y a encore peu de temps.

La proposition de loi que j’ai rédigée avec mes collègues Pierre Louault et Serge Mérillou – je les en remercie – a pour objectif d’enrayer ce déclin et de mettre fin à cette naïveté coupable, bien française, qui consiste à empêcher de plus en plus la production chez nous, tout en fermant les yeux sur l’ouverture de plus en plus grande de nos portes aux importations.

Nous ne pouvons plus continuer à nier les évidences : à force d’interdire, à force de stigmatiser, à force de ne pas regarder la réalité en face, notre pays achète de plus en plus ! Et la France devient, de fait, de plus en plus dépendante des autres : 71 % des fruits sont importés, comme 85 % du coulis de tomate et 56 % de la viande de mouton.

La débâcle de notre agriculture s’explique par les mêmes raisons que celles qui ont conduit à ruiner notre industrie ou le secteur de l’électricité. Les mêmes causes produisent les mêmes effets !

Le choix de l’État, conditionné par une minorité qui terrorise la majorité, nous mène vers une stratégie malthusienne fondée sur le « tout montée en gamme ». Mais au moment où la pression sur le pouvoir d’achat est maximale, cette stratégie se révèle une erreur fatale, car elle oblige à déclasser plus de 40 % du lait bio, tandis que les produits d’entrée et de moyenne gamme sont importés !

Notre pays doit se repositionner rapidement comme une grande puissance agricole en donnant la priorité à la souveraineté alimentaire, ce qui implique d’augmenter la production, de répondre aux besoins du marché de masse et de s’opposer frontalement à la logique décroissante du projet Farm to Fork, qui planifie la dépendance et la famine.

Notre proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France peut y contribuer au travers de ses 26 articles.

Je remercie les 174 sénateurs qui ont cosigné cette proposition de loi et je leur dis, de cette tribune : n’ayez pas peur ! N’ayez pas peur, car, vous qui êtes élus de toutes les campagnes de France, vous la constatez, cette lente agonie qui s’accélère.

N’ayez pas peur de redonner de l’espoir à nos paysans, car vous les connaissez mieux que quiconque et vous mesurez leur désarroi face à toutes les injonctions contradictoires auxquelles ils sont soumis.

N’ayez pas peur, enfin, de ces messages de chantage et d’intimidation sous couvert d’écologisme, car la majorité d’entre nous pensent qu’il vaut mieux produire en France, plutôt que d’importer de l’autre bout du monde.

Mes chers collègues, comme l’a dit Clemenceau, « Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. » Aussi, soyons fiers de notre agriculture et votons cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, auteur de la proposition de loi.

M. Pierre Louault, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, nous faisons face à une réalité : l’agriculture française est de moins en moins compétitive, et les jeunes ne veulent plus devenir agriculteurs. Dans un certain nombre de branches professionnelles, on travaille 70 heures par semaine pour gagner la moitié du Smic. Il est urgent de prévoir un certain nombre de moyens, afin que l’agriculture française redevienne compétitive.

Nous avons laissé notre industrie s’effondrer, tout comme notre production nucléaire. Les conséquences pour notre souveraineté sont graves. Allons-nous à présent regarder notre agriculture disparaître ? Allons-nous assister sans réagir, jour après jour, à la dégradation de notre souveraineté industrielle et alimentaire ?

C’est pour éviter cela que nous avons décidé de proposer cette loi d’urgence agricole, qui a été enrichie par les travaux de notre rapporteur Sophie Primas lors de son examen en commission.

Les mesures qui y figurent sont fortes, mais alors qu’un fruit et un légume sur deux consommés en France sont importés, comme la moitié des poulets, et que les éleveurs laitiers doivent travailler 70 heures par semaine pour gagner la moitié d’un Smic, nous avons besoin de mesures fortes.

Ces mesures sont fortes, mais elles n’en sont pas moins empreintes de bon sens ! Réduction des normes, baisse des charges, sécurisation de l’accès à l’eau, levée des freins à l’innovation : voilà ce dont nos agriculteurs ont besoin.

Ces mesures ne sont pas non plus anti-écologiques, comme on peut parfois l’entendre dire dans cet hémicycle : est-ce une régression que de permettre l’épandage de pesticides très ponctuellement sur des zones ultra-ciblées plutôt que d’arroser tout un champ ?

Je conclurai en évoquant une disposition du texte qui me tient à cœur, la création d’un livret Agri. Cette idée n’est pas nouvelle au Sénat et, comme bien souvent, elle fait son chemin.

Ce livret permettra aux agriculteurs d’obtenir des prêts, à l’heure où les taux d’intérêt remontent, et donc d’investir pour leur adaptation et leur résilience face au changement climatique. Quant aux Français, ils pourront placer leur argent disponible sur un nouveau livret réglementé et ainsi témoigner de leur attachement à leur agriculture.

Le Gouvernement annonce un plan de relance pour l’industrie prévoyant une réduction de moitié des délais administratifs. Cette mesure doit être étendue à l’ensemble du secteur agricole, qui n’en peut plus, lui non plus, de la surréglementation. Le moral des agriculteurs est au plus bas. Les jeunes ne veulent plus exercer ce métier. Or on ne forme pas un agriculteur en quelques mois.

Cette proposition de loi va permettre d’accompagner les agriculteurs dans ce changement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, auteur de la proposition de loi.

M. Serge Mérillou, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, répondre à l’urgence, répondre à la crise, donner aux agriculteurs français les moyens de nous nourrir : tel est l’objectif premier de cette proposition de loi, un texte qui fait parler, un texte critiqué. Et pour cause, il traite de sujets majeurs, et pas seulement de l’agriculture.

Ce texte porte également sur notre relation à l’alimentation, à notre souveraineté alimentaire. Il nous conduit à nous interroger sur nos différents modèles agricoles, sur leur adaptation au changement climatique ou encore sur notre modèle de société, notamment sur la relation entre urbains et ruraux. Il est difficile, voire impossible, de trouver un consensus quand on aborde ces questions.

Le texte que nous examinons aujourd’hui est d’ailleurs un texte de compromis, qui s’appuie sur les constats sans appel que, avec mes collègues Laurent Duplomb et Pierre Louault, j’ai dressés dans le rapport que nous avons publié en septembre dernier.

Pour reprendre une célèbre expression, la ferme France brûle. Notre modèle agricole décline, notre marché est submergé par des importations de denrées qui ne sont pas conformes à nos exigences environnementales, sanitaires et sociales. Notre agriculture recule, nos agriculteurs ne parviennent plus à écouler leur production, à gagner leur vie tout simplement.

Ce texte, j’en conviens, est loin d’être parfait. J’ai d’ailleurs toujours fait part à mes collègues de mes réticences quant au volet relatif aux pesticides, notamment l’article 13. Ce texte vise cependant à stopper l’hémorragie, à contenir l’incendie, à trouver des solutions concrètes pour sortir la ferme France de la crise dans laquelle elle s’est engouffrée il y a plus de vingt ans.

La détresse des agriculteurs, leurs difficultés, je les connais, car j’y ai consacré une grande partie de ma vie professionnelle.

Mon département, la Dordogne, est un territoire rural et le rapport de la commission, tout comme cette proposition de loi, y ont été bien reçus. Les agriculteurs et nos concitoyens, notamment les plus modestes, comptent sur nous.

Ils n’achètent pas tous bio, ou alors moins qu’auparavant. Ce n’est pas une question de dogmatisme, c’est tout simplement qu’ils n’en ont pas les moyens. Difficile de consommer 100 % bio ou sous signe officiel de qualité quand on n’a qu’un Smic pour trois enfants… Alors, on se contente de produits importés, moins chers, mais de bien moindre qualité.

Être de gauche, c’est combattre les inégalités. Or la première d’entre elles, c’est le contenu de l’assiette. J’en suis convaincu, donner à nos agriculteurs les moyens de nourrir tous les Français, avec nos normes de qualité supérieure à celles de nos voisins, est un moyen concret de lutter contre ces inégalités et d’aller vers cette agriculture durable et relocalisée que j’appelle sincèrement de mes vœux. Poursuivre la stratégie actuelle d’importations massives, c’est contribuer à l’érosion progressive de notre souveraineté alimentaire.

Enfin, parce qu’il ne se limite pas aux questions de pesticides, ce texte parle de compétitivité, ainsi que d’innovation et d’adaptation au changement climatique. Nous souhaitons donner aux exploitations les moyens d’investir dans cette adaptation au changement et dans l’évolution des pratiques.

Je me réjouis donc qu’un diagnostic carbone figure dans cette proposition de loi. Il s’agit d’une première pierre pour le développement de ce dispositif, outil essentiel dans la transition des exploitations agricoles et point de départ utile pour la démarche de labellisation bas-carbone.

Ce texte est issu d’une initiative transpartisane. Il a le mérite de mettre les questions d’agriculture, notamment de souveraineté alimentaire, au cœur de nos débats, à l’aube de la grande loi agricole annoncée par le Gouvernement. (M. Pierre Louault, Mmes Nadia Sollogoub et Sophie Primas applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la compétitivité agricole est, pour les auteurs de cette proposition de loi, un sujet majeur.

C’est d’abord un impératif pour protéger notre modèle agricole français si singulier et si éloigné des modèles industriels décriés, pour lui permettre de perdurer en faisant émerger des générations de jeunes agriculteurs motivés, grâce à la double perspective d’une juste reconnaissance de leur importance et d’une juste rémunération.

La compétitivité, c’est aussi le corollaire de l’investissement, donc de la modernisation continue de notre agriculture : hier, de sa mécanisation, pour sortir les agriculteurs de la pénibilité, aujourd’hui, pour permettre l’adaptation aux conséquences du changement climatique et aux attentes sanitaires, environnementales et alimentaires de la société.

Enfin, la compétitivité est une obligation ardente si nous, Français, souhaitons rester durablement maîtres de notre alimentation, en quantité et en qualité.

Je tiens à le dire une fois encore : la compétitivité n’est pas l’ennemie d’une agriculture durable – pas plus que la durabilité ne peut s’opposer à la compétitivité.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Le temps de ces oppositions doit cesser, et je sais, monsieur le ministre, que, sur ce point, nous nous rejoignons.

Pourquoi présenter aujourd’hui un texte sur la compétitivité ?

Depuis les États généraux de l’alimentation et les lois pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dites Égalim, la politique du Gouvernement en la matière repose sur deux piliers.

D’une part, une exigence environnementale sans équivalent dans aucun autre pays européen, se traduisant par une explosion en chaîne des normes, donc des charges pesant sur les agriculteurs. D’autre part, un encouragement à la montée en gamme pour accroître les revenus, qui se traduit en réalité par une fuite en avant, comme l’a parfaitement décrit le rapport sur la compétitivité de la ferme France.

Cependant, à l’heure où les Français font face à une grave crise du pouvoir d’achat et à une forte inflation, encourager uniquement à toujours plus de montée en gamme, avec toujours plus de normes et de charges liées, c’est pousser les Français les plus modestes à acheter des produits étrangers, qui pour certains ne sont produits ni dans les normes françaises, ni même dans les normes européennes.

Nous observons aujourd’hui ce que nous avons toujours redouté au Sénat : une alimentation à deux vitesses. Il y a en effet une alimentation française, normée, labellisée, mais réservée à la part la plus aisée de la population, et une alimentation d’entrée de gamme, d’importation, pour ceux qui ont des fins de mois difficiles.

En définitive, mes chers collègues, à force de ne plus jamais parler de compétitivité, on ne s’occupe ni de la fin de mois des Français, ni de la fin du monde, ni de la faim dans le monde !

Mme Sophie Primas, rapporteur. Aujourd’hui, cette proposition de loi transpartisane, faisant suite au rapport sur la compétitivité de la ferme France, entend définir les caractéristiques essentielles de l’agriculture de demain : compétitive, durable, sobre en intrants et attractive pour les jeunes arrivants.

Stockage et partage de l’eau, incitation à l’innovation, baisse des charges, lutte contre les surtranspositions, formation continue des agriculteurs, adaptation au changement climatique… Ses 26 articles, enrichis en commission, abordent des sujets fondamentaux pour l’avenir de notre agriculture.

L’enjeu de ce texte, c’est la place de notre agriculture en Europe et dans le monde, sa résilience et son rôle face au changement climatique, sa capacité à renouveler ses exploitants.

Mes chers collègues, je vous présente aujourd’hui un texte cosigné par plus de la moitié de cet hémicycle, amélioré en commission et qui, je l’espère, saura susciter un débat sans caricature ni opposition stérile entre deux types d’agriculture supposés irréconciliables.

Les auditions ont d’ailleurs souligné à quel point le monde agricole, dans sa très grande majorité, ses filières comme ses organisations représentatives, souhaitait voir assumée la thématique de la compétitivité. Ce thème, nous le déclinons en trois axes.

Le premier axe porte sur la lutte contre les distorsions de concurrence, véritable fléau pour la compétitivité de notre agriculture. Les surtranspositions sont vécues douloureusement par nos agriculteurs quand ils doivent se plier à des exigences toujours plus grandes qui n’existent pas ailleurs, notamment chez nos principaux concurrents européens.

La commission a ainsi enrichi les prérogatives du haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires instauré par ce texte pour faire office de guichet unique des problématiques des filières. Il pourra être saisi et rendre des avis publics au sujet des normes et des surtranspositions. Loin de se substituer à vous, monsieur le ministre, il sera votre meilleur allié !

À propos de surtranspositions, je souhaiterais m’attarder sur le très commenté article 13, relatif à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Changeons-nous les missions de l’Anses ? À l’issue du passage en commission, la réponse est non. Remettons-nous en cause le travail ou l’impartialité de l’Anses ? Non plus.

Nous donnons simplement au ministre de l’agriculture ce qu’il semble réclamer depuis quelque temps, c’est-à-dire la possibilité de faire réaliser, sur des cas particuliers, une balance bénéfices-risques de la décision, et de suspendre temporairement une décision d’interdiction de l’Anses lorsque celle-ci n’est pas synchronisée avec les autres États membres, lorsqu’il n’existe pas de solution de substitution ou lorsqu’il y a des risques avérés pour la pérennité des productions agricoles ou d’outils agroalimentaires, qui mettraient en péril notre souveraineté alimentaire.

C’est pour vous, monsieur le ministre, le meilleur moyen de pousser la recherche fondamentale et appliquée sur les productions en péril tout en incitant l’Union européenne à prendre des décisions communes à tous les agriculteurs européens, afin d’assurer l’équité concurrentielle et la sécurité sanitaire en Europe. À cet égard, je pense que la commission a trouvé un juste équilibre.

Le deuxième grand axe de la proposition de loi de nos collègues est de modérer les charges de nos agriculteurs, pour que leur revenu ne soit plus la variable d’ajustement de la compétitivité : déduction pour épargne de précaution, pérennisation du dispositif « travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi » (TO-DE), exclusion des entreprises à production saisonnière du bonus-malus sont autant de sujets importants que nous aborderons dans la discussion, puisque la commission les a rendus budgétairement abordables.

Enfin, le troisième et dernier grand axe de cette proposition de loi consiste à encourager le renouvellement des pratiques et l’innovation, afin d’accompagner l’agriculture dans sa nécessaire adaptation.

Deux dispositifs encouragent et accompagnent l’investissement : un crédit d’impôt d’une durée de trois ans vise à soutenir les investissements dans les secteurs les plus intensifs en main-d’œuvre ; la création d’un livret Agri aura la double vertu de resserrer les liens entre les Français et leur agriculture et d’orienter l’épargne vers les investissements agricoles, y compris l’acquisition du foncier pour les jeunes agriculteurs.

Par ailleurs, trois dispositions concernant l’usage de l’eau ont été adoptées et améliorées par la commission. Nous aurons sans doute l’occasion d’aborder cette problématique d’actualité, qui concerne un facteur majeur de compétitivité.

Enfin, je souhaite évoquer l’autorisation de l’usage de drones pour la pulvérisation aérienne de précision.

Il ne s’agit évidemment pas d’autoriser la pulvérisation tous azimuts par des avions ou des hélicoptères : c’est une mesure nécessaire si l’on veut encourager et accompagner l’innovation, accomplir de réels progrès dans la baisse des intrants et susciter des vocations parmi les plus jeunes. L’article 8 ressort donc de son passage en commission sous la forme d’une expérimentation limitée aux terrains agricoles en pente et à l’agriculture de précision. Nous sommes loin des caricatures qui ont été faites !

Je le répète, c’est par la recherche, l’investissement et l’accès à l’innovation de tous les agriculteurs que nous assurerons la résilience de notre agriculture et l’attractivité de ses métiers.

Je n’ai pu être exhaustive, tant les 26 articles ouvrent des champs diversifiés. Je suis certaine que notre discussion en séance sera riche, si elle sait éviter les effets de manche.

Pour conclure, je tiens à redire avec force que notre agriculture n’attira pas les jeunes arrivants si elle demeure enserrée dans un carcan de normes toujours plus nombreuses et complexes les unes que les autres ; si l’on étouffe la production et l’innovation par l’application irraisonnée d’un principe de précaution devenu principe d’inaction ; si l’on continue à pointer du doigt une profession qui pourtant change, évolue, innove, et dont les pratiques, répétons-le, sont déjà parmi les plus vertueuses du monde ; enfin, et c’est peut-être le plus important, si l’on ne permet pas une juste rémunération des agriculteurs.

Les agriculteurs ont une noble mission : nourrir nos concitoyens et une partie de la planète, afin d’assurer les grands équilibres géopolitiques, en étant totalement acteurs, mais aussi bénéficiaires, de la lutte contre le changement climatique. Il est nécessaire et vital pour la Nation de les soutenir, de considérer toutes leurs missions et de les rémunérer dignement.

Monsieur le ministre, soyez assuré que ces thématiques continueront d’être portées par le Sénat à l’occasion des prochaines échéances agricoles. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une lente et inquiétante érosion de notre souveraineté agricole et alimentaire : tel est, en substance, le constat du rapport de la mission d’information sur la compétitivité de la ferme France de septembre 2022, qui a inspiré la proposition de loi dont nous allons débattre. Et il serait sans doute plus juste de parler de rapports, au pluriel, car cette proposition de loi est aussi l’aboutissement d’un travail lancé en 2019, avec un premier rapport d’information de Laurent Duplomb.

Avant d’en venir aux constats et aux mesures proposées, je souhaite saluer la qualité du travail mené par le Sénat, depuis le constat éclairant posé par la mission d’information jusqu’à cette proposition de loi cosignée par plus de 170 parlementaires issus de cinq groupes politiques différents. Je souhaite également saluer le travail de votre rapporteur, ainsi que de la commission et de ses services, et la qualité des échanges que nous avons eus en vue de l’examen de ce texte.

C’est un débat utile que nous allons mener, alors que la concertation sur le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOA), que j’ai lancée en décembre dernier et qui a eu lieu dans tous les territoires dont vous êtes élus, s’achèvera prochainement.

Je souhaiterais tout d’abord évoquer les constats qui ont nourri cette proposition de loi, pour vous dire que je puis naturellement en partager une partie.

Sans doute n’aurons-nous pas tout à fait la même appréciation sur ce que le Président de la République et le Gouvernement ont essayé de mettre en œuvre depuis 2017 pour répondre aux difficultés de notre agriculture, notamment en matière de compétitivité, et donner à cette dernière de nouvelles perspectives.

Je pense notamment aux allègements de cotisations patronales, à la création d’un fonds de portage du foncier, dont le prix en France est un élément d’attractivité, au soutien à la modernisation de notre outil de production avec France Relance ou France 2030, ou à des réformes plus structurelles, comme les lois Égalim, le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique et la réforme de l’assurance-récolte.

Je pense aussi à la question des clauses miroirs et de la réciprocité des normes qui, pour la première fois, a été mise à l’agenda européen – même si nous devons aller plus loin et avancer vers une généralisation. Cette question est au cœur de la bataille que nous devons mener pour garantir à nos producteurs équité et loyauté par rapport à nos concurrents étrangers.

De même, je ne présenterais pas la stratégie du Gouvernement comme fondée uniquement sur la montée en gamme. D’ailleurs, la montée en gamme est une politique déjà ancienne et constante, et je ne vous ferai pas l’offense de rappeler quand furent créées les indications géographiques protégées (IGP) et les appellations d’origine contrôlée (AOC)… Elle a soutenu certains des produits qui se vendent le plus aujourd’hui. L’enjeu est plutôt de trouver un équilibre entre la montée en gamme et la nécessité de satisfaire les besoins de toute la population, mais vous ne dites pas autre chose, je crois.

Cela fait soixante ans que nous développons les signes officiels de qualité. Combien ont été créés ces cinq ou six dernières années ? Beaucoup moins sans doute qu’au cours des cinq ou six dernières décennies.

Dans le discours que le Président de la République a prononcé à Rungis, il me semble que la qualité était plutôt présentée comme un élément permettant de créer une rémunération supplémentaire. Assumons collectivement d’avoir porté ces signes de qualité, car nous pouvons en être fiers. On le voit bien, pour les fromages par exemple, les installations sont plus nombreuses là où il y a un label de qualité, comme le Comté. Ces labels sont donc un atout pour notre pays, notamment pour nos exportations.

Au-delà de ces divergences, il me semble, comme à vous, que la perte de notre souveraineté alimentaire, que les auteurs du rapport font remonter à la fin des années 1990, est un fait majeur. Nous pouvons en tirer quelques enseignements pour relever les défis auxquels notre agriculture fait face.

Tout d’abord, nous devons comprendre que ce qui a été défait pendant des années ne pourra se reconstruire du jour au lendemain. Il faut donc poser les enjeux et avancer les solutions avec humilité, en assumant aussi la complexité des sujets et en refusant de tomber dans les caricatures – je sais que cette proposition de loi a pu en faire l’objet. Veillons à ne pas caricaturer les positions des uns et des autres, comme l’a bien dit Mme le rapporteur, car nous défendons tous la compétitivité de notre agriculture.

Le second élément est naturellement la question du changement climatique, qui se pose aujourd’hui avec une urgence inédite et qui va forcément constituer un impératif pour penser la façon de rebâtir notre souveraineté alimentaire.

La souveraineté alimentaire sera durable et résiliente ou elle ne sera pas. En effet, notre agriculture ne pourra pas produire en quantité et en qualité suffisante sans une adaptation des systèmes de production pour préserver l’accès aux moyens de production que sont les sols, la biodiversité et les ressources naturelles comme l’eau. La souveraineté alimentaire ne s’oppose pas à la transition écologique, bien au contraire. Nous devons le dire aux agriculteurs.

Cela ne signifie pas que l’on doit pudiquement fermer les yeux sur des problématiques comme celles de la compétitivité ou de la compétitivité-prix de l’agriculture. Au contraire, ces questions existent. Elles sont au cœur de cette proposition de loi et des défis que nous devons relever pour l’avenir de notre agriculture. Elles sont également présentes dans les concertations en cours sur le PLOA, auxquelles j’ai pu assister ou que l’on m’a relatées.

La compétitivité, ce n’est pas un gros mot ! Dire que, depuis trop longtemps, nous croyons en France qu’une norme ou une interdiction produit une solution, ce n’est pas remettre en cause notre ambition environnementale et sociale.

Dire que nous ne pouvons pas agir seuls, avant tous les autres partenaires et concurrents européens, comme si nous étions sur une île, c’est au contraire considérer qu’il y a un lien indissociable entre souveraineté alimentaire, changement climatique et sécurité alimentaire.

Dire que nous avons besoin de transitions, ce n’est pas en rabattre sur les objectifs : c’est se donner une perspective et des moyens pour les atteindre.

Si nous sommes sans cesse en train de produire de nouvelles normes et de nouvelles contraintes pour notre agriculture, dans une sorte de course folle, c’est l’existence même des outils de production agricoles et agroalimentaires dans nos territoires qui sera remise en question, et même, celle de nos agricultrices et agriculteurs. Les auteurs du rapport le disent clairement.

C’est la question de notre capacité à assurer l’accès à une alimentation en quantité et en qualité suffisante, notamment aux plus modestes, qui sera posée.

C’est l’importation, dans nos assiettes, de produits ne respectant pas nos standards environnementaux qui deviendra la norme.

C’est notre vocation exportatrice, qui peut être aussi un élément de stabilité géopolitique, qui sera remise en cause, alors même que la guerre en Ukraine démontre l’importance de la sécurité et de la souveraineté alimentaires.

Tout cela se tient, et la question est celle du chemin à emprunter. Mais il ne peut s’agir en aucun cas d’opposer impératif productif et impératif climatique.

C’est dans cette perspective que se déroule d’ailleurs la concertation sur le PLOA. Nous devons tous, à mon sens, être attentifs à préserver l’esprit des concertations en cours.

Tout d’abord, j’ai voulu qu’elles se fondent sur des constats factuels, et non pas autour d’objets politiques prédéfinis. Je crois que c’est aussi pour cela que les acteurs qui y participent saluent, à ce stade, un exercice plutôt réussi.

J’ai voulu que l’on assure le respect de la diversité des avis, des pratiques, des solutions et des modèles, que les acteurs puissent se projeter à l’horizon 2040 et que nous assumions, ensemble, les objectifs européens et français en matière climatique, environnementale et sociale, tout en assurant notre souveraineté alimentaire.

Telle est sans doute, à ce stade, la réussite principale de cette concertation : faire en sorte que les agriculteurs puissent reparler de ce qu’ils font – c’est un élément important de la reconnaissance que nous leur devons –, mais aussi mettre autour de la table des personnes issues d’horizons différents, pour penser ensemble un chemin.

Comme vous le savez, la concertation se déploie à des échelons différents, et je salue l’implication des régions et des chambres d’agriculture dans ce travail : cette concertation a une dimension nationale, avec les trois groupes de travail, ainsi qu’une dimension régionale, dans les territoires, car les solutions seront très largement différentes selon les contraintes locales. Elle se tient également auprès des jeunes, dans les établissements de l’enseignement agricole, avec une consultation dédiée, ainsi qu’auprès du grand public.

Ce sont des éléments de méthodes précieux, sur lesquels je voulais insister, et je sais que l’initiative du Sénat ne s’inscrit aucunement dans une forme de remise en cause de la concertation en cours, mais plutôt dans la volonté d’ouvrir, avec exigence – comme souvent ici –, un certain nombre de débats sur l’avenir de notre agriculture et notre souveraineté alimentaire.

Le PLOA a sans doute vocation à élargir encore le spectre des sujets dont nous aurons à débattre. Je pense notamment à un certain nombre d’enjeux que nous devons interroger ou réinterroger pour mieux armer notre agriculture face aux grands défis de demain, comme le réchauffement climatique ou le problème foncier.

Comment pouvons-nous massifier les transitions systémiques des exploitations et nous préparer à opérer des transitions de rupture dans des territoires qui en auront besoin ?

Comment imaginer un nouveau cadre de financement de l’agriculture pour couvrir les besoins sans précédent de capitaux liés à la reprise d’au moins un tiers des fermes françaises ? Le texte aborde cette question.

Comment répondre aux besoins d’investissements dans l’appareil productif et la recherche et le développement pour faire face aux transitions ?

Comment améliorer l’attractivité des formations et des métiers, y compris pour celles et ceux qui ne sont pas issus du monde agricole, et permettre une meilleure compréhension par la société et une meilleure connaissance des métiers, des contraintes et des exigences du secteur ?

Comment faciliter, accélérer et systématiser la mobilisation des connaissances produites par la recherche, le développement et l’innovation agricoles français, pour accélérer la diffusion de la connaissance et rendre opérationnelles les solutions et innovations face à l’accélération des situations d’impasses et des impacts à venir du changement climatique ?

Enfin – c’est l’un des sujets également soulevés par cette proposition de loi – comment préserver un cadre équitable et soutenable de financement de la transition de l’agriculture et limiter toute concurrence déloyale en matière environnementale, climatique et sociale ?

Dans ce contexte, au-delà même de la question de la compétitivité, à laquelle elle ne saurait être réduite, cette proposition de loi ouvre des champs de travail utiles et nécessaires, soit parce qu’ils mettent à l’agenda des sujets importants, soit parce qu’ils entrent en résonnance avec l’action que le Gouvernement mène quotidiennement au service de notre agriculture, de nos agriculteurs et de nos agricultrices, soit enfin parce qu’ils font écho à l’ambition que nous portons avec le PLOA.

Comme l’a dit le sénateur Duplomb, n’ayez pas peur !

M. François Patriat. C’est un sentiment que nous ne connaissons pas ! (Sourires.)

M. Marc Fesneau, ministre. J’aime bien cette expression. N’ayons pas peur de parler de compétitivité agricole ! N’ayons pas peur de trouver des consensus, même si cela peut paraître révolutionnaire aujourd’hui. Notamment sur ce sujet, n’ayons pas peur de sortir des caricatures, d’affronter les grands défis, en particulier celui de la transition et du climat, et de les rappeler aux agriculteurs.

Enfin, n’ayons pas peur de ce débat qui, pour moi, est très utile, car nous le devons aux agriculteurs. Je tenais à vous en remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, avant que nous n’entamions l’examen des articles. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Serge Mérillou applaudit également.)

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Discussion générale (début)

M. le président. Je suis saisi, par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, d’une motion n° 10.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France (n° 590, 2022-2023).

La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, le groupe GEST est viscéralement attaché au débat démocratique. Pourtant, nous avons déposé une question préalable pour rejeter ce texte.

En effet, nous devons prendre conscience de la gravité de cette proposition de loi, qu’il s’agisse de son calendrier de discussion ou du fond des articles qu’elle comporte, composés essentiellement de régressions sociales et environnementales majeures. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Caricature !

M. Daniel Salmon. Tout d’abord, sur la forme, la discussion de ce texte intervient alors qu’une concertation est en cours sur ces mêmes questions pour construire un PLOA.

Alors que les syndicats, les associations et les élus des territoires s’impliquent depuis des mois pour faire remonter des propositions, alors que ces travaux sont en train de s’achever, le Sénat estime, en discutant ce texte, qu’il n’est ni utile ni pertinent de patienter quelques semaines pour s’appuyer sur leur contribution.

Dans un contexte où la démocratie est fragilisée et où les citoyens et la société civile se sentent peu écoutés et en décalage avec les instances politiques, il convient pour nous de réfléchir au message envoyé par notre assemblée si elle choisit de rejeter cette motion et de discuter ce texte.

M. Daniel Salmon. La concertation organisée sur le PLOA est déjà, pour nous, largement insuffisante. La participation des citoyens a été organisée avec des mois de retard, en toute discrétion et via un questionnaire accessible durant quinze jours seulement. Le manque de pluralisme des débats a également été dénoncé.

Toutefois, la qualité et la crédibilité des dispositifs de participation semblent importer peu pour les auteurs de ce texte, pour qui l’essentiel paraît être de verrouiller encore davantage le débat en organisant un premier round avec le Gouvernement pour faire valoir une vision bien particulière de l’agriculture. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Certes, le Sénat et les parlementaires ont toute légitimité pour formuler des propositions dans le cadre des concertations sur l’orientation de notre agriculture. Mais les propositions portées par ce texte figuraient déjà dans un rapport sénatorial, qui semblait bien suffisant pour contribuer aux travaux en cours.

Il est tout aussi problématique que ce texte, présenté comme étant à vocation agricole, propose des modifications substantielles de notre droit du travail, en organisant le cumul de revenus d’activité et du RSA, ainsi que l’orientation active des demandeurs d’emploi vers des secteurs en tension, sans réflexion sur leur parcours ou sur les conditions de travail dans ces secteurs. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. C’est le droit à la paresse que vous voulez ?…

M. Jean-Marc Boyer. Au boulot !

M. Daniel Salmon. Ces réformes structurantes sont proposées à la veille de discussions sur la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Là encore, nous sommes dans un contretemps démocratique, qui dénote un mépris du dialogue avec la société civile et les partenaires sociaux, et ce dans un contexte extrêmement tendu.

Par cette question préalable, nous proposons de respecter le temps de la démocratie et de la concertation. Notre modèle agricole et notre modèle social sont au cœur de questions majeures pour nos sociétés. Nous pensons qu’ils méritent bien mieux que les quelques heures de débat qui nous sont proposées ce soir.

Au-delà même de ces questions de forme, le fond de cette proposition de loi nous apparaît particulièrement dangereux.

Tout d’abord, nous estimons que ce n’est pas le rôle du Parlement que d’alimenter de fausses informations sur les supposées surtranspositions du droit français. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Rappelons que, si l’Anses a retiré l’autorisation d’utiliser du S-métolachlore, c’est en application directe d’un règlement européen : ni plus, ni moins.

Rappelons aussi que ses conclusions rejoignent celles de l’autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority), qui fait état de préoccupations critiques pour cet herbicide, dont l’autorisation de mise sur le marché au niveau européen expire le 31 juillet 2023.

Rappelons enfin qu’un rapport du Gouvernement sur le sujet, paru l’année dernière, estimait que les surtranspositions étaient particulièrement peu nombreuses et que, lorsqu’elles existaient, elles correspondaient à un choix politique assumé. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Doit-on inscrire dans notre droit un renoncement à faire de la France un pionnier en termes de progrès environnemental, social et sanitaire ? Cela nous paraît aller contre le sens de l’Histoire. Alors que les sécheresses et les preuves des impacts des pesticides, ainsi que la pollution de notre ressource en eau, devraient nous pousser à accélérer la transition, on voudrait, par ce texte, nous contraindre à la ralentir.

Pis, on nous propose même de faire marche arrière et de revenir sur les trop rares avancées de ces dernières années. Abandonnée, la séparation des activités de conseil et de vente pour les pesticides, qui visait à garantir aux agriculteurs un conseil indépendant ! Exit, la loi de 2014, qui favorise, en renforçant le rôle de l’Anses, l’indépendance de la décision sur les autorisations de pesticides !

Pire encore, on nous propose même de remettre en cause le droit européen de protection de l’environnement et de faire primer les intérêts économiques de court terme.

Ainsi, sur les pesticides, vous proposez de contraindre les retraits de produits dangereux au regard d’une balance bénéfices-risques entre, d’un côté, la santé et l’environnement et, de l’autre, les distorsions de concurrence.

Cette proposition fait preuve d’un cynisme sans nom (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), à tel point que l’association Phyto-Victimes, représentant les professionnels malades du fait des pesticides, nous interpellait voilà quelques jours dans un communiqué de presse, avec cette question : « Notre santé a-t-elle un prix ? ».

En plus d’être cynique, cette mesure est une attaque en règle contre le droit européen. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient tout juste de le rappeler : le règlement relatif à l’autorisation des pesticides prévoit que l’objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement devrait primer l’objectif de croissance des rendements.

Reconnaissons que vous n’êtes pas les seuls à promouvoir ces attaques, aussi dangereuses soient-elles. Nous avons tous en tête les déclarations visant à regretter l’élimination de certaines molécules, comme si leur interdiction ne procédait pas d’études scientifiques prouvant leur dangerosité. Tant pour les néonicotinoïdes que pour la phosphine ou le glyphosate, il ne s’agit pas de créer de la norme pour la norme ; il s’agit de lutter contre une pollution généralisée et d’enrayer l’effondrement de la biodiversité.

Nous voulons poser une question : le mot d’ordre de la compétitivité-prix porté par les majorités sénatoriale et gouvernementale bénéficie-t-il réellement aux agriculteurs ? C’est là un enjeu crucial de notre débat.

En agitant les chiffons rouges de la surtransposition des normes européennes, des cotisations sociales trop élevées, des normes environnementales trop contraignantes, on oublie de poser dans le débat public les vrais sujets qui menacent notre agriculture.

Ces sujets, vous les connaissez tous. Ce sont la promotion du libre-échange et de la dérégulation des marchés européens, la promotion d’une PAC inégalitaire et inefficace, et celle d’une répartition de la valeur inéquitable dans les négociations commerciales.

Le Ceta (Comprehensive Economic and Trade Agreement), conclu en 2016, n’a toujours pas été soumis au vote du Sénat, dans un déni de démocratie que nous n’oublions pas. De même, de nombreuses inquiétudes persistent, que nous partageons, quant à l’impact de l’accord avec le Mercosur sur les marchés agricoles.

C’est en agissant pour une sortie de l’agriculture du libre-échange, pour la régulation des marchés au niveau européen, pour une PAC juste, qui accompagne les transitions, que nous garantirons un revenu décent à de nombreux agriculteurs.

Nous voulons en effet construire une véritable compétitivité pour notre agriculture. Or la compétitivité-prix, placée au cœur de ce texte, est extrêmement réductrice. Elle néglige tout un pan de coûts qui sont assumés, in fine, par qui ? Par la collectivité, bien sûr !

Que devient l’analyse de la compétitivité de notre agriculture si l’on y inclut les coûts cachés des pesticides, des nitrates et des engrais azotés ? Que devient l’analyse de notre balance commerciale si l’on y inclut les coûts de l’importation massive d’intrants et les subventions publiques visant en définitive à soutenir l’exportation de denrées alimentaires ?

La compétitivité de notre agriculture inclut l’ensemble de ces dimensions, à la fois économiques, sociales, environnementales et sanitaires. Elle prend en compte les emplois générés, la qualité de l’alimentation, la vie des territoires, la réponse aux attentes des consommateurs.

Oui, il nous faut maintenir et développer une production locale, diversifiée, à même de nourrir notre population et d’exporter pour équilibrer notre balance commerciale. Oui, l’augmentation des importations est une véritable problématique.

Mais la solution n’est pas de se lancer dans une course au moins-disant social et environnemental. Elle réside dans l’accompagnement de la relocalisation de l’alimentation et dans la transition vers des pratiques agronomiques permettant de se passer d’intrants, dont les coûts explosent, et de limiter la consommation d’eau et d’énergie, à l’heure où l’efficacité et la sobriété sont des nécessités.

De telles solutions sont pourtant les grandes absentes de ce texte, qui mise sur le renforcement de nos dépendances à la mécanisation, à la robotique, à l’irrigation massive, aux pesticides, le tout à grand renfort de dépenses publiques et d’exonérations de cotisations sociales.

L’agroécologie, notamment l’agriculture biologique, fonctionne déjà sur le terrain. Elle permet de cultiver l’autonomie et la résilience et de produire des excédents.

Certes, il nous faudra garantir l’accès de toutes et tous à cette alimentation locale et de qualité. Nous ne pouvons pas oublier qu’un nombre croissant de nos concitoyens souffrent de précarité alimentaire. Cependant, à nos yeux, la réponse se situe dans une politique ambitieuse de justice sociale pour l’accès à une alimentation de qualité.

À l’heure où les inégalités explosent, cette ambition, plus que jamais nécessaire, est systématiquement négligée par les politiques publiques. Nous devons agir, collectivement, pour construire une véritable sécurité sociale de l’alimentation, comme le soulignait notre collègue Mélanie Vogel dans son rapport sur la sécurité sociale écologique.

Chers collègues, nous vous proposons donc, par le vote de cette motion, de respecter le temps du débat démocratique. Nous vous demandons de refuser un texte qui, en s’appuyant sur un diagnostic erroné, en attaquant le droit européen et en propageant de fausses informations, nous propose une série de régressions sociales et environnementales qui ne seront bénéfiques ni pour nos concitoyens ni pour nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Cher collègue, permettez-moi de vous répondre sur plusieurs points.

Tout d’abord, si un pacte et une loi d’orientation et d’avenir agricoles sont bien à l’étude en ce moment, cela n’empêche en rien le Sénat de poursuivre ses travaux. Nous verrons le moment venu ce que le Gouvernement nous proposera comme avenir pour notre agriculture, mais je crois sincèrement qu’il est de l’intérêt du Sénat d’affirmer dès maintenant sa position sur un certain nombre de sujets fondamentaux pour nos agriculteurs : l’excès de normes – nous en avons parlé –, l’excès de taxes ou encore le défi du changement climatique.

Je crois que nous n’avons pas été élus seulement pour attendre que le Gouvernement nous transmette des projets de loi, mais bien pour faire entendre la voix du Sénat. C’est ce que nous faisons ici cet après-midi.

Dès lors, nous sommes légitimes pour débattre d’une proposition de loi qui – vous l’avez d’ailleurs rappelé, cher collègue – est le fruit d’un travail de longue haleine ; ce n’est pas un effet d’opportunité.

Vous citez l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui dispose : « Toute personne a le droit […] de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. » C’est ce qui se fait dans le cadre des discussions actuelles. Cependant, cet article n’entend pas, je crois, déposséder le Parlement de ses prérogatives. Il ne me semble pas qu’il y ait une antinomie ici.

Ensuite, vous expliquez que la proposition de loi remet en cause la protection de l’environnement et de la santé. Est-ce remettre en cause la protection de l’environnement que de proposer un diagnostic carbone des exploitations ? Est-ce remettre en cause la protection de l’environnement et de la santé que de proposer une expérimentation de l’utilisation des drones précisément pour diminuer les quantités de pesticides utilisés et protéger les applicateurs de leurs effets indésirables ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.) Est-ce remettre en cause la protection de l’environnement et de la santé que de revenir sur des dispositions qui ne fonctionnent tout simplement pas aujourd’hui ? Je ne le crois pas.

Si vous le permettez, je citerai à mon tour la Charte de l’environnement. Son article 6 énonce que les politiques publiques doivent concilier la « protection de l’environnement » avec le « développement économique ». Il me semble que c’est exactement ce que nous faisons. Son article 9 dispose, quant à lui, que la recherche et l’innovation doivent « apporter leur concours » à la préservation de l’environnement. C’est exactement ce que fait cette proposition de loi.

Enfin, vous évoquez la sincérité du débat. Je pense que le débat est sincère. Nous jouons, de part et d’autre, cartes sur table. Nous allons discuter des amendements. Le ministre s’exprimera, la commission s’exprimera, les groupes politiques s’exprimeront, et notre assemblée votera. Il me semble donc qu’il s’agit d’un débat sincère entre nous ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur le sénateur Salmon, tout d’abord, je m’inquiète un peu, car vous vous faites, à travers cette motion, le gardien vigilant de l’agenda gouvernemental. Vous vous érigez en effet en défenseur du travail gouvernemental. Je le prends comme un moment de grâce, même si je ne suis pas sûr que cela dure. D’ailleurs, la suite de votre propos m’a prouvé que cela ne pouvait pas durer ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mais vous avez raison de saluer la façon dont la concertation a été menée pour faire en sorte que nous ayons, avec les professionnels, les collectivités et les responsables agricoles un dialogue qui me paraît fructueux.

Ensuite, vous remettez en cause – de manière un peu paradoxale, mais on peut être à contre-emploi – le fait que nous ayons ouvert un questionnaire. Je vous indique qu’il y a eu 40 000 réponses. Je n’ai d’ailleurs pas prétendu qu’il s’agissait d’un dispositif de participation citoyenne. Même si j’ai été ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne, je n’ai jamais prétendu qu’il s’agissait en l’occurrence d’un exercice de participation citoyenne. J’avais simplement besoin, à travers ce questionnaire, dans un dialogue direct, de sentir un certain nombre de choses, sans prétendre que cela avait une vocation académique. Cela n’empêche pas d’ailleurs que nous travaillons aussi avec les jeunes sur cette question.

Vous avez mille fois raison de dire que la définition de la politique agricole constitue une décision structurante pour notre société. C’est d’ailleurs là-dessus que nous travaillons. Pour autant, cela doit-il empêcher le Sénat de se saisir d’un certain nombre de sujets ? Je ne le crois pas.

Par définition, une loi d’orientation a vocation à embrasser un champ plus large que celui de la compétitivité, qui est le fil rouge de la présente proposition de loi. La mention dans le texte d’une urgence sur un horizon de cinq ans n’est pas incompatible avec la volonté qui est la nôtre de nous projeter sur une période de trente ans ou quarante ans.

En outre, et je tenais à le souligner, il n’y a pas, d’un côté, les défenseurs de l’environnement et de la santé et, de l’autre, les défenseurs de je ne sais quels intérêts. Nous sommes tous défenseurs de l’intérêt général. Il y a sur toutes ces travées, ministre de l’agriculture compris, des gens qui pensent à l’intérêt général ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.) Ils ont, eux aussi, des familles, des amis, des préoccupations et des inquiétudes concernant l’environnement. Ne nous drapons pas dans des postures, les uns contre les autres. Dans ce genre de débat, je trouve que cela est, au fond, à la fois caricatural et assez désagréable. Nous aussi, nous défendons à la fois l’agriculture et la nécessité des transitions. C’est en tout cas ce que j’essaie de faire et ce que je crois que vous essayez tous de faire.

On est toujours pris en contradiction avec soi-même. Je vais vous donner un exemple. Vous avez été de ceux qui ont demandé de remettre en cause l’avis de l’Anses sur la grippe aviaire. Vous disiez qu’il n’était pas normal d’imposer ainsi des mesures de confinement beaucoup trop lourdes – alors que c’était la demande de l’Anses – et vous demandiez, dans une logique économique, en lien avec un certain nombre de gens et de syndicats, la sortie du confinement pour les élevages dits autarciques. Cela ne vous posait pas de problèmes ! Ce n’était pas une question !

Il était normal que vous vous interrogiez ainsi sur les difficultés que cette mesure contre la grippe aviaire pouvait entraîner d’un point de vue économique. Mais quand une telle question est soulevée par vous, dans ce sens, elle ne vous pose pas de difficultés. Or je pense que nous parlons ici du même sujet.

Personne ne remet en cause les prérogatives de l’Anses, pas plus ici qu’ailleurs. En revanche, tout le monde peut se dire, comme l’a très bien dit Mme la rapporteure, qu’un équilibre est à trouver, sur certains sujets, entre la dimension économique et les nécessités et contingences environnementales et de santé publique. Or c’est ce que vous nous aviez demandé, par exemple, sur la grippe aviaire.

La phosphine est un sujet que je connais bien pour en avoir débattu publiquement. Nous nous trouvons tout de même dans une situation où des personnes, de l’autre côté de la Méditerranée, attendent nos céréales pour se nourrir. Ce ne sont pas de petits sujets, monsieur Salmon ! (M. Daniel Salmon proteste.)

Il ne suffit pas de claquer des doigts et de dire qu’il faut interdire ces produits, sans se soucier de ce qui arrive à des populations qui sont soumises à une contrainte de sécurité alimentaire et qui réclament. Donner des leçons me paraît un peu risqué (Mme le rapporteur acquiesce.). Croiser les bras tout en regardant les gens manquer d’alimentation, c’est ce que vous proposez, et que je ne proposerai jamais, car le problème de la sécurité alimentaire est devant nous.

Par ailleurs, et au risque de me mettre à dos l’ensemble du Sénat, je voudrais aussi évoquer les accords de libre-échange. Voilà vingt-cinq ans que l’on se félicitait de voir que la France exportait, sur tous les registres. Il ne faut pas avoir peur de l’exportation, l’important est d’être compétitif.

Vous parlez d’accords qui n’existent même pas encore, comme celui avec le Mercosur. Or la compétition ne se noue pas avec des pays extérieurs à l’Union européenne. La perte de compétitivité française date de vingt-cinq ans ou trente ans, et elle s’est faite par rapport à nos voisins européens, par exemple sur les fruits et légumes ou sur la viande bovine.

N’allons donc pas chercher des boucs émissaires à l’extérieur de l’Union européenne ou désigner les accords de libre-échange comme la cause de tous nos maux.

Je souhaite mentionner deux éléments complémentaires. Je ne pense pas vous apprendre grand-chose, mais je crois que l’agriculture biologique aussi aura besoin d’eau.

M. Laurent Duplomb. Toutes les agricultures ont besoin d’eau !

M. Marc Fesneau, ministre. Caricaturer les agricultures en pensant qu’aucun maraîcher bio n’a manqué d’eau en 2022,…

M. Daniel Salmon. Je n’ai jamais dit cela !

M. Marc Fesneau, ministre. … c’est faire une erreur.

M. Joël Labbé. Et ça, ce n’est pas caricatural ?

M. Marc Fesneau, ministre. Nous aurons besoin d’eau. Ne caricaturons pas l’accès à l’eau et le besoin en eau, parce que nous avons envie de voir évoluer l’agriculture. Le maraîcher a besoin d’eau. Nous avons donc besoin de nous poser tranquillement la question de l’accès à l’eau.

Et l’interdiction ne produit pas la solution. Je l’ai vécu de façon un peu compliquée – lorsque vous êtes ministre, vous n’aimez pas avoir à affronter ce type de situation – s’agissant des néonicotinoïdes. J’ai entendu des gens, y compris parmi vos amis politiques, dire sur tous les plateaux de télévision qu’ils avaient une solution. Résultat des courses : j’espère que l’épisode de jaunisse ne viendra pas totalement mettre à mal la filière betterave.

M. François Bonhomme. Il faut le dire à Mme Pompili !

M. Marc Fesneau, ministre. Ce n’est pas parce que l’on ânonne qu’il existe des solutions qu’il en existe vraiment. Ce n’est pas parce que l’on pose une interdiction qu’il y a des solutions.

Nous avons besoin de nous mettre dans la transition, car, le jour où nous n’aurons plus de betterave ni de sucre en France, savons-nous où nous irons les chercher ? Dans l’accord avec le Mercosur, sur lequel vous tapez tant. Ce n’est pas très cohérent. Or nous avons besoin, collectivement, de cohérence. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. La soirée sera longue, monsieur le ministre !

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne suis pas pressé !

M. Jean-Claude Tissot. Moi non plus, mais je vous trouve bien vif après seulement dix minutes de débat. Les rôles sont distribués, et le débat va être intéressant.

En cohérence avec le propos que j’ai tenu en commission, et avec celui que je vais tenir tout à l’heure dans le cadre de la discussion générale, nous voterons cette motion tendant à opposer la question préalable. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Nous partageons pleinement les remarques de notre collègue Daniel Salmon. Cette proposition de loi, qui réécrit allégrement notre politique agricole, ne respecte pas, à notre sens, la concertation effectuée dans le cadre de la loi d’orientation et d’avenir agricoles.

De nombreuses mesures du texte auront des conséquences importantes, que ce soit sur les pratiques agricoles, le droit du travail ou l’environnement. Elles auraient mérité, au minimum, une concertation plus large et une association des autres commissions sénatoriales ; je pense notamment à la commission des affaires sociales et à la commission des finances.

Soulignons également les nombreuses incompatibilités du texte avec le droit européen, pourtant souvent brandi – là aussi, nous sommes dans la caricature – comme argument par la majorité sénatoriale pour défaire les textes de l’opposition, qui sont parfaitement listés dans l’exposé des motifs de cette motion tendant à opposer la question préalable.

La présente proposition de loi va donc à contresens, à notre avis, autant dans sa forme que sur le fond. C’est pourquoi cette motion tendant à opposer la question préalable nous paraît pleinement justifiée, et nous la soutiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 10, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 283 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l’adoption 86
Contre 252

Le Sénat n’a pas adopté.

Discussion générale (suite)

Question préalable
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Franck Menonville et Pierre Louault applaudissent également.)

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens ici en lieu et place de mon collègue Henri Cabanel qui a été victime d’un accident de tracteur et ne peut donc pas être présent. L’agriculture est un métier nécessaire, utile, mais aussi dangereux. Nous lui souhaitons un bon rétablissement. J’espère qu’il sera là mardi prochain pour les explications de vote et le vote sur l’ensemble.

Notre modèle agricole arrive à bout de souffle. Ce constat aussi simple que préoccupant doit nous pousser à rechercher et explorer les solutions les plus à même d’inverser la courbe de son déclin, quelles que soient nos convictions.

Nous devons penser l’agriculture de demain autrement qu’à travers le prisme de la critique stérile. Il nous faut réfléchir aux enjeux que sont l’orientation, la transmission, l’installation, la modernisation et la dynamisation de la ferme France, dans un contexte inflationniste et alors que les transitions écologique et climatique bousculent les pratiques agricoles et celles des consommateurs.

Rappelons que la France, aujourd’hui cinquième exportateur mondial, était sur la deuxième marche du podium jusqu’en 2006. Son excédent commercial, en retrait, n’est plus tiré que par l’effet prix de ses exportations, vins et spiritueux en tête, et non par les volumes. Nous étions autrefois le grenier de l’Europe ; nous sommes aujourd’hui réduits à en être, tout au plus, la cave.

Si nos politiques publiques successives se sont démarquées par la défense d’un modèle conciliant performances économique et écologique, elles se sont traduites par la production de produits haut de gamme, peu rémunérateurs pour les agriculteurs, à destination d’une clientèle de niche à fort pouvoir d’achat. Et les consommateurs les plus modestes ont été contraints de se tourner vers des denrées importées, produites dans des conditions environnementales et sociales non satisfaisantes ou peu transparentes.

Je rappelle que lorsqu’un Français dépense 100 euros en alimentation, seulement 6,90 euros vont dans la poche du producteur. Le partage de la valeur devrait être essentiel et dicter nos actions dans les relations commerciales entre le monde agricole, les industries agroalimentaires et la grande distribution. Or, ces dix dernières années, nous avons emprunté le chemin inverse et détruit cette valeur sous couvert de la recherche du prix le plus bas. À ce jeu-là, je rappelle que ce ne sont ni les producteurs ni les consommateurs qui ressortent gagnants, mais les intermédiaires.

Alors que nous faisons face au défi du renouvellement des générations, notre modèle agricole n’attirera pas plus de jeunes et nouveaux exploitants si nous continuons de ne pas rémunérer les professionnels du secteur à leur juste valeur, d’étouffer l’innovation et de nous enfermer dans un carcan de normes soumis notamment à de multiples surtranspositions.

Néanmoins, il est fondamental que nous avancions selon un triptyque indissociable unissant l’économie, la santé et l’environnement, aucun de ces éléments ne pouvant être sacrifié au profit de l’un ou de l’autre.

Si la compétitivité de la ferme France est handicapée par des normes élevées, en matière environnementale et sanitaire notamment, il ne faut pas, au nom d’une productivité renouvelée, abandonner nos acquis, qui font du modèle agricole français le plus vertueux du monde. Pour autant, tout est une question d’équilibre.

À cet égard, soyons attentifs aux accords de libre-échange fragilisant notre agriculture. Je rappelle que le groupe RDSE a présenté au Sénat une proposition de résolution dénonçant l’accord de libre-échange avec le Mercosur, qui contenait les germes d’une déstabilisation du marché européen de viande bovine et, par ricochet, d’une fragilisation des territoires ruraux.

En attendant, aujourd’hui encore, nous devons trouver des rustines, car la grande loi d’orientation agricole n’est pas encore au rendez-vous, monsieur le ministre.

Le texte d’aujourd’hui a le mérite d’enrichir le débat sur le choc de compétitivité en faveur de la ferme France. Le groupe RDSE souhaiterait améliorer certaines des dispositions envisagées.

Nous aimerions notamment que la proposition de loi contienne des mesures traitant d’une transition globale et systématique des exploitations agricoles, dans laquelle l’atténuation et l’adaptation au changement climatique seront le fil conducteur des nouvelles démarches agricoles.

En ce sens, nous proposerons, en premier lieu, la réalisation d’un diagnostic de vulnérabilité de l’exploitation agricole et d’un plan de transformation de cette dernière et, en deuxième lieu, la réalisation d’un diagnostic de réduction de l’impact carbone et de performance agronomique des sols incluant les réductions d’émissions de gaz à effet de serre telles que définies dans le cadre du label bas-carbone. Nous souhaitons également que les paiements pour services environnementaux se démocratisent au sein des exploitations agricoles afin de faire de la restauration et du maintien des écosystèmes une source supplémentaire de revenus, et non pas une contrainte supplémentaire.

Je rappelle que le groupe RDSE s’est toujours positionné dans le débat pour une agriculture durable, innovante et rémunératrice, car soucieuse d’une meilleure reconnaissance de ses exploitants.

Dans cette perspective, le groupe sera attentif à l’examen de chacun des articles du texte, mais émet préalablement un avis globalement favorable sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, qui nous permettent tous les trois d’apporter notre pierre à cette discussion tellement ambitieuse qu’est une loi d’orientation, quand nous savons que l’agriculture française fonctionne encore globalement sur les fondements de lois d’orientation des années 1960.

Mon propos n’est pas de dire que ces lois ne sont plus d’actualité. Il est de dire que le monde a changé et qu’il y a des attentes nouvelles auxquelles il est essentiel d’apporter une contribution. La présente proposition de loi y participe. Je voudrais remercier notre rapporteur de son travail, qui vient compléter celui des trois dépositaires et autres cosignataires du texte.

Je voudrais prendre quelques exemples concrets. Je commencerai par l’article 2, dont l’objet est, tout simplement, de donner des perspectives, tous les cinq ans. C’est ce dont souffre la France depuis de nombreuses années : le manque de feuilles de route et de perspectives. Monsieur le ministre, je partage votre propos : une loi d’orientation s’inscrit dans le long terme, et nécessite d’introduire des rendez-vous, filière par filière. Fixer ainsi des rendez-vous tous les cinq ans sur la compétitivité et le positionnement de la ferme France est essentiel.

L’autre exemple que je voudrais prendre est celui de l’article 4. Je le dis d’autant plus que j’avais été rapporteur en 2015 de la proposition de loi de Jean-Claude Lenoir en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire. Nous avions déjà, en 2015, ici, au Sénat, évoqué l’idée d’un livret d’épargne populaire.

L’agriculture n’est pas seulement l’affaire des paysans. L’article 4 de la proposition de loi a pour objet d’appliquer à l’agriculture ce que nous sommes en train de réussir à faire pour la forêt. Des reboisements s’effectuent en effet à la faveur de moyens mobilisés par des particuliers, conjointement aux collectivités et à l’État. Là, c’est la même chose ! L’idée est de faire participer les Françaises et les Français aux choix stratégiques de leur alimentation. Cela me paraît très important : rendre les Françaises et les Français acteurs de la politique agroalimentaire de notre pays.

L’article 6 marque un rendez-vous important, monsieur le ministre. Nous avons réformé récemment le principe des calamités agricoles auquel nous avons substitué un dispositif assurantiel. Or le secteur assurantiel accorde une place plus importante que par le passé à la contribution des agriculteurs à la gestion du risque.

Si l’on veut réussir le dossier des calamités agricoles, si l’on veut réussir à bien suivre les aléas qui font qu’en agriculture les années ne se ressemblent pas, il est absolument stratégique de modifier le plafond de la déduction pour l’épargne de précaution. C’est une nécessité si l’on veut réussir la démarche que vous avez lancée et à laquelle le Sénat a contribué concernant la réforme de la gestion des risques.

L’article 10 nous fait vraiment plaisir, car nous avions déjà évoqué la question de l’information des consommateurs en 2015. Monsieur le ministre, la France interdit aux paysans français de faire des cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM). L’Europe l’interdit également. Or, tous les jours, les consommateurs français et européens mangent des OGM. Une honnêteté et une transparence de l’étiquetage sont nécessaires pour l’information des consommateurs. L’article 10 du texte repositionne notre responsabilité par rapport à la production et à la consommation.

J’en viens aux articles 19 et 20, que j’avais évoqués en commission. Je suis choqué par les propos qui ont été tenus tout à l’heure. L’agriculture peut au contraire être une forme de solution pour celles et ceux qui sont au bord du marché de l’emploi. Nous en avons besoin. Ces personnes peuvent retrouver des perspectives, l’étincelle dans le cœur qui leur donne envie de se relancer dans la vie professionnelle.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Très bien !

M. Daniel Gremillet. Nous savons tous que les fils et filles d’agriculteurs ne sont pas capables de reprendre l’ensemble des fermes qui se libèrent. Nous avons plus que jamais besoin d’ouvrir le monde agricole. Si nous voulons réussir notre indépendance alimentaire, nous avons plus que jamais besoin de permettre à des femmes et des hommes de se lancer dans l’agriculture : soit par le biais du salariat, soit – pourquoi pas, monsieur le ministre ? – par le biais de la transmission et de l’installation des jeunes. J’avais défendu cette idée lorsque je faisais partie des Jeunes agriculteurs.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains soutient cette proposition de loi et votera en sa faveur. Nous avons besoin de fixer un cap, et de donner envie. Notre avis sur ce texte est donc favorable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a dit Christiane Lambert, ancienne présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), lors du dernier salon de l’agriculture, notre agriculture dévisse.

En effet, depuis dix ans, notre balance commerciale ne cesse de se dégrader. Nous sommes l’un des seuls grands pays agricoles à voir ses parts de marché reculer depuis 2000. Nos capacités productives s’effritent. Certaines filières s’affaiblissent dangereusement.

Notre solde commercial a chuté, passant de 12 milliards d’euros en 2011 à 8 milliards d’euros en 2021. En matière d’exportations, nous sommes passés en vingt ans de la deuxième place à la cinquième place, alors que nos importations explosent : nous importons 2,2 fois plus qu’en 2000. Près de 50 % de ce que nous consommons aujourd’hui est issu des importations, principalement intra-européennes.

La compétitivité de notre agriculture décline dangereusement. Il était urgent de réagir ; c’est toute l’ambition de ce texte, que notre groupe soutient pleinement.

Cette proposition de loi vise à réduire les contraintes qui pèsent sur notre agriculture et nos agriculteurs, à encourager l’innovation et à accompagner les transitions.

En effet, depuis vingt ans, nous privilégions les injonctions sociétales et environnementales sans intégrer la dimension de la compétitivité et de la performance. C’est une erreur de vouloir opposer investissement, innovation, santé publique et performance. Il faut, au contraire, combiner ces objectifs.

Cette proposition de loi est dense et technique. Je veux à cet égard saluer le travail de ses auteurs et de notre rapporteure Sophie Primas, qui a su l’enrichir et la compléter.

Je voudrais maintenant m’attarder sur plusieurs mécanismes du texte.

L’article 13 complète les missions de l’Anses, qui sera chargée d’établir, dans ses avis, une balance des bénéfices et des risques. Or, de fait, cette agence n’a, à ce stade, ni les moyens ni les compétences nécessaires pour exercer cette nouvelle mission. C’est pourquoi, comme Mme la rapporteure, j’ai déposé en commission un amendement tendant à octroyer au ministre de l’agriculture un droit de veto en la matière, amendement qui a été adopté. Cela permettra de suspendre une décision de l’Anses si la souveraineté alimentaire est en péril ou si aucune solution alternative n’est possible. Nous devons tirer les leçons de nos erreurs et éviter de répéter des précédents qui ont lourdement fragilisé des filières entières.

L’article 9 est un autre des points majeurs du texte. Le stockage du carbone est un enjeu essentiel. L’agriculture que nous bâtissons doit être porteuse de solutions permettant de lutter contre le réchauffement climatique ; le stockage du carbone en est une.

L’article 12 vise, quant à lui, à lutter contre les surtranspositions de normes européennes, en fixant un principe de non-surtransposition. Le Conseil d’État sera chargé d’identifier dans ses avis les surtranspositions, qui sont souvent source de distorsions de concurrence et fragilisent nos filières. Elles contribuent également à réduire l’attrait du métier et à exaspérer nos agriculteurs, qui croulent sous les injonctions contradictoires et sous des directives mal comprises et souvent déconnectées des réalités quotidiennes de leur métier. Il faut absolument redonner du sens !

Enfin, l’investissement est crucial. À ce titre, deux dispositifs sont proposés : le crédit d’impôt et le livret Agri. Il est impératif de soutenir l’investissement dans nos outils de transformation et, plus généralement, dans le secteur agroalimentaire pour restaurer notre force exportatrice et maintenir notre puissance agricole.

Nous devons à tout prix allier performance, innovation et durabilité des produits. Aucun de ces objectifs n’est à sacrifier ; il faut au contraire les combiner. Telle doit être l’agriculture d’aujourd’hui et de demain. La productivité n’est pas incompatible avec les objectifs environnementaux !

Faute de temps, je ne pourrai pas m’attarder sur la séparation du conseil et de la vente, séparation sur laquelle le texte revient. C’est une mesure que j’ai toujours jugée contre-productive et source de complexité et de désorganisation. Il est préférable, à mon sens, de renforcer l’exigence et la qualité du conseil pour nos agriculteurs.

Pour conclure, monsieur le ministre, je formule le vœu que ce travail transpartisan, qui vient à point nommé, devienne un élément constitutif de votre futur projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, dont nous soutenons l’initiative.

Laurent Duplomb l’a bien dit : n’ayons pas peur ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Discussion générale (suite)

6

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de l’Assemblée de la République portugaise, conduite par son président, M. Augusto Santos Silva, et composée de membres du groupe d’amitié Portugal-France, présidé par Mme Emilia Cerqueira. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre se lèvent.)

La délégation, qui vient de s’entretenir avec le président du Sénat, est accompagnée par notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ, président du groupe d’amitié France-Portugal du Sénat.

La mission de nos homologues portugais porte en particulier sur nos relations économiques, culturelles et scientifiques. Elle fait suite à l’accueil, à Lisbonne, la semaine dernière, d’une délégation du groupe d’amitié France-Portugal.

La France et le Portugal, qui entretiennent des relations historiques étroites et denses, se sont encore rapprochés au sein de l’Union européenne.

Quelques mois après la clôture de la saison culturelle portugaise en France, et un an avant la commémoration du cinquantenaire de la Révolution des œillets, qui a rétabli la démocratie au Portugal, nous espérons que votre visite a pu contribuer à consolider encore nos liens parlementaires.

En votre nom à tous, mes chers collègues, permettez-moi d’adresser un salut solennel et amical à la délégation conduite par le président de l’Assemblée de la République du Portugal ! (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre applaudissent longuement.)

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Discussion générale (suite)

Ferme France

Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, présentée par MM. Laurent Duplomb, Pierre Louault, Serge Mérillou et plusieurs de leurs collègues.

Discussion générale (suite)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article additionnel avant l'article 1er - Amendements n° 70 rectifié quinquies et n° 79 rectifié

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Joël Labbé. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Joël Bigot applaudit également.)

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc amenés, quelques mois avant les débats sur le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, à discuter d’une pré-loi d’orientation, ou de la version qu’en a rédigée la majorité sénatoriale.

C’est bien de cela qu’il s’agit : le texte qui nous est soumis exprime des orientations claires pour notre agriculture. Pour notre part, nous ne pensons pas que ces orientations freineront la chute du nombre de paysans, limiteront l’endettement des agriculteurs ou empêcheront l’effondrement de la biodiversité, la pollution de l’eau et l’épuisement des sols. C’est à nos yeux une fuite en avant !

Je voudrais insister à cette tribune sur quelques reculs majeurs contenus dans le texte.

Son article 1er subordonne l’ensemble des politiques publiques agricoles à la compétitivité-prix, sacrifiant de fait les enjeux sociaux, environnementaux et sanitaires.

À l’article 8, on autorise largement l’épandage de pesticides par drone, sans prendre en compte les risques de dérives relevés par l’Anses.

M. Laurent Duplomb. C’est mieux qu’avec des pulvérisateurs !

M. Joël Labbé. Nous dénonçons les reculs sur les trop rares avancées de la loi Égalim. Nous voterons donc contre l’article 11, qui revient en arrière sur la qualité alimentaire en restauration collective. Il avait été décidé dans cette loi qu’y seraient proposés au moins 20 % de produits bio et 50 % de produits durables et locaux. Aujourd’hui, on est pourtant loin du compte. On se devrait donc, dans un tel texte – il le faudra bien en tout cas dans le prochain projet de loi d’orientation, qui doit être un projet d’avenir –, de soutenir cette approche avec force, ce qui suppose de donner des moyens aux territoires.

Nous sommes aussi particulièrement atterrés par l’article 12, qui subordonne la possibilité de mieux protéger l’environnement et la santé à l’absence de distorsion de concurrence européenne.

Nous dénonçons également l’article 13, qui soumet les retraits de pesticides jugés dangereux à une balance bénéfices-risques axée sur l’économie et remet en cause le rôle et l’indépendance de l’Anses,…

Mme Sophie Primas, rapporteur. C’est faux !

M. Joël Labbé. … indépendance reconnue depuis 2014.

Encore une fois, il s’agit d’acter, non sans cynisme, la supériorité des intérêts économiques de court terme, et de compliquer, voire d’entraver tout progrès dans la protection de nos concitoyens et de l’environnement.

M. Marc Fesneau, ministre. Caricature !

M. Joël Labbé. Les mesures sur l’eau sont tout aussi problématiques, notamment l’article 15, qui promeut le stockage et l’irrigation sans aucune réflexion sur leur encadrement à l’heure du réchauffement climatique.

Nous avons aussi à redire sur le volet social du texte, que nous jugeons plutôt antisocial. Rappelons que les cotisations sont non pas des charges, mais des outils de protection sociale !

Nous serons particulièrement attentifs, sur tous ces points, à la position que prendra le Gouvernement. Nous souhaitons que le processus de concertation en cours ne soit pas entravé.

Dans quelque temps, ce type de débat me manquera. À chaque fois, j’ai voulu dire tout ce qui me tenait à cœur, non pas avec des bannières ou quoi que ce soit d’autre, mais avec des convictions !

M. Laurent Duplomb. Nous aussi !

M. Joël Labbé. Oui, comme vous, mon cher collègue. Alors, allons-y !

Le rapport publié en 2013 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur les effets des pesticides sur la santé humaine m’avait frappé. Qu’en est-il sorti ? On a reconnu la maladie de Parkinson et le cancer de la prostate comme maladies professionnelles chez les agriculteurs.

Le rapport de la Cour des comptes sur le soutien à l’agriculture biologique a, quant à lui, relevé que celle-ci est très insuffisamment aidée. Enfin, le rapport de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050, montre que des politiques cohérentes et articulées permettraient de sortir de l’usage de ces molécules chimiques.

Ce matin encore, un article du journal Le Monde nous alertait, sans rien inventer, sur la chute des populations d’oiseaux : elle atteint 60 % en quarante ans sur le continent européen. C’est dire s’il y a vraiment des soucis !

À l’occasion de ce qui est très probablement – je suis prudent ! – ma dernière intervention dans une discussion générale, je dois vous exprimer mon dépit et mes regrets sur tous ces sujets.

Monsieur le ministre, vous avez argué tout à l’heure que l’agriculture biologique utilise, elle aussi, de l’eau… Encore heureux ! Mais c’est une question de quantité. L’agriculture biologique n’est pas industrielle ; j’insiste sur ce point. Je tiens à la défendre comme une véritable agriculture d’avenir. Or, dans ce texte, il n’y a pas un mot, pas une seule pensée pour l’agriculture biologique ! (Protestations au banc des commissions.) On nous dira qu’il faut arrêter d’opposer les agriculteurs…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Joël Labbé. Mais heureusement qu’il y a encore des gens qui la défendent ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)

Mme Sophie Primas, rapporteur. Nous aussi, nous la défendons !

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est largement issue des recommandations du rapport d’information de la commission des affaires économiques sur la compétitivité de la ferme France.

Les discussions que nous avons eues autour des conclusions de ce rapport nous ont permis de cheminer et de convenir, en commission, qu’il ne fallait ni opposer des modèles les uns aux autres ni condamner en bloc la stratégie de montée en gamme.

Si la compétitivité de notre modèle agricole ne peut pas reposer uniquement sur le haut de gamme, ne miser que sur les volumes sans tenir compte des externalités négatives que cette approche comporte ferait passer notre agriculture à côté des grands enjeux qui s’imposent non seulement à elle, mais aussi à toutes celles de la planète.

En plus d’assurer la souveraineté alimentaire, notre agriculture doit répondre à une exigence croissante de qualité et s’orienter vers des pratiques plus durables, respectueuses de l’environnement et du climat.

Face à la concurrence internationale croissante, de nombreux producteurs français ont ainsi fait le choix du bio ou d’une activité sous signe de qualité, synonyme de valeur ajoutée, de prix plus rémunérateurs et de conquêtes de nouveaux marchés.

La France fait ainsi, en Europe, figure de leader en matière de bio. Lorsque nous réussissons, soyons-en fiers, persévérons et maximisons notre avantage comparatif !

Les évolutions des pratiques et des exigences sociétales sont partagées par de jeunes agriculteurs, déjà installés ou en devenir, qui souhaitent être acteurs de la transition. Leur réussite sera la nôtre, car, d’ici à dix ans, un tiers des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite.

Le renouvellement des générations est donc une priorité ; c’est même le principal défi de notre agriculture, car sans agriculteurs, il n’y aura pas de ferme France.

Le dérèglement climatique et les évolutions démographiques nous imposent d’évoluer en profondeur, de nous adapter et d’anticiper.

C’est pourquoi, depuis six ans, nous sommes aux côtés du Gouvernement pour que les transitions nécessaires s’engagent rapidement, de manière pragmatique et efficace. Les concertations nationales et locales pour le pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles préfigurent un débat riche pour notre agriculture et une loi structurante pour son avenir.

Aujourd’hui, c’est de la compétitivité de notre agriculture que nous débattons : lutter contre la concurrence déloyale, rééquilibrer la fiscalité agricole, favoriser l’innovation et les investissements… Tout cela, nous y souscrivons.

Cependant, en examinant le texte qui nous est soumis, nous notons que, si nous partageons de tels objectifs, nous avons en revanche des réserves sur certaines mesures qui semblent parfois en contradiction avec ceux-ci.

Ainsi, alors que la bureaucratie et la surabondance des normes sont des freins à la compétitivité de notre agriculture, la mise en place d’un haut-commissaire à la compétitivité et d’un plan quinquennal de compétitivité peut étonner.

Il faut toutefois reconnaître et saluer la qualité du travail fourni par Mme la rapporteure, car certaines modifications apportées au texte en commission constituent des évolutions positives.

Je tiens en particulier à insister sur celles apportées à l’article 8, ainsi que sur l’expérimentation de la pulvérisation par aéronefs téléguidés. Tout en tenant compte des observations de l’Anses, on lève ainsi les freins à l’innovation qui entravaient le développement de toute une filière. Le recours à des drones permettra en effet de réduire significativement l’utilisation de produits phytosanitaires.

Le groupe RDPI a cependant déposé deux amendements visant à supprimer des mesures qui feront, sans aucun doute, l’objet de nouvelles discussions lors de l’examen du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles : d’une part, à l’article 15, la présomption d’intérêt général majeur des ouvrages visant à prélever et stocker l’eau à des fins agricoles ; d’autre part, à l’article 18, l’abrogation de deux avancées significatives de la loi Égalim : la séparation de la vente et du conseil et l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques.

L’article 15 porte sur un sujet sensible qui fait débat dans l’ensemble de la société. La solution préconisée, en plus de susciter des crispations, affaiblirait la concertation locale que l’article 16 vise pourtant à renforcer au sein des projets territoriaux de gestion de l’eau (PTGE).

Le revirement opéré à l’article 18, quant à lui, nécessiterait que l’on prenne le temps d’en évaluer l’impact en termes de recours aux produits phytopharmaceutiques.

Enfin, les mesures proposées de maîtrise des charges sociales et des charges de production, si elles nous paraissent pertinentes, semblent davantage relever du projet de loi sur le travail que nous examinerons cet été ou du projet de loi de finances.

Mes chers collègues, le chemin parcouru depuis la parution du rapport d’information qui a inspiré ce texte semble préfigurer de potentiels consensus sur le projet de loi d’orientation agricole ; il est important de le souligner sans masquer les désaccords qui subsistent.

Pour ces raisons, et sous réserve des débats que nous aurons sur ce texte, les membres du groupe RDPI auront pleine liberté de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (M. Joël Bigot applaudit.)

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous y voilà : alors que les concertations sur le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles viennent à peine de se conclure, la majorité sénatoriale nous propose, avec ce texte, un premier round pour définir notre future politique agricole.

Nous commençons à être habitués à ce jeu politique entre la droite sénatoriale et le Gouvernement, un jeu où les propositions de loi sénatoriales servent à influencer les futurs projets de loi, avec un terrain d’entente : toujours plus à droite, toujours plus libéral ! (Mme Nicole Bonnefoy applaudit.)

Nous aurions pu espérer que l’agriculture, qui est au cœur de l’histoire de notre pays, échappe à ces nouveaux calculs politiques et à cette volonté incontrôlée de tout déréglementer, de tout déconstruire dans des logiques purement économiques.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit pourtant dans cette trajectoire.

Vous l’aurez compris par cette courte introduction, mes chers collègues, mon groupe s’opposera avec vigueur à la très grande majorité des dispositions du texte.

Avant de revenir de manière plus détaillée sur les principaux aspects qui justifient notre opposition, je souhaite aborder le débat idéologique, voire philosophique, qui sous-tend le rapport qui a inspiré ce texte, débat qui justifie notre opposition. Je veux parler de la fameuse opposition entre modèles agricoles, mon cher collègue Laurent Duplomb…

M. Laurent Duplomb. Oui, vous l’entretenez sans cesse !

M. Jean-Claude Tissot. Nous ne pouvons pas nier qu’il existe – cette proposition de loi le prouve une nouvelle fois – deux visions de l’agriculture, avec leurs spécificités et leurs valeurs.

Toutefois, mes chers collègues – je pense que mon expérience, ayant exercé le métier d’agriculteur, me permet de le dire –, les différences entre ces deux visions ne peuvent pas se résumer à la simple opposition entre un « bon modèle », fondé sur la raison, qui servirait à nourrir les hommes, et un « modèle de l’utopie » défendu par les écologistes, bobos et autres décroissants… Non, mes chers collègues, ces deux modèles ont une même vocation : nourrir les hommes ! Et tous deux, s’ils sont adaptés à leur territoire, peuvent être compétitifs et pérennes.

Mais la principale différence entre ces deux visions est que le modèle de l’agroécologie et de l’agriculture biologique a élargi son approche, en essayant d’aboutir à un système qui respecte autant le producteur que l’environnement.

Et je pense très sincèrement, monsieur le ministre, que c’est le rôle des pouvoirs publics et du législateur d’apporter un soutien de long terme à un modèle qui tente d’allier santé humaine et préservation de l’environnement. (Mme Nicole Bonnefoy applaudit.)

Pour en revenir à la question de la compétitivité, France Stratégie, institution autonome placée auprès de la Première ministre, a publié en 2020 une étude sur la rentabilité des exploitations agricoles en fonction de leur modèle.

Après de nombreuses études de terrain, les deux auteurs de ce rapport en sont venus à la conclusion suivante : « Les exploitations agroécologiques présentent en général des résultats économiques à moyen terme supérieurs à ceux d’exploitations conventionnelles. »

Mes chers collègues, il me semble donc totalement aberrant de considérer que l’agriculture française souffrirait actuellement des choix faits en 2014, lors de l’ouverture à ce nouveau modèle.

Pour revenir sur les divergences de fond, je souhaiterais à présent aborder l’ensemble des articles fiscaux de cette proposition de loi.

En effet, pour les auteurs du texte, la question de la compétitivité semble se résumer à deux termes : crédit d’impôt et exonération.

Au sein de mon groupe, comme nous l’exprimons lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, nous croyons à un impôt qui soit juste et redistributeur, portant uniquement sur les personnes qui peuvent le payer.

Toutefois, nous n’avons pas de difficulté à aborder la potentielle question du « trop d’impôt », de celui qui peut mettre en difficulté des concitoyens ou des entreprises.

Cela dit, il me semble quand même qu’il y a un problème dans les dispositions fiscales que vous proposez : elles ne semblent conçues que pour les plus favorisés, pour ceux qui réalisent déjà des bénéfices importants, et elles n’aideront aucunement les agriculteurs en difficulté.

Mme Sophie Primas, rapporteur. C’est l’inverse !

M. Jean-Claude Tissot. Il me semble, sauf erreur de ma part, que proposer une augmentation du plafond pluriannuel de la déduction pour épargne de précaution (DEP), pour le fixer à 200 000 euros, avec une déduction maximale par exercice amenée à près de 60 000 euros, c’est surtout proposer une disposition pour les exploitants agricoles qui ont la chance de faire des bénéfices et de pouvoir mettre des sommes importantes de côté.

À cela, on peut ajouter le crédit d’impôt pour la mécanisation figurant à l’article 5, que Mme la rapporteure a heureusement plafonné à 20 000 euros – nous avons déposé un amendement tendant à descendre encore ce plafond, mais il a reçu de la commission un avis défavorable ; c’est dommage ! –, la création d’une déduction fiscale pour favoriser la contractualisation, à l’article 7 ou encore l’augmentation des seuils d’exonération de l’impôt sur le revenu agricole prévue à l’article 24.

Alors que nous devrions réfléchir à des aides pour les agriculteurs les plus en difficulté, cette volonté de permettre aux plus favorisés de contourner l’impôt est inquiétante pour notre pacte républicain.

Je souhaite faire part de mon profond étonnement quant à la teneur de l’ensemble des articles qui réécrivent allégrement le droit du travail.

Alors que ce texte est centré sur la question agricole, ses auteurs ont choisi d’introduire la notion de « secteurs prioritaires en tension » au sein des missions de Pôle emploi, ou encore de créer une exonération inédite, au sein du dispositif dit de bonus-malus, pour les contrats courts.

Monsieur le ministre, il serait peut-être pertinent que votre collègue Olivier Dussopt, ministre du travail, soit présent à vos côtés pour nous présenter la position du Gouvernement sur l’ensemble de ces points, d’autant que les mesures proposées sont loin d’être anodines et mériteraient a minima une étude d’impact.

Il me semble quand même important de rappeler que ce secteur bénéficie déjà d’un dispositif particulier, que je soutiens dans chaque projet de loi de finances, à savoir le dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi, qui offre une exonération de cotisations aux employeurs du secteur agricole.

M. Laurent Duplomb. Nous le pérennisons !

M. Jean-Claude Tissot. En cohérence avec nos positions antérieures, nous soutiendrons cette pérennisation.

C’est la raison pour laquelle, au sein de mon groupe, nous sommes profondément surpris par la philosophie des articles 19 et 20 : l’idée latente d’envoyer les personnes éloignées de l’emploi « aux champs » relève d’une vision bien particulière du travail !

C’est d’autant plus étrange que ces propositions ignorent les conditions de travail déjà difficiles rencontrées par de nombreux saisonniers, mais aussi les difficultés qu’ont les exploitants agricoles à offrir des locaux adaptés pour recevoir convenablement une telle main-d’œuvre.

Pour ces raisons, nous nous opposerons à l’ensemble des articles qui reviennent sur les droits des travailleurs.

Enfin, et il s’agit certainement du point le plus inquiétant de cette proposition de loi, de nombreux articles prévoient des retours en arrière inconcevables sur les enjeux environnementaux.

Alors même que le président du Sénat vient de mettre en demeure l’un des principaux lobbies des pesticides, Phyteis, pour avoir fourni des informations erronées aux parlementaires, vous faites le choix, mes chers collègues, de rouvrir la porte à un certain nombre de pratiques et de revenir sur des acquis pourtant difficilement obtenus.

Avec la réautorisation de l’épandage aérien des produits phytopharmaceutiques,…

Mme Sophie Primas, rapporteur. Un épandage par drone, pour plus de précision !

M. Jean-Claude Tissot. … on revient de manière incompréhensible sur les conclusions du rapport d’information Pesticides : vers le risque zéro, rédigé par notre collègue Nicole Bonnefoy et adopté à l’unanimité !

La réautorisation des promotions sur les pesticides et la suppression de la séparation du conseil et de la vente pour ces mêmes produits représentent également un retour en arrière sur une disposition acquise ici même, avec difficulté, lors de l’examen de la loi Égalim.

Je rappelle simplement qu’en 2018 les rapporteurs de ce texte, Anne-Catherine Loisier et notre ancien collègue Michel Raison, avaient défendu le maintien de la séparation du conseil et de la vente prévu dans le texte gouvernemental. Cinq ans plus tard seulement, vous faites le choix de les déjuger et de revenir sur ce maigre acquis.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Ça ne marche pas !

M. Jean-Claude Tissot. L’article 13 de cette proposition de loi est certainement le plus problématique.

Alors que l’Anses est une agence d’expertise scientifique et indépendante, vous choisissez de lui donner un rôle politique, en incluant dans ses missions la réalisation d’« une balance détaillée des bénéfices et des risques sanitaires, environnementaux et économiques de la décision envisagée ».

Et de surcroît, madame la rapporteure, vous avez décidé de donner au ministre de l’agriculture la possibilité de suspendre certaines décisions de l’Anses, et même de prendre une décision relative à une autorisation de mise sur le marché.

M. Laurent Duplomb. Ça existait avant !

M. Jean-Claude Tissot. Très sincèrement, mes chers collègues, comment pouvez-vous avoir une telle vision de cette agence indépendante, indispensable pour évaluer scientifiquement un produit phytosanitaire ? Comment pouvez-vous, en tant que parlementaires, souhaiter concentrer autant de pouvoirs dans les mains du ministre ? (Mme Nicole Bonnefoy applaudit. – Protestations au banc des commissions.)

J’aurais aussi pu évoquer les délais de grâce pour les pesticides interdits, mais nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats.

Enfin, concernant l’eau, la majorité sénatoriale fait le choix de jeter de l’huile sur le feu, en créant un motif d’intérêt général majeur dont absolument personne n’est capable de nous donner de définition précise, et en réduisant les contentieux, dans une triste vision du rôle joué par la justice.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, au sein du groupe socialiste du Sénat, nous nous opposerons fermement à cette proposition de loi,…

M. Jean-Claude Tissot. … et nous proposerons logiquement la suppression d’une grande partie de ses articles.

Ce premier round est donc particulièrement peu engageant. Mais nous saurons défendre un autre modèle agricole, compétitif, pérenne et respectueux de l’agriculteur, du consommateur et de l’environnement ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Joël Bigot applaudit également.)

M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il y a bien une conviction que notre groupe partage avec les auteurs de ce texte, c’est celle que notre modèle agricole doit être transformé en profondeur. Pour le reste, nous ne partageons ni la vision de l’agriculture développée dans cette proposition de loi ni les solutions qui y sont mises en avant. Ce sont donc bien deux visions qui s’opposent.

Aborder le sujet de l’agriculture, c’est se plonger dans un système complexe, placé au cœur de l’économie mondialisée, et qui mêle plusieurs questions essentielles : celle, d’abord, des ressources naturelles, de l’eau, de l’air, de la Terre, qui nous nourrit et dont nous devons prendre soin, car nous n’en avons qu’une ; celle, également centrale, du travail et de la rémunération des femmes et des hommes qui nous permettent de nous nourrir et qui éprouvent chaque jour les conséquences d’un changement climatique qui s’accélère ; celle, enfin, du droit à une alimentation saine et de qualité pour toutes et tous.

L’enjeu est de taille. Nous sommes désormais forcés de constater qu’une alimentation à deux vitesses s’est mise en place dans notre pays, propulsée par une inflation alimentaire sans précédent et par les échecs de décennies entières passées à favoriser les traités de libre-échange plutôt qu’à encourager et à accompagner une agriculture locale, bio et paysanne.

Les phénomènes d’agrandissement et de spécialisation, qui entraînent des accaparements fonciers et qui conduisent à une disparition des paysans, sont ignorés et passés sous silence.

La compétitivité par les prix reste le prisme de réflexion, mandat après mandat, gouvernement après gouvernement, sans reconnaître les spécificités de l’agriculture ni l’absolue nécessité d’une exception agricole.

Les traités de libre-échange restent la logique de la politique agricole française, sans cesse guidée par le moins-disant social et environnemental, sans parler de la PAC, dont il faut revoir les priorités et les critères.

Ces raisonnements nous conduisent sur une pente dangereuse, celle du renoncement, mais aussi, parfois, du dénigrement de l’administration et des agents publics, en particulier de l’Anses, dont vous nous avez dit, monsieur le ministre, qu’elle n’avait pas « vocation à décider de tout, tout le temps, en dehors du champ européen et sans jamais penser aux conséquences pour nos filières ».

Vous avez raison, monsieur le ministre : on peut parfois concilier intérêts économiques et intérêts sociaux ; mais, souvent, privilégier les intérêts économiques de court terme va à l’encontre de la défense de l’intérêt général, de la santé et de l’environnement.

Non, nous n’avons pas le temps de faire une pause environnementale de cinq ans, n’en déplaise au Président de la République, ni sur la qualité de l’air, ni sur la qualité des sols, ni sur la qualité de l’eau.

Sur ce dernier point, nous allons d’aberration en aberration. Nous le voyons bien sur la question des retenues d’eau : déclarer systématiquement, sans distinction, qu’elles relèvent de l’intérêt public majeur reviendrait à autoriser toutes les mégabassines !

L’eau doit être considérée comme un bien commun, et sa gestion doit reposer sur le triptyque : préservation, partage, juste répartition. Parce qu’elle est une ressource indispensable à la vie, la réalisation de tels ouvrages doit se faire à partir de critères de faisabilité, de pertinence scientifique et d’objectifs d’utilité publique.

Les projets de territoires pour la gestion de l’eau ont vocation non pas à donner blanc-seing à toutes les mégabassines, mais bien à interroger l’ensemble des possibilités sur un territoire pour optimiser, répartir et préserver la ressource en eau.

Dernier point, et non des moindres, la question de l’emploi et du travail agricole.

Le milieu perd des actifs et peine à renouveler les départs à la retraite. C’est toute une politique de l’emploi qu’il faut revoir pour lutter contre des conditions de travail dégradées et contre des dispositifs fiscaux qui encouragent le recours aux contrats courts et saisonniers.

Plutôt que de précariser le travail agricole, il faut renforcer son attractivité et garantir des conditions de travail dignes aux hommes et aux femmes qui nous permettent de nous nourrir, en France et partout dans le monde.

C’est tout un système mondial qu’il faut repenser : un système dans lequel des multinationales toujours plus avides de profit épuisent les terres des pays en voie de développement, exploitent les populations locales, condamnent la biodiversité et, avec elle, toute l’humanité ; un système dans lequel le capitalisme règne en maître sur des marchés mondiaux ; un système dans lequel les agricultures vivrières et les petites structures n’ont pas leur place…

Aux traités de libre-échange et à la compétition mondiale, il faut opposer les coopérations entre pays, inverser les logiques à l’œuvre dans ce capitalisme dévastateur pour l’humain et pour la planète.

La rémunération du travail paysan, la réduction du réchauffement climatique, l’accès à une alimentation de qualité pour toutes et tous, la préservation de la biodiversité sont les seules conditions, incompatibles avec les lois du profit, d’une sécurité alimentaire française et mondiale. ((Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où le commerce international de produits agroalimentaires n’a jamais été aussi dynamique, la France est l’un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent.

M. Laurent Duplomb. C’est vrai !

Mme Anne-Catherine Loisier. Elle est ainsi passée du deuxième au cinquième rang des exportateurs mondiaux en vingt ans. Les deux tiers de ses pertes de marché s’expliquent par son manque de compétitivité.

La France décroche en raison de plusieurs facteurs : la hausse des charges, liée au coût de la main-d’œuvre, aux surtranspositions, à une fiscalité trop lourde ; une productivité en berne, du fait de moindres investissements dans l’agroalimentaire et de l’effet de taille d’exploitation, la ferme France reposant historiquement sur un modèle familial, à la différence de bon nombre de nos concurrents ; enfin, l’agribashing, qui vitupère un modèle agricole comptant pourtant parmi les plus vertueux au monde en matière environnementale.

Face à ces constats, notre responsabilité politique est dès lors d’adapter notre modèle agricole et nos politiques publiques nationales, afin de concilier compétitivité, innovation, transition environnementale et attractivité, mots d’ordre réalistes qui doivent désormais guider notre action à court, moyen et long terme.

La proposition de loi issue de l’initiative transpartisane de nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, que je salue, présente de premiers éléments de réponse déterminants pour l’avenir de la ferme France et offre aussi des perspectives aux générations d’agriculteurs qui vont s’engager.

Ce texte comporte plusieurs mesures stratégiques aux yeux du groupe Union Centriste : facilitation du financement des investissements agricoles grâce au livret Agri ; soutien aux filières ayant recours aux TO-DE en raison de leurs spécificités ; augmentation des seuils d’exonération de l’impôt sur les revenus agricoles afin de redonner des marges de manœuvre aux agriculteurs ; fin de mesures discriminatoires comme les surtranspositions ou la non-application des clauses miroir.

Le travail en commission et l’investissement de la rapporteure Sophie Primas ont permis d’enrichir le texte, afin de mieux protéger notre agriculture des distorsions de concurrence au sein de l’Union européenne et avec le reste du monde, de modérer les charges pour que le revenu des agriculteurs ne soit plus la variable d’ajustement de la compétitivité et que nos atouts relevant de la compétitivité hors prix soient mieux pris en compte et, enfin, de faciliter l’innovation agricole, clef de la transition énergétique et écologique.

En commission, nous avons clarifié le rôle du haut-commissaire à la compétitivité, chargé de coordonner, planifier et structurer les politiques agricoles. Nous avons également validé l’usage des drones, afin de permettre une pulvérisation aérienne de précision des produits phytosanitaires et approfondi le sujet décisif des clauses miroir, tant attendues. Il nous a enfin paru déterminant de redonner la main au politique en permettant au ministre de l’agriculture de suspendre temporairement une décision de l’Anses de retrait de mise sur le marché de produits phytosanitaires dans des conditions déterminées.

Avec plusieurs de mes collègues centristes, nous présenterons des amendements visant à mettre un terme à la concurrence déloyale qui sévit dans le commerce des miels, à soutenir l’emploi de saisonniers dans les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers, à accélérer la prise du décret d’application de la loi Égalim 2 visant à rendre obligatoire l’indication du pays d’origine ou le lieu de provenance des viandes utilisées en ingrédients, à mieux valoriser le stockage de carbone dans les sols agricoles ou encore à renforcer les fonds propres des coopératives.

Alors que le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles sera présenté à l’automne prochain au Parlement, le Sénat prend date avec ces propositions, qui engagent notre modèle pour les quinze années à venir. Nous souhaitons non pas opposer, mais concilier pour assumer les défis sociétaux de décarbonation et de gestion de l’eau qui sont devant nous.

La survie et la prospérité de nos entreprises agricoles dépendront de notre capacité à concevoir des modèles multifonctionnels qui servent les trois piliers – économie, environnement, société – du développement durable.

Avec ma collègue Nadia Sollogoub, qui complétera mes propos, nous saluons les avancées présentes dans le texte et confirmons qu’une grande majorité des membres du groupe centriste voteront en sa faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions. – M. Yves Bouloux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi qui, je le souhaite vivement, fera date pour la compétitivité de notre agriculture et notre souveraineté alimentaire. Je tiens d’ailleurs à saluer ici le travail de ses trois auteurs : Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou.

Issue d’un excellent rapport d’information sur la compétitivité de la ferme France, adopté au mois de septembre 2022 par la commission des affaires économiques, cette proposition de loi transpartisane vise à inverser le déclin de notre puissance agricole.

Le Sénat alerte le Gouvernement à ce sujet depuis plusieurs années. La situation est véritablement alarmante : la France importe plus de produits alimentaires qu’elle n’en exporte, et la concurrence européenne et internationale lui a fait perdre des parts de marché très importantes.

Comme le pointent très justement nos collègues, nous nous sommes repliés sur une production de denrées haut de gamme qui fait, certes, la fierté de la France, mais qui n’est pas suffisamment rémunératrice pour nos agriculteurs. Beaucoup de nos concitoyens, notamment les plus modestes, se trouvent ainsi contraints de consommer des produits importés, sans même évoquer la restauration hors domicile. Ce n’est plus concevable.

Nous connaissons les causes de cette perte dramatique de compétitivité : surréglementation, charges excessives, productivité faible, coût de la main-d’œuvre, fiscalité trop lourde, manque d’investissements, prix élevés… Ce à quoi s’ajoutent aujourd’hui la crise des prix de l’énergie et l’inflation.

Or la pandémie de covid-19 et la guerre en Ukraine ne nous ont que trop bien rappelé l’importance géostratégique de la souveraineté alimentaire. Il est grand temps de réagir et de rendre du souffle à l’agriculture française dans son ensemble, notamment par des investissements d’avenir et des innovations en matière de transition des pratiques agricoles. C’est l’esprit de cette proposition de loi.

Le texte, composé de vingt-six articles, a plusieurs objectifs : assouplir le cadre normatif, lutter contre les surtranspositions, améliorer le cadre fiscal pour susciter l’investissement, encourager l’innovation pour la productivité et accompagner l’agriculture dans sa transition écologique. Mme la rapporteure Sophie Primas, dont je salue également le travail, y a ajouté des dispositions visant à alléger les charges pesant sur les agriculteurs et à préserver davantage l’agriculture française des distorsions de concurrence européenne et internationale.

La ligne d’horizon de ce texte reste le triptyque que nous défendons ardemment au Sénat : bien manger, prix abordables pour le consommateur français, juste rémunération des agriculteurs.

Parmi les mesures phares, la création d’un haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires françaises auprès du ministre de l’agriculture et la mise en œuvre d’un plan quinquennal vont permettre de définir de véritables objectifs agricoles avec de vrais responsables.

La rapporteure a également introduit une disposition permettant au ministre de l’agriculture de suspendre de nouveau une décision technique du directeur général de l’Anses.

Par ailleurs, le fonds de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficulté et l’augmentation des plafonds de la déduction pour épargne de précaution viendront soulager les producteurs, notamment les éleveurs en difficulté.

Enfin, dans la mesure où l’accompagnement de nos agriculteurs face au dérèglement climatique est crucial – je pense notamment au défi du partage de l’eau –, au risque de perdre encore en compétitivité, ce texte rend possible la réalisation d’un diagnostic carbone et de performance agronomique des sols pour les structures agricoles, cofinancé par l’État.

Le rôle de l’agriculture dans notre transition écologique est – faut-il le rappeler ? – décisif. À ce titre, il est nécessaire de donner à nos agriculteurs les moyens d’agir encore plus pour la préservation de la biodiversité, notamment de notre bocage.

En somme, au travers cette proposition de loi, il s’agit d’être cohérent : si nous voulons défendre notre puissance agricole et retrouver notre souveraineté alimentaire, il faut nous en donner les moyens. Ne soyons pas naïfs, sans compétitivité nouvelle, nous ne parviendrons ni à rendre leur pleine attractivité et une rémunération juste aux métiers agricoles ni à enrayer l’érosion du potentiel de production que nous constatons dans nos territoires. En Mayenne, par exemple, entre 2010 et 2020, nous avons perdu plus de 1 000 fermes. Dans le même temps, le nombre de chefs d’exploitation a diminué de 17 %.

Ne perdons pas de temps et saisissons l’occasion que nous offre cette proposition de loi ambitieuse pour construire une agriculture française forte, dynamique et durable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la compétitivité de la ferme France, quelques heures à peine après le sommet Choose France organisé à Versailles par le président Macron.

La terre de France, nos agriculteurs l’ont choisie ; ils la travaillent tous les jours. À l’instar des autres entrepreneurs auxquels s’adresse le chef de l’État, ils font chaque jour de la production et du négoce. Comme les autres chefs d’entreprise, ils font face à des obligations de rentabilité, à des problématiques de cours nationaux et internationaux, à des soucis de recrutement, à des galères administratives. Ce sont des businessmen farmers. Mais leurs clients, nationaux et internationaux, les consommateurs de leurs produits, eux, choisissent de moins en moins la France…

Très conscients de cette forme de décroissance, nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, à la suite de leur rapport d’information, nous proposent un texte aux mesures concrètes, opérationnelles, inspirées des difficultés identifiées dans les exploitations.

Les politiques publiques doivent d’urgence se décider à donner un cap à une reconquête stratégique nationale. N’attendons pas de devoir un jour réagricoliser la France, comme nous devons aujourd’hui essayer de la réindustrialiser. Espérons ne pas avoir à pleurer notre agriculture perdue comme nous pleurons notre industrie perdue.

Créer un haut-commissariat à la compétitivité agricole, lui donner des outils, du pouvoir et des moyens est un signe fort, à condition que ce ne soit pas un « machin » de plus ou une coquille vide.

Oui, la compétitivité agricole doit être surveillée avec la plus grande attention. Il ne faut pas se contenter de la constater a posteriori, ou plutôt d’en constater l’absence, à l’aune des disparitions d’exploitations ou des décapitalisations de cheptel.

Oui, nous devons éradiquer la surtransposition des normes, qui entravent, là comme ailleurs, le fonctionnement des entreprises. Ce qui est particulièrement grave en l’espèce, c’est que l’on demande à l’agriculture de s’adapter aux changements de l’environnement tout en l’enfermant dans un carcan rigide et chaque jour plus contraignant.

Depuis l’apparition de la vie sur terre, l’agriculture n’a cessé d’évoluer selon les besoins des hommes et le contexte naturel. Elle a suivi l’évolution du monde, poursuivant constamment sa mission nourricière. Si elle ne l’avait pas fait, l’homme aurait disparu.

En France, cependant, pour des raisons qui ne sont pas les bonnes, on enchaîne l’agriculture, on la ligote dans des injonctions contradictoires, prenant le risque insensé de l’affaiblir gravement.

Nous devons lui rendre la liberté d’évoluer, accorder plus de moyens à son soutien plutôt qu’à son contrôle et encourager massivement l’innovation, comme le prévoit cette proposition de loi.

Ce n’est pas le champ qui fait la moisson ; c’est le labour, dit justement un proverbe espagnol. Sanctuariser des parcelles agricoles n’est pas une fin en soi s’il n’y a pas de bras pour les exploiter. Il n’est pas inutile de rappeler ce prérequis face aux risques d’excès du « zéro artificialisation nette ».

La folie administrative, les surtranspositions malvenues, quoique pétries de bonnes intentions, mais aussi les distorsions de concurrence par rapport aux autres pays producteurs sont autant de vers qui rongent la ferme France.

Il faut, avec bon sens et de toute urgence, éradiquer les inepties, décréter un vrai plan de relance d’une production agricole compétitive et concurrentielle. La fiscalité est un vieil outil, qui sait souvent être efficace ; utilisons-la à bon escient.

La transmission des exploitations et le renouvellement des générations sont aussi des enjeux essentiels. De manière générale, une entreprise déficitaire ne trouve pas de repreneur : l’enjeu de prospérité et compétitivité en est donc d’autant plus vital.

Nous déplorons aussi qu’il soit aujourd’hui beaucoup plus facile de s’agrandir que de reprendre une exploitation. C’est une dérive dont nous risquons de faire très vite les frais.

Enfin, je souhaite vous faire partager ma réflexion sur la non-valorisation des apports de l’agriculture à notre société. Celle-ci doit s’adapter aux évolutions climatiques ; elle est chargée de notre souveraineté alimentaire ; elle s’inscrit désormais comme un producteur d’énergie ; c’est l’acteur essentiel de la décarbonation ; elle est dépositaire des enjeux de biodiversité… Il est temps de comprendre que l’on ne peut pas avoir tout pour rien ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda.

Mme Muriel Jourda. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en lieu et place de Jean Pierre Vogel, président de la section Cheval du groupe d’études Élevage, qui ne peut pas être présent parmi nous.

Je m’attarderai assez peu sur l’économie générale de cette proposition de loi, qui a très largement été exposée. Nous connaissons tous la situation de nos agriculteurs, perclus de charges et de normes, qui sont une forme particulière de charges. Notre agriculture se trouve aujourd’hui dans un environnement juridique si contraint qu’elle a perdu en compétitivité.

Qui connaît la démographie agricole sait combien il était urgent de provoquer un choc de compétitivité pour notre agriculture, qui brille par son excellence unanimement reconnue. J’en remercie les trois auteurs de cette proposition de loi.

Je souhaiterais plus particulièrement évoquer l’article 25 de ce texte, qui vise à appliquer un taux de TVA intermédiaire de 10 % à la filière équine. Nous nous félicitons de cette mesure, qui émane de la section Cheval et de son président. Il s’agit d’un élément technique dont Mme Primas et M. Duplomb ont parfaitement saisi l’importance.

Rappelons que, entre 2004 et 2012, la filière équine a bénéficié d’un taux de TVA de 5,5 % particulièrement favorable à son développement. En 2012, la CJUE, s’appuyant sur une directive européenne, a imposé de porter ce taux à 20 %, ce qui a été extrêmement préjudiciable à la filière.

Tous les gouvernements successifs se sont engagés à revenir sur cette mesure, qui nuit à la compétitivité de notre filière équine, si le cadre européen évoluait. Or cet engagement peut désormais être tenu, ledit cadre européen ayant été modifié sous la présidence française de l’Union européenne.

Monsieur le ministre, allez-vous répondre à cette attente importante de la filière équine en maintenant le taux de TVA de 10 % retenu dans cette proposition de loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Je voudrais tout d’abord remercier M. Requier de son engagement continu sur les sujets agricoles ; j’ai bien noté les points qu’il a soulevés.

Monsieur Gremillet, nous avons franchi une première étape en stabilisant le dispositif de l’épargne de précaution sur trois ans dans le projet de loi de finances pour 2023. Il s’agit d’un sujet important de compétitivité, mais il faut aussi travailler à la définition de cette notion et de ses objectifs. Prolonger par principe un dispositif qui a montré son intérêt ne suffit pas.

Monsieur Menonville, cela fait au moins vingt-trois ans que nous perdons en compétitivité. Nous devons assumer collectivement ce qui a été réalisé sous plusieurs septennats et quinquennats : le principe de précaution a été introduit dans la Constitution sous la présidence de Jacques Chirac, et le Grenelle de l’environnement s’est tenu sous celle de Nicolas Sarkozy.

Soit on décide de s’inscrire en rupture totale avec le passé, soit on assume collectivement le cadre qui a été construit. Notre pays est le seul à avoir inscrit le principe de précaution dans sa Constitution : assumons collectivement ce cadre et essayons d’avancer sans nécessairement remettre en cause une œuvre commune, qui peut présenter des défauts, mais qui correspond aussi à notre tempérament particulier.

Monsieur Labbé, ne caricaturons pas sur la question des drones. Les auteurs de la proposition de loi ne veulent pas épandre davantage : c’est tout l’inverse ! Nous nous engageons sur la voie de la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, ce que nous souhaitons tous, me semble-t-il. Le drone peut, certes, avoir d’autres usages, mais il peut aussi se révéler très intéressant pour l’agriculture, notamment pour sécuriser le travail des agriculteurs sur des terrains escarpés.

Par ailleurs, monsieur Labbé, une tomate bio et une tomate conventionnelle ont besoin de la même quantité d’eau ; idem pour le maïs. Bien sûr, nous devons réfléchir aux façons de mieux utiliser l’eau et de mieux la stocker dans les sols. Mais, de grâce, essayons de ne pas tomber dans la caricature : oui, l’agriculture a besoin d’eau, mais évitons tout propos excessif. Nous sommes l’un des pays utilisant le moins d’eau et comptant le moins de surfaces irriguées ; nous en comptons moins, par exemple, que les Pays-Bas.

M. Laurent Duplomb. Et moins qu’au début du XXIe siècle !

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Schillinger, vous avez évoqué des sujets qui peuvent faire l’objet de réserves. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des amendements. Je vous remercie de vos propos.

Monsieur Tissot, je récuse l’idée d’un jeu politique. Nous ne nous faisons pas la courte échelle. Ce serait faire grief à Mme Primas, à M. Duplomb et à moi-même que de laisser croire que nous serions capables de nous influencer les uns les autres : nous sommes des esprits suffisamment libres et indépendants pour vivre nos vies séparément ; parfois, nos points de vue convergent, parfois, non, mais toujours dans la liberté du débat démocratique.

Certains des sujets de ce texte proviennent des concertations. Il faut savoir les entendre, quand bien même vous ne seriez pas d’accord. Les sujets concernant l’eau, par exemple, sont remontés des concertations. Il faut essayer de dépassionner le sujet et d’avancer concrètement.

Monsieur Gay, vous connaissez les grands auteurs, et je ne puis que vous remercier de m’avoir cité… « Pas tout, pas tout le temps » : voilà ce que j’ai dit sur les avis de l’Anses. Je ne retire rien, comme je l’ai rappelé au sénateur Salmon, qui m’a parfois demandé de revenir sur des avis de l’Anses. Il ne s’agit pas de propos révolutionnaires, même si je commence à m’interroger compte tenu des reproches qui me sont adressés ! Toujours est-il qu’il n’est nullement question d’en rabattre sur les questions de santé !

Par ailleurs, viser la neutralité carbone en 2050, c’est tout sauf faire une pause ! En revanche, changer les règles en permanence ne permet pas de bien organiser les filières.

Madame Loisier, vous avez raison d’insister sur le financement agricole et sur l’importance des innovations. Je crois beaucoup à ce dernier sujet.

Monsieur Chevrollier, la situation alarmante que vous décrivez est juste et nous la partageons tous. Vous avez évoqué un triptyque ; j’y ajouterais un quatrième élément : la transition écologique. Il ne s’agit pas de produire davantage de normes. À la vérité, si nous n’agissons pas, l’érosion du potentiel de production des sols se poursuivra. Il faut y réfléchir de manière apaisée.

Madame Jourda, j’ai compris vos préoccupations. Nous reparlerons dans la discussion des articles de ce sujet spécifique, mais la volonté du Gouvernement est d’avancer,

Madame Sollogoub, je partage vos remarques sur la fiscalité. Toutefois, certaines entreprises qui ne sont pas déficitaires ne sont pas non plus reprises : certains sujets vont au-delà de la rentabilité. La question de la mise à disposition des terres se pose.

Penchons-nous sur les sujets ouverts et évitons les caricatures. Je voudrais plus particulièrement m’adresser à M. Labbé, dont je doute qu’il s’agisse de la dernière intervention lors d’une discussion générale ; nous ne sommes qu’au mois de mai ! (Sourires.)

Pour ma part, j’essaie toujours, dans le débat public, d’écouter mes contradicteurs, considérant qu’il y a peut-être des choses dont il faut tenir compte. Je ne vous fais pas grief, monsieur Labbé, de penser ce que vous pensez, car je ne crois pas que votre seule motivation soit d’être en désaccord avec le Gouvernement. Souffrez que l’inverse soit vrai, et que je puisse défendre des positions avec lesquelles vous pouvez ne pas être d’accord, mais qu’il ne faut pas refuser d’écouter par principe.

Essayez donc d’écouter notre position sur la productivité ! Vous me trouverez toujours sur le chemin d’une agriculture française souveraine. Vous me trouverez aussi toujours sur le chemin du refus des démagogies, d’où qu’elles viennent. Et il y en a partout ! Certains vous disent « y’a qu’à, faut qu’on » et qu’il faut donner des injonctions aux agriculteurs quand d’autres préconisent de les laisser faire et de continuer comme avant. Vous ne me trouverez sur aucun de ces deux chemins.

En effet, selon moi, ce serait une erreur de dire aux agriculteurs que les contraintes climatiques ne sont pas puissantes. Ce serait une erreur de ne pas dire aux agriculteurs que nous avons intérêt à décarboner notre agriculture. Quatre degrés de plus, c’est le drame absolu pour nos agriculteurs. Nous avons donc besoin de penser des systèmes plus résilients. J’essaie de trouver un équilibre sur chaque point du texte, afin de faire en sorte que nous ne tombions ni d’un côté ni de l’autre. Et ce n’est pas du « en même temps » !

Je ne me satisferais pas d’une situation ne nous permettant pas d’exercer nos prérogatives de souveraineté. Je ne me satisfais pas que plus de 50 % des fruits et légumes consommés en France ne viennent pas de France. Nous avons besoin de regagner en compétitivité et en souveraineté, en posant la question de l’accès à l’eau.

Dire aux agriculteurs que rien ne changera, c’est une autre position démagogique à laquelle je me refuse. Tenir de tels propos, c’est confortable quand on s’exprime à la tribune. Mais cela conduit à la disparition de la souveraineté agricole française. Si nous ne répondons pas à la question de la résilience du système, nous perdrons en souveraineté.

J’étais voilà peu dans les Pyrénées-Orientales. Je dois pouvoir répondre à la contrainte sans dire aux agriculteurs qu’il suffit de changer de modèle. Nous devrons accompagner des gens qui font de la vigne, de l’arboriculture, de l’élevage et un peu de maraîchage, loin des caricatures de l’agriculture que vous qualifiez parfois d’« industrielle » ! La résilience, ce n’est pas la disparition de l’agriculture. Il s’agit de savoir comment nous continuons à exercer nos prérogatives de souveraineté sous les contraintes climatiques.

Il faut décrire les contraintes et trouver les solutions. Nous le devons aux agriculteurs, il convient d’avoir un débat apaisé sur ces questions. Nous n’avons aucun intérêt à ce que la société se dresse contre les agriculteurs ou à ce que les agriculteurs soient dressés contre une partie de la société. Nous avons besoin de construire un tel débat. J’écoute en effet le témoignage de nombreux agriculteurs qui, tous les jours, ont le sentiment de ne pas être compris, qu’il s’agisse de leurs contraintes ou de leurs pratiques. Nous avons donc besoin de décrire les pratiques agricoles sans les caricaturer. Nous rendrions un service non seulement aux agriculteurs et à l’agriculture, mais aussi aux transitions que nous serons amenés à mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme france

TITRE Ier

FAIRE DE LA COMPÉTITIVITÉ DE LA FERME FRANCE UN OBJECTIF POLITIQUE PRIORITAIRE

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 1er

Avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 70 rectifié quinquies est présenté par Mmes Noël, Pluchet et Bonfanti-Dossat, M. Joyandet, Mmes Thomas, Muller-Bronn et Berthet, MM. Bacci, Belin, Sido et D. Laurent, Mme Belrhiti, M. Bouloux, Mme Garriaud-Maylam, MM. Meurant et Bouchet, Mme Micouleau, M. Somon, Mmes Malet, Bellurot et Joseph, M. B. Fournier, Mme Imbert et MM. Klinger et Gremillet.

L’amendement n° 79 rectifié est présenté par MM. Menonville et Chasseing, Mme Loisier, MM. Kern et A. Marc, Mmes Guidez et Férat, MM. Decool, Médevielle, Hingray et Maurey, Mmes N. Delattre et Gacquerre, MM. Verzelen, P. Martin et Wattebled, Mme Perrot, M. Chauvet, Mme Saint-Pé, M. Marseille, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Moga, Folliot, Longeot, Duffourg et Malhuret.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – La souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l’article 410-1 du code pénal. »

La parole est à M. Daniel Laurent, pour présenter l’amendement n° 70 rectifié quinquies.

M. Daniel Laurent. L’article 1er vise à intégrer la souveraineté alimentaire à la liste des intérêts fondamentaux de la Nation, au même titre que son indépendance, l’intégrité de son territoire, sa sécurité, la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, et de l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique, économique et de son patrimoine culturel.

À la lumière de la crise liée au covid-19, qui a révélé la vulnérabilité de nos approvisionnements dans de nombreux domaines, il est apparu, avec une évidence renouvelée dans l’opinion publique et dans l’action des pouvoirs publics que la souveraineté alimentaire figurait bien au nombre des intérêts fondamentaux de la Nation.

Pour autant, à ce jour, la notion de souveraineté alimentaire n’est consacrée dans aucun code ni aucune loi.

Par cet amendement, nous proposons de corriger cette anomalie, en donnant enfin toute sa portée symbolique à ce principe, qui recouvre la capacité de production agricole et le taux d’auto-approvisionnement alimentaire, mais diffère de l’autosuffisance alimentaire, qui ne serait ni possible ni souhaitable.

Cet amendement permet de resituer la recherche de compétitivité, érigée en priorité par la présente proposition de loi, comme un moyen parmi d’autres d’atteindre la souveraineté alimentaire, objectif consensuel partagé sur toutes les travées du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 79 rectifié.

M. Franck Menonville. Cet amendement vient d’être admirablement défendu. J’ajoute simplement que, depuis la crise sanitaire, la notion de souveraineté alimentaire a pris tout son sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques. Ces deux amendements symboliques me paraissent donner le ton en matière d’agriculture et d’alimentation, dans ce que devrait être le monde de l’après-covid-19. Comme le disent très bien leurs auteurs, il faut rappeler que l’impératif qui nous réunit tous aujourd’hui est celui de la souveraineté alimentaire. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Précisément, madame la rapporteure, il s’agit d’amendements symboliques. Or je sais que le Sénat veille à faire la loi, et non des textes symboliques !

Tout d’abord, je ne vois pas bien la portée de ces amendements. Ensuite, les notions de souveraineté et de sécurité ne sont pas tout à fait de même nature. D’ailleurs, une partie des actions et des dérogations que nous avons mises en œuvre dans le cadre de la pandémie relevaient de la sécurité alimentaire.

Je comprends bien la portée symbolique de ces amendements, d’autant que nous partageons – vous l’avez compris – la volonté d’une souveraineté alimentaire. Pour autant, je ne vois pas ce que leur adoption bouleversera, sans compter qu’on ne mesure peut-être pas tout à fait leur portée.

Cela ne signifie pas que nous ne nous soyons pas intéressés à la question, en particulier dans le cadre du projet de loi d’orientation. Comment introduire un concept de souveraineté venant contrebalancer les politiques publiques ?

N’étant pas certain que la formulation proposée soit la bonne, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, je me verrais contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 70 rectifié quinquies et 79 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.

Article additionnel avant l'article 1er - Amendements n° 70 rectifié quinquies et n° 79 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 82

Article 1er

Le livre VI du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au début du chapitre Ier du titre Ier, il est ajouté un article L. 611-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 611-1 A. – Il est institué, auprès du ministre chargé de l’agriculture, un haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires. Il assure un suivi régulier de toute difficulté de nature normative en matière de compétitivité, en propre ou à la suite d’une alerte des filières, des interprofessions, des organisations de producteurs ou associations d’organisations de producteurs, et apporte son concours à la définition et à la mise en œuvre des politiques ayant un impact sur la compétitivité de ces filières. À ce titre, il a pour missions :

« 1° D’assurer le pilotage et le suivi du plan quinquennal pluriannuel de compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires mentionné à l’article L. 611-1-1 ;

« 2° De présider les conférences publiques de filière prévues à l’article L. 631-27-1 ;

« 3° De rédiger un rapport triennal public portant sur la compétitivité de l’ensemble des filières agricoles françaises, qu’il remet au Gouvernement et au Parlement. Ce rapport analyse notamment les effets des évolutions législatives et règlementaires sur la compétitivité des filières, évalue l’efficacité des mécanismes d’aide et de soutiens existants, notamment régionaux et départementaux, met en évidence les déterminants de l’évolution de la balance commerciale agricole et agroalimentaire française et formule des recommandations ;

« 4° D’émettre des avis et recommandations publics sur tout sujet relatif à la compétitivité des filières agricoles.

« Pour l’exercice de ses missions, il peut faire appel, en tant que de besoin, aux services du ministère chargé de l’agriculture, de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, de l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, de l’Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer, des chambres d’agriculture et des instituts techniques agricoles.

« Lorsque le haut-commissaire est saisi d’une difficulté concernant plusieurs ministères, il peut recourir au concours des services des ministères concernés et en rend compte au Premier ministre et au ministre chargé de l’agriculture.

« Un décret précise les missions du haut-commissaire ainsi que les moyens qui lui sont attribués pour les mener à bien. » ;

2° L’article L. 631-27-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « égide », sont insérés les mots : « du haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires mentionné à l’article L. 611-1 A, qui la convoque, et avec le concours » ;

b) (nouveau) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La conférence publique de filière fait le bilan de l’évolution de la compétitivité agricole et agroalimentaire française de l’année précédente, en analyse les déterminants, et propose des perspectives à court et moyen terme pour l’améliorer. » ;

c) (nouveau) Au troisième alinéa, après le mot : « examine », il est inséré le mot : « également ».

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, sur l’article.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est une réponse nécessaire aux problèmes rencontrés par le monde agricole ou, plus exactement, l’une des réponses nécessaires.

Est-il utile de rappeler le truisme selon lequel de notre modèle agricole dépend notre souveraineté alimentaire ?

Le défi est grand : d’une part, assurer une production agricole répondant aux critères quantitatifs, qualitatifs et environnementaux ; d’autre part, contrecarrer l’épuisement et le découragement de nos agriculteurs, notamment des plus jeunes, qui s’interrogent sur la pérennité de leur métier ; Daniel Gremillet l’a très bien dit tout à l’heure.

L’inquiétude est alimentée par des statistiques mortifères : le nombre d’agriculteurs a été divisé par quatre en quarante ans !

Quand, à cette réalité structurelle implacable, se greffent de violents éléments conjoncturels, nous sommes en droit de comprendre une telle désaffection !

Permettez au sénateur picard que je suis de prendre l’exemple emblématique de la filière betteravière, victime, comme vous le savez, du séisme de la jaunisse, qui entraîne 30 % de pertes au niveau national et, parfois, jusqu’à 70 % localement.

Nous avions accordé des dérogations temporaires d’utilisation de protection des semences à la filière, dérogations finalement proscrites par une décision de la Cour de justice de l’Union européenne au mois de janvier dernier, la filière se retrouvant ainsi, seule en Europe, dans une situation d’impasse technique complète, ce qui est aussi dramatique qu’ubuesque !

Ce pan de l’économie agricole pèse de façon directe et indirecte, dans la mesure où les vingt et une sucreries de notre pays sont à l’origine d’environ 90 000 emplois.

La présente proposition de loi tente d’apporter une solution via son article 12, qui vise à lutter contre les surtranspositions de mesures législatives.

Si nous voulons que la maison agricole France reste debout dans les tempêtes climatiques, sanitaires, environnementales, économiques et administratives, nous devons la soutenir avec force.

Je sais que vous en êtes conscient et que tel est votre objectif. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre écoute et de votre détermination à relever ce défi compliqué.

Vous l’avez compris, je voterai naturellement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 11 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 57 est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 11.

M. Daniel Salmon. L’institution d’un haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires françaises nous semble non seulement inutile, mais aussi contre-productive.

L’article 1er vise à faire de la compétitivité-prix l’axe premier des politiques agricoles, alors que cet axe correspond à la course au moins-disant social et environnemental.

Comme l’affirme le rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) intitulé Quels leviers pour renforcer la compétitivité de lagriculture et de lagroalimentaire français ?, il convient de redéfinir la compétitivité, qui ne doit pas être réduite à une question de prix et de coûts de production, mais au contraire prendre en compte la qualité gustative et sanitaire des produits, leur adéquation avec les attentes des consommateurs, les emplois créés et les impacts environnementaux. Ces derniers éléments sont susceptibles, vous le savez, d’engendrer d’importantes dépenses, assumées de manière collective.

Plutôt que de centraliser la gouvernance de l’agriculture sur une personne unique, il est de la responsabilité du ministère de l’agriculture, en lien avec les ministères de l’environnement et de la santé, de mener une politique à la fois agricole et alimentaire prenant en compte l’ensemble des dimensions économiques, mais aussi sociales, écologiques, territoriales et sanitaires.

C’est un ensemble ; il ne peut pas s’agir exclusivement d’une compétitivité-prix. Cessons de tout focaliser sur cet axe ! Pour cette raison, le groupe écologiste demande la suppression de cet article, dans la mesure où un haut-commissaire ne constituera pas, bien au contraire, l’élément déterminant d’une transition vers une agriculture durable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 57.

Mme Marie-Claude Varaillas. Selon nous, la création d’un haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et alimentaires n’apportera pas de réponse à la crise profonde que connaît le monde agricole. En effet, outre le fait que la compétitivité ne se décrète pas, elle ne saurait se résumer à une question de volumes et de prix dans une recherche d’optimisation économique.

Comme le souligne très justement le Cese dans son avis de 2018 : « La compétitivité ne peut se limiter à comparer des coûts de production et de vente ou les volumes et les prix de produits souvent standardisés. »

La compétitivité inclut une large palette d’enjeux sanitaires, environnementaux, sociaux, alimentaires, fonciers, ce qui n’apparaît pas dans la proposition de loi.

Et ce qui tue notre agriculture, ce n’est pas le manque de compétitivité, entendu dans un sens restreint, voire dépassé ; c’est bien la guerre des prix à laquelle se livrent les enseignes de la grande distribution et les grands groupes de l’agroalimentaire, ainsi que la concurrence entre États membres.

C’est bien la financiarisation et la banalisation du secteur agricole qui met en danger le modèle d’agriculture familiale. C’est bien le libre jeu du marché et la course effrénée au meilleur rendement qui entraînent une forte volatilité des prix, préjudiciable aux agriculteurs comme aux consommateurs. Le libre jeu du marché est en ce sens contre-productif dans le domaine de l’alimentation.

Enfin, il nous semble qu’en lieu et place d’une énième instance, il importe de s’appuyer sur l’existant. Je pense notamment au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, présidé par le ministre chargé de l’agriculture. Cet organisme assure des missions de conseil, d’expertise, d’évaluation, d’audit et d’inspection, sur des questions stratégiques comme l’agroécologie, la lutte contre le changement climatique, la gestion de crises de marché ou de crises sanitaires, ainsi que l’appui à l’international. Il peut aussi participer à la conception des lois.

Dès lors, il nous semble que la création d’un haut-commissariat serait redondante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’institution d’un haut-commissaire répond au besoin de relais, exprimé à la fois par les agriculteurs et par les organisations professionnelles auprès des pouvoirs publics.

Monsieur le ministre chargé de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, ce haut-commissaire a vocation non pas à concurrencer votre poste, mais plutôt à alerter, à recenser les surtranspositions, à examiner la balance bénéfices-risques, et à être un véritable relais pour les filières.

Par ailleurs, de par les compétences que nous lui avons données, nous souhaitons également qu’il convoque et anime la conférence annuelle de filière, instituée dans le cadre de la loi dite loi Sapin 2. Nous avons en effet décidé d’octroyer à cette conférence, qui n’a jamais été réunie, des compétences supplémentaires.

Le rôle de ce haut-commissaire sera aussi un rôle d’agrégateur des différents plans que subit l’agriculture, à savoir, notamment, le plan eau, le plan de structuration des filières et le plan Écophyto. Il s’agit de trouver une forme de cohérence entre ces différents plans.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Ne croyez pas que je sois juge et partie, mais il y a toujours quelque chose de paradoxal à demander que le ministre ait plus de poids politique dans les décisions et, en même temps, à vouloir instituer un haut-commissariat, ce qui pourrait, d’une certaine façon, créer une forme de concurrence politique à ses prérogatives de ministre.

Pour autant, je le reconnais, votre proposition a le mérite de poser la question légitime de la cohérence des politiques publiques. Y a-t-il un endroit où l’on se soucie de la cohérence des messages envoyés aux agriculteurs et de la mise en place d’une souveraineté agricole ?

Ces deux amendements identiques, qui, au fond, n’ont pas pour objet de remettre en cause l’idée d’un haut-commissariat, visent toutefois à supprimer cette création en raison de la référence à la « compétitivité ».

Je le répète, n’ayons pas peur du terme « compétitivité » ! Ce n’est pas seulement le rendement ! C’est la capacité, dans un marché ouvert – à moins que certains ne croient toujours à la possibilité de rester dans un marché fermé uniquement français –, d’avoir une ferme France compétitive, d’abord dans l’espace européen.

Il s’agit donc d’un vrai sujet de coordination des politiques publiques, qui pourrait concerner d’autres domaines que l’agriculture. Toutefois, je ne suis pas sûr que la création d’un haut-commissariat constitue la bonne réponse. Mais, comme je suis juge et partie, vous estimerez sans doute que mon avis n’est pas pertinent.

Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 57.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase et alinéa 4

Après le mot :

compétitivité

insérer le mot :

durable

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. L’article 1er vise à instituer un haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires, chargé notamment de piloter un plan quinquennal pluriannuel de compétitivité des filières.

Les sénateurs du groupe SER ne s’opposeront pas à cette création, même si nous nous interrogeons fortement sur, d’une part, la nécessité de créer un nouveau haut-commissaire, alors que nous pouvons questionner l’utilité de certains hauts-commissaires déjà en activité – celui auquel nous pensons tous ne fait pas grande concurrence à un ministre, eu égard à ses productions (Sourires sur les travées du groupe SER.) –, et, d’autre part, sur les moyens dont il disposera pour mener à bien sa mission.

En effet, aux termes de l’article 1er, il pourra mobiliser à son gré des fonctionnaires ou des salariés de différentes structures du ministère de l’agriculture, des chambres d’agriculture, de FranceAgriMer, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, ou de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

En tout état de cause, le présent amendement vise à préciser les missions de ce futur haut-commissaire à la compétitivité, en inscrivant explicitement dans la loi que la recherche de cette compétitivité devra se faire dans un cadre durable – le mot a tout son sens – et ne saurait être seulement guidée par des impératifs économiques ou des conquêtes de parts de marché.

Cet amendement pourrait paraître rédactionnel à certains. Toutefois, eu égard à la demande portée par cette proposition de loi, nous estimons qu’une telle précision est nécessaire, afin de ne pas perdre de vue l’un des objectifs rappelés par notre groupe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Comme il n’est dans les intentions ni de l’auteur de l’amendement ni de la commission d’opposer durabilité et compétitivité, j’émets un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Avis de sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 121, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle examine la politique d’accompagnement à l’exportation des filières agricoles et agroalimentaires et évalue les dispositifs mis à la disposition des acteurs économiques au regard de leurs besoins.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Le rapport sur la compétitivité de la ferme France souligne à quel point la politique d’accompagnement à l’exportation de nos filières agricoles et agroalimentaires n’est pas à la hauteur des enjeux.

La conférence publique de filière semble être l’enceinte adaptée pour discuter de ces politiques d’accompagnement à l’exportation, en particulier pour ce qui concerne l’agriculture.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Avis de sagesse.

En vous écoutant, je me disais que nous aurions besoin de mieux organiser les différentes instances dont nous disposons, en particulier pour ce qui concerne l’agriculture. En effet, la multiplication des structures est sans doute à l’origine de l’absence de coordination nécessitant la création de ce haut-commissaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 121.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 2

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 82, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ….– L’agriculture répond aux besoins essentiels de la population en assurant l’accès à une alimentation sûre, saine et diversifiée de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, favorisant l’emploi, la protection de l’environnement et des paysages et contribuant à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique. La protection, la valorisation, le déploiement de l’agriculture sont reconnus d’intérêt général majeur et concourent à répondre aux besoins des générations présentes et futures. »

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Par cet amendement, il s’agit de reconnaître le caractère d’intérêt général de l’agriculture dans le code rural et de la pêche maritime. L’agriculture est aujourd’hui, me semble-t-il, la grande oubliée des activités qualifiées d’« intérêt général », contrairement à des domaines comme la défense de l’environnement ou la mise en valeur des forêts.

L’accès à ce statut permettrait à l’agriculture d’être davantage protégée par l’État, en favorisant les actions en faveur du maintien des exploitations existantes et de l’installation de jeunes agriculteurs. Cela permettra aussi, et surtout, de protéger davantage les activités agricoles contre les différentes attaques ou entraves, qui se multiplient et dont certaines se traduisent par des actions violentes contre les biens ou les personnes. Il s’agit d’assurer les libertés publiques fondamentales, en particulier la liberté d’entreprendre et le droit de propriété.

Le droit de propriété a été singulièrement oublié au cours des événements qui se sont déroulés à Sainte-Soline. On a mobilisé des escadrons de forces de l’ordre pendant plusieurs week-ends, uniquement pour assurer la défense du droit essentiel de propriété.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, qui est satisfait après l’adoption des amendements identiques nos 70 rectifié quinquies et 79 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Là encore, nous sommes un peu dans le déclaratif.

Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas dire que nous n’avons pas défendu à Sainte-Soline – je souhaite rendre hommage aux forces de l’ordre – le droit de propriété. Ne croyons pas que l’adoption d’un tel amendement changerait quelque chose.

Le droit de propriété est un droit constitutionnel et figure même dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Essayons de ne pas caricaturer la situation : le droit de propriété et le droit à vivre dans des conditions pacifiques ont été défendus.

M. le président. L’amendement n° 82 est-il maintenu, monsieur François Bonhomme ?

M. François Bonhomme. Non, je le retire, monsieur le président.

Je tiens à préciser que je ne mettais pas en cause le Gouvernement en particulier. Je pensais plutôt à tous les organismes et associations qui, sous prétexte de protection de l’environnement, mettent en cause de manière permanente, sous forme de mise en accusation et de suspicion, en se prévalant parfois d’études dont le caractère scientifique laisse à désirer, le droit de propriété.

Je citerai notamment Oxfam, dirigé par Cécile Duflot, qui diffuse dans le champ médiatique des études sans caution scientifique donnant lieu à des reportages mettant en cause notre modèle agricole. Cela entraîne des effets indirects comme les agressions, les violences et les intrusions dans les exploitations.

J’aimerais non seulement que l’État poursuive de plus en plus fortement les personnes qui se rendent coupables de violences à l’égard des agriculteurs, mais aussi qu’on remercie tous les matins les agriculteurs de produire pour la France. C’est en ce sens que je souhaitais que les agriculteurs soient reconnus d’intérêt général, au même titre que les boulangers et les agents du service public.

Imagine-t-on notre pays sans puissance agricole et sans capacité productive ? Il convient donc de changer complètement le logiciel sur l’agriculture et d’en finir avec les discours qu’on nous instille au goutte-à-goutte depuis quelques années.

M. le président. L’amendement n° 82 est retiré.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 82
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 86 rectifié

Article 2

Après l’article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 611-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 611-1-1. – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, puis tous les cinq ans à compter de la publication du premier plan, un plan quinquennal de compétitivité et d’adaptation des filières agricoles et agroalimentaires est élaboré par le ministre chargé de l’agriculture, en concertation avec les filières et en lien avec le haut-commissaire mentionné à l’article L. 611-1 A, qui en assure le suivi.

« Ce plan, qui a vocation à agréger et mettre en cohérence l’ensemble des plans et documents de planification existants, établit notamment la liste des investissements essentiels à la compétitivité et à la résilience de chaque filière. Les financements publics en faveur de l’investissement en agriculture et dans le secteur agroalimentaire tiennent compte des priorités ainsi établies. »

M. le président. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

quinquennal de compétitivité

insérer le mot :

durable

La parole est à Mme Martine Filleul.

Mme Martine Filleul. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de l’amendement que nous venons de défendre sur l’article 1er. Il s’agit de préciser que le plan quinquennal qui sera mis en œuvre et piloté par le haut-commissaire devra intégrer une dimension durable. Le choc de compétitivité que certains de nos collègues appellent de leurs vœux ne saurait être guidé uniquement par des considérations économiques.

L’urgence climatique nous appelle à des solutions durables prenant en compte la préservation de notre environnement, de notre biodiversité et de notre santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. En cohérence avec la position qu’elle a adoptée lors de l’examen de l’article 1er, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Avis de sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

1° Remplacer les mots :

et d’adaptation des filières agricoles et agroalimentaires

par les mots :

économique, environnementale, de performance sociale et sanitaire de l’agriculture et de l’alimentation, permettant la transition agroécologique

2° Remplacer les mots :

et en lien avec le haut-commissaire mentionné à l’article L. 611-1 A, qui en assure le suivi.

par les mots :

en lien avec le ministère en charge de l’environnement, le ministère en charge de la santé, en concertation avec les filières agricoles et agroalimentaires, les syndicats agricoles représentatifs, des organisations agricoles professionnelles permettant la représentation d’une diversité de systèmes agricoles et notamment les systèmes en agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13, d’associations de protection de l’environnement, d’associations de protection des consommateurs, des associations de lutte contre la précarité alimentaire, d’association de solidarité internationale, d’associations de protection des animaux, des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, et après une démarche d’association du public. Les concertations et associations sont organisées en donnant aux acteurs concernés et au public une information claire et suffisante, et dans des délais raisonnables permettant leur participation effective et éclairée.

II. – Après l’alinéa 2

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

« Ce plan est articulé avec la stratégie bas-carbone mentionnée à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement et avec la stratégie nationale pour la biodiversité mentionnée à l’article L. 110-3 du même code, le plan d’action national pour une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques prévu à l’article L. 253-6 du présent code, et la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, mentionné à l’article L. 1.

« Il permet de déterminer des échéances et des objectifs chiffrés :

« - en termes de réduction de l’usage des produits phytosanitaires et des engrais azotés, permettant d’organiser une trajectoire de sorties de ces usages ;

« - en termes de développement des surfaces en agriculture biologique ;

« - en termes d’installation agricole en fixant une trajectoire permettant d’augmenter le nombre d’exploitants agricoles ;

« - en termes de diversification des productions agricoles en priorité pour les cultures pour lesquelles la consommation alimentaire est majoritairement assurée par des produits importés, et de déspécialisation des territoires, notamment via le développement des productions de protéines végétales ;

« - en termes de développement de systèmes d’élevage respectueux du bien-être animal garantissant un accès à un espace de plein air des animaux ;

« - en termes de réduction de la précarité alimentaire et d’accès à une alimentation de qualité.

III. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

la liste des investissements essentiels à la compétitivité et à la résilience de chaque filière. Les financements publics en faveur de l’investissement en agriculture et dans le secteur agroalimentaire

par les mots :

les pratiques agricoles et les systèmes alimentaires qui permettent le plus efficacement de renforcer la compétitivité économique, environnementale, et la performance sociale et sanitaire de l’agriculture afin de réaliser la transition agroécologique. Les financements publics de la politique agricole

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Par cet amendement, il s’agit d’élargir le périmètre du plan quinquennal, en en faisant un outil de planification au service d’une compétitivité prise dans sa définition élargie, qui comprend des dimensions sociale, environnementale et sanitaire.

La prise en compte de ces aspects permettra à ce plan de construire une véritable politique agricole et alimentaire de la transition agroécologique, nécessaire au regard des enjeux environnementaux, de santé, d’emploi et de bien-être animal. Nous en élargissons aussi la gouvernance, qui est, à ce stade, exclusivement agricole, au ministère de la santé et au ministère de l’environnement, mais aussi à une représentation de l’ensemble des modèles agricoles, à la société civile, aux élus locaux et aux citoyens.

Enfin, cet amendement vise à réorienter ce plan, uniquement axé sur l’investissement. À nos yeux, celui-ci ne représente pas l’unique solution et possède des effets pervers, à savoir la surcapitalisation, le surendettement, qui fige les systèmes et empêche les transmissions.

Il s’agit de déterminer les priorités d’accompagnement de projets de territoire, d’innovations sociales, d’accompagnement de pratiques agronomiques vertueuses, de rémunération des services écosystémiques via des paiements pour services environnementaux et agriculture de groupe.

Ce plan prévoit ainsi de définir collectivement des objectifs chiffrés ambitieux, afin d’organiser la nécessaire sortie des pesticides et des engrais azotés, de développer l’agriculture biologique dans des installations agricoles nombreuses.

Pour nous, il s’agit tout simplement de donner un cadre juridique pour définir un véritable plan de transition agricole et alimentaire, que notre groupe appelle de ses vœux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Cet amendement vise en effet à élargir le plan quinquennal de compétitivité durable et d’adaptation très au-delà de ce que les auteurs de la proposition de loi souhaitaient et probablement très au-delà du possible.

Ce plan comportant un grand nombre d’objectifs, un tel dispositif constituerait une sorte de doublon avec le ministère de l’agriculture et diluerait l’objectif central, à savoir la compétitivité durable. Par ailleurs, il exclut le haut-commissaire, qui ne correspond pas à l’esprit du dispositif prévu.

En outre, je le souligne, cet amendement est d’ores et déjà partiellement satisfait, puisque, à l’issue des travaux en commission, ce plan quinquennal a été élargi, pour prendre justement en compte la problématique de l’adaptation des filières agricoles.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. D’une part, les auteurs de cet amendement prévoient des prérogatives très larges sur un périmètre interministériel, en allant plus loin que ce que j’ai déjà estimé original tout à l’heure. D’autre part, outre la création d’un haut-commissaire à la tête de trois ministères, ils veulent définir l’ensemble de la politique agricole française !

Cet amendement a donc un caractère excessif, même s’il concerne des sujets pour lesquels il convient de penser en termes d’interministérialité.

Le Gouvernement y est donc défavorable. Nous n’avons pas besoin d’instituer un système dépossédant de leurs prérogatives non seulement le ministre de l’agriculture, mais aussi le ministre de la transition écologique et le ministre de la santé.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Personne ne m’ayant demandé de retirer mon amendement, je me garderai bien de le faire !

Monsieur le ministre, il s’agit d’un amendement d’appel… au secours, sur un véritable plan ou trajectoire, dont nous avons besoin.

Vous disiez tout à l’heure qu’on ne peut pas changer de modèle du jour au lendemain. C’est vrai ! Mais, à un moment, on se doit de se donner des objectifs et une trajectoire pour les atteindre.

L’adoption de cet amendement ferait disparaître votre grande solitude, en vous permettant de travailler à égalité avec vos deux collègues chargés de la santé et de l’environnement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 122, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

ministre chargé de l’agriculture,

insérer les mots :

prenant en compte les spécificités des territoires ultra-marins,

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Cet amendement vise à indiquer que le plan quinquennal de compétitivité et d’adaptation doit tenir compte des spécificités des territoires ultramarins.

Je rappelle que les secteurs agricole et agroalimentaire représentent dans les outre-mer 60 % des effectifs salariés. Je souhaite donc que ce plan ne se focalise pas uniquement sur l’Hexagone, mais englobe l’ensemble de l’agriculture française.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Par souci de cohérence, j’émettrai un avis favorable. Il s’agit de montrer notre préoccupation à l’égard des territoires ultramarins, car la question de la souveraineté et de la sécurité alimentaire ne s’y pose pas de la même façon qu’ailleurs.

Il est utile de signifier que nous souhaitons relever ces défis absolument immenses, d’autant qu’il s’agit des territoires les plus éloignés de la métropole. Il importe d’avoir un regard particulier et de conduire sans doute des actions spécifiques sur ces questions de compétitivité et de souveraineté, qui se posent dans des termes très différents par rapport à la France hexagonale.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 122.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 3

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 86 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les collectivités territoriales établissent des contrats avec les exploitants agricoles de leur territoire pour le paiement pour services environnementaux que ces exploitants génèrent par leur activité.

Ces paiements pour services environnementaux sont financés par le fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficultés prévu à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

Les modalités d’application de ces contrats pour paiements pour services environnementaux seront fixées par décret.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, présenté par Henri Cabanel, a pour objectif de démocratiser le recours aux paiements pour services environnementaux (PSE), que les exploitants génèrent par leurs activités.

Si ces paiements ont déjà fait l’objet de débats au sein de notre assemblée, notamment lors du rejet en décembre 2018 de la proposition de résolution en faveur de la création de paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs, il me semble important de rappeler que l’agriculture constitue un maillon l’essentiel dans la stratégie d’atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon de 2050.

Nos exploitations agricoles font face à des contraintes climatiques, économiques et conjoncturelles tout en s’exposant à des attentes sociétales de plus en plus fortes en termes de préservation de notre environnement, ainsi que de qualité des produits et des aliments que nous consommons.

Il est en cela nécessaire de repenser certains outils existants pour que nos politiques publiques puissent impulser de réelles mutations.

Par ailleurs, faut-il rappeler que l’agriculture française souffre d’un défaut d’attractivité dû, notamment, à un niveau de rémunération insuffisant de ses exploitants ? Nous faisons face à un défi inédit de renouvellement des générations. Il est désormais tant urgent que nécessaire de diversifier les ressources financières de nos agriculteurs.

Si nous souhaitons une agriculture attractive, innovante, compétitive, durable et souveraine, la restauration et le maintien des écosystèmes doivent devenir une source supplémentaire de revenus et non une contrainte supplémentaire par exploitant.

Ainsi, sur le modèle du principe « pollueur-payeur », selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur, cet amendement a pour objet de démocratiser ce dispositif sur le principe de « dépollueur-bénéficiaire » en se basant sur des critères mesurables de services écosystémiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Les paiements pour services environnementaux en agriculture sont des dispositifs qui rémunèrent les agriculteurs pour des actions contribuant à restaurer ou à maintenir des écosystèmes dont la société tire des avantages.

Ces paiements peuvent être réalisés par des entreprises ou des collectivités publiques. Le principe est en réalité similaire à celui du label bas-carbone, dont nous discuterons tout à l’heure à l’article 9.

Le fonds spécial de soutien à la compétitivité agricole est quant à lui destiné à soutenir des filières en difficulté, notamment en finançant la recherche. Ce fonds n’a pas vocation à financer les collectivités ou des entreprises voulant s’engager dans cette démarche.

Cependant, j’entends bien l’argument d’Henri Cabanel et de votre groupe sur la nécessité de massifier les PSE. Nous aurons l’occasion d’aborder de nouveau ce sujet prochainement à l’occasion d’une demande de rapport qui sera formulée un peu plus loin dans la discussion.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement a la même position que la commission.

À mon avis, nous avons encore besoin de creuser la question des paiements pour services environnementaux. C’est une démarche nouvelle. Comme l’a souligné Mme la rapporteure, nous aurons l’occasion d’en parler également à propos du carbone puisqu’il s’agit d’un service environnemental. Il faudra donc penser le système, car il n’est pas très simple de savoir ce qu’est un service environnemental.

Par ailleurs, autre argument de poids devant le Sénat, qui représente les collectivités, il convient d’être attentif à ne pas créer de distorsions. J’entends souvent tel ou tel jeune agriculteur dire qu’il aimerait dépendre de telle ou telle région, qui ne dispose pas des mêmes dispositifs d’aides que la sienne. Le sénateur Laurent Duplomb sait à quoi je fais référence.

Attention à ne pas mettre en place des distorsions de paiements pour services environnementaux entre collectivités. Ayons plutôt à cœur d’avoir une définition des services environnementaux homogène à l’échelon national. Prenons le temps de dialoguer avec les collectivités, si elles le veulent bien, pour penser globalement ce que sont les services environnementaux qu’il s’agisse de biodiversité, de paysages, d’eau, de stockage carbone, etc.

C’est un point qui nécessite davantage de réflexion. L’amendement ne va donc pas dans le bon sens : demande de retrait ou avis défavorable.

M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 86 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. En l’absence de M. Cabanel, qui nous écoute très certainement, je maintiens son amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 86 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 86 rectifié
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Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 30 rectifié

Article 3

I. – Le I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« L’État met en place un fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficultés.

« Ce fonds est géré par le haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agro-alimentaires mentionné à l’article L. 611-1 A.

« Un décret en détermine le mode de fonctionnement et les conditions d’éligibilité. »

II et III. – (Supprimés)

M. le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

I.- Alinéa 2

Après le mot :

compétitivité

insérer les mots :

économique et environnementale, et à la performance sociale et sanitaire

II. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

le haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agro-alimentaires mentionné à l’article L. 611-1 A

par les mots :

par le ministère chargé de l’agriculture en concertation avec les ministères chargés de l’environnement et de la santé

III. – Après l’alinéa 3

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Ce fonds est orienté vers des solutions de transition agroécologique, et prioritairement vers l’accompagnement à la mise en place de solutions systémiques qui permettent la sortie ou l’absence d’usage de produits phytosanitaires et engrais de synthèse, ou de systèmes respectueux du bien-être animal.

« Il est doté d’outils spécifiques et de financements dédiés pour le soutien aux filières en agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13.

« Les montants proposés via ce fonds sont mis en œuvre de façon à être accessibles à toutes les exploitations agricoles quelle que soit leur taille, et sont plafonnés afin de ne pas encourager la concentration ou l’agrandissement excessif des exploitations.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à réorienter le fonds prévu à l’article 3, axé presque exclusivement sur la recherche d’une compétitivité-prix via l’investissement, ce qui n’est pas souhaitable, vers une politique agricole prenant en compte une véritable définition de la compétitivité dans ses dimensions économique, sociale, environnementale et sanitaire.

Il tend ainsi à redéfinir l’objectif du fonds, à associer à sa gouvernance les ministères de la santé et de l’environnement et à le réorienter vers la transition agroécologique des filières en difficulté et vers le soutien à l’agriculture biologique, qui aujourd’hui n’entre pas dans les dispositifs existants de soutien aux filières.

Dans le même ordre d’idée, nous insistons pour que ces financements soient accessibles également aux petites fermes. Celles-ci sont trop souvent exclues des dispositifs de soutien.

Nous proposons également que les montants d’aide proposés soient plafonnés, afin de ne pas encourager l’agrandissement des exploitations. J’ai entendu tout à l’heure l’argument répété depuis cinquante ans : nos fermes – pardon, nos « exploitations », puisque dorénavant on exploite… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) – sont trop petites. On est toujours dans ce rêve américain du toujours plus grand, avec plus de mécanisation. (M. Jean-Marc Boyer proteste.)

Il convient, selon moi, d’orienter ces fonds vers une agriculture intensive en emplois et respectueuse de l’environnement, et non forcément vers des exploitations plus grandes et faisant la part belle à toujours plus de mécanisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Cet amendement vise à réorienter radicalement l’objectif du fonds institué par la proposition de loi, qui est de soutenir prioritairement les filières en déficit de compétitivité.

Aucun type d’agriculture n’est visé par ce fonds, ce qui signifie que l’agriculture biologique pourrait tout à fait bénéficier des financements disponibles.

De même, aucun type d’exploitation n’est visé en particulier, ce qui signifie là aussi que les petites exploitations ne sont pas exclues du dispositif.

A contrario, à la lecture de l’amendement, il apparaît que c’est vers un certain type d’agriculture que le fonds serait réorienté, ce qui n’est pas souhaitable.

Chaque agriculteur et chaque filière doivent être soutenus, qu’il soit en agriculture conventionnelle ou en agriculture biologique.

Par ailleurs, je laisse le soin au Gouvernement de rappeler l’ensemble des fonds et des soutiens qui bénéficient à la filière biologique.

Je propose de maintenir le périmètre de l’article 3 tel qu’il est issu des travaux de notre commission. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Un certain nombre de dispositifs existent sur la question du bio, qu’ils soient fiscaux ou qu’ils relèvent de la politique agricole commune (PAC) et autres. Je le souligne au passage, nous avons besoin d’améliorer la compétitivité – ce n’est pas un gros mot pour moi –, y compris du bio. L’objectif de ce fonds est donc aussi d’aller dans ce sens.

À mes yeux, la priorité est à la fois d’améliorer la compétitivité de toutes les filières, sans exclusive, et de couvrir la variété des demandes ou des besoins des consommateurs. J’annoncerai demain un certain nombre de mesures sur le bio, qui sont en dehors du registre, car nous avons besoin de conforter la filière bio, y compris dans sa part de compétitivité : sur les étals, c’est quand même ça que regardent les consommateurs ! La question du prix, que vous avez vous-même évoquée, a donc son importance.

Par ailleurs, sortons des caricatures : le modèle américain n’a rien à voir avec le modèle français. La taille moyenne des exploitations en France est de 66 hectares. Nul besoin de franchir l’Atlantique ou le Pacifique ; il suffit de passer les frontières avec nos voisins les plus proches. Vous verrez alors la taille des exploitations !

Nous souhaitons évidemment tous défendre notre modèle agricole, qui n’est pas le modèle industriel que certains caricaturent. Si on pouvait tous l’admettre, cela contribuerait à l’attractivité du secteur, y compris vis-à-vis des jeunes qui souhaitent s’installer. Reconnaissons donc tous que notre agriculture est plutôt exemplaire et cessons de forcer le trait.

Par ailleurs, il existe de petites structures agricoles, car la valeur ajoutée est importante. Mais d’autres types de productions nécessitent des exploitations de plus grande taille, y compris en élevage extensif. Acceptons-le et arrêtons de vouloir mettre les gens dans des cases. Si, pour vous, 66 hectares, en moyenne, c’est un modèle industriel et intensif, nous ne tomberons jamais d’accord. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Je voudrais juste revenir sur la genèse de cet article, car nous nous en éloignons.

Il s’agit ici de créer un fonds spécial pour soutenir les petites filières que nous avons connues en France et qui ont fait parfois le bonheur économique et l’équilibre des exploitations, notamment des plus petites d’entre elles, souvent diversifiées. Celles-ci commencent à disparaître en raison du dogme que vous développez, monsieur Salmon.

Je citerai l’exemple de la moutarde. Au début de la guerre en Ukraine, nous nous sommes tous offusqués de ne plus trouver de moutarde dans les magasins. Pourtant, les consommateurs cherchaient de la moutarde en provenance d’où ? De Dijon ! Et Dijon n’est pas en Ukraine ! (Sourires.) Mais, année après année, à cause de votre dogme, on a pris toutes les mesures possibles pour empêcher la culture de la moutarde en Côte-d’Or. (M. Serge Babary opine. – MM. Daniel Salmon et M. Joël Labbé protestent.) Les agriculteurs s’en sont donc détournés et ont arrêté de produire de la moutarde en France. Voilà pourquoi nous nous sommes jetés dans les bras des Canadiens d’abord, puis des Ukrainiens, pour leur acheter cette même graine de moutarde. Le bon sens n’aurait-il pas plutôt été de moins interdire et de laisser la possibilité aux agriculteurs de faire leur travail ? Nous aurions ainsi toujours trouvé de la moutarde de Dijon française ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Bernard Fournier. La moutarde lui monte au nez !

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Concernant l’agrandissement, il suffit de regarder les trajectoires. Depuis des décennies, les tailles des exploitations augmentent.

M. Olivier Rietmann. Et alors ? Où est le problème ?

M. Daniel Salmon. Les 66 hectares sont une moyenne. Or les moyennes cachent beaucoup de diversité. Il faut donc regarder les choses dans le détail.

Vous évoquez la compétitivité. Or vous savez qu’il existe une certaine relativité dans les prix. Vous dites que le bio devrait être compétitif. Mais il l’est déjà, à condition que l’on fasse payer à l’autre agriculture ses externalités négatives !

En effet, le bio paraît plus cher de prime abord, puisque c’est le contribuable et la collectivité qui payent in fine les externalités négatives, tous les problèmes d’eau et les problèmes sanitaires liés à un type d’agriculture. Mais il existe une relativité de la compétitivité ; j’aimerais bien qu’on l’admette ici. Il me semble en effet fondamental de ne pas toujours externaliser les coûts vers le contribuable.

M. Vincent Segouin. Je n’ai rien compris !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. En 2014, nous avions demandé au ministre Le Foll une étude pour évaluer les externalités négatives. Cette étude, réalisée partiellement par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab), a été reprise.

La réhabilitation de la qualité de l’eau polluée par les pesticides et les nitrates est de l’ordre de l’ordre de 1 milliard d’euros à 1,5 milliard d’euros chaque année. On sait aussi que les pollinisateurs, qui ont un rôle économique, vont mal en raison d’un certain type d’agriculture. Une fois que nous disposerons de l’ensemble des chiffres, comme le soulignait à juste titre Daniel Salmon, il apparaîtra clairement que les produits bio coûtent moins cher que les produits conventionnels. (M. Laurent Duplomb sexclame.)

M. Vincent Segouin. Ce n’est pas possible !

M. Olivier Rietmann. Aucune crédibilité !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 104, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À cette fin, ce fonds permet la mise en place d’une prise en charge des pertes liées à la destruction ou à la dévaluation de cultures consécutives à la détection de résidus de produits phytosanitaires sur ces cultures, lorsqu’une indemnisation par l’assurance responsabilité civile ne peut pas être sollicitée, faute de responsable identifiable.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement vise à alerter le Gouvernement sur une problématique aujourd’hui complètement orpheline des politiques publiques.

Chaque année, des centaines de milliers de tonnes de productions agricoles sont détruites ou déclassées du fait de contaminations phytosanitaires dues à l’épandage d’un pesticide sur une exploitation voisine, et ce sans qu’aucune indemnisation du producteur concerné soit possible.

Rappelons que certains produits phytosanitaires, notamment l’herbicide prosulfocarbe, ont une volatilité sur des kilomètres. Ainsi, bien souvent, dans le cadre de ces contaminations, le responsable ne peut pas être identifié.

Or le régime de la responsabilité civile, qui implique que la personne responsable de la contamination soit identifiée, est le seul dispositif permettant à ce jour une indemnisation. Cela laisse sans solution les agriculteurs, notamment les producteurs bio, qui sont particulièrement concernés. Cela pénalise des filières tout entières, particulièrement la filière du sarrasin bio, en cours de structuration.

Nos producteurs bio s’engagent pour mettre en œuvre des pratiques sans pesticides, mais ils subissent à leurs frais des déclassements et des destructions de production du fait de l’usage autour d’eux de produits phytosanitaires

Les producteurs bio ne sont pas les seuls concernés. L’ensemble de la filière cidricole est également touchée par cette problématique.

Cette situation, qui génère des difficultés humaines et économiques, doit cesser. C’est pourquoi cet amendement vise à mettre en place un système d’indemnisation pour les producteurs victimes d’une contamination par un produit phytosanitaire dont le responsable ne peut pas être identifié.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. La question que cet amendement soulève relève plutôt de la politique d’indemnisation des assureurs, ainsi que du bon dialogue entre les agriculteurs eux-mêmes en cas de contamination d’une parcelle bio liée à l’utilisation d’un produit.

Par ailleurs, cette disposition est un peu décalée par rapport à la vocation du fonds, mis en place pour soutenir les filières, notamment en matière de recherche.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Il existe sur les questions de compétitivité – j’ai oublié d’en parler tout à l’heure – un certain nombre de dispositifs pour accompagner les filières. Les mesures prises sur les fruits et légumes viennent également encourager la filière bio sur un certain nombre de secteurs.

Le problème que vous soulevez est bien réel, monsieur le sénateur. Pour autant, il ne relève pas de cet article 3, mais dépend plutôt du système assurantiel, des pratiques entre agriculteurs et du projet de loi de finances. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Les producteurs ont tenté de se tourner vers leurs assureurs. En vain. Ces produits sont volatils, ils peuvent avoir été utilisés à 3 kilomètres de l’exploitation. Au fond, il faudrait tout simplement interdire cet herbicide prosulfocarbe. Monsieur le ministre, ne pourriez-vous pas demander à l’Anses de revoir leur autorisation de mise sur le marché ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 104.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme Préville, MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mme Monier, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il veille à ce que la proportion de bénéficiaires de chaque sexe ne soit pas inférieure à 30 %.

La parole est à Mme Martine Filleul.

Mme Martine Filleul. Cet amendement vise à faire en sorte que la gestion du fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficulté intègre un objectif de parité.

En effet, de nombreuses femmes agricultrices rencontrent des difficultés pour obtenir un crédit bancaire, soit pour lancer leur exploitation agricole, soit pour réaliser de nouveaux investissements.

Peu représentées, moins payées, parfois même pas comptées, les femmes sont les grandes oubliées de nos politiques agricoles.

Le ministère de l’agriculture estime que les femmes représentent 30 % des actifs agricoles en France. Plus nombreuses dans les petites structures, les femmes sont aussi plus diplômées et plus âgées que les hommes. Pourtant, leurs revenus sont quasiment un tiers plus faibles et leur retraite atteint péniblement 570 euros par mois.

Dans l’agriculture, les femmes font face à des inégalités multiples : revenu, accès au foncier, à l’investissement, aux aides et aux formations, charges domestiques. Les politiques sectorielles n’enrayent pas, voire renforcent ces inégalités de genre. La très faible disponibilité des données genrées est d’ailleurs un frein au traitement des inégalités.

Entre autres bâtons dans les roues, les agricultrices bénéficient de prêts bancaires plus faibles, de moins d’aides à l’installation et elles sont moins représentées dans les syndicats professionnels.

À l’instar de dispositifs existant déjà dans d’autres secteurs ou à travers l’action de la Banque publique d’investissement, il convient d’instaurer dans le fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles une proportion minimale de bénéficiaires par sexe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Je comprends et partage entièrement l’objectif de féminiser l’agriculture et de permettre aux exploitantes d’avoir accès aux mêmes dispositifs que les exploitants.

Pour autant, le fonds de soutien pourrait venir en aide à des exploitations, mais aussi et surtout à des filières, par l’intermédiaire de financements aux instituts techniques, par exemple ou encore d’appels à projets.

Il semble difficile, pour ne pas dire impossible, de faire la liste des potentiels bénéficiaires d’une mesure de soutien pour s’assurer de la juste représentation des femmes.

Par exemple, un soutien à la recherche de solutions pour lutter contre la drosophilia suzukii, qui infecte la cerise, sera un soutien non pas à un exploitant, mais à une filière. Il est donc impossible de calculer le nombre de femmes bénéficiant de ce soutien.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Madame la sénatrice, vous soulevez ici deux difficultés, mais votre amendement ne vient pas répondre à la question principale, qui est celle d’une plus grande féminisation de la profession agricole.

Cet article vise à conforter la compétitivité des filières. Comme l’a très bien souligné Mme la rapporteure, ce n’est pas une question de genre ; c’est une question de filière.

Cela n’obère pas ce que vous dites par ailleurs. Mais vous proposez ici – c’est original, alors qu’il s’agit d’un texte visant à supprimer les surtranspositions – une nouvelle transposition dont on ne saurait pas comment la mettre en œuvre. En revanche, je partage votre sentiment, mais ça n’est pas qu’un problème de genre : c’est aussi un problème d’origine pour des jeunes qui veulent s’installer. La question du portage du foncier et des capitaux, à laquelle nous travaillons, est souvent un frein, notamment pour les femmes, à l’accès au statut d’exploitants agricoles.

Pour autant, votre amendement ne répond pas à ce problème. Il me semble que nous devrions envisager autrement la question de la compétitivité, notamment sous l’angle de l’accès aux moyens de production, au foncier, aux capitaux, aux sièges d’exploitation : c’est comme cela que l’on arrivera à féminiser cette filière.

Reconnaissons aussi que l’enseignement agricole est aujourd’hui en majorité féminin. De nombreuses femmes ou jeunes femmes y sont inscrites.

À terme, compte tenu du fait qu’une majorité de candidats ne sont pas issus du milieu agricole, la féminisation fera son œuvre. Notre seul travail sera de la favoriser.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je suis choqué. Vraiment.

Nous sommes le seul pays en Europe où une femme peut devenir agricultrice au même titre que son mari. C’est comme cela que l’on a créé les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), parce qu’à l’époque, la constitution de groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec) n’était pas autorisée entre mari et femme. La France est le seul pays qui a fait évoluer le statut des groupements agricoles, puisque, dorénavant, la création d’un Gaec entre époux est possible.

Quand un dossier est examiné au niveau financier, comme vous l’évoquez dans votre amendement, jamais le sexe de la personne n’est pris en compte. Seul compte le projet d’installation et d’investissement !

Si je m’emporte quelque peu, c’est que de tels propos dissuadent des femmes et des hommes de se lancer dans la profession agricole. Personne n’a jamais été discriminé en fonction de son sexe. C’est toujours le projet qui l’a emporté. De nombreuses professions devraient s’inspirer de ce qui a été fait dans le monde agricole ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Françoise Gatel et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour explication de vote.

Mme Marie-Claude Varaillas. Nous avons été huit membres de la délégation aux droits des femmes à rendre un rapport sur la situation des femmes dans la ruralité. À cette occasion, nous avons auditionné de nombreuses agricultrices. C’est un fait ; leurs témoignages sont concordants : elles ont des difficultés pour obtenir des emprunts. Mes collègues, qui n’étaient pas forcément de la même obédience que moi, ont partagé le même constat ! (Mmes Martine Filleul et Émilienne Poumirol applaudissent. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. Un tel débat est surprenant : on stigmatise les femmes à travers la profession agricole.

M. Jean-Marc Boyer. Du peu d’expérience que j’ai pu avoir comme enseignant dans l’enseignement agricole, j’ai constaté que les femmes étaient nombreuses à vouloir s’installer. Elles venaient souvent d’une famille d’agriculteurs. Lorsqu’elles demandaient des aides à l’installation, leur dossier était examiné en fonction non pas de leur sexe, mais de leur projet. Quand le projet tient la route, les femmes ont droit aux mêmes aides que les hommes.

En revanche, à l’heure actuelle, nombre de jeunes inscrits dans l’enseignement agricole ne sont pas issus de familles d’agriculteurs, comme c’était le cas voilà dix ans ou vingt ans. À peine 15 % à 20 % des élèves ont aujourd’hui des parents agriculteurs, avec un projet de transmission. Or s’ils présentent un projet sans avoir les moyens financiers de subvenir au fonctionnement de leur exploitation, ils vont rencontrer des difficultés. Il convient donc de trouver des solutions.

Mais, encore une fois, le critère, ce n’est pas le sexe de la personne ; c’est le projet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Tissot et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de dix mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport proposant une définition législative des zones intermédiaires à faible potentiel agronomique. Sur la base du rapport du Conseil général de l’alimentation, l’agriculture et des espaces ruraux n° 18065 de 2019 éventuellement actualisé, le rapport précisera les enjeux, externalités et bénéfices d’une telle définition pour les territoires concernés, et dressera les conséquences potentielles d’un dispositif d’accompagnement financier et en ingénierie pour les agriculteurs de zones intermédiaires.

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Cet amendement vise à demander la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur la question des zones à faible potentiel agronomique et soumises à des conditions pédoclimatiques défavorables, appelées aussi zones intermédiaires. Les zones de piémont, nombreuses en France, sont concernées.

Le modèle économique des exploitations agricoles en zone intermédiaire est aujourd’hui à bout de souffle. Depuis les années 1980, ces exploitations n’ont cessé de s’agrandir – c’est un constat, et non un jugement de valeur – et de se spécialiser toujours davantage en grandes cultures.

Entre 1988 et 2010, le nombre total d’exploitations a été divisé par 2, le nombre d’exploitations avec vaches laitières a été divisé par 5 et le nombre de vaches allaitantes a été divisé par 2,5.

Cette hyperspécialisation soulève de nombreuses difficultés.

Ces exploitations ont ainsi un problème structurel de rentabilité, avec des productions à faible valeur ajoutée. Leur forte dépendance aux marchés mondiaux, à cause de la monoculture, les rend très sensibles aux aléas économiques et peu résilientes.

Parallèlement, elles sont très dépendantes des aides de la PAC, qui ne suffisent plus à leur survie. L’hétérogénéité agronomique et pédoclimatique de la surface agricole utile (SAU) française justifie la proposition et la mise en œuvre de dispositions de politique agricole nationale de nature à soutenir de façon ciblée les territoires de plus en plus en difficulté au regard de critères de performances agroenvironnementales.

Sur certains de ces territoires, des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) spécifiques apportent une première réponse, mais les écarts de performance et de rémunération observés restent très élevés. Sans préjudice des apports de la politique agricole commune, le rapport que nous demandons pourrait proposer une définition de ce que sont les zones intermédiaires, ainsi que des politiques territoriales pour rétablir l’équité entre terroirs français dans le sens que vous avez indiqué, monsieur le ministre, lors de la discussion générale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Mon cher collègue, je connais votre engagement pour ces zones intermédiaires à faible potentiel. Cependant, vous savez que nous n’aimons pas beaucoup les rapports ; le texte en propose déjà deux, dans des domaines qui nous semblent essentiels.

La problématique du soutien à l’agriculture en zones intermédiaires à faible potentiel est très documentée dans un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de janvier 2019, et est d’ores et déjà assez largement traitée dans le plan stratégique national (PSN) français, qui ne fait pas moins de 975 pages. Ce sujet est donc important, mais il est connu, et je crains qu’un rapport ne suffise pas à régler tous les problèmes. Différentes Maec ont été adaptées, mais je préférerais que nous passions de la parole à l’action. Aussi, je laisse la parole au ministre, non sans avoir donné un avis défavorable au nom de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Vous avez raison, madame la rapporteure, ce sujet est d’importance, et je ne dis pas cela pour éluder la question. Il y a des dispositifs en cours de déploiement. Au fond, votre rapport a vocation à déboucher sur une base législative pour un zonage.

En agriculture, on sait ce que c’est…

Aussi, je nous souhaite bon courage pour définir dans la loi ce qu’est une zone intermédiaire. Vous savez très bien qu’une telle définition va ouvrir partout la voie à des demandes reconventionnelles, et ce pour des situations très diverses. Les difficultés sont ainsi de nature très différente dans le Gers et dans le Berry, au sud de ma région.

Mme Nadine Bellurot. Et dans l’Indre !

M. Marc Fesneau, ministre. Il peut y avoir des questions d’accès à l’eau, de potentiel agronomique, de modèle agricole. Bref, s’enfermer dans une définition législative contribue à une forme de rigidification. C’est un peu un mal français.

À mon sens, on a plutôt besoin de regarder territoire par territoire les mesures qui seraient utiles. Vous avez évoqué les Maec, qui peuvent être une première réponse, mais il s’agit d’outils de compensation. Or nous avons besoin aussi de penser la transition de ces modèles, et c’est tout l’objet du travail que nous sommes appelés à faire.

La question n’est pas tant de compenser leurs difficultés que d’imaginer le modèle sur lequel ces types d’agriculture, dans ces zones intermédiaires, peuvent fonctionner.

Je rejoins assez volontiers ce qu’a dit Mme la rapporteure. Au-delà de la solution type Maec, quelles sont les mesures de soutien que nous pouvons apporter, sans nous enfermer dans des zonages ?

Il faut avoir à l’esprit que la contrainte climatique n’est pas la même aujourd’hui que ce qu’elle était voilà dix ans et que ce qu’elle sera dans dix ans. Je le répète, nous avons besoin d’engager les agriculteurs dans ces transitions. C’est vrai que, dans certains cas, la réponse a pu être l’agrandissement, alors que l’on considère aujourd’hui que c’est de nature à aggraver la situation économique. Il faut le dire avec lucidité. Parfois c’est la réponse ; parfois cela ne l’est pas. C’est mon côté…

M. Daniel Salmon. C’est une caricature !

M. Marc Fesneau, ministre. Non, je ne suis pas caricatural, monsieur Salmon. (Sourires.) J’essaie de trouver un point d’équilibre, ce qui provoque le débat entre nous. Cependant, je penche plus pour des mesures que pour un zonage ou un rapport.

C’est une demande de retrait, faute de quoi l’avis sera défavorable.

M. le président. Monsieur Montaugé, l’amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?

M. Franck Montaugé. Je vous ai tous les deux écoutés attentivement. D’une certaine manière, je rejoins vos arguments, mais je maintiens quand même mon amendement.

Monsieur le ministre, c’est très bien de manifester des intentions, surtout quand elles peuvent être largement partagées. Cependant, je constate que, lors de la discussion de la PAC et de l’élaboration du PSN, ce sujet n’a pas été abordé, en tout cas pas suffisamment. C’est en fait la question de la transition, que vous appelez de vos vœux, et sur laquelle nous sommes tous d’accord.

Nous allons encore perdre des années pour venir en aide à ces zones, à moins que vous ne proposiez des actions spécifiques dans le cadre du PSN. Les Maec apportent du positif dans certains terroirs, mais ils ne sont absolument pas à la hauteur des enjeux de la transition, qui nécessitent une action rapide et efficace.

Pour toutes ces raisons, je le répète, je maintiens cet amendement, même si je comprends les arguments invoqués, notamment ceux de Mme la rapporteure.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

TITRE II

RELANCER LA CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ DE LA FERME FRANCE PAR L’INVESTISSEMENT ET LE PRODUIRE LOCAL

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 30 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 5

Article 4

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° L’article L. 221-5 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Une quote-part du total des dépôts collectés au titre du livret A, du livret de développement durable et solidaire régi par l’article L. 221-27 et du livre Agri régi par l’article L. 221-28 par les établissements distribuant l’un ou l’autre livret est centralisée par la Caisse des dépôts et consignations dans le fonds prévu au même article L. 221-28. » ;

b) Le troisième alinéa est ainsi modifié :

– à la première phrase, les mots : « ou le livret de développement durable et solidaire » sont remplacés par les mots : « , le livret de développement durable et solidaire ou le livret Agri » ;

– après la même première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Elles sont employées, dans le cas du livret Agri, au financement des investissements matériels et immatériels des structures agricoles et agro-alimentaires, notamment pour l’amélioration de leur compétitivité, leur mécanisation, la réduction de leur empreinte climatique et l’atténuation des conséquences du changement climatique. Elles sont également employées dans le soutien à l’accès au foncier agricole des jeunes agriculteurs. » ;

– à la seconde phrase, les mots : « et les livrets de développement durable et solidaire » sont remplacés par les mots : « , les livrets de développement durable et solidaire et les livrets Agri » ;

c) Aux quatrième et cinquième alinéas, les mots : « ou le livret de développement durable et solidaire » sont remplacés par les mots : « , le livret de développement durable et solidaire ou le livret Agri » ;

2° Le I de l’article L. 221-7 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles sont employées en priorité au financement des investissements agricoles et agro-alimentaires dans le cadre du livret Agri. » ;

3° Après la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre II, est insérée une section 4 bis ainsi rédigée :

« Section 4 bis

« Le livret Agri

« Art. L. 221-28. – Le livret Agri est ouvert par les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France dans les établissements et les organismes autorisés à recevoir des dépôts. Les sommes déposées sur ce livret sont employées conformément à l’article L. 221-5.

« Les versements effectués sur un livret Agri ne peuvent porter le montant inscrit sur le livret au-delà d’un plafond fixé par voie réglementaire.

« Il ne peut être ouvert qu’un livret par contribuable ou un livret pour chacun des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, soumis à une imposition commune.

« Les modalités d’ouverture et de fonctionnement du livret Agri ainsi que la liste des investissements dans le secteur agricole et agroalimentaire auxquels sont affectées les sommes déposées sur ce livret sont fixées par voie réglementaire.

« Les opérations relatives au livret Agri sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l’inspection générale des finances. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 105, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 4, 6, 8, 9, 13, 15 et 18

Remplacer toutes les occurrences du mot :

Agri

par le mot :

Agroécologie

II. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

Agri, au financement des investissements matériels et immatériels des structures agricoles et agro-alimentaires, notamment pour l’amélioration de leur compétitivité, leur mécanisation, la réduction de leur empreinte climatique et l’atténuation des conséquences du changement climatique. Elles sont également employées dans le soutien à l’accès au foncier agricole des jeunes agriculteurs.

par les mots :

Agroécologie, au soutien à l’installation agricole en agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, ou dans un système agroécologique, défini selon des critères précisés par décret.

III. – Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

IV. – Alinéa 17

Remplacer les mots :

Agri ainsi que la liste des investissements dans le secteur agricole et agroalimentaire

par les mots :

Agroécologie ainsi que le cahier des charges encadrant les projets d’installations en agriculture biologique ou en agroécologie

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Utiliser l’épargne pour soutenir l’agriculture est une bonne idée, mais ce livret Agri ne nous convient pas. Les subventions à l’investissement en agriculture sont déjà massives, entre France Relance, France 2030, plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) et suramortissement. Selon la Cour des comptes, ces subventions sont beaucoup trop importantes et freinent l’installation de nouveaux agriculteurs.

Ces mécanismes peuvent aussi conduire au surendettement et à l’agrandissement excessif des exploitations, un phénomène, hélas ! bien trop courant en agriculture.

De plus, ces incitations à l’investissement sont majoritairement orientées vers une forme d’industrialisation de l’agriculture, à rebours de la nécessaire prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux, mais aussi des attentes de nos concitoyens.

Or l’on nous propose, avec cet article, de mettre l’épargne des Français au service de cette industrialisation de l’agriculture ! Quant à nous, nous proposons de mieux cibler ce dispositif et de rebaptiser ce livret « livret A », A pour agroécologie. Il viendrait financer uniquement l’installation dans des systèmes en agroécologie ou en bio, avec un encadrement par un cahier des charges. Nous ne souhaitons en aucun cas venir ajouter une incitation de plus pour les agriculteurs à surinvestir au détriment de la viabilité économique de leur ferme et de la transition agroécologique.

M. le président. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après les mots :

structures agricoles et agro-alimentaires

insérer les mots :

dont la production bénéficie de signes ou mentions prévus à l’article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime ou est issue de l’agriculture biologique au sens du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91,

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet article 4 vise à remettre l’ouvrage du livret agricole sur le métier.

En effet, la création d’un livret Agri n’est pas une proposition nouvelle puisqu’elle a déjà été évoquée par le passé dans plusieurs textes agricoles, sans pour autant aboutir.

En 2015 et en 2016 avait ainsi été créé par le Sénat un livret vert, dans le cadre d’une proposition de loi portant sur la compétitivité agricole.

Cette proposition a toujours été rejetée in fine pour divers motifs.

Je tiens d’ailleurs à rappeler à mes collègues du groupe Les Républicains qu’en 2015, lors de l’examen de ce texte, c’est bien l’un de vos anciens collègues parlementaires, Antoine Herth, alors rapporteur à l’Assemblée nationale et membre du groupe UMP, qui s’interrogeait sur l’utilité d’une telle mesure. Il considérait alors que l’épargne des Français n’était pas extensible et que le fléchage de l’épargne sur ce livret ne se ferait qu’au détriment d’autres produits d’épargne.

En tout état de cause, si nous nous interrogeons également sur la pertinence d’un tel outil, nous proposons quand même, dans un esprit constructif, que les ressources collectées par les établissements distribuant le livret Agri soient employées au financement des investissements des structures agricoles et agroalimentaires sous signe de qualité ou en agriculture biologique.

Nous estimons en effet que ce livret, s’il venait à voir le jour, devrait accompagner la transition vers l’agroécologie et le soutien aux productions de qualité bénéficiant d’un signe ou d’une mention reconnue.

M. le président. L’amendement n° 58, présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer les mots :

l’amélioration de leur compétitivité, leur mécanisation,

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Avec ce livret Agri, vous souhaitez réorienter l’épargne populaire vers l’agriculture afin d’en améliorer la compétitivité, voire la mécanisation. Nous l’avons bien compris.

De notre point de vue, ce livret doit permettre de financer la transition de notre modèle agricole vers une agriculture durable et permettre de faire face au changement climatique. C’est l’urgence à laquelle nous devons tous faire face.

Comme le souligne le rapport de la commission, l’agriculture souffre non pas d’une insuffisance majeure de financement, les encours d’emprunt progressant d’année en année, mais du surendettement de nombreuses exploitations, ce qui fragilise l’installation des agriculteurs. Or ce surendettement est parfois dû à un suréquipement.

Si l’aide à l’installation des agriculteurs est une bonne chose, il n’en demeure pas moins que le vrai problème reste le renchérissement du coût du foncier. Or le risque est grand de voir ce livret Agri accompagner l’augmentation du coût du foncier, alors que nous avons plutôt besoin d’encadrement et de régulation pour lutter contre la pression de plus en plus forte de la part d’investisseurs parfois étrangers ou n’ayant rien à voir avec l’agriculture.

Enfin, comme le rappelle le réseau Solidarité Paysans, tout pousse les agriculteurs à investir. Les revues et salons spécialisés valorisent à outrance la technologie, signe de modernité, de performance, mais aussi d’appartenance à une profession. (M. Joël Labbé acquiesce.) Pourtant, investir n’est pas forcément un marqueur social de réussite.

Sur le plan fiscal, les agriculteurs sont encouragés à investir pour payer moins d’impôts et moins de cotisations sociales. Or le surinvestissement peut rendre une exploitation vulnérable et devenir un frein pour la transmission.

M. le président. Merci, ma chère collègue.

Mme Marie-Claude Varaillas. C’est pourquoi nous pensons que, tel qu’il est rédigé, cet article 4 va à rebours de la nécessité de redonner de l’autonomie aux fermes et de limiter les dépendances à l’égard du système bancaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Je ne résiste pas à l’envie de rendre hommage à la proposition de loi de notre ancien collègue Jean-Claude Lenoir, à l’origine de cette idée de création d’un livret agricole ayant pour but non pas de conduire au surinvestissement, mais de créer ce lien perdu entre les Français et leur agriculture.

Ces amendements, identiques dans leur finalité, mais différents dans leur forme, ont pour but de réorienter un livret Agri revu à la baisse soit vers l’agriculture biologique ou en agroécologie – c’est l’amendement de M. Labbé –, soit vers les exploitations sous signe de qualité ou en bio – c’est l’amendement de M. Redon-Sarrazy. C’est en contradiction avec l’objectif général du texte d’aider de façon indifférenciée l’ensemble des agriculteurs, en évitant d’opposer une fois de plus les agricultures les unes aux autres.

Je vous fais remarquer que nous avons ajouté dans les investissements éligibles les investissements immatériels, qui sont trop souvent oubliés, alors qu’ils permettent justement d’éviter des mécanisations trop poussées en allant vers des agricultures de précision.

Nous avons de surcroît rendu éligible l’accès au foncier agricole pour les jeunes agriculteurs. Je n’imagine pas en priver ceux qui seraient en conventionnel. Ce serait tout de même curieux…

Enfin, l’amendement de Mme Varaillas tend à faire disparaître le mot « compétitivité » de l’article, ce qui serait pour le moins incongru si l’on considère le titre de cette proposition de loi.

Vous l’aurez compris, l’avis est défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Je veux en préambule redire l’intérêt que nous portons à cet article 4, même s’il y a encore du travail à faire.

À mes yeux, il a deux vertus.

D’abord, il permet de flécher l’épargne des Français vers l’agriculture et donc d’essayer d’améliorer la compétitivité. Tel est d’ailleurs l’objet plus large de cette proposition de loi.

Ensuite, dans l’esprit du travail que nous menons sur le pacte, il a l’immense mérite de tenter de mieux connecter la société avec l’agriculture. C’est une question de dialogue entre les Français et le monde agricole : l’épargne des Français doit servir l’agriculture.

J’y insiste, cet article 4 nous paraît intéressant, et ce débat se poursuivra dans le cadre de la loi d’orientation. Ces deux éléments, compétitivité et dialogue entre la société et ses agriculteurs, remontent beaucoup de nos échanges en région et au niveau national.

Par ailleurs, il ressort des trois amendements que la nature de ce lien que je viens d’évoquer n’est pas la même pour tous. Pour les uns, c’est le bio ; pour les autres, ce sont les circuits courts et les signes de qualité ; pour les troisièmes, c’est la question de l’investissement. Cela prouve que l’on a besoin de continuer à travailler sur ces sujets-là et de mieux qualifier les choses. C’est la raison pour laquelle je sollicite le retrait des trois amendements, faute de quoi l’avis sera défavorable.

C’est vrai, il faut envisager ces systèmes d’épargne en pensant à la transition. Qu’est-ce qui permet la transition ? On ne peut pas vouloir celle-ci et ne pas s’en donner les moyens. Cependant, ces trois amendements ne correspondent pas tout à fait à l’idée qu’on peut se faire de la compétitivité. Il y a aussi la question des jeunes ou du surinvestissement, qu’a évoqué Mme Varaillas. Sur ce dernier sujet, il faudrait poser plus globalement la question de la fiscalité. Quels sont les dispositifs fiscaux qui encouragent la transition et permettent de répondre aux inquiétudes de M. Montaugé sur les zones intermédiaires ? L’article 4 a vocation à favoriser le portage de capitaux plus que le surinvestissement, à faire en sorte que le foncier soit plus accessible aux jeunes, sans considération du modèle dans lequel ils souhaitent s’installer. N’oublions pas que le sujet principal, c’est le renouvellement des générations d’agriculteurs.

Pour conclure, je le redis, je suis favorable à l’idée de travailler, dans le prolongement de cet article 4, sur le sujet de la transition.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Cet article a une vocation très large, comme M. le ministre vient de le dire.

Nous souhaitons d’abord recomposer le lien que l’on n’aurait jamais dû perdre entre les Français et leur agriculture. Cette distanciation ne vaut pas partout. Nous sommes allés en Italie et nous avons vu la différence : aujourd’hui, les Italiens sont 57 millions d’ambassadeurs des produits italiens ; en France, il y a 30 millions de procureurs de l’agriculture française !

Les messages qui viennent de certaines travées, notamment de celles du groupe communiste, sont d’arrière-garde. Aujourd’hui, il n’y a plus d’agriculteurs qui investissent pour le plaisir d’investir ! Le suramortissement constitue certes une incitation fiscale, mais, dans les faits, il n’y a plus une exploitation qui n’achète pas dans le cadre d’une coopérative d’utilisation de matériel agricole (Cuma). Les agriculteurs se regroupent pour acheter du matériel, car l’évolution des prix fait qu’ils ne peuvent plus se payer le luxe d’acheter un tracteur pour le plaisir de s’acheter un tracteur ! Il y a dix ans, pour changer trois tracteurs sur mon exploitation, je devais payer 80 000 euros de soulte entre les anciens et les nouveaux ; aujourd’hui, c’est 240 000 euros ! Pensez-vous que les agriculteurs vont acheter des tracteurs simplement pour le plaisir de défiscaliser ? Ce temps est révolu ! Il faut arrêter de relayer ce type de message.

Au contraire, le livret Agri est une possibilité offerte aux Français de se reconnecter avec l’agriculture et de revenir à des choses que nous avons abandonnées trop vite. Nous parlons tous ce soir d’installation et de renouvellement des générations : ne faudra-t-il pas remettre en place demain des prêts bonifiés, compte tenu de l’évolution des taux d’intérêt, lesquels sont passés de 0 % voilà quelques mois à 4 % aujourd’hui,…

M. le président. Merci, mon cher collègue !

M. Laurent Duplomb. … surtout quand le patrimoine à transmettre représente une somme colossale en capital ? Le livret Agri aurait toute son utilité à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. J’entends les arguments selon lesquels ces aides doivent être larges et indifférenciées. Pour nous, c’est non ! Nous avons des préférences. Nous estimons qu’il y a des modèles plus vertueux que les autres. C’est ce qui nous différencie. Nous ne sommes pas caricaturaux : nous avons des convictions !

Selon nous, il y a des modèles qui s’inscrivent dans une vraie transition et qui vont nous apporter de la résilience. Aussi, nous voulons soutenir ces modèles, tout simplement, ce qui me semble limpide. Une politique publique doit servir à orienter l’agriculture, et nous souhaitons l’orienter d’une certaine manière. Nous ne sommes pas d’accord avec vous, et nous sommes cohérents avec notre vision de l’agriculture.

Pour terminer, je voudrais répondre à mon collègue Laurent Duplomb sur la moutarde. Il aura fallu le temps qu’elle me monte au nez… (Sourires.)

Ce que vous nous avez dit sur la moutarde montre bien qu’il y a deux modèles totalement différents. Vous nous parlez d’un modèle ouvert, libéral, où nous sommes en concurrence avec les Ukrainiens. Selon vous, pour être compétitif sur ce marché, il faut s’asseoir sur nos normes environnementales et essayer d’avoir le coût salarial le plus bas possible. Vous êtes dans cette dynamique du libéralisme défendue depuis des décennies et qui se justifie pleinement à vos yeux.

Pour notre part, nous ne nous satisfaisons pas de ce cadre. Nous voulons des clauses miroirs pour protéger notre agriculture, notre environnement et la santé des Françaises et des Français dans un monde habitable.

Voilà notre différence : elle est macroscopique et porte sur la conception de l’économie.

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Je voudrais à mon tour défendre ces amendements, comme vient de le faire mon collègue Daniel Salmon.

Puisque l’enjeu, à travers ce livret Agri, c’est de créer un lien entre la société et les agriculteurs, prenons exemple sur ce qui se passe avec le livret de développement durable et solidaire (LDDS), qui n’a de développement durable souvent que le nom, et qui n’incite pas un grand nombre de nos concitoyens souhaitant soutenir la transition écologique à s’engager sur ces produits financiers.

À mon sens, il serait très sage d’avoir un livret Agri qui vienne soutenir la transition écologique et qui permette à nos concitoyens de s’engager avec confiance sur ce produit financier, en soutien à un nouveau modèle agricole. Cela n’empêcherait pas, d’ailleurs, d’avoir un livret Agri conventionnel, mais il faut être clair : soutenir tous les modèles agricoles ne me paraît pas correspondre à ce que souhaitent beaucoup de nos concitoyens,…

M. Laurent Duplomb. Alors çà…

M. Daniel Breuiller. … à savoir participer activement à la transition agroécologique, face aux dangers liés à la crise climatique, à la pollution et au modèle agro-industriel. Permettons-le !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Je voudrais préciser que, lors des auditions sur cette proposition de loi, j’ai eu l’occasion de rencontrer les dirigeants de La Ferme Digitale, que chacun connaît, et en particulier un chef d’entreprise qui a une plateforme de financement de l’agriculture assez intéressante. Celle-ci permet, selon son témoignage, de collecter des fonds en ligne pour financer beaucoup de projets agricoles très divers. Il importe à mon sens d’être neutre par rapport aux projets d’installation, notamment des jeunes, qui sont souvent financés par ces plateformes, et de permettre au livret Agri d’être très large pour ce qui est des conditions d’éligibilité. En effet, monsieur Salmon, c’est une différence idéologique, mais nous l’assumons pleinement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Je vais faire un petit pas de côté par rapport à ce qui vient d’être dit. Nous devons essayer d’embrasser à la fois les problèmes liés à la transition et nos besoins de compétitivité et de souveraineté alimentaire.

Il faut savoir que nous manquons d’éleveurs en ovins. Pas en ovins bio, mais en ovins ! Vous ne pouvez pas dénoncer le fait que nous devions aller chercher des ovins en dehors des frontières et n’exiger que du bio. Vous le savez, ces marchés sont compliqués. J’ai aussi besoin de reconquérir quasiment 60 % de la filière fruits et légumes et de répondre à l’ensemble des besoins des consommateurs français, qui veulent parfois du bio, parfois autre chose.

Le corollaire de ce que vous revendiquez, c’est une capacité coercitive sur l’alimentation de nos concitoyens. Je ne pense pas que ce soit ce à quoi vous aspirez…

Si je veux assurer notre souveraineté, rien que pour ces deux seules filières, j’ai besoin de l’ensemble des modèles. J’ai cependant une petite différence avec Mme Primas : je pense que nous avons besoin d’encourager les transitions. Mais nous avons aussi besoin de reconquérir notre souveraineté ! Sinon, nous parlons dans le vide. Nous pouvons toujours donner notre préférence pour tel ou tel type de produits, mais si les gens n’en veulent pas… À la fin des fins, cela encourage ce qui vient de l’extérieur.

À cet égard, l’exemple de la moutarde est très parlant. Si j’ai bien compris, monsieur Salmon, vous proposez qu’il n’y ait pas de moutarde tout court si elle n’est pas produite en France.

M. Laurent Duplomb. Exactement !

M. Daniel Salmon. Mais non !

M. Marc Fesneau, ministre. Si je pousse votre raisonnement, vous n’acceptez pas les produits du Canada, mais comme on a du mal à produire de la moutarde en France, non pas pour une question de compétitivité, mais pour une question de savoir-faire… (Exclamations sur des travées du groupe GEST.) Essayons de le comprendre et de trouver des solutions. Je ne me résous pas à ce que nous ne produisions plus de moutarde en France, mais je ne me résous pas non plus à ce que les Français n’aient pas de moutarde. Mais je préférerais quand même qu’ils aient de la moutarde de France !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Les trois amendements vont dans le sens de la transition que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre. Il ne s’agit que d’épargne populaire dans le cadre d’un livret Agroécologie, sachant que l’agriculture est déjà bien subventionnée pour ses investissements. C’est la Cour des comptes qui le dit. Avant votre prochaine loi, si une consultation populaire est menée pour savoir si nos concitoyens souhaitent financer un livret Agri ou un livret Agroécologie, une majorité se portera sans doute sur le second avec plus d’entrain.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, je suis un peu surpris de vos propos concernant la moutarde. Je vous invite à goûter celle d’Antras, le berceau de l’armagnac. (Sourires.)

M. Marc Fesneau, ministre. Je défendais celle de Dijon ! (Mêmes mouvements.)

M. Franck Montaugé. C’est une excellente moutarde, faite localement. Plus sérieusement, j’ai un peu de mal à entendre dire qu’il n’y a plus de savoir-faire en France…

M. Marc Fesneau, ministre. Je n’ai pas dit cela !

M. Laurent Duplomb. Non, ce n’est pas ce qu’il a dit ! Ce n’est pas un problème de savoir-faire !

M. Franck Montaugé. Alors j’ai mal compris ! Je suis désolé !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 105.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 123 rectifié, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer la seconde occurrence de la référence :

L. 221-28

par la référence :

L. 221-7

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 123.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 6

Article 5

Après l’article 39 decies du code général des impôts, il est inséré un article 39 decies-0 A ainsi rédigé :

« Art. 39 decies-0 A. – I. – Dans les secteurs les plus intensifs en main d’œuvre, les entreprises exerçant une activité agricole, agroalimentaire et les sociétés coopératives agricoles peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt d’une somme égale à 40 % de la valeur d’origine des biens hors frais financiers, et dans la limite de 20 000 euros, affectés à leur activité et qu’elles acquièrent ou fabriquent à compter du 1er avril 2023 et jusqu’au 1er avril 2026 lorsque ces biens, qui peuvent être de nature matérielle ou immatérielle, peuvent faire l’objet d’un amortissement selon le système prévu à l’article 39 A et qu’ils ont pour finalité la réduction ou la participation à la réduction de leurs coûts de production, l’amélioration de leur compétitivité-prix, l’adaptation au changement climatique ou la gestion économe de l’eau.

« L’entreprise ou la coopérative qui prend en location un bien neuf mentionné au premier alinéa du présent I dans les conditions prévues au 1 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier en application d’un contrat de crédit-bail ou dans le cadre d’un contrat de location avec option d’achat peut bénéficier d’un crédit d’impôt d’une somme égale à 40 % de la valeur d’origine du bien hors frais financiers, au moment de la signature du contrat. Ces contrats sont ceux conclus à compter du 1er avril 2023 et jusqu’au 1er avril 2026. Si l’entreprise ou la coopérative crédit-preneuse ou locataire acquiert le bien, elle peut continuer à bénéficier du crédit d’impôt. Le crédit d’impôt cesse à compter de la cession ou de la cessation par celle-ci du contrat de crédit-bail ou de location avec option d’achat ou du bien et ne peut pas s’appliquer au nouvel exploitant.

« L’entreprise ou la coopérative qui donne le bien en crédit-bail ou en location avec option d’achat ne peut pas bénéficier du crédit d’impôt mentionné au premier alinéa du présent I.

« Un arrêté du ministère chargé de l’agriculture établit la liste des secteurs les plus intensifs en main-d’œuvre mentionnés au même premier alinéa ainsi que les équipements éligibles au crédit d’impôt.

« II. – Les associés coopérateurs des coopératives d’utilisation de matériel agricole et des coopératives régies par les 2°, 3° et 3° bis du 1 de l’article 207 du présent code peuvent bénéficier du crédit d’impôt prévu au I du présent article à raison des biens acquis, fabriqués ou pris en crédit-bail ou en location avec option d’achat par ces coopératives du 1er avril 2023 et jusqu’au 1er avril 2026, d’une part au titre des biens affectés exclusivement à des opérations exonérées, et d’autre part au titre des biens affectés à la fois à des opérations exonérées et à des opérations taxables au prorata du chiffre d’affaires des opérations exonérées sur le chiffre d’affaires total.

« Chaque associé coopérateur peut déduire une quote-part de la déduction ainsi déterminée, égale à la proportion :

« 1° Soit de l’utilisation qu’il fait du bien, dans le cas des coopératives d’utilisation de matériel agricole ;

« 2° Soit du nombre de parts qu’il détient au capital de la coopérative, dans les autres cas.

« Dans le cas des coopératives d’utilisation de matériel agricole, la proportion d’utilisation d’un bien par un associé coopérateur est égale au rapport entre le montant des charges attribué à cet associé coopérateur par la coopérative au titre du bien et le montant total des charges supporté par la coopérative au cours de l’exercice à raison du même bien. Ce rapport est déterminé par la coopérative à la clôture de chaque exercice.

« La quote-part est déduite du bénéfice de l’exercice de l’associé coopérateur au cours duquel la coopérative a clos son propre exercice.

« Les coopératives d’utilisation de matériel agricole, les coopératives régies par les 2°, 3° et 3° bis du 1 de l’article 207 et les associés coopérateurs sont tenus de produire, à toute réquisition de l’administration, les informations nécessaires permettant de justifier du crédit d’impôt pratiqué.

« Le bénéfice du crédit d’impôt prévu au présent article est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis, au règlement (UE) n° 717/2014 du 27 juin 2014 concernant l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture, ainsi qu’au règlement (UE) n° 2019/316 du 21 février 2019 modifiant le règlement (UE) n° 1408/2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.

M. Jean-Claude Tissot. Cet article 5 nous amène, à travers la création d’un crédit d’impôt, à aborder la question de la mécanisation en agriculture.

Nous ne sommes bien sûr pas favorables à la création d’un nouveau crédit d’impôt. Toutefois, la réécriture du texte par Mme la rapporteure, avec la mise en place d’un plafond, nous paraît un peu plus raisonnable. C’est pour cela que nous ne proposerons pas de suppression de l’article.

Pour revenir sur l’enjeu de la mécanisation, le CGAAER, qui accompagne votre ministère, monsieur le ministre, a rendu en 2021 un rapport intéressant sur les charges de mécanisation des exploitations agricoles.

Dans leurs conclusions, les auteurs rappellent que celles-ci peuvent représenter de 30 % à 50 % des charges totales et que le pouvoir de négociation des agriculteurs est bien faible face à un marché fermé, avec des prix en constante augmentation.

Sur le conseil à l’achat, ils indiquent également que la plupart des organisations d’appui au développement ont peu à peu quitté ce domaine et qu’il n’existe aujourd’hui que très peu d’outils d’aide à la décision pour aider les agriculteurs à raisonner leurs investissements. Je pense que tout l’enjeu est là.

Oui, les agriculteurs ont indéniablement besoin de machines agricoles, mais, car il y a un « mais », ces achats doivent se faire de manière raisonnée et adaptée à leur exploitation. Pour cela, je pense qu’ils ont davantage besoin d’un conseil indépendant que d’un crédit d’impôt, qui ne servira que d’argumentaire de vente aux producteurs et aux vendeurs de machines agricoles.

La surmécanisation, avec parfois des crédits très importants pour acheter des machines inadaptées, représente un risque bien plus concret, sur lequel les pouvoirs publics devraient se pencher plus sérieusement.

M. le président. L’amendement n° 59, présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Sans nier que de nombreuses exploitations font aujourd’hui face à la transformation des systèmes de production et que les outils de l’agroéquipement sont au cœur de celle-ci, nous considérons que la recherche d’optimisation des charges sociales et fiscales accélère bien souvent la prise de décision des agriculteurs et n’implique pas nécessairement une réflexion stratégique d’équipement. C’est un des constats du rapport du CGAAER, La charge de mécanisation des exploitations agricoles, réalisé en 2021.

Ce constat est partagé par la Cour des comptes : « Cet encouragement à l’investissement n’est pas sans lien avec des pratiques d’optimisation fiscale et sociale qui nuisent à la constitution de droits à la retraite des agriculteurs dans la mesure où elles réduisent le résultat comptable qui constitue l’assiette d’imposition et de cotisations. Il renchérit le montant des reprises et des installations et semble mal articulé avec les dispositifs destinés à pallier le coût croissant des équipements, comme les pratiques de mise en commun des équipements par les exploitants (coopérative d’utilisation de matériels agricoles, achats groupés, assolement commun), ou de recours, quand cela est pertinent, à des entreprises de travaux agricoles (ETA). En outre, si des investissements apparaissent indispensables pour réduire l’usage d’intrants et des énergies fossiles (recourir par exemple à des pulvérisateurs plus précis et plus coûteux), les avantages fiscaux ne sont pas toujours orientés vers des outils mécaniques ou d’aide à la décision qui s’inscriraient dans une dynamique d’activité agricole durable. »

C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Je comprends les arguments qui sont avancés par les auteurs de cet amendement de suppression. Qu’ils soient rassurés : l’article 5 n’a pas pour objet de permettre l’achat d’un tracteur à 150 000 euros, à 200 000 euros ou, mieux encore, à 300 000 euros ! En effet, la commission a plafonné le crédit d’impôt prévu à l’article 5 à 20 000 euros.

Ensuite, il est institué pour une durée de trois ans seulement, afin d’inciter les entreprises agricoles, notamment les plus modestes, à investir.

Je rappelle aussi que, en dépit de certaines pressions, nous avons maintenu le choix du crédit d’impôt, qui a l’avantage, contrairement à la défiscalisation, de permettre à des entreprises ayant un résultat modeste d’investir, en se faisant rembourser le surplus, si le montant du crédit d’impôt est supérieur au résultat.

Enfin, j’ai souhaité que ce crédit d’impôt puisse soutenir des investissements immatériels, qui peuvent aussi avoir des effets sur la compétitivité et sur l’adaptation au changement et aux transitions nécessaires.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Madame la sénatrice, notre avis est favorable sur votre amendement. Nous ne sommes en effet pas d’accord sur la manière dont la proposition de crédit d’impôt a été formulée.

Nous sommes tous pétris des paradoxes… Nous ne voulons pas de surtranspositions, mais nous en produisons à chaque texte ; nous ne voulons pas de niches fiscales, mais nous en créons là une supplémentaire !

Il semble donc nécessaire de se demander quels sont les objectifs de la fiscalité de l’agriculture. Nous avons déjà abordé cette question, madame la rapporteure.

Je profite de cette question pour vous livrer mon sentiment sur la question plus générale de l’investissement agricole, dont nous avons besoin.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu vos propos sur la mécanisation et sur la robotisation. À moins d’être sur une île déserte, il n’y a pas d’autres chemins que celui de la mécanisation et de la robotisation, qui est celui que tous les pays agricoles du monde empruntent. Elles ont libéré, dans la majorité des cas, les agriculteurs d’un certain nombre de contraintes physiques. Personne, j’imagine, n’a envie ni ici ni ailleurs de revenir au temps de l’agriculture non mécanisée.

Ainsi, nous avons besoin de mécanisation ; nous avons donc besoin d’investissements, mais non de surinvestissements ! Du reste, nous devons nous fixer comme objectif global d’éviter le surinvestissement et d’orienter les investissements vers la transition.

Ensuite, nous devons penser aux évolutions des structures agricoles. Peut-être faudrait-il accroître les structures collectives. Monsieur Duplomb, contrairement à ce que vous dites, tout n’est pas tout blanc ou tout noir en matière d’investissement. Il y a encore des gens qui investissent. Ils ont tout à fait le droit de manière individuelle.

Certaines structures d’investissement prennent la forme de Cuma ; d’autres structures ou dispositifs existent, mais ils ne sont pas forcément connus. Il nous faudra travailler sur ces sujets, y compris dans le texte que je serai amené à vous soumettre, en nous interrogeant sur les pratiques collectives qui ne s’inscrivent pas forcément dans les structures collectives actuelles. Nous avons besoin d’encourager le collectif. Alors que d’autres types d’organisations collectives se forment, essayons de ne pas imposer un modèle en la matière.

Nous devons plutôt travailler à encourager la transition, d’une part, le collectif, d’autre part. Il faut renforcer les structures collectives, sous différentes formes, en particulier celles dont les membres ne sont pas tous issus du milieu agricole.

Madame la sénatrice, j’en viens aux raisons qui font que nous sommes favorables à l’amendement de votre collègue Fabien Gay, que vous avez défendu. Les dispositions de l’article 5 pourraient faire doublon avec des soutiens financiers déjà prévus dans le cadre du plan France Relance, tels que les aides à la conversion des agroéquipements, qui se sont élevées à 212 millions d’euros – c’est en faveur de la transition –, ou le guichet mis en place par FranceAgriMer pour aider les agriculteurs à réussir la transition et ceux d’entre eux, dans toutes les filières, qui veulent s’engager à acheter des agroéquipements.

Par ailleurs, cet outil fiscal viendrait peut-être doublonner – cela mériterait une expertise – avec le dispositif de déduction pour épargne de précaution prévu dans le présent texte.

Je précise que, favorable à cet amendement de suppression de l’article 5, je serai défavorable à tous les autres.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 106, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 39 decies-0 A. – Les cotisations versées par les entreprises exerçant une activité agricole aux organismes nationaux à vocation agricole au sens des articles L. 820-2 et L. 820-3 du code rural et de la pêche maritime ouvrent droit à un crédit d’impôt d’une somme égale à 66 % du montant de la cotisation. »

II. – Alinéa 6

1° Remplacer la référence :

II

par la référence :

Art. 39 decies-0 B

2° Remplacer les mots :

et des coopératives régies par les 2° , 3° et 3° bis du 1 de l’article 207 du présent code peuvent bénéficier du crédit d’impôt prévu au I du présent article

par les mots :

peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt d’une somme égale à 20 % de la valeur d’origine des biens d’équipement hors frais financiers, lorsque ces biens, peuvent faire l’objet d’un amortissement selon le système prévu à l’article 39 A

III. – Alinéa 7 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque associé coopérateur peut déduire une quote-part de la déduction ainsi déterminée, égale à la proportion de l’utilisation qu’il fait du bien, dans le cas des coopératives d’utilisation de matériel agricole. »

IV. – Alinéa 12

Supprimer les mots :

les coopératives régies par les 2° , 3° et 3° bis du 1 de l’article 207 et

V. – Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent crédit d’impôt est plafonné à 10 000 euros. Il est limité à des équipements permettant la mise en place d’alternatives à l’usage de produits phytosanitaires ou d’engrais azotés. »

VI. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à V, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. J’ai formulé précédemment, à l’article 4, toutes nos réserves sur les dispositifs de soutien massif à l’investissement.

Il ne s’agit pas de nier qu’ils sont dans bien des cas nécessaires et utiles pour les exploitations. Je pense notamment aux investissements qui permettent de mettre en œuvre des solutions de remplacement aux engrais chimiques et aux pesticides, mais également à ceux qui permettent d’améliorer l’ergonomie et le confort de travail, notamment pour l’élevage et le maraîchage.

Mais la politique actuelle de soutien massif à l’investissement (Mme le rapporteur le conteste.) encourage l’agrandissement des exploitations, nous l’avons déjà dit, qui emporte nombre de conséquences sur l’emploi. Elle organise la perte d’autonomie des agriculteurs.

Comme la Cour des comptes, nous pensons qu’il faut réorienter les soutiens à l’investissement vers la mutualisation de matériel. C’est pourquoi nous proposons de réserver ce crédit d’impôt aux Cuma.

Nous pensons aussi qu’il faut déployer une politique ciblée sur la transition écologique. C’est pourquoi nous proposons également de réserver ce crédit d’impôt aux alternatives aux pesticides et aux engrais de synthèse.

Par ailleurs, nous sommes convaincus que l’avenir de l’agriculture ne se joue pas seulement sur les investissements matériels ou numériques. Les échanges entre les agriculteurs, au sein des centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Civam), des groupements en agriculture bio, des systèmes de mutualisation et d’organisation collectives, comme les services de remplacement, ou comme Solidarité Paysans, Terre de Liens, et L’Atelier Paysan : ces structures sont reconnues par le code rural et de la pêche maritime sous l’appellation « organisme national à vocation agricole et rurale » (Onvar), mais elles sont peu soutenues, alors qu’elles sont bénéfiques pour notre agriculture.

Elles permettent aux agriculteurs de développer des solutions innovantes et collectives pour gérer différemment leur ferme, mettre en œuvre des pratiques agroécologiques, et améliorer leur qualité de travail.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 19 rectifié ter est présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, M. Le Nay, Mmes Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, MM. Duffourg et Détraigne, Mme Perrot, M. Chauvet et Mme Doineau.

L’amendement n° 54 rectifié ter est présenté par Mme Loisier, MM. Bacci et Chasseing, Mmes Guidez et de La Provôté, MM. Hingray et Bonneau, Mme Gacquerre, MM. Savary et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, MM. Cigolotti et Folliot, Mmes Lassarade et Saint-Pé et M. Gremillet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 39 decies-0 A. – I. – Les entreprises exerçant une activité agricole, dont celles de travaux agricoles telles que définies au premier alinéa de l’article 722-2 du code rural et de la pêche maritime et celles de travaux forestiers telles que définies à l’article 722-3 du même code, ou agroalimentaire, et les sociétés coopératives agricoles des secteurs les plus intensifs en main-d’œuvre peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt d’une somme égale à 40 % de la valeur d’origine des biens hors frais financiers, affectés à leur activité et qu’elles acquièrent ou fabriquent à compter du 1er avril 2023 et jusqu’au 1er avril 2026 lorsque ces biens peuvent faire l’objet d’un amortissement selon le système prévu à l’article 39 A du présent code et qu’ils ont pour finalité la réduction ou la participation à la réduction de leurs coûts de production, l’amélioration de leur compétitivité-prix ou l’adaptation au changement climatique.

II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié ter.

Mme Élisabeth Doineau. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l’amendement n° 54 rectifié ter.

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le ministre, pour rebondir sur votre intervention, je pense que les crédits d’impôt sont justement utiles pour « booster » une politique publique. Le véritable sujet est de savoir comment les gérer dans le temps.

Aujourd’hui, la mécanisation semble être un outil majeur au service des agriculteurs, au regard des nombreux enjeux que nous avons abordés : la réduction des coûts de production, l’amélioration de la compétitivité-prix, l’adaptation au changement climatique ou la lutte contre les aléas climatiques.

Cet amendement a pour objet d’ouvrir explicitement ce crédit d’impôt aux entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers, qui sont confrontées aux mêmes problématiques et enjeux. Ce sont en effet des entreprises polyvalentes, qui œuvrent à l’entretien des espaces naturels, à la défense des forêts contre les incendies, ainsi qu’à la mise en œuvre des obligations légales de débroussaillement (OLD). Or il est notoire que l’on manque d’entreprises pour agir et réaliser ces travaux absolument nécessaires pour préserver nos espaces et pour garantir la sécurité de nos concitoyens.

Il s’agit donc d’une demande d’élargissement de ce crédit d’impôt.

M. le président. L’amendement n° 90, présenté par MM. Montaugé, Pla, Mérillou, Bouad et Michau et Mme Poumirol, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 39 decies-0 A. – I. – Les entreprises exerçant une activité agricole, dont celles de travaux agricoles telles que définies au premier alinéa de l’article L. 722-2 du code rural et de la pêche maritime et celles de travaux forestiers telles que définies à l’article L. 722-3 du même code ou agroalimentaire, et les sociétés coopératives agricoles des secteurs les plus intensifs en main-d’œuvre peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt d’une somme égale à 40 % de la valeur d’origine des biens hors frais financiers, et dans la limite de 20 000 euros, affectés à leur activité et qu’elles acquièrent ou fabriquent à compter du 1er avril 2023 et jusqu’au 1er avril 2026 lorsque ces biens, qui peuvent être de nature matérielle ou immatérielle, peuvent faire l’objet d’un amortissement selon le système prévu à l’article 39 A du présent code et qu’ils ont pour finalité la réduction ou la participation à la réduction de leurs coûts de production, l’amélioration de leur compétitivité-prix ou l’adaptation au changement climatique.

II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Dans le même esprit, il s’agit d’accorder un crédit d’impôt de 20 000 euros au maximum, dans le but de réduire les coûts de production, au regard des objectifs liés à la compétitivité-prix et à l’adaptation au changement climatique.

Nous pensons également, comme cela vient d’être dit, que les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers doivent en bénéficier.

De plus, la notion de services immatériels agricoles doit entrer dans le cadre de ce crédit d’impôt d’une enveloppe maximale de 20 000 euros.

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Férat, M. D. Laurent, Mmes Puissat et Gruny, M. Rietmann, Mme N. Delattre, M. Menonville, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Hugonet et Henno, Mme Loisier, M. Bascher, Mme Berthet, M. Bacci, Mme Demas, M. Burgoa, Mme Thomas, M. Savary, Mme Schalck, M. Decool, Mme Lassarade, MM. Pellevat, Chauvet, Chasseing, Canévet, B. Fournier et Bouchet, Mmes Ventalon, M. Mercier et Drexler, MM. Daubresse, Verzelen, Pointereau, C. Vial et Détraigne, Mme Pluchet, M. Sautarel, Mmes Billon, Garriaud-Maylam et Joseph, M. Duffourg, Mmes Lopez, Malet et Bellurot, MM. Somon et J.P. Vogel, Mme Dumas, M. Charon, Mme Dumont, MM. Lefèvre, Genet et Chatillon et Mme Imbert, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

Dans les secteurs les plus intensifs en main-d’œuvre, les

par le mot :

Les

II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Laurent Duplomb.

M. Laurent Duplomb. Il s’agit simplement d’élargir ce crédit d’impôt à tous les secteurs.

S’il a pour objet de favoriser, par exemple, les investissements relatifs aux aléas climatiques ou à l’aménagement en arboriculture, alors il faut l’ouvrir à tous les secteurs agricoles.

M. le président. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le montant :

20 000

par le montant :

10 000

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à encadrer davantage l’article 5, qui, dans sa version initiale, ouvrait largement les vannes, sans fixer aucun plafond à ce dispositif.

Du reste, ce dernier demeure aujourd’hui bien complexe à mettre en œuvre, notamment pour les organisations sociétaires.

Nous tenons à rappeler que la course à la mécanisation et au suréquipement des exploitations agricoles conduit bien trop souvent à des situations de surendettement parfois fatales à nos agriculteurs.

Consciente que cet article allait beaucoup trop loin et ne respectait pas le régime des aides de minimis, la rapporteure a fait voter, en commission, un amendement visant à plafonner le montant maximal du crédit d’impôt « pour limiter les éventuels effets d’aubaine, d’une part, ainsi que le coût pour les finances publiques, d’autre part ».

Madame la rapporteure, pour une fois, nous partageons totalement et sans réserve vos préoccupations !

C’est pourquoi, pour les mêmes raisons, nous proposons d’aller plus loin dans votre démarche, en abaissant le plafond, afin de nous assurer que ce crédit d’impôt ne crée pas un appel d’air en direction du surinvestissement et de la spéculation, qui ne bénéficieront pas aux agriculteurs, comme chacun le sait.

Nous proposons donc de plafonner ce crédit d’impôt à 10 000 euros et non pas à 20 000 euros.

M. le président. L’amendement n° 124 rectifié, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer la date :

1er avril 2023

par la date :

1er juin 2023

et la date :

1er avril 2026

par la date :

1er juin 2026

La parole est à Mme le rapporteur pour présenter l’amendement et pour donner l’avis de la commission.

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’amendement n° 124 rectifié est rédactionnel.

Je prendrai un peu de temps pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements, monsieur le président.

L’avis est défavorable sur l’amendement n° 106, de notre collègue Joël Labbé, qui tend à métamorphoser le principe de crédit d’impôt, lequel a bel et bien pour objet d’accompagner les petites structures.

La critique de la surmécanisation, je l’ai dit, et M. Tissot l’a rappelé, a été désamorcée en commission par l’instauration d’un plafonnement à 20 000 euros. À titre d’exemple, en arboriculture, investir dans des filets paragrêle, rendus souvent nécessaires du fait de l’augmentation des aléas climatiques, coûte 15 000 euros par hectare. Voilà un type d’investissement qui pourrait bénéficier de ce crédit d’impôt et qui me semble être de bon aloi.

Vous avez mentionné les Cuma – d’ailleurs, vous restreignez le crédit d’impôt à celles-ci –, qui sont en effet indispensables et très intéressantes. Aussi, elles sont intégrées au dispositif mis en place par l’article 5.

Les auteurs des amendements identiques nos 19 rectifié ter et 54 rectifié ter, ainsi que de l’amendement n° 90, proposent d’étendre le bénéfice du crédit d’impôt aux entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers. Or nous savons que, dans ce domaine-là, le défi actuel des forestiers est de faire face à la disponibilité de la main-d’œuvre. Ce sont des métiers assez pénibles.

Voilà pourquoi je proposerai à notre assemblée de voter tout à l’heure plusieurs amendements identiques visant à étendre le dispositif d’exonération pour les travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi à ces entreprises, ce qui constitue une réponse plus appropriée.

La commission demande donc le retrait de ces trois amendements. À défaut, son avis sera défavorable.

L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 7 rectifié de M. Duplomb, qui vise à étendre ce crédit d’impôt à tous les secteurs d’activité, alors que le dispositif que nous proposons est destiné aux entreprises agricoles évoluant dans des secteurs intensifs en main-d’œuvre, en particulier les maraîchers et les arboriculteurs.

C’est aussi un souci de bonne gestion des deniers publics – monsieur le ministre, je sens que vous allez être taquin – qui veut que l’on maintienne ce ciblage du crédit d’impôt.

L’avis est tout aussi défavorable sur l’amendement n° 32 rectifié de M. Tissot, qui a pour objet de diviser par deux le plafond du crédit d’impôt. Sans reprendre l’exemple du filet paragrêle, il me semble que 20 000 euros est un montant raisonnable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Mme la rapporteure m’a invité à être taquin… Eh bien, un certain nombre de nouveaux dispositifs ou de plus anciens dont vous proposez qu’ils soient élargis peuvent être couverts par d’autres mécanismes : je pense à ceux des plans France Relance ou France 2030.

Nous avons besoin, dans le débat qui s’ouvre aujourd’hui, de réfléchir aux aides fiscales et financières pour que les dispositifs soient cohérents. Nous ne pouvons pas créer trois ou quatre guichets ! Les agriculteurs nous diront que les démarches sont trop compliquées, car il y aurait trop de guichets, même s’ils étaient complémentaires. Nous avons besoin de lisibilité en la matière.

Par ailleurs, sur les sujets forestiers, il est également nécessaire de se poser cette question, mais elle doit être traitée à part. L’enjeu et les orientations ne sont pas les mêmes. C’est simplement une question de mécanisation, alors qu’il est nécessaire de réfléchir à la transition du modèle agricole, au moyen de nouveaux matériels.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le ministre, certes, je suis d’accord avec vous, mais nous parlons là d’entreprises polyvalentes, qui émargent aussi aux guichets agricoles.

Madame la rapporteure, vous avez raison, il y a une pénurie de main-d’œuvre, mais la pénibilité est forte dans ces secteurs d’activité. La mécanisation est absolument essentielle pour attirer de la main-d’œuvre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 106.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié ter et 54 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 90.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 124 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(Larticle 5 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

Mme le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France.

Dans la suite de l’examen du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 6.

Article 5
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Article 7

Article 6

I. – Le I de l’article 73 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 1 est ainsi modifié :

a) À la fin du a, le montant : « 27 000 € » est remplacé par le montant : « 29 500 € » ;

b) Au b, les deux occurrences du montant : « 27 000 € » sont remplacées par le montant : « 29 500 € » et le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 40 % » ;

c) Au c, le montant : « 33 900 € » est remplacé par le montant : « 37 700 € », le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % » et les deux occurrences du montant : « 50 000 € » sont remplacées par le montant : « 75 000 € » ;

d) Au d, le montant : « 38 900 € » est remplacé par le montant : « 48 890 € », le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 20 % » et les deux occurrences du montant : « 75 000 € » sont remplacées par le montant : « 100 000 € » ;

e) Au e, le montant : « 41 400 € » est remplacé par le montant : « 59 112 € » ;

2° Aux 1° et 2° du 2, le montant : « 150 000 € » est remplacé par le montant : « 200 000 € ».

II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 33 rectifié est présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mme Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 94 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié.

M. Jean-Claude Tissot. L’article 6 prévoit d’augmenter l’ensemble des plafonds applicables à la déduction pour épargne de précaution (DEP).

Nous estimons que cette augmentation se fera surtout au bénéfice des exploitants ayant la capacité d’épargner fortement. Or, pour les sénateurs socialistes, la priorité doit être de soutenir les agriculteurs les plus en difficulté, c’est-à-dire ceux qui peinent aujourd’hui à tirer un revenu décent de leur activité et pour lesquels l’idée d’épargner n’est pas du tout d’actualité.

Par ailleurs, comme cela a été dit lors de l’examen de l’article 5, il faudrait toujours garder en tête le coût de ces allégements fiscaux pour les finances publiques.

Les sénateurs socialistes souhaitent toutefois rappeler qu’ils sont favorables au maintien du dispositif actuel de déduction pour épargne de précaution. Cet outil peut être intéressant pour faire face à la volatilité des revenus et à la multiplication des aléas.

En revanche, en l’absence d’étude d’impact sérieuse, nous démontons l’argument selon lequel son augmentation, dans les proportions envisagées à l’article 6, viendrait répondre à une réelle demande du monde agricole dans sa diversité.

Nous considérons que les éléments ne sont pas réunis pour que nous votions cet article.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 94.

M. Daniel Salmon. En proposant de supprimer l’article 6, notre groupe souhaite dénoncer une nouvelle fois l’iniquité qu’il avait signalée lors des débats sur la réforme de l’assurance récolte en 2022.

L’augmentation de l’ensemble des plafonds applicables à la déduction pour épargne de précaution ne pourra profiter qu’aux exploitants ayant la capacité d’épargner fortement.

En effet, ce système bénéficie seulement à un nombre très réduit d’exploitations. Il semble davantage être un outil d’optimisation fiscale et sociale que de gestion des aléas.

Ainsi, comme l’a précisé la commission des finances du Sénat dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour 2020, seules les exploitations agricoles les plus profitables, avec les plus hauts revenus, bénéficient de la mesure. En effet, le rapporteur général souligne que « la situation rarement ou médiocrement bénéficiaire d’une proportion élevée d’exploitations agricoles exclura une grande majorité des exploitations du bénéfice de la nouvelle disposition ».

La hausse des plafonds de l’épargne de précaution n’est pas la solution qui permettra d’encourager la compétitivité de l’agriculture française. L’effort devrait au contraire être à destination des agriculteurs qui peinent aujourd’hui à tirer un revenu décent de leur activité.

De plus, le mécanisme de l’épargne de précaution permet de réduire le bénéfice agricole imposable de l’année, et donc de diminuer le montant de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales dues aux caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA).

Le levier choisi pour permettre à l’agriculture de faire face aux aléas conduira donc à un nouvel appauvrissement de la protection sociale. Il aura notamment des conséquences sur le montant des retraites agricoles, extrêmement faibles.

Pour toutes ces raisons, notre groupe estime qu’il est nécessaire d’évaluer un tel dispositif, au regard des critères du nombre d’exploitations bénéficiaires, de son efficacité pour faire face aux aléas, et du coût qu’il engendre pour la Mutualité sociale agricole.

Nous jugeons donc que la hausse des plafonds proposée n’est pas pertinente. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Ces deux amendements de suppression reçoivent naturellement un avis défavorable, étant contraires à la position de la commission. Leurs auteurs considèrent que le rehaussement des plafonds de la dotation pour épargne de précaution n’est pas opportun. J’ai également entendu le propos de notre collègue qui souhaite même la remettre en cause.

Pourtant, toutes les auditions ont souligné à quel point elle est un outil essentiel dans la gestion pluriannuelle des aléas climatiques. Elle vient en complément des dispositifs d’assurance récolte qui ont été mis en place l’année dernière.

Les agriculteurs ne s’y trompent pas, puisqu’ils sont de plus en plus nombreux à se saisir de ce dispositif. Selon les chiffres communiqués par l’une des banques qui s’occupent bien des agriculteurs, plus de 53 300 comptes ont été ouverts dans ses établissements en 2022, c’est-à-dire trois ans après l’instauration du dispositif.

Monsieur le sénateur, j’aimerais bien que nous comptions quelque 53 300 agriculteurs extrêmement aisés, possédant de grosses exploitations, mais ce n’est pas le cas ! Aussi, je considère que ce dispositif touche nombre d’exploitations.

Les plafonds n’ont pas augmenté depuis l’instauration de la DEP en 2019. Or, depuis lors, l’inflation est passée par là. À l’occasion de l’examen du texte en commission, j’ai souhaité modérer la hausse initialement prévue, pour trouver un juste équilibre.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Une plus grande résilience de nos agriculteurs face à la multiplication des aléas est essentielle. Selon nous, la déduction pour épargne de précaution est l’un des dispositifs qui permettent d’accroître cette résilience. Nous y sommes donc très attachés.

D’ailleurs, le dispositif a été prolongé de trois ans par la loi de finances pour 2023. En outre, un mécanisme d’actualisation du plafond de déduction, qui tient compte de l’inflation, a été mis en œuvre. Tout cela nous conduit à penser que le dispositif en vigueur est bon.

L’avis est donc favorable sur ces deux amendements.

Oui, le dispositif de déduction pour épargne de précaution est bon et nous le soutenons, comme le Sénat, mais dans sa version actuelle. À notre sens, je le répète, il n’est pas nécessaire d’y revenir.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 rectifié et 94.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 6.

(Larticle 6 est adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation du décret prévu au dernier alinéa du présent article, une déduction supplémentaire à celle prévue au I de l’article 73 du code général des impôts est ouverte aux exploitants agricoles mentionnés au 1 du même I, sous réserve qu’ils souscrivent un engagement contractuel pluriannuel portant sur la vente ou l’achat d’une quantité de céréales, fourrages ou aliments du bétail déterminée à un prix convenu.

Cette déduction supplémentaire peut être librement pratiquée au titre de chacun des exercices clos durant la période d’exécution du contrat. Son montant cumulé réalisé au titre desdits exercices ne peut excéder 30 000 €.

En cas d’inexécution, même partielle, du contrat mentionné au premier alinéa du présent article, la fraction de déduction supplémentaire mentionnée au présent article non encore rapportée est rapportée au résultat de l’exercice de constatation de cette inexécution, majorée d’un montant égal au produit de cette somme par le taux de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts.

Un décret précise les modalités d’application du présent article.

Mme le président. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Pour des raisons analogues à celles que nous avons invoquées à l’amendement n° 33 rectifié, nous ne sommes pas favorables à la multiplication des allégements fiscaux sans étude d’impact précise et préalable qui permettrait d’en évaluer les éventuelles conséquences.

Cet amendement a donc pour objet de supprimer l’article 7, qui vise à instaurer à titre expérimental une DEP supplémentaire, en cas de contractualisation entre les filières animales et végétales, qui pourrait être librement appliquée dans la limite de 30 000 euros par exercice budgétaire.

Une fois de plus, nous nous interrogeons sur les réels bénéficiaires d’un tel dispositif. Est-ce qu’une telle mesure répond véritablement à l’exigence d’un « choc de compétitivité », pour reprendre les termes de l’intitulé de la présente proposition de loi ?

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Cet article 7, qui a pour objet d’instituer l’expérimentation, pour une durée de trois ans, d’une DEP supplémentaire en cas de contractualisation entre les filières animales et végétales, répond à une forte demande de la profession agricole, issue particulièrement des filières animales.

Elles subissent de plein fouet les fluctuations du cours des céréales, qu’elles ne parviennent que très imparfaitement à répercuter sur leurs prix de vente.

Monsieur Redon-Sarrazy, pour répondre à votre question sur les avantages d’un tel dispositif, une contractualisation entre ces filières permettrait aux éleveurs de bénéficier de prix convenus à l’avance ainsi que d’une lisibilité sur plusieurs années. Je le répète, c’est là une demande de l’ensemble des filières, et cela permettrait de ne léser aucune partie.

Avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Avis favorable sur cet amendement n° 34 rectifié, qui tend à supprimer l’article 7. (M. Laurent Duplomb sexclame.)

Cela étant dit, il faut reconnaître que la mesure proposée à l’article 7 est intéressante à double titre. D’une part, elle a pour objet d’inviter les filières animales et végétales à contractualiser – et il faut les y encourager. D’autre part, la dotation d’épargne de précaution doit être davantage déployée pour améliorer la résilience de nos exploitations, comme nous l’avons déjà mentionné.

Toutefois, nous sommes opposés à cette mesure – sur le fond, on peut essayer de travailler sur ce sujet –, en raison de la rédaction actuelle de l’article, qui soulève des difficultés.

Premièrement, cette proposition est susceptible de constituer une subvention aux prix, contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et pouvant être qualifiée d’aide d’État, au regard des règles européennes. En effet, la mesure viendrait baisser le coût du contrat pour les producteurs, créant une distorsion de concurrence, qu’il paraît difficile de justifier.

Deuxièmement, la mesure proposée s’articule mal avec le renforcement des règles en matière contractuelle, inscrit dans le cadre de la loi Égalim, où est établi le principe du caractère pluriannuel des engagements contractuels. Il faut noter que les filières végétales ont souhaité déroger au cadre établi par Égalim, plus spécifiquement à la pluriannualité, au motif qu’elle n’était pas adaptée à leur fonctionnement.

Troisièmement, cet article aurait davantage sa place dans un projet de loi de finances.

Nous avons sans doute besoin de travailler sur un mécanisme qui permettrait de creuser la piste que vous envisagez à cet article 7, madame la rapporteure.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 7.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7
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Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 37 rectifié

Article 8

Par dérogation au premier alinéa du I de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, une expérimentation de l’utilisation des aéronefs télépilotés ou contrôlés par intelligence artificielle pour la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques est menée, pour une période maximale de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, sur des surfaces agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 % ou dans le cadre d’une agriculture de précision sur des surfaces restreintes.

Les conditions et les modalités de cette expérimentation sont définies par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé de manière à garantir l’absence de risque inacceptable pour la santé et l’environnement.

Cette expérimentation fait l’objet d’une évaluation par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, visant à déterminer les bénéfices liés à l’utilisation de drones pour l’application de produits phytopharmaceutiques en matière de réduction des risques pour la santé et l’environnement.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.

M. Jean-Claude Tissot. Mon intervention portera sur le fondement même de cet article 8, qui prévoit de rétablir l’épandage aérien des produits phytopharmaceutiques. Elle fera également référence aux articles 13 et 18, que nous examinerons ultérieurement.

Avant d’aborder les questions techniques que soulèvent ces articles, il me semble tout de même nécessaire de rétablir quelques vérités au regard du discours tenu sur les pesticides selon lequel nous serions l’un des pays les plus exigeants, et l’un de ceux qui surtransposeraient le plus…

Face à ce discours, je rappellerai simplement que l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), qui appelé l’ensemble des États membres à réduire leur consommation de pesticides, a indiqué que les plus fortes augmentations de vente de substances actives ont été enregistrées en Allemagne et en France entre 2011 et 2020.

D’après l’Atlas des pesticides, la France serait même le troisième pays de l’Union européenne à autoriser le plus de substances actives, pour un total de près de 291 substances autorisées.

Je tiens également à rappeler que 34 % de l’eau distribuée en France serait non conforme aux réglementations, notamment à cause d’une contamination par les métabolites du chlorothalonil, un pesticide interdit depuis 2019.

Monsieur le ministre, nous pourrions également revenir sur votre opposition à l’interdiction de l’herbicide S-métolachlore, alors même que l’Anses a prouvé que des dérivés de ce pesticide ont été retrouvés dans des eaux souterraines.

Nous pourrions également évoquer les injonctions à ne pas trop contrôler les arboriculteurs adressées aux inspecteurs de l’Office français de la biodiversité (OFB).

Mes chers collègues, vous le voyez, les exemples ne manquent pas pour prouver la quantité de pesticides dans les méthodes de production et le poids de ce lobby industriel dans de nombreuses décisions des pouvoirs publics !

Cet article 8, qui revient sur une disposition qui avait fait consensus lors de l’examen de la loi Égalim, le prouve également. Nous nous y opposerons donc avec conviction.

Mme le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.

Mme Patricia Schillinger. Nous abordons l’examen de l’article 8, qui autorise l’usage d’aéronefs télépilotés pour la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques.

J’avais à cœur d’intervenir sur ce sujet qui touche directement mon département, où le vignoble est caractérisé, par endroits, par de fortes pentes.

Le recours à des drones représente sur ces parcelles la meilleure des solutions pour la santé des opérateurs, d’une part, pour le respect et la protection de l’environnement, d’autre part.

En effet, le traitement par voie terrestre est particulièrement dangereux pour les opérateurs qui en sont chargés.

Rappelons que procéder par voie terrestre les oblige à être directement au contact des produits et les expose à un fort risque d’accident, tant il n’est pas rare que, dans le contexte de forte pente, les chenillards se renversent.

Aussi, le recours aux drones constitue pour les salariés une amélioration de leurs conditions de travail.

Par ailleurs, l’efficacité, la précision et la rapidité du recours aux drones permettent des interventions efficientes et ciblées, dans le respect de l’environnement.

C’est ce que confirme l’expérimentation qui s’est achevée en octobre 2022 à Guebwiller, en Alsace. Or, à l’issue de cette expérimentation, et en dépit des conclusions positives de l’évaluation réalisée par l’Anses, les exploitants concernés sont aujourd’hui sans solution.

Il convient d’être vigilant et d’anticiper la fin de l’expérimentation pour les producteurs.

Aussi, je suis particulièrement favorable à cet article, dont je salue la modification de bon sens apportée par Mme la rapporteure en commission en vue d’en assurer la conformité avec le droit européen.

Ce sujet illustre parfaitement la manière dont l’innovation et la technologie peuvent être au service de l’agriculture, en aidant les exploitants à concilier les contraintes inhérentes à leur activité avec le respect de l’environnement.

Dès lors, ne soyons pas dogmatiques et embrassons les progrès !

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 35 rectifié est présenté par Mme Bonnefoy, MM. Tissot, Montaugé et Devinaz, Mme Préville, M. Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mme Monier, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 60 est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 107 est présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié.

Mme Nicole Bonnefoy. L’article 8 introduit une dérogation au principe général d’interdiction de la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques, en autorisant l’utilisation d’aéronefs télépilotés et contrôlés. Cette dérogation générale reviendrait ainsi sur une interdiction introduite par les lois Grenelle dans le droit français conformément à une directive européenne de 2009.

Dans mon rapport d’information sur les pesticides adopté par le Sénat en 2012, je relevais, avec Sophie Primas, que cette technique présentait le risque d’exposer aux produits épandus des espaces situés à proximité de la zone d’épandage.

La dérive, lors des épandages aériens, est d’autant plus importante que le vent est fort.

Cette volatilité est un réel problème, souligné, d’ailleurs, par le rapport d’expertise de l’Anses publié à l’automne : selon ce dernier, « les applications par drone s’avèrent dans l’ensemble moins efficaces que celles par pulvérisateurs classiques ».

Par ailleurs, le même rapport constate que « les niveaux de contamination des mannequins, placés à une distance de la parcelle de 3 et 10 mètres, sont supérieurs lors d’une pulvérisation avec un drone en comparaison avec un atomiseur à dos ».

Alors que cette étude renforce les inquiétudes sanitaires et remet même en question l’efficacité de cette technique, il n’est pas sérieux de revenir sur cette interdiction. Il y va de la protection de la santé de nos agriculteurs, qui sont les premières victimes des pesticides.

Les dérogations à l’interdiction de l’épandage aérien qui existent d’ores et déjà doivent rester l’exception et répondre à des motifs très précis.

Pour ces raisons, nous vous demandons de supprimer cet article, qui, s’il était adopté, remettrait en cause un acquis législatif solide pour la défense de notre environnement.

Mme le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 60.

Mme Marie-Claude Varaillas. Nous ne pouvons pas véritablement conclure à ce jour que l’utilisation des drones pour la pulvérisation de précision des pesticides sur les terrains agricoles soit sans danger pour la santé et l’environnement.

En revanche, ce que nous savons avec certitude, c’est que les populations d’oiseaux des milieux agricoles ont chuté de 43 % en quarante ans et que les insectes et les pollinisateurs disparaissent de manière dramatique. Nous faisons partie des pays qui, comme d’autres, peinent à maintenir la biodiversité dans leurs milieux agricoles, alors même que produire autrement est aujourd’hui une question de survie du modèle agricole lui-même.

Au regard de ces éléments, du manque d’informations sur les impacts potentiels sur l’environnement et en application du principe de précaution, il nous paraît nécessaire de poursuivre les études à ce sujet et de mettre en place des procédures d’évaluation de risques sur l’environnement, en particulier sur les pollinisateurs, qui, nous le savons, sont indispensables à notre système agroalimentaire.

De plus, nous ne pouvons avec certitude écarter le risque sur la santé des agriculteurs et des salariés agricoles eux-mêmes.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 107.

M. Joël Labbé. Comme nos collègues socialistes et communistes, nous plaidons pour la suppression de cet article.

Je veux simplement, en complément de ce qui a déjà été dit – et bien dit –, appuyer sur les conclusions du rapport publié par l’Anses en 2022, qui vient alimenter nos craintes. Ce rapport dénonce une dérive aérienne 4 à 10 fois supérieure pour les vignes et les bananeraies et une potentielle dérive, dans les sédiments, 3 à 5 fois plus importante pour les pommiers.

L’Anses précise que les drones entraînent un courant descendant dû à leur rotor, qui représente des risques différents des technologies préexistantes. Elle montre un dépôt de pesticides irrégulier sur les cultures, qui peut exposer les travailleurs à des quantités de produits problématiques.

Comment, dans ces conditions, proposer d’ouvrir à des usages plus larges ?

L’expérimentation proposée ne nous semble pas conforme à l’interdiction des épandages aériens prévue par le droit européen. Elle va à rebours d’une politique de sortie de l’usage des pesticides que nous appelons de nos vœux, cependant qu’elle expose nos concitoyens à des risques nouveaux.

Nous proposons donc avec force la suppression de cet article. Nous ne pouvons accepter d’entendre dire que les agriculteurs n’ont pas d’autre solution. D’autres solutions existent ! Il faudra bien s’engager dans la sortie des pesticides, donc se fixer des trajectoires. Nous attendons beaucoup du Gouvernement sur ce plan.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’usage des drones en agriculture ne fait pas consensus, comme le prouvent ces amendements de suppression. Je vais essayer de m’en tenir aux faits et de ne pas trop verser dans l’opposition dogmatique.

Je vous rappelle que la rédaction initiale envisageait une autorisation générale de l’utilisation des drones. Notre commission a largement fait évoluer le dispositif, en le transformant en une expérimentation sur terrain en pente et réduite à l’agriculture de précision.

En effet, nous manquons encore de données. C’est d’ailleurs l’une des conclusions principales du rapport de l’Anses.

Or, pour avoir des données, madame Varaillas, il faut expérimenter ! Par définition, il n’y a pas de données sans expérimentation…

Bien évidemment, l’usage du drone ne sera pas la réponse à tout en tous lieux pour toutes les problématiques auxquelles les cultures sont confrontées, mais il semble que les résultats préliminaires soient intéressants en ce qui concerne les dérives de pulvérisation, comme le signale l’Anses dans son rapport. Je ne suis pas certaine que nous en ayons lu les mêmes pages…

Le fait que l’Anses reconnaisse qu’il faut collecter davantage de données pour pouvoir mener correctement à la fois le travail d’évaluation et le travail de recommandation sur l’utilisation des drones plaide en faveur de cette expérimentation. Si nous nous en passions, ce serait un mauvais signal envoyé aux agriculteurs pour poursuivre dans la voie de l’innovation.

Il est assez clair qu’un agriculteur intervenant au bout de son champ et en l’absence de vent est bien plus protégé, en cas d’infestation par des insectes ou d’autres maladies, quand il pulvérise par précision que lorsqu’il pratique un épandage plus classique. Il en est de même, d’ailleurs, pour les riverains.

Il ne faut pas se priver des progrès liés à l’innovation, il faut les quantifier. Et, si ce ne sont pas de vrais progrès, il faut le dire !

Quoi qu’il en soit, il faut collecter de la donnée, raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. À la vérité, la rédaction initiale de l’article aurait pu justifier que nous émettions un avis favorable sur vos amendements, mais, comme Mme la rapporteure l’a rappelé, le travail qui a été fait en commission permet d’orienter l’usage des drones d’une façon qui nous semble pertinente.

D’abord, c’est une expérimentation. Je me réjouis que tout le monde se réfère au rapport de l’Anses – cela préfigure les débats que nous aurons à l’article 13 –, même si chacun n’en lit manifestement pas les mêmes pages…

Dans ce rapport, l’Anses constate qu’il y a des données intéressantes, mais que l’on aurait besoin de données complémentaires. C’est bien que l’Anses reconnaisse elle-même qu’elle n’est pas pleine de certitudes. N’ayons pas plus de certitudes que l’Anses ! Sinon, on attentera à la réalité des faits scientifiques… Il est nécessaire de pousser l’examen plus avant.

Que dit l’Anses ? Que l’on a besoin de données complémentaires.

Vous avez le droit de faire du refus des drones une position de principe – je ne parle même pas de dogmatisme. Cependant, l’encadrement proposé par votre commission permet d’engager une expérimentation, sur des terrains en pente et dans le cadre d’une agriculture de précision sur des surfaces restreintes.

Dès lors qu’elle vient servir l’objectif de réduction et de dosage au mieux de la molécule utilisée pour tel ou tel usage, le recours au drone nous paraît aller dans le bon sens.

De fait, cet équilibre me paraît intéressant, même s’il méritera sans doute que l’on y travaille encore.

Il est cependant un point sur lequel nous pouvons, me semble-t-il, avoir un vrai désaccord.

Je n’ai pas d’appréhensions par rapport à la technologie. Je ne dis pas non plus qu’elle marque nécessairement un progrès, mais, au moins, regardons, expérimentons, et essayons de voir si elle ne peut pas apporter des solutions à des défis techniques posés à l’agriculture.

Je veux bien que l’on parle d’autres solutions, mais, à un moment, si l’on refuse la technologie, si l’on refuse la robotique, le numérique, les drones, la recherche génétique, on va se retrouver face à des « y’a qu’à faut qu’on » de tribune, et à rien d’autre. Or nous avons besoin d’alternatives dans la trajectoire que nous essayons de tenir, qui est une vraie trajectoire de réduction d’usage des produits phytosanitaires. Cet usage expérimental des drones y contribue.

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. J’irai dans le sens de Mme la rapporteure, pour dire que nous avons intérêt à utiliser ces drones, par dérogation, en m’appuyant sur l’exemple de la riziculture dans mon département.

Nous avons besoin de la riziculture en Camargue. Nous avons besoin de riziculteurs, dans les Bouches-du-Rhône comme dans le Gard, notamment pour maintenir cette Camargue qui nous est chère – ils m’ont d’ailleurs saisi en ce sens, monsieur le ministre, comme ils l’ont fait avec vous. (Marques dironie sur les travées du groupe GEST.)

La Camargue n’est pas pentue, mes chers collègues, mais l’utilisation des drones nous faciliterait la tâche, car le terrain est très meuble, ce qui est très problématique, et la riziculture se pratique sur un territoire très exigu.

Nous avons besoin de la riziculture pour l’apport d’eau potable brute sur ce secteur, pour maintenir l’équilibre de notre Camargue. Sinon, cela fera augmenter la salinité.

Nous avons donc besoin de cette dérogation, et j’espère, monsieur le ministre, que vous l’accepterez pour maintenir la riziculture et pour maintenir cet équilibre qui nous est si cher en Camargue.

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je suis certainement dogmatique,…

M. Marc Fesneau, ministre. Justement, je ne l’ai pas dit !

M. Guillaume Gontard. … puisque, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, je suis convaincu – et mon seul dogme est celui-ci – que nous devons trouver des alternatives aux pesticides et aux produits phytosanitaires.

Or la solution qui nous est proposée n’est évidemment pas une alternative. C’est une manière d’appliquer différemment des produits phytosanitaires, mais, je le répète, ce n’est pas une alternative à ces produits. Il faut s’entendre sur les choses.

La problématique des produits phytosanitaires est clairement une problématique sanitaire. Un produit phytosanitaire a un impact sur les populations, sur l’eau, sur la biodiversité. Il faut donc évidemment parvenir à mettre en place une transition pour éviter l’application de ces produits, qui, en premier lieu, ont un impact sur les populations qui l’utilisent, donc sur les agriculteurs.

Je reviens sur le rapport de l’Anses.

C’est bien de demander des rapports ou des expérimentations, mais il faut ensuite les étudier ! Certes, on peut en regarder toutes les pages, mais un article, une page, suffit parfois à comprendre que ces produits et ce mode d’application peuvent avoir un impact très fort sur les personnes qui les utilisent.

De fait, on lit, dans l’article concernant les travailleurs, que « plusieurs études montrent que les dépôts sur les cultures présentent une variabilité supérieure après utilisation de drones en comparaison avec les matériels d’application classiques. Ainsi, la question de l’impact de la quantité des dépôts sur les cultures sur l’exposition des travailleurs se pose ».

Il faut savoir s’arrêter là et se dire que ce mode d’application n’apporte rien par rapport aux modes classiques et que la vraie solution réside bien dans les alternatives aux pesticides.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, permettez-nous d’être un peu circonspects.

On nous annonce la baisse des pesticides depuis des années. En 2015, on nous annonçait, une baisse de 50 % pour 2030. Il y a eu, depuis, la COP15. Vous nous direz où nous en sommes, mais les chiffres dont je dispose montrent que leur utilisation a augmenté plus qu’elle n’a baissé.

On met toujours en avant la technologie, censée nous sauver. C’est un peu comme les frappes chirurgicales : on nous promet que les buses seront de plus en plus précises, de moins en moins nombreuses…

Résultat des courses, la baisse des pesticides n’est pas au rendez-vous. C’est un miroir aux alouettes. Je n’utilise pas cette expression par hasard, car ce petit passereau de nos plaines qu’est l’alouette est en train de disparaître, comme le bruant ortolan.

Une étude qui vient de paraître met en avant le rôle des pesticides dans la disparition des oiseaux. Pendant longtemps, comme dans beaucoup d’autres domaines, on a joué sur le doute, disant qu’elle était multifactorielle. Non ! La hiérarchie des causes est désormais clairement établie : ce sont les pesticides qui expliquent que ce petit oiseau, dont on parlait dans nos contes et qui figurait dans plein de nos expressions – songeons au pâté d’alouette –, est en train de disparaître. Or, quand l’alouette disparaît, c’est tout un écosystème qui disparaît. Et, on le sait, quand un écosystème disparaît, ce sont des chaînes alimentaires, des chaînes trophiques qui s’amenuisent, et une résilience qui disparaît. Il faut alors utiliser plus de pesticides… Voilà où nous en sommes : à un système qui appelle toujours plus de pesticides.

Je suis désolé, mais les facteurs technologiques ne nous conduisent pas vers une réduction. Permettez donc que nous soyons plus que circonspects !

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 rectifié, 60 et 107.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. L’amendement n° 87 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano, Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Après le mot :

aéronefs

insérer les mots :

à motorisation non thermique

II. – Alinéa 3

Après le mot :

drones

insérer les mots :

à motorisation non thermique

La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Le présent amendement, déposé par notre collègue Henri Cabanel, a pour objet de préciser que les drones mentionnés à l’article 8 ne peuvent être des drones dont la motorisation est thermique.

Il faut rappeler, dans un premier temps, que cet article vise à déroger au principe d’interdiction des traitements aériens pour les produits phytosanitaires dans les États membres de l’Union européenne.

Si cette procédure d’exception ne s’étend qu’aux aéronefs télépilotés ou contrôlés par intelligence artificielle, pour la pulvérisation de précision de produits phytopharmaceutiques sur des terrains agricoles en pente ainsi que pour l’agriculture de précision, il me semble nécessaire de rappeler que le plus haut niveau d’exigence environnementale indispensable à l’autorisation de cette dérogation passe aussi par la limitation des émissions directes en gaz à effet de serre.

En ce sens, il n’est pas concevable que la dérogation prévue par le présent article puisse autoriser le recours à des aéronefs à motorisation thermique, d’autant plus dans le contexte de la transition énergétique et écologique.

Il faut rappeler que l’autonomie reste l’un des points faibles des drones et peut varier selon les conditions météorologiques ou les manœuvres à effectuer. L’une des possibilités d’extension serait de passer sur des systèmes de motorisation électriques ou hybrides, en empêchant le recours à des drones dont la motorisation est uniquement thermique.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Mon cher collègue, cet amendement me laisse quelque peu circonspecte…

D’après ce que j’ai pu trouver dans la documentation – il n’y en a pas beaucoup –, il existe très peu de drones à propulsion thermique. Les drones fonctionnent essentiellement avec des batteries.

Par conséquent, je ne suis pas sûre que cet amendement ait une portée très importante.

J’émets donc un avis défavorable, mais j’avoue que mon argumentation n’est pas extrêmement solide.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Je suis également défavorable à l’amendement, et j’userai des mêmes précautions de langage que Mme la rapporteure.

Je veux simplement lire le premier paragraphe des recommandations de l’Anses, à destination de MM. Gontard et Salmon : « Au regard de l’interdiction des applications de produits phytopharmaceutiques par hélicoptère et des limites associées au passage des pulvérisateurs, le recours à des drones de pulvérisation est envisagé comme une alternative pouvant présenter de multiples avantages. » Ce n’est pas moi qui le dis : c’est l’Anses ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Ne triez donc pas dans ce que dit l’Anses. Du reste, cette recommandation ne signifie pas que l’agence ne prend pas de précautions sur un certain nombre de sujets et d’usages, mais que les débats sont permis.

J’en veux pour preuve que vous avez manifestement vous-mêmes des débats avec l’Anses ! C’est, d’ailleurs, intéressant. (M. Guillaume Gontard proteste.)

Écoutez-moi, monsieur Gontard ! Vous venez d’arriver…

L’Anses estime qu’il y a de multiples avantages, mais aussi des doutes concernant les personnes qui traverseraient les parcelles après la pulvérisation – il y en a moins s’agissant des utilisateurs.

Au fond, ce que dit l’Anses, c’est que nous avons besoin d’une expérimentation et de données complémentaires. Ni vous ni moi ne savons. L’expérimentation peut donc avoir son intérêt.

Pardon, madame la présidente, d’avoir outrepassé mon avis sur l’amendement lui-même. Je voulais préciser des choses sur ce que l’Anses dit, sur ce qu’elle sait et ne sait pas, et sur ce que doivent être les décisions du politique.

Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.

M. Christian Bilhac. J’ai du mal à suivre. Mme la rapporteure me dit : « Cet amendement n’a pas lieu d’être puisque les drones sont électriques ! »

Mme Sophie Primas, rapporteur. Principalement !

M. Christian Bilhac. Si les drones sont électriques, l’amendement est d’ores et déjà satisfait !

Sur le fond, je ne vois pas la différence entre un hélicoptère à moteur thermique avec un pilote et autre sans pilote. Il faut être logique ! Un drone, c’est un aéronef sans pilote, mais cela reste un aéronef.

Étant donné qu’il a le même moteur, à part le fait que l’absence de pilote permet de transporter 80 litres de produits supplémentaires, je ne vois pas de différence.

Je suis donc un peu surpris par les motivations de l’avis défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 87 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

phytopharmaceutiques

par les mots :

autorisés en agriculture biologique

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement est un amendement de repli par rapport à l’amendement de suppression de cet article défendu par le groupe socialiste.

Il s’agit de limiter la réintroduction de cette expérimentation à un dispositif proche de celui qui avait été voté dans le cadre de la loi Égalim, afin que la pulvérisation par drone ne puisse être autorisée que pour les produits autorisés en agriculture.

En effet, nous tenons à rappeler que nous souhaitons avant tout le maintien de l’interdiction générale de l’épandage aérien de pesticides, avec, comme seule exception, les cas de dangers sanitaires graves ne pouvant être maîtrisés par d’autres moyens, comme le précise actuellement l’article L. 253-8 du code rural.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’avis est naturellement défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis : défavorable.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je serai très bref. Je veux simplement répondre à M. le ministre.

On entend souvent le même argumentaire : l’évocation de situations qui seraient encore pires. En l’occurrence, ce serait pire si c’était en hélicoptère…

Pour notre part, nous ne sommes pas pour le « moins pire » ! Nous sommes pour le « vraiment mieux ».

Sur les pesticides, le mieux, c’est souvent pas de pesticides du tout !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Férat, MM. D. Laurent et Menonville, Mme Gruny, MM. Paccaud et Henno, Mme Loisier, M. Bascher, Mmes Berthet et Puissat, MM. Bacci et Burgoa, Mme Demas, M. Savary, Mme Thomas, M. Decool, Mme Schalck, M. Pellevat, Mme Lassarade, M. Hugonet, Mme Belrhiti, M. Chasseing, Mme Ventalon, MM. Bouchet, B. Fournier et Canévet, Mme M. Mercier, MM. Rietmann et Daubresse, Mmes Drexler, Billon et Pluchet, MM. Détraigne, C. Vial et Pointereau, Mme Lopez, M. Duffourg, Mme Joseph, M. Chauvet, Mme Garriaud-Maylam, M. Somon, Mmes Bellurot et Malet, MM. Chatillon, Genet et Lefèvre, Mme Dumont, M. Charon, Mme Dumas, MM. J.P. Vogel et Folliot et Mme Imbert, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le taux :

30 %

insérer les mots :

, sur des cultures submergées

La parole est à M. Laurent Duplomb.

M. Laurent Duplomb. Pour défendre cet amendement, je reprendrai en partie les propos de Laurent Burgoa concernant la riziculture.

Il faut être conscient que la riziculture rencontre aujourd’hui de plus en plus de problèmes. La surface cultivée est passée de 14 000 hectares en 2020 à tout juste 10 000 hectares en 2022. L’utilisation de drones pour que la pulvérisation soit la plus limitée possible pourrait régler le problème de l’utilisation des phytosanitaires dans la riziculture, avec la difficulté de la mécanisation évoquée par mon collègue.

Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai l’amendement n° 9 rectifié en même temps.

Mme le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Duplomb, Mme Férat, M. J.M. Boyer, Mme Loisier, M. Menonville, Mme Gruny, M. D. Laurent, Mmes Puissat et Berthet, MM. Bascher, Henno, Paccaud et Savary, Mme Demas, MM. Burgoa et Bacci, Mme Schalck, M. Decool, Mme Thomas, M. Pellevat, Mme Belrhiti, M. Hugonet, Mme Lassarade, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Ventalon, MM. Chasseing et Rietmann, Mme M. Mercier, M. Canévet, Mmes Malet et Bellurot, M. Somon, Mme Garriaud-Maylam, M. Chauvet, Mme Joseph, M. Duffourg, Mme Lopez, MM. Verzelen, Pointereau, C. Vial et Détraigne, Mmes Billon et Drexler, MM. Daubresse, Genet, Chatillon, Lefèvre et Charon, Mmes Dumont et Dumas, MM. J.P. Vogel et Folliot et Mme Imbert, et ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Lorsque, à l’issue d’une expérimentation menée au titre de l’article 82 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, l’évaluation conduite par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail conclut à l’absence de risques inacceptables pour la santé et l’environnement, le ministère en charge de l’agriculture peut délivrer, dans le respect de l’article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, pour la production concernée et pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, une autorisation d’utilisation des aéronefs télépilotés ou contrôlés par intelligence artificielle pour la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques.

L’autorisation sera évaluée tous les deux ans par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Laurent Duplomb. Dans la mesure où l’Anses parviendrait à conclure que l’utilisation des drones serait sans risque, l’amendement n° 9 rectifié laisse la possibilité d’une autorisation provisoire pour cinq ans, avec l’obligation d’une réévaluation par l’agence tous les deux ans, pour vérifier que ce risque déterminé comme nul ou faible à une période ne puisse pas définitivement évoluer négativement par la suite.

Cela permettrait de garantir que l’Anses puisse, après la publication de cette étude, considérer l’utilisation du drone comme une solution et de voir comment on peut non seulement encadrer cette évolution, mais aussi vérifier sa pertinence au fur et à mesure du temps.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Je sollicite le retrait de l’amendement n° 8 rectifié, qui est d’ores et déjà satisfait : rien n’empêche la riziculture d’utiliser l’expérimentation telle qu’elle est prévue à cet article.

Je comprends l’intention qui sous-tend l’amendement n° 9 rectifié. Je souligne que les autorisations qui pourraient être délivrées par le ministre de l’agriculture devront, d’une part, se fonder sur une décision de l’Anses relative à l’absence de risque inacceptable pour la santé et l’environnement, ce qui est de nature à rassurer tout le monde, et, d’autre part, respecter les prescriptions de l’article 8 de la directive européenne relative à l’usage des pesticides. Il s’agit donc de ne s’affranchir ni de l’évaluation de l’Anses ni du droit européen.

Toutefois, je m’interroge sur l’opportunité de laisser à l’appréciation d’une autorité administrative le soin d’ouvrir la possibilité au ministère de délivrer ou non des autorisations d’utilisation de drones pour certaines productions.

Une expérimentation de cinq ans doit être menée. Il sera bien temps de légiférer de nouveau à la lumière des conclusions qu’on pourra en tirer. Je m’en remets donc, pour cet amendement, à la sagesse de notre assemblée.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Conformément à ce que j’ai dit tout à l’heure, il me semble que l’équilibre qui a été trouvé par la commission est un bon équilibre.

Je suis donc défavorable à ces deux amendements.

Il me paraît utile, pour préparer les débats intéressants que nous aurons à l’article 13, d’entendre ce qui est dit sur le respect à la fois de la réglementation européenne et de l’avis de l’Anses.

Mme le président. Monsieur Duplomb, l’amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?

M. Laurent Duplomb. Oui, madame la présidente.

Mme le président. Je le mets aux voix.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 284 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 248
Contre 92

Le Sénat a adopté.

Article 8
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 9

Après l’article 8

Mme le président. L’amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Tissot et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan exhaustif des systèmes actuellement soutenus au titre des paiements pour services environnementaux, et analyse les freins ou les leviers qui permettraient d’en accroître l’efficacité et le développement.

Ce rapport s’attache notamment à évaluer l’intégration des paiements pour services environnementaux dans la nouvelle politique agricole commune, leur articulation avec les autres outils existants et leur reconnaissance dans le cadre du plan stratégique national français afin de proposer, le cas échéant, des pistes de réflexions pour en encourager le développement.

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Les membres de mon groupe espèrent que, dans le cadre de la future loi d’orientation, l’agroécologie, sur la voie de laquelle on s’est engagé en 2014, sera confortée et approfondie. Si c’est le cas, comme je l’espère, il faudra se doter d’outils pour valoriser les apports environnementaux de l’agriculture en général et des agriculteurs en particulier – les reconnaître et les payer.

Depuis 2018, notre groupe se bat pour faire entrer ces PSE dans la loi. Cette année-là, nous avions voté ici – à l’unanimité, si je me souviens bien – une proposition de loi visant à leur création.

Trois ans plus tard, dans le cadre de la loi Climat et résilience, nous faisions entrer, dans le code rural et de la pêche maritime – à l’article L. 1 –, la notion de PSE.

Les gouvernements qui se sont succédé ces derniers temps ont un peu avancé en ce sens, notamment en créant un fonds de 150 millions d’euros dans le cadre du plan biodiversité pour développer les PSE.

Il faut, monsieur le ministre, aller beaucoup plus loin. Vous avez dit précédemment, sur ce point, que c’était compliqué. Je me suis rendu compte que des études et des recherches étaient menées sur ce sujet depuis vingt ans, si ce n’est trente ans. Je suis d’accord avec vous, c’est extrêmement compliqué, mais je pense que nous avons la matière pour avancer.

Cet amendement vise donc, au travers de cette demande de rapport, à faire un point de situation et à tracer des perspectives pour que soit prise en compte la dimension environnementale de la compétitivité.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Il n’est pas dans l’habitude du Sénat de demander des rapports au Gouvernement. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, j’ai conscience que les PSE sont un levier trop peu mobilisé pour encourager et aider financièrement les agriculteurs à mener des actions visant à maintenir ou à restaurer des services écosystémiques.

J’ai également le souvenir qu’une précédente demande de rapport avait été faite via un amendement adopté dans le cadre de la loi Climat et résilience, sur l’initiative de la rapporteure Anne-Catherine Loisier, et relatif à l’extension des PSE à la forêt. Aussi, à l’instar de Franck Montaugé, j’invite le Gouvernement à se pencher sérieusement sur cette question.

L’avis est donc favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur le sénateur Montaugé, nous partageons le point de vue selon lequel ce sujet est compliqué, mais que ce n’est pas une raison pour ne pas avancer ! Or d’aucuns invoquent parfois l’argument de la complexité pour ne pas améliorer les choses – cela nous est arrivé à tous de le faire. (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.) Il faut être honnête intellectuellement…

Il y a deux questions : que sont les services environnementaux et qui les paie, sur quel budget – celui de l’agriculture ou un autre ? Ce point est d’ailleurs valable au niveau national comme au niveau européen.

Revient-il au budget de l’agriculture, ou à d’autres budgets, de payer un service lié à l’entretien du paysage ou à la biodiversité ? C’est une bonne question !

M. Daniel Salmon. C’est aux pollueurs de payer !

M. Marc Fesneau, ministre. Il faut donc définir ce que sont ces services et qui doit les payer. Si, chaque fois, la réponse est que leur financement relève du budget de l’agriculture, nous aurons un problème au regard de nos objectifs de compétitivité.

Je suis défavorable à cet amendement, car cette question ne peut être résolue par la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement. Je veux néanmoins ouvrir une porte : je propose que le corps d’inspection qu’est le CGAAER travaille sur ce sujet – peut-être en collaboration avec des équipes ne relevant pas du ministère de l’agriculture – afin de documenter ce que sont les PSE et d’étudier les voies de leur financement.

Telle est la proposition concrète que je vous fais, car nous avons besoin d’une étude complémentaire rédigée par un corps d’inspection qui soit au fait de ces sujets, plutôt que d’un rapport du Gouvernement.

Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je remercie Mme la rapporteure pour son soutien sur cet amendement.

J’entends votre proposition, monsieur le ministre, et j’y suis très favorable. J’ajouterai un commentaire sur la question du paiement des services environnementaux. Vous avez pris l’exemple de l’entretien du paysage : je veux dire, à cet égard, que des paysages qui se referment sur eux-mêmes, faute d’activité agricole, et qui prennent feu du fait de cet abandon, cela coûte très cher à la collectivité !

M. Marc Fesneau, ministre. Je suis d’accord avec vous !

M. Franck Montaugé. Ce sujet très concret relève de l’intérêt général.

Il faut donc trouver les moyens là où ils se trouvent pour rémunérer le travail d’entretien des paysages, qui est utile pour les motifs que je viens d’évoquer, mais aussi pour des raisons touristiques, entre autres. (M. le ministre acquiesce.)

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Nous soutenons, bien sûr, cette proposition de Franck Montaugé, qui l’a déjà évoquée dix ou quinze fois, que ce soit en séance ou en commission.

« Paiements pour services environnementaux » : ça dit bien ce que ça veut dire… En effet, monsieur le ministre, ce n’est pas simple ! Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à ma question précédente. Du coup, j’y insiste, car j’insisterai toujours…

Il y a, d’un côté, des externalités négatives causées par certaines pratiques, et, de l’autre, des aménités positives produites par d’autres pratiques. Si l’on veut parler véritablement d’économie agricole, mais aussi de justice dans le domaine de l’agriculture, il faut mettre ces questions sur la table.

En 2016, il y a eu sur le sujet un début d’étude conjointe de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et de l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab), laquelle n’a pas abouti. J’ai appris, de source sûre, que ces intéressants travaux avaient été repris. Monsieur le ministre, vous êtes forcément au courant : quand cette étude va-t-elle sortir et quand disposerons-nous de ces chiffres ?

Vous demandez qui va payer… Je le répète, il faut entre 1 milliard et 1,5 milliard d’euro pour restaurer la qualité de l’eau. Qui devrait-on faire payer pour atteindre cet objectif ? Pourquoi ne pas le demander aux fabricants de pesticides ? Ce serait un moyen pour qu’ils arrêtent d’en vendre… Car il va bien falloir qu’on en finisse avec ces pesticides qui se retrouvent dans l’eau, le sol, l’air, l’organisme des humains et dans l’ensemble de la biodiversité !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 8.

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 37 rectifié
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Article 10

Article 9

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le 10° bis du I de l’article L. 1 est ainsi modifié :

a) La seconde occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et de stockage de carbone dans les sols agricoles » ;

2° Après le 3° de l’article L. 111-2, il est inséré un 3° bis A ainsi rédigé :

« 3° bis A La valorisation du stockage de carbone dans les sols agricoles ainsi que la réduction des émissions de gaz à effet de serre peuvent être appréciées à l’occasion d’un diagnostic de performance agronomique des sols et d’émissions de gaz à effet de serre cofinancé par l’État, dont les modalités et le champ sont précisés par décret ; ».

Mme le président. Je suis saisie de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 92 rectifié bis, présenté par M. Longeot, Mmes Jacquemet et Dindar, M. Hingray, Mme Billon, M. Kern, Mme Canayer, MM. Henno, Duffourg, J.M. Arnaud, Pellevat et Cigolotti, Mme Perrot et MM. Détraigne et Moga, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

1° Le I de l’article L. 1 est ainsi modifié :

a) Le 10° bis est ainsi modifié :

– les mots : « de services environnementaux et » sont supprimés ;

– sont ajoutés les mots : « et de services environnementaux, incluant les réductions des émissions de gaz à effet de serre » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application du 10° bis du présent I, les réductions des émissions de gaz à effet de serre désignent indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l’émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées dans les sols agricoles. » ;

La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Actuellement, le 10° bis du I de l’article L. 1 du code rural dispose que la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation a pour finalité de reconnaître et mieux valoriser le stockage de carbone dans les sols agricoles.

Cet amendement vise à ce que soit reconnue et mieux valorisée la réduction de gaz à effet de serre (GES) de manière générale, en incluant indifféremment les émissions évitées et les émissions séquestrées dans les sols.

L’élargissement du champ de cet article serait en cohérence avec la démarche du label bas-carbone, dont l’objectif est également d’agir sur les deux leviers que sont la réduction et la séquestration des GES.

Mme le président. L’amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano, Bilhac, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

et de stockage du carbone dans les sols agricoles

par les mots :

de réductions d’émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l’émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées

II. – Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° bis A Apprécier, de manière volontaire, la vulnérabilité de l’exploitation agricole aux impacts du changement climatique, à l’occasion d’un diagnostic de vulnérabilité. Ce diagnostic sera financé par le fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficulté prévu à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. Ce diagnostic sera complété par l’élaboration d’un plan de transformation de l’exploitation qui prendra en compte l’atténuation du changement climatique et l’adaptation face au changement climatique. Les modalités et le champ du diagnostic et du plan d’action, cofinancés par l’État, sont précisés par décret. »

La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Le présent amendement, proposé par Henri Cabanel, vise à ce que la politique d’aménagement rural traite la transition des exploitations agricoles de manière globale et systémique, en prenant comme fil conducteur le changement climatique.

Pour assurer leur viabilité, les exploitations doivent s’inscrire dans une démarche d’atténuation du changement climatique, au travers des réductions de leurs émissions de gaz à effet de serre et de l’adaptation au changement climatique.

La réalisation d’un diagnostic de vulnérabilité de l’exploitation agricole et d’un plan de transformation de cette dernière, choisi par l’agriculteur, permettra aux exploitations agricoles de contribuer de manière pérenne à la lutte contre le changement climatique.

Ce diagnostic de vulnérabilité, qui remplacerait celui qui est prévu à l’alinéa 6 du présent article, serait financé par le fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficulté prévu à l’article 3 de la proposition de loi que nous examinons.

La dynamisation, la modernisation, l’attractivité et la durabilité de notre modèle agricole ne pourront être atteintes sans prendre en compte l’évolution des pratiques agricoles que le changement climatique ainsi que les transitions écologique et climatique induiront. Le besoin de visibilité et d’accompagnement est essentiel dans ce contexte soumis aux changements climatiques, sociaux ou démographiques.

Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 22 rectifié bis est présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, M. Le Nay, Mmes Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, MM. Duffourg et Détraigne, Mme Perrot et M. Chauvet.

L’amendement n° 75 rectifié est présenté par M. Menonville, Mme Loisier, MM. A. Marc, Decool, Médevielle, Verzelen et Wattebled, Mme Mélot et M. Lagourgue.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

et de stockage du carbone dans les sols agricoles

par les mots :

de réductions d’émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l’émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées

II. – Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° bis A Apprécier, de manière volontaire, la vulnérabilité de l’exploitation agricole aux impacts du changement climatique, à l’occasion d’un diagnostic de vulnérabilité. Ce diagnostic sera complété par l’élaboration d’un plan de transformation de l’exploitation qui prendra en compte l’atténuation du changement climatique et l’adaptation face au changement climatique. Les modalités et le champ du diagnostic et du plan d’action, cofinancés par l’État, sont précisés par décret. »

La parole est à M. Alain Duffourg, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié bis.

Mme le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l’amendement n° 75 rectifié.

Mme le président. L’amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano, Bilhac, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

et de stockage du carbone dans les sols agricoles

par les mots :

de réductions d’émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l’émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées

II. – Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° bis A Apprécier, de manière volontaire, les réductions d’émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l’émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées, à l’occasion d’un diagnostic réduction de l’impact carbone et de performance agronomique des sols. Ce diagnostic sera financé par le fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficultés prévu à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. Ce diagnostic sera complété par l’élaboration d’un plan d’action qui s’appuiera sur les méthodes du label bas-carbone. Les modalités et le champ du diagnostic et du plan d’action, cofinancés par l’État, sont précisés par décret. »

La parole est à M. Christian Bilhac.

Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 23 rectifié ter est présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, M. Le Nay, Mmes Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, MM. Duffourg et Détraigne, Mme Perrot, M. Chauvet et Mme Doineau.

L’amendement n° 76 rectifié est présenté par MM. Menonville, Chasseing, A. Marc, Decool, Médevielle, Verzelen et Wattebled, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

et de stockage du carbone dans les sols agricoles

par les mots :

de réductions d’émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l’émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées

II. – Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° bis A Apprécier, de manière volontaire, les réductions d’émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l’émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées, à l’occasion d’un diagnostic réduction de l’impact carbone et de performance agronomique des sols. Ce diagnostic sera complété par l’élaboration d’un plan d’action qui s’appuiera sur les méthodes du label bas-carbone. Les modalités et le champ du diagnostic et du plan d’action, cofinancés par l’État, sont précisés par décret. »

La parole est à M. Alain Duffourg, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié ter.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 76 rectifié.

Mme le président. L’amendement n° 108, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, à long terme, via des pratiques favorisant la biodiversité

II. – Alinéa 6

1° Remplacer les mots :

La valorisation du

par les mots :

La protection de la biodiversité, de la qualité de l’eau, de la qualité de l’air, le

2° Supprimer les mots :

agronomique des sols et d’émissions de gaz à effet de serre

Dois-je considérer que cet amendement est également défendu, monsieur Labbé ? (Sourires.)

M. Joël Labbé. Non, madame la présidente ! (Nouveaux sourires.)

Nous arrivons enfin à l’article de cette proposition de loi proposant une petite avancée ! Mais, comme nous ne sommes jamais contents, nous estimons qu’il faut aller plus loin… (Sourires.)

Afficher les trois premiers ingrédients entrant dans la composition des produits alimentaires transformés ne suffit pas… (On signale à lorateur quil se trompe damendement. – Il met plusieurs secondes à retrouver ses notes. – Mouvements divers. – Défendu ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. Monsieur Labbé, vous ne disposerez pas de deux minutes supplémentaires ! (Sourires.)

M. Joël Labbé. Je vous prie de m’excuser…

Cet amendement vise à rappeler un élément fondamental : le fait de considérer l’impact carbone de l’agriculture sans prendre en compte la biodiversité et les autres dimensions environnementales est une erreur qui produit de nombreux effets pervers. Il semble davantage pertinent d’évaluer globalement la performance environnementale de l’exploitation agricole, plutôt que sous le seul angle de l’impact carbone.

Mme le président. L’amendement n° 125, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

La valorisation du

par les mots :

Valoriser le

et les mots :

peuvent être appréciées à l’occasion

par les mots :

notamment par l’établissement

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme le président. L’amendement n° 91 rectifié bis, présenté par M. Longeot, Mmes Jacquemet et Dindar, M. Hingray, Mme Billon, M. Kern, Mme Canayer, MM. Henno, Duffourg, J.M. Arnaud, Pellevat et Cigolotti, Mme Perrot et MM. Détraigne et Moga, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après la seconde occurrence des mots :

effet de serre

insérer les mots :

, accompagné d’un plan volontaire d’atténuation et d’adaptation au changement climatique de l’exploitation,

La parole est à M. Jean-François Longeot.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Si vous me le permettez, madame la présidente, je donnerai dans un premier temps l’avis de la commission sur les amendements nos 92 rectifié bis et 91 rectifié bis présentés par le président Longeot.

L’amendement n° 92 rectifié bis apporte une précision bienvenue à la définition de la réduction de GES en agriculture. Cette définition, issue du label bas-carbone, est reprise à l’alinéa 6 du dispositif, mais l’expliciter en début d’article lui donnera plus de poids. En effet, lorsqu’on évoque la réduction des gaz à effet de serre, on fait référence, d’une part, à ceux dont l’émission a été évitée et, d’autre part, aux quantités de gaz séquestrées dans les sols agricoles.

L’avis est donc favorable sur cet amendement.

L’amendement n° 91 rectifié bis tend à préciser que le diagnostic de performance agronomique des sols et d’émissions de GES est accompagné d’un plan volontaire d’atténuation et d’adaptation au changement climatique de l’exploitation. Il s’agit d’un ajout utile qui permettra aux exploitations de s’engager plus facilement par la suite dans une démarche de labellisation.

L’avis est également favorable sur cet amendement.

Je demande le retrait des amendements nos 84 rectifié, 22 rectifié bis, 75 rectifié, 85 rectifié, 23 rectifié ter et 76 rectifié, qui ont peu ou prou le même objet et sont satisfaits par l’amendement n° 91 rectifié bis.

Sur l’amendement n° 108, j’émets un avis très défavorable, dans la mesure où il vise à étendre le dispositif, globalement, à la protection de la biodiversité, à la qualité de l’eau et à la qualité de l’air, et à supprimer la référence à la qualité agronomique des sols, ce qui est contraire à l’intention des auteurs dudit amendement.

Vous avez évoqué, monsieur Labbé, les effets pervers du label bas-carbone ; or cela n’est pas du tout ressorti des auditions que nous avons menées, bien au contraire.

Le label bas-carbone est une démarche qu’il convient d’accompagner et d’intensifier, et tel est l’objectif de l’article 9.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Je dirai, tout d’abord, un mot de l’article 9, qui me semble aller dans le bon sens. La valorisation de la capacité du monde agricole à stocker le carbone, dans le sol et de façon plus globale, est régulièrement évoquée lors des concertations nationales et territoriales, et il convient d’y réfléchir. Outre qu’elle représente un moyen de financement, elle permet de montrer que l’agriculture peut avoir d’autres fonctions que la production d’aliments destinés à notre alimentation, et en particulier le stockage de carbone.

L’amendement n° 92 rectifié bis du président Longeot me semble apporter des précisions utiles ; je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

L’amendement n° 84 rectifié vise à lier le label bas-carbone à d’autres éléments, ce qui aurait pour conséquence d’exclure de fait un certain nombre de productions, notamment la viticulture, l’élevage et le maraîchage. J’en demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Sur les amendements identiques nos 22 rectifié bis et 75 rectifié, qui tendent à apporter des précisions utiles, j’émets un avis de sagesse.

Sur l’amendement n° 85 rectifié, l’avis est défavorable, car son adoption aurait pour conséquence, là encore, d’exclure un certain nombre de productions.

L’avis est également défavorable sur les amendements identiques nos 23 rectifié ter et 76 rectifié.

J’en viens à l’amendement n° 108, présenté par M. Labbé. Comme l’a dit très justement Mme la rapporteure, préciser qu’il faut aller plus loin sur la question du label bas-carbone peut être utile. Mais il ne faut pas accumuler les labels et les diagnostics… À force de prévoir des labels qui mélangent tous les sujets, on risque d’être confrontés à un problème de lisibilité, et par suite de rémunération.

L’avis est donc défavorable sur cet amendement.

Sur l’amendement n° 91 rectifié bis du président Longeot, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Enfin, l’avis est favorable sur l’amendement rédactionnel n° 125 de la commission.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 92 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, les amendements nos 84 rectifié, 22 rectifié bis, 75 rectifié, 85 rectifié, 23 rectifié ter, 76 rectifié et 108 n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 125.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 91 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.

(Larticle 9 est adopté.)

Article 9
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 26 rectifié ter

Article 10

L’article L. 412-4 du code de la consommation est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’indication, par ordre pondéral décroissant, du pays d’origine des trois principaux ingrédients est obligatoire sur les produits alimentaires transformés. » ;

2° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « et quatrième » sont remplacés par les mots : « à cinquième ».

Mme le président. L’amendement n° 109, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

des trois principaux ingrédients

par les mots :

de tout ingrédient représentant plus de 5 % de la masse pondérale du produit

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cette fois, c’est le bon ! (Sourires.)

L’article 10 est intéressant, mais insuffisant, car il prévoit un affichage de l’origine seulement pour les trois premiers ingrédients. Pour notre part, nous proposons de renforcer le dispositif en affichant l’origine de tout ingrédient représentant plus de 5 % de la masse pondérale du produit.

Il est important d’encourager la relocalisation de l’alimentation, la traçabilité et la transparence pour le consommateur. Un affichage des trois premiers ingrédients ne permettra pas d’atteindre cet objectif.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Tandis que l’article 10 prévoit l’affichage obligatoire de l’origine des trois premiers ingrédients des produits alimentaires transformés, le présent amendement vise à étendre cette obligation à tout ingrédient représentant plus de 5 % de la masse pondérale de ces produits.

Je le dis en toute transparence, le présent article 10 ne me semble pas tout à fait conforme au droit européen, et notamment à l’article 39 du règlement concernant l’information du consommateur sur les denrées alimentaires (Inco). Cependant, monsieur le ministre, nous n’avons pas voulu le supprimer. Je crois en effet que les auteurs de la proposition de loi voulaient avant tout envoyer un message politique à l’État et à la Commission européenne à l’occasion de la révision en cours du règlement Inco.

Pour autant, cher Joël Labbé, il ne servirait à rien d’aller plus loin, étant donné que, même s’il était voté, cet article serait écarté à l’occasion d’un litige et ne serait pas opposable juridiquement.

L’avis est donc défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Je remercie Mme la rapporteure d’avoir décrit la situation avec une telle honnêteté intellectuelle, ce qui ne m’étonne pas d’elle.

Sur l’article 10, tout d’abord, je disais souvent lorsque j’étais ministre chargé des relations avec le Parlement, ou président de groupe, qu’il fallait faire attention à ne pas voter des articles dont on sait par avance qu’ils ne sont pas conformes au droit européen. En effet, c’est une façon de mettre en scène collectivement notre impuissance publique : on sait que l’on sera attaqué au moindre recours. Et l’on dira après que c’est la faute de l’Europe, alors que le problème est lié au vote de lois non conformes aux règlements européens…

Par ailleurs, si j’étais taquin, je qualifierais cet article de parfait exemple de surtransposition.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Absolument ! (MM. Jean-Claude Anglars et Laurent Duplomb abondent.)

M. Marc Fesneau, ministre. Et au travers de l’amendement n° 109 visant à étendre l’obligation d’affichage à d’autres ingrédients, M. Labbé procède même à de la « sur-surtransposition » ! Et tout cela dans un texte qui vise à éviter les surtranspositions… Nous devons veiller à être cohérents par rapport à ce que nous préconisons.

Nous travaillons sur le règlement Inco, en cours de révision, afin de porter plusieurs exigences, notamment celle de qualité des ingrédients et d’information non trompeuse des consommateurs, qui vous tient à cœur. Mais cela peut se faire seulement dans un cadre européen, et non par le biais d’une surtransposition. L’article 10 mériterait même que soit déposé un amendement d’appel sur ce point…

Sur l’amendement n° 109, l’avis est donc défavorable.

Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Puisque M. le ministre est taquin, je vais me permettre de l’être à mon tour. (Sourires.)

Sans empiéter sur la discussion relative aux surtranspositions qui aura lieu lors de l’examen de l’article 12, je rappelle que ledit article n’interdit pas les surtranspositions,…

M. Laurent Duplomb. Surtout si elles sont positives !

Mme Sophie Primas, rapporteur. … à la différence d’une proposition de résolution récemment adoptée à l’Assemblée nationale.

L’article 12 prévoit que les surtranspositions doivent être, d’une part, connues et, d’autre part, présenter un bénéfice : il s’agit en quelque sorte d’une balance bénéfices-risques. On peut donc considérer que le présent article 10, même s’il n’est pas conforme au droit européen, présente un avantage suffisamment intéressant pour que l’on passe outre le problème de surtransposition.

M. Laurent Duplomb. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Nous tenons à souligner que cet article 10, selon nous insuffisant, représente toutefois une avancée. Nous allons donc le voter.

M. Laurent Duplomb. Très bien !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 109.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 10.

(Larticle 10 est adopté.)

Article 10
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Article additionnel après l'article 10 - Amendement  n° 38 rectifié

Après l’article 10

Mme le président. L’amendement n° 26 rectifié ter, présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Longeot et Laugier, Mme Vermeillet, M. Henno, Mmes Gacquerre et Jacquemet, MM. Lafon, Moga, P. Martin et Le Nay, Mme Herzog, M. Duffourg, Mme Morin-Desailly, M. Delahaye, Mme Férat, MM. Détraigne et Chauvet, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et Hingray, Mmes Perrot et de La Provôté, M. J.M. Arnaud et Mmes Sollogoub, Billon et Doineau, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les premier et second alinéas du II de l’article L. 412-9 du code de la consommation sont complétés par les mots : « au plus tard le 1er janvier 2024 ».

La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Cet amendement représente, à la fois, une remontée dans le temps et un rappel à l’ordre aimable, mais exigeant.

Je rappelle que nous avions voté en 2021 une disposition de la loi Égalim 2 qui rendait obligatoire l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance pour les viandes utilisées en tant qu’ingrédient dans des préparations de viandes et des produits à base de viande lorsque l’opérateur a connaissance de cette information en application d’une réglementation nationale ou européenne.

Il n’aura échappé ni à votre vigilance, monsieur le ministre, ni à la nôtre qu’aucun décret d’application n’a été publié à ce jour. Nous vous invitons donc à y remédier. Cet amendement vise en effet à ce que les modalités d’application soient fixées par décret au plus tard le 1er janvier 2024.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Par cet amendement judicieux, Mme Gatel rappelle à juste titre que l’article 14 de la loi Égalim 2 n’est toujours pas applicable, faute d’un décret d’application qui était pourtant prévu pour la mi-juillet 2022. Or il aurait permis de rétablir une égalité de traitement entre la restauration hors foyer et les dark kitchens, ces établissements qui livrent à domicile, mais n’ont pas de salle pour consommer sur place.

Un décret a bel et bien été pris pour rendre obligatoire l’indication de l’origine des viandes en restauration hors foyer, le décret n° 2022-65 du 26 janvier 2022 modifiant le décret n° 2002-1465 du 17 décembre 2002 relatif à l’étiquetage des viandes bovines dans les établissements de restauration : il étend l’obligation qui valait de longue date pour la viande bovine aux viandes « porcines, ovines et de volailles ».

Il est étonnant que ce décret n’ait pas couvert les dark kitchens, puisqu’il est postérieur de trois mois à l’entrée en vigueur de la loi Égalim 2. Nous vous invitons donc, monsieur le ministre, à le prendre dans les meilleurs délais.

L’avis est donc favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Gatel, j’ai compris le rappel à l’ordre, car je sais entendre les messages du Sénat… (Sourires.)

La plupart des décrets d’application de la loi Égalim ont été pris, comme l’a rappelé Mme la rapporteure. Mais nous avons dû, sur ces textes, organiser une concertation un peu plus large que prévu, ce qui a pris du temps. Je prends l’engagement devant vous de finaliser rapidement cette publication.

J’émets un avis défavorable non sur le fond de votre demande, mais sur la forme. En effet, mieux vaut ne pas entrer dans la logique qui consiste à présenter un amendement tendant à ce que le Gouvernement prenne un décret… Vous avez cependant raison d’exiger que les décrets d’application soient pris dans les délais impartis. En l’occurrence, j’y veillerai et vous en informerai personnellement.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Pour vous montrer que nous ne sommes pas dogmatiques, nous allons voter cet amendement qui va dans le bon sens, celui de la transparence. (Marques de satisfaction sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 26 rectifié ter
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 11

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.

L’amendement n° 38 rectifié, présenté par Mme Préville, MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mme Monier, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 412-12 du code de la consommation, il est inséré un article L. 412-… ainsi rédigé :

« Art. L. 412-… – Les aliments ultratransformés désignent tout aliment vendu dans le commerce ou utilisé par un service de restauration, ayant subi d’importants procédés de transformation et dont la formulation contient des substances industrielles ou des ingrédients technologiques, et des additifs non nécessaires à la sécurité sanitaire visant à en améliorer les qualités sensorielles ou à imiter les aliments naturels, dans le but de masquer les défauts du produit mis à la vente.

« Le ministère en charge de l’économie se charge de la mise en place, pour le 1er janvier 2024, d’un étiquetage supplémentaire sur les denrées alimentaires informant le consommateur sur le caractère ultratransformé d’un aliment. »

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement est proposé par Angèle Préville.

Le déséquilibre de l’alimentation est l’une des premières causes de l’épidémie de maladies chroniques constatée en France, dont les conséquences sont lourdes en termes de mortalité et de morbidité. L’alimentation ultratransformée est en grande partie responsable de ce fléau et l’état actuel des connaissances appelle à la mise en place de premières actions préventives de santé publique.

En s’appuyant sur l’usage du Nutri-score, qui ne fait plus débat aujourd’hui, des actions ambitieuses visant les produits trop gras, trop salés et trop sucrés pour lesquels des preuves de nocivité sont indubitables et communément admises doivent être mises en place.

D’après l’OCDE, une réduction de 20 % de l’apport calorique des aliments riches en sucre, en sel, en calories et en graisses saturées permettrait de prévenir 582 000 cas de maladies non transmissibles d’ici à 2050 en France.

Pour que le consommateur puisse facilement et rapidement faire le tri dans les rayons de supermarchés, les denrées alimentaires présentées à la vente doivent comporter un étiquetage permettant de bien l’informer, en particulier lorsque celui-ci s’apprête à consommer un aliment ultratransformé.

À ce jour, ces aliments représentent dans notre pays probablement de 40 % à 50 % de l’offre actuelle en supermarché, et seraient, selon les chercheurs, la première cause indirecte de mortalité précoce dans les grandes villes, responsable en grande partie de la stagnation de l’espérance de vie en bonne santé, laquelle est inférieure à 65 ans pour les hommes et les femmes.

Les ingrédients et additifs cosmétiques utilisés dans ces aliments sont en réalité des substances alimentaires non habituellement utilisées en cuisine, que les industriels utilisent pour limiter les qualités organoleptiques d’un aliment brut et de leurs préparations culinaires, ou pour masquer les défauts d’un produit.

En outre, on ne sait encore que peu de choses des effets cocktail potentiellement délétères de ces additifs sur le long terme, ainsi que de leur action sur la flore microbienne.

Il est donc urgent de réguler un tel commerce, mais via des dispositions transitoires afin de ne pas perturber les acteurs du commerce et de la distribution, pour aboutir à une limitation de leur consommation.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Les auteurs de l’amendement considèrent que l’ultratransformation est un facteur de risque pour la santé humaine. C’est peut-être aller un peu vite en besogne en l’état de nos connaissances. Ainsi, je puis témoigner qu’au stand de l’Inra, lors du salon de l’agriculture, la démonstration nous a été faite de l’intérêt de la fermentation, en vue par exemple de faire consommer davantage de fruits et légumes : ce processus de transformation semble plutôt bénéfique pour la santé publique.

J’ajoute que nos collègues Fabien Gay, Françoise Férat et Florence Blatrix Contat avaient pointé, dans leur rapport d’information intitulé Information du consommateur : privilégier la qualité à la profusion, le risque d’une dilution de cette information, alors même que le Nutri-score pourrait être rendu obligatoire prochainement dans toute l’Europe et intégrer bientôt les aliments transformés.

Invitant mes collègues à faire preuve d’un peu de patience, j’émets un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. L’amendement vise à définir les aliments ultratransformés et à rendre obligatoire leur étiquetage. Je justifierai en trois points l’avis défavorable du Gouvernement.

Premier point : dans le cadre du programme national nutrition santé (PNNS), l’Anses a été saisie afin de caractériser les aliments ultratransformés, d’évaluer les définitions existantes et leur impact sur la santé. Dans l’attente des conclusions de ces travaux, prévues pour l’été 2024, il est difficile de s’avancer sur une définition.

Deuxième point : nous devons poser collectivement la question de l’étiquetage. On assiste en effet à la multiplication des étiquetages : Nutri-Score, score carbone, score bien-être animal, Éco-score, etc. Pour que le consommateur s’y retrouve, il faut une lisibilité de l’étiquetage.

Troisième point : ne prenons pas, de grâce, des mesures réglementaires dont nous savons qu’elles ne s’appliqueraient, par nature, qu’aux produits français et qu’on ne pourrait pas imposer aux autres pays européens et à leurs produits – c’est précisément le problème que nous rencontrons avec le Nutri-score.

La première étape serait de nous mettre d’accord, à l’échelle européenne, sur le Nutri-score, qui est un élément d’étiquetage intéressant, avant d’en inventer de nouveaux, que nous serions peut-être les seuls à appliquer.

Nous devons laisser l’Anses travailler et nous fonder sur les résultats de leurs travaux pour améliorer la lisibilité des produits pour les consommateurs et œuvrer à la cohérence entre pays européens.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émet un avis défavorable.

Mme le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Je comprends votre réponse, monsieur le ministre, et la partage même, d’un certain point de vue.

Mme la rapporteure a cité un rapport ; pour ma part, j’en évoquerai un autre, intitulé Surpoids et obésité, lautre pandémie, qui met en cause les aliments ultratransformés (AUT) de manière assez claire. Vous dites qu’il n’existe pas de définition claire des AUT, mais il existe tout de même une classification. Nous ne partons donc pas de rien.

Les deux points de vue ne sont pas forcément opposables : si nous parvenons à limiter les AUT au profit d’aliments peu ou pas transformés, l’agriculture peut s’y retrouver.

Une question de santé publique se pose avec force, notamment au sujet des maladies chroniques. Nous devons travailler pour définir la bonne ligne de crête pour que l’incorporation de produits « nobles » affecte positivement notre agriculture tout en incitant fortement à limiter les AUT, qui sont à l’origine de maladies chroniques constituant une véritable épidémie.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Nous soutenons cet amendement, car, comme vient de le dire François Bonhomme, il s’agit d’une question de santé publique.

Nous savons que les produits ultratransformés sont plus gras, plus sucrés, plus salés, plus nocifs pour la santé. J’entends vos arguments, monsieur le ministre, mais ce n’est pas parce que nous ne parvenons pas à avancer à l’échelle européenne que nous devons balayer le sujet d’un revers de main.

La question est la suivante : la France est-elle un précurseur sur cette question et poussons-nous vers moins de produits ultratransformés ? Un débat européen existe sur le Nutri-score, puisque 320 scientifiques, dont le professeur Hercberg, le père du Nutri-score à la française, viennent de signer une tribune sur l’étiquetage nutritionnel. Vous avez raison, monsieur le ministre, nous devons aller vers une harmonisation du Nutri-score, mais elle doit se faire vers le haut.

Nous devons défendre le Nutri-score à la française, qui s’appuie sur une réalité scientifique et a fait progresser les industriels, dont certains produits notés E ou D sont passés à C, B ou A. Quelle est votre position sur cette question ? Défendrez-vous le Nutri-score à la française ? (M. le ministre fait mine de soffusquer.)

Je vous pose simplement une question ; vous disposerez vous aussi de deux minutes pour y répondre… (Sourires.) Pousserez-vous pour que nous intégrions les produits ultratransformés aux étiquetages nutritionnels ?

Nous voterons donc cet amendement, dont l’adoption vous donnera de la force dans les négociations européennes.

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Merci, monsieur Gay, de vouloir me donner de la force dans les négociations européennes !

M. Fabien Gay. Vous en avez bien besoin ! (Sourires.)

M. Marc Fesneau, ministre. Vous n’êtes pas tombé dans la caricature, tâchons de continuer dans cette voie.

M. Fabien Gay. Pas à moi !

M. Marc Fesneau, ministre. Justement, monsieur le sénateur, je dis que vous n’êtes pas tombé dans la caricature !

Premièrement, bien sûr que nous soutenons le Nutri-score, qui est une question portée par la France. Toutefois, si nous ne sommes que 6 pays européens à le faire, contre l’avis des 21 autres, c’est très sympathique, mais nous ne pouvons pas avancer. N’ayons pas l’arrogance, toute française, de penser parfois que nous avons raison tout seuls, alors que nous sommes minoritaires à l’échelle européenne.

Deuxièmement, nous partageons tous des préoccupations relatives à la santé publique, monsieur Bonhomme, qu’il s’agisse de l’affichage, de la pédagogie ou de l’éducation à l’alimentation, sur lesquelles nous devons continuer de travailler. Mais ce que je tente d’expliquer, monsieur Gay, c’est non pas que je ne veux pas d’un affichage de la nature de la transformation des produits, mais que, si nous le décidions seuls et que nos 26 partenaires n’étaient ainsi pas soumis à la même obligation, seuls les produits français seraient concernés.

Qu’aurons-nous alors gagné ?

M. Marc Fesneau, ministre. Nous n’aurons rien gagné !

M. Marc Fesneau, ministre. Les produits français seront montrés du doigt parce que nous aurons imposé un affichage, tandis que les produits européens ne seront pas soumis à cette obligation.

L’affichage du Nutri-score n’est pas obligatoire pour les Italiens. Or, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais les produits italiens passent la frontière ! On peut bien essayer de fermer notre frontière aux produits italiens,…

M. Fabien Gay. Ce serait dommage !

M. Marc Fesneau, ministre. J’en conviens…

Donc, plutôt que de fermer notre frontière aux produits italiens, il semble préférable de nous montrer un peu cohérents.

Si vous me dites que nous devons défendre une harmonisation à l’échelle européenne, nous nous retrouverons. Mais évitons de mettre, comme d’habitude, la charrue avant les bœufs en adoptant une réglementation qui pénaliserait les produits français, sans égard pour la position européenne.

Ma première préoccupation est d’obtenir un Nutri-score européen.

M. Marc Fesneau, ministre. Avant d’ajouter un nouvel étiquetage, nous devons solder la question du Nutri-score, que, je le répète, je défends !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 10 - Amendement  n° 38 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article additionnel après l'article 11 - Amendements n° 56 rectifié bis et n° 83 rectifié bis

Article 11

Le I de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° (nouveau) Au premier alinéa, la date : « 2022 » est remplacée par la date : « 2025 » ;

2° Après le 7°, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :

« 7° bis Ou bénéficiant d’une démarche de certification de conformité des produits, si cette démarche est subordonnée au respect de règles destinées à favoriser la qualité des produits agricoles ou des denrées alimentaires ou la préservation de l’environnement, sous le contrôle du ministre chargé de l’agriculture ; ».

Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. J’essaierai de faire une synthèse de cet article 11, qui élargit la liste des produits durables et de qualité à privilégier en restauration collective publique – qui est un secteur stratégique – aux produits bénéficiant d’une démarche de certification de conformité.

Le législateur se réfère à la loi Égalim et à la loi Climat et résilience, avec un objectif de 50 % de produits de qualité durable. Sont concernés : l’État, les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics.

L’article 11 assouplit la définition des produits durables et de qualité qui doivent composer une part significative de l’offre alimentaire en restauration collective publique. Sous l’autorité de M. le ministre de l’agriculture, le but est également de réduire les importations.

De plus, dans un contexte de forte inflation alimentaire, il s’agit, comme l’a souligné Mme le rapporteur, de répondre à un appel à l’aide des collectivités territoriales. Il y a urgence à soutenir ces dernières et à favoriser l’achat de produits durables et de qualité.

Surtout, il convient d’accompagner et de préserver la production de ces denrées sur l’ensemble du territoire et de promouvoir le savoir-faire de l’ensemble de nos agriculteurs en votant cet article.

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 39 rectifié est présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mme Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 61 est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 110 est présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n 39 rectifié.

M. Thierry Cozic. Cet amendement vise à supprimer l’article 11, qui élargit la liste des aliments autorisés dans les 50 % de produits durables et de qualité dans la restauration collective, définie par la loi Égalim.

Plus précisément, cet article intègre tous les produits faisant l’objet d’une certification de conformité, ce qui nous semble incompatible avec l’esprit de la loi.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Non, pas tous !

M. Thierry Cozic. Le ministère de l’agriculture précise ainsi que, pour être reconnus, ces produits doivent respecter « des exigences et des recommandations fixées au préalable, au niveau de la production, de la transformation ou du conditionnement », et que ses services s’intéressent à « la composition du produit, à ses caractéristiques visuelles, olfactives et gustatives ou à certaines règles de fabrication ».

Ainsi, le champ retenu est beaucoup trop large et n’offre pas les mêmes garanties de durabilité et de qualité que les produits estampillés d’un signe de qualité, d’un écolabel, d’une mention « fermier » ou « produit à la ferme », ou encore issus de l’agriculture biologique.

Ce n’est pas la première fois que nous débattons de cette liste dans cet hémicycle. À vouloir trop élargir celle-ci, nous risquons, au bout du compte, de totalement dénaturer l’esprit de la loi, car, demain, tous les produits pourraient y figurer.

Si nous avons conscience que les objectifs sont parfois difficiles à atteindre dans certains territoires, notamment en matière de circuits courts, nous considérons que la solution ne consiste pas à les abandonner tout simplement, alors que nous nous les sommes fixés collectivement.

Il faut parfois se donner du temps. À cet égard, je rappelle que le dispositif issu de la loi Égalim reste très récent, plus encore si l’on considère les années mouvementées que nous venons de traverser et que nous traversons encore.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 61.

M. Fabien Gay. Je me pose une question.

Nous avons voté la loi Égalim en 2019, qui prévoit d’intégrer 50 % de produits durables et de qualité en restauration collective, dont 20 % issus de l’agriculture biologique. L’horizon fixé était 2022, c’est-à-dire hier. Nous n’avons pas eu le temps de faire le bilan que nous proposons déjà d’en rabattre sur nos ambitions !

Pour ma part, je propose une autre méthode : laissons la loi s’appliquer pendant deux ou trois ans pour disposer d’un bilan ; regardons sérieusement les contraintes qui peuvent peser sur certaines filières et nous empêchent d’atteindre l’objectif de 50 % ; renforçons les aides aux collectivités mises en difficulté financièrement.

En un mot, laissons à la loi le temps de se mettre en place ! Cela me semble du bon sens. Nous n’avons même pas eu le temps de faire un bilan ! Je demande donc à ceux qui veulent modifier l’objectif : quels sont les chiffres ? où en sommes-nous ? pouvez-vous nous en dire plus avant que nous ne corrigions la loi ?

En revanche, je trouve sensé que, une fois le bilan dressé, dans deux ou trois ans – cela reste à déterminer –, nous procédions au cas par cas. Nous pourrons alors décider, pour les filières en difficulté, d’aller vers des produits bénéficiant d’une démarche de certification de conformité – pas de problème ! – tandis que là, constatant que la contrainte est d’ordre financier, le débat devra être budgétaire.

Ainsi, nous estimons qu’il faut supprimer cet article 11.

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 110.

M. Joël Labbé. Dans le même ordre d’idées, nous estimons que la loi serait affaiblie par l’intégration des produits bénéficiant d’une démarche de certification de conformité, qui n’est pas un label exigeant. Il s’agit d’un retour en arrière par rapport à la loi Égalim.

Nous souhaitons donc évidemment que cet article soit supprimé.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Nous savons que nous sommes, à l’heure actuelle, très loin des objectifs qui ont été fixés pour ce qui concerne le pourcentage de produits bio et de produits sous signe de qualité.

De même, nous savons que nombre de collectivités se sont approprié ces objectifs en mettant en place des dispositifs logistiques tels que des cuisines centrales. Il faut donc, en effet, laisser du temps au temps pour que les collectivités progressent.

Que faisons-nous lorsque nous ajoutons la certification de conformité de produit ? Tout d’abord, je remarque que l’ensemble des produits qui sont sous signe de qualité ont des cahiers des charges très différents les uns des autres. Nous agrégeons donc déjà, dans ces 50 %, des produits divers.

Les produits faisant l’objet d’une certification de conformité, auxquels nous vous proposons d’élargir la liste, sont des produits de qualité. De plus, ils ne sont pas nombreux ; cela n’élargit pas considérablement la liste. Il ne s’agit pas du tout d’une dilution des produits. Comme son nom l’indique, le certificat de conformité des produits offre des garanties de qualité.

Je prendrai deux exemples.

Le certificat « agneau de qualité », de la Fédération bétail de qualité Bourgogne, domiciliée en Côte d’Or – chez Anne-Catherine Loisier –, garantit que l’agneau est élevé avec sa mère pendant 60 jours, avec une alimentation complémentaire, et qu’il est élevé pendant 270 jours au maximum.

De même, le certificat « jeunes bœufs et génisses » de la société vitréenne d’abattage Jean Rozé, domiciliée à Vitré, atteste que les bêtes sont alimentées, après sevrage, avec au moins 80 % d’herbe conservée et de foin, et que leur âge est compris entre 16 mois et 30 mois.

Ces produits sont donc soumis à des cahiers des charges en matière de qualités requises. De plus, ils sont très majoritairement issus du territoire français. Il s’agit donc de produits de qualité, dont l’intégration ne dénature pas l’esprit de l’objectif de 50 %, et ne conduit pas, étant donné leur nombre réduit, à une dilution.

En revanche, je partage l’avis de Fabien Gay et de plusieurs autres collègues : nous avons besoin de temps, à la fois pour mettre en place le dispositif et pour apprécier les résultats obtenus.

La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements, pour les raisons invoquées par les sénateurs Gay et Labbé.

Il me semble qu’une évaluation est nécessaire. L’échéance était fixée en 2022 ; nous sommes à la mi-2023. Il ne me semble donc pas inutile de déterminer ce qui a fonctionné.

Par ailleurs, nous savons qu’il y a une montée en puissance. Les programmes alimentaires territoriaux sont un formidable moteur pour déterminer les modes de production et d’organisation, par exemple pour ce qui concerne les cuisines centrales, comme l’a évoqué Mme la rapporteure.

Les questions qui se posent sont les suivantes : dispose-t-on de suffisamment de producteurs et de logistique ? l’organisation, dans les collectivités, est-elle efficace ?

Ce n’est pas parce que nous n’avons pas atteint les objectifs que nous nous étions fixés – il faut bien le reconnaître, et chacun doit prendre sa part, l’État comme les collectivités –, que nous devons reprendre rendez-vous dans trois ans. Nous devons d’abord analyser les causes de cet échec (M. Laurent Duplomb sexclame.) et regarder si le dispositif a été bien calibré pour parvenir à atteindre l’objectif – que nous partageons, me semble-t-il.

En effet, nous sommes d’accord sur le fait que la commande publique peut constituer un levier puissant pour développer la filière bio et pour valoriser les produits de qualité ou issus de circuits courts.

Le Gouvernement a la volonté d’évaluer le dispositif et d’étudier les pistes qui nous permettraient de nous améliorer pour atteindre enfin les objectifs fixés par la loi Égalim. Au reste, je ferai des propositions sur ce sujet dans les prochaines semaines.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. J’ajoute un dernier argument. Nous devons progresser. Très bien ! Et, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, madame la rapporteure, les collectivités s’y mettent.

Imaginons le signal que nous allons envoyer ce soir. Les filières se sont structurées, sachant que l’objectif n’était pas rempli, mais faisant preuve de la volonté d’y parvenir, avec en ligne de mire un chemin, un horizon déterminés. Nous allons leur dire que finalement, ce n’est pas grave, que nous allons en partie revoir nos ambitions à la baisse – même si Mme la rapporteure a donné des exemples pour le contester – et qu’il n’est plus nécessaire d’atteindre l’objectif. (M. Laurent Duplomb proteste.)

Je trouverais dommage que nous envoyions un tel signal, alors que nous commençons à prendre le bon chemin, un cap ayant été fixé.

Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Mon cher collègue, nous n’envoyons aucun signal. Nous intégrons des produits de filière française, qui sont certifiés par un label de qualité.

M. Laurent Duplomb. Exactement !

Mme Sophie Primas, rapporteur. Nous ne diluons pas l’objectif de 50 % en y mettant n’importe quoi. Nous ajoutons des produits locaux, dotés d’un label de qualité et répondant à un cahier des charges.

Ne nous trompons pas de message : celui que nous envoyons est extrêmement positif pour l’agriculture française.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Je soutiens ces amendements.

Comme le ministre l’a souligné, en Île-de-France, des plans alimentaires territoriaux sont en cours d’élaboration dans la plupart des collectivités. Ces dernières, qui ont traversé la crise covid, ont pris acte des ambitions fixées par la loi Égalim ; elles y travaillent, et elles progressent.

Or ce n’est pas toujours facile, en particulier dans des territoires dépourvus de terrains agricoles – cela étant, en Île-de-France, on trouve un peu de production agricole. Nous revendiquons souvent de la stabilité pour nos collectivités. Nous ne faisons pas autre chose en défendant l’équilibre qui a été trouvé. Grâce à cette exigence de qualité, la commande publique deviendra sans doute, à l’avenir, l’un des moteurs de la transition agroécologique. (M. Laurent Duplomb sexclame.)

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je défendrai également ces amendements, car l’enjeu est important. Le sujet avait été débattu lors de loi Égalim. Du temps s’est écoulé depuis lors, et nous pouvons d’ores et déjà dresser un premier bilan.

À cet égard, l’Observatoire national de la restauration collective bio et durable a produit un rapport intéressant. Toutes les cantines ne sont pas étudiées, mais les 10 000 qui le sont servent tout de même 1,4 million de repas par jour, composés en moyenne de 36 % de produits bio – sachant que ces derniers représentent environ 7 % de la consommation alimentaire nationale.

Cela veut dire que non seulement nos collectivités travaillent pour faire fonctionner des filières locales, mais que cela fonctionne ! Tout le monde a à y gagner, y compris les mondes agricole et paysan, qui fournissent ces denrées. En effet, nous savons qu’en favorisant le bio, nous favorisons le local – c’est prouvé. Nous avons donc intérêt à poursuivre en ce sens.

Aussi, madame la rapporteure, en repoussant l’échéance, nous enverrions un très mauvais signal aux collectivités, qui ont pourtant pris les choses en main et avancent sur cette question, au bénéfice des agriculteurs et du développement de filières locales.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Nous ne repoussons pas l’échéance !

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 rectifié, 61 et 110.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. L’amendement n° 111, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

1° Au 6°, l’année : « 2026 » est remplacée par l’année : « 2024 » ;

2° Au 7°, l’année : « 2027 » est remplacée par l’année : « 2024 » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er janvier 2027, la part des produits répondant aux conditions prévues au présent I doit représenter, en valeur, au moins 80 %, et la part des produits mentionnés au 2° du présent I doit être portée à 50 %. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement, ambitieux, vise à fixer de nouveaux objectifs de qualité dans la restauration collective, à savoir atteindre, en 2027, 80 % de produits de qualité et 50 % de produits bio.

Je m’explique : les bilans de la loi Égalim montrent que, si la part de bio a progressé dans la restauration collective, elle l’a fait dans des proportions très insuffisantes. Pour relancer la dynamique, nous devons non pas repousser l’échéance, mais fixer de nouveaux objectifs plus ambitieux.

Le Gouvernement a annoncé, au sujet de la crise de l’agriculture biologique, vouloir utiliser la restauration collective comme une partie de la réponse. Par cet amendement, nous vous proposons, monsieur le ministre, de mettre en application vos annonces.

L’agriculture biologique est actuellement en crise du fait d’une stagnation de la demande et d’une augmentation de la production. Les producteurs bio se sont, face à la loi Égalim, organisés collectivement pour répondre à la demande, mais, de son côté, la puissance publique n’a pas pu tenir ses engagements. Nous devons donc rehausser l’ambition exprimée dans cet article.

Par ailleurs, cet amendement tend à supprimer, en 2025, la mention « haute valeur environnementale » sur les produits. Ce label présente si peu de garanties en matière environnementale qu’il est attaqué en justice pour tromperie auprès du consommateur. Aussi, il n’a pas sa place dans la définition de l’alimentation de qualité en restauration collective.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Alors que nous venons juste de dire que nous ne parvenons pas à atteindre les objectifs, votre réponse est de les doubler !

M. Laurent Duplomb. Eh oui, c’est nul !

M. Marc Fesneau, ministre. C’est exactement ce qu’a dit le Président de la République il y a quelques jours : nous avons déjà des objectifs, parfois très exigeants, à atteindre – vous êtes tous convenus de la difficulté à atteindre celui dont il est question – et vous nous proposez d’y aller encore plus fort. C’est, au fond, la prophétie autoréalisatrice des amendements.

C’est une technique comme une autre… Pour ma part, je considère que, si nous voulons être crédibles dans le débat public, il serait bien que nous adoptions des amendements dont nous savons qu’ils sont réalisables.

Monsieur Labbé, si, déjà, nous parvenions à atteindre les objectifs de la loi Égalim, ne pensez-vous pas qu’il s’agirait d’une bonne nouvelle ? A-t-on besoin d’en rajouter ? Je répète que nous devons maintenir les objectifs d’Égalim, mais, de grâce, alors que nous avons du mal à atteindre ceux-ci, ne nous dites pas qu’il faut aller plus loin, car c’est faire preuve d’un ennuyeux déni de réalité !

Avis défavorable.

M. Laurent Duplomb. On est d’accord !

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, certaines collectivités sont parvenues à atteindre l’objectif et approchent même les 100 % de produits de qualité.

M. Marc Fesneau, ministre. Tant mieux !

M. Joël Labbé. C’est donc possible de le faire !

Les projets alimentaires territoriaux, que nous avons évoqués, ont été mis en place à cet effet : relocaliser et développer l’agriculture biologique.

Vous arguez que nous ne sommes pas parvenus à atteindre l’objectif, mais à un moment donné, il nous faut faire preuve d’ambition ! Mettons le paquet et fixons-nous des objectifs forts à moyen terme, car, une fois le processus lancé, il suivra son cours !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 111.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 112, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le même article L. 230-5-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« .… – Pour l’application du présent article et en articulation avec le comité régional pour l’alimentation prévu à l’article L. 230-5-5 du présent code, un référent préfectoral est nommé par le représentant de l’État dans le département, parmi les sous-préfets.

« Sans préjudice des attributions des collectivités locales et des services compétents, il est chargé de la concertation, à l’échelle départementale, sur l’approvisionnement de la restauration collective, avec notamment l’objectif de faire progresser chaque année la part des produits mentionnés au I du présent article. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Par cet amendement, nous souhaitons répondre aux difficultés d’application de la loi, en nous dotant d’outils de dynamique territoriale.

Pour affirmer une véritable volonté politique sur l’application de cet article et lever les blocages, cet amendement vise à ce que soit nommé un sous-préfet référent pour l’application de la loi dans chaque département. Celui-ci pourrait faire remonter les difficultés des collectivités locales et organiser la concertation entre les acteurs.

Nous en sommes convaincus, il faut faire appliquer cette loi et non proposer de revenir en arrière !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Avis défavorable.

Il me semble qu’en la matière, les meilleurs sous-préfets sont les parents d’élèves et les concitoyens qui demandent à leur maire de respecter la loi Égalim.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 112.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 11.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 285 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 238
Contre 99

Le Sénat a adopté.

Article 11
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article additionnel après l'article 11 - Amendement n° 119 rectifié

Après l’article 11

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 56 rectifié bis est présenté par Mme Loisier, MM. Bacci et Chasseing, Mmes Guidez et de La Provôté, MM. Hingray, Bonneau et Henno, Mme Gacquerre, MM. Savary et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, M. Duffourg, Mmes Billon et Perrot, MM. Cigolotti, Chauvet et Le Nay, Mmes Herzog et Férat, MM. Détraigne, Anglars et Folliot, Mme Doineau, MM. B. Fournier, Rietmann et Perrin, Mme Pluchet et M. Gremillet.

L’amendement n° 83 rectifié bis est présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et M. Requier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 412-4 du code de la consommation, il est inséré un article L. 412-4-… ainsi rédigé :

« Art. L. 412-4-… – Le miel mis en vente sur le marché français fait l’objet d’analyses régulières afin de s’assurer de son origine géographique et florale ainsi que de son absence d’adultération.

« Les conditions dans lesquelles ces analyses sont réalisées et la liste des laboratoires habilités à les réaliser sont définies par décret. »

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l’amendement n° 56 rectifié bis.

Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement concerne le miel, qui est victime d’un haut niveau de fraude, que ce soit à l’appellation d’origine, à l’appellation florale ou à l’adultération, c’est-à-dire le fait de mélanger le miel avec d’autres substances, ce qui est formellement interdit.

Le miel est le cinquième produit le plus sujet à la fraude dans le monde. En France, près de 46 % des miels vendus seraient suspectés d’adultération. Il est donc nécessaire d’agir pour protéger ce produit de nos terroirs.

Seul un mécanisme d’analyses régulières avant la mise en vente sur le territoire français garantira un bon niveau de protection des consommateurs. À cet effet, cet amendement vise à instaurer de telles analyses, dont les modalités seraient à définir par décret afin de préserver les plus petites exploitations et d’éviter de les mettre en difficulté sur le plan économique.

Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° 83 rectifié bis.

M. Christian Bilhac. La plupart du miel consommé en France est importé. Il s’agit souvent d’un miel industriel complètement dénaturé, voire trafiqué, dans lequel des tas de substances sont ajoutées.

À côté de la relance de la production de miel français, il convient de lutter contre ces contrefaçons, qu’on ne peut pas franchement appeler du miel !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Ces amendements identiques s’inscrivent dans la continuité d’un long combat du Sénat sur le miel pour assurer la loyauté des transactions et l’information des consommateurs. Des révélations récentes nous ont appris qu’en Europe « plus de la moitié des miels [étaient] faux ».

Il s’agit de prévoir des contrôles réguliers pour s’assurer de leur origine géographique et florale et de l’absence d’adultération. Ces contrôles devront être réalisés par des laboratoires habilités, et non par les services déconcentrés de l’État.

Le ministre m’objectera sûrement que la révision à venir de la directive Miel de 2001 nous donnera, enfin, partiellement satisfaction sur certains points – partiellement, j’y insiste. Ce sera le cas pour l’indication obligatoire de l’origine géographique des mélanges de miel, mais pas pour l’ordre pondéral décroissant – une mesure que le Sénat a déjà souhaité introduire après une longue bataille d’amendements que je n’ai pas oubliée.

Sur les contrôles, qui doivent concerner l’ensemble des miels vendus en France, il nous faut agir dès maintenant. Certes, il s’agit bien d’une surtransposition, mais elle est tout à fait justifiée.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements (Marques de déception sur les travées du groupe Les Républicains.), non pas tant sur l’objectif que vous voulez défendre et que nous défendons tous, à savoir mieux reconnaître la qualité de nos miels et éviter les mélanges – il est vrai que le miel est l’un des produits qui fait l’objet des pratiques les plus déloyales –, mais pour trois raisons.

Premièrement, concernant les miels issus d’assemblages, les analyses effectuées sur les produits finis ne permettent de contrôler ni l’origine géographique et florale ni l’absence d’adultération. Seules des analyses réalisées avant assemblage peuvent détecter l’intégralité des fraudes.

Deuxièmement, l’adoption de ces amendements introduirait une situation de concurrence déloyale concernant les miels commercialisés sur le marché français. En effet, les opérateurs français seraient contraints de réaliser les analyses que vous réclamez, alors même que leurs concurrents, en vertu du principe de reconnaissance mutuelle, ne seraient pas soumis à cette obligation. Certes, il s’agit d’une surtransposition choisie dont on peut penser qu’elle est utile, mais elle ne s’appliquerait qu’aux miels qui ne sont pas la cible de ces amendements, à savoir les miels français.

Troisièmement, l’obligation imposée par ces amendements paraît méconnaître la directive européenne 2001/110/CE relative au miel, dont l’article 5 prévoit que « les États membres n’adoptent pas […] des dispositions nationales non prévues par la présente directive ». La révision de ce texte, qui est en cours, doit nous permettre d’aboutir à une rédaction qui réponde à vos exigences.

En résumé, ce qui est proposé ce soir, c’est une surtransposition qui ne s’appliquerait qu’aux apiculteurs français. Je ne suis pas sûr que ce soit le message que vous vouliez leur envoyer. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Je suis d’accord avec la dernière partie de l’intervention du ministre, à ceci près que des dérogations sont possibles en cas de fraudes avérées – et il en existe. On peut donc aller au-delà de la législation européenne, si bien que ces amendements peuvent être adoptés.

Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Il faut de la transparence à l’égard du consommateur. Tel n’est – hélas ! – pas le cas et cela ne concerne pas que le miel : le cas du cidre est actuellement sur la table.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Absolument !

M. Michel Canévet. Il faut de la clarté sur la composition des produits proposés à nos concitoyens. Par conséquent, il est important que des normes particulièrement drastiques soient fixées. (Très bien ! sur des travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Ces amendements concernant le miel sont très intéressants. En effet, nous avons bien souvent affaire à une concurrence déloyale, puisque des mélanges à base de glucose et de mélasse sont présentés comme du miel, ce qui est problématique.

Il est tout à fait significatif que nous ayons ce débat au moment où il est question des pesticides. Dans les miels français, on trouve énormément de pesticides, en particulier des néonicotinoïdes. C’est un vrai sujet. Il faut aussi penser à tous les apiculteurs qui perdent à peu près 30 % de leurs abeilles tous les ans. (M. Laurent Duplomb sexclame.) Si d’autres agriculteurs perdaient 30 % de leur cheptel tous les ans, il est évident que cela deviendrait un sujet de débat !

Mon intervention avait pour but de montrer que tout était lié. Les interventions ne peuvent pas être à géométrie variable : les pesticides font partie du problème.

Mme le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le ministre, nous abordons là des sujets très complexes et toute proposition est évidemment perfectible.

Je reviens néanmoins sur ce que vous venez dire. Si l’on demande aux entreprises de conditionnement de réaliser des analyses, on connaîtra la composition florale des miels à défaut de leur origine exacte. Cela nous donnera déjà un certain nombre d’éléments sur l’approvisionnement frauduleux ou pas du mélange.

Cela constituerait tout de même une avancée pour lutter contre des pratiques qui sont pour le moins frauduleuses, même si je reconnais que cela n’apportera pas toute la transparence que nous souhaitons.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 rectifié bis et 83 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 11 - Amendements n° 56 rectifié bis et n° 83 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 12

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 11.

L’amendement n° 119 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Husson, Mme Joseph, MM. Sautarel, Rietmann et Perrin, Mme Richer, M. Mandelli, Mme Chauvin, MM. Panunzi, Cadec, Brisson et Louault, Mmes Di Folco, Berthet et Gacquerre, MM. Houpert, Burgoa et Piednoir, Mme Muller-Bronn, MM. Lefèvre et Bouchet, Mme Micouleau, MM. Anglars et Mouiller, Mmes Belrhiti et Thomas, MM. D. Laurent et Somon, Mmes Ventalon, Férat et Lassarade, MM. Savary et Chauvet, Mme Gosselin, M. Pointereau, Mme F. Gerbaud, MM. Sido, Klinger, Rapin et Sol et Mmes M. Mercier, Gruny et Del Fabro, est ainsi libellé :

Après l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le II de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Il est institué auprès des ministres chargés de l’agriculture, des collectivités territoriales, de l’éducation nationale, de la santé et de l’environnement, un conseil national de la restauration collective.

« Ce conseil est composé de représentants des secteurs agricole et agroalimentaire, de représentants des collectivités territoriales, de représentants des ministères concernés, de représentants des associations de consommateurs et de protection de l’environnement, qui siègent à titre gratuit. Il est consulté sur la politique relative à la restauration collective. »

II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Cet amendement vise à créer une base légale au Conseil national de la restauration collective (CNRC), qui existe de façon informelle depuis 2019 à la suite de l’adoption de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim.

Cette instance de concertation, qui regroupe au sein de sept collèges les acteurs impliqués dans la restauration collective, a une mission d’accompagnement sur le suivi nutritionnel des repas, sur la situation économique du secteur, sur la substitution des plastiques ou encore sur l’utilisation de contenants réemployables.

Pour les collectivités, il s’agit d’un enjeu majeur.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Le Conseil national de la restauration collective existe déjà aujourd’hui de façon informelle et il fonctionne bien.

La définition de sa mission nous semble toutefois suffisamment large pour éviter les rigidités que son introduction dans la loi entraînerait, d’autant que nous sommes d’accord sur l’objectif d’un travail en commun pour trouver des solutions.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 119 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 11.

TITRE III

LUTTER CONTRE LA SURREGLEMENTATION EN MATIERE AGRICOLE

Article additionnel après l'article 11 - Amendement n° 119 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 12 bis (nouveau)

Article 12

Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Après le 1° A du I de l’article L. 1, il est inséré un 1° B ainsi rédigé :

« 1° B De veiller à ce que des normes législatives ou règlementaires allant au-delà des exigences minimales des normes européennes ne soient pas adoptées, sauf lorsqu’elles sont justifiées et évaluées avant leur adoption ; »

2° Après l’article L. 3, il est inséré un article L. 3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3-1. – Pour l’application du 1° B du I de l’article L. 1, le Conseil d’État identifie, dans les avis mentionnés à l’article L. 112-1 du code de justice administrative, les dispositions excédant les exigences minimales des normes européennes. Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard sept jours avant l’examen du texte concerné par la commission permanente de la première assemblée parlementaire saisie, un document estimant les conséquences financières des dispositions ainsi identifiées et recensant les dispositions similaires éventuellement adoptées dans les autres pays de l’Union européenne.

« Dans le cas d’un texte règlementaire soumis à une consultation publique mentionnée à l’article L. 131-1 du code des relations entre le public et l’administration ou à une enquête publique mentionnée à l’article L. 134-1 du même code, le Gouvernement produit le même document à destination du public consulté au plus tard une semaine après le début de la consultation ou de l’enquête. Il transmet ce document aux commissions compétentes du Parlement. »

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 62 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 74 est présenté par MM. Marie et Tissot, Mme Préville, MM. Devinaz, Houllegatte et Stanzione, Mmes Poumirol et Meunier, MM. Gillé, Magner et Kerrouche et Mmes Harribey et S. Robert.

L’amendement n° 113 est présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 62 rectifié.

Mme Marie-Claude Varaillas. En 2021, un rapport d’information de l’Assemblée nationale d’André Chassaigne et Jean Louis Bourlanges sur les méthodes de transposition des directives européennes indiquait que le phénomène de surtransposition était marginal et que l’on constatait plus souvent un déficit de transposition ou des sous-transpositions, notamment dans le domaine de l’environnement. Il rappelait aussi que les États membres avaient le droit de fixer des normes plus élevées que celles qui étaient définies par la directive.

En ce sens, toute surtransposition n’est pas nuisible en elle-même et peut résulter d’un choix assumé par le Gouvernement ou le Parlement de ne pas s’aligner sur le standard européen minimal, au regard des priorités nationales fixées dans certains domaines.

Ce qui se joue derrière l’article 12 et la bataille contre les prétendues surtranspositions systématiques, c’est en fait la remise en cause de toute ambition en matière environnementale et de progrès vers une réelle agroécologie. Pire, c’est une véritable régression et le choix de la logique du moins-disant environnemental et sanitaire.

Pourtant, en France, 85 000 tonnes de pesticides sont répandues chaque année. Notre pays est le premier consommateur européen et le troisième mondial. Ce classement ne peut pas nous laisser insensibles et nous ne pourrons pas nous cacher éternellement derrière les arguments selon lesquels une baisse de l’usage des pesticides aurait un effet néfaste sur la compétitivité des entreprises françaises et entraînerait des distorsions de concurrence.

En pointant la surtransposition en agriculture, vous voulez justifier la primauté des exigences concurrentielles sur les impératifs inhérents à la santé humaine et à l’environnement. De notre point de vue, cela n’est pas de nature à résoudre les problèmes du secteur agricole.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 74.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise également à supprimer l’article 12 de cette proposition de loi, qui introduit un principe de non-surtransposition des directives européennes en l’absence de motif d’intérêt général.

Tout d’abord, nous avons de réels doutes sur la rédaction de cet article. Comme dans d’autres articles de ce texte, la notion d’intérêt général est utilisée pour justifier les dispositifs proposés, sans qu’aucune définition précise de cette notion soit établie.

Je pense, mes chers collègues, que nous aurions des approches bien différentes sur les critères que devrait intégrer une telle notion. La santé humaine et la préservation de l’environnement me semblent des critères de premier plan pour une potentielle définition.

De même, la notion d’exigence minimale pour la transposition est particulièrement inquiétante sur le fond, car elle reviendrait à contraindre le gouvernement français et le législateur à se positionner sur les critères les plus faibles. Pourtant, nous savons bien que les négociations européennes, souvent longues et complexes, aboutissent régulièrement à des échelles adaptables pour convenir à la grande majorité des États membres.

Adopter un tel article reviendrait à être le moins-disant possible dans les transpositions du droit européen, qui va du sanitaire au droit du travail, et à affaiblir considérablement la position française dans les débats européens. Il est pourtant indispensable que la France tienne une position forte pour demander une harmonisation des normes européennes à la hausse pour l’ensemble des États membres. L’harmonisation est le seul moyen pour éviter les distorsions de concurrence. L’objectif visé par cet article n’est donc pas le bon.

Enfin, cet article pèche également par incohérence, car il illustre votre opposition à toute surtransposition, alors que vous procédez vous-mêmes à des surtranspositions, notamment à l’article 10 sur l’étiquetage.

Pour toutes ces raisons, qu’il s’agisse de l’imprécision de sa rédaction ou de son idéologie anti-européenne, nous vous proposons de supprimer l’article 12.

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 113.

M. Joël Labbé. Mes collègues communiste et socialiste l’ont bien explicité : l’article 12 est éminemment problématique. On nous accuse de caricaturer le débat, mais ce texte se caricature lui-même et nous en sommes les premiers désolés.

Cet article demande de justifier les mesures qui vont plus loin que les exigences européennes. Soit. Comment ? En s’appuyant sur un rapport du Gouvernement qui analyserait leurs conséquences financières sans envisager les conséquences sur l’environnement, la santé ou l’emploi. Il réduit l’analyse des politiques publiques aux seules conséquences financières. N’est-ce pas caricatural ?

De plus, présenter les surtranspositions comme une problématique majeure de l’agriculture française, comme le fait le rapport qui est à l’origine de cette proposition de loi, n’est-ce pas une caricature ?

Un rapport du Gouvernement de 2022 estime pourtant que les surtranspositions sont rares et que, quand elles existent, elles sont pleinement assumées. Encore une fois, on peut se demander de quel côté est la caricature.

Concernant le S-métolachlore, l’Anses n’a fait qu’appliquer le droit européen et l’autorisation de cette molécule à l’échelle européenne expire à la fin du mois de juillet 2023. D’ailleurs, les conclusions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) rejoignent celles de l’Anses. N’est-ce donc pas de la caricature que de crier à la surtransposition, comme on a pu l’entendre dans le débat public ?

Pour nous, et comme le rappelait ce rapport, aller plus loin que le droit européen est légal et légitime, notamment pour protéger les citoyens et notre environnement. Cet article cherche à contraindre cette possibilité ; nous estimons au contraire que la France doit être leader sur ces sujets, ce qui permettrait par ailleurs d’anticiper les problématiques à venir.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article 12.

Il s’agit d’un article très important, qui vise avant tout à tirer la sonnette d’alarme sur les surtranspositions qui affectent massivement le monde agricole et dont les conséquences sont réelles, notamment en termes de concurrence déloyale sur le marché intérieur.

Les surtranspositions ne concernent d’ailleurs pas uniquement les produits phytosanitaires : nombre d’entre elles sont relatives à d’autres problématiques agricoles.

Comme je l’ai mentionné tout à l’heure, cette alerte a également été émise par l’Assemblée nationale au mois de février dernier par le biais du dépôt d’une proposition de résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole. Selon les termes de ce texte qui a été adopté la semaine dernière, l’Assemblée nationale « regrette […] les interdictions brutales de produits phytopharmaceutiques » et « réaffirme l’impérieuse nécessité de lutter contre les surtranspositions des directives européennes, pour éviter les distorsions de concurrence ».

Alerter sur les surtranspositions ne signifie pas pousser au moins-disant. Cela revient à insister sur la nécessité de prendre garde, avant d’adopter des mesures pénalisantes pour notre agriculture sans aucune concertation européenne ni évaluation des conséquences et des effets de bord. Poser un principe de non-surtransposition, comme l’ont fait d’autres pays européens, notamment l’Allemagne, est un signal clair envoyé au Gouvernement.

Il ne s’agit pas de priver le Parlement de son droit fondamental à légiférer ; il n’en a jamais été question et ce serait juridiquement impossible. C’est sur l’évaluation a priori que cet article entend surtout mettre l’accent, pour que le Parlement ait bien conscience de ce qu’il s’apprête à voter et des conséquences de son vote.

Il ne me semble pas inacceptable de demander au Conseil d’État d’identifier dans ses avis les surtranspositions et de demander au Gouvernement de s’en expliquer. Cet article améliore l’information du Parlement. Les Allemands le font, je ne vois pas pourquoi nous ne le pourrions pas !

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Sur l’article 12, comme sur les amendements identiques visant à le supprimer, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Cet article pose une bonne question : comment limiter la surtransposition ? Si la rédaction de l’article 12 nous semble insuffisante en l’état, sa suppression pure et simple reviendrait à considérer que la question n’est pas pertinente.

Or je rappelle que les surtranspositions ont des conséquences collatérales aux ramifications diverses, que ce soit en matière sanitaire, sociale, alimentaire, commerciale ou environnementale.

Pour autant, adopter cet article en l’état aurait des conséquences sur les concertations en cours sur le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles et le Gouvernement espère aller au bout de ces concertations pour construire collectivement une doctrine sur les surtranspositions.

Je crois par ailleurs que nous pouvons déjà agir sans nécessairement modifier la législation. C’est ce que nous faisons actuellement en ce qui concerne les produits phytosanitaires. Ainsi, nous voulons réviser les objectifs et les modalités de mise en œuvre du plan Écophyto 2030 : nous ne devons interdire une molécule qu’après nous être interrogés sur les alternatives crédibles et sur les moyens de parvenir à son remplacement.

Plus que de lutter contre les surtranspositions, il s’agit de préparer l’agriculture à sortir de certains produits phytopharmaceutiques.

Je le répète : supprimer l’article 12 reviendrait à dire que les surtranspositions sont sans incidence, ce qui ne me semble pas tout à fait exact, et reviendrait à éluder la question ; dans le même temps, la rédaction de l’article n’est pas complètement aboutie.

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. À notre sens, la question des surtranspositions est un leurre que l’on agite pour éviter de débattre des véritables sujets agricoles, à savoir les inégalités liées à la PAC ou encore l’absence de régulation européenne des marchés et d’équité dans les relations commerciales. Par exemple, c’est la fin des quotas qui a été le principal souci de la filière betterave.

Puisqu’il est question de surtranspositions, parlons des néonicotinoïdes : ils se sont invités dans le débat ici même en 2014 lors de l’examen d’une proposition de résolution européenne. J’avais alors arraché ma cravate de colère. (Exclamations amusées sur certaines travées.)

Nous sommes parvenus à interdire les néonicotinoïdes en France dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dite loi Biodiversité. On avait alors parlé de surtransposition, mais la disposition avait été maintenue et, deux ans après, l’Union européenne les interdisait à son tour.

À la suite de tous ces débats, des dérogations permettant la réintroduction de certains néonicotinoïdes ont été accordées, notamment pour la filière betterave. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et le Conseil d’État ont cassé ces autorisations ; c’est à ce moment-là que la France a été exemplaire et elle peut l’être dans d’autres domaines.

M. Franck Menonville. C’est cela, l’exemplarité ?!

Mme le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Les néonicotinoïdes sont un cas typique de surtransposition. (Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Fesneau, ministre. Oui !

M. Franck Menonville. C’est un cas d’école !

M. Laurent Duplomb. Cela ne s’est pas passé tout à fait comme l’a raconté Joël Labbé.

Il existe en Europe cinq familles de néonicotinoïdes. L’Union européenne en a interdit quatre et en autorise toujours une.

La France, par surtransposition totale, a interdit tous les néonicotinoïdes. Se rendant compte des incidences de cette décision sur la production de betteraves, elle a réintroduit les néonicotinoïdes dans l’enrobage de la graine, ce qui était interdit au sein de l’Union européenne. Par conséquent, très normalement, la CJUE est intervenue pour empêcher la France de continuer.

Aujourd’hui, parce qu’elle a surtransposé et s’est vu interdire la seule mesure sur laquelle elle était revenue, la France se retrouve sans solution, alors même que tous les autres pays européens auront la possibilité de traiter le puceron foliaire avec l’acétamipride.

Nous sommes donc dans l’impasse, et cela ne concerne pas seulement les betteraves. Par exemple, avec l’interdiction à venir de la spirotétramate, les Polonais continueront de traiter le puceron cendré de la pomme avec la cinquième famille de néonicotinoïdes, autorisée à l’échelon européen, mais interdite en France !

Mme le président. Veuillez conclure.

M. Laurent Duplomb. Pour la pomme, comme pour la betterave, les arboriculteurs français seront dans une impasse technique ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Monsieur Duplomb, je vous remercie d’avoir expliqué pourquoi il faut parfois surtransposer ! (M. Laurent Duplomb sexclame.)

Quelle est la problématique des néonicotinoïdes ? Quelque 1 200 études, sinon plus, attestent scientifiquement de leur dangerosité (M. Laurent Duplomb proteste.) – c’est la réalité ! – : elles ont un impact sur l’eau comme sur la biodiversité. On en parlait tout à l’heure : si l’on réalisait des analyses, on trouverait des traces de néonicotinoïdes dans le miel. Oui, cela a un impact sur la santé et sur la biodiversité !

Dans ces conditions, heureusement – heureusement ! – que la France garde la liberté d’interdire ces produits qui sont dangereux pour la santé humaine et pour la biodiversité.

M. Laurent Duplomb. On mangera donc du sucre brésilien et des pommes polonaises ! (Exclamations sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

M. Guillaume Gontard. Heureusement que nous pouvons surtransposer ! Cela me paraît particulièrement important.

Par ailleurs, si l’on veut renoncer à toute surtransposition, il vaudrait tout de même mieux que la France respecte déjà le droit européen… Or elle a été condamnée un nombre assez important de fois pour non-respect de directives européennes, qu’il s’agisse de la qualité de l’air ou de l’eau, des gaz à effet de serre, etc. Soyons cohérents !

Sur la question de produits qui ont été établis comme dangereux par de nombreuses études scientifiques, la responsabilité du Gouvernement est engagée. Je me rappelle Barbara Pompili, alors ministre de la transition écologique, déclarant à cette tribune : nous savons et nous serons responsables.

Alors, oui, heureusement que nous pouvons surtransposer pour interdire certains produits. Il n’est qu’à prendre l’exemple du chlordécone : si la France avait pris les devants et interdit ce produit, nous n’aurions pas les problèmes sanitaires que nous connaissons aujourd’hui.

Mme le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.

M. Vincent Segouin. Allons jusqu’au bout de votre démonstration, mon cher collègue.

Vous refusez le sucre fabriqué grâce aux néonicotinoïdes, mais puisque l’industrie sucrière française est en train de fermer en raison de ce qu’on considère comme un danger pour l’être humain, on importe du sucre fabriqué de cette manière… Votre démonstration n’est donc pas aboutie.

Dans le même temps, notre balance commerciale se dégrade et nous perdons nos producteurs et notre savoir-faire. Continuez ainsi et ce sera bientôt la fin de l’agriculture française ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je suis obligé d’intervenir… (Sourires.)

Il y a des solutions ! Des producteurs de betteraves proposent du sucre bio ; il est vrai que cela entraîne parfois des baisses de rendement, mais c’est tout à fait possible. (M. Laurent Duplomb ironise.)

D’ailleurs, on importe beaucoup de sucre de betterave bio.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Pour les riches !

M. Daniel Salmon. Il faudrait sans doute réfléchir aux moyens de favoriser cette production en France.

« Il n’y a pas de solution », « c’est inéluctable » : voilà ce qu’on entend tous les jours ! Il existe pourtant bien des possibilités, mais il faut avoir la volonté de les mettre en place, ce qui demande de travailler sur d’autres pratiques.

Le directeur scientifique agriculture de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a récemment été auditionné par la commission des affaires économiques. (M. Laurent Duplomb sexclame.) Son explication était limpide : à force de pesticides, on détruit les écosystèmes et les pucerons n’ont plus de prédateurs.

On peut continuer ainsi longtemps – faire le vide, stériliser les campagnes – et on aura de plus en plus de soucis. Prenons le taureau par les cornes.

M. Laurent Burgoa. Pas vous ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Salmon. Regardons les choses en face et faisons attention à la terre que nous léguerons à nos enfants. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.

M. Pierre Médevielle. On parle de danger pour l’environnement ou pour la santé humaine, mais jamais de dose. Pourtant, c’est une notion fondamentale : les substances ne présentent de toxicité qu’à partir d’une certaine dose épandue.

Monsieur Labbé, j’ai fait partie, avec Chantal Jouanno, des premiers cosignataires pour interdire les néonicotinoïdes, lorsqu’il a été établi que c’était dangereux pour les abeilles. Je l’ai fait sans réserve, même s’il se trouve que cela n’a pas été suffisant, puisque les abeilles sont confrontées à d’autres dangers et qu’il s’agit d’un problème multifactoriel.

En matière de toxicité et de toxicologie, on ne parle pas suffisamment des doses, alors même que c’est fondamental, je le répète. Entre le danger et le risque se pose la question de la dose épandue, paramètre que l’on ne prend pas assez en compte.

Si l’on parle d’un système à zéro pesticide, comme le prônent certains de mes voisins dans cet hémicycle, il est clair que nous reviendrons rapidement aux famines du Moyen Âge. (M. Daniel Salmon sexclame.) Nous aurons toujours des insectes, des bactéries, des champignons prêts à dévaster nos cultures. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Mais oui !

Avec le remembrement, nous avons des surfaces cultivées de plus en plus importantes et, en cas d’épidémie, ce sera la catastrophe. Il est vrai que nous ne connaîtrons pas de famine, parce que nous importerons !

J’ai des amis producteurs en bio qui sont ravis que leurs voisins traitent leurs champs… (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Oui, c’est une réalité !

Soyons réalistes : l’agriculture bio à 100 % n’est pas possible aujourd’hui sur notre territoire. Certains s’y sont essayés, comme des viticulteurs alsaciens ou des producteurs du Sud-Ouest : ce n’est pas possible. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour explication de vote.

M. Pierre Cuypers. Soyons raisonnables ! Le Président de la République a dit : « Il n’y aura pas d’interdit sans solution. » Il a raison.

Voilà bien des années que les néonicotinoïdes sont utilisés sur la betterave, qui n’est pas une plante mellifère. Cela signifie qu’il n’y a aucune dangerosité avérée (Cest faux ! et protestations sur des travées du groupe GEST.) – aucune ! – et que la solution de l’enrobage avec des néonicotinoïdes permettait, pendant une période de quatre-vingts jours à quatre-vingt-dix jours, de protéger la plante le temps de son développement. Il n’y avait aucune trace, de quelque nature que ce soit, à part celle que certains veulent inventer, mais qui ne s’appuie sur rien de concret. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Vous pouvez vérifier !

Si vous ne permettez pas le développement de la recherche pour que nous puissions nous passer de néonicotinoïdes en 2028 et continuer à produire de la betterave, alors nous serons totalement dépendants de nos importations pour ce qui est du sucre, de l’alcool, du gel hydroalcoolique, du carburant ou de l’alimentation animale. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne vais pas revenir sur le débat que nous avons déjà eu il y a quasiment trois ans sur les néonicotinoïdes.

Je tiens juste à apporter certaines précisions.

Dans l’affaire des néonicotinoïdes, on peut parler d’un cas avéré de surtransposition. On peut aussi faire le constat d’un échec : quand on perd 30 % ou 60 % d’une récolte de betteraves, c’est non pas à cause des quotas, mais de la jaunisse. (M. Guillaume Gontard sexclame.) La jaunisse, c’est la jaunisse et le prix de la betterave, c’est le prix de la betterave ! Essayons de décrire la réalité plutôt que de vivre dans un monde virtuel, sinon nous n’y arriverons pas !

Il nous faut crédibiliser les solutions de remplacement. Tel était d’ailleurs l’objet de la dérogation de trois ans qui avait été votée au Sénat et à l’Assemblée nationale.

La décision de la Cour de justice de l’Union européenne s’impose à nous, le sénateur Duplomb l’a très bien expliqué. Au fond, la Cour de justice a simplement rappelé – vous me pardonnerez cette tautologie – que, lorsque c’est interdit, c’est interdit…

Essayons de tirer une leçon de ce qui s’est passé. Lors d’une prochaine transposition, il serait bon de réfléchir en amont aux solutions de remplacement et aux moyens à consacrer à la recherche pour éviter de nous retrouver en situation de surtransposition et de fragiliser les filières.

Enfin, monsieur Salmon, vous dites que la solution, c’est de consommer du sucre bio, mais connaissez-vous l’état du marché ? Seulement 0,5 % du sucre consommé en France est bio ! Il faudrait alors ajouter dans la proposition de loi un nouvel article pour interdire de consommer du sucre non bio… Ce serait évidemment une surtransposition, mais surtout un déni de réalité !

Je le répète : 0,5 % du sucre consommé en France est bio. Ce n’est pas l’offre qui va créer la demande ; il faut créer de la demande pour qu’il y ait de l’offre, sinon nous n’y arriverons pas et le sucre consommé en France ne sera pas produit dans notre pays.

Mme le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. Je tiens à rétablir une vérité, car depuis le début de la soirée, on a l’impression qu’il y a, d’un côté, l’agriculture vertueuse, qui n’utilise aucun produit phytosanitaire, et, de l’autre, une agriculture qui ne pense qu’à ramasser du pognon, quitte à jouer avec la santé et le bien-être de nos concitoyens.

Nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires prétendent, chiffres à l’appui, que l’utilisation de produits phytosanitaires n’a fait qu’augmenter depuis des années, mais ils se sont arrêtés aux années 2017-2018. Or depuis, selon un rapport gouvernemental, la consommation par le monde agricole de produits phytosanitaires – je les appelle « produits de soin de la plante » – a chuté.

Ainsi, la consommation globale de produits phytosanitaires a baissé de 19 % entre 2019 et 2021, celle des produits dits à grands risques, les produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 1 (CMR1), de 85 %. Les seuls produits dont l’utilisation a augmenté ces dernières années, ce sont les produits utilisés en agriculture biologique, que l’on appelle aussi biologiquement contrôlable : leur utilisation est en hausse de 15 %.

Il ne faut donc pas croire qu’il y aurait les bons d’un côté, les mauvais de l’autre. L’agriculture en général fait des efforts importants depuis un certain nombre d’années pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 62 rectifié, 74 et 113.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 95, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° B De veiller à ce que des normes législatives ou réglementaires soient conformes aux normes européennes en matière de protection de la santé et de l’environnement ; »

II. – Alinéa 5

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ainsi qu’une analyse de la conformité des mesures proposées aux normes européennes, qui comprend une analyse des normes européennes en la matière qui ne seraient pas respectées par l’état du droit

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le Gouvernement présente également une analyse des conséquences pour l’environnement et la santé des non-conformités du droit français au droit de l’Union européenne identifiées, et les mesures qu’il compte mettre en œuvre pour y remédier.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement devrait vous satisfaire, monsieur le ministre, mes chers collègues, car il vise à trouver un équilibre.

À l’inverse de la logique proposée à l’article 12, nous proposons ici un principe de non-« sous-transposition » et de lutte contre les sous-réglementations en matière environnementale, sanitaire et de protection sociale.

Il nous paraît essentiel de nous interroger sur une bonne harmonisation du droit de l’Union européenne entre les États membres et sur une juste articulation entre le droit national et le droit communautaire.

Or, en mettant l’accent sur les surtranspositions, cet article occulte un pan entier de la réflexion : le fait que la France est également concernée par des sous-transpositions ou des sous-réglementations.

Pour illustrer mon propos, j’évoquerai quelques exemples dans les domaines de la santé et de la préservation de l’environnement.

En février 2023, la Commission européenne a adressé à la France un avis motivé lui demandant de se mettre en conformité avec la directive Eau potable.

Dans une décision du 15 novembre 2021, le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement de prendre, dans un délai de six mois, les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’utilisation de pesticides soit effectivement restreinte, voire interdite, dans les zones classées Natura 2000 pour se conformer au droit européen.

La Commission européenne a également estimé prendre très au sérieux les potentielles infractions à la directive-cadre sur l’eau liées aux projets de stockage d’eau qui se développent sur le territoire français.

Par ailleurs, dans sa lettre d’observation sur la première version du plan stratégique national (PSN) français en matière de politique agricole commune, elle a formulé de nombreuses critiques et demandes d’ajustements, principalement sur une insuffisance de la prise en compte des enjeux environnementaux.

Au regard de ces exemples, il nous semble essentiel que le présent article prévoie également une étude des sous-transpositions dans notre droit.

On ne peut pas en permanence se victimiser et ne pas regarder les choses dans leur globalité. Tout n’est pas ou tout blanc ou tout noir. Il existe à la fois des sous-transpositions et des surtranspositions.

Mme le président. L’amendement n° 126, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

pas adoptées, sauf

par les mots :

adoptées que

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 95 ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 95 et s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 126, pour les mêmes raisons que sur les amendements précédents.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 95.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 126.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 286 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 251
Contre 91

Le Sénat a adopté.

Article 12
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article additionnel après l'article 12 bis - Amendement n° 97

Article 12 bis (nouveau)

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport dressant un bilan de la mise en œuvre de l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime et présentant les possibilités de mise en place de clauses miroirs aux frontières du marché intérieur.

Mme le président. L’amendement n° 96, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ce rapport comporte un bilan sur la politique de contrôle sanitaire des denrées alimentaires importées. Il précise le nombre de contrôles effectués pour l’année, dont le nombre de contrôles aléatoires, le nombre d’agents affectés à ces contrôles, les résultats de ces enquêtes, ainsi que les mesures, mises en œuvre et proposées, au niveau national et européen pour mieux lutter contre les risques sanitaires et environnementaux liés aux produits importés.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Nous proposons de compléter le contenu du rapport relatif à la mise en œuvre des clauses miroirs, dont on parle si souvent, plus précisément en ce qui concerne l’article 44 de la loi Égalim.

Ce dossier n’avance pas. Les moyens affectés par l’État pour protéger notre agriculture de la concurrence déloyale des produits importés qui ne sont pas conformes aux exigences que, à raison, nous nous appliquons sont bien trop faibles pour permettre à l’administration de mener à bien sa mission.

L’instauration de clauses miroirs aux frontières du marché intérieur serait pourtant un moyen de protéger notre agriculture de la concurrence déloyale, comme cela est démontré dans le rapport d’information du Sénat sur les retraits et les rappels de produits à base de graines de sésame importées d’Inde ne respectant pas les normes minimales requises dans l’Union européenne et dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 2023.

Les producteurs font face à une concurrence déloyale, tandis que les consommateurs sont exposés à des risques sanitaires.

La lutte contre les importations ne respectant pas nos normes sanitaires et environnementales est l’un des éléments permettant de construire une véritable compétitivité pour notre agriculture dans ses dimensions économiques, sociales, environnementales et sanitaires.

Nous proposons que soit dressé un bilan de la politique de contrôle sanitaire des denrées alimentaires importées. Au Sénat, on parle depuis très longtemps des clauses miroirs, sur lesquelles nous sommes assez nombreux à être d’accord. Il faut désormais aller de l’avant pour lutter contre la concurrence déloyale.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 96.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 12 bis, modifié.

(Larticle 12 bis est adopté.)

Article 12 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 13

Après l’article 12 bis

Mme le président. L’amendement n° 97, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Pour l’atteinte des finalités de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation mentionnées au présent I, la France soutient au niveau international et européen le principe d’un traitement différencié dans le cadre des relations commerciales internationales du secteur agricole, qui l’exclut de tout accord commercial global ou de libre-échange. »

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Si les clauses miroirs évoquées dans la présente proposition de loi peuvent constituer un outil pour amorcer une régulation des échanges, elles ne seront pas suffisantes.

Par ailleurs, la Commission européenne semble résolue à conclure l’accord avec la Communauté économique des pays d’Amérique du Sud (Mercosur), alors que les conditions, notamment des clauses miroirs suffisantes, ne sont pas réunies.

C’est pourquoi nous proposons d’inscrire, parmi les finalités de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation, le soutien de la France, à l’échelon international et européen, au principe d’un traitement différencié du secteur agricole dans le cadre des relations commerciales internationales, afin de l’exclure de tout accord commercial global ou de libre-échange.

Sans régulation des marchés agricoles et sans sortie de ce secteur des accords de libre-échange, la construction de la compétitivité environnementale, sociale, économique et sanitaire de notre agriculture sera nécessairement mise à mal par la concurrence de productions moins-disantes.

Penser que les agriculteurs français pourront rivaliser avec leurs concurrents à l’échelle mondiale est un leurre. Une telle rivalité n’est en outre pas souhaitable, car la compression des normes et des charges se fait au détriment de la protection sociale des travailleurs et de l’environnement.

Le choix des systèmes alimentaires doit s’effectuer sans dumping, pour atteindre la souveraineté alimentaire telle qu’elle a été définie par La Via Campesina lors du sommet de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) : il s’agit du « droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite par des méthodes […] durables, et le droit des peuples de définir leurs propres systèmes agricoles et alimentaires ».

Tel est le sens de cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel, parce que l’exclusion du secteur agricole de tout accord commercial global ou de libre-échange ne me semble ni réaliste ni même souhaitable.

Néanmoins, je partage les préoccupations de notre collègue : il faut être attentif à l’addition des accords de libre-échange conclus à l’échelon européen et à leurs conséquences sur chacune des filières.

Enfin, cet amendement s’apparentant à une injonction au Gouvernement, la commission y est défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons que vient d’invoquer Mme la rapporteure.

J’ajoute, à la suite de l’échange que nous avons eu précédemment sur les questions de surtransposition, que si nous étions déjà d’accord entre Européens sur les normes à appliquer, l’idée qu’il faut avancer sur les clauses miroirs serait davantage acceptée.

Quand je dis à nos partenaires européens qu’il faut mettre en œuvre des clauses miroirs, ils me répondent que les sujets concernés relèvent d’une réglementation française. C’est notamment pour cette raison que je milite pour des réglementations européennes s’appliquant dans tous les États membres : c’est à partir de ce moment-là que nous pourrons imposer des clauses miroirs dans les accords commerciaux.

Enfin, comme l’a indiqué Mme la rapporteure, nous avons besoin d’accords internationaux et de règles dont l’agriculture ne doit pas être exclue. C’est d’ailleurs parce que nous signons des accords internationaux que nous pouvons faire reconnaître nos signes de qualité à l’extérieur de nos frontières et empêcher que certains faussaires ne viennent troubler le jeu.

Nous devons travailler sur les clauses miroirs, les penser en Européens et ne pas exclure totalement le secteur agricole des accords internationaux, ce qui serait contraire à la vocation exportatrice de notre pays.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je remercie notre collègue Daniel Salmon d’avoir déposé cet amendement. Il nous donne l’occasion de parler un peu de la question du libre-échange, alors que le Parlement est privé de débat sur ce sujet – il y a quand même là un petit problème démocratique.

Je le dis de nouveau, il faudra bien que le Ceta, l’accord économique et commercial global avec le Canada, soit examiné un jour par le Sénat.

D’ailleurs, monsieur le ministre, je vous répète également que je suis toujours disponible pour visiter une exploitation agricole qui trouverait des avantages à la signature de cet accord.

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne l’ai pas oublié !

M. Fabien Gay. De même, si vous trouvez une exploitation pour laquelle un accord avec le Mercosur serait bénéfique, je suis preneur !

Vous êtes le quatrième ministre de l’agriculture en six ans à me dire que vous allez me faire visiter une telle exploitation : j’attends toujours !

Pour ma part, je ne comprends pas comment le Sénat peut continuer à se laisser humilier ainsi par le Gouvernement. Allons-nous un jour contraindre le Gouvernement à débattre au Parlement du Ceta et à nous permettre de voter sur cet accord ? En cas de vote négatif, peut-être remettrons-nous sur la table certaines choses ?

Les clauses miroirs, c’est très intéressant : il ne faut pas accepter d’importer des produits qui sont interdits en France. Je pense que nous pourrions nous mettre d’accord sur ces questions avec une grande partie de la droite sénatoriale.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je suis ravi d’apprendre qu’il faut des accords de libre-échange pour faire du commerce ! Si tel était le cas, nous n’aurions pas beaucoup commercé depuis le Moyen Âge ! Ainsi, il aurait fallu attendre l’ultralibéralisme et le libre-échangisme pour faire du commerce ? J’ignorais que l’on vivait en autarcie avant les années 1970. (Sourires.) Soyons un peu sérieux !

Je pense que la question se pose d’inscrire dans les traités de libre-échange une exception agricole, à l’instar de l’exception culturelle, car l’agriculture est toujours la variable d’ajustement dans ces traités. Sommes-nous d’accord pour dire que les produits alimentaires et agricoles ne sont pas des produits comme les autres ?

Il faudra bien, à un moment, que nous ayons un débat sérieux sur ces questions. Et j’espère que le Sénat dans son ensemble se fera un jour respecter par le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Pierre Cuypers et Mme Anne Chain-Larché applaudissent également.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Mes chers collègues, je vous informe que, depuis la reprise de la séance, nous avançons au rythme de quatorze amendements à l’heure, ce qui pourrait nous conduire, si nous continuions ainsi, à achever l’examen du texte vers trois heures trente du matin.

Or, pour des raisons de cohérence, je vous propose d’essayer d’achever l’examen de ce texte ce soir. Si nous accélérions un peu notre rythme, nous pourrions peut-être nous coucher à une heure un peu plus raisonnable. Ne voyez toutefois dans mon propos aucune volonté de ma part de contraindre le débat très intéressant que nous avons ce soir.

Mme le président. Mes chers collègues, il est presque minuit, je vous propose d’ouvrir la nuit afin de terminer l’examen de ce texte dans les conditions que vient d’indiquer Mme le rapporteur.

Il n’y a pas d’objection ?…

Il en est ainsi décidé.

Article additionnel après l'article 12 bis - Amendement n° 97
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 14

Article 13

I. – Les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l’article L. 1313-5 du code de la santé publique sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, le ministre chargé de l’agriculture peut, par arrêté motivé, suspendre une décision du directeur général prise en application du onzième alinéa de l’article L. 1313-1, après avoir réalisé une balance détaillée des risques sanitaires, environnementaux et de distorsion de concurrence avec un autre État membre de l’Union européenne, et évalué l’efficience de solutions alternatives. »

II. – La section 1 du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 253-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 253-1-1. – Un retrait d’autorisation ou une modification de l’autorisation d’utilisation visant à restreindre l’usage d’un produit emporte l’obligation pour l’État de financer un accompagnement technique et de recherche adapté pour les professionnels.

« Dans le cas d’une décision de retrait, et sous les réserves mentionnées à l’article 46 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, le délai de grâce est systématiquement porté à six mois pour la vente et la distribution, et à un an supplémentaire pour l’élimination, le stockage et l’utilisation des stocks existants.

« Le directeur général peut, à l’occasion de l’instruction d’une demande d’autorisation préalable à la mise sur le marché et à l’expérimentation telle que décrite à l’article L. 1313-1 du présent code, s’en remettre à la décision, par arrêté, du ministre chargé de l’agriculture. »

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 40 rectifié est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme Préville, M. Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau, Redon-Sarrazy, J. Bigot, Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 63 est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 114 est présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour présenter l’amendement n° 40 rectifié.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à supprimer l’article 13.

Initialement, cet article prévoyait que l’Anses devait présenter, dans ses décisions d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques, une balance détaillée des bénéfices et des risques sanitaires, environnementaux et économiques.

En commission, la rapporteure a proposé de réécrire le dispositif, estimant que l’Anses ne pourrait pas assumer cette mission, et donné au ministre de l’agriculture le pouvoir de suspendre une décision du directeur général de l’Anses sur le fondement de cette balance bénéfices-risques.

L’article 13 prévoit également d’introduire un délai de grâce systématique en cas de retrait d’une AMM pour permettre, dans un premier temps, et pendant six mois, de continuer à vendre et distribuer ce produit, puis, dans un second temps, de continuer à l’utiliser, à le stocker ou à l’éliminer pendant une année supplémentaire.

Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’opposent fermement à ces deux propositions, qui, si elles étaient adoptées, remettraient totalement en cause le processus actuel d’autorisation et de retrait des AMM et affaibliraient fortement l’Anses, et ce uniquement dans une logique économique.

D’une part, nous estimons que l’Anses est une agence d’expertise scientifique indépendante, dont le rôle est notamment d’évaluer l’impact d’un produit sur la santé humaine et l’environnement. Il semble inenvisageable que ses décisions puissent être dictées ou remises en cause sur le fondement de critères économiques.

Nous considérons qu’un ministre de l’agriculture ne peut pas avoir le pouvoir de suspendre à son gré une décision de cette agence, notamment s’il peut invoquer, à l’appui de sa décision, les distorsions de concurrence avec un autre État membre.

Nous savons tous ici qu’il n’en faudra pas plus à certains lobbies pour s’engouffrer dans la brèche, exercer des pressions et produire des analyses plus ou moins fondées, comme l’a bien montré le récent scandale Phytéis.

D’autre part, l’introduction d’un délai de grâce automatique, qui pourrait courir pendant une durée de dix-huit mois, pose aussi de graves questions en matière de sécurité sanitaire et environnementale.

Rien, dans cet article, ne va dans le bon sens. Une fois de plus, nous avons le sentiment que, derrière la recherche de compétitivité, il y a une volonté de déréguler et de déréglementer.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 63.

M. Fabien Gay. Il est défendu, madame la présidente.

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 114.

M. Joël Labbé. Il est également défendu !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. La commission est évidemment défavorable à la suppression de cet article.

Je l’ai dit lors de la discussion générale, nous ne touchons pas aux missions de l’Anses, nous redonnons au ministre de l’agriculture un pouvoir politique sur un certain nombre de molécules.

Il s’agit de lui permettre non pas d’agir à son gré, mais de procéder à une analyse bénéfices-risques, de vérifier si les molécules qui sont en cause sont autorisées ou pas dans d’autres pays européens, s’il existe des solutions de repli et d’évaluer les conséquences sur les filières et sur l’industrie agroalimentaire.

Fort de ces éléments, le ministre pourra ensuite prendre une décision, pousser la recherche afin de trouver des solutions de remplacement et inciter l’Union européenne à décréter une interdiction totale dans l’ensemble de l’Union européenne, si cela est nécessaire.

Cela ne remet absolument pas en cause l’indépendance de l’Anses, qui continuera de rendre ses avis de la même manière.

J’avoue être très surprise de la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, qui a adopté des positions très fortes sur le projet de fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) lors de l’examen du projet de loi relatif au nucléaire. Vous avanciez alors la question de l’indépendance ; vous vous contredisez aujourd’hui, mais peu importe.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Paradoxalement, à partir des mêmes arguments que Mme la rapporteure, j’émets un avis favorable sur ces amendements.

Je n’ai jamais dit, y compris lors des récentes controverses sur ce sujet, qu’il fallait remettre en cause les prérogatives de l’Anses. Jamais ! J’ai simplement dit qu’on pouvait débattre avec elle, comme vous le faites d’ailleurs vous-même dans bien des cas, quand cela vous arrange, sur le rapport coût-efficacité et sur les conséquences de ses travaux.

Mesdames, messieurs du groupe écologiste, vous avez vous-mêmes remis en cause les préconisations de l’Anses sur la grippe aviaire, ainsi que sur les nitrites.

M. Guillaume Gontard. Nous n’en avons pas le pouvoir !

M. Marc Fesneau, ministre. Si, si, vous avez remis en cause les préconisations de l’Anses sur le plan nitrites, mais aussi sur d’autres sujets.

La question des néonicotinoïdes est un problème de droit européen et de surtransposition française. L’Anses n’a rien à voir dans cette affaire.

Cela étant, il ne faut pas nier les obstacles. Nous devons mettre fin à l’utilisation des néonicotinoïdes, tout le monde est d’accord sur ce point, y compris ici au Sénat.

M. Pierre Cuypers. On est d’accord !

M. Marc Fesneau, ministre. La dérogation n’aura duré que deux ans, mais le fait est que nous avions initialement prévu trois ans. Si certains souhaitent que l’on renouvelle cette dérogation pour trois ans, puis encore pour trois ans, etc. alors le problème est d’une autre nature. Il nous faut trouver des solutions de remplacement, car nous sommes pour l’instant dans une impasse.

Nous avons besoin que l’Anses éclaire les débats et qu’elle délivre les autorisations de mise sur le marché, mais il n’est pas inutile que nous ayons un débat sur la synchronisation avec les négociations européennes.

Monsieur le sénateur Labbé, vous avez dit que l’on connaissait déjà la décision de l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Non, nous ne la connaissons pas : une décision sur le S-métolachlore sera rendue dans quelques semaines, à la fin du mois de mai. Qu’adviendra-t-il si la décision prise à l’échelon européen diffère de celle de l’Anses ?

M. Laurent Duplomb. C’est ce qui va se passer !

M. Marc Fesneau, ministre. Qu’aurons-nous gagné ?

La question qui se pose n’est pas de savoir ce que dit l’Anses sur le fond, d’autant qu’elle a accordé un délai de six mois pour la vente des produits contenant du S-métolachlore et d’un an pour l’utilisation des stocks ; la question est, et cela ne me paraît pas révolutionnaire, d’essayer de synchroniser les agendas européens et nationaux.

Mais je m’éloigne de l’article 13. Je le redis, j’émets un avis favorable sur les amendements de suppression, car cet article ne règle pas les questions que nous nous posons sur l’Anses. Les sujets qu’il nous reste à traiter sont, pour certains, devant nous, en particulier la synchronisation avec le calendrier européen.

Le risque n’est pas ici la concurrence avec des pays tiers hors de l’Union européenne. Si certaines molécules étaient durablement interdites dans notre pays, bien avant les autres États membres de l’Union européenne, aucune disposition ne nous permettrait d’empêcher l’arrivée des produits. Ce sont alors nos filières qui disparaîtraient, quand d’autres pays continueraient d’utiliser des produits que nous aurions, nous, interdits. Tels sont les sujets sur lesquels nous devons travailler, dans le cadre d’un débat apaisé.

L’Anses n’est pas une autorité indépendante, c’est une agence, placée sous cotutelle conformément à la loi – le dire n’a rien d’insultant. En tant que tutelle, le ministre de l’agriculture a le droit d’émettre un avis et d’essayer de trouver la voie d’un compromis. Cela ne remet pas en cause la validité des éléments scientifiques utilisés par l’Anses.

Nous devons continuer de travailler sur ces sujets afin d’éviter les surtranspositions.

Mme le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour explication de vote.

M. Serge Mérillou. Mon explication de vote portera sur l’article 13, qui est au cœur des débats sur cette proposition de loi.

J’ai déjà fait part de mes réticences sur un certain nombre de dispositions concernant l’usage des pesticides.

Comme je l’ai expliqué lors de la réunion de la commission des affaires économiques, les modifications qui ont été introduites en commission sont pour moi une ligne rouge, car elles induisent un durcissement du dispositif.

La version initiale de cet article préservait la souveraineté de l’Anses, et ce malgré l’introduction d’un calcul bénéfices-risques. En offrant au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire un droit de veto sur ses futures décisions, les modifications introduites en commission retirent de facto son pouvoir décisionnaire à l’Agence.

Confier la décision finale de l’interdiction d’un produit phytosanitaire au ministre présente le risque que les arbitrages ne se fassent pas dans le but de défendre le seul intérêt général.

C’est la raison pour laquelle, comme je l’ai fait en commission des affaires économiques, je voterai contre l’article 13.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je prends brièvement la parole pour répondre à M. le ministre, qui a avancé à plusieurs reprises le même argument concernant l’Anses et la grippe aviaire.

Monsieur le ministre, il ne vous a pas échappé que nous ne faisions pas partie du Gouvernement. En tant que groupe d’opposition, nous pouvons émettre des critiques contre des décisions de l’Anses. Les choses sont éminemment différentes, quand un ministre en exercice critique une autorité indépendante.

M. Marc Fesneau, ministre. L’Anses n’est pas une autorité administrative indépendante !

M. Daniel Salmon. Je tenais à vous faire remarquer qu’il existe une petite différence entre vous et nous.

M. Laurent Duplomb. C’est sûr !

M. Marc Fesneau, ministre. Elle ne m’avait pas échappé !

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 rectifié, 63 et 114.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. L’amendement n° 127, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer les mots :

, par arrêté,

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Sagesse.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 127.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 13, modifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 287 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l’adoption 215
Contre 117

Le Sénat a adopté.

Article 13
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 15

Article 14

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi puis tous les trois ans, un rapport des mesures d’encadrement des pratiques agricoles, en précisant et détaillant les objectifs recherchés, les coûts de la transition, leur couverture par des accompagnements publics ou des rémunérations par les marchés et leurs impacts sanitaires, environnementaux et économiques au regard des objectifs initiaux.

Mme le président. L’amendement n° 21 rectifié ter, présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, M. Le Nay et Détraigne, Mmes Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, M. Duffourg, Mme Perrot, M. Chauvet et Mme Doineau, est ainsi libellé :

Après le mot :

agricoles

insérer les mots :

ainsi que de l’aquaculture lacustre et de rivière

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. L’article 14 vise à solliciter un rapport sur les mesures d’encadrement des pratiques agricoles. Il me semblerait utile de regarder aussi, dans ce cadre, la situation de l’aquaculture lacustre et de rivière. Ce secteur est au point mort dans notre pays depuis de nombreuses années, il est donc important de faire le point sur les freins à son développement.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Cet amendement de plusieurs sénateurs centristes me semble satisfait, mais je partage pleinement l’intention de ses auteurs de donner un coup de projecteur sur l’aquaculture, comme nous en avons donné un tout à l’heure sur l’agriculture ultramarine.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, son avis sera défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 117, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ce rapport évalue également les coûts des externalités négatives des pratiques agricoles pour la collectivité, notamment les coûts sanitaires et environnementaux des pollutions liées à l’usage des produits phytosanitaires et des engrais de synthèse, des pollutions liées aux nitrates, ainsi que la part des dépenses publiques qui contribue à réduire ces coûts. D’autre part, il évalue les gains liés aux externalités positives des pratiques agroécologiques et notamment de l’agriculture biologique et la part des dépenses publiques orientée vers ces pratiques.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement tend à compléter le rapport d’évaluation des mesures d’encadrement des pratiques agricoles et de leur impact financier.

En effet, si l’information demandée peut être intéressante, le périmètre est trop réduit. Nous proposons de chiffrer aussi les impacts environnementaux et sanitaires des pratiques agricoles. Les pratiques agricoles conventionnelles génèrent de nombreuses externalités négatives : les coûts liés aux pollutions de l’eau et de l’air comme ceux en lien avec la santé, la biodiversité ou les pollinisateurs doivent aussi être pris en compte par les politiques publiques.

Nous proposons aussi de chiffrer la part des dépenses publiques qui financent ces pratiques néfastes. Une étude des financements publics liés à l’utilisation agricole des pesticides en France a été publiée en 2021 par la Fondation Nicolas Hulot et le bureau Basic : elle montre que moins de 1 % des dépenses publiques contribue réellement à la réduction de l’usage des pesticides. Ces données sont intéressantes pour orienter notre politique agricole.

Nous proposons enfin de chiffrer l’ensemble des externalités positives, qu’on appelle aménités, dont nous bénéficions du fait des pratiques alternatives agroécologiques. L’agriculture biologique, notamment, protège l’eau, les sols, la qualité de l’air, la biodiversité, les pollinisateurs. Ces données sont elles aussi à prendre en compte, quand on parle d’évaluation des politiques publiques.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, car l’évaluation des dispositions législatives fait partie des missions du Parlement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 117.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 14, modifié.

(Larticle 14 est adopté.)

Article 14
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Discussion d'article après l'article 15 - Amendement n° 17 rectifié

Article 15

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 211-1 est ainsi modifié :

a) Au 5° bis du I, après les mots : « stockage de l’eau », sont insérés les mots : « , qui présente un intérêt général majeur » ;

b) Au 3° du II, après le mot : « agriculture », sont insérés les mots : « , pour laquelle les ouvrages ayant vocation à stocker l’eau présentent un caractère d’intérêt général majeur dans le respect du 5° bis du II du présent article, » ;

2° Après le même article L. 211-1, il est inséré un article L. 211-1-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 211-1-1 A. – Les plans d’eau, permanents ou non, comme les prélèvements nécessaires à leur remplissage, à usage agricole, sont réputés répondre à un intérêt général majeur s’ils s’inscrivent dans le respect du 5° bis du II de l’article L. 211-1. Dans le respect d’une gestion équilibrée de la ressource en eau et d’une production agricole suffisante et durable, dès que possible, ces installations et activités tiennent compte d’un usage partagé et raisonné de l’eau. »

Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 14 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 41 rectifié est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mmes Préville et S. Robert, M. Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau, Redon-Sarrazy, J. Bigot, Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 64 est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 72 est présenté par Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis, Lemoyne et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 14.

M. Daniel Salmon. Alors que les infrastructures de stockage d’eau à des fins agricoles suscitent débats, critiques et contentieux et que les sécheresses se multiplient, l’article 15 prévoit de déclarer automatiquement d’intérêt général majeur les ouvrages de stockage d’eau.

Les écologistes ne s’opposent ni à l’irrigation ni au stockage de l’eau – je le rappelle, parce qu’il est facile de caricaturer –, mais nous estimons que ces solutions doivent intervenir en dernier recours, une fois que tous les leviers de sobriété ont été mis en œuvre, notamment les pratiques agronomiques permettant de retenir l’eau dans les sols. Je rappelle que 93 % de notre agriculture est une agriculture pluviale, qui n’a donc pas besoin d’irrigation.

Déclarer ces projets d’intérêt général majeur sans aucun encadrement ni garde-fou ne nous semble pas la solution. Certes, l’article a été modifié en commission pour tenter d’atténuer la mesure, en l’articulant avec le principe de l’usage partagé et les hiérarchies des usages de l’eau, mais cette précision est insuffisante.

Si l’irrigation est nécessaire dans certains cas, elle doit être conditionnée à des pratiques agroécologiques et au soutien à la souveraineté alimentaire, et non être déclarée comme présumée d’intérêt général majeur. L’objectif est de placer l’usage agricole de l’eau au même niveau que l’eau potable et l’usage sanitaire, ainsi que le bon fonctionnement des milieux aquatiques déjà largement mis à mal.

Des alternatives à l’actuelle généralisation de l’irrigation existent : produire sur des sols vivants et avec des principes d’agroécologie. La priorité, face à la raréfaction de la ressource en eau, doit être de discuter des changements à opérer. La répartition des volumes d’eau d’irrigation entre les filières et le rôle de ces dernières au sein de stratégies territoriales doivent retenir toute notre attention.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié.

M. Jean-Claude Tissot. Nous abordons avec cet article un sujet très difficile, souvent clivant, qui mériterait une loi à part entière : la question du stockage de l’eau à usage agricole.

Sur la forme, les sénateurs de mon groupe considèrent dans leur très grande majorité qu’il serait très difficile de traiter ce sujet au détour de cette proposition de loi, sans étude d’impact ni concertation.

Sur le fond, nous regrettons le parti pris beaucoup trop marqué de cet article 15, qui propose de reconnaître dans la loi, par principe, le stockage de l’eau en agriculture comme d’intérêt général majeur.

Au vu du contexte sociétal et politique extrêmement tendu sur cette question, il ne nous semble pas judicieux d’inscrire un tel principe dans la loi au détour de l’examen d’un texte qui, nous le rappelons, n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact.

La question des retenues d’eau en agriculture est complexe. Seule une solution équilibrée et durable pourra apaiser les tensions et répondre aux attentes des différents acteurs concernés par ce type de décision.

Le groupe socialiste du Sénat mène actuellement un travail de fond sur la question des usages de l’eau, dans le cadre de son droit de tirage annuel. Nous rendrons nos conclusions à l’été 2023. C’est seulement à partir de ce travail sérieux, fruit de six mois d’auditions, de concertations et de réflexion, que des solutions équilibrées et sociétalement acceptables pourront émerger.

Dans cette attente, il nous semble totalement imprudent d’inscrire dans la loi des positions aussi définitives. Nous vous proposons donc de supprimer cet article.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 64.

M. Fabien Gay. Cet article mérite que nous lui consacrions un peu de temps, madame la présidente. Je pense que nous devons avoir un débat sérieux sur la gestion de l’eau.

L’été dernier, en France, cent villages n’ont pas eu accès à l’eau potable pendant plusieurs jours. Puis, il y a eu les méga-feux et des inondations. Vous me direz que c’est déjà arrivé dans le passé. Oui, mais cela s’accélère et s’intensifie : il faut vraiment que nous soyons sérieux sur cette question.

Face à une telle situation, il y a des biens que nous devons exclure du marché : appelons-les des biens communs de l’humanité, si vous voulez. Et nous devons faire en sorte qu’il n’y ait plus de conflits d’usage entre la biodiversité, l’agriculture, nos centrales nucléaires, etc.

Je ne confonds pas les mégabassines de retenue et celles qui pompent dans les nappes phréatiques.

M. Laurent Duplomb. Elles n’ont rien à voir !

M. Fabien Gay. Il faut faire du cas par cas. Proposer de globaliser et de tout rendre par principe d’intérêt général majeur, cela ne me paraît pas au niveau du débat que nous devons avoir.

Nous demandons donc la suppression de cet article. Pour autant, nous devons nous mettre sérieusement au travail sur ces questions. Si les mégabassines pompent dans les nappes phréatiques, il n’y aura bientôt plus rien à pomper : il n’y aura plus ni nappes phréatiques, ni mégabassines, ni par conséquent d’agriculture !

M. Daniel Salmon. C’est déjà le cas en Espagne…

Mme le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 72.

Mme Patricia Schillinger. La question de la gestion de l’eau est redevenue une problématique structurante du débat public, alors que nous nous étions habitués à une certaine abondance et à une relative facilité.

L’agriculture est en première ligne, puisque environ 10 % de l’ensemble des volumes d’eau douce prélevés en France lui sont destinés et qu’elle représente 45 % de la consommation d’eau.

Le Président de la République a annoncé, dans le cadre du plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau, une territorialisation de la politique de l’eau. Il a réaffirmé l’importance du respect de l’équilibre entre prélèvements et ressources et annoncé l’accompagnement de la création d’un fonds hydraulique doté de 30 millions d’euros par an.

Dans ce contexte, nous comprenons qu’il faille reconnaître la priorité à donner à l’agriculture, ce qui conduit à proposer de déclarer d’intérêt général majeur les ouvrages de prélèvement et de stockage de l’eau à des fins agricoles. Mais nous sommes favorables à ce que la gestion de l’eau et des milieux aquatiques soit définie au sein de chaque territoire à la suite d’une concertation locale, projet par projet.

Nous demandons donc la suppression de cet article.

Il nous semble également important que, lorsque la construction d’un ouvrage a été décidée localement et collectivement, elle puisse se faire rapidement. Il sera nécessaire, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, d’aborder ce sujet, en tenant compte de la multiplication des actions en justice et de la capacité qu’ont certains acteurs, qui ne sont pas toujours implantés localement, d’alourdir les procédures et d’allonger les délais de mise en œuvre. Ces acteurs alimentent l’agribashing et estiment parfois être mieux placés pour décider des stratégies locales de gestion de l’eau que les citoyens et les élus.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’équilibre trouvé en commission est de nature à sécuriser les agriculteurs, souvent très inquiets, et à prendre en compte les autres enjeux de la gestion de l’eau qui ont été évoqués et qui sont aussi très importants.

La commission a mis en cohérence les dispositions de l’article 15 avec l’article L. 211-1 du code de l’environnement, qui est relatif aux objectifs de la politique de l’eau et prend en considération l’ensemble des usages de l’eau de manière hiérarchisée. Cet article mentionne d’ores et déjà, dans le 5 bis du paragraphe I, la « promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau permettant de garantir l’irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l’étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales. »

La plupart des ouvrages de stockage d’eau à vocation agricole font l’objet d’une procédure de déclaration ou d’autorisation. Nous avons donc pris toutes les précautions qui permettent de répondre aux objections qui viennent d’être faites.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements de suppression.

Vous avez raison, monsieur Gay, c’est un débat qui est largement devant nous. Cela dit, la conflictualité des usages, c’est vieux comme le monde : il y en aura toujours, en particulier quand l’eau vient à manquer !

Essayons de lever le nez du guidon, de ne pas commenter la météo mois par mois, mais de regarder la trajectoire.

D’ailleurs, ce que dit le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) sur les arythmies à prévoir et les difficultés que rencontrera chaque territoire est très clair : la quantité d’eau qui tombera sur le sol français sera à peu près la même, mais l’évapotranspiration et les disparités territoriales vont créer du stress hydrique.

Du coup, certains territoires qui n’avaient pas besoin d’irrigation jusque-là pourront en avoir besoin. Il faudra l’assumer et la voie pour y parvenir passe notamment par la sobriété à l’hectare.

Vous évoquiez, monsieur Gay, la question des prélèvements dans les nappes. Mais il n’y a pas qu’une seule nappe en France ! Il y en a plusieurs et leurs caractéristiques sont différentes. Nous devrions d’ailleurs nous inspirer de l’exemple vendéen, je le dis sous le contrôle de M. Retailleau.

M. Bruno Retailleau. J’en parlerai !

M. Marc Fesneau, ministre. Le travail de répartition de la ressource réalisé en Vendée est même salué par les associations environnementales.

Vous parlez d’or, monsieur Salmon, quand vous réclamez la réduction de la consommation par une évolution des pratiques. Je vais vous en donner un exemple : à Sainte-Soline, la réduction de la consommation sera de 30 %, des haies seront plantées, les assolements vont évoluer et la consommation de produits phytosanitaires diminuera. (M. Daniel Salmon le dément.) C’est ce qui est prévu dans le protocole.

M. Daniel Salmon. Ce n’est pas ce qui est appliqué !

M. Marc Fesneau, ministre. Voulez-vous dire que les agriculteurs ne respectent pas leur parole ? Si, ils respectent leur parole et ils respectent la loi – et j’aimerais que tout le monde le fasse, y compris à Sainte-Soline. (Marques dapprobation à droite.) Que je sache, on ne prend jamais les agriculteurs en défaut sur ce point ; d’ailleurs, s’ils ne respectent pas le protocole, ils n’ont pas accès au pompage. En France, on n’ouvre pas le robinet comme on veut : il y a des compteurs, des évaluations, des contrôles, ce n’est pas open bar !

Certains projets sont vertueux, il faut être capable de le reconnaître. Je pense à ce qui a été fait en Vendée, au projet de Sainte-Soline ou à ceux qui sont développés en Poitou-Charentes, notamment autour de Poitiers. Sinon, que serait un projet vertueux ? Un projet où l’on ne prélève plus d’eau ?

Nous avons besoin d’assurer la transition nécessaire de l’agriculture et, pour cela, nous avons besoin d’ouvrages. Vous avez parlé de mégabassine pour Sainte-Soline : comment nommer alors ce qui a été fait dans le Sud-Est, par exemple Serre-Ponçon ?

M. Daniel Salmon. Cela n’a rien à voir !

M. Marc Fesneau, ministre. Une bassine occupe 12 hectares ; Serre-Ponçon en fait 4 000… Je suis sûr qu’aujourd’hui vous remettriez en cause Serre-Ponçon ! Ce barrage permet pourtant de lutter contre les incendies, d’alimenter la population en eau potable, de faire de l’irrigation de manière vertueuse, y compris pour les étiages des cours d’eau. À mon avis, le multi-usage est souvent une piste intelligente – et il comprend l’usage agricole.

Je soutiens donc les amendements de suppression de cet article, parce qu’on ne peut pas faire une telle généralité. Mais je m’inscris en faux contre l’idée qu’on n’aurait pas besoin d’ouvrages. Nous ne pourrons pas avancer si, à chaque fois qu’on essaie de faire un ouvrage, on trouve tous les motifs de faire échouer le projet.

Je pense qu’il faut territorialiser les choses et faire évoluer les pratiques. Nous devons aussi faire en sorte de raccourcir les procédures. Le Président de la République l’a dit pour l’industrie, nous ne pouvons pas avoir des procédures qui durent dix ans… Sinon, c’est l’impasse. Allons vers des procédures concomitantes et suffisamment courtes pour crédibiliser les démarches !

Le Gouvernement souhaite donc la suppression de cet article 15, mais nous devons ouvrir le débat sur ce sujet de manière plus sereine et moins caricaturale que ce qu’on entend. Et nous devons encourager les agriculteurs à mener les transitions, en leur permettant d’accéder à ce qui est essentiel pour eux, c’est-à-dire l’eau.

Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je me pose une question basique, à laquelle quelqu’un aura peut-être la réponse.

On connaît les projets d’intérêt général – ils sont définis dans le code de l’urbanisme –, les projets d’intérêt majeur, les raisons impératives d’intérêt public majeur – elles sont aussi juridiquement définies.

Mais nulle part je n’ai trouvé de référence à des projets « d’intérêt général majeur ». Quelle est la définition juridique de cette notion qui me semble hybride ? Quelles en sont les conséquences ?

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Ce qu’a dit M. le ministre m’oblige à réagir.

Il faut quand même veiller à ne pas mélanger les choses, en l’espèce les différents types de retenue d’eau. Il existe des retenues qui sont situées sur un cours d’eau – vous avez évoqué le lac de Serre-Ponçon –, des bassines qui pompent dans les nappes phréatiques, des retenues collinaires, etc. Toutes ces retenues ne sont pas à mettre dans le même panier, il faut notamment prendre en compte l’hydrologie.

Vous parlez de légalité : nous pourrions parler des cinq bassines illégales qui sont pourtant remplies…

Aller vers une forme de privatisation de l’eau pose aussi question. Où est le partage de l’eau dans une telle situation ?

Vous parlez de Sainte-Soline comme d’un exemple à suivre, où tout serait parfait. J’y suis allé et j’ai constaté que tous les champs sont drainés par des canaux pour évacuer l’eau le plus vite possible. (M. Laurent Duplomb ironise.) Et l’on fait des retenues pour essayer de retenir l’eau ! Il faudra qu’on m’explique la logique de tout cela.

Nous devons revenir à un principe simple, le respect des cours d’eau et des zones humides, pour avoir moins besoin de stocker dans l’avenir.

Mme le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je ne peux pas laisser le ministre parler de la Vendée de façon solitaire… (Sourires.)

Je ne partage pas son avis sur les amendements. Depuis des mois, j’ai entendu beaucoup de prises de position idéologique sur ce que vous appelez les bassines, et que nous appelons les réserves de substitution.

M. Franck Menonville. Des réserves d’eau, tout simplement !

M. Bruno Retailleau. En Vendée, nous avons commencé il y a plus de vingt ans de telles expérimentations, que j’ai suivies personnellement au titre tant de la région que du département. Nous pouvons désormais établir des constats, loin de toute idéologie.

Nous sommes partis d’une situation dramatique, avec des conflits d’usage. Aujourd’hui, nous savons que nous allons vers de telles situations, car, avec le réchauffement climatique, s’il ne tombera pas moins d’eau, celle-ci tombera de manière plus concentrée et sans doute de façon plus violente. Si nous voulons une agriculture productive, si nous voulons assurer l’avenir des agriculteurs, le stockage de l’eau et notre adaptation à la transition écologique sont essentiels.

Nous pouvons constater des résultats et ils sont vérifiables. Je sais qu’une mission d’information du Sénat travaille sur la question et j’invite ses membres à venir voir ce qu’il en est en Vendée. Dans le marais poitevin, une grande zone humide fragile que nous cherchons à préserver, le décrochage des niveaux a reculé de vingt à quarante jours, soit plus d’un mois de gain, et nous avons également observé des gains de 20 à 40 centimètres sur les niveaux d’eau et jusqu’à trois mètres pour la nappe phréatique. Ces chiffres ont été corroborés en 2022, une année particulièrement sèche, ce qui a confirmé l’efficacité du dispositif.

En ce qui concerne l’agriculture, nous avons constaté une baisse de la culture du maïs, une augmentation des cultures biologiques et la préservation de l’élevage dans le marais poitevin. Ces observations concrètes démontrent les aspects positifs du dispositif que nous avons mis en place. Il est important de se détacher de l’idéologie pour revenir à l’observation concrète.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Il s’agit d’une modification fondamentale de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006, qui consacre la gestion équilibrée de la ressource sans interdire le stockage.

Le paragraphe 7 de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau de 2000 permet de déroger au principe de non-détérioration de l’état d’une masse d’eau ou de ne pas atteindre les objectifs de bon état dans le cadre d’un projet d’intérêt général majeur, mais cela n’est pas permis de manière systématique dès lors qu’il s’agit d’un projet de stockage d’eau à des fins agricoles.

Or cet article 15 pose un principe général, alors qu’on ne peut pas faire l’amalgame entre barrages, retenues, lacs et mégabassines. C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article.

Mme le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Pour ma part, je voterai l’article 15. Sainte-Soline est dans mon département, j’ai suivi l’élaboration du protocole et toutes les études préliminaires et je voudrais rappeler qu’au moment de la signature du protocole d’engagement avec le monde agricole, presque toutes les associations environnementales ont donné leur accord. (Mme le rapporteur le confirme.) La députée Delphine Batho l’a signé.

Je ne sais pas si c’est de l’idéologie, mais c’est seulement à l’approche de l’élection présidentielle que tout a dévissé…

M. Laurent Duplomb. Absolument !

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je souhaite m’exprimer sur ce sujet. Tout d’abord, je soutiens ces amendements supprimant l’article 15, car il n’est pas possible de déclarer un projet d’intérêt général majeur par principe.

Le ministre a parlé des barrages, notamment de celui de Serre-Ponçon. Je ne sais pas si des projets de cette nature verraient le jour aujourd’hui – c’est une véritable interrogation –, mais il y a une particularité importante : Serre-Ponçon, c’est un village en moins ! Ces barrages ont des répercussions sur les populations et la biodiversité et ne sont donc pas des projets anodins.

Ce qui distingue un projet comme Serre-Ponçon ou les grands barrages des bassines dont nous parlons par ailleurs, c’est le travail important de réflexion sur les différents usages de l’eau – l’irrigation, le tourisme, l’eau potable… Avec ces projets, nous prenons en main le bien commun, l’eau, et nous faisons appel à la puissance publique pour gérer cette problématique. C’est comme cela que les choses doivent fonctionner et que nous pouvons avoir confiance en une gestion équitable des ressources.

Les écologistes n’ont jamais été opposés au stockage de l’eau, à l’adaptation et à la résolution des problèmes liés à l’eau, mais je tiens à rappeler que 95 % de la surface agricole utile n’est pas irriguée, ce qui signifie que nous avons encore beaucoup de travail devant nous, si nous devions suivre votre direction…

Au fond, pourquoi les projets que vous défendez ne sont-ils pas acceptés ? Parce qu’ils représentent une privatisation de l’eau. (M. le ministre le dément.) Si nous considérions l’eau comme un bien commun et que nous mettions en place de véritables projets publics et partagés, je pense que les choses se dérouleraient différemment.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14, 41 rectifié, 64 et 72.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. L’amendement n° 98, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le 5° bis du I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement est ainsi rédigé :

« 5° bis La promotion d’une politique de sobriété d’usage de l’eau en agriculture, notamment via le développement de pratiques agronomiques, et l’encadrement des ouvrages ayant vocation à stocker l’eau pour l’irrigation, garantissant qu’ils contribuent, dans le cadre d’un projet de territoire, à un usage transparent, partagé et sobre de la ressource en eau, et à la mise en œuvre de pratiques agroécologiques. »

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Je reviens sur un point : ce texte ne propose pas de qualifier l’alimentation en eau potable ou le fonctionnement des milieux aquatiques comme étant d’intérêt général majeur. Il y a pourtant une hiérarchie dans les usages de l’eau, que tout le monde connaît.

Il propose plutôt de prendre en compte « dès que possible » un usage partagé et raisonné de l’eau. Je trouve cette approche peu sérieuse, compte tenu de l’exacerbation des tensions sur les usages de l’eau et de la nécessité de réfléchir collectivement à sa répartition dans la perspective du réchauffement climatique.

En tant qu’écologistes, nous alertons sur le réchauffement climatique depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, nous devons nous adapter et continuer de lutter. Nous savons bien que le stockage de l’eau le plus pertinent, c’est celui des nappes phréatiques, qui peut être favorisé grâce à un travail sur les sols et les haies.

Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l’article, afin de replacer le stockage de l’eau pour l’agriculture dans le cadre d’une politique démocratique permettant la sobriété et un partage équitable de l’eau inscrit dans des projets de territoire.

Actuellement, sur le terrain, on refuse souvent l’accès à l’irrigation pour de faibles volumes à de petits maraîchers bio, ce qui empêche parfois leur installation. Pendant ce temps, des centaines de milliers de mètres cubes d’eau sont consacrés à des quasi-monocultures de maïs, qui sont néfastes pour l’environnement et qui ne contribuent pas à une véritable souveraineté alimentaire. En effet, pour cultiver du maïs, il faut du soja, et ce soja provient de l’autre côté de l’Atlantique, du Brésil plus précisément, ce qui n’est pas neutre en termes d’aggravation des problématiques liées au réchauffement climatique.

Dans ce contexte, cet amendement propose d’établir les bases d’un véritable encadrement du stockage de l’eau à des fins agricoles, afin que celui-ci contribue à une utilisation sobre et partagée de cette ressource commune.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. La rédaction actuelle du 5° bis du paragraphe I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement pose d’ores et déjà l’exigence d’un usage partagé de l’eau. C’était l’objet des amendements que j’ai déposés en commission. Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 98.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 98.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 15.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 288 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 226
Contre 117

Le Sénat a adopté.

Article 15
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article additionnel après l'article 15 - Amendement n° 99

Après l’article 15

Mme le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Duffourg, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Burgoa, Decool, Pellevat, Kern, Chasseing, Le Nay, Bonhomme, Mizzon, Henno et Moga, Mme Lopez, M. Chatillon, Mmes Muller-Bronn et Loisier, MM. Médevielle, Canévet, Hingray et J.M. Arnaud, Mme Ventalon, M. Somon, Mme Malet, MM. Folliot, Chauvet et Cigolotti, Mmes Doineau et Saint-Pé et M. Klinger, est ainsi libellé :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du II de l’article L. 214-3 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sont notamment soumises à déclaration les retenues collinaires de moins de 150 000 mètres cubes d’eau. »

La parole est à M. Alain Duffourg.

M. Alain Duffourg. Cet amendement vise à simplifier la création de retenues collinaires inférieures à 150 000 mètres cubes d’eau, soumises à déclaration. Contrairement aux bassines dont il a été fait état tout à l’heure, ces retenues ne consistent pas à aller puiser l’eau dans les nappes phréatiques, mais seulement à la retenir pendant les périodes pluvieuses ou durant l’hiver.

Cet amendement peut, à mon sens, faire consensus, étant précisé que les agriculteurs conventionnels, les agriculteurs biologiques, les maraîchers et les éleveurs pourront bénéficier de ces dispositifs. Un certain nombre de produits pourront ainsi être cultivés au bord de la Méditerranée, ce qui est tout de même préférable à aller les chercher à l’autre bout du monde.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’amendement n° 17 rectifié, dont je comprends la finalité, mériterait d’être plus longuement expertisé, puisque les ouvrages de prélèvement et de stockage de l’eau sont soumis à la nomenclature des installations, ouvrages, travaux, activités (Iota). Cette nomenclature permet de savoir si un ouvrage doit faire l’objet d’une autorisation ou d’une déclaration.

L’amendement mentionne le volume de la réserve, qui est certes un critère de la nomenclature, mais d’autres éléments doivent être pris en compte tels que la superficie du plan d’eau, sa hauteur, son mode d’alimentation ou encore la zone dans laquelle la retenue est installée.

Au-delà du fait qu’il mériterait d’être expertisé, cet amendement n’est pas de nature à produire les effets escomptés. La commission demande donc son retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement soulève une question assez juste et s’inscrit dans le prolongement des travaux que vous avez menés vous-même sur ces sujets, monsieur le sénateur, et que je voudrais saluer.

Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été indiqués par Mme la rapporteure, le Gouvernement demande néanmoins le retrait de l’amendement n° 17 rectifié. À défaut, son avis sera défavorable. Cet amendement soulève trop de questions pour que l’on puisse le laisser passer ainsi.

Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Dans le prolongement de cet amendement, je crois que nous devons nous poser la question du curage des retenues collinaires existantes. Selon les spécialistes, cette opération permettrait de récupérer de 25 % à 30 % de la capacité initiale de stockage de ces ouvrages. Or la réglementation rend de telles opérations de curage extrêmement compliquées à mettre en œuvre. Les dossiers sont quasiment aussi lourds que pour la création d’une retenue collinaire, ce qui est tout à fait regrettable.

Il y a peut-être là matière à simplification. On s’éviterait de la sorte d’avoir à construire des retenues collinaires neuves, sachant à quelles difficultés nous sommes confrontés parfois – et même souvent – dans ce cadre.

Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Je voudrais soutenir l’amendement défendu par Alain Duffourg.

Pour ce qui concerne l’énergie, nous essayons de trouver des mesures permettant de simplifier la réalisation des projets. Il en ira sans doute de même pour l’industrie.

Or, sur un sujet aussi important que celui de l’eau, un gain de simplification apparaît également indispensable. Cet amendement va dans ce sens. Je trouve donc regrettable qu’il ne soit pas soutenu.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Discussion d'article après l'article 15 - Amendement n° 17 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 16

Mme le président. L’amendement n° 99, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La construction de tout ouvrage de stockage d’eau étanchéifié, rempli au moins partiellement par pompage en nappe ou en rivière, et à usage quasi exclusif agricole, d’une capacité et d’une surface supérieure à un seuil défini par décret est suspendue sur l’ensemble du territoire national.

II. – Un décret définit les modalités d’application du présent article.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Nous estimons que les mégabassines ne constituent pas un modèle efficace et durable. Nous pouvons d’ailleurs le constater, comme je le disais tout à l’heure, en Espagne, où le recours aux réserves de substitution est important et où les ouvrages peinent à se remplir et semblent mettre à mal les milieux naturels.

Alors que plusieurs projets de mégabassines ont été jugés illégaux, nous pouvons nous interroger sur la conformité de ces structures au droit européen, en particulier à la directive-cadre sur l’eau.

Pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, il est nécessaire de mettre en place un moratoire sur les projets de mégabassines. C’est l’objet de l’amendement n° 99. Ce moratoire doit permettre l’organisation d’un véritable débat serein et éclairé, s’appuyant sur l’expertise scientifique – il en existe une – et associant les citoyens sur la gestion de ce bien commun qu’est l’eau.

La priorité est d’organiser une convention citoyenne sur l’eau pour repenser et démocratiser les choix de restriction et de hiérarchisation en temps de sécheresse, que nous pourrons avoir à faire dans les années à venir, et engager une réflexion démocratique sur le partage de l’eau. C’est ce que nous appelons de nos vœux.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’amendement n° 99 entre en totale contradiction avec les objectifs de cette proposition de loi. Avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. La seule réponse que vous nous proposez face aux difficultés qui sont devant nous, c’est un moratoire – c’est-à-dire d’attendre.

Or certains projets, y compris ceux que nous avons évoqués tout à l’heure, sont en discussion depuis des années, jusqu’à parfois dix ans. De plus, comme l’a très bien souligné votre collègue des Deux-Sèvres, les personnes qui apposent leur signature au bas des documents ne la respectent pas. Pour que les démarches territoriales soient crédibles, il faut que les gens considèrent qu’ils sont engagés, lorsqu’ils signent au bas d’un document. (M. Laurent Duplomb approuve.)

Ce n’est pas la peine de faire des moratoires, si les procédures durent de sept à dix ans et si la parole donnée – y compris par le biais d’une signature – n’est même pas respectée !

Pour répondre par ailleurs au sénateur Montaugé, je suis tout à fait d’accord avec vous sur la question de la réutilisation des ouvrages. Il y a de nouveaux ouvrages à construire, mais il en est aussi d’existants – des canaux ou des barrages – et ils ont besoin d’entretien. Je ne crois pas que cela relève de la loi. Nous sommes en train de travailler sur ce sujet, par exemple dans le Tarn-et-Garonne. Des questions de même nature se présentent dans votre département. Tout cela relève davantage de la réglementation.

S’il s’avérait nécessaire de légiférer sur cette question, nous reviendrions évidemment devant vous. Il est vrai néanmoins que cette question est importante. On estime ainsi que nous pourrions mobiliser de cette façon un tiers de capacité de stockage d’eau supplémentaire sur un certain nombre d’ouvrages existants.

M. Franck Montaugé. C’est énorme, et ce n’est pas la première fois qu’on en parle !

M. Marc Fesneau, ministre. Je suis d’accord avec vous, mais ce sujet ne date pas de l’actuel gouvernement. J’ai dit que j’essaierai de trouver un chemin pour améliorer les choses. La question qui se pose est celle du statut des boues.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. En effet, un moratoire décale un peu les projets. (M. le ministre, Mme le rapporteur et M. Laurent Duplomb sexclament.) Néanmoins, je crois qu’il est parfois nécessaire de prendre du temps. Cela évite de commettre certaines bêtises.

Les études du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui ont été mises en avant pendant longtemps sur les mégabassines s’appuient sur le climat et les données hydrologiques que nous connaissions il y a vingt ans. Or les choses ont bien évolué depuis lors. Cela va même très vite, et beaucoup plus vite que nous ne le pensions.

Ce qui était vrai hier ne le sera plus demain. C’est bien pour cela qu’il faut réfléchir à cette question. Nous devons nous assurer que l’on ne construit pas, à grand renfort d’argent public – il représente souvent 70 % du financement total –, des ouvrages qui seront à sec. Il n’y a pas de honte à attendre et à étudier. Il ne s’agit pas de mettre en place un moratoire ad vitam aeternam, mais de tenir compte de l’évolution de la situation.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 99.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 15 - Amendement n° 99
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 17

Article 16

Après le premier alinéa de l’article L. 213-7 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le préfet coordonnateur de bassin définit les situations dans lesquelles, en France métropolitaine, la conduite des projets de territoire pour la gestion de l’eau doit être encouragée, à l’exception du bassin de Corse où la collectivité de Corse est compétente. »

Mme le président. L’amendement n° 65 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Il est défendu !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Tissot et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le processus de conception et de mise en œuvre des dispositifs de gestion partagée de l’eau à l’échelle des bassins hydrographiques concernés prend en compte les préconisations de l’instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative aux projets de territoire pour la gestion de l’eau. »

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Il s’agit d’un amendement d’appel ayant pour objet de développer davantage de projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) sur le territoire national. Ces projets ont la vertu de mettre autour de la table toutes les parties prenantes à l’usage de l’eau : les agriculteurs en premier lieu, mais aussi les consommateurs et toutes les autres parties prenantes.

Il existe un PTGE sur mon territoire, le Gers, dans le secteur de l’Adour. Son évaluation a montré qu’il avait produit des effets positifs, même si nous aurions pu en espérer davantage. Il a surtout permis à des personnes qui ne se seraient pas parlé a priori de le faire et d’envisager un plan d’action en rapport avec la question de l’utilisation de la ressource en eau.

Ne serait-ce que pour cela, et eu égard à ce que l’on a pu constater sur des projets qui ont donné lieu à des polémiques voire à des affrontements – ce que je regrette –, je pense qu’il y a lieu de promouvoir le développement de ces PTGE.

Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ont analysé une quinzaine de PTGE et ont formulé des recommandations à leur sujet, après avoir constaté qu’il s’agissait d’une démarche vertueuse.

Nous n’avons rien à perdre à développer ces projets de territoire. C’est la demande que je présente au Gouvernement. Nous avons tous les éléments nécessaires pour les poursuivre et les développer, et je crois qu’il ne faut pas nous en passer.

Mme le président. L’amendement n° 100, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Ces projets permettent une concertation large et équilibrée associant les représentants des collectivités territoriales, de leurs groupements et des établissements publics locaux, des usagers non professionnels dont les associations de consommateurs, des associations de protection de l’environnement, des usagers professionnels des secteurs de l’agriculture, notamment l’ensemble des syndicats agricoles représentatifs, des représentants des pratiques agricoles agroécologiques, et notamment des représentants des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, des représentants de l’agriculture biologique, de la sylviculture, de la pêche, de l’aquaculture, de la batellerie et du tourisme et des usagers professionnels du secteur industriel et de l’artisanat, des représentants de l’État ou de ses établissements publics concernés.

« Ils prévoient une concertation avec les citoyens des territoires concernés.

« Ils permettent d’envisager, à partir d’un diagnostic de la situation hydrologique et de l’état des prélèvements, l’ensemble des modalités permettant de construire une gestion de l’eau et de ses usages à la fois sobre, équitable et transparente, et ne se construisent pas sur la base d’un projet préétabli.

« Ces projets prévoient également le suivi de la mise en œuvre des modalités définies. »

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à donner un cadre juridique aux projets de territoire pour la gestion de l’eau. Il s’agit de créer les conditions d’une concertation large et équilibrée pour ces PTGE pour qu’ils soient de vrais outils de dialogue dans les territoires et de démocratie autour de l’eau.

Au sens des instructions ministérielles du 7 mai 2019, les PTGE ne concernent pas uniquement les ouvrages et usages agricoles de l’eau – ce que nous inscrivons ici dans le code de l’environnement.

Les modalités actuelles de concertation sur les PTGE ne permettent pas de penser de façon partagée l’usage de l’eau. C’est pourquoi nous ouvrons leur composition à un maximum d’acteurs d’un territoire, notamment à l’ensemble de la diversité des voix agricoles, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui : agriculture paysanne, agriculture biologique, agroforesterie, etc.

Afin de rendre les PTGE plus efficaces, nous donnons toute leur place aux mesures que sont la recherche de la sobriété des usages, les changements de pratiques agricoles et les solutions fondées sur la nature aux multiples cobénéfices : restauration des fonctionnalités des sols et des zones humides, plantation de haies, etc.

Un rapport du CGAAER portant sur les haies vient d’ailleurs de paraître. Il faudra se pencher sérieusement sur ce sujet. La haie est certainement le couteau suisse de la transformation de l’agriculture et constitue sans doute l’un des éléments permettant de restaurer la biodiversité. En lien avec la question de l’eau, il me paraît donc essentiel de travailler sur ce sujet et d’avancer à grands pas.

Il s’agit également de garantir que les modalités de mise en œuvre des PTGE sont compatibles avec les lois existantes sur l’eau ou les espèces protégées et avec les orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ou du schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage). Le PTGE ne doit pas être vu comme un dispositif de contournement de ces réglementations.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’amendement n° 42 rectifié – j’ai bien entendu qu’il s’agissait d’un amendement d’appel – ajoute inutilement à l’article 16 la référence à l’instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative aux PTGE. La loi n’a pas vocation à renvoyer à des instructions gouvernementales l’application d’une mesure.

Par ailleurs, cet amendement est incomplet dans la mesure où l’instruction susmentionnée a d’ores et déjà été complétée par un additif en date du 17 janvier 2023. Son adoption aurait donc pour effet de figer dans la loi une référence à un document obsolète.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 42 rectifié.

S’agissant de l’amendement n° 100, l’ensemble des acteurs entendus lors des auditions m’ont invitée à ne surtout pas rigidifier les PTGE, qui sont des outils agiles de concertation locale.

Cet amendement entend dresser une longue liste des parties prenantes aux PTGE, ce qui n’est pas souhaitable. Il faut laisser à l’intelligence des territoires le soin d’organiser leurs propres concertations. Cela semble fonctionner, puisque environ soixante-dix PTGE ont été finalisés à ce jour et qu’une centaine est en construction. L’intervention d’acteurs étrangers aux problématiques du territoire serait sans doute de nature à freiner le déploiement des PTGE.

Pour ces raisons, la commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 100.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. J’entends que l’amendement n° 42 rectifié est un amendement d’appel qui tend à souligner que les PTGE forment une voie intéressante pour développer des projets dans les territoires. Il ne me semble toutefois pas nécessaire d’en dire plus que cela dans la loi. Il faut essayer de le faire concrètement.

Par ailleurs – cela rejoint ce que j’ai dit tout à l’heure –, les PTGE constituent un outil territorial de gestion et de concertation. De grâce, ne les rigidifions pas et ne faisons pas intervenir des gens qui n’ont rien à voir avec le territoire en question.

Je ne me sens pas légitime pour aller dire aux élus de tel ou tel territoire ce qu’ils doivent faire sur la question de l’eau. Selon les territoires, les sujets ne sont pas de la même nature et les regards que l’on porte les uns et les autres sur eux varient également. Il faut laisser les acteurs locaux s’emparer de ces questions. On ne peut pas ici, dans la Chambre des territoires, les dessaisir de leurs responsabilités.

Enfin, je répète ce que j’ai dit précédemment : il faut aussi que l’on accepte, y compris dans le cadre des PTGE, que la majorité s’impose à la minorité. Quand bien même la minorité a été écoutée, à la fin, il faut que les projets se déploient. Si les PTGE se terminent au contentieux, on se demande à quoi ils servent ! On a le droit d’aller au contentieux, mais les PTGE sont justement des procédures de partage d’informations et de recherche de consensus. Ce n’est pas forcément votre position qui l’emporte, mais c’est bien cela, la concertation. La concertation ne consiste pas à ce que chacun impose son point de vue – sinon, on n’y arrive pas !

S’il me semble en effet intéressant de développer les PTGE, l’amendement n° 42 rectifié est un amendement d’appel, que je prends comme tel – et j’ai bien entendu votre message. L’amendement n° 100 me semble quant à lui apporter une rigidification excessive à ce dispositif. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 100.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 16.

(Larticle 16 est adopté.)

Article 16
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Article 18

Article 17

Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de justice administrative est complété par un article L. 311-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-14. – Les cours administratives d’appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des recours dirigés contre les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 du code de l’environnement relatives aux projets d’ouvrages de prélèvement d’eau à usage d’irrigation et infrastructures associées, dans les conditions prévues à l’article L. 214-10 du même code.

« La cour administrative d’appel territorialement compétente pour connaître de ces recours est celle dans le ressort de laquelle l’autorité administrative qui a pris la décision a son siège. »

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 15 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 43 rectifié est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mmes Bonnefoy et S. Robert, M. Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau, Redon-Sarrazy, J. Bigot et Devinaz, Mme Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 66 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 15.

M. Daniel Salmon. Cet amendement tend à supprimer l’article 17 qui attribue aux cours administratives d’appel (CAA) une compétence directe, en premier et dernier ressort, pour connaître des projets d’ouvrages de prélèvement et de stockage d’eau.

Alors que les questions relatives à la création de ces ouvrages sont source de nombreuses tensions dans les territoires, il n’apparaît pas opportun de limiter l’accès à la justice. Le véritable outil pour éviter l’extension des contentieux est une concertation large et sincère – nous en parlions tout à l’heure.

De plus, cet article présente un risque d’asphyxie des CAA, ce qui serait contraire à l’objectif affiché de réduction de la durée des contentieux relatifs à ces projets.

Les dossiers présentés directement en CAA ne font pas l’objet de l’éclairage d’une première instruction et décision en tribunal administratif. Leur instruction est donc plus difficile, ce qui aggrave encore le phénomène d’asphyxie.

Il convient avant tout de donner des moyens à la justice, et ce n’est pas en supprimant un échelon que nous gagnerons du temps.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement a pour objet la suppression de l’article 17 de cette proposition de loi, qui vise à réduire la durée des contentieux pour les projets d’ouvrages de stockage et de retenue d’eau, en reconnaissant que les cours administratives d’appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, les recours contre les projets d’ouvrages de prélèvement et de stockage d’eau.

À l’instar de ce que nous avons dit concernant l’article 15, nous estimons qu’aucune décision ne doit être prise hâtivement sur le sujet sensible de l’eau, plus particulièrement sur la question du stockage en agriculture.

De plus, une nouvelle fois, une prise de position aussi tranchée vient nécessairement faire écho à l’actualité et ne manque pas de soulever une vive opposition de la part du monde associatif et citoyen.

À ce sujet, le secteur associatif est formel : il n’y a pas de prolifération des contentieux. Si certains projets sont particulièrement médiatisés – je pense évidemment à Sainte-Soline –, il ne faut pas en tirer de mauvaises conclusions ni en faire des généralités non pertinentes.

Par ailleurs, nous ne partageons pas la philosophie ambiante, portée notamment par le Président de la République, considérant que tout doit être accéléré et que les outils de contrôle démocratique, par exemple les études de l’impact de ces projets sur notre environnement, doivent être remis en cause. Ce n’est pas la conception que nous avons de l’agriculture de demain ni d’ailleurs de la gestion de l’eau en tant que bien commun.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à l’article 17 et en demandons la suppression.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 66 rectifié.

M. Fabien Gay. Il est défendu.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Réguler la durée des contentieux relatifs à ces ouvrages est une nécessité, comme l’actualité l’illustre fréquemment.

Il ne s’agit pas d’entraver l’accès à la justice, toujours possible dans un État de droit, mais simplement d’éviter que des projets fassent l’objet de procédures pouvant durer cinq, sept, dix ou douze ans, ce qui est absolument dramatique pour ceux qui travaillent sur ces projets.

L’article 17 s’inspire d’autres dispositifs introduits par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, ainsi que par des lois ultérieures visant à réguler des contentieux abondants, notamment dans le domaine des éoliennes.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 15, 43 rectifié et 66 rectifié.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements. Nous avons besoin de travailler sur ces sujets, car la solution trouvée dans cet article ne nous paraît pas satisfaisante. Elle pourrait en effet donner le sentiment que l’on cherche à réduire l’accès à la justice.

En réalité, comme Mme la rapporteure le précisait à juste titre, la philosophie de cet article et de la proposition de loi en général consiste à essayer de réduire la durée globale de montage des projets. Or cette durée n’inclut pas uniquement celle du contentieux, mais également celle requise par toutes les études préalables que j’évoquais précédemment.

Monsieur le sénateur Tissot, je ne crois pas que ce soit faire insulte à un projet ou aux études préalables et à la documentation qui l’entourent que d’essayer de tenir ces délais parallèlement les uns aux autres, et non plus dans une succession chronologique. Ce qui est valable pour un projet d’installation d’entreprise doit l’être également pour un projet d’ouvrage relatif à l’eau.

Les études peuvent être menées très sérieusement sans avoir à attendre que la première soit terminée pour commencer la deuxième et ainsi de suite. Travailler ainsi aboutit à un temps d’instruction des dossiers très long, auquel peut ensuite s’ajouter un recours.

Nous avons besoin de penser ce sujet de façon globale. Réduire le temps de montage des projets est une question centrale ; il n’est pas acceptable de mettre sept à dix ans pour construire un ouvrage.

Pour autant, la solution proposée dans l’article 17 nous semble trop réductrice ; c’est pourquoi le Gouvernement est favorable aux amendements de suppression. La question de l’accès à la justice n’est pas seule en cause. Il faut que nous réfléchissions globalement.

Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Monsieur le ministre, la disposition prévue dans cet article que le Gouvernement entend supprimer a déjà été votée à l’Assemblée nationale par la majorité présidentielle, à la faveur d’un amendement du président de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian…

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15, 43 rectifié et 66 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 17.

(Larticle 17 est adopté.)

Article 17
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Article 19

Article 18

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Les articles L. 253-5-1 et L. 253-5-2 sont abrogés ;

2° Le VI de l’article L. 254-1 est abrogé ;

3° Les articles L. 254-1-1 à L. 254-1-3 sont abrogés ;

4° À la fin du 2° du I de l’article L. 254-2, les mots : « et qu’elle respecte les dispositions des articles L. 254-1-1 à L. 254-1-3 » sont supprimés ;

5° (nouveau) À la première phrase du deuxième alinéa du II de l’article L. 254-6-2, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».

Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 44 rectifié est présenté par Mme Bonnefoy, MM. Tissot, Montaugé, Devinaz et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mme Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 67 est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 93 est présenté par Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis, Lemoyne et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° 115 est présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à supprimer l’article 18 qui, à l’image de nombreux articles de ce texte, a pour but de revenir sur des acquis environnementaux obtenus de haute lutte.

Nous sommes clairement opposés au rétablissement de l’autorisation des remises, rabais et ristournes sur les ventes de produits phytopharmaceutiques, ainsi qu’à la suppression de la séparation de la vente et du conseil concernant ces produits.

Les sénateurs socialistes ont porté ces propositions par le passé, notamment dans le cadre du rapport d’information Pesticides : vers le risque zéro réalisé par notre collègue Nicole Bonnefoy en 2012 et d’une proposition de loi de 2013.

Revenir sur de telles interdictions va à l’encontre de l’histoire et à rebours de la volonté, affichée par les pouvoirs publics, de diminuer la consommation de pesticides en France. L’article 18 acte un recul pour la protection des sols et de la santé des Français, alors que la transition agroécologique devrait être au cœur de nos préoccupations.

S’agissant de la séparation des activités de vente et de conseil, je tiens à rappeler l’existence d’un risque de conflit d’intérêts, dès lors qu’il reviendrait aux mêmes personnes ou entités de vendre ces pesticides et de fournir des conseils à leur sujet. Dans les cas où la rémunération d’un conseiller est fonction des ventes, il est difficile de ne pas envisager qu’il soit tenté d’encourager son client à acheter davantage que nécessaire.

Je tiens d’ailleurs à rappeler que, dans le cadre de la loi Égalim, les rapporteurs de l’époque, Michel Raison et Anne-Catherine Loisier, s’étaient opposés à la suppression de cette séparation. J’espère que, par cohérence, il en ira de même aujourd’hui.

En tout état de cause, il nous semble impensable de soutenir un tel article, dont nous proposons la suppression.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 67.

M. Fabien Gay. L’article 18 revient sur la séparation des activités de vente et de conseil pour les pesticides, ainsi que sur l’interdiction des remises à l’occasion de la vente de ces produits. Or ces interdictions avaient été instaurées pour réduire l’utilisation des pesticides.

Le cumul des activités de vente et de conseil pour les pesticides entraîne des conflits d’intérêts et des conseils orientés pouvant conduire à une surutilisation de ces mêmes pesticides et, in fine, à une augmentation des risques de contamination pour les pollinisateurs.

Pire, vous revenez sur une disposition qui a déjà été affaiblie. Ainsi, la séparation capitalistique des structures économiques n’est pas totale, puisqu’a été introduite la possibilité que 32 % des parts d’une structure de conseil soient dans les mains de structures de distribution. Les structures de conseil pourront donc toujours être influencées par les vendeurs de pesticides.

Mme le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 93.

Mme Patricia Schillinger. L’interdiction des remises, rabais et ristournes et la séparation de la vente et du conseil pour les produits phytopharmaceutiques constituent deux mesures fortes de la loi Égalim de 2018 qui ne sont entrées en vigueur qu’en janvier 2021.

Il est nécessaire de rappeler que l’esprit de cette seconde mesure était de prévenir tout risque de conflit d’intérêts résultant de la coexistence chez un même opérateur des activités de conseil et de vente pour les produits phytopharmaceutiques et de garantir aux utilisateurs professionnels un conseil annuel individualisé, qui concourt à la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et des risques et impacts associés.

Nous sommes bien conscients du fait que cette mesure peut créer des externalités négatives, mais revenir dessus enverrait un signal particulièrement négatif, alors que nos agriculteurs sont déjà engagés sur la voie de la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires.

Il nous paraît plus opportun de renforcer, dans le cadre du futur projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, la recherche et l’innovation, notamment dans les méthodes alternatives, le déploiement des nouvelles technologies ou les biocontrôles, pour soutenir les agriculteurs dans la trajectoire de réduction de l’usage des produits phytosanitaires, tout en préservant leur compétitivité.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 115.

M. Joël Labbé. Faisons un peu d’histoire : la mission d’information sur les pesticides et leur impact sur l’environnement et la santé, dont Sophie Primas était présidente et Nicole Bonnefoy rapporteure, avait recommandé à l’unanimité de séparer les activités de vente et de conseil pour les produits phytopharmaceutiques. Il a fallu un peu de temps, mais cette recommandation s’est finalement traduite dans la loi Égalim.

Il est question aujourd’hui de revenir sur cette disposition. Nous souhaitons nous opposer à ce recul majeur pour l’environnement et pour les agriculteurs. Le cumul des activités de vente et de conseil pour les pesticides entraîne des conflits d’intérêts et des conseils orientés pouvant conduire à une surutilisation des pesticides, ce qui pénalise en premier lieu les agriculteurs qui ne peuvent bénéficier d’un conseil indépendant.

La suppression de cette mesure est à l’opposé du sens de l’histoire. J’en veux pour preuve que l’on discute actuellement de sa mise en œuvre à l’échelle européenne, où elle est notamment défendue par le Conseil européen des jeunes agriculteurs.

Il est possible que sa mise en œuvre ait suscité des difficultés au démarrage, mais le conseil indépendant se développe. Des sessions individuelles et collectives permettent aux agriculteurs de s’interroger sur leurs pratiques quant à l’usage des produits phytosanitaires, toujours dans le sens, évidemment, de la diminution de cet usage, voire de son arrêt. Cela nous semble bénéfique pour l’autonomie des exploitations, pour leur performance économique et pour nos ambitions collectives de sortie des pesticides.

Alors, n’envoyons pas, en adoptant cet article, un signal de recul sur le sujet des produits phytosanitaires !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’objet de ces amendements de suppression est contraire à celui de la proposition de loi.

Leurs auteurs affirment que, sans cette séparation, le conseil aux agriculteurs encouragerait la consommation de produits phytopharmaceutiques.

Je tiens à rappeler que, bien avant la séparation du conseil et de la vente, de nombreux garde-fous avaient été mis en place. Ainsi, les vendeurs comme les conseillers devaient détenir un agrément spécifique délivré par l’autorité administrative, en plus du certificat individuel de produits phytopharmaceutiques, le certiphyto. Le conseil devait être écrit et la rémunération des vendeurs n’était pas indexée sur les quantités vendues.

Il n’est pas démontré que ce cumul encouragerait la surutilisation de produits phytopharmaceutiques ; cette affirmation découle en réalité d’un présupposé insinuant que les agriculteurs utiliseraient à dessein plus que ce qui est nécessaire pour assurer la viabilité de leur production agricole.

Par ailleurs, la séparation de la vente et du conseil a prouvé, à l’usage, sa totale inefficacité ; c’est la raison pour laquelle je n’ai aucun mal à revenir sur l’une des recommandations que nous avions formulées ensemble à l’issue de la mission d’information sur les pesticides. Quand on recommande une mesure, qu’on la met en place et qu’elle ne marche pas, il faut avoir l’humilité de dire qu’il faut la retirer.

En outre, l’Inrae, dans la contribution écrite qu’il nous a remise à l’occasion de cette proposition de loi, nous a indiqué que cette séparation avait peu d’incidences sur les ventes. Elle peut en revanche freiner l’adoption des produits de biocontrôle et ainsi éloigner les agriculteurs des innovations. Il me semble que c’est un point important.

En réalité, je pense comme vous que les agriculteurs ont besoin d’être accompagnés. Or, pour l’instant, le conseil stratégique ne fonctionne pas ; les chambres d’agriculture sont débordées et n’arrivent pas à répondre aux besoins d’accompagnement spécifique exprimés dans chacune des exploitations. Les témoignages que nous avons recueillis proviennent surtout d’agriculteurs qui se trouvent démunis, trop seuls pour trouver des solutions. Dans une telle situation, la mesure en question peut faire plus de mal que de bien.

Toutes ces raisons expliquent notre avis défavorable sur ces quatre amendements identiques.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements de suppression, et ce pour plusieurs motifs.

Tout d’abord, comme l’a très bien rappelé Mme Schillinger, le dispositif en question n’est en œuvre que depuis un peu plus de deux ans. Laissons-lui le temps de faire ses preuves ! Je répète ce que j’ai pu dire sur des dispositions de même nature, y compris certaines issues de la loi Égalim : faisons déjà en sorte d’évaluer comment le dispositif se met en route.

Cette approche n’exclut pas de reconnaître – vous avez raison sur ce point, madame la rapporteure – que le sujet du conseil, voire des conseillers, doit être examiné. Nous ferons donc des propositions sur ce sujet, car nous avons compris que des questions se posent quant au conseil aux agriculteurs, en particulier s’agissant du conseil stratégique. On ne peut pas à la fois séparer la vente et le conseil et empêcher, de fait, l’accès des agriculteurs à ce conseil.

Pour autant, il existe, selon nous, une autre voie que celle prévue dans cet article ; nous allons essayer de l’explorer et nous aurons sans doute des annonces à faire sur ces questions.

Il est vrai que l’on bute ici sur un problème, il vaut mieux le reconnaître, mais cela n’est pas une raison suffisante pour revenir sur un dispositif qui, adopté en 2018, n’est opérationnel que depuis 2021, soit un peu plus de deux ans. C’est pourquoi nous sommes favorables à la suppression de cet article.

Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.

M. Christian Bilhac. Je m’abstiendrai, sur ces amendements comme sur l’article, parce que je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire, comme disait l’autre ! (Sourires.)

Je m’abstiendrai, parce qu’il y a une chose qu’on oublie trop souvent : c’est que les paysans – ce n’est pas péjoratif dans ma bouche, puisque j’en suis un, d’une certaine manière – ne sont quand même pas si bêtes ; et surtout, ils savent compter ! Ce n’est pas parce qu’un marchand de produits phytosanitaires leur dit qu’il faut en acheter 20 kilos qu’ils vont lui obéir s’ils n’ont besoin que de 10 kilos.

Ce que j’entends de la part de mes amis agriculteurs, c’est que cette année, avec l’inflation, ils ne veulent pas dépenser plus que l’année dernière en produits phytosanitaires : le commerçant pourra leur raconter ce qu’il voudra, il ne vendra pas un kilo de plus !

Je trouve donc que ces amendements se fondent sur une certaine méconnaissance de la profession.

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Je ne veux pas être trop long, mais quand même ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Madame la rapporteure, vous dites que les agriculteurs ont besoin d’être orientés et conseillés ; mais si c’est ce type de conseillers dont ils ont besoin, c’est grave !

Oui, les agriculteurs ont besoin de conseil, beaucoup d’entre eux en sont demandeurs, car ils se disent que, s’ils peuvent se passer de pesticides, ils s’en passeront, bien sûr, mais ils ne savent pas comment s’y prendre. On parle de cabinets de conseil indépendants, mais il faudrait qu’ils soient formés, avec l’appui du Gouvernement. Si celui-ci veut, lui aussi, que l’on sorte des pesticides, ou du moins que l’on progresse vers la sortie, il doit s’engager à son tour.

La solution retenue dans cet article – revenir sur la séparation de la vente et du conseil – est trop facile. C’est à la fois incompréhensible et inacceptable !

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44 rectifié, 67, 93 et 115.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 18.

(Larticle 18 est adopté.)

TITRE IV

MAÎTRISER LES CHARGES SOCIALES DES EXPLOITATIONS AGRICOLES

Article 18
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Article 20

Article 19

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après le 1° de l’article L. 5312-1, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Assurer une orientation active des demandeurs d’emploi vers les secteurs prioritaires en tensions identifiés par le comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles mentionné à l’article L. 6123-3 ; »

2° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 5411-6-1, après le mot : « local », sont insérés les mots : « , et notamment les listes des secteurs prioritaires en tension telles qu’établies par le comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle mentionné à l’article L. 6123-3 ».

II. – Le chapitre VIII du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime est complété par une section 7 ainsi rédigée :

« Section 7

« Secteurs agricoles prioritaires de la politique de lemploi

« Art. L. 718-10. – Sauf décision contraire du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle mentionné à l’article L. 6123-3 du code du travail, le secteur agricole est réputé secteur prioritaire en tension au sens de l’article L. 5312-1 du même code. »

Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 16 est présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 47 rectifié est présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, MM. J. Bigot et Devinaz, Mme Préville, M. Stanzione, Mme Lubin, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 68 est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 88 rectifié est présenté par Mme Pantel et MM. Artano, Bilhac, Corbisez, Guérini et Requier.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 16.

M. Joël Labbé. Il est défendu, madame la présidente !

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 47 rectifié.

M. Jean-Claude Tissot. Le présent amendement vise à supprimer l’article 19, qui crée des « secteurs prioritaires en tension », vers lesquels on orienterait prioritairement les demandeurs d’emploi, et reconnaît d’office le secteur agricole comme un tel secteur.

Les sénateurs de mon groupe ont parfaitement conscience des besoins spécifiques en main-d’œuvre d’un secteur comme l’agriculture ; nous défendons d’ailleurs chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances, des dispositifs comme celui appelé TO-DE pour travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi.

Nous estimons néanmoins que cet article va beaucoup plus loin et que, si nous commençons à inscrire dans la loi des secteurs prioritaires, beaucoup d’autres secteurs pourraient être reconnus comme tels – je pense notamment à la santé ou à l’éducation.

En outre, nous nous interrogeons sur la mise en œuvre de ce dispositif et sur ses conséquences. Une fois de plus, l’absence d’une étude d’impact est préjudiciable sur de tels sujets. En effet, puisque, au-delà de deux refus, un demandeur d’emploi peut perdre ses droits à l’allocation chômage, adopter cet article revient à considérer qu’un demandeur d’emploi doit être mobilisable – quels que soient sa formation, ses aspirations ou son âge – pour aller travailler dans les champs.

Pour les sénateurs de mon groupe, cet article 19, couplé aux articles 20 et 22, participe de la mise en place d’une approche clairement libérale du marché du travail, approche que nous ne soutenons pas sur le fond et qui, sur la forme, aurait nécessité un texte spécifique accompagné d’une réelle étude d’impact.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 68.

M. Fabien Gay. Quand on en vient aux travailleurs et aux travailleuses, je ne vais pas passer mon tour !

À cet article 19, il est question de la main-d’œuvre. Alors, on aurait pu avoir un débat sur les moyens de revaloriser les filières agricoles ; on aurait pu parler des lycées agricoles, des moyens qu’il faudrait leur attribuer pour mieux former nos jeunes et leur donner envie de choisir cette voie.

Mais pas du tout ! La droite a choisi de dire autre chose et je cite le texte de cet article : « Assurer une orientation active des demandeurs d’emploi vers les secteurs prioritaires en tension identifiés par le comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles. »

Ainsi, Pôle emploi, ou France Travail – je ne sais comment vous allez l’appeler, mais le résultat sera le même –, n’accompagnera pas la personne privée d’emploi à partir de son vécu et de son expérience professionnelle, pour mieux la réorienter ; non, on lui dira : « C’est là qu’il faut aller ! Même si tu n’as jamais fait de travaux agricoles, c’est là que tu iras ! »

Et il y aura une double peine, c’est bien arrangé : si la personne ne va pas là, on lui retirera ses indemnités ! C’est le résultat de la réforme de l’allocation chômage que vous avez faite, allocation dont je rappelle qu’elle est un droit, puisqu’on cotise pour cela.

On n’aura donc pas le choix : il faudra y aller, et si l’on ne veut pas, même si l’on n’a pas les compétences nécessaires, même si l’on est cassé, on sera privé d’allocation. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais si, mes chers collègues ! Assumez votre position, c’est bien écrit, cette orientation sera impérative. Tout le reste en découle, on en reparlera au sujet des cotisations sociales.

Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° 88 rectifié.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. La commission est naturellement défavorable à ces amendements de suppression.

Certes, des arguments sont avancés, du moins dans les exposés des motifs de ces amendements, avec lesquels je ne suis pas en désaccord.

Selon leurs auteurs, il est nécessaire de réfléchir à la formation, aux parcours, aux aspirations et aux compétences du demandeur d’emploi. Mais l’article 19 ne remet nullement en cause cette nécessité !

Il a aussi été souligné qu’il convient de réfléchir à l’attractivité des conditions de travail dans les secteurs en tension, ainsi que d’accompagner les très petites entreprises pour la construction de fiches de poste. Une fois encore, l’article 19 ne remet nullement en cause cette nécessité.

En revanche, il apparaît nécessaire – tel est bien l’objet de cet article – d’envoyer un signal et de permettre une orientation plus active des demandeurs d’emploi vers les secteurs en tension, c’est-à-dire ceux où il y a du travail, parmi lesquels on trouve le secteur agricole.

Mon cher collègue Fabien Gay, je vous engage à venir voir les résultats de l’agence d’insertion du RSA que nous avons installée dans le département des Yvelines. On y assure un accompagnement des allocataires du RSA vers les secteurs en tension dans le département, vers les entreprises qui acceptent de réintégrer ces travailleurs. Cela fonctionne extrêmement bien.

Je trouve qu’il n’y a rien de choquant à accompagner des personnes privées d’emploi vers des secteurs d’activité qui recrutent.

C’est pour ces raisons que l’avis de la commission sur ces amendements identiques est défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces amendements de suppression comme sur l’article 19 lui-même.

Il nous semble en effet que l’examen de telles dispositions aurait mieux leur place dans les débats qui se tiendront bientôt sur le texte relatif à France Travail.

Par ailleurs, monsieur le sénateur Gay, permettez-moi de vous dire que j’ai beau lire l’article 19, je n’y trouve pas ce que vous décrivez. L’expression « orientation active vers les secteurs en tension » n’a rien à voir avec la traduction que vous en faites. (M. Fabien Gay le conteste.) La loi, c’est la loi, et quand bien même nous estimons que cet article aurait plutôt sa place dans le texte qui sera soumis au Parlement sur le marché du travail, il nous semble que la description que vous faites de l’article 19 ne correspond pas à la réalité.

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je serai d’accord avec M. le ministre sur un point et il faut nommer les choses : cet article, dans un texte relatif à l’agriculture, est un cavalier social. On se demande d’ailleurs si l’intention de ses auteurs n’est pas plutôt de prendre de court le Gouvernement, en anticipant sur le prochain projet de loi relatif au plein emploi pour s’arroger la paternité de cette mesure antisociale.

Il est question d’orientation « active ». Je n’ai vu nulle part ce que recouvre cet adjectif ; de fait, une orientation active des demandeurs d’emploi vers les métiers en tension, c’est bien ce qui est déjà mis en pratique à Pôle emploi. Et si le Gouvernement ne communique guère sur les directives que reçoivent les conseillers de Pôle emploi – pour ma part, j’en ai vu certaines –, c’est bien parce que cette politique ne résorbe absolument pas la crise de main-d’œuvre que connaissent les secteurs en tension.

Les métiers saisonniers concernent particulièrement l’agriculture : selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, un quart des saisonniers travaillent dans ce secteur.

Or les réformes successives de l’assurance chômage ont été pénalisantes pour ces métiers. En effet, comme ces contrats ont en moyenne une durée de 73 jours dans l’agriculture, certains saisonniers agricoles ne remplissent plus, depuis la dernière réforme de l’assurance chômage, les conditions d’accès à l’aide au retour à l’emploi ; l’attractivité de ces emplois a donc chuté.

Il est illusoire de continuer de croire qu’il suffira de contraindre les demandeurs d’emploi à combler les emplois vacants, sans se demander pourquoi ceux-ci sont vacants. En effet, les problèmes d’appariement sont plus complexes qu’on le croit : ils sont dus non seulement aux conditions de travail, mais aussi au sens des emplois proposés.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je veux prolonger la dernière réflexion de notre collègue Raymonde Poncet Monge. Pourquoi ces emplois sont-ils vacants ? C’est dû aux conditions de travail, aux salaires, à la formation. Voilà la vraie question, mais ce n’est pas celle que vous posez !

D’ailleurs, monsieur le ministre, nous avions bien compris que vous étiez d’accord avec la droite sénatoriale sur votre vision du travail – pas besoin d’attendre ce soir pour le savoir ! Vous en avez une vision libérale.

Alors, que veut dire « orientation active » ? On prend les demandeurs d’emploi, et on leur dit : « C’est là, ou tu seras rayé ! » Et c’est ainsi qu’ils sont rayés des listes, parce que les choses se passent déjà ainsi. (M. le ministre sexclame.) Mais si !

Ces hommes et ces femmes en situation de précarité, privés d’emploi, ils sortent des statistiques, mais ils existent toujours. Vous avez beau – vous-même, le Président de la République ou les autres membres du Gouvernement – vous gargariser après coup des chiffres du chômage, qui seraient les meilleurs depuis trente ans, il n’en reste pas moins qu’on n’a jamais vu autant de travailleurs pauvres, autant de travailleurs précaires, autant de travailleurs radiés !

J’ai bien écouté la remarque de Mme la rapporteure sur le RSA. Il y a là une double lame : à ceux auxquels on ne trouve pas d’emploi, maintenant, avec la grande réforme du travail, on va dire que, pour toucher le RSA, c’est-à-dire le minimum pour survivre, ils vont devoir travailler quinze à vingt heures. La belle affaire ! Mais où ? Dans quel emploi ? S’il y a du travail disponible, rémunérons-les et donnons-leur un emploi stable ! On marche quand même sur la tête…

Ce n’est pas ainsi que vous résoudrez les difficultés liées au manque de travailleurs et de travailleuses dans le secteur agricole. Cet article va simplement vous permettre de continuer à radier du monde des listes du chômage, sans résoudre le problème. Si l’on veut vraiment affronter ce problème, il faut s’attaquer à d’autres questions : les conditions de travail, la rémunération et la formation.

Mme Raymonde Poncet Monge. Et le sens du travail !

M. Fabien Gay. Tout à fait !

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16, 47 rectifié, 68 et 88 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 19.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 289 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 214
Contre 126

Le Sénat a adopté.

Article 19
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 21

Article 20

Après l’article L. 262-28 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 262-28-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 262-28-1. – I. – Pour une durée de quatre ans à compter de la parution du décret mentionné au VII du présent article, une expérimentation visant à autoriser le cumul temporaire, dans une optique de réinsertion, d’une activité rémunérée et du bénéfice du revenu de solidarité active est mise en place dans des départements volontaires. La liste des départements retenus pour participer à l’expérimentation est fixée par arrêté du ministre chargé de l’action sociale, précisant le nombre de bénéficiaires relevant de cette expérimentation.

« II. – Les bénéficiaires de l’expérimentation sont orientés vers les secteurs prioritaires en tension identifiés par le président du conseil départemental, en lien avec les acteurs économiques, les partenaires sociaux du département, ainsi qu’avec le comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle mentionné à l’article L. 6123-3 du code du travail. Une liste d’activités d’intérêt général, rémunérées directement par le département, peut être dressée par celui-ci en vue d’orienter dans un second temps les bénéficiaires de l’expérimentation.

« III. – Par dérogation aux articles L. 262-2 et L. 262-3 du présent code, les revenus professionnels perçus par les bénéficiaires de l’expérimentation mentionnée au I du présent article dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée d’une durée d’un an ou à durée indéterminée sont exclus pendant une période maximale de douze mois du montant des ressources déterminant l’éligibilité au revenu de solidarité active et servant au calcul de cette allocation, selon des modalités et dans la limite d’un plafond fixés par décret.

« Pendant la même période, le bénéfice de la prime d’activité mentionnée à l’article L. 841-1 du code de la sécurité sociale est suspendu pour les bénéficiaires de l’expérimentation mentionnée au même I.

« Dans le cadre de cette expérimentation, par dérogation au premier alinéa de l’article L. 3123-7 du code du travail et aux dispositions conventionnelles en vigueur prévoyant une durée plus longue, les bénéficiaires de ladite expérimentation peuvent être embauchés dans le cadre d’un contrat de travail prévoyant une durée de travail hebdomadaire minimale de quinze heures pendant douze mois au plus. Ils peuvent conclure un contrat à durée déterminée au titre du 1° de l’article L. 1242-3 du même code. Lorsque l’employeur est une entreprise de plus de cinquante salariés, il désigne pour chaque bénéficiaire un tuteur parmi les salariés qualifiés de l’entreprise.

« IV. – Les articles L. 121-4 et L. 262-26 du présent code ne sont pas applicables à la décision d’un département de participer à l’expérimentation prévue au I du présent article. Les charges supplémentaires pour les départements résultant du III du présent article font l’objet d’une compensation financière par l’État dans les conditions applicables au financement du revenu de solidarité active.

« V. – Au plus tard dix-huit mois avant le terme de l’expérimentation mentionnée au I, les conseils départementaux des départements sélectionnés dressent le bilan de l’expérimentation. Ce bilan précise la situation individuelle des bénéficiaires de l’expérimentation avant leur entrée dans le dispositif, évalue leur situation à la sortie du dispositif, présente l’évolution du nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active ainsi que celle du nombre d’emplois non pourvus dans le département au cours de la période expérimentale et décrit les dépenses occasionnées par le dispositif.

« VI. – Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation mentionnée au I, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation. Ce rapport évalue l’impact du dispositif sur le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active, sur l’appariement entre l’offre et la demande de travail ainsi que sur les finances publiques.

« VII. – Un décret détermine les modalités d’application du présent article ainsi que les exemptions à l’obligation d’activité pouvant être accordées aux bénéficiaires de l’expérimentation. »

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 48 rectifié est présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, MM. J. Bigot et Devinaz, Mme Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 69 est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 101 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à supprimer l’article 20, qui met en place une expérimentation de quatre ans, dans les départements volontaires, pour autoriser le cumul d’une activité rémunérée et du RSA. Cette expérimentation se basera sur les secteurs prioritaires en tension définis à l’article 19.

Comme mon collègue Jean-Claude Tissot vient de l’indiquer, les sénateurs socialistes sont opposés à la philosophie générale des articles relatifs au droit du travail de cette proposition de loi, qui expriment une approche très libérale du marché du travail.

Nous considérons pour notre part que la recherche d’emploi est une activité à part entière, qui demande du temps et de l’énergie. Il semble délicat de demander à des personnes se trouvant parfois dans des situations difficiles à vivre – moralement, socialement et surtout financièrement – de continuer leur recherche d’emploi tout en travaillant quinze, vingt ou vingt-cinq heures par semaine dans les champs, et ce sur une période d’un an ou plus.

Par ailleurs, il faut également avoir à l’esprit que les métiers agricoles nécessitent des connaissances, des compétences et, aujourd’hui, le plus souvent, des formations particulières.

En conséquence, cet article revient à considérer soit que le métier d’agriculteur ne nécessite pas de compétences ni de formation et, partant, que n’importe quel Français peut demain l’exercer – nous ne pensons pas que ce soit l’opinion des auteurs de cette proposition de loi, qui sont pour la plupart attachés au monde agricole et connaissent parfaitement ses problématiques –, soit que seuls les métiers les moins qualifiés et donc, bien souvent, les plus difficiles physiquement et les plus précaires, bien sûr, seront visés par cette expérimentation.

C’est bien sûr sur ce second point que le bât blesse, et c’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 20.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 69.

M. Fabien Gay. Dans quelques instants, M. le ministre nous dira certainement qu’il ne souhaite pas prendre parti, mais qu’il est d’accord, philosophiquement et politiquement, avec les mesures contenues dans cet article…

Ça y est, on y vient ! Comme on ne trouve personne pour faire les vendanges à 9,11 euros net de l’heure, on va proposer une expérimentation aux départements pour que les allocataires du RSA puissent venir vendanger. C’est bien cela, mon cher collègue Laurent Duplomb ? Tout cela augure bien mal du débat que nous aurons bientôt sur ces sujets.

Pour toucher le RSA, on va devoir travailler quinze à vingt heures, ce sera donc du travail gratuit.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Payé !

M. Fabien Gay. Non, ce n’est pas payé : le RSA n’est pas un salaire !

Mme Sophie Primas, rapporteur. Ce sera payé en plus du RSA ! (M. le ministre et des sénateurs du groupe Les Républicains renchérissent.)

M. Fabien Gay. Mais s’ils ne font pas ce travail, on leur suspendra le RSA. (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Voilà ! C’est dit, je préfère que les choses soient claires.

Nous sommes donc opposés à cet article. Ce n’est pas le moment d’avoir ce débat, cette mesure est ici un cavalier social, mais nous allons affûter nos arguments d’ici à… Monsieur le ministre, quand ce grand projet de loi social nous arrivera-t-il ?

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne suis plus ministre des relations avec le Parlement…

M. Fabien Gay. En juillet ? Nous serons prêts !

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 101.

M. Daniel Salmon. Cette proposition de mettre en place un cumul du RSA et d’un revenu d’activité dans un objectif d’insertion part d’un diagnostic complètement erroné. Les personnes éloignées de l’emploi le sont en raison de multiples facteurs : santé, mobilité, qualification, logement…

C’est plutôt sur l’accompagnement qu’il faut axer les politiques publiques, si l’on veut permettre ce retour à l’emploi. De plus, les problèmes d’appariement entre emplois vacants et demandeurs d’emploi sont avant tout dus à des problèmes d’attractivité des postes proposés – on l’a déjà dit – en termes de conditions de travail et de salaires, problématiques majeures qui ne sont pas prises en compte par ce dispositif.

Par ailleurs, celui-ci pourrait donner lieu à des effets d’aubaine complètement contre-productifs. Les employeurs pourraient ainsi être amenés à remplacer les salaires par des formes de revenu moins coûteuses, au détriment de notre système de protection sociale – et après, on va dire qu’il fonctionne mal ! On peut également s’interroger sur la pression à la baisse des salaires qui pourrait découler de ce dispositif.

En bref, celui-ci alimentera la précarisation du travail en agriculture et ne renforcera pas son attractivité, bien au contraire. Il convient à l’évidence d’expérimenter d’autres voies, comme un revenu garanti décent, des mesures concrètes d’accompagnement à l’insertion des personnes éloignées de l’emploi et surtout l’amélioration des conditions de travail, ainsi que l’attention portée au sens du travail évoqué à l’instant par ma collègue Raymonde Poncet Monge, qui est quelque chose d’essentiel.

Il faudrait se poser les bonnes questions, et d’abord celle-ci : pourquoi tant d’emplois restent-ils vacants ?

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. En donnant mon avis sur ces amendements, madame la présidente, je me permettrai de présenter les deux amendements suivants, car tout cela est lié. Le premier, l’amendement n° 128, est rédactionnel. Quant à l’amendement n° 129, son objet est lié à l’avis défavorable que je vais donner sur ces trois amendements identiques de suppression de l’article.

Je comprends en effet les réticences, les questions et même les oppositions que cet article peut susciter. Notre amendement n° 129 vise donc à recalibrer cette disposition pour la faire converger plus nettement avec la proposition de loi de notre collègue Claude Malhuret qui a été adoptée dans cet hémicycle le 15 avril 2021, preuve que cette disposition n’est pas tout à fait incongrue.

Par ailleurs, je tiens à souligner que cette expérimentation est d’ores et déjà menée dans pas moins de trente-trois départements, de toutes tendances politiques, soit un tiers des départements français, preuve qu’il s’agit d’un outil intéressant à même de rapprocher du monde du travail certains allocataires du RSA.

Enfin, je veux rappeler que, selon une enquête de 2023 de Pôle emploi, sur près de 246 000 projets de recrutements agricoles, 57 % étaient considérés comme « difficiles » du fait du manque de main-d’œuvre. Il y a donc là un vrai sujet sur lequel les articles 19 et 20 de ce texte permettent d’ouvrir le débat, avant celui qui se tiendra sur le projet de loi à venir relatif au marché du travail.

La disposition en question a par exemple été mise en place dans le département de la Dordogne. Elle y fait l’objet d’une évaluation et les premiers résultats sont extrêmement encourageants. C’est pourquoi il convient d’inciter à la généralisation de ces expérimentations, qui visent à remettre le pied à l’étrier des bénéficiaires du RSA et – pourquoi pas ? – à susciter des vocations agricoles. Il y a aussi une vertu pédagogique dans le lien particulier d’un agriculteur avec les ouvriers qui travaillent avec lui.

Tout cela justifie notre avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression de l’article 20.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Comme sur l’article 19, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces amendements et sur l’article 20. Ces dispositions relèvent de débats qui nous semblent plutôt devoir être menés dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi sur le marché du travail.

Essayons de dire les choses telles qu’elles sont. Monsieur Gay, vous avez déclaré que vous alliez affûter vos arguments ; je le souhaite, parce que, à la vérité, c’est bien le cumul de ces deux revenus qui est proposé ici, de manière à éviter la trappe dans laquelle peuvent se retrouver aujourd’hui les bénéficiaires du RSA : soit on le perçoit, soit on travaille. Tel est bien l’objet des expérimentations en cours.

Cela dit, je le répète, il nous semble que cette disposition n’a pas sa place dans ce texte-ci.

C’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces trois amendements de suppression, comme sur les amendements nos 128 et 129 de Mme la rapporteure.

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la rapporteure, vous venez d’évoquer la proposition de loi de M. Malhuret, dont le rapporteur était Daniel Chasseing. Le dispositif permettant de cumuler revenus salariés et RSA fait aujourd’hui l’objet d’une expérimentation qui concerne – vous le dites vous-même – de nombreux départements. Alors, pourquoi légiférer aujourd’hui ? Attendons plutôt ses résultats : par définition, une expérimentation est engagée pour que l’on puisse ensuite l’évaluer et en tirer des enseignements. Pourquoi tenez-vous à doublonner avec une proposition de loi en cours ?

Nous avons dit ce que nous pensons du dispositif ; à l’époque de la proposition de loi de M. Malhuret déjà, nous étions très critiques, notamment sur le risque d’un effet d’aubaine, qui est patent. L’Insee a bien montré que ce genre de mesure entraîne, à terme, une pression à la baisse des salaires ; c’est documenté !

Ce dispositif a pour objet non pas de proposer un parcours à un bénéficiaire du RSA – nous n’en parlerions alors pas dans cette loi –, mais simplement de trouver quelqu’un pour occuper un emploi vacant non attractif. Ce faisant, on prend le problème à l’envers !

Dans les fermes agroécologiques, qui ont adopté un modèle différent, très intensif en emplois, il n’y a pas de difficulté à trouver des volontaires. Peut-être parce qu’on peut y donner du sens à son travail, en ayant le sentiment de participer à une transition.

Interrogeons-nous sur les raisons de la non-attractivité de ces emplois en tension avant de vouloir pousser, sinon obliger demain, les bénéficiaires du RSA à les accepter sous la menace de perdre leur allocation de survie.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié, 69 et 101.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. L’amendement n° 128, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 2

Supprimer la référence :

« Art. L. 262-28-1. –

III. – Alinéas 4 et 7

Remplacer les mots :

du présent code

par les mots

du code de l’action sociale et des familles

Cet amendement a déjà été défendu.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 129, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

Peut bénéficier du dispositif prévu par la présente expérimentation toute personne volontaire, bénéficiaire du revenu de solidarité active, inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi et domiciliée dans un département participant à l’expérimentation mentionnée au I.

II. – Alinéa 8

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

dans un rapport

2° Seconde phrase

Remplacer le mot :

bilan

par le mot :

rapport

III. – Alinéa 10

Remplacer les mots :

du présent article ainsi que les exemptions à l’obligation d’activité pouvant être accordées aux bénéficiaires de l’expérimentation

par les mots

de la présente expérimentation

Cet amendement a également déjà été défendu.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 20, modifié.

(Larticle 20 est adopté.)

Article 20
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 22

Article 21

I. – Le 4° du III de l’article 8 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 est abrogé.

II. – L’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au cinquième alinéa du I, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 25 % » ;

2° Le V est ainsi rédigé :

« V. – Les travailleurs agricoles non occasionnels dont le contrat de travail relève du premier alinéa de l’article L. 1221-2 du code du travail et exerçant une activité de collecte de lait en zone de montagne bénéficient des dispositions du présent article.

« Le bénéfice de l’exonération prévue au présent V est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis, et du règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture, modifié par le règlement (UE) 2019/316 de la Commission du 21 février 2019. »

Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 20 rectifié bis est présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, M. Le Nay, Mmes Saint-Pé, Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, MM. Duffourg et Détraigne, Mme Perrot et M. Chauvet.

L’amendement n° 51 rectifié est présenté par MM. Montaugé, Tissot et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 55 rectifié ter est présenté par Mme Loisier, MM. Bacci et Chasseing, Mmes Guidez et de La Provôté, MM. Hingray et Bonneau, Mme Gacquerre, MM. Savary et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, M. Cigolotti, Mmes Lassarade et Doineau et M. Gremillet.

L’amendement n° 89 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Gold, Mme Pantel et M. Requier.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

I. - Après l’alinéa 2

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Le troisième alinéa du I est ainsi modifié :

a) Après la référence : « 1°, », est insérée la référence : « 2°, » ;

b) Les mots : « , à l’exclusion des tâches réalisées par des entreprises de travaux forestiers, » sont supprimés ;

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 20 rectifié bis.

M. Michel Canévet. Avec cet amendement, nous souhaitons attirer l’attention sur l’importance de la filière bois pour notre pays. Il est essentiel de la soutenir, notamment en étendant aux entreprises de travaux agricoles et forestiers le bénéfice des exonérations de charges sociales sur les emplois occasionnels.

Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 51 rectifié.

M. Franck Montaugé. Cet amendement vise à réintégrer les entreprises de travaux agricoles, forestiers et ruraux (Etarf) dans le dispositif TO-DE, dont elles avaient été exclues par la loi de finances pour 2015.

Le nombre d’employeurs concernés s’élève à 21 000, pour un allégement de cotisations d’environ 30 millions d’euros : il y a donc un enjeu évident de compétitivité pour ces entreprises et pour le monde agricole.

Mme le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié ter.

Mme Anne-Catherine Loisier. Dans un contexte de grande tension, les Etarf sont submergées par les demandes saisonnières, liées à différentes contraintes, notamment au regard des travaux dans les espaces naturels, auxquelles elles sont incapables de répondre.

Ce dispositif devrait leur permettre de recruter plus facilement et de répondre à ces demandes toujours plus importantes.

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 89 rectifié.

Mme Nathalie Delattre. Cet amendement concerne les 21 000 Etarf, qui bénéficiaient auparavant du dispositif TO-DE. Depuis la loi de finances pour 2015, ce dispositif est limité aux agriculteurs employeurs de main-d’œuvre à titre individuel ou collectif et aux travaux forestiers, à l’exclusion des tâches réalisées par les Etarf, qui se battent âprement année après année pour continuer d’en bénéficier.

L’adoption de cet amendement apporterait un coup de pouce d’environ 30 millions d’euros aux Etarf, qui sont des acteurs essentiels dans nos territoires. Ces entreprises innovent pour renforcer la compétitivité des activités agricoles, forestières et rurales en se dotant de machines et engins de pointe et recrutent des personnels qualifiés et formés, motivés par la variété des missions et des environnements.

Leur action mériterait d’être encouragée, raison pour laquelle je vous demande de voter cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Ces quatre amendements visent à étendre aux forestiers un dispositif qui a fait ses preuves chez les agriculteurs.

Dans le secteur agricole, il constitue une mesure de compétitivité et de lutte contre la sous-déclaration ; mais, en l’espèce, il s’agit davantage d’une mesure tendant à renforcer l’attractivité des travaux forestiers, qui relèvent de métiers parfois pénibles et dangereux.

Surtout, le Président de la République a annoncé la plantation de 1 milliard d’arbres d’ici à 2030, ce qui nécessitera beaucoup de main-d’œuvre en forêt pour préparer les terrains, procéder aux plantations et appliquer les protections nécessaires pour faire face aux dégâts des animaux. Or le secteur souffre d’une importante pénurie de main-d’œuvre.

J’ajoute que l’exclusion des travaux forestiers de ce dispositif paraît d’autant moins justifiée que les normes environnementales, notamment celles qui découlent de l’application de la directive Habitats, rendent les travaux forestiers de plus en plus saisonniers.

L’avis est donc favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. En 2015, les Etarf n’avaient pas été exclues du dispositif TO-DE par hasard ; et ce n’est pas un hasard non plus si les différents gouvernements qui se sont succédé depuis ne sont pas revenus sur cette mesure.

Madame Primas, vous avez souligné à juste titre que les besoins de main-d’œuvre allaient s’accroître. Mais vous avez aussi relevé qu’il s’agissait moins d’une question de saisonnalité que d’attractivité. (Mme Anne-Catherine Loisier le conteste.) La plantation, l’entretien ne relèvent pas forcément d’emplois occasionnels, madame Loisier.

De plus, nous sommes en train d’additionner des dépenses et des dispositifs d’exonération de cotisations qui auraient davantage leur place dans un texte financier.

Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il y sera défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 rectifié bis, 51 rectifié, 55 rectifié ter et 89 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme le président. L’amendement n° 71 rectifié bis, présenté par MM. Duplomb, J.M. Boyer et Louault, Mme Férat, M. D. Laurent, Mme Chauvin, M. Bascher, Mme Noël, MM. Détraigne, Grosperrin, Sol, Pellevat et H. Leroy, Mme Richer, MM. Bonhomme, Guerriau et Reichardt, Mme Muller-Bronn, MM. Henno, Paccaud, Brisson, Daubresse et A. Marc, Mmes Boulay-Espéronnier, Pluchet et Puissat, MM. Somon et Chasseing, Mmes Gruny, Berthet et Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Gatel, MM. Piednoir et Burgoa, Mme Guidez, MM. B. Fournier et Anglars, Mme Micouleau, MM. Calvet et Mouiller, Mme Bellurot, M. Decool, Mmes Billon et Belrhiti, MM. Savary et Chauvet, Mmes Lassarade et Lopez, MM. Rojouan et Duffourg, Mme F. Gerbaud, MM. Rietmann et Pointereau, Mme Ventalon et MM. Sido, Perrin, Klinger, Hugonet, Tabarot et Belin, est ainsi libellé :

I. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Les salariés travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi des sociétés coopératives agricoles et leurs unions qui se consacrent au conditionnement des fruits et légumes, telles que citées à l’article 1451 du code général des impôts, bénéficient des dispositions du présent article. »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Laurent Duplomb.

M. Laurent Duplomb. Cet amendement tend à étendre le dispositif TO-DE aux coopératives de conditionnement des fruits et légumes qui emploient des saisonniers.

Quand on importe 71 % de nos fruits et près de 50 % de nos légumes, l’urgence est de retrouver des marges de compétitivité. Dans la mesure où beaucoup de nos fruits et légumes sont conditionnés, sinon produits, par des coopératives, l’extension du dispositif TO-DE aux saisonniers, et non à l’ensemble des salariés, constituerait une réponse intéressante.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Selon le code rural, le dispositif TO-DE est ouvert à tous les « employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles ».

L’article L. 722-1 du même code précise que les « établissements de toute nature dirigés par l’exploitant agricole en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production » sont concernés. Il me semble que l’on ne peut être plus clair.

Cet amendement étant satisfait, la commission en demande le retrait.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme le président. Monsieur Duplomb, l’amendement n° 71 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Laurent Duplomb. J’aimerais que le ministre me confirme qu’une coopérative de conditionnement peut bénéficier du dispositif TO-DE pour les saisonniers.

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. J’entends les arguments de votre rapporteure, que je n’ai pas vocation à contredire par nature. (Sourires.)

Toutefois, je ne veux pas vous répondre de manière précipitée, car cette question mérite expertise.

Par ailleurs, je le redis, il me semble que cette mesure relève davantage d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). N’égrenons pas les exonérations ! (Mme Anne-Catherine Loisier montre son désaccord.)

M. Laurent Duplomb. Si les coopératives sont déjà couvertes par le dispositif, c’est parfait ! L’important, c’est que vous puissiez nous dire clairement, après expertise, si c’est ou non le cas.

M. Marc Fesneau, ministre. Je vous ferai parvenir les éléments de l’expertise, monsieur Duplomb.

M. Laurent Duplomb. Je retire donc mon amendement, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 71 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 102, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.… - Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif au dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi, dit TO-DE.

Ce rapport évalue l’efficacité du dispositif pour lutter contre le travail non déclaré, et le recours aux travailleurs détachés, et son impact sur les conditions de travail, d’emploi et de rémunération des saisonniers.

Il évalue la possibilité de conditionner l’exonération de cotisation patronale sur des critères d’éligibilité financière, notamment au regard de la fragilité des filières et des exploitations et sur des critères sociaux et environnementaux, notamment en termes de conditions de travail et de création effective d’emplois.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Le dispositif TO-DE est encore nécessaire pour certaines exploitations agricoles, notamment en raison des difficultés rencontrées pour recruter des travailleurs saisonniers, de la faiblesse des revenus agricoles et des conséquences économiques liées aux différentes crises – sanitaire, climatique et géopolitique – qui ont marqué le secteur ces deux dernières années.

Alors que le Gouvernement a acté la prolongation du dispositif jusqu’au 31 décembre 2025, cette proposition de loi le pérennise et étend le champ de ses bénéficiaires. Or cette politique d’exonération de cotisations patronales dans le secteur agricole n’a pas fait l’objet d’une réelle évaluation depuis sa mise en place en 2010.

Rappelons que le dispositif TO-DE profite en premier lieu aux filières à haute intensité en main-d’œuvre – arboriculture, maraîchage, viticulture, grandes cultures – au travers de contrats très concentrés dans le temps, pour un coût total de 561 millions d’euros en 2023 – ce n’est pas rien ! –, somme qui n’a pas été entièrement compensée pour la sécurité sociale.

Ces mesures d’allégement de cotisations patronales ciblées sur les bas salaires peuvent créer un effet de trappe à bas salaires, comme nous l’avons déjà dit, et encourager les exploitations à plafonner les rémunérations à la limite haute du dispositif. Pour quel résultat ? Depuis 2010, le dispositif a-t-il réellement permis de lutter contre le travail illégal et le recours aux travailleurs détachés ou amélioré les performances économiques et sociales de l’agriculture française, notamment en termes de créations effectives d’emplois ?

Pour ces raisons, l’amendement tend à prévoir la remise d’un rapport au Parlement afin d’évaluer réellement l’efficacité de ce dispositif avant d’envisager sa pérennisation.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable : l’annexe 5 du PLFSS, dont vous débattez chaque année, contient les informations nécessaires pour éclairer les assemblées sur l’utilité du TO-DE.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 21, modifié.

(Larticle 21 est adopté.)

Article 21
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Article additionnel après l'article 22 - Amendement n° 118 rectifié bis

Article 22

I. – L’article L. 5422-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article ne s’applique pas aux employeurs agricoles et agroalimentaires dont l’activité est directement déterminée par la saisonnalité. »

II (nouveau). – Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’organisme mentionné à l’article L. 5427-1 du code du travail de l’extension de la dérogation à l’article L. 5422-12 du code du travail sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, MM. J. Bigot et Devinaz, Mme Préville, M. Stanzione, Mme Lubin, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 120 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour présenter l’amendement n° 49 rectifié.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet article prévoit d’exclure du champ d’application de l’article L. 5422-12 du code du travail, relatif à la minoration ou à la majoration des taux de contributions des employeurs applicables aux contrats courts, les entreprises agricoles et agroalimentaires dont l’activité est directement déterminée par le cycle naturel des récoltes.

Nous souhaitons rappeler que la logique de ce dispositif dit de bonus-malus sur les contrats courts est d’encourager les entreprises à privilégier le recours à des emplois stables – CDI, CDD de longue durée ou contrats d’insertion.

En conséquence, l’exemption des entreprises agricoles et agroalimentaires revient mécaniquement à encourager ces entreprises à recourir à des contrats précaires.

Par ailleurs, même si les spécificités du secteur agricole en matière de besoin de main-d’œuvre sont réelles, l’extension du champ d’application de cet article à l’ensemble des entreprises agricoles et agroalimentaires semble fortement disproportionnée.

Nous proposons donc de supprimer cet article.

Mme le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 120.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet article tend à encourager certaines pratiques dont nous ne voulons pas.

Cela n’empêche pas de prendre en compte un certain nombre de sujets au regard du bonus-malus, en particulier les spécificités du monde agroalimentaire et agricole.

Le Gouvernement demande donc la suppression de l’article.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Avec cet article, nous proposons de pérenniser, en inscrivant dans le dur de la loi, le fait que le secteur agricole et agroalimentaire soit exclu du dispositif de bonus-malus pour des raisons de seuil.

Les travailleurs saisonniers sont consubstantiels à l’ensemble de la production saisonnière, en particulier pour le maraîchage ou l’arboriculture. Il est évident que l’application du bonus-malus viendrait perturber et pénaliser des secteurs d’activité fragiles, dont nous essayons d’encourager la hausse des volumes de production en France.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements identiques.

Mme le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Je souhaite appuyer les propos de la rapporteure.

Monsieur le ministre, notre dépendance aux importations de coulis de tomate de Chine illustre parfaitement la situation.

La production de coulis de tomate est en effet l’exemple typique d’une industrie pénalisée par le bonus-malus. Par définition, les tomates de plein champ ne peuvent être récoltées en hiver ; il s’agit donc bien d’une activité saisonnière.

L’usine de Châteaurenard, que je vous invite à visiter et qui transforme en coulis des tomates françaises, entre parfaitement dans le cadre de notre démonstration : elle subit un malus, alors qu’elle ne pourra jamais embaucher en CDI sur la totalité de l’année dans la mesure où son activité est intrinsèquement liée à la saisonnalité de la récolte et de la transformation des tomates. Les choses sont aussi simples que cela, pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour le comprendre !

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le bonus-malus nous avait été vendu à l’époque par Mme Borne comme une contrepartie, demandée aux employeurs, à la réforme de l’assurance chômage particulièrement brutale à l’égard des salariés privés d’emploi.

On exigeait de ces derniers six mois de travail, mais ce n’était pas gênant, selon Mme Borne, puisque les employeurs étaient obligés d’offrir des contrats d’au moins six mois. Voilà qui rappelle un certain index seniors d’une réforme plus récente…

Le procédé est le même : on fait passer une réforme brutale contre une petite contrepartie exigée des employeurs dont, dans un deuxième temps, on demande le retrait.

Aujourd’hui, le temps vous semble venu de supprimer cette mesure qui prétendait assainir la pratique du recours aux contrats courts dans des secteurs particulièrement peu vertueux.

Contrairement à ce qui vient d’être dit, le bonus-malus s’équilibre dans chaque secteur. L’ensemble du monde agricole est concerné par le caractère saisonnier de l’activité. Le malus ne s’applique qu’aux entreprises se situant en deçà de la médiane de leur secteur, alors que les entreprises qui font mieux bénéficient d’un bonus. Les comparaisons se font bien au sein d’un même secteur, dont les entreprises subissent les mêmes contraintes de saisonnalité : à la fin, le dispositif est donc parfaitement à l’équilibre.

Vous voulez pénaliser les salariés – ils ne touchent pas les allocations s’ils n’ont pas travaillé six mois –, sans rien demander aux employeurs : c’est un aveu de renoncement ! Vous acceptez que le secteur agricole reste une trappe à emplois précaires et vous renoncez à lutter contre une réalité qui plombe ce secteur d’activité.

Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Madame Poncet Monge, vous êtes sans doute une spécialiste des affaires sociales, mais peut-être un peu moins de l’agriculture, aussi ne prenez pas mal ce que je vais vous dire !

Mme Raymonde Poncet Monge. C’est le même problème !

M. Laurent Duplomb. Non, ça n’a rien à voir !

Mme Sophie Primas, rapporteur. À quoi un arboriculteur qui produit des cerises peut-il employer au mois de décembre les cueilleurs qu’il a embauchés au printemps ou en été ?

Mme Raymonde Poncet Monge. Les comparaisons se font au sein d’un même secteur !

Mme Sophie Primas, rapporteur. Tout à fait : en l’occurrence, il s’agit d’un seul et même secteur, celui de l’agriculture.

Et au sein de ce secteur, certaines activités, comme les productions végétales, par exemple, ne requièrent pas d’employés saisonniers et bénéficient de bonus, quand les maraîchers ou les arboriculteurs, qui emploient beaucoup de saisonniers, subissent des malus ! Il ne me semble pas que cela corresponde à ce que nous voulons collectivement.

Mme Raymonde Poncet Monge. C’est un cavalier social, ce n’est pas recevable !

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 rectifié et 120.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. L’amendement n° 103, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Au deuxième alinéa de l’article L. 5422-12 du code du travail, les mots : « minoré ou » sont supprimés.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Le calcul du bonus-malus ne semble pas véritablement adapté à son objectif. Il semble même représenter un coût pour la protection sociale : sur plus de 3,8 millions d’entreprises, seules 18 000 sont concernées par ce dispositif, dont 6 565 ont subi un malus en 2022.

Comme le soulignait ma collègue Raymonde Poncet Monge, le système de calcul est peu incitatif au changement de pratiques, puisqu’il est défini en tenant compte de la moyenne des pratiques du secteur. Ainsi, le taux de séparation de l’entreprise est comparé au taux de séparation médian de son secteur : l’effort demandé aux entreprises est donc particulièrement limité, alors que des solutions existent pour créer des emplois pérennes dans le secteur de l’agroalimentaire et faire face à la saisonnalité. Je pense notamment à la mise en place de groupements d’employeurs afin de limiter le recours aux contrats précaires.

Cet amendement tend donc non pas à supprimer l’ensemble du dispositif de bonus-malus comme le prévoit cet article, mais à conserver seulement le système de malus, dont l’application devrait être revue pour mieux cibler les pratiques abusives bien réelles de recours aux contrats courts de certains employeurs.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. La commission est d’autant plus défavorable à cet amendement que la rédaction retenue vise l’ensemble des secteurs économiques, ce qui est très éloigné de l’objet de cette proposition de loi qui se limite au secteur de l’agriculture.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Défavorable.

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous avons beaucoup débattu des bonus-malus en commission des affaires sociales.

N’oublions pas que les secteurs concernés doivent présenter un taux de séparation supérieur à 150 %. Il me semble que cela laisse de la marge pour inclure le secteur agricole.

Et si ce n’est pas possible, il faut dire à Mme la Première ministre que l’on ne peut pas pénaliser des salariés travaillant moins de six mois ! Car c’est bien elle qui avait proposé à l’époque de passer de quatre à six mois contre la promesse d’obliger les employeurs à proposer des contrats un peu plus longs.

Cette promesse, vous nous l’avez vendue pour faire passer une réforme dure pour les travailleurs. Si vous pensez qu’elle ne peut pas être mise en œuvre, alors il faut exclure les travailleurs saisonniers agricoles des nouvelles contraintes d’allongement de la durée d’assurance requise pour toucher les allocations chômage. On ne peut pas avoir l’un sans l’autre !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 103.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 22.

(Larticle 22 est adopté.)

Article 22
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Article 23

Après l’article 22

Mme le président. L’amendement n° 118 rectifié bis, présenté par Mmes Jacquemet, Herzog, Dindar et Guidez, M. Hingray, Mme Gatel, MM. Kern et Henno, Mmes Gacquerre et Sollogoub, MM. Duffourg et Canévet, Mmes Billon et Perrot, M. Détraigne, Mme Saint-Pé et MM. Le Nay et Folliot, est ainsi libellé :

Après l’article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le deuxième alinéa de l’article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « peuvent opter pour un » sont remplacés par les mots : « bénéficient aussi d’un » ;

2° La seconde phrase est supprimée.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Les chefs d’exploitation agricole ayant des revenus professionnels peu élevés peuvent bénéficier d’une modulation de leurs taux de cotisations d’assurance maladie, invalidité et maternité des exploitants agricoles (Amexa).

Les jeunes agriculteurs, quant à eux, peuvent bénéficier d’exonérations partielles de cotisations sociales.

Cet amendement vise à permettre le cumul de ces deux dispositifs, ce qui me semble souhaitable. En effet, pourquoi les chefs d’exploitation aux faibles revenus ne pourraient-ils pas bénéficier des mêmes exonérations ? Il s’agit d’une question d’équité, notamment pour les Gaec.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Il existe aujourd’hui une exonération de cotisations d’assurance maladie, invalidité et maternité en deçà d’un certain seuil de revenu de l’exploitant.

Il existe également une exonération de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs.

Dans ce second cas, l’exonération est dégressive sur une période de cinq ans, passant de 65 % pour la première année à 15 % pour la dernière.

Le choix d’opter pour l’un ou l’autre de ces dispositifs est définitif ; il est impossible de les cumuler. Or un jeune agriculteur, par définition, manque de visibilité sur celui de ces dispositifs qui serait le plus intéressant pour lui.

Cette situation conduit de jeunes agriculteurs ayant choisi le dispositif qui leur est spécifique à devoir s’acquitter de cotisations sociales plus élevées que leurs aînés, en particulier lors des deux dernières années, en raison du caractère dégressif susmentionné.

La disposition proposée, largement cosignée, a déjà été adoptée au Sénat lors de l’examen en première lecture de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Le ministre du travail avait alors indiqué préférer donner instruction à la Mutualité sociale agricole (MSA) d’offrir un droit d’option.

Si vous me confirmez, monsieur le ministre, que ce droit d’option est bien effectif, comme semble l’indiquer le site de la MSA, cela permettrait de résoudre la difficulté soulevée par les auteurs de cet amendement, dont je solliciterai le retrait.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Ce droit d’option existe bien, madame la rapporteure, raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme le président. Monsieur Canévet, l’amendement n° 118 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Michel Canévet. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 118 rectifié bis est retiré.

Article additionnel après l'article 22 - Amendement n° 118 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 24

Article 23

I. – L’article 200 undecies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, les mots : « entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2024 » sont supprimés ;

2° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le taux : « 50 % » est remplacé par le taux : « 66 % » ;

a bis) (nouveau) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque cette limite est atteinte, un même taux s’applique aux dépenses engagées pour assurer un remplacement pour un ou plusieurs congés de formation, dans la limite de trois jours supplémentaires. » ;

b) À la deuxième phrase, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 70 % » ;

3° (nouveau) Au IV, les mots : « engagées entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2024 » sont remplacés par les mots : « de remplacement ».

II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

III (nouveau). – Les conséquences financières résultant pour l’État du rehaussement de la limite de jours de dépenses éligibles au crédit d’impôt pour dépenses de remplacement sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 116, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) Les mots : « 50 % des dépenses mentionnées au I et effectivement supportées, dans la limite par an de quatorze jours de remplacement pour congé », sont remplacés par les mots : « 90 % des dépenses mentionnées au I et effectivement supportées, dans la limite par an de sept jours de remplacement pour congé, puis, le cas échéant, à 66 % des dépenses mentionnées au I et effectivement supportées dans la limite de sept jours de remplacement pour congé supplémentaires par an. »

II. – Alinéa 6

Remplacer le taux :

70 %

par le taux :

90 %

III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement vise à renforcer le présent article en revalorisant les augmentations proposées du crédit d’impôt permettant de financer le recours au service de remplacement.

Actuellement, grâce à ce crédit d’impôt, les éleveurs et paysans contraints à une présence quotidienne sur la ferme peuvent bénéficier d’un financement égal à 50 % des dépenses de remplacement pour congé, dans la limite de quatorze jours par an.

Depuis le 1er janvier 2022, le recours à ce service est également financé à 60 % en cas d’arrêt maladie.

Concernant le crédit d’impôt pour congé, l’amendement tend à fixer le taux de financement à 90 % pour la première semaine de congé, puis à 75 % pour la deuxième et troisième semaine.

En effet, encore trop d’agriculteurs ne prennent aucun congé sur l’année, du fait de contraintes économiques : dans la version actuelle du crédit d’impôt, le reste à charge est trop important pour nombre d’agriculteurs, qui ne peuvent accéder au dispositif. Le mécanisme proposé leur permettrait de prendre a minima une semaine de congé sur l’année, dans un contexte de forts risques psychosociaux.

Cet amendement vise également à porter le taux de remplacement à 90 % pour ce qui concerne les arrêts maladie, dans une logique de solidarité nationale, alors que les agriculteurs souffrent trop souvent de conditions de travail difficiles et d’épuisement psychologique, avec les conséquences sur la santé et le risque d’accident que cela implique.

Revaloriser fortement le crédit d’impôt permettrait de renforcer l’attractivité du métier d’agriculteur, alors que la France est confrontée à l’enjeu crucial du renouvellement des générations, et de créer des emplois durables dans les services de remplacement, acteurs essentiels pour la dynamique des territoires ruraux.

Mme le président. L’amendement n° 50 rectifié bis, présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4 :

Remplacer le taux :

66 %

par le taux :

75 %

II. – Alinéa 6

Remplacer le taux :

70 %

par le taux :

80 %

III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Le présent amendement vise à renforcer la portée de l’article 23, qui tend à pérenniser et à augmenter le crédit d’impôt pour dépenses de remplacement applicable à certains exploitants agricoles.

Il semble en effet indispensable de redonner de l’attractivité à la profession agricole du fait de l’enjeu crucial de renouvellement des générations et de l’installation des agriculteurs. À ce titre, l’accès au congé est capital, car il s’adresse notamment aux agriculteurs contraints à une présence quotidienne sur la ferme.

Cet amendement tend donc à aller plus loin que le texte issu de la commission, en portant le taux des dépenses engagées au titre du remplacement de 66 % à 75 % quand il s’agit d’un congé et de 70 % à 80 % en cas de maladie ou d’accident du travail.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Je tiens à le rappeler, en commission, nous avons déjà substantiellement augmenté l’incitation fiscale, en portant le taux de 50 % à 66 % en cas de congé pour convenances personnelles et de 60 % à 70 % en cas de congé pour maladie.

Par ailleurs, nous avons ajouté trois jours supplémentaires de congé pour formation au plafond de quatorze jours éligibles au crédit d’impôt.

Il s’agit de progrès majeurs, qui sont consensuels. Nous ne cherchons pas à aller plus loin, pour ne pas rompre l’unanimité, mais aussi et surtout pour que ces mesures soient acceptables tant pour les acteurs que pour les finances publiques.

Je le précise, les acteurs entendus pour instruire cette proposition de loi nous ont indiqué qu’il s’agissait non pas seulement d’une question monétaire, mais aussi d’un problème de disponibilité et de polyvalence des remplaçants, tant la palette des tâches à réaliser dans la journée d’un agriculteur, et plus particulièrement d’un éleveur, s’est considérablement élargie.

D’ailleurs, notre collègue Stéphane Travert, ancien ministre de l’agriculture aujourd’hui député, qui mène un important travail sur l’amélioration du système de remplacement et avec lequel nous serons peut-être amenés à collaborer, m’indiquait que le principal frein était la structuration du système.

Au cours de ses travaux, la commission a, selon moi, suffisamment joué sur l’aspect « demande ». C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces deux amendements.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Je partage le point de vue exprimé par la rapporteure.

En effet, le travail mené à l’Assemblée nationale par Stéphane Travert sur le service de remplacement prendra sa place dans une logique globale. Il s’agit de savoir comment on organise le service de remplacement, et de définir les dispositifs d’exonération, qui doivent être plus attractifs, face aux risques psychosociaux et au problème d’attractivité des métiers, en particulier de ceux de l’élevage, pour lesquels la question du répit et des congés doit être posée.

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, dont les problématiques nécessitent sans doute que nous continuions à y travailler, y compris dans le cadre du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles que je serai amené à vous présenter, afin de favoriser l’installation des jeunes – et des moins jeunes d’ailleurs.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 116.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 23.

(Larticle 23 est adopté.)

TITRE V

MAÎTRISER LES CHARGES DE PRODUCTION POUR REGAGNER DE LA COMPÉTITIVITÉ-PRIX

Article 23
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 25

Article 24

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 69 est ainsi modifié :

a) Au I, le montant : « 85 800 € » est remplacé par le montant : « 92 000 € » ;

b) Au b du II, le montant : « 365 000 € » est remplacé par le montant : « 390 000 € » ;

2° L’article 151 septies est ainsi modifié :

a) À la fin du a du 1° du II, les mots : « , ou s’il s’agit d’entreprises exerçant une activité agricole » sont supprimés ;

b) Le même 1° est complété par un c ainsi rédigé :

« c) 265 000 € s’il s’agit d’entreprises exerçant une activité agricole ; »

c) À la fin de la première phrase du 2° du même II, les mots : « et, lorsque les recettes sont supérieures à 90 000 € et inférieures à 126 000 €, pour les entreprises mentionnées au b du 1° » sont remplacés par les mots : « , lorsque les recettes sont supérieures à 90 000 € et inférieures à 126 000 €, pour les entreprises mentionnées au b du 1° et, lorsque les recettes sont supérieures à 265 000 € et inférieures à 371 000 €, pour les entreprises mentionnées au c du même 1° » ;

d) Après le b du même 2°, il est inséré un c ainsi rédigé :

« c) Pour les entreprises mentionnées au c du 1°, un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 371 000 € et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 100 000 €. » ;

e) L’avant-dernier alinéa dudit II est ainsi rédigé :

« Lorsque l’activité de l’entreprise se rattache à plusieurs des catégories définies aux ab et c du même 1°, l’exonération totale n’est applicable que si le montant global des recettes est inférieur ou égal à 265 000 € et si le montant des recettes afférentes aux activités définies au a du même 1° est inférieur ou égal à 250 000 € et le montant des recettes afférentes aux activités définies au b du même 1° est inférieur ou égale à 90 000 €. » ;

f) Le dernier alinéa du même II est ainsi rédigé :

« Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, si le montant global des recettes est inférieur à 371 000 € et si le montant des recettes afférentes aux activités définies respectivement aux a et b du même 1° est inférieur respectivement à 371 000 € et 126 000 €, le montant exonéré de la plus-value est déterminé en appliquant le moins élevé des trois taux qui aurait été déterminé dans les conditions fixées au 2° si l’entreprise avait réalisé le montant global de ses recettes dans la catégorie mentionnée au c du 1° ou si l’entreprise n’avait réalisé que des activités mentionnées au a ou au b du même 1°. » ;

g) À la première phrase du III, la référence : « a » est remplacée par la référence : « c » ;

h) (nouveau) Il est ajouté un IX ainsi rédigé :

« IX. – Les montants mentionnés au II sont indexés tous les trois ans sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, tel qu’il est prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l’année considérée, lorsqu’il s’agit d’entreprises exerçant une activité agricole. »

II (nouveau). – Les conséquences financières résultant pour l’État de l’indexation sur l’inflation des seuils d’applicabilité de l’exonération sur les plus-values prévue à l’article 151 septies du code général des impôts sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme le président. L’amendement n° 4 rectifié ter, présenté par MM. Longeot, Bacci et Bonneau, Mme Thomas, MM. Le Nay et Kern, Mme Gatel, MM. Favreau, Moga et Duffourg, Mmes Jacquemet et Billon, M. Hingray, Mme Sollogoub, M. P. Martin et Mme Malet, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …) 500 000 € s’il s’agit d’entreprises exerçant une activité agricole cédées aux bénéfices de nouveaux exploitants agricoles s’installant pour la première fois ; »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Afin de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs, cet amendement vise à exonérer totalement d’impôt les cessions d’entreprises agricoles effectuées au bénéfice d’un ou de plusieurs nouveaux installants, dès lors que les recettes annuelles sont inférieures ou égales à 500 000 euros.

Il convient en effet de favoriser la cession d’entreprises agricoles au bénéfice des jeunes agriculteurs, dans un contexte de décroissance du nombre d’agriculteurs. Il y va de la survie de la profession !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Comme nous l’avons indiqué en commission à propos d’un amendement identique, cet amendement visant à fixer à 500 000 euros le seuil d’exonération totale des plus-values en cas de cession au bénéfice d’un primo-installant dans le secteur agricole est satisfait par l’article 238 quindecies du code général des impôts.

Cet article, adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, prévoit ce seuil d’exonération, quel que soit le secteur d’activité, qu’il s’agisse d’un fonds de commerce ou d’une installation agricole.

Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Jean-François Longeot. Je le retire, madame la présidente !

Mme le président. L’amendement n° 4 rectifié ter est retiré.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 24 rectifié ter est présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, M. Le Nay, Mmes Saint-Pé, Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, MM. Duffourg et Détraigne, Mme Perrot et M. Chauvet.

L’amendement n° 77 rectifié est présenté par MM. Menonville, Chasseing, A. Marc, Decool, Médevielle et Verzelen, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Après l’alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le 1° du I de l’article 238 quindecies est complété par les mots : « et 650 000 € s’il s’agit d’entreprises exerçant une activité agricole cédées aux bénéfices de nouveaux exploitants agricoles s’installant pour la première fois ».

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié ter.

M. Michel Canévet. Cet amendement est similaire à celui que nous venons d’examiner, avec un seuil d’exonération fixé à 650 000 euros.

Mme le président. L’amendement n° 77 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement restant en discussion ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. La commission est bien évidemment défavorable à cet amendement, pour des raisons liées à la situation de nos finances publiques.

S’agissant des exonérations de plus-values, nous avons rehaussé les seuils, qui n’avaient pas été actualisés depuis 2004. L’inflation et l’amélioration du chiffre d’affaires des entreprises nécessitaient en effet ce relèvement.

Par ailleurs, nous avons introduit un dispositif d’indexation, afin d’éviter que nous soyons obligés de légiférer régulièrement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Michel Canévet. Je retire mon amendement, madame la présidente !

Mme le président. L’amendement n° 24 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix l’article 24.

(Larticle 24 est adopté.)

Article 24
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Article 26 (début)

Article 25

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 278 bis est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Les livraisons d’équidés vivants et les prestations de service suivantes relatives à leur exploitation, à savoir la préparation et l’entraînement, la location et la prise en pension des équidés, sauf lorsque ces opérations relèvent de l’article 278-0 bis. » ;

2° L’article 278-0 bis est complété par un O ainsi rédigé :

« O. – Les prestations fournies en vue de la pratique de l’équitation. »

II (nouveau). – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme le président. L’amendement n° 130, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Supprimer le mot :

suivantes

2° Après le mot :

relèvent

insérer la référence :

du O

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Amendement rédactionnel.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 130.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 25, modifié.

(Larticle 25 est adopté.)

TITRE VI

DISPOSITIONS DIVERSES

Mme le président. L’amendement n° 131, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l’intitulé de cette division :

Gage

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Amendement rédactionnel.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 131.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, l’intitulé du titre VI est ainsi rédigé.

Article 25
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Article 26 (interruption de la discussion)

Article 26

I. – Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – Les éventuelles conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III (nouveau). – Les éventuelles conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. – (Adopté.)

Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Je remercie l’ensemble de nos collègues d’être restés si tard ce soir pour finir l’examen de ce texte.

Je remercie également M. le ministre et son équipe, ainsi que nos administrateurs pour la qualité de leur travail. Je suis aussi reconnaissante à Mme la présidente et aux services de la séance d’avoir accepté de prolonger nos débats pendant la nuit.

Rendez-vous la semaine prochaine pour les explications de vote !

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Je vous remercie d’avoir décidé, par souci de cohérence, d’examiner ce texte dans sa continuité, même si nous achevons son examen tard ce soir.

Je me félicite de la qualité de nos échanges, qui nous a évité de tomber dans les caricatures promises par certains, bien que des désaccords subsistent.

M. Jean-Claude Tissot. C’est vrai !

M. Marc Fesneau, ministre. La haute tenue de nos débats a permis d’ouvrir des perspectives non seulement sur ce texte, mais pour de futurs débats.

Je remercie Mme la rapporteure, Mme la présidente et les auteurs de la proposition de loi du travail effectué pour essayer de faire avancer la souveraineté de l’agriculture française. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles de cette proposition de loi, dans le texte de la commission.

Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi se dérouleront le mardi 23 mai 2023, à quatorze heures trente.

La suite de la discussion est renvoyée à cette séance.

Article 26 (début)
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Discussion générale

8

Ordre du jour

Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 17 mai 2023 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente :

Proposition de résolution, en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à la reconnaissance du génocide ukrainien de 1932-1933, présentée par Mme Joëlle Garriaud-Maylam et plusieurs de ses collègues (texte n° 200, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 17 mai 2023, à deux heures vingt.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER