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Dossier législatif : proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
Discussion générale (suite)

Influenceurs sur les réseaux sociaux

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (proposition n° 489, texte de la commission n° 563, rapport n° 562).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
Article 1er

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, il est rare que nos débats législatifs – toujours studieux, parfois fastidieux – suscitent autant d’intérêt sur TikTok et auprès des jeunes que cette proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. (Sourires.)

Nous allons, en effet, parler aujourd’hui d’un sujet à la mode, mais qui est en réalité un sujet de toujours : réguler la publicité. Un sujet qui mobilise, mais aussi qui rassemble, comme en témoigne l’adoption de cette proposition de loi à l’unanimité par l’Assemblée nationale.

Nous examinons donc une proposition de loi attendue, parce qu’elle vient combler un vide juridique, inhérent à l’évolution des technologies, mais aussi parce qu’elle résulte d’une demande populaire et d’un questionnement sur cette évolution des technologies.

Concernant le vide juridique, la publicité a beaucoup évolué depuis l’époque où Sarah Bernhardt vantait les mérites d’un fer à friser – je vous rassure tout de suite, cette publicité pour l’exposition du Petit Palais ne m’a donné droit à aucun bénéfice économique ni avantage en nature, si ce n’est celui de vous la recommander ! (Sourires.)

La publicité a également considérablement évolué depuis l’époque de la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite loi Évin, ou de celle relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon, qui régulaient des annonceurs et des médias dont la publicité était le premier métier.

Aujourd’hui, n’importe quel individu croit pouvoir vendre ce qu’il veut, comme il le veut, depuis l’endroit qu’il veut. C’est bien cela qui pose un problème et qui suscite cette demande populaire en faveur d’une meilleure régulation et d’un meilleur encadrement.

J’en veux pour preuve le succès de la consultation publique que Bruno Le Maire et moi-même avons menée à Bercy sur le sujet, mais également l’abondance des témoignages de ces femmes et de ces hommes faisant part, spontanément, des abus et des escroqueries, parfois très graves, dont ils ont été victimes. Nos concitoyens sont exposés à de graves dangers, qui ne sont pas uniquement d’ordre financier, alors que le rapport individuel créé par internet démultiplie les possibilités et complexifie les moyens de contrôle.

Certes, les services de l’État sont à l’œuvre depuis que les pratiques des influenceurs se sont multipliées voilà plusieurs années. Ainsi, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a déjà eu l’occasion de rappeler à l’ordre les contrevenants. Elle rendra bientôt publics les noms de ceux – une trentaine à ce jour – qui se sont livrés à des pratiques commerciales trompeuses.

Pour autant, force est de le reconnaître, les nouvelles facilités offertes par les réseaux sociaux requièrent – et même imposent – que notre droit soit doté de nouveaux outils, de la même façon que, par le passé, le législateur a modifié son arsenal juridique pour adapter l’encadrement de la publicité aux nouveaux médias qu’étaient alors la radio ou la télévision.

Cette proposition de loi est née dans ce contexte. Je veux saluer ici le travail remarquable des parlementaires : tout d’abord, celui des députés qui se sont saisis de ce sujet, de façon transpartisane, à l’Assemblée nationale ; ensuite, celui des sénateurs, dont la rigueur a déjà permis en commission de lever quelques doutes et de corriger des imperfections.

J’ai à cœur d’achever avec vous ce travail aujourd’hui, dans le même esprit de dialogue et de concertation qui nous guide depuis décembre dernier, avec le lancement par Bruno Le Maire de la consultation publique qui a recueilli les avis de plus de 400 professionnels et de près de 20 000 de nos concitoyens, et même depuis bien avant, au regard de la persévérance avec laquelle les services de l’État – je salue de nouveau l’action de la DGCCRF – surveillent ce phénomène.

Nous sommes parvenus dans ce texte à une définition équilibrée et plus claire de ce que doit être l’influence commerciale, à savoir une pratique commerciale devant respecter aussi bien les principes généraux du commerce que l’encadrement de la promotion de certains biens et services.

Nous prévoyons ainsi des règles spécifiques en matière de chirurgie et de médecine esthétique, compte tenu de leur danger immédiat et irréversible sur la santé humaine.

Nous aboutissons également à un nécessaire rappel des droits et des devoirs s’appliquant à ceux qui exercent cette influence commerciale, au même titre – strictement – qu’à l’ensemble des émetteurs, ainsi que des canaux de promotion et de publicité, et à des sanctions dédiées et adaptées à ce cadre spécifique.

Qui dit droits et devoirs s’appliquant à tous, donc aux influenceurs, dit aussi que ce qui ne s’appliquerait qu’à eux constituerait une rupture d’égalité difficilement justifiable. Nous devons ainsi veiller collectivement à ne pas créer une publicité à deux vitesses, si je puis dire, avec des règles très – voire exagérément – strictes, qui ne s’appliqueraient qu’aux influenceurs.

C’est une ligne à laquelle le Gouvernement tient, non par rigidité dogmatique, mais au contraire par pragmatisme : tout le monde – vous, moi, les influenceurs, les annonceurs, les consommateurs – veut un cadre juridique clair et fort, donc à l’abri de toute contestation litigieuse.

Nous sommes ici pour adapter la protection du consommateur aux nouvelles formes de l’influence commerciale, non pas pour interdire les nouvelles formes de cette influence commerciale ; nous ne créons pas des entraves, nous posons un cadre. En découleront ensuite les outils qui seront à notre disposition et sur lesquels, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez apporté des précisions nécessaires.

Il s’agit, tout d’abord, des outils légaux, comme les contrats écrits entre les annonceurs et les influenceurs, ainsi qu’entre les agences et les influenceurs, dont le Gouvernement demandera avec vous la systématisation.

Il s’agit, ensuite, des outils d’accompagnement, comme le guide de bonne conduite des influenceurs, présenté voilà quelques semaines par Bruno Le Maire et qui sera actualisé à l’issue du vote de la proposition de loi.

Durant cette lecture, le Gouvernement proposera quelques modifications qui semblent répondre au besoin de clarté et surtout de solidité que nous partageons tous, à l’aune du règlement relatif à un marché unique des services numériques, le Digital Services Act (DSA), qui prévoit une meilleure régulation des réseaux sociaux et des activités qu’ils engendrent.

J’indiquais, en préambule, que nos débats étaient particulièrement suivis par les plus jeunes.

Je souhaite précisément conclure en rappelant que cette proposition de loi ne doit pas être prise pour ce qu’elle n’est pas : ce n’est pas une proposition de loi pour ou contre la publicité, pour ou contre les jeunes, ni un texte qui définirait ce qui serait moral ou ce qui ne le serait pas. C’est une proposition de loi économique, au service d’un métier naissant, exercé par des personnes qui ont à cœur, pour l’immense majorité d’entre elles, de bien faire leur travail.

Parce que nous voulons soutenir leur métier, nous soutiendrons cette proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit également.)

Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, adoptée à l’unanimité par la commission des affaires économiques la semaine dernière, vise à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Cette proposition de loi est importante, car elle est très attendue par nos concitoyens. Grâce à une initiative parlementaire transpartisane, cette demande populaire a pris la forme d’une proposition de loi.

Je tiens ainsi à saluer les travaux des deux rapporteurs de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, MM. Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte, qui ont su collaborer pour aboutir à une initiative commune et concertée.

Les premiers travaux parlementaires, menés sur ce sujet nouveau pour les législateurs que nous sommes, vont dans le bon sens et méritent d’être confortés.

Ce sujet est nouveau, car c’est la première fois, en Europe, qu’une proposition de loi élaborée de façon transversale visant spécifiquement à réguler l’activité des influenceurs sera adoptée. Encore une fois, les parlementaires français sont à l’avant-garde de la régulation de l’économie numérique. Je ne vous apprends rien en rappelant que ce sujet attire tout particulièrement l’attention du Sénat et qu’il fait l’objet de nombreux travaux.

Ce sujet est nouveau, car ce secteur d’activité demeure peu documenté et mal connu des pouvoirs publics, même si les influenceurs et les réseaux sociaux font désormais partie du quotidien de nos concitoyens. Ainsi, selon les premières estimations à notre disposition, 150 000 personnes exerceraient l’activité d’influenceur en France, dont seulement 15 % d’entre elles à temps plein.

Ce sujet est nouveau également, car il pose la question de l’adaptation de notre droit national, ainsi que de nos outils de contrôle et de régulation, aux spécificités de l’économie numérique. Si notre droit est suffisamment souple et robuste pour s’adapter à cette nouvelle forme d’activité commerciale, nos outils de contrôle et de régulation méritent, quant à eux, d’être largement renforcés.

C’est dans cet esprit que j’ai abordé mes travaux au sein de la commission des affaires économiques, avec un seul objectif : mieux comprendre le secteur de l’influence commerciale, sans aucun préjugé, et adapter, en conséquence, la proposition de loi qui nous a été transmise, afin d’en améliorer la portée et l’effectivité.

Je tiens ainsi à remercier mes collègues, issus de toutes les travées de cet hémicycle – je tiens à le souligner –, que je ne manquerai pas de citer lors de l’examen de ce texte : ils ont contribué à l’élaboration de cette proposition de loi. Ils ont permis à la commission d’adopter un texte plus juste, plus ciblé et rééquilibré.

Pour définir ma feuille de route politique sur cette proposition de loi, je me suis posé trois questions principales. La première vise à déterminer si l’influence commerciale est une activité comme les autres.

Si la question peut sembler quelque peu provocatrice, il faut bien reconnaître un paradoxe : l’activité d’influence commerciale est désormais bien imbriquée au sein de notre économie, présentant des avantages certains pour les entreprises, mais nos concitoyens ont le sentiment que ce secteur demeure totalement dérégulé.

Les mauvaises pratiques de certains acteurs mal intentionnés masquent aujourd’hui la réalité d’un secteur en plein développement.

Les difficultés de régulation de l’influence commerciale par les pouvoirs publics sont réelles, tout d’abord, en raison de la hausse du nombre d’influenceurs, du volume de contenus publiés et du caractère de plus en plus éphémère de ces derniers – je parle notamment des stories, des lives, c’est-à-dire des publications instantanées ou en direct.

C’est pourquoi il est apparu indispensable d’adapter les missions des autorités de régulation, en renforçant par exemple les pouvoirs de police administrative de la DGCCRF, ou encore d’étendre la procédure de blocage judiciaire de l’Autorité des marchés financiers (AMF) aux promotions d’offres illicites.

Les difficultés de régulation sont réelles, ensuite, parce que de très nombreuses publications touchant un public français sont émises par des influenceurs français résidant en dehors de l’Union européenne, notamment aux Émirats arabes unis et aux États-Unis, alors même que leur notoriété s’est construite auprès de ce public.

Il m’a semblé indispensable de rattacher ces influenceurs à la proposition de loi que nous examinons, en maintenant le principe de soumission au droit français des contrats d’influence commerciale et en imposant à ces derniers de désigner un représentant légal établi sur le territoire de l’Union européenne, afin de faciliter la coopération avec les autorités administratives et judiciaires nationales.

Les travaux de la commission des affaires économiques ont permis de poser les premiers jalons d’un dispositif que je vous proposerai de conforter tout à l’heure.

Pour démontrer à nos concitoyens que l’activité d’influence commerciale peut être une activité économique comme les autres, nous devons donc renforcer son contrôle, sa régulation et son encadrement.

Je me suis posé une deuxième question, celle de savoir si l’influence commerciale était un canal publicitaire comme les autres. Sur ce point, sans doute, le sujet sur lequel nous débattons n’est pas si nouveau : devons-nous appliquer aux influenceurs les mêmes règles, interdictions ou encadrements que ceux qui existent, par exemple, pour la télévision, la radio ou les plateformes de partage de vidéos ?

Contrairement aux idées largement exprimées ces derniers temps, l’activité d’influenceur n’est pas totalement dérégulée : toutes les règles existant aujourd’hui en matière de publicité et de promotion s’appliquent aux influenceurs. Nous devons le rappeler.

En revanche, il faut reconnaître que ces règles aujourd’hui sont inconnues, mal comprises ou mal respectées : inconnues et mal comprises, car il n’existe pas de formation, de diplôme ou de certification obligatoire pour devenir influenceur ou agent d’influenceur ; mal appliquées, car il existe aussi des abus intentionnels de la part de certains influenceurs, comme de certains annonceurs d’ailleurs.

Avant d’interdire et de sanctionner davantage, il me semble donc important de faire preuve de pédagogie à l’égard des acteurs du secteur et de clarifier les règles du jeu, afin d’accompagner un domaine qui doit encore se structurer.

C’est notamment pour cela que nous avons voté, en commission, l’affichage obligatoire de la mention unique « publicité » sur les publications commerciales des influenceurs.

Nous avons également voté l’affichage obligatoire de la mention « images virtuelles », afin d’anticiper les conséquences de l’intelligence artificielle sur la publicité en ligne et le marketing d’influence.

Dans tous les cas, les objectifs de ces mentions sont les mêmes : faire preuve de davantage de sincérité et de transparence à l’égard des internautes et des consommateurs.

Une fois le caractère commercial d’une publication clairement identifié, nous devons déterminer quelles promotions réalisées par les influenceurs méritent d’être autorisées, interdites ou encadrées.

La commission a donc souhaité rééquilibrer les dispositions votées qui concernent les secteurs de l’agroalimentaire, du commerce en ligne et des crypto-actifs. En effet, un durcissement excessif de ces dispositions risquerait d’avoir des effets de bord indésirables, par ricochet, sur le bon fonctionnement de notre économie ; un pan global qui ne doit pas être pénalisé par une proposition de loi visant spécifiquement l’influence commerciale.

L’influence commerciale est ainsi à la fois un canal publicitaire comme un autre et comportant des spécificités. Par conséquent, nous devons être prudents et ne pas adopter de dispositions trop contraignantes pour notre économie. Mais en même temps, nous devons être vigilants, au regard des conséquences spécifiques sur notre santé publique et notre jeunesse.

La troisième et dernière question que je me suis posée porte sur les dérives de l’influence commerciale.

Précisément, de quelles dérives parle-t-on ? Les objectifs de protection de la santé publique, de la jeunesse, des consommateurs et des épargnants me conduisent à penser que des interdictions promotionnelles supplémentaires et spécifiques sont tout à fait justifiées.

En matière de protection de la santé publique, outre l’interdiction de promotion de la chirurgie esthétique, la commission a souhaité interdire toute forme de promotion incitant, directement ou indirectement, à l’abstention thérapeutique, au profit de la consommation de biens ou de services présentés comme substituables, préférables ou comparables à un traitement médical. Au regard de la hausse des dérives sectaires sur les réseaux sociaux, c’est indispensable !

En matière de protection des enfants et des adolescents, la commission a également souhaité renforcer le régime d’information portant sur les promotions de jeux d’argent et de hasard, en obligeant les influenceurs à afficher un bandeau « Interdit aux moins de 18 ans ». Il s’agit ici de sensibiliser à la fois les internautes mineurs qui contourneraient les systèmes déclaratifs de vérification de l’âge, mais aussi leurs parents et leur famille.

Enfin, en matière de protection des consommateurs et des épargnants, la commission a souhaité être à l’écoute des collectifs de victimes et interdire la promotion d’abonnements à des pronostics sportifs : au regard des grands événements sportifs à venir, le risque d’arnaque est particulièrement élevé.

Voilà donc, mes chers collègues, notre feuille de route pour l’examen de cette proposition de loi. Vous l’aurez compris, l’objectif est non pas tant d’interdire l’influence commerciale que d’encadrer son développement, afin de ne sanctionner que les acteurs mal intentionnés qui décideraient, malgré cette proposition de loi, de ne pas respecter le cadre légal. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi bienvenue, visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Ce texte répond, en effet, à une réelle nécessité de structuration et de régulation de ce secteur en pleine expansion, afin de mieux définir les contours et les enjeux de ces nouveaux métiers issus des réseaux sociaux.

Des youtubeurs aux streamers de Twitch, en passant par Instagram et TikTok, on compte en France 150 000 créateurs de contenus.

Selon l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), « il s’agit d’une filière qui peut être créative, inventive, mais dans laquelle la place proéminente de la publicité et de la consommation nous oblige à agir pour enfin créer un cadre légal, car l’autorégulation des acteurs ne suffit pas, et l’audience est souvent constituée d’un public jeune et influençable, qu’il faut protéger ».

Parmi ces influenceurs, une part certaine d’entre eux ne respecte pas la législation en vigueur en matière de publicité, souvent par méconnaissance des règles existantes, et une minorité utilise leur notoriété pour tromper le consommateur, avec des pratiques qui peuvent être dévastatrices, notamment en matière de santé publique.

Certains exemples sont atterrants. C’est pourquoi il convient d’agir pour permettre un développement responsable de cette filière, adapté à la réalité économique, et de poser un cadre de référence pour protéger les influenceurs comme les consommateurs.

Cette proposition de loi tend, tout d’abord, à inscrire la définition d’influenceur commercial dans le code de la consommation : il s’agit là d’une première pierre, et cette définition devra nécessairement être adaptée compte tenu de l’évolution constante du secteur. Nous défendrons un amendement pour mieux ajuster cette définition.

Nous soutenons les autres points importants de ce texte sur l’encadrement et l’interdiction de certaines promotions, bien qu’ils n’aillent pas assez loin à notre goût, sur la contractualisation entre l’influenceur, son agent et l’annonceur, sur la régulation des plateformes numériques et sur l’aspect éducatif.

Si la commission a enrichi certains aspects de la proposition de loi, en adoptant, par exemple, l’interdiction de la vente et de l’offre promotionnelle d’un produit, en échange d’une inscription à une formation professionnelle, ou l’encadrement de la promotion de contrats d’abonnement, ses propositions restent en deçà de nos souhaits sur d’autres plans.

Nous estimons qu’il faudrait être bien plus exigeant sur les interdictions de promotion et ajouter d’autres catégories de produits qui n’ont clairement pas leur place dans des discours publicitaires à destination du jeune public. Je pense, en particulier, aux produits amincissants, pharmaceutiques ou alimentaires, aux boissons trop riches en sucre, en sel ou en matières grasses, ou encore aux jeux d’argent et de hasard.

La commission a également acté quelques reculs dommageables, qui mettent à mal l’ambition, somme toute mesurée, de la proposition de loi initiale. Je pense principalement aux dispositions supprimées visant à mieux encadrer la promotion des produits alimentaires, particulièrement néfastes pour la santé.

Nous constatons que, là aussi, le dogme de la croissance économique et la défense de l’industrie agroalimentaire passent avant la santé nutritionnelle de nos enfants ! À l’heure où les maladies liées à la malbouffe atteignent des niveaux records – rappelons que la France compte quatre millions de diabétiques et que 47 % des Français sont en surpoids, dont 17 % d’obèses –, nous ne pouvons pas nous passer d’une ambition plus forte sur ce sujet.

J’en viens à l’autre enjeu essentiel que soulève ce texte : le renforcement des moyens, budgétaires et humains, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Cette année encore, ce débat devra avoir lieu dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi de finances. Si les moyens de contrôle ne sont pas là, nos vœux d’encadrement du secteur resteront pieux.

Acte est donné, cette année, du vote favorable de la droite sénatoriale sur les amendements renforçant drastiquement les crédits affectés à la mise en œuvre de leurs missions, toujours plus nombreuses. Nous saurons vous le rappeler !

Les quinze agents destinés à former une « brigade de l’influence commerciale », annoncée récemment par le ministre de l’économie, ne seront clairement pas suffisants.

Pour conclure, ce texte aurait pu être plus ambitieux, notamment pour interdire la publicité de davantage de produits et de pratiques dont la nocivité est connue, surtout pour les publics les plus vulnérables.

Devrons-nous encore longtemps sacrifier la santé des publics les plus fragiles au nom de la sacro-sainte croissance économique ? La collectivité devra-t-elle encore longtemps assumer les coûts exponentiels du traitement du diabète et des maladies cardio-vasculaires ? La surconsommation a encore de beaux jours devant elle ! En 2023, c’est pour le moins désolant.

Malgré tout, ce texte acte des avancées sur de nombreux points, c’est pourquoi nous le voterons.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, que de chemin parcouru en dix ans !

Oui, c’était en 2013 : le célèbre « Non, mais allô quoi ! », prononcé par Nabilla Vergara se répandait comme une traînée de poudre sur internet, la propulsant à des sommets de notoriété. Dix ans plus tard, l’intéressée est suivie par neuf millions de personnes sur Instagram, ce qui est deux fois et demie plus que le compte Instagram du Président de la République et 140 fois plus que celui de notre vénérable institution, le Sénat.

Ces ratios suscitent des interrogations. En effet, lorsque l’intéressée fait la promotion de services boursiers sur Snapchat sans mentionner qu’elle est rémunérée pour le faire, on imagine les conséquences sur la souscription de ces produits. Cela a d’ailleurs suscité une amende infligée par la DGCCRF, en 2021, pour pratiques commerciales trompeuses.

Cet exemple le montre, nous ne partons pas d’une feuille vierge, puisqu’un dévoiement a provoqué une sanction. Toutefois, il existe un besoin impérieux de préciser des définitions, de renforcer les sanctions et de travailler sur l’éducation.

C’est tout l’objet du travail conduit par les députés. Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte sur cette proposition de loi transpartisane, qui nous est soumise.

Je veux également saluer l’importante concertation menée dans le même temps – les initiatives ont été convergentes – par Bruno Le Maire et Olivia Grégoire, dans le cadre du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui a suscité près de 20 000 contributions et à laquelle 400 professionnels ont participé.

Tout cela a permis de trouver un équilibre. C’était important, car notoriété et algorithmes peuvent former un mélange détonant dans la société que nous connaissons.

Dès lors, comment rappeler aux 150 000 influenceurs français leurs devoirs et à nos compatriotes les droits dont ils disposent en tant que consommateurs ? C’est l’équation que cette proposition de loi transpartisane ambitionne de résoudre.

La définition de l’influence commerciale a été ajustée à l’Assemblée nationale, en séance, puis au Sénat, en commission des affaires économiques. À mon sens, on atteint désormais un bon équilibre : l’influence commerciale est définie avec justesse et clarté.

L’agent d’influence fait lui aussi l’objet d’une définition, et la responsabilité solidaire qu’elle implique est la bienvenue.

Il a fallu, en conséquence, déterminer les outils à même d’encadrer cette pratique. Un certain nombre d’entre eux sont d’ordre général. Je pense aux directives européennes sur la vie privée, les communications électroniques ou encore les pratiques commerciales déloyales dans le marché intérieur. Je pense aussi à un certain nombre de textes fixant les interdictions sectorielles de la publicité.

Toutefois – on a pu s’en convaincre –, ce cadre était mal connu et parfois inadapté. Il était donc indispensable d’ajuster un certain nombre de dispositifs.

En particulier, le Sénat a jugé nécessaire qu’un contrat écrit liant les influenceurs, les agences et les annonceurs soit rendu obligatoire.

De même, nous avons besoin d’une véritable responsabilisation des plateformes en ligne, laquelle suppose l’intervention accrue de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Cette direction doit être confortée dans ses prérogatives et dans son action : c’est pourquoi le présent texte lui donne à la fois un pouvoir d’injonction et des moyens supplémentaires.

Cela étant, on pourrait s’interroger : toutes ces mesures, toutes ces contraintes ne vont-elles pas avoir raison du secteur ?

Gardons à l’esprit que nous sommes face à une activité économique à part entière, qui s’est rapidement structurée. Elle doit certes pouvoir se développer, mais dans un cadre défini par des règles claires.

Ce n’est pas un secteur à part : c’est un secteur à part entière. Chaque année, 40 millions de nos compatriotes effectuent des achats en ligne. D’ailleurs, le ministère est très attentif aux risques de décommercialisation et, sur ce sujet, plusieurs travaux ont été enclenchés à la suite des États généraux du commerce.

Il importait de rappeler qu’un certain nombre d’obligations applicables aux activités de promotion et de publicité dans leur ensemble s’étendent à l’influence commerciale.

Dans le même esprit, nous avons renforcé diverses mesures de protection, notamment en matière de santé publique. Ces dispositions concernent tout particulièrement les mineurs, qu’il s’agisse de chirurgie esthétique, d’abstention thérapeutique ou de produits financiers.

Pour l’ensemble de ces raisons, cette proposition de loi est de force à garantir une véritable protection des consommateurs, en assurant une relation commerciale de confiance entre les influenceurs et leur public.

Les mentions de publicité prévues nous semblent tout à fait justifiées.

Les influenceurs bénéficieront d’une meilleure information grâce au guide des bonnes pratiques qui sera régulièrement mis à jour. À l’évidence, nous devons progresser en ce sens : au total, 60 % des 50 influenceurs contrôlés par Bercy ont commis des infractions.

Naturellement, le citoyen doit lui aussi faire l’objet d’un effort de pédagogie, car il a besoin d’être éclairé lorsqu’il consomme.

Madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe RDPI souhaitaient attirer l’attention sur ces quelques points. Accompagner, protéger et éclairer : tels sont les trois buts de cette proposition de loi. La voter, c’est faire œuvre utile, et nous la voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la ministre déléguée applaudit également.)