Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je voterai cet amendement.
Je vais le répéter – je vous prie de m’excuser, c’est sans doute mon côté enseignante qui prend le dessus : je pense que la pédagogie est l’art de la répétition, même si cela ne fonctionne pas toujours (Sourires.) – : on ne peut pas bloquer l’aménagement de nos territoires pour les années à venir ; il faut y faire attention.
Je suis la première à défendre le projet de requalification des friches. Pour autant, si aménager notre territoire demain signifie recréer ici une France industrielle, là une France des services et là-bas une France du vide, ce n’est pas le projet que j’ai pour la France !
Si l’on suit la logique de la relocalisation, de l’aménagement de tous nos territoires, afin d’éviter la concentration d’un certain nombre d’activités, donc des richesses et des problèmes d’embolie, y compris en matière de mobilité, que l’on a dû gérer au cours des dernières années, il faudra accepter que nos territoires accueillent demain des projets et toutes les conséquences qui vont avec et qui ont déjà été évoquées.
On connaît ces projets, certains sont d’envergure nationale, d’autres d’envergure régionale. Pour nombre d’entre eux, on se demandera, sur le modèle du débat byzantin sur le sexe des anges, si c’est un projet régional ou national. J’ignore où tout cela nous mènera, ce dont je suis sûre, c’est que nous ne pouvons pas, dans la situation actuelle, nous mettre des freins et bloquer le développement du pays.
En l’état, je suis favorable à cet amendement. (M. Cédric Vial applaudit.)
Mme le président. Quel est désormais l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Défavorable.
Mme le président. L’amendement n° 176, présenté par M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mme Espagnac, MM. P. Joly et Kerrouche, Mme Préville, M. Kanner, Mme S. Robert, MM. Michau, Jacquin, Montaugé et Tissot, Mme Monier, M. Mérillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L’autorité précitée informe les collectivités territoriales, établissements publics et groupements ayant soumis des projets, des choix retenus et des motivations qui ont conduit à les retenir ou à ne pas les retenir.
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Il est prévu par l’article 5 que les projets d’envergure régionale pourront être mutualisés et faire l’objet d’une inscription en tant que tel au Sraddet, après avis de la conférence régionale ZAN et des collectivités d’implantation desdits projets.
Les communes et les EPCI dotés de la compétence urbanisme seront donc force de proposition dans l’identification de ces projets.
Il est également prévu par cet article que la région se prononce par délibération motivée en conseil régional sur les suites à donner à ces demandes.
Nombre de maires et de présidents d’EPCI souhaiteront que leurs projets remontent à l’échelle régionale, nous n’en doutons pas.
Cet article nous semble donc alourdir la procédure d’identification des projets d’envergure régionale.
Aussi, cet amendement vise à supprimer la délibération motivée du conseil régional prévue pour chaque projet, afin de ne pas alourdir les débats et afin que les délais de réponse ne soient pas trop longs, du fait d’une file d’attente que nous connaissons pour d’autres types de demandes.
Nous proposons toutefois de maintenir à destination des collectivités ayant soumis des projets l’information relative aux choix et aux motivations qui ont conduit à les retenir ou non, afin que les porteurs de projet ne soient pas frustrés. Pour autant, ne provoquons pas l’embolie du système !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 137 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Bonneau, de Belenet, Mizzon, Laugier, Longeot et Le Nay, Mmes N. Goulet et Jacquemet, M. Kern, Mme Férat, MM. Louault, Levi, Prince, Chauvet et Duffourg, Mme Perrot, M. Folliot, Mme Morin-Desailly, M. J.M. Arnaud et Mme Herzog, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant de projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements d’ampleur supracommunale peut ne pas être prise en compte pour l’évaluation de l’atteinte des objectifs mentionnés au second alinéa de l’article L. 141-3 du code de l’urbanisme. »
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement, déposé par Michel Canévet, vise à permettre la prise en compte des projets d’intérêt supracommunal dans la fixation des objectifs de réduction de l’artificialisation, à l’échelle d’un EPCI.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Qu’est-ce qu’un projet d’ampleur supracommunale ?
J’ai retrouvé cette notion dans la doctrine et dans plusieurs articles, mais, sauf erreur de ma part, elle n’a pas d’existence juridique.
De plus, la notion de supracommunalité peut s’entrechoquer avec celle d’intercommunalité ou, en tout cas, de projet d’intérêt intercommunal.
La commission spéciale demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Longeot, l’amendement n° 137 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 137 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Mme le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
Mme le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’examen de l’amendement n° 174 tendant à insérer un article additionnel après l’article 5.
Après l’article 5
Mme le président. L’amendement n° 174, présenté par Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mme Espagnac, MM. P. Joly et Kerrouche, Mme Préville, M. Kanner, Mme S. Robert, MM. Michau, Jacquin, Montaugé et Tissot, Mme Monier, M. Mérillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Pour la première tranche de dix années mentionnée au 1° du présent III, la comptabilisation de la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant de projets de construction ou d’aménagement pour des opérations destinées à la réalisation de programmes comportant majoritairement des logements sociaux, peut être pondérée dans l’évaluation de l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus au présent article. Au plus tard le 1er janvier 2031, au sein de la conférence mentionnée au V du présent article, il est présenté un bilan de l’application de cette pondération. La conférence formule des propositions au regard des besoins fonciers constatés pour répondre aux enjeux de production de logements sociaux, de mixité sociale et fonctionnelle et d’équilibre entre les territoires, pour les périodes décennales ultérieures. Le présent alinéa s’applique sans préjudice des modalités de comptabilisation de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers prévues au présent article ;
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de cette pondération. »
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Pour soutenir les collectivités dans leurs efforts de construction de logements sociaux et être en mesure de répondre davantage à la forte demande de logements à prix abordable, cet amendement tend à pondérer l’artificialisation résultant de projets de construction de logements sociaux.
Il s’agirait des opérations de construction ou d’aménagement destinées à la réalisation de programmes comportant majoritairement des logements sociaux.
Nous souhaitons concilier la mise en œuvre de l’objectif ZAN, sur lequel nous ne revenons pas, avec la production soutenue de logements sociaux, pour répondre aux 2,4 millions de demandeurs en attente d’un logement.
Il est proposé que cette pondération s’applique sur la première tranche 2021-2031. Un bilan de son application serait réalisé en 2031, ce qui permettrait à la conférence régionale de gouvernance du ZAN de faire des propositions pour les étapes décennales ultérieures.
La conférence pourrait ainsi vérifier la pertinence de cette mesure au regard des besoins fonciers constatés pour répondre aux enjeux de production de logement, de mixité sociale et fonctionnelle, et d’équilibre entre les territoires.
Il est bien précisé que cette pondération constitue non pas une dérogation à l’objectif ZAN, mais un outil facilitateur à utiliser à l’intérieur de l’enveloppe régionale.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. La commission spéciale s’est penchée sur les conséquences du ZAN sur le logement social et sur la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU.
Nous n’avons pas choisi de suivre une telle direction, car nous avons considéré qu’il pourrait s’agir d’une nouvelle dérogation supplémentaire, alors que nous avons décidé d’en limiter le champ des exceptions.
Nous avons aussi collectivement choisi de ne pas opter pour un système de pondération. Pour autant, nous sommes évidemment bien conscients qu’il s’agit d’un sujet très important.
Plus concrètement, construire un mètre carré dans un espace naturel, quel que soit l’objectif – qu’il s’agisse de logement social ou non –, c’est artificialiser un mètre carré.
Nous avons pensé qu’il ne fallait pas, à ce stade, mêler le logement social et le ZAN. Le logement social peut bénéficier d’autres outils – politiques publiques, subventions, fiscalité avantageuse, aides diverses. Il ne faut donc pas utiliser les objectifs du ZAN à ce stade de la discussion.
Peut-être irons-nous prochainement dans cette direction, mais la commission spéciale, dans le cadre de la discussion de ce texte, n’a pas fait ce choix. L’adoption de cet amendement nous emmènerait trop loin.
Par conséquent, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Pour autant, je partage votre préoccupation et il faudra bien régler cette question.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, pour trois raisons.
La première raison, c’est la pondération. Adopter un amendement visant à mettre en œuvre une telle mesure revient à mettre le doigt dans un engrenage, qui va, dans l’ensemble, compliquer tous nos domaines d’action.
La deuxième raison, c’est que le Gouvernement est défavorable au principe d’une sortie de la trajectoire d’atteinte du ZAN.
La troisième raison, c’est qu’il n’y a pas de construction plus sobre pour le foncier que le logement social. Près de 84 % des logements sociaux construits dans notre pays sont des collectifs. Autant nous considérons qu’il pourrait, à la rigueur, y avoir un sujet dans les communes rurales, autant nous considérons que, dans les communes astreintes à l’obligation SRU, le sujet du foncier n’est pas premier.
Mme le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Je maintiens mon amendement.
J’appelle votre attention sur le fait qu’en matière de construction la plupart des difficultés affecteront, selon nombre d’observateurs, la construction de logements sociaux, même si elle consomme moins de foncier, comme vous l’avez mentionné, monsieur le ministre.
Lorsque le foncier sera rare, les opérateurs et les maires choisiront d’autres projets que la construction de logements sociaux.
Je souhaitais vous alerter sur ce point et je tiens à ce que cet amendement soit mis aux voix.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’amendement de Viviane Artigalas nous alerte sur une réalité, même si sa rédaction n’est pas l’unique solution. En effet, à partir du moment où la constructibilité globale sera atteinte, il y aura moins de foncier. Cela entraînera un effet prix – nous en avons déjà parlé – et un effet compétitivité, car tout le foncier n’appartient pas aux collectivités locales.
Un propriétaire d’un terrain ou un détenteur d’une propriété peut choisir de le vendre à qui il veut.
La rareté entraînera la compétition pour l’acquisition de ces terrains ; or, on le sait, les projets de logements sociaux, au regard de leurs moyens, ne seront souvent pas à la hauteur des autres projets de promotion privée.
La question du prix du foncier et celle de la façon dont on produit du logement social à des prix abordables dans le cadre du ZAN me paraissent insuffisamment traitées à ce jour.
Aussi, je crois que, par cet amendement, notre collègue soulève cette question et exige que le Gouvernement et le Sénat travaillent de concert pour mieux relever ce défi.
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.
Mme Valérie Létard, présidente de la commission spéciale. J’abonderai dans le sens de Marie-Noëlle Lienemann et je salue la proposition d’amendement de Viviane Artigalas, qui aborde un sujet qui nous inquiète tous.
Comment le logement social peut-il trouver sa place, alors que le ZAN impose une pression foncière et que nombre de critères doivent être satisfaits ?
À l’instar de Marie-Noëlle Lienemann, je pense que pondérer et rendre le logement prioritaire n’est pas la bonne solution.
Dans un deuxième temps, après l’examen de ce texte, il faudra aborder le sujet du financement du ZAN – ce sera l’acte II ou le deuxième étage de la fusée de la question du ZAN –, c’est-à-dire l’accompagnement et les solutions qui permettront de construire la ville sur la ville.
Demain, nous devrons accompagner les acteurs du logement social pour les aider à maîtriser le coût du foncier. Si nous laissons les choses se faire naturellement, quel opérateur pourra trouver les moyens d’acquérir, de transformer, de requalifier des friches et de construire des logements sociaux ?
C’est déjà difficile aujourd’hui, ce sera pire demain, au moment où nous aborderons cette question dans l’acte II du ZAN, qui répondra à cette question, centrale, à savoir comment se donner les moyens d’y parvenir.
Mme le président. L’amendement n° 136 rectifié ter, présenté par MM. Canévet, Bonneau, de Belenet, Mizzon, Laugier et Longeot, Mme N. Goulet, M. Le Nay, Mme Jacquemet, M. Kern, Mmes Saint-Pé et Férat, M. Louault, Mme Devésa, MM. Levi et Prince, Mme de La Provôté, MM. Chauvet et Duffourg, Mme Perrot, M. Folliot, Mme Morin-Desailly, M. J.M. Arnaud et Mme Herzog, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 7° de l’article L. 141-8 du code de l’urbanisme, le mot : « intercommunal » est remplacé par le mot : « supracommunal ».
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement de Michel Canévet vise à soustraire de la consommation foncière locale les constructions d’équipements de services publics essentiels.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Pour les mêmes raisons que pour l’amendement que vous avez précédemment présenté, mon cher collègue, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.
Le terme « supracommunal » n’est pas suffisamment défini pour qu’on l’introduise dans le texte.
M. Jean-François Longeot. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme le président. L’amendement n° 136 rectifié ter est retiré.
Chapitre III
Mieux prendre en compte les spécificités des territoires
Avant l’article 6
Mme le président. L’amendement n° 95, présenté par Mmes Cukierman, Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifié :
1° Le 3° du III est ainsi rédigé :
« Pour la première tranche de dix années, le rythme prévu à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales doit permettre la préservation d’au moins 90 % d’espaces naturels, agricoles ou forestiers ; »
2° Après ce même 3°, il est inséré un 3° … ainsi rédigé :
« 3° … Pour les régions ayant atteint le seuil de 90 % d’espaces naturels, agricoles ou forestiers préservés sur leur territoire, plus aucune consommation nette d’espaces naturels, agricoles ou forestiers n’est possible. » ;
3° Au deuxième alinéa du 5° du IV, les mots : « la carte communale engagent l’intégration d’un objectif, pour les dix années suivant la promulgation de la présente loi, de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport à la consommation réelle observée sur les dix années précédentes » sont remplacés par les mots : « la carte communale, tiennent compte des objectifs de préservation d’au moins 90 % d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, tels que prévus au 3° du présent article ».
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Par cet amendement, nous souhaitons en quelque sorte inverser la logique du ZAN en privilégiant la préservation du vivant à la contrainte sur la constructibilité.
En effet, réduire de moitié leurs constructions n’a aucun sens pour des communes qui ont très peu bâti. À l’inverse, inciter les communes qui ont déjà beaucoup artificialisé à continuer de construire risque d’aggraver des situations alarmantes en matière de biodiversité, de perméabilité des sols, de qualité de l’air et de la vie.
De plus, les objectifs fixés par le ZAN figeront le paysage français sans tenir compte des potentielles évolutions économiques et sociales et inciteront à surdensifier les grandes métropoles plutôt qu’à créer des villes ou des villages à taille humaine.
Au rythme fixé par les objectifs du ZAN, 175 000 hectares supplémentaires auront été artificialisés d’ici à 2050, soit 0,3 % de la surface métropolitaine, qui s’étend sur 55 millions d’hectares. Ces 0,3 % s’ajouteraient aux 9 % déjà artificialisés selon certaines estimations.
En tenant compte de la surface non artificialisée à préserver, qui avoisinera les 90 % en 2050, plutôt qu’en limitant les constructions de façon disparate sur l’ensemble du territoire, la loi ouvrirait ainsi des possibilités rationnelles de constructibilité à toutes les collectivités. Ce faisant, elle serait en adéquation avec les accords de la COP15, qui fixe un objectif de 30 % d’espaces naturels à préserver.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je suis fermement opposé à cet amendement, dans la mesure où son adoption modifiera l’objectif directeur du dispositif du ZAN, allant ainsi à l’encontre du choix de la commission spéciale. Il s’agit d’une remise en cause de l’esprit de la loi Climat et résilience, qui tendait plutôt à responsabiliser les territoires.
De plus, l’objectif proposé nous semble moins ambitieux que celui qui a été fixé par cette même loi.
Enfin, cela remettrait en cause tous les schémas intercommunaux en cours – Sraddet, Scot, plans locaux d’urbanisme (PLU), plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi)… –, ce qui serait source d’insécurité juridique et sans doute d’incompréhension pour les élus et causerait une perte de temps pour le climat.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable.
Je précise que l’exposé des motifs comporte des erreurs. Je suis incapable de vous dire le nombre d’hectares qui auront été artificialisés d’ici à 2050. Selon la décision qui a été prise, 125 000 hectares l’auront été d’ici à 2030. Dans ces conditions, comment n’artificialiser que 50 000 hectares entre 2030 et 2050, tel que le laisse entendre l’objet de cet amendement ? Cela signifierait, au regard du rythme actuel, que l’on passerait à zéro artificialisation dès l’année 2033 ou 2034.
Par ailleurs, la rédaction de cet amendement crée une inégalité alors même que vous souhaitez instaurer une garantie rurale, mesdames, messieurs les sénateurs. Toutes les communes n’ont pas la même superficie : certaines s’étendent sur un petit espace, d’autres sur des surfaces gigantesques. L’appréciation de 90 % de surface non artificialisée créerait une sorte de plafond qui s’ajouterait au plancher s’appliquant aux constructions. Cela reviendrait à produire une norme complexe, qui pousserait les territoires ruraux à accueillir des constructions malgré une éventuelle volonté de maîtriser leur urbanisation.
Aussi, pour des questions de souplesse, de libre administration des collectivités territoriales et d’ambition climatique, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Une chose me paraît certaine : compter en termes de maintien de la surface non artificialisée plutôt que de constructions nouvelles n’est pas de nature à modifier les contraintes ou les libertés des collectivités. (M. le ministre le conteste.) Nous proposons que la logique ne vise pas à freiner la capacité de développement des petites communes qui ont peu construit. La surface qui doit être préservée étant définie par un pourcentage, une collectivité ayant une petite superficie aura à préserver une surface moindre qu’une commune étendue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai bien compris que nous étions en désaccord, mais nous maintenons cet amendement.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 64 rectifié bis, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Requier, Chasseing, Folliot, Grand et Houpert, Mme Noël, MM. A. Marc et Savin et Mme Vermeillet, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre V de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est complété par un article … ainsi rédigé :
« Art. …. – Le présent chapitre ne s’applique pas aux communes de 2 000 habitants ou moins, dont 90 % minimum de la superficie communale est constituée d’espaces naturels ou de zones agricoles. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Il s’agit de transposer l’article unique de la proposition de loi n° 786 déposée par Christian Bilhac le 13 juillet 2022.
Cet amendement a pour objet d’exonérer les communes de 2 000 habitants ou moins, dont au moins 90 % de la superficie est constituée d’espaces naturels ou de zones agricoles, des obligations de zéro artificialisation nette. Ces petites communes constituent l’essence même de la ruralité. Alors qu’elles ont faiblement artificialisé leur territoire, parfois à moins de 2 % ou 3 %, elles devraient renoncer à des projets utiles à leurs habitants. De fait, elles respectent déjà le ZAN.
Mme le président. L’amendement n° 103 rectifié septies, présenté par Mme Herzog, MM. Reichardt, Louault, Pellevat, Chatillon et Calvet, Mme F. Gerbaud, MM. Duffourg, Cadec, Panunzi et Joyandet, Mmes Schalck et N. Goulet, MM. Canévet, Longuet et Belin, Mme Ventalon et MM. Delcros, Folliot, Le Nay, Bouloux, Houpert, Chasseing et Hingray, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre V de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est complété par un article … ainsi rédigé :
« Art. …. – Le présent chapitre ne s’applique pas aux communes de 1 000 habitants ou moins, dont 70 % minimum de la superficie communale est constituée d’espaces naturels ou de zones agricoles. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est pratiquement identique au précédent, sinon que le seuil est fixé à 1 000 habitants ou moins. Même motif, même punition : des petites communes qui ont très peu artificialisé ne pourront plus rien construire, compte tenu de la répartition prévue par le texte. Cette double peine est extrêmement injuste.
Dans un département comme le mien, composé majoritairement de communes de moins de 1 000 habitants, le résultat serait catastrophique.
Cet amendement a été déposé par Mme Herzog ; je le soutiens sans réserve.