Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons tous l’objectif de sobriété foncière et de protection des sols, notamment agricoles, face à l’urbanisation galopante et à la perte d’espaces naturels, dans lesquels s’exprime la biodiversité.
C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité instaurer l’objectif du zéro artificialisation nette dans la loi Climat et résilience de 2021. Pourtant, bien que cette loi ait été votée voilà à peine plus d’un an, nous devons déjà revenir sur ses dispositions.
En effet, si l’intention du Gouvernement semblait louable, il faut regarder la réalité en face : cette loi est une véritable catastrophe pour l’ensemble des départements et communes ruraux. Il est nécessaire de la rendre plus équitable pour tous les territoires, villes et villages.
Comble de cette loi Climat et résilience, les collectivités sont aujourd’hui soumises à un calendrier et à des règles du jeu intenables, qu’il nous faut modifier très vite. En effet, depuis plusieurs mois, monsieur le ministre, vous avez multiplié les annonces relatives au ZAN et vous avez admis que son cadre devait évoluer. Mme la Première ministre a même demandé au préfet de « lever le crayon ».
Vous avez dit vouloir prendre en compte nos échos du terrain et traduire avec justesse la vision du Sénat. C’est ce qu’a fait d’une façon tout à fait remarquable la commission spéciale.
Oui, monsieur le ministre, il y a une très forte inquiétude de la part des élus locaux, ruraux en particulier, et surtout une très forte attente envers le Sénat pour modifier cette loi. J’espère que cette proposition de loi pourra y répondre.
Je m’attarderai plus longuement sur le troisième axe de la proposition de loi sénatoriale, qui vise à mieux prendre en compte les spécificités de chaque territoire. À cause de cette loi qu’il faut modifier, les maires se sentent, à juste titre, complètement dépossédés de l’un des seuls outils qui restent à leur disposition : l’aménagement de leur commune.
Ils ressentent un véritable sentiment d’injustice en constatant que cette politique du ZAN s’applique à tous les territoires, urbains comme ruraux, de manière uniforme.
Les élus ruraux ont tout simplement peur d’être sacrifiés dans la répartition du ZAN. Ils ont peur d’être encore une fois les grands perdants et ils craignent qu’on ne leur enlève leur droit de construire.
Avec l’application stricte de la loi, les grandes perdantes seront encore les communes rurales. Après la fermeture des commerces et du dernier service public, vous ôtez aux territoires ruraux leur droit de construire, donc de voir arriver de nouvelles familles ou de s’implanter une entreprise. De plus, 50 % de zéro, pour beaucoup de communes, cela fait toujours zéro… C’est mathématique !
Cette situation posera d’inévitables problèmes d’aménagement du territoire. Que fera le maire d’une commune rurale ? Devra-t-il choisir entre la construction d’une habitation ou d’une exploitation agricole ? D’un côté, il y a la volonté gouvernementale de favoriser les « Petites villes de demain ». De l’autre, au contraire, vous les freinez avec le ZAN.
Le Sénat a formulé une proposition simple à l’article 7 : toutes les communes pourraient disposer d’une enveloppe minimale, et la loi fixerait ce minimum à un hectare, ce qui serait une garantie pour les petites communes rurales.
Pour ma part, je serais favorable à ce que nous allions un peu plus loin que le rapporteur, en proposant que le ZAN ne soit pas appliqué dans les territoires hyperruraux. Certains cantons de Haute-Marne comptent en effet moins d’habitants que le Sahara ! La liste de ces territoires serait fixée par décret.
Ainsi, en matière d’aménagement, une plus grande différenciation entre les territoires me semble souhaitable. Surtout, cette loi ne doit pas pénaliser nos communes rurales et hyperrurales.
Cette question de la sobriété et de l’aménagement foncier pouvait être l’occasion de conduire une véritable politique d’aménagement du territoire et de développement durable. Il n’en est rien, et je le regrette. Aujourd’hui, il est urgent d’avoir une telle politique, ambitieuse, pour les territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Joël Bigot, Jean-Pierre Corbisez, Yves Détraigne, Alain Marc et Franck Menonville applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, si la discussion s’arrêtait là, nous pourrions croire que nous sommes d’accord. En effet, nous nous sommes attachés pour l’essentiel, dans les prises de parole successives, à convenir que nous nous entendions sur les principes.
Nous devons à présent vérifier, dans le détail de chaque mesure – c’est tout l’enjeu de la discussion des amendements à venir –, jusqu’où nous allons. Je répondrai en quelques mots aux différents orateurs qui se sont exprimés.
La question sociale, qu’a évoquée Cécile Cukierman, est bien entendu cruciale.
À Sonia de la Provôté, je répondrai que les injonctions contradictoires ne sont pas nouvelles. Quand on est maire – je l’ai été –, on fait face en permanence, même en l’absence de nouveaux textes, à des injonctions contradictoires. Ces dernières viennent parfois des riverains eux-mêmes, qui réagissent différemment à des projets d’équipements ou de services publics en fonction de leur destination ou de la distance qui les sépare de leur propre habitation.
Ainsi, bien que nous partagions tous l’objectif du recyclage, même un container enterré pour récolter du verre peut faire l’objet d’âpres discussions : tout le monde est d’accord pour l’installer, mais pas à côté de chez lui !
De ce point de vue, la nécessité d’une garantie rurale fait consensus. Mais je souhaite tout de même préciser qu’il y a plusieurs ruralités dans ce pays.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Christophe Béchu, ministre. Un quart des communes ont vu leur population baisser et, dans le même temps, l’artificialisation de leur territoire augmenter. À l’autre bout du spectre, 800 communes n’ont pas construit un mètre carré en plus de dix ans et le territoire rural dans son ensemble n’est pas, non plus que le territoire urbain, le plus grand consommateur de sols.
Quand on observe les chiffres et la dynamique de population, on constate que la consommation s’est en fait concentrée sur les territoires périurbains. La manière dont nous écrirons certaines dispositions aura donc son importance.
Je n’ai pas précisé les sujets que nous considérions comme des irritants. Ainsi, l’article 9, qui prévoit que les pelouses pourraient cesser d’être artificialisées et devenir des réservoirs d’artificialisation est évidemment une ligne rouge absolue. Aucun accord ne pourrait être trouvé sur ce point avec l’Assemblée nationale, compte tenu de la manière dont cet article transformerait, partout, les modalités de calcul de l’artificialisation.
S’agissant des bâtiments agricoles en zone A, les attentes de la sénatrice Frédérique Espagnac sont en quelque sorte déjà satisfaites par les modalités de calcul actuelles.
Sur certains de ces sujets, nous pourrons discuter dans le détail. Je vous le répète, je souhaite que nous fassions œuvre utile, c’est-à-dire que nous parvenions ici, au Sénat, à un texte qui soit non seulement facile d’accès pour les territoires, mais également suffisamment opérationnel pour modifier la loi à l’issue de la navette parlementaire.
En effet, toutes les critiques qui ont pu être exprimées concernent non pas un projet du Gouvernement, mais un texte qui a été voté, qui a force de loi, un texte sur lequel vous travaillez depuis plusieurs mois et à propos duquel, voilà moins d’un an, je réfléchissais en qualité de maire à la façon de l’appliquer sur mon territoire et d’en partager la contrainte dans mon intercommunalité.
Nous aurons dans un instant l’occasion de prolonger ces discussions.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires
Chapitre Ier
Favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée
Avant l’article 1er
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 6 rectifié est présenté par Mme N. Goulet, MM. Delahaye et de Belenet et Mme Herzog.
L’amendement n° 230 rectifié est présenté par M. Joyandet, Mme Dumont, M. Le Rudulier, Mme Goy-Chavent, MM. Sido, Longuet, Chatillon, Favreau et Reichardt, Mme Puissat, M. Bouchet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Chasseing et Houpert, Mme Noël et M. B. Fournier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre V de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est abrogé.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. Qui légifère mal s’expose à légiférer deux fois.
La discussion générale en a été le reflet : le terrain considère que la législation sur le ZAN est plus qu’un irritant. Les procédures sont enchevêtrées, les acronymes improbables et les différences flagrantes entre les communes les plus rurales et les autres.
Dans un département rural comme le mien, la construction d’un contournement d’une ville moyenne nous interdira de construire le moindre clapier pendant dix ans ! Tout cela n’est pas raisonnable. Les maires sont tout à fait irrités et complètement dépourvus, mais également très mobilisés.
Monsieur le ministre, comment voulez-vous que nous assurions le maintien d’une population en milieu rural si, dans le même temps, nous n’avons pas de droit de construire ? L’hectare sur dix ans, peut-être, mais en attendant il faut survivre !
Ce texte est une rustine, et nous devons faire mieux. Personne ne nie la nécessité de la maîtrise du sol et de la construction, c’est une évidence. Il y a cependant mieux à faire.
Alors que les décrets d’application vont au-delà de la loi et que l’étude d’impact a été complètement carencée, je suis assez favorable à l’idée d’Alain Lambert de pouvoir attaquer les études d’impact quand elles confinent au dol.
Finalement, l’étude d’impact de cette loi ne disait rien des effets précis que cette dernière aurait sur nos territoires, notamment les plus ruraux, à savoir une disparité entre les communes plus importantes et les bourgs ruraux et une impossibilité de construire pour les communes.
Enfin, monsieur le ministre, ce texte est totalement illisible.
Je salue le travail important qu’ont réalisé nos collègues pour aboutir à la rustine qui nous est ici proposée, mais je vous propose plus simplement, pour ma part, d’abroger les dispositifs du ZAN dans la loi Climat et résilience. Par prudence et par flair, d’ailleurs, je n’avais pas voté ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour présenter l’amendement n° 230 rectifié.
M. Alain Joyandet. Entre 2009 et 2018, l’artificialisation moyenne en France a progressé de 0,5 %. Plus précisément, l’évolution est de +1 % en Île-de-France et de –0,2 % en Haute-Saône, dans mon département.
Or il faudrait réduire tous ces chiffres de moitié d’ici à 2030, selon une décision prise à Paris d’une manière totalement unilatérale ?
Permettez-moi, monsieur le ministre, de replacer les choses dans leur contexte général. La fusion des régions, la fusion des intercommunalités, la disparition d’intercommunalités, les Sraddet prescriptifs, les Scot, les tout-puissants architectes des Bâtiments de France (ABF), les transferts de compétences dans tous les sens à tous les échelons : nous passons notre temps à appliquer de nouveaux textes qui changent, alors même qu’ils ne sont pas encore véritablement en application.
Tout cela représente un coût absolument exorbitant pour nos collectivités. À chaque élection, nous prenons l’engagement de simplifier la vie des Français et de nos élus. Et à chaque mandature, on en rajoute et on continue à complexifier !
Résultat, nos élus locaux n’en peuvent plus, nos concitoyens ne comprennent pas les refus de permis de construire ou d’autorisation à la suite de demandes diverses et variées, et nos entreprises du monde rural, déjà très peu nombreuses, risquent de nous quitter.
Pour une fois, mes chers collègues, osons la simplification. Je rejoins les propos qu’a tenus à l’instant Mme Goulet : supprimons, une fois n’est pas coutume, un texte dont nous n’avons pas besoin. Donnons de la liberté à nos élus locaux, dans la grande responsabilité qui est la leur.
Tout le monde est attaché à la qualité de nos campagnes, au monde rural et à l’écologie ! Nous aimons nos territoires, mais, monsieur le ministre, nous avons simplement envie de pouvoir continuer à y vivre, donc à y avoir des enfants, des entreprises et des emplois. Laissez-nous un peu de liberté dans la vie et faites-nous confiance pour assumer la responsabilité qui a toujours été la nôtre.
Tel est le sens de cet amendement de suppression.
Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’application du chapitre III du titre V de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est suspendue jusqu’à l’entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un aménagement, d’une victoire de l’optimisme sur l’expérience, comme disait Henry VIII à son sixième mariage… (Sourires.)
Cet amendement tend à suspendre les dispositifs prévus par la loi Climat et résilience jusqu’à l’entrée en vigueur de la présente loi, que nous n’allons pas manquer de voter.
Mme la présidente. L’amendement n° 38, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifiée :
1° L’article 192 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le présent article est applicable au plus tôt au 1er janvier 2030 » ;
2° L’article 194 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa du III, les mots : « à la date de la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « au 1er janvier 2031 » ;
b) Le IV est ainsi modifié :
- aux deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas, les mots : « dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « au plus tôt au 1er janvier 2031 » ;
- au septième alinéa, les mots : « la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « le 1er janvier 2031 » ;
- au dixième alinéa, les mots : « à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « au 1er janvier 2035 » ;
- aux onzième et treizième alinéas, les mots : « dans un délai de six ans à compter de la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « au plus tard au 1er janvier 2036 » ;
- au seizième alinéa, les mots : « la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « le 1er janvier 2036 » et les mots : « à la date de la promulgation de la présente loi » sont remplacé par les mots : « au 1er janvier 2036 » ;
c) À la première phrase du premier alinéa, au troisième alinéa du V et à la première phrase du VI, le mot : « ans » est remplacé par le mot : « mois ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 38 est retiré.
Quel est l’avis de la commission spéciale sur les amendements restant en discussion ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Nous avons tous entendu les cris de colère que les uns et les autres ont relayés au cours de cette séance.
Depuis le début, les élus sont tout à fait irrités. Néanmoins, le mot « abrogation » n’a jamais été prononcé dans les assemblées de maires. Ce que les élus demandent, partout, c’est du temps, de la liberté, des aménagements, des garde-fous, de la souplesse et des moyens.
C’est dans ce cadre qu’une mission conjointe de contrôle a été créée, puis qu’une commission spéciale intergroupes et intercommissions s’est réunie pour formuler des propositions qui respectent la trajectoire engagée, mais en changeant de méthode.
Cette méthode se veut plus ascendante. Elle donne davantage de droits à nos élus, à commencer par un droit de proposition. Nous voulons maintenant mettre à disposition de nouveaux outils.
Voilà le cadre qui a été fixé par la commission spéciale et dans lequel nous souhaitons continuer de nous inscrire.
Vous avez dit vous-même que vous croyiez à la sobriété foncière. Nous partageons donc cet objectif. La liberté chère à Alain Joyandet sera défendue. Dans quelques instants, il sera question du schéma prescripteur qu’est le Sraddet. Nous demanderons dans le cadre de son élaboration la prise en compte des demandes des élus, et l’on peut y voir une forme de liberté. Voilà les quelques outils et principes que nous comptons défendre.
Aussi, l’avis de la commission ne peut qu’être défavorable sur ces différents amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Malgré l’amitié que je porte à Nathalie Goulet et Alain Joyandet, dont les arguments – pouvoir élever des enfants, accueillir des entreprises et développer nos territoires – sont assez efficaces, permettez-moi de remettre quelques instants les choses à leur place.
Cinq terrains de football par heure : c’est ce que nous consommons dans ce pays. Ma conviction la plus absolue, c’est que la défense de notre qualité de vie passe aussi par la défense de nos paysages et de nos espaces agricoles.
Le texte de loi actuel ne demande pas des efforts aveugles : vous avez décidé de passer sous silence le fait que, pour atteindre l’objectif de diviser par deux les trajectoires de chaque collectivité, il sera fait confiance aux conseils régionaux.
Le texte de la loi Climat et résilience a été rédigé précisément de telle sorte qu’il y ait dans le processus, non pas des fonctionnaires, mais des élus, dont la tâche serait de répartir l’effort selon les territoires.
Tel a été le sens de vos débats, et c’est pour ces raisons que vous n’avez pas repris telles quelles les propositions de la convention citoyenne.
Je puis entendre bien des choses. Ce texte est améliorable, mais l’abrogation ou la suspension de ses dispositions reviendrait à nier la réalité d’une érosion de la biodiversité qui, à terme, menace aussi la qualité de vie dans les espaces que l’on prétend défendre.
Je veux donc croire que, parce que vous pensez sincèrement qu’il faut permettre à nos territoires de continuer à se développer, vous soutenez davantage ces amendements pour animer ce début de discussion que pour véritablement obtenir l’abrogation desdites dispositions.
L’avis du Gouvernement est donc évidemment défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le rapporteur, si l’on avait interrogé les maires sur une possibilité d’abrogation en vue de réécrire une loi dans de meilleures conditions, je ne suis pas certaine qu’ils ne l’auraient pas demandée ! Ils y ont même sans doute pensé. Mais on ne leur a pas proposé d’abroger ces dispositions, qui sont totalement illisibles.
Par ailleurs, monsieur le ministre, l’élaboration du Sraddet à l’échelle régionale a pour effet, vous le comprenez bien, que l’Orne est défavorisée par rapport à Cherbourg ou Le Havre quand il s’agit d’obtenir des superficies constructibles.
Je maintiens donc cet amendement. Selon moi, il est préférable de légiférer sur un texte nouveau, qui prendrait mieux en considération les problèmes des territoires les plus ruraux et qui garantirait l’équilibre, plutôt que de poser des rustines.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.
M. Fabien Genet. Il est important, à l’entame de l’examen de ce texte, de relayer la voix des territoires. À défaut, on pourrait croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, alors que tel n’est pas le cas.
En effet, il faut le répéter, cette véritable révolution des esprits que constitue le ZAN suscite de nombreux doutes et même de l’inquiétude. Nous sommes tous interpellés par les élus locaux.
En Saône-et-Loire, nombreux sont ceux qui me demandent comment l’on peut au Sénat, la même semaine, tenir un colloque sur la simplification administrative et ne pas mettre celle-ci en pratique en supprimant le ZAN… Il s’agit en effet d’une usine à gaz dont les effets se font déjà sentir sur le terrain, notamment lorsque nous préparons des PLUi.
D’autres élus, monsieur le ministre, se demandent pourquoi ne pas faire le pari de la liberté locale et de l’esprit de responsabilité des élus territoriaux.
S’il convient d’inscrire dans la loi la nécessité de faire preuve de sobriété foncière et de limiter l’artificialisation, il n’est nul besoin pour cela de passer par ce corset rigide, susceptible d’être appliqué avec brutalité en vertu d’un certain centralisme régional, qui pourrait s’exercer sous l’influence des territoires les plus riches, dynamiques et peuplés, au détriment des territoires en déclin ou ruraux.
Par exemple, Anne-Catherine Loisier et moi-même l’avons constaté, dans notre région, les premières discussions font apparaître que la métropole dijonnaise capte des pourcentages plus élevés que les territoires ruraux. Les préoccupations sont donc fondées.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il a raison !
M. Fabien Genet. Naturellement, la grandeur du Sénat nous invite à trouver des compromis. Au-delà des messages que nous pouvons faire passer, il faut bien sûr apporter des solutions : c’est ce que Jean-Baptiste Blanc et la commission ont recherché.
Toutefois, il me semblait important, au travers de ces amendements, de relayer ces inquiétudes, qui sont bien réelles.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je ne voterai pas ces amendements, car ils tendent à supprimer des dispositions très fortes de la loi. D’autres amendements nous permettront de défendre pleinement nos territoires ruraux, ce qui est d’ailleurs l’objet même de cette proposition de loi, ou tout du moins d’une grande partie des dispositions qu’elle comporte.
Toutefois, monsieur le ministre, je vous prie de ne pas nous opposer, tout au long du débat, le fait que le Sénat a voté la loi Climat et résilience, car le vote d’un texte est un tout. Cela ne signifie pas que nous n’ayons pas eu des désaccords profonds avec certaines dispositions de cette loi. L’objet même de notre travail de cette après-midi est d’ailleurs de corriger celles-ci, d’autant plus que le Gouvernement en a fait un usage abusif, notamment en renforçant les pouvoirs de la région.
Nous ne considérons pas que la région est une collectivité pertinente pour régir la planification urbaine. La loi de décentralisation de 1982 a confié cette compétence aux communes et aux maires, et nous voulons nous en tenir au respect des libertés locales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet et M. Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, vous ne me convaincrez certainement pas en me demandant de faire confiance à la région pour organiser le territoire de mon secteur rural – je parle bien de ma région, que je connais bien, et non des autres.
La Haute-Saône est un petit département de 230 000 habitants, qui ne compte pas le moindre kilomètre d’autoroute, mais qui accueille plusieurs entreprises ultraperformantes et exportatrices. Notre participation à la balance commerciale nationale est positive de 425 millions d’euros par an – ce n’est pas si mal pour un petit département rural !
Toutefois, si vous nous déniez la possibilité de donner 200 ou 300 mètres carrés à ces entreprises pour qu’elles se développent, quel avenir un territoire comme le nôtre peut-il avoir ?
Par ailleurs, je ne vous fais pas confiance – pas à vous, personnellement, monsieur le ministre, mais à votre administration –, car les décrets ne correspondent pas toujours aux textes que nous votons. (Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Gérard Longuet acquiescent.) Sur les ZAN, nous avons été obligés de nous adresser au Conseil constitutionnel. Et comme on dit chez nous, « chat échaudé… » – vous connaissez la suite !
Il faut véritablement mettre un coup d’arrêt aux contraintes pesant sur nos territoires qui sont sans doute les plus dynamiques. Aussi, quand vous nous dites qu’il faut contraindre les grands secteurs urbains, je le comprends, mais je ne veux de contrainte pour personne. N’opposons pas le monde rural au secteur urbain, car nous avons besoin de tout le monde.
Monsieur le ministre, proposez-nous un texte équitable, crédible et applicable. Et examinez bien les décrets qui suivront le vote de cette loi avant de les signer ! Car nous n’y retrouvons pas ce que nous votons dans cet hémicycle.
Nous sommes plusieurs à vouloir simplement supprimer ces dispositions, mais, par respect pour le travail de la commission spéciale – bravo, madame la présidente et monsieur le rapporteur ! –, je veux croire que nous aboutirons à des mesures équitables pour nos territoires et pour l’avenir de notre pays, qui a besoin d’une osmose entre la ruralité et les territoires urbains.
Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 230 rectifié est retiré.
La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Je préciserai ou compléterai les propos de Philipe Bas. En effet, des communes, intercommunalités ou départements craignent une forme de mise en concurrence.
Par exemple, dans la région des Hauts-de-France, sur les 400 000 hectares consommés, 100 000 le sont pour le foncier économique. Lorsque l’on rapporte la surface définie dans le Sraddet à la population, il y a de quoi s’inquiéter, même si je sais que le président de la région est attentif à l’équilibre territorial.
Je vous rappelle que, selon la loi NOTRe, les départements ont la responsabilité de la solidarité sociale et de la solidarité territoriale, afin que chaque territoire puisse se développer et améliorer son attractivité. Je ne suis pas certain qu’en déléguant cette compétence aux conseils régionaux au travers des Sraddet, les départements et l’ensemble des intercommunalités puissent se développer comme ils le souhaitent. (M. François Bonhomme applaudit.)