Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cinquante ans, nous avons davantage artificialisé dans notre pays qu’en cinq cents ans. Concrètement, entre 20 000 et 30 000 hectares sont artificialisés chaque année en France.
L’artificialisation augmente quasiment quatre fois plus vite que la population, ce qui a des répercussions directes sur la qualité de vie de nos concitoyens, mais aussi sur l’environnement. Ce phénomène est préjudiciable à la biodiversité et au climat.
Parmi les vices de l’artificialisation des sols, on rappellera, par exemple, qu’un sol artificialisé n’absorbe plus ni le CO2 ni l’eau de pluie. Le danger est réel : en cas de fortes intempéries, les phénomènes de ruissellement et d’inondation sont amplifiés. Les nappes phréatiques se renouvellent plus difficilement du fait de cette imperméabilisation des sols, et les fortes pluies emportent tout sur leur passage.
Il nous faut également veiller au développement durable de notre agriculture et à notre souveraineté alimentaire. Nous défendons tous le développement d’une agriculture nationale, garante de notre indépendance alimentaire. Pour cela, il faut agir !
Voté dans le cadre du projet de loi Climat et résilience et traduisant la feuille de route européenne, l’objectif du zéro artificialisation nette est ambitieux et à la mesure de l’urgence.
Pour l’atteindre, la réduction de moitié du rythme de la consommation d’espaces dans les dix prochaines années nous paraît une mesure de bon sens. Mais elle doit se faire dans la concertation, avec pragmatisme, souplesse et en lien direct avec les élus de nos territoires. Tel est l’objet de cette proposition de loi sénatoriale, fruit de consultations et de travaux expertisés par notre assemblée depuis la promulgation de la loi Climat et résilience.
La présente proposition de loi permet de prendre en compte un certain nombre d’évolutions et les préoccupations des élus locaux. Car, je vous rejoins en cela, mes chers collègues : quand il s’agit de légiférer, il faut trouver la juste mesure, afin de ne pas imposer à quiconque un effort qu’il ne serait pas en mesure d’atteindre.
Je tiens tout de même à rappeler que la loi Climat et résilience avait fait l’objet d’un important accord en commission mixte paritaire. Et je n’oublie pas que ceux qui appellent aujourd’hui à revenir sur le compromis trouvé dans ladite loi se réjouissaient, hier, d’avoir abouti à une rédaction équilibrée…
En cela, le ZAN représente toute la complexité du défi de la transition écologique. Tout le monde s’accorde sur le constat et la nécessité d’agir, mais personne ou presque sur les moyens d’y parvenir. La clé réside dans la juste mesure des objectifs que nous nous fixons et dans une gouvernance suffisamment souple et proche du terrain pour accompagner le changement et ajuster les efforts aux moyens de chacun, sans pour autant perdre le cap !
Je le dis ici avec force, il nous faut modifier la proposition de loi sur le ZAN. Nous avons entendu les inquiétudes des élus locaux au cours des auditions que nous avons menées au sein de la mission de contrôle. Lors de son audition, M. le ministre a également rejoint notre volonté d’agir, faisant d’ailleurs la part belle à notre travail sénatorial.
Mon groupe, le RDPI, partage un grand nombre des préconisations de ce texte. Nous avons toutefois quelques interrogations sur l’article 7 relatif à la garantie rurale.
Favorables au principe d’une garantie rurale, nous restons toutefois dubitatifs quant à l’attribution, de manière arbitraire, d’un hectare à toutes les communes sans prendre en compte les réalités locales.
C’est une bien curieuse manière de répartir l’effort au plus près des territoires ! Je le vois bien chez moi, dans la Drôme, que ce soit pour la commune de Rochefourchat, qui compte un seul habitant, celle de La Bâtie-des-Fonds, qui en compte deux, ou bien ma commune de cinquante habitants, Lesches-en-Diois. À quoi rimerait donc une telle proposition ?
En l’état, nous sommes donc globalement favorables à une grande partie des mesures visant à répondre aux interrogations des maires. Je pense, par exemple, à la prise en compte des projets d’envergure nationale, qui seraient décomptés des autres projets. N’oublions pas, d’ailleurs, que les délais fixés dans la loi Climat et résilience ont déjà commencé à courir depuis deux ans.
Je rappelle également que nous considérons comme essentiel de disposer d’un document d’urbanisme contraignant. Il doit subsister un lien de comptabilité entre le Sraddet et le Scot : c’est nécessaire si nous voulons respecter nos objectifs de réduction de l’artificialisation.
Mes chers collègues, attention à ne pas perdre de vue notre cap et à ne pas abandonner aujourd’hui nos préoccupations d’hier. Je partage l’esprit et l’ambition de cette proposition de loi, mais je m’étonne des propositions de certains de nos collègues, qui reviendraient à balayer purement et simplement nos engagements.
Je me souviens de ce que l’un de vous déclarait à ce sujet lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience : « Oui, il y a des impacts ! Oui, il y a des résistances ! Oui, il y a des enjeux économiques et sociaux ! Oui, il y a des adaptations complexes ! Mais c’est un mal nécessaire, une dette que nous détenons envers les générations futures. » Que diriez-vous aujourd’hui ?
Une autre de nos collègues nous reprochait au contraire des « renoncements », nous accusant de « briser les promesses et de ne pas nous donner les moyens de répondre à la feuille de route initiale ».
Un autre, enfin, affirmait : « L’examen sénatorial de la loi Climat et résilience devait avoir une seule finalité : le rehaussement de son ambition. »
Attention donc à ne pas balayer d’un revers de main ces belles déclarations et à procéder aux ajustements nécessaires sans perdre de vue l’ambition initiale.
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons les mesures d’adaptation des objectifs du ZAN aux réalités territoriales et les assouplissements bienvenus au service des élus locaux. Mais nous resterons vigilants quant au respect des grands objectifs que je viens de rappeler.
Notre groupe ajustera son vote en fonction du sort des amendements discutés en séance et des évolutions du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Daniel Breuiller applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de la déclinaison de l’objectif du zéro artificialisation nette dans les territoires est sans doute le sujet qui, depuis la promulgation de la loi Climat et Résilience, constitue la principale préoccupation de nos élus, quels que soient leur département et leur sensibilité politique.
Leur inquiétude a trait aux quatre points suivants.
Premièrement, quels sont les outils pour freiner les projets très consommateurs d’espace et respecter le calendrier imposé ?
Deuxièmement, comment répartir l’effort de réduction de l’artificialisation d’un territoire à l’autre ?
Troisièmement, comment associer les collectivités du bloc communal aux décisions structurantes qui seront prises à l’échelle régionale ?
Quatrièmement, quelle place auront les grands projets d’avenir dans le modèle du ZAN ?
En résumé, comment réussir à articuler des objectifs légitimes de sobriété foncière avec le développement des territoires ?
Les zones plus rurales craignent en effet de devenir la « variable d’ajustement » des zones plus attractives et d’être empêchées dans leurs projets de développement. Sobriété et développement peuvent apparaître comme une injonction paradoxale.
À cet égard, je tiens à souligner que le groupe socialiste n’a jamais remis en cause l’objectif du ZAN, comme d’ailleurs la plupart des maires et des élus. En témoignent les résultats de l’enquête qui avait été conduite par la commission des affaires économiques.
Pour autant, il faut entendre les craintes des élus, et nous estimons que la différenciation locale demeure, en l’espèce, un enjeu essentiel. Pour y répondre, nous demandons simplement au Gouvernement de la lisibilité, une concertation ascendante, une égalité de traitement entre les territoires, une implication de l’État pour les grands projets d’intérêt général et des moyens d’accompagnement.
En réalité, nous suivons attentivement cette question depuis les travaux préparatoires du projet de loi Climat et résilience, il y a deux ans.
Au mois de mai 2021, un groupe de travail spécifiquement consacré à ce texte avait été créé sur l’initiative de la commission des affaires économiques. À partir de la trentaine d’auditions menées auprès d’acteurs de l’aménagement du territoire, notre rapport avait posé trois principes permettant d’articuler une politique ambitieuse de lutte contre l’artificialisation : territorialiser, articuler et accompagner.
La conclusion de ce rapport n’a pas été suivie d’effet, pas plus que les réserves formulées par les acteurs locaux. Il nous faut donc rappeler que ce sont les deux décrets d’application publiés au printemps de 2022 qui ont contribué à la levée de boucliers des élus locaux contre l’objectif du ZAN.
Le Sénat y a répondu en proposant dans un premier temps une consultation en ligne des élus locaux. Le constat qui en fut tiré était simple : le cadre du ZAN est perfectible ; il doit être précisé et complété.
Pour ce faire, la mission conjointe de contrôle créée en septembre 2022, sur l’initiative de quatre commissions permanentes du Sénat, a réalisé un cycle d’auditions qui ont débouché sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Celle-ci contient 13 articles, articulés autour de quatre axes : le dialogue territorial et la gouvernance ; l’accompagnement des projets structurants de demain ; la prise en compte des spécificités des territoires ; la préparation de la transition vers le ZAN.
Les sénateurs socialistes ont proposé plusieurs enrichissements essentiels, qui ont été retenus par la commission.
Première avancée : le maintien de l’objectif de sobriété foncière, tel qu’il avait été adopté dans la loi Climat et résilience. L’article 4 prévoit désormais que l’artificialisation des sols résultant des projets d’intérêt national fasse l’objet d’une comptabilisation séparée et d’une trajectoire spécifique d’atteinte des objectifs du ZAN, placée sous la responsabilité de l’État.
Un rapport du Gouvernement présentera, tous les trois ans, l’état d’avancement des projets, et surtout les actions de réduction du rythme de cette artificialisation que l’État entend mettre en œuvre pour respecter ses propres engagements : utilisation des friches lui appartenant ; financement ou actions de renaturation. Nous avons aussi obtenu une comptabilisation séparée de l’artificialisation des projets d’envergure régionale au sein du Sraddet.
Seconde avancée : la réappropriation des friches, qui sont autant de terrains disponibles pouvant être réinvestis ou renaturés.
Compte tenu de l’importance des enjeux de territorialisation et de mutualisation, les territoires pourront désormais bénéficier, en toute transparence, d’un état exhaustif et documenté du stock disponible, des détails sur la localisation des terrains par département, sur leur nature et leur statut juridique, ainsi que d’une estimation des coûts des opérations de renaturation.
Lors de l’examen du texte en séance publique, nous souhaitons formuler des propositions sur la réhabilitation du bâti existant, car celle-ci répond, à la fois, aux objectifs du ZAN et aux besoins de logements ou de nouvelles activités dans les territoires ruraux. Un amendement visera à prévoir des dispositions spécifiques pour les bâtiments agricoles.
De même, nous proposerons un amendement tendant à insérer un article additionnel en vue de pondérer l’artificialisation issue de projets de construction ou d’aménagement pour des opérations destinées à la réalisation de programmes comportant majoritairement des logements sociaux.
Monsieur le ministre, quelques points devront être résolus durant nos débats : les modalités de mise en œuvre de la garantie rurale ; le choix entre rapport de compatibilité et rapport de prise en compte pour les règles du fascicule du Sraddet ; enfin, dans une moindre mesure, la qualification des pelouses et jardins en terrains artificialisés ou non.
Il nous faudra alors aborder la nécessaire suite qui s’imposera après le vote de cette loi, à savoir les questions de la fiscalité et du financement, qui sont, comme toujours, les sujets qui fâchent le plus.
Je salue, monsieur le ministre, votre volonté de laisser au Sénat la primauté des améliorations à apporter pour une application raisonnée du ZAN.
Cette question concerne évidemment en premier lieu les territoires et leurs élus. J’espère donc que nos débats et la commission mixte paritaire qui suivra seront rapidement conclusifs ! Nous aurons obtenu l’essentiel : que nos maires disposent enfin de clés d’application pour tenir cet objectif. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Michel Dagbert applaudit également.)
Mme Sonia de La Provôté. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer le travail réalisé sur cette proposition de loi par Mme la présidente Valérie Létard, M. le rapporteur et les membres de la commission spéciale, qui ont surtout cherché à rendre le fameux ZAN acceptable par tous les territoires.
Cette proposition de loi porte l’équité au-delà des dogmatismes, avec réalisme et pragmatisme.
Si la sobriété foncière est un objectif nécessaire pour affronter le défi de l’urgence climatique, sa mise en œuvre nécessite un travail sur le terrain, où la voix de chaque territoire doit être entendue et chaque discussion rendue possible, comme résultat de la prise en compte des solidarités territoriales.
Cette proposition de loi favorise donc le dialogue territorial renforçant la gouvernance décentralisée. Elle accompagne les projets structurants de demain, prend mieux en compte les spécificités des territoires et prévoit des outils techniques et réglementaires facilitateurs.
L’équité par la solidarité territoriale, consentie et discutée entre tous, c’est la clé de la réussite de l’objectif de sobriété foncière.
Dans l’article de la loi Climat et résilience portant sur le ZAN reviennent souvent les termes « décliner » et « déclinaison » : la logique est bien centralisée et descendante.
Les élus de terrain que nous sommes ou que nous avons été savent, comme le savent ceux au nom desquels nous nous exprimons, que ce que la loi décline, l’État l’impose. Les quelques décrets, déjà trop vite parus, en sont la parfaite illustration.
Or l’application du ZAN à l’ensemble du territoire et des politiques publiques conduit les élus locaux à subir des injonctions contradictoires permanentes.
En plus du ZAN, il faut garantir l’accès aux services publics et parapublics essentiels, assurer notre souveraineté industrielle, alimentaire et sanitaire, obéir aux obligations en matière de logement social, permettre le maintien des espaces publics et le développement indispensable à la qualité de vie, ou encore, par exemple, favoriser la biodiversité au travers des trames vertes…
Chacun de ces objectifs traîne son cortège de normes et de contraintes, toutes prioritaires. Il devient impossible d’y répondre systématiquement.
Face à la technicité de ces injonctions contradictoires et à la multiplicité des acteurs, les élus locaux ne peuvent qu’être désemparés. Il est donc urgent de leur donner les voies et moyens qui aident à l’arbitrage et au choix et qui simplifient leur tâche.
Ainsi l’objectif de nos travaux et des amendements que portera le groupe Union Centriste est-il de permettre que la mise en œuvre du ZAN se fasse par un consensus territorial, garant d’équité et d’équilibre entre zones rurales et urbaines.
Pour cela, la proposition de loi favorise tout d’abord le dialogue territorial autour du ZAN et renforce l’association des collectivités, qui décident ensemble et échangent avec l’État sur les objectifs.
Pour cela aussi, la proposition de loi répartit les consommations foncières en fonction des responsabilités et de la réalité des besoins.
Pour cela encore, la proposition de loi prend mieux en compte les spécificités territoriales, notamment les territoires ruraux, les territoires qui sont frappés par l’érosion côtière ou les zones montagneuses. Car le ZAN, ici, est aussi et surtout une affaire de différenciation.
Pour cela également, la proposition de loi vise à prévoir les outils locaux à la main des collectivités pour faciliter la transition vers le ZAN. Notre groupe proposera ainsi de consolider la chaîne maillée de l’ingénierie territoriale sur la sobriété foncière, en renforçant les outils opérationnels d’observation, de mesure et de planification, ainsi que de gestion foncière.
Mme Françoise Gatel. Ah !
Mme Sonia de La Provôté. Pour cela, enfin, la proposition de loi insiste sur les besoins en matière de maîtrise et de requalification des friches, qui constituent une véritable décennie gratuite d’artificialisation dans le compte du ZAN, mais qui sont terriblement coûteuses et complexes à utiliser.
Vous l’avez compris, monsieur le ministre, cette proposition de loi prévoit la mise en œuvre plus démocratique, concertée partout et par tous, d’un objectif, certes louable, mais qui s’impose et qui, en l’état, oppose et divise. En effet, le ZAN ne doit pas aggraver les fractures territoriales déjà si présentes dans notre pays, terreau des refus et des colères.
Le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, en attendant un second volet qui portera sur les outils fiscaux et financiers du ZAN. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Guillaume Chevrollier et Bruno Sido applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à saluer le travail remarquable de la présidente et du rapporteur de la commission spéciale, Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc, ainsi que l’écoute attentive de M. le ministre.
Il me paraît important de mettre en exergue quelques chiffres : 80 % des communes rurales connaissent une croissance démographique ; 22 millions de Français, soit un habitant sur trois, vivent dans les communes rurales ; 2 millions de néoruraux se sont installés dans des communes de moins de 2 000 habitants ces vingt dernières années.
Les zones rurales accueillent ainsi plus de 100 000 habitants par an. C’est dire l’importance pour nos communes rurales de disposer de surfaces disponibles pour accueillir ces habitants.
Sans remettre en cause la légitimité de la loi Climat et résilience, il convient de rappeler que son application sur le terrain est très contestée, vous le savez, notamment pour ce qui concerne le ZAN. Ce n’est pas la « zanitude » chez les élus ruraux… (Sourires.)
Mes chers collègues, ne lâchons pas le légitime combat pour nos communes. Battons-nous pour une ruralité vivante ! La mise en œuvre du ZAN implique un calendrier qui doit laisser du temps à la concertation et à la discussion entre les différentes collectivités locales.
J’ai eu le plaisir de participer aux nombreuses auditions menées par la mission ZAN depuis septembre 2022. Elles ont révélé que la réflexion devait s’organiser dans une démarche ascendante, de la commune vers le national, et non l’inverse. Ce sont les besoins et la volonté des élus du terrain, des maires, de la plus petite commune à la plus grande, qui doivent primer et être pris en considération.
Il est donc primordial d’avoir une gouvernance décentralisée pour piloter le ZAN.
C’est la condition essentielle pour une acceptabilité du ZAN à l’échelle locale, pour une ruralité vivante qui tienne compte des spécificités des territoires ruraux et de montagne dans la territorialisation des objectifs du ZAN et qui s’assure qu’aucune commune ne sera sacrifiée sur l’autel du ZAN, surtout les communes rurales ayant consommé peu de foncier par le passé.
Mes chers collègues, battons-nous aussi pour un droit au projet et au développement !
Sortir les grands projets nationaux de l’enveloppe du ZAN est une impérieuse nécessité. Le développement des entreprises renouvelables doit également être comptabilisé hors ZAN. Nous ne pouvons favoriser et imposer dans la loi le développement des entreprises photovoltaïques, la géothermie, voire l’éolien, et par ailleurs pénaliser les collectivités au travers de leurs droits à urbaniser : ce serait pour elles la double peine.
Que l’État s’applique à lui-même ce qu’il veut imposer à nos communes !
Il en est de même pour les projets d’envergure régionale et départementale. Les petites communes rurales et de montagne n’ont pas à subir les projets de développement très consommateurs de foncier, au détriment de leurs projets communaux. Il est impératif de trouver un équilibre entre la volonté de développement des territoires et la préservation des impératifs environnementaux.
Les communes rurales ont aussi le droit d’avoir des projets et de les développer, pour assurer le renouvellement de leur population et le maintien des services publics.
Si, demain, le maire d’une commune de 300, 500 ou 1 000 habitants ne peut plus attribuer de permis de construire, alors c’est la fin de la vie de nos territoires et la fin de leur développement !
M. Bruno Sido. Exact !
M. Jean-Marc Boyer. Nous connaissons tous dans nos territoires des refus d’autorisation d’urbanisme ou de permis de construire pour discontinuité de l’habitat bâti, séparation d’une parcelle par une voie communale ou encore incompatibilité avec une activité agricole.
Tous ces arguments et ces normes s’opposent aux porteurs de projets, mais aussi aux maires.
Mes chers collègues, battons-nous pour la liberté d’agir des maires ! Afin de la préserver, je défends la proposition selon laquelle une surface minimale de développement ne saurait être inférieure à un hectare. Cette garantie rurale est essentielle pour donner aux maires une marge d’action, quand on sait qu’une commune sur deux compte moins de 500 habitants.
Après la marche forcée de la loi NOTRe, les maires ruraux se sentent déshabillés de leur mission et de leur capacité d’action. Le ZAN ne doit pas amplifier ce découragement, mais au contraire renforcer le rôle des petites communes et valoriser l’action du maire. En ce sens, ce dernier doit rester le seul décideur des permis de construire sur sa commune. Cela paraît évident, mais cela va mieux en le disant.
Monsieur le ministre, nous savons compter sur votre écoute des territoires. Le ZAN ne sera une réussite que si ces trois volontés sont affichées : pour une ruralité vivante, pour un droit au projet et pour la liberté d’agir du maire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Christian Bilhac et Philippe Folliot applaudissent également.)
M. Philippe Bas. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Frédérique Espagnac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, équité, efficacité et apaisement : c’est par ce triptyque que l’on peut résumer l’esprit qui a guidé nos travaux jusqu’au texte que nous examinons aujourd’hui, fruit d’un travail sénatorial transpartisan que je tiens à saluer.
Équité, parce que la lutte contre l’artificialisation des sols concerne le pays tout entier, dans la diversité de nos départements, et parce que la conciliation entre la sobriété foncière et le développement territorial est un enjeu collectif. Il convient donc que l’effort à mener soit également réparti sur l’ensemble du territoire, sans discrimination ni désavantage.
Cela signifie, par exemple, reconnaître les réductions déjà engagées par les collectivités dans le cadre des objectifs précédemment fixés. Ce texte contient des propositions dans ce sens.
Efficacité, car la demande principale des élus et des collectivités, dont nous sommes ici les porte-voix, est d’être bien informés pour pouvoir bien avancer. Les élus comprendront d’autant mieux l’objectif du ZAN qu’ils y seront réellement associés et qu’un temps suffisant leur sera accordé pour s’approprier sa mise en place et modifier les documents d’urbanisme.
En l’espèce, les chiffres sont clairs : les trois quarts des élus interrogés en juillet 2022 admettaient être insuffisamment informés sur le ZAN. Laisser un an de plus au dialogue territorial, c’est l’assurance d’une plus juste compréhension, d’une plus juste appropriation et donc d’une meilleure application du dispositif.
Pour cela, il faut des outils précis et maniables. Je citerai pêle-mêle la conférence régionale de gouvernance, le droit de proposition des communes et EPCI pour la mutualisation de projets, le droit de préemption ou encore l’obtention de données fiables sur l’artificialisation.
Je pense aussi à l’inclusion, dans la liste des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur, de ceux qui relèvent d’une concession de service public, notamment de l’État.
Apaisement, enfin, pour que l’acceptabilité de la lutte contre l’artificialisation par l’ensemble des acteurs locaux soit la plus large possible. En cela, la logique décentralisatrice qui traverse le texte est un marqueur important, de même que la prise en considération des spécificités des territoires.
À ce titre, je voudrais brièvement insister sur trois enjeux : la garantie rurale, les spécificités des zones de montagne et littorales et la situation des exploitations agricoles.
Les discussions engagées depuis plusieurs mois ont permis d’aboutir à la création d’une garantie rurale offrant aux petites communes des perspectives de développement.
Assurer à chaque commune une surface minimale de développement d’un hectare est une réponse concrète aux besoins des élus d’y voir plus clair dans l’effort de réduction de l’artificialisation des sols.
Cette garantie est particulièrement nécessaire pour les communes rurales qui s’appuient sur le règlement national d’urbanisme ou sur leur carte communale. Elle est une condition essentielle pour leur avenir, pour y maintenir nos jeunes ou les attirer pour préserver notamment nos écoles.
Ainsi, priver de la garantie rurale les communes hors règlement national d’urbanisme (RNU), comme vous le proposez, monsieur le ministre, reviendrait notamment à exclure 821 communes de montagne de ce dispositif.
C’est intenable et ce serait une répartition territoriale inéquitable, alors que j’évoquais justement l’équité comme principe fondateur de ce texte.
Nous ne voulons pas vivre dans des réserves, monsieur le ministre ! À ce sujet, il me paraît nécessaire de faire encore plus pour les communes de montagne, en tenant compte de leur singularité pour assurer leur développement.
Outre la surface minimale de développement communal, je pense aux pistes de ski notamment, dont le décompte comme espaces artificialisés semble inadéquat.
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
Mme Frédérique Espagnac. Je terminerai en évoquant la situation des exploitations agricoles.
Nous souhaitons que le changement de destination des bâtiments agricoles sans création de surface nouvelle ne soit pas considéré comme une nouvelle artificialisation. L’objectif est bien de favoriser la réhabilitation du bâti existant pour répondre à des besoins de logement ou pour de nouvelles activités dans les territoires ruraux.
Par ailleurs, il est essentiel qu’une surface occupée par les constructions, installations et aménagements nécessaires à une exploitation agricole ne soit pas comptabilisée dans la surface artificialisée.
Les enjeux du changement climatique, du bien-être animal et de l’attractivité de la profession impliquent que de nouvelles structures puissent voir le jour sans que cette mesure pénalise nos agriculteurs.
Équité, efficacité, apaisement : je souhaite que nous poursuivions nos débats dans cet élan, au service de nos communes et de leurs élus, qui attendent de nous un esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Jean-Michel Arnaud et Alain Joyandet applaudissent également.)