M. le président. Il faut conclure !
M. Fabien Gay. Le but est que plus personne n’ait droit à un départ anticipé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Émilienne Poumirol, Angèle Préville et Raymonde Poncet Monge applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous allons évidemment voter cet amendement. J’avoue que l’expression « deuxième ligne » me choque un peu, mais peut-être ne suis-je pas assez moderne. Il y a des métiers et des professions, que je me fais un point d’honneur à respecter, comme les auteurs de l’amendement nous y invitent tous. Monsieur le ministre, vous avez supprimé les critères de pénibilité (M. le ministre manifeste de l’exaspération.) C’est de votre responsabilité, tout le monde le sait ici.
La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail nous dit que tous les métiers cités dans l’amendement – conducteurs de véhicules, agents d’entretien, agents de gardiennage et de sécurité, bouchers, charcutiers, maraîchers, ouvriers non qualifiés, etc. – sont ceux qui subissent le plus d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
Mes chers collègues, nous nous apprêtons à les mettre deux années de plus au travail et nous ne serions pas capables de voter des mesures pour poser les bases d’une négociation collective ? Franchement, je ressens un sentiment d’injustice. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Hier après-midi, notre collègue Henri Cabanel évoquait les problèmes d’attractivité de certains métiers. Il remarquait fort justement que certains métiers ne bénéficieraient pas forcément des mesures que nous discutions.
À la faveur de cet amendement, nous voyons que des travailleurs exerçant des métiers essentiels, importants, sont en grande souffrance. Parmi eux, il y a notamment les agriculteurs, une population qui connaît malheureusement un fort taux de suicide. Nous en avons parlé ici même. Pourtant, nous avons besoin d’eux, car nous sommes de plus en plus préoccupés par la qualité de notre alimentation.
Il importe que nous puissions poser les vrais problèmes. On peut parler de capitalisation, mais regardons le niveau des revenus des agriculteurs, qui diminue régulièrement à cause de la pression sur les prix des produits alimentaires exercée par des entreprises qui réalisent par ailleurs des superprofits.
Attardons-nous sur le scandale de la chlordécone, et les non-lieux prononcés, ou sur les problèmes liés aux néonicotinoïdes, que nous avons ici même réintroduits voilà peu de temps, sans penser à la santé de nos agriculteurs.
Intéressons-nous à l’attractivité des métiers pour les jeunes. Comment voulez-vous qu’ils puissent souhaiter travailler dans les mêmes conditions que leurs parents ou leurs grands-parents, qui ont de petites retraites, et qui ne réussissent même pas à les nourrir, à les aider, à les encourager ? Même quand ils suivent avec succès des études supérieures, ils sont au chômage dans certains territoires comme le mien.
Nous devons aujourd’hui mettre à plat un certain nombre de choses. Le présent amendement nous permet de réfléchir différemment, mais nous devons aussi reconnaître nos propres erreurs, ici même, sur ces travées, dans les deux ou trois années qui viennent de s’écouler.
Pour conclure, je vous rappelle les travaux de la mission d’information du Sénat sur la santé mentale, dont j’ai été l’un des rapporteurs. Mes chers collègues, posons-nous les vraies questions !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Les métiers énumérés dans l’amendement sont des métiers que l’on connaît lorsqu’on s’intéresse à la santé au travail : conducteurs de véhicules, caissiers, employés de libre-service, ouvriers qualifiés de la manutention, ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment, ouvriers non qualifiés de la manutention, etc. Dans tous ces métiers ont été identifiés des troubles musculo-squelettiques (TMS). Pourtant, ils n’y sont pas reconnus comme critères de pénibilité. Je ne reviens pas sur leur histoire depuis 2017, car tout le monde la connaît.
L’amendement de Mme Poncet Monge vise à prendre en compte les troubles de santé spécifiques de ces métiers. Au-delà, monsieur le ministre, avez-vous pensé aux transferts de charges de l’assurance vieillesse vers l’assurance maladie qu’allait provoquer votre réforme ? Je m’explique. La pénibilité n’est pas qu’un concept : elle répond aussi à des indicateurs très précis. Je vais en prendre deux, à savoir l’invalidité et les décès. Chez les salariés âgés de 50 à 59 ans, la durée moyenne des arrêts pour accident du travail est plus élevée – 86,9 jours par accident du travail, contre 79 jours pour les 40-49 ans.
La durée moyenne d’un arrêt maladie est de 35 jours pour l’ensemble des salariés, contre 75 jours pour les salariés de plus de 60 ans. Par ailleurs, 58 % des décès liés à un accident du travail concernent des personnes de plus de 50 ans. Outre leur dimension choquante, ces chiffres montrent incontestablement qu’il y aura avec votre réforme un transfert de charges de l’assurance vieillesse vers l’assurance maladie.
C’est pour cette raison que nous voterons l’amendement de Mme Poncet Monge.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Je veux d’abord rappeler que l’amendement n° 3167 de ma collègue Poncet Monge, qui concernait les salariés de première ligne, a été frappé d’irrecevabilité.
Quand on s’intéresse à ces travailleurs, pour qui l’allongement de la durée de travail aura les conséquences les plus lourdes, on ne peut que voter cet amendement.
Le COR évalue à un milliard d’euros les coûts de transfert en direction de l’assurance maladie liés à cet allongement de la durée de travail pour ces métiers les plus pénibles. Je voudrais aussi rappeler au passage que 20 % des ouvriers meurent avant de bénéficier de leur retraite.
Pourtant, ces métiers se sont vu refuser l’application de critères de pénibilité. Nous devons aujourd’hui reconnaître qu’ils ont besoin d’un accompagnement spécifique, sous peine de manquer à notre mission de justice sociale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Nous aurons l’occasion, à l’article 9, de revenir sur la manière de mettre en place des critères dits ergonomiques pour améliorer la prévention des TMS au moyen d’un suivi médical renforcé et, si nécessaire, prévoir un départ anticipé. Soyez assurés de notre souci de prendre en compte ces problèmes, à l’origine de la plupart des inaptitudes constatées.
Au-delà, je souhaite répondre plus précisément à Mme Rossignol.
Vous vous inquiétez, madame, des effets de déport de dépenses de la branche vieillesse vers d’autres branches, qui seraient, selon vous, des coûts cachés de notre réforme. Il ne vous a sûrement pas échappé, mais nous y reviendrons, je pense, à l’article 7, que nous maintenons l’intégralité des âges de départ anticipé : à 50 ans pour les travailleurs exposés à l’amiante ; à 55 ans pour les travailleurs en situation de handicap ; à 62 ans à taux plein pour l’invalidité. En maintenant à l’identique des bornes d’âge anticipé, alors que chaque réforme des retraites ayant amené un relèvement de l’âge d’ouverture des droits s’était traduite par un relèvement à due proportion de ces mêmes bornes d’âge, nous évitons ces effets de report d’une branche sur l’autre.
Ensuite, sur les accidents du travail, vous avez évoqué l’accidentologie des travailleurs les plus âgés. Derrière chaque cas, il y a un drame, donc il faut toujours être prudent lorsque l’on s’exprime sur ces sujets.
Je veux surtout apporter une précision sur les accidents graves et mortels. Si l’on neutralise statistiquement les accidents du travail qui, depuis une jurisprudence de la Cour de cassation de 2019, relèvent de malaises au travail, l’accidentologie des travailleurs seniors est inférieure à celle des travailleurs les plus jeunes. Cependant, avec la jurisprudence susmentionnée, nous sommes tenus d’intégrer les malaises au titre des accidents du travail graves ou mortels, ce qui entraîne une augmentation de l’accidentologie des seniors.
Si l’on s’en tient aux accidents du travail mortels ou graves, c’est-à-dire entraînant une incapacité permanente, les victimes sont plutôt jeunes ou, et c’est la seule exception à ce principe d’âge, de nouveaux entrants, non pas sur le marché du travail, mais sur le poste en cause : travailleurs détachés, travailleurs intérimaires, nouveaux recrutés, travailleurs en formation.
Mme Laurence Rossignol. Il y a plus d’accidents du travail chez les jeunes, mais ils sont plus mortels chez les personnes âgées !
M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue.
Je mets aux voix l’amendement n° 3168.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, l’autre, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 164 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l’adoption | 92 |
Contre | 243 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 2611 rectifié, présenté par M. Lemoyne, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard le 1er septembre 2027, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’impact de la présente loi sur l’équilibre du système des retraites aux échéances 2035, 2040 et 2050.
Ce rapport examinera les voies et moyens de maintenir à l’équilibre le système des retraites à ces échéances sans que l’âge légal puisse être porté au-delà des soixante-quatre ans, ni que la durée de cotisation puisse excéder les quarante-trois annuités et sans que soient dégradés le niveau des pensions ni celui des prélèvements obligatoires.
Ce rapport peut donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Avec cet amendement d’appel, je veux attirer l’attention du Gouvernement et de notre assemblée sur la nécessité d’être dans l’anticipation.
Nous nous penchons avec ce texte sur les mesures visant à obtenir un équilibre à l’horizon 2030. Le COR travaille sur une échéance à vingt-cinq ans, donc autour de 2050, voire 2070. Pour être porteurs de confiance et d’espérance, il importe que nous puissions, autour de 2027, mener un certain nombre de travaux d’anticipation.
Depuis trente ans, nous assistons à peu près à la même chorégraphie tous les sept ou huit ans, avec un certain nombre de réformes qui ont touché d’abord à la durée d’assurance, ensuite à l’âge légal. L’idée, c’est de commencer à préparer l’avenir, ce qui demande de la créativité. Après avoir atteint, avec la présente réforme, 64 ans d’âge légal et 43 ans de durée d’assurance, et sachant que nous ne voulons pas toucher aux impôts ni dégrader le niveau des pensions, il importe d’identifier les leviers qui permettraient de maintenir cet équilibre dans la durée, à l’échéance 2035, puis 2040, 2050.
Le COR lui-même précise, certes dans ses simulations d’avant-réforme, qu’il y aura encore un certain nombre de déficits à long terme.
Le rapport que je demande pourra donner lieu à débat à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Anticiper, tel est le maître-mot de ma démarche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, nous n’avons pas eu plus d’indulgence pour votre demande de rapport que pour les autres.
Vous posez en quelque sorte le problème de la clause de revoyure. Monsieur le ministre, l’ensemble des Françaises et des Français, ainsi que les parlementaires sont tous très friands de connaître les leviers qui pourraient être trouvés pour rétablir l’équilibre budgétaire et la confiance dans notre système de retraite.
Ce sujet est tellement important que nous devons y réfléchir de façon annuelle et regarder avec précision, monsieur le rapporteur de la branche vieillesse, comment les choses avancent.
Par ailleurs, chacun brandit le rapport du COR, mais l’interprète de façon un peu différente… Je tiens à montrer les courbes qu’il contient : la pente est vertigineuse ! (Mme la rapporteure générale montre un graphique. – Mme Monique Lubin ainsi que MM. Pierre Laurent et Thomas Dossus s’exclament.)
M. Fabien Gay. On les a vues !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le COR lui-même souligne bien que, si l’on n’agit pas, le système de retraite serait durablement déficitaire. Il n’y a pas de mystère : tout le monde peut consulter ce rapport, qui prévoit un taux de chômage à 4,5 % ; encore ces prévisions sont-elles très optimistes !
Soyons clairs : on ne peut pas dire n’importe quoi aux médias ! Ce rapport est implacable.
M. Pierre Laurent. C’est faux !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Si l’on veut redonner, notamment aux jeunes, confiance dans notre système de retraite par répartition, il faut agir !
Vous avez dit, mes chers collègues, qu’il fallait faire preuve d’anticipation. Vous avez raison ! C’est ce à quoi s’est employé le Sénat depuis quatre ans, et c’est dans ce souci d’anticipation que nous avons déposé notre amendement, au vu de l’évolution de la courbe démographique.
Dans chacune de nos familles cohabitent actuellement quatre ou cinq générations, tandis que, du temps de nos parents, elles n’étaient que trois,…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Justement parce que l’on travaille moins longtemps ! On verra ce qui va se passer après…
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … avec un plus grand nombre d’actifs, car il y avait davantage d’enfants.
Cela a été dit, la fragilité du système actuel tient à la démographie.
Je le répète, il faut agir aujourd’hui. Il est grand temps de le faire si l’on ne veut pas que la réforme soit aussi brutale que vous l’annoncez.
Nous rejetons donc cette demande de rapport. Pour autant, le sujet est d’actualité : il faudra une clause de revoyure.
Avis défavorable. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Frédérique Puissat et M. Philippe Bas applaudissent également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Mme la rapporteure générale l’a dit, la commission n’a pas eu plus d’indulgence pour votre demande de rapport que pour les autres, tout comme le Gouvernement à vrai dire.
Nous partageons le souhait de disposer d’une perspective, d’outils, de leviers et d’un système de pilotage pluriannuel, voire couvrant plusieurs décennies. Nous aurons l’occasion au cours de l’examen de ce texte de revenir sur la clause de revoyure, mais plutôt à l’horizon 2027, ce qui permettra de comprendre comment les choses ont été mises en œuvre et comment le Parlement en a été informé.
Je sais votre intérêt pour tous les leviers, évoqués lors du débat précédent, permettant d’assurer une visibilité et une viabilité à long terme du système de retraite.
Je demande donc, à ce stade, le retrait de cet amendement. Pour autant, il est important de travailler sur la prévisibilité et sur la question des leviers.
Certains prônent parfois des ajustements automatiques du système de retraite. Cette solution n’a pas ma préférence, dans la mesure où je pense que le Parlement, l’État et la classe politique doivent rester souverains en la matière.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Mme la rapporteure générale s’interrogeait sur les leviers. Nous savons que la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) disparaîtra en 2033, Il existe des ressources importantes, en l’occurrence plus de 10 milliards d’euros. Il s’agit donc de nous interroger sur l’usage de ces ressources par rapport à notre système de retraite. Je ne reviendrai pas sur le débat précédent, mais il y a matière à réflexion.
J’entends la demande de retrait émise par le Gouvernement. Le président Milon évoquait les travaux à venir de la commission des finances et de la commission des affaires sociales. Pour ma part, je forme le vœu que la délégation à la prospective au Sénat, qui est à l’honneur de notre assemblée, se penche sur ce type d’enjeu à long terme.
Au bénéfice de ces travaux à venir, je vais retirer mon amendement. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.) Mais je voulais poser cette question de l’anticipation et de la clause de revoyure, sur laquelle j’ai été entendu.
M. le président. L’amendement n° 2611 rectifié est retiré.
Article 1er bis (nouveau)
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité, les conditions et le calendrier de mise en œuvre d’un système universel de retraite faisant converger les différents régimes et intégrant les paramètres de la réforme prévue par la présente loi.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, sur cet article au moins, nous pourrons tous tomber d’accord (Sourires.) – c’est assez étonnant ! –, contre le Gouvernement, d’ailleurs.
Nous pourrions peut-être nous en réjouir collectivement…
L’article 1er bis, qui a été ajouté à l’Assemblée nationale et dont l’avenir paraît mal assuré au vu du nombre d’amendements tendant à le supprimer, prévoit que le Gouvernement remette au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation du présent texte un rapport sur la possibilité, les conditions et le calendrier de mise en œuvre d’un système universel de retraite.
On a déjà évoqué la capitalisation, et l’on parle du système par répartition depuis quelques jours déjà. Avec cet article, on en revient à la proposition d’un système universel tel qu’il avait été prévu par Jean-Paul Delevoye. Est-ce bien nécessaire ?
On avait beaucoup débattu de cette proposition voilà trois ans seulement : des colloques avaient été organisés au Sénat ; René-Paul Savary et Jean-Marie Vanlerenberghe avaient travaillé sur le sujet. Je parlais dans une précédente intervention de déport par rapport à l’objet du projet de loi ; en l’occurrence, cet article est carrément à côté du texte ! En outre, je le redis, nous avons déjà abordé la question.
L’amendement de suppression que j’ai déposé est donc, je le crois, bienvenu. Si vous en êtes d’accord, mes chers collègues, on pourrait d’ailleurs considérer que ma défense vaut pour tous les autres amendements de suppression et que le débat sur ce point est clos ! (Sourires au banc des commissions. – Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Plusieurs sénateurs du groupe SER. Non !
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour un rappel au règlement.
M. Yan Chantrel. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 46 bis de notre règlement.
Vous n’avez malheureusement pas vu, monsieur le président, que plusieurs d’entre nous entendaient intervenir sur l’amendement de M. Lemoyne. Je souhaitais d’ailleurs le reprendre afin de nous permettre d’en discuter.
M. le président. Je vous rappelle, mon cher collègue, que c’est moi qui organise les débats ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Yan Chantrel. Certes, mais j’avais demandé la parole, monsieur le président…
Article 1er bis (nouveau) (suite)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 1er bis fait référence à la réforme des retraites de 2019, laquelle visait la mise en place d’un système de comptes notionnels à cotisations définies et non plus à prestations définies. La différence est de taille : avec ledit système, le taux des cotisations sur salaire étant fixé une fois pour toutes, les droits à retraite peuvent être automatiquement et uniformément réduits pour rétablir l’équilibre financier du régime. Plébiscité par le Medef et les gouvernements européens, il a été mis en place en Suède en 2003, sur les recommandations de Bruxelles.
Dans ce système par points, les pensions sont la variable d’ajustement. S’il s’avère que l’espérance de vie moyenne augmente plus vite que prévu, si la conjoncture économique se dégrade et que les recettes diminuent, ou si les investissements financiers rapportent moins, alors les pensions diminuent.
Les retraités ont vu leur pension diminuer trois fois – en 2010, 2011 et 2014 –, en application des règles de pilotage automatique prévues par la réforme. Ainsi, en Suède, les femmes touchent une pension en moyenne inférieure de 600 euros à celle des hommes.
En 2019, nous étions opposés à cette réforme. Nous continuerons à l’être, car nous sommes profondément attachés à notre système de répartition, qui garantit à toutes et à tous une pension de retraite dont le montant ne peut dépendre des aléas économiques.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je vais prendre un peu de temps pour répondre à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, sur les bornes d’âge.
Effectivement, vous avez maintenu ces bornes : 50 ans pour les travailleurs exposés à l’amiante ; 55 ans pour les travailleurs handicapés ; 62 ans pour ceux en situation d’invalidité permanente.
Si vous n’aviez pas « sorti » l’invalidité permanente du report d’âge, l’âge de départ serait passé à 64 ans : vous auriez transféré la charge à la branche maladie et ainsi économisé 3,1 milliards d’euros sur le versement des pensions. Aujourd’hui, ces travailleurs qui partent à la retraite à 62 ans relèvent du régime de retraite ; demain, ils auraient été pris en charge par l’assurance maladie.
Nous sommes bien d’accord que, dans ce cas-là, vous auriez 20,8 milliards d’euros, et non 17,7 milliards d’euros. Mais tel n’a pas été le cas, ce qui est très bien. Et ces travailleurs qui continuent à relever du système de retraite n’ont donc rien à voir, je vous rappelle, avec la mesure d’accompagnement de 3,1 milliards d’euros que vous soustrayez à votre gain puisque, de fait, il n’y a pas de surcoût. J’attends toujours la réponse…
Le Gouvernement a tenté de proposer un système de retraite universel. Son projet de retraite par points s’est révélé dangereux puisqu’il supprime, je l’ai dit précédemment, la partie du régime général de la retraite par répartition à prestations définies, au profit d’un calcul de points dont la valeur de service comme le prix d’achat ne sont définis qu’annuellement.
Dès lors, le caractère redistributif n’est pas inscrit dans le mécanisme même de la retraite par points, purement proportionnel à la cotisation dans son principe même. C’est pourquoi on avait évalué la perte à 20 % entre les générations 1961 et 1990 dans le cadre d’une réforme prévoyant un âge pivot.
Sous le prétexte d’une simplification, parfois recommandée par la Commission européenne,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Raymonde Poncet Monge. … cet article relance un débat totalement clos depuis 2020.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce débat, il faut bien l’admettre, met le feu au pays. On a beaucoup entendu dire : « On ne comprend pas pourquoi les Français manifestent, car le système de retraite qu’on leur propose, tellement indispensable, consolide le système par répartition… Il faudrait leur expliquer ! »
Cela étant dit, les personnes qui tenaient ces propos ne le font plus, car elles ont compris que, plus on leur expliquait la réforme, plus les Français étaient contre…
Or, au moment même où l’on nous dit que cette réforme est vraiment importante, la droite précise que ce n’est qu’un début et qu’il va falloir changer les choses, en ajoutant par exemple – le vocabulaire varie – une « fusée capitalisation ».
Quant à La République En Marche, elle déclare que cette réforme est très bonne, mais qu’il faudrait peut-être réfléchir à un système de retraite par points. Or, si ce système était si intéressant, pourquoi M. Macron n’en a-t-il pas parlé lors de sa campagne pour l’élection présidentielle ? S’il était si avantageux, il aurait pu nous convaincre ! Et nous faire le même coup qu’aujourd’hui en disant : « Vous m’avez élu pour cette raison, donc je le fais ! » – même si nous savons bien que ce n’est pas vrai…
Tout cela consolide notre argumentaire : si on doit discuter du système de retraite, il faut le faire non pas au détour d’un PLFRSS, mais lors d’un véritable débat sur l’avenir des retraites.
Ce débat d’avenir, nous l’assumons. En effet, il convient de mettre du carburant dans le moteur de notre système par répartition. Nous faisons donc des propositions diverses et variées, complémentaires et non pas univoques, pour que ce carburant soit durable,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … au regard des prévisions du COR.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. C’est le Gouvernement qui a choisi le véhicule législatif permettant de porter cette réforme des retraites : en l’occurrence, l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution. Comme vient de le dire notre collègue Marie-Noëlle Lienemann, il devrait donc proposer une réforme complète, utile et définitive afin de rétablir la confiance de nos concitoyens dans l’avenir de notre système de retraite.
Or, alors que l’Assemblée nationale n’a pas adopté le projet de loi, le Gouvernement soumet au Sénat un texte contenant des dispositions qui prouvent qu’il n’a pas lui-même confiance dans sa propre réforme.
Nous espérons que le rapport prévu à l’article 1er bis sera plus précis que l’étude d’impact de la réforme de 2020. Mais cela n’est pas très important puisque ledit article, qui prévoit un rapport prospectif sur les conditions et le calendrier de mise en œuvre d’un système universel de retraite, ne porte pas sur l’application d’une loi de financement de la sécurité sociale : il n’a donc pas sa place dans le PLFRSS, en application de l’article L.O. 111-3-12 du code de la sécurité sociale. Je crois que, sur ce point, nous serons tous d’accord !