M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Mes chers collègues, comment peut-on parler de retraite par capitalisation, c’est-à-dire sans aucune protection en cas d’incapacité, alors qu’actuellement on discute également d’aides pour nos salariés ? Je rappelle qu’on vote des aides pour l’énergie ou pour le carburant afin que nos concitoyens puissent aller travailler, mais on n’augmente pas significativement les salaires. On pourrait aussi augmenter les cotisations patronales.
Le COR ne prévoit pas de situation catastrophique, comme le soulignait mon collègue Pierre Laurent. Dans le pire des scénarios, le déficit du système de retraite sera compris entre 0,5 et 0,8 point de PIB d’ici à 2032. On a le temps de voir venir, il n’y a pas d’urgence. La démographie est donc un faux débat.
J’ai, pour ma part, une autre solution à vous proposer. On avance toujours les mêmes solutions, celles du patronat, mais pourquoi ne pas demander un rapport sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui n’a aucun effet sur l’emploi, aucun effet sur investissement, aucun effet sur le commerce extérieur ? Sa suppression pourrait nous rapporter 22 milliards d’euros par an ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Permettez-moi d’apporter quelques éléments complémentaires par rapport à ceux qui ont déjà été évoqués.
Il est proposé de réfléchir à un système de capitalisation obligatoire universel – je dis bien universel.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous augmenterez donc les cotisations !
M. Jean-François Husson. L’objectif est évidemment aussi de nourrir notre économie française : lorsque les Français investissent dans leur économie, ils garantissent la souveraineté du pays, notamment un bon déploiement de l’activité économique, au plus près de nos territoires.
Il est important d’avoir un chiffre en tête, celui du taux de récupération. Quand la génération née en 1940 cotisait 100 000, elle récupérait 200 000, contre 160 000 pour celle née en 1965 et 87 000 pour celle des années 1990. Ce sont des éléments que vous devez avoir à l’esprit !
Le système de capitalisation universel obligatoire existe déjà avec le Rafp. Cela figure dans les éléments qui vous ont été communiqués. Or, depuis 2005, la revalorisation moyenne annuelle s’élève à 1,22 % pour la Cnav, à 1,09 % pour l’Agirc-Arrco et à 1,29 % pour le Rafp, et ce même en ayant traversé une crise financière.
La répartition ne fonctionne – pour l’instant – qu’avec deux tiers des cotisations de retraite. Le dernier tiers, ce sont des impôts ou de la dette.
M. Pierre Laurent. Parce que vous l’avez décidé !
M. Jean-François Husson. Mieux vaut donc essayer de réfléchir ensemble que de rester de côté !
Je finirai par un trait d’humour : cet amendement n’est nullement celui de la « Chilicon Valley ». Je vous propose donc, au regard de son numéro, de soutenir et d’adopter cet amendement soixante-huitard ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Le débat que nous avons ce matin est extrêmement intéressant. Il traduit l’opposition entre deux projets de société droite-gauche.
Monsieur le ministre, votre réforme décrite hier sur les travées de gauche comme une mauvaise réforme – on mesure bien d’ailleurs qu’il s’agit d’une réforme des droites rassemblées – ouvre la porte à une réforme par capitalisation.
Quand on porte des coups à notre système de retraite, on encourage les retraites parallèles avec des fonds de pension, ce qui remet en cause les fondements mêmes de la sécurité sociale.
Le syndicaliste Régis Mezzasalma le souligne, ce système « pousse les salariés à réclamer des primes plutôt que des hausses de salaire, car ce sont les primes qui alimentent les plans d’épargne retraite ». Or, vous le savez, mes chers collègues, les primes sont exonérées de cotisations sociales. C’est une façon supplémentaire de siphonner notre sécurité sociale en épuisant les recettes de notre système. Cette politique libérale est le fil rouge de la politique voulue par le président Macron.
En 2019, la loi Pacte a libéralisé les dispositifs des plans d’épargne retraite.
Au travers de cette réforme examinée au niveau du Sénat, c’est un système bien huilé que vous mettez en place pour renforcer la capitalisation et la marchandisation des pensions. Ma collègue Cathy Apourceau-Poly et moi-même constatons à longueur d’année en commission des affaires sociales cette fragilisation de notre système de protection sociale. En encourageant projet après projet toutes les exonérations de cotisations sociales, vous épuisez les recettes de la sécurité sociale pour la condamner, ce qui est néfaste pour l’ensemble des salariés !
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je salue le débat de ce matin : contrairement à celui d’hier, il est d’un niveau plus élevé, ce qui le rend bien plus intéressant. Il mérite mieux que les caricatures auxquelles nous avons eu droit d’un côté de l’hémicycle. Il mérite également mieux que des amalgames. In fine, ce débat porte sur les retraites de tous les salariés, et pas uniquement sur les retraites des plus riches.
Cette réforme a fait l’objet de nombreux reproches depuis le début, notamment sur le manque d’anticipation. On a dit d’elle qu’elle arrivait sans débat, de manière brutale, avec un horizon à 2030 incertain et une démographie encore moins certaine. On a dit qu’il fallait peut-être aller au-delà d’une simple réforme sur la bascule d’âge.
Je souhaite, pour éviter tous les amalgames faciles, redire très clairement que nous ne votons pas ici pour ou contre une réforme de la répartition – il ne faudrait surtout pas que nos concitoyens se méprennent sur ce point –, mais que nous votons pour ou contre le fait de pouvoir disposer d’un rapport, l’idée étant d’engager un débat de fond et d’envisager non pas un basculement de plain-pied d’une retraite par répartition vers une retraite par capitalisation,…
Mme Laurence Cohen. Petit à petit !
Mme Véronique Guillotin. … mais bien la possibilité d’ouvrir la porte à un régime mixte en faveur de tout le monde, notamment des plus petits qui, aujourd’hui, ne peuvent pas accéder à la capitalisation contrairement à ceux qui ont de meilleurs salaires. Cette réforme peut également être une réforme de justice !
En tout état de cause, le fait de nourrir la réflexion ne nuit pas, bien au contraire, aux bonnes prises de décisions, surtout quand les sujets sont complexes. J’appuierai donc cette demande de rapport. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Nous sommes effectivement au cœur du débat. Tout le monde est sorti guéri du descriptif apocalyptique d’hier sur le monde du travail, et je m’en réjouis !
Certains sont donc guéris de leur diarrhée verbale (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.), d’autres de leur occlusion silencieuse, pour reprendre les métaphores qui ont fleuri ici et là. Le malade, gravement atteint, a-t-il été sauvé par le médecin ou le vétérinaire ? Nul ne le sait, mais il était malade comme une bête… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il a été dit que, au travers de cette réforme, le Gouvernement proposait de travailler deux années complémentaires. Non, c’est la réforme Touraine qui allonge le délai à 43 ans. Quand vous commencez à 21 ans et que vous travaillez 43 ans, cela fait bien 64 ans. La réforme, en décalant l’âge, vise simplement à éviter qu’il y ait des retraités pauvres. C’est un point qui mérite d’être souligné.
Par ailleurs, on a entendu dire sur certaines travées que d’aucuns seraient atteints d’obsession pour la capitalisation. Non, ce ne sont pas des obsédés, ce sont des sénateurs qui mènent une réflexion pour éviter, là aussi, d’avoir des retraités pauvres.
Certains citent de nouveau le COR. Or toutes les analyses du COR concluent à un déficit, avec un niveau de pension relatif des retraités à 85 % à l’horizon de 2050, contre 103 % actuellement. N’oubliez pas donc pas de dire que le déséquilibre conduit à une baisse du niveau de vie des retraités.
Hier, j’ai quand même constaté des avancées puisque la partie gauche de l’hémicycle était d’accord pour envisager une fermeture des régimes spéciaux dans quelques années. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est faux !
M. Pierre Laurent. Mensonge !
Mme Laurence Cohen. Caricature !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je me réfère aux amendements proposés ; dont acte !
Pour conclure, vous ne souhaitez pas équilibrer le système par répartition par une mesure d’âge ni par un niveau complémentaire de capitalisation. En conséquence, vous l’équilibrerez forcément par l’impôt.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n’est pas vrai !
M. Pierre Laurent. Il faut augmenter les salaires !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Mes chers collègues, permettez-moi de vous répéter qu’un système par répartition, par définition, doit être majoritairement composé de cotisations. C’est un système contributif. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) La note distributive à côté est effectivement l’impôt, mais cette dernière ne peut pas être la note dominante, sinon vous changez complètement le système par répartition ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Après ces longs échanges sur cette demande de rapport pour étudier l’éventualité d’une part de capitalisation dans le cadre d’un régime par répartition, je rappelle que le Gouvernement, à la fois par principe et parce qu’il n’a pas voulu ouvrir le débat, est défavorable à de telles demandes. Je me plais toujours à souligner la complexité du sujet. Les différentes interventions me donnent raison.
Un point m’interpelle : certains intervenants considèrent que la question démographique n’est pas pertinente. Selon eux, le système ne serait pas en danger. Sans revenir sur les discussions que nous avons eues au sujet du rapport du COR, le niveau du déficit est suffisamment important pour que nous puissions dire sans crainte de nous tromper que le système est bel et bien en danger. La question démographique est également majeure.
Ce qui m’a amené à qualifier ainsi cette réforme, parfois à la surprise du président Kanner, dans un certain nombre de déclarations à la presse, c’est le fait que l’ensemble des gouvernements européens, qu’ils soient libéraux ou sociaux-démocrates, ont déjà procédé à ces réformes. La plupart des pays européens ont des âges de départ qui sont soit de manière effective, soit en perspective, compris entre 66 et 67 ans. Dans l’un d’entre eux, l’âge de départ est même fixé à 70 ans. L’Espagne, que l’on cite souvent en exemple, a établi l’âge de départ à 67 ans il y a déjà plusieurs années. C’est un clin d’œil aux membres du groupe CRCE : mon homologue ministre du travail espagnole, Yolanda Diaz, membre du Parti communiste, a mis en œuvre au 1er janvier dernier le passage de l’âge légal en Espagne à 66 ans et 4 quatre mois. (Marques d’exaspération sur les travées du groupe CRCE.)
M. Pierre Laurent. On va l’auditionner, ce sera intéressant !
M. Olivier Dussopt, ministre. Nous voyons donc bien que partout, autour de nous, la prise en compte de la démographie est déjà actée et qu’elle oblige, d’une certaine manière, à travailler davantage pour assurer l’équilibre des retraites.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, c’est un rappel au règlement sur la base de l’article 36, qui prévoit la prise de parole des sénateurs.
Je m’insurge contre les allusions scatologiques du rapporteur René-Paul Savary, qui a parlé d’occlusion et de diarrhée verbales. Non, monsieur le rapporteur, il ne s’agissait nullement de diarrhée verbale – il existe d’ailleurs un terme plus approprié, qui est la logorrhée –, nous faisions simplement notre travail !
Si nos trop nombreuses interventions vous ont dérangé hier, elles ont compensé le silence qui a pesé sur l’autre partie de l’hémicycle toute la journée ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Nous menons un bon débat, y compris dans sa dimension médicale… Poursuivons dans cette voie.
Après l’article 1er (suite)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 4735.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 160 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 91 |
Contre | 252 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 4748.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 4745.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 161 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 91 |
Contre | 252 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 4746.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 162 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 91 |
Contre | 252 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 4747.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 4749.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1968 rectifié quater.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 163 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 289 |
Pour l’adoption | 163 |
Contre | 126 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Tiens, tiens…
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er, et les amendements nos 1959 rectifié quater et 2102 rectifié quater n’ont plus d’objet.
Mme Laurence Rossignol. J’aurais voulu m’exprimer sur ces amendements.
M. le président. C’est la règle, ils tombent. Le Sénat a tranché !
L’amendement n° 3168, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Des décrets, après négociation avec les organisations syndicales et les branches, déterminent les conditions d’un départ anticipé à la retraite du personnel de chaque corps de métiers dits de la deuxième ligne.
Sont concernés les métiers dits de la deuxième ligne, à savoir :
1. Conducteurs de véhicules ;
2. Agents d’entretien ;
3. Caissiers, employés de libre-service ;
4. Ouvriers qualifiés de la manutention ;
5. Ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment ;
6. Ouvriers non qualifiés de la manutention ;
7. Agents de gardiennage et de sécurité ;
8. Ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment ;
9. Vendeurs en produits alimentaires ;
10. Bouchers, charcutiers, boulangers ;
11. Maraîchers, jardiniers, viticulteurs ;
12. Ouvriers qualifiés des travaux publics, du béton et de l’extraction ;
13. Agriculteurs, éleveurs, sylviculteurs, bûcherons ;
14. Ouvriers non qualifiés du gros œuvre du bâtiment, des travaux publics, du béton et de l’extraction ;
15. Ouvriers non qualifiés du second œuvre du bâtiment ;
16. Ouvriers non qualifiés des industries agroalimentaires ;
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Par cet amendement, nous souhaitons que des catégories actives soient créées, après négociation syndicale, pour l’ensemble des travailleurs de la deuxième ligne, dans chacune de leur branche.
Pendant les huit semaines du confinement, ce sont ces travailleurs qui ont continué à se rendre quotidiennement à leur travail. À l’époque, le président Emmanuel Macron avait déclaré : « Il nous faudra nous rappeler aussi que le pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. » Et nous répondions à l’époque qu’effectivement « les distinctions sociales ne [pouvaient] être fondées que sur l’utilité commune ». Ces mots, des Français les ont écrits voilà plus de deux cents ans. Nous devons aujourd’hui reprendre le flambeau et donner toute sa force à ce principe.
Selon les chiffres de l’Insee, ces métiers dits de la deuxième ligne concerneraient près de 4,5 millions de salariés du privé. Or ce sont eux qui sont majoritairement en inactivité à 60 ans, et encore plus à 61 ans. Ce sont eux qui subissent, bien plus que les autres familles professionnelles, les accidents du travail et les maladies professionnelles.
« Aux travailleurs invisibles la société peu reconnaissante », serait-on tenté de dire.
Alors, monsieur le Président de la République, je vous prends au mot en vous rappelant que notre économie tient sur ces salariés, qui doivent pouvoir prendre leur retraite anticipée à 60 ans, voire bien avant, pour ne pas finir cassés ou dans un sas de pauvreté et de précarité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’entends bien vos préoccupations, ma chère collègue, mais nous devons nous soucier de l’ensemble des travailleurs. Pourquoi la première, la deuxième ou la troisième ligne ? Tous les travailleurs méritent que l’on s’intéresse à leur sort. Or le système de retraite par répartition a justement l’avantage de s’intéresser à tous, du plus modeste à celui qui a le plus. Mieux, il a cette capacité à réduire les écarts de niveau de vie par rapport à la période d’activité et à diminuer la pauvreté. Sans doute pas assez, car il y a encore trop de retraites trop modestes, mais il faut protéger cette fonction du système.
Je regrette que nos débats ne soient parfois un peu caricaturaux. Vouloir de la capitalisation ne signifie pas que nous ne voulons plus de la répartition. On manque de nuances dans ce pays. (M. Jean-Baptiste Lemoyne acquiesce.) Utilisons la palette des couleurs, car tout n’est pas tout blanc ou tout noir, les bons et les méchants chacun de leur côté. Il importe d’être constamment nuancé dans ce type de débat.
Madame Poncet Monge, tout travailleur mérite salaire, comme il mérite une retraite au bon niveau. Je comprends tout à fait vos inquiétudes pour ce public, mais je dois vous dire que, parmi les pensionnés les plus modestes, il y a beaucoup de commerçants, de petits artisans. Avec les microentreprises, nous sommes en train de créer les petites pensions de demain, car celles-ci cotisent trop peu et s’inscrivent dans une forme de précarité.
Nous en parlerons encore quelques jours, mais, je le répète, il faut s’intéresser à tous les travailleurs. Chacun a besoin de notre attention.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la rapporteure générale, je suis bien d’accord avec vous sur les niveaux des salaires et des pensions, mais mon amendement porte sur la retraite anticipée.
Dans certaines catégories actives, il y avait la possibilité de partir de façon anticipée, bien avant les deux années maximum avant 64 ans, soit 62 ans, prévues dans ce texte. C’est la raison pour laquelle j’ai précisé qu’à 60 ans, dans ces métiers-là, une grande partie des travailleurs sont en inactivité, sous différents statuts : maladie longue durée, chômage, revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique (ASS), voire sans aucune ressource après radiation de l’assurance chômage, dont la durée d’indemnisation a été réduite de 25 % pour améliorer les statistiques.
Aussi, je milite pour l’obligation d’ouvrir dans ces branches, sans court-circuiter, cette fois-ci, les organisations syndicales, des négociations sur le départ anticipé bien avant les deux années prévues.
Enfin, madame la rapporteure générale, vous me reprochez en creux de ne pas m’intéresser aux autres travailleurs. C’est que, malheureusement, beaucoup de mes amendements, où j’évoquais les travailleurs de la première ligne ou de la troisième ligne, avec des demandes de rapport, ont été déclarés irrecevables. Celui-là a survécu. Je ne sais pas pourquoi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La question posée par notre collègue écologiste est tout à fait fondamentale. En effet, l’allongement de la durée de cotisation pour partir à la retraite va pénaliser principalement ces salariés, qui n’ont pas besoin, madame la rapportrice générale, de je ne sais quelle compassion ou charité.
Ils doivent pouvoir se créer des droits pour partir suffisamment tôt, sans rester dans cette zone grise où ils sont précarisés, pauvres. Et s’ils sont encore au travail, ils accentuent leurs problèmes physiques et parfois moraux.
J’insiste lourdement auprès de nos collègues pour l’adoption de cette mesure, qui est quand même raisonnable, Mme Poncet Monge ne proposant rien de plus que des négociations par branche pour définir les métiers permettant de profiter d’une retraite anticipée plus généreuse. Je considère que nous devons trouver un équilibre entre les droits généraux et la négociation sociale, qui prévaut souvent dans notre système.
Par ailleurs, la majorité sénatoriale nous explique qu’il faut mettre en place des fonds de capitalisation. En faisant cela, mes chers collègues, vous allez augmenter les cotisations des travailleurs modestes sous prétexte de faire de la thésaurisation en leur nom propre, les fonds étant alimentés par des cotisations obligatoires. Cette part d’augmentation, que nous jugerions raisonnable pour abonder la répartition, vous allez la détourner pour entretenir la financiarisation.
Ainsi, vous ne contribuerez pas à l’amélioration des retraites pour les plus modestes, en particulier les travailleurs dits essentiels.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Cet amendement proposé par nos collègues écologistes est très intéressant. Madame la rapporteure générale, je voudrais partager avec vous les propos d’un chef d’entreprise assez connu en France, Patrick Pouyanné (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.), président-directeur général de TotalEnergies, qui a donné une grande interview au journal Le Parisien le 8 février dernier.
Les trois dernières questions portaient sur les retraites. Quand il est interrogé pour savoir s’il est favorable à la réforme, il répond : « L’espérance de vie s’est considérablement allongée. Si on veut préserver le système par répartition, il faut reculer l’âge de départ à la retraite [jusqu’à 64 ans.] » Le journaliste lui objecte alors que l’on peut aussi augmenter les cotisations patronales. La réponse est nette : « Dans ce cas, les entreprises investiront ailleurs, il y aura donc moins de jobs. » Il ajoute : « On est en train de gagner la bataille de l’emploi, ce n’est pas le moment de tout casser. » Enfin, comme vous, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, il avoue qu’« il faudrait un jour parler de retraite par capitalisation en complément, sujet tabou aujourd’hui ».
En dernière question, le journaliste lui demande ce qu’il pense de l’index seniors voulu par le Gouvernement pour inciter les entreprises à conserver les plus de 55 ans. M. Pouyanné répond : « Nous avons toujours respecté la loi. Quand l’âge légal de départ sera à 64 ans, nous construirons les carrières pour arriver jusque-là. » Par parenthèse, je ne pense pas qu’il s’agisse des carrières de tout le monde. Je ne suis pas sûr que le raffineur ou le pompiste pourra aller jusqu’à 64 ans, au contraire de celles et ceux qui entourent M. Pouyanné dans le board de TotalEnergies, lequel conclut ainsi : « Mais soyons cohérents, en parallèle, il faut arrêter les mécanismes qui incitent aux départs anticipés. » Autrement dit, tout le monde devra aller jusqu’à 64 ans.
Monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, vous voyez bien que cette réforme est injuste. Comme le dit le patronat, elle va toucher de la même manière les carrières des plus fragiles et celles des plus aisés.