M. Olivier Klein, ministre délégué. L’avis du Gouvernement demeure défavorable, dans la mesure où l’amendement ne précise pas à partir de quand court le délai des sept jours. Il faut en rester, je pense, à la rédaction actuelle du texte.
Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Puisque M. le rapporteur a souhaité s’en remettre à la sagesse du Sénat, je vais me permettre de donner mon avis. (Sourires.)
Pour ma part, je ne soutiendrai pas cet amendement, même rectifié avec, désormais, un délai de sept jours, car la proposition n’est en réalité pas opérante.
Bien sûr, il est satisfaisant d’avoir fixé ce délai de sept jours – c’est peut-être même bien de l’avoir fait. Mais, dans la réalité, vous le savez très bien, mes chers collègues, nombreux sont les cas, aujourd’hui, où des impératifs fixés aux préfectures et aux préfets ne peuvent pas être respectés. C’est le cas, par exemple, des convocations pour les migrants dans le cadre d’un renouvellement de carte de séjour.
À quoi cela donne-t-il lieu ? À des milliers de recours en appel devant la justice administrative. Les tribunaux en sont encombrés et les affaires ne peuvent pas être traitées !
Je veux bien que l’on présente des amendements pour faire progresser les choses. Mais, quand on sait par avance que ces amendements ne seront pas opérants, je vois mal l’utilité de la démarche, si ce n’est d’en faire des marqueurs de certains éléments.
Par ailleurs, la réponse de M. le ministre me paraît tout à fait convaincante : il faut savoir à partir de quand le délai court.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er B.
Article 1er
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 226-4 du code pénal, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans » et le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 45 000 euros ».
Mme le président. L’amendement n° 37, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Par cet amendement de suppression, nous voulons marquer notre opposition globale à la présente proposition de loi, essentiellement parce que celle-ci criminalise ou tente de criminaliser les mal-logés sans lutter, parallèlement, contre le mal-logement.
L’aggravation de la peine encourue pour violation de domicile proposée dans cet article est, à la fois, injuste dans son principe et disproportionnée dans ses modalités.
Le renforcement de la répression pénale des occupations illicites contrarie la politique du logement et la lutte contre l’habitat indigne. Nous tenons à rappeler, à la suite de notre collègue Daniel Breuiller, que ce n’est pas par choix que des personnes sans logement occupent des terrains ou des immeubles inhabités – M. le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, s’est également prononcé sur ce point. Une raison est, notamment, qu’elles se trouvent sans solution de logement. Pour rappel, la France compte 4 millions de mal-logés, 2 millions de demandeurs de logement social et 300 000 personnes sans abri, dont 42 000 enfants.
Dans le même temps, le nombre de logements vacants bat des records chaque année, selon l’Insee.
Punir les occupants, sans tenir compte de ce contexte et de cette configuration, c’est faire preuve d’une certaine brutalité vis-à-vis des personnes vulnérables, alors même que l’État ne se donne pas les moyens de résoudre les problèmes de mal-logement, plus que jamais préoccupants en France. Nombreuses sont les personnes, parmi celles qui s’installent dans les logements vides, essentiellement des femmes et des enfants, qui échappent par là même à une certaine violence dans la rue – vous le savez parfaitement bien, mes chers collègues, nous le vivons tous dans nos communes, particulièrement les plus grandes.
L’aggravation des peines est également disproportionnée. Les montants exigés ne pourront de toute façon pas être acquittés, car les personnes concernées ne seront pas solvables pour payer de telles sommes. Enfin, cette aggravation n’a pas pour effet d’aligner les sanctions encourues par les squatteurs sur celles qu’encourent les propriétaires se faisant justice eux-mêmes.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. L’avis est défavorable, madame la présidente. L’effet dissuasif de la mesure prévue dans cet article nous paraît bienvenu. C’est en outre une mesure d’équité, puisqu’elle permettra d’aligner la peine encourue par les squatteurs sur la peine prévue lorsqu’un propriétaire expulse manu militari un squatteur.
Je rappelle, enfin, que le Sénat a déjà voté à deux reprises cette disposition, d’abord dans la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, puis lors de l’examen d’une proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone, voilà à peine deux ans.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Effectivement, le renforcement de la répression à l’encontre de ces faits de violation de domicile a déjà été traité dans le cadre de la loi Asap et je crois nécessaire d’établir une cohérence entre les peines encourues par le propriétaire et par la personne qui se rendrait coupable d’une violation de domicile.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis A
Après l’article 226-4-2 du code pénal, il est inséré un article 226-4-3 ainsi rédigé :
« Art. 226-4-3. – La propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission des délits prévus aux articles 226-4 et 315-1 est punie de 3 750 euros d’amende.
« Lorsque le délit est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 38 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 63 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 38.
M. Guy Benarroche. Cet article, dont nous demandons la suppression, instaure un nouveau délit, dans le but de punir « la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter » le squat de domicile.
L’adoption de cet article en l’état conduirait à sanctionner l’ensemble du monde associatif, qui prend en charge une grande partie des problèmes des personnes mal logées ou sans logement, sans intention de les laisser définitivement dans des squats, mais pour tenter de leur apporter des solutions dans des délais plus courts que ce que l’État est capable de faire.
On se retrouve donc à pénaliser et à condamner des personnes dont le but est d’aider l’État à résoudre les problèmes de mal-logement, des personnes qui, effectivement, trouvent parfois à travers les squats des solutions intermédiaires pour aider des gens qui, sans cela, iraient dans la rue, ce qui serait encore plus coûteux et, bien entendu, moins digne pour notre société.
Le Secours catholique, par exemple, qui n’est pas un regroupement de révolutionnaires patentés, s’est inquiété de la résurgence d’une sorte de délit de solidarité, destiné à réprimer l’aide, l’information et l’accompagnement apportés par les associations et leurs militants – bénévoles, je le rappelle – aux personnes et aux familles qui, faute de mieux, trouvent refuge dans des locaux vacants. Nous ne pouvons pas accepter que ces associations qui, tous les jours, font vivre le principe de fraternité cher à notre République deviennent des délinquants.
Nous ne cesserons de rappeler, tout au long de l’examen de ce texte et de prochains textes qui pourraient être présentés, que c’est par nécessité que des personnes en viennent à occuper des logements inhabités. Nous dénonçons, à la fois, le fait que ces personnes ne peuvent pas aujourd’hui être logées dans des logements décents et le fait que la surenchère répressive contre les associations et groupes militants agissant pour leur venir en aide n’apportera aucune solution au problème du mal-logement.
Mme le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 63.
M. Gérard Lahellec. Dans le prolongement des propos précédents, j’indiquerai que cet article nous paraît effectivement disproportionné au regard de la liberté d’expression, en tout cas dans sa rédaction actuelle. Il ne faudrait tout de même pas que l’on instaure ici un délit de solidarité ! Ce ne sont pas, pensons-nous, les slogans militants en faveur de la défense du droit au logement qui mènent au squat.
Je ne rappellerai ici qu’un seul chiffre : plus de trois millions de logements sont considérés comme vacants selon la loi et, même s’il est possible de procéder à des réquisitions, chacun sait ici que cela se fait très rarement.
Nous vous demandons donc, mes chers collègues, de considérer que les slogans portés par les associations de solidarité, les syndicats ou autres ne sont pas responsables des squats et, par conséquent, de ne pas instaurer le délit évoqué à l’instant.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. La commission ne croit pas que l’on puisse qualifier d’acte de solidarité la mise en ligne de véritables guides du squat, par exemple, expliquant comment s’introduire frauduleusement dans un logement, comment éviter ensuite l’expulsion en abusant des garanties prévues par la législation, laquelle n’est pas faite pour cela.
Mmes Dominique Estrosi Sassone et Jacqueline Eustache-Brinio. Exactement !
M. André Reichardt, rapporteur. C’est ce type de comportements, messieurs Benarroche et Lahellec, qu’il convient de réprimer.
Je précise enfin, même si cela ne nous lie pas, que le Sénat a déjà adopté une disposition analogue voilà deux ans, au moment de l’adoption de la proposition de loi de Mme Estrosi Sassone.
L’avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Cette incitation à violer des domiciles et les explications fournies à cet effet sont assez insupportables et – je connais bien le sujet – les associations dont il est question ici n’en sont pas à l’origine. En tant qu’ancien maire de Clichy-sous-Bois, je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que si l’opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national (Orcod-IN) de cette commune prend du retard, c’est parce que nous subissons régulièrement des assauts dans des appartements libérés, prévus à la démolition ; un certain nombre des personnes qui entrent dans ces logements suivent à la lettre des explications trouvées sur internet.
Par conséquent – et vous connaissez ma modération –, cette incitation me paraît assez insupportable. L’avis est défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Au-delà des squatteurs, c’est aujourd’hui à de véritables réseaux organisés que nous devons nous opposer, réseaux qui promeuvent et mettent en place les squats, y compris, parfois, au détriment de locataires ou de personnes de bonne foi.
Parce que nous sommes de plus en plus souvent confrontés à ce problème, la présente mesure va plus que dans le bon sens. Il est important de marquer notre sévérité à l’endroit de sites proposant des guides d’emploi pour squatter des logements et de nous attaquer, ainsi, aux réseaux organisés.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 et 63.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er bis A.
(L’article 1er bis A est adopté.)
Article 1er bis
À l’article 313-6-1 du code pénal, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans » et le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 45 000 euros ». – (Adopté.)
Après l’article 1er bis
Mme le président. L’amendement n° 42, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 225-14 du code pénal, le mot :
« cinq » est remplacé par le mot : « sept ».
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Puisque la tendance est plutôt à l’extension des délits et à l’aggravation des peines et des sanctions, le présent amendement vise justement à alourdir la peine encourue par les marchands de sommeil, qui profitent de la précarité ou de la situation irrégulière de certaines personnes pour les loger dans des logements insalubres et indécents.
Pas grand-chose n’est prévu dans ce texte pour mieux sanctionner la soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes, alors qu’il existe, nous le savons, près de 450 000 logements occupés considérés comme indignes et que l’on dénombre 78 affaires sur des immeubles en péril ou insalubres pour l’année 2020.
Je ne décrirai pas la situation découverte à Marseille, ville dont je viens, après l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne. Des centaines d’arrêtés de péril ont été pris et l’on s’est alors rendu compte du nombre de gens qui étaient logés par des marchands de sommeil sans bail, en tout cas écrit.
Bien que la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, la loi Élan, ait renforcé l’arsenal juridique contre ces bailleurs et qu’une ordonnance parue en janvier 2021 harmonise les procédures administratives spéciales de lutte contre l’habitat indigne, les condamnations restent trop rares.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, d’inciter le Gouvernement à se doter d’une véritable politique de lutte contre le mal-logement et les marchands de sommeil.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Comme l’indiquent ses auteurs eux-mêmes, il s’agit surtout d’un amendement d’appel, visant à attirer l’attention sur l’habitat indigne et le problème posé par les marchands de sommeil, qui exploitent la vulnérabilité des plus fragiles d’entre nous.
La peine actuelle encourue – cinq ans d’emprisonnement – est déjà sévère et dissuasive. Il ne nous paraît pas absolument nécessaire de l’alourdir encore. L’enjeu, parce qu’il y en a un, est naturellement de réprimer effectivement l’infraction sur le terrain et de déférer les auteurs devant les tribunaux.
Notre avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’attachement du Gouvernement, et le mien, à la lutte contre les marchands de sommeil, Thénardier des temps modernes qui profitent de la misère des plus fragiles. Vous avez raison, monsieur Benarroche, il faut continuer de lutter contre ces marchands de sommeil. Le présent texte permettra d’ailleurs d’ajouter dans la loi des dispositions plus sévères. Vous souhaitez aller plus loin encore… Le Gouvernement, pour sa part, s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
I. – (Non modifié) L’article 226-4 du code pénal est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non. »
II. – L’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « principale, », sont insérés les mots : « ou dans un local à usage d’habitation » ;
b) (nouveau) Les mots : « ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci » sont remplacés par les mots : « , toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci ou le propriétaire du local occupé » ;
c) (nouveau) Après les mots : « son domicile », sont insérés les mots : « ou sa propriété » ;
d) Sont ajoutés les mots : « par le maire ou par un commissaire de justice » ;
2° (nouveau) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de son droit en raison de l’occupation, le représentant de l’État dans le département sollicite dans le délai de soixante-douze heures l’administration fiscale pour établir ce droit. » ;
3° (nouveau) À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « quarante-huit » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
4° (nouveau) Au premier alinéa, aux première et deuxième phrases du deuxième alinéa et au dernier alinéa, le mot : « préfet » est remplacé par les mots : « représentant de l’État dans le département ».
Mme le président. L’amendement n° 41, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, qui prévoit, je le rappelle, d’étendre le délit de violation de domicile aux résidences secondaires et aux résidences inhabitées, ainsi que d’étendre la procédure d’expulsion administrative en quarante-huit heures à tout local d’habitation, même s’il n’est pas meublé et, donc, pas habité.
L’adoption de cet article conduira à ce que le délit de violation de domicile, pensé aujourd’hui pour protéger la vie privée de personnes en sanctionnant l’occupation de logements meublés et régulièrement habités, protège désormais la propriété immobilière en tant que valeur absolue – nous avons eu un long débat sur le sujet avant-hier soir. Ainsi sera sanctionnée l’occupation de tout local, y compris un local inhabité, vide ou vacant depuis des années.
Il s’agit là d’une extension considérable de ce délit, d’autant plus choquante que l’on recense actuellement en France, comme nous le savons, dix fois plus de logements vacants que de personnes à la rue.
En plus de révéler de nouveau une conception absolutiste du droit à la propriété immobilière au détriment des plus précaires, ce renversement de valeurs a des conséquences dangereuses : cet article permet l’expulsion en moins de vingt-quatre heures, sans procédure juridictionnelle et sans contradictoire, de personnes trouvant refuge dans des locaux totalement vides et n’ayant pas vocation à être occupés.
Ici même, avant-hier soir, le garde des sceaux a bien spécifié à quel point cette nouvelle règle renversait les valeurs, en considérant toute propriété d’un bien immobilier prioritaire sur la capacité à loger des personnes, y compris dans des endroits n’ayant pas vocation à être des logements et inoccupés depuis des années.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement de suppression de l’article 2. Nous estimons que ce dernier contient des dispositions utiles, à la fois, pour préciser le sens de la notion de domicile et pour renforcer la procédure d’évacuation forcée des squatteurs prévue à l’article 38 de la loi Dalo.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 64, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 226-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, dès lors que cette personne y habite et que ce local constitue sa résidence principale. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. J’estime que l’article 2 étend la notion de domicile au-delà du bon sens.
Toute propriété sera en effet considérée comme le domicile d’une personne, comme si en raison d’un don d’ubiquité, on pouvait vivre à plusieurs endroits en même temps…
En mettant sur le même plan logements vacants et logements habités, petits propriétaires et propriétaires de quartiers entiers, vous tentez de masquer la réalité pourtant flagrante de la crise du logement. Bien que celle-ci fasse de nombreuses victimes, rien n’est fait pour la résoudre.
C’est un fait : la grande majorité – je dis bien, non pas la totalité, mais la grande majorité – des logements squattés sont des logements vides, c’est-à-dire qu’ils ne sont le domicile de personne. (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste.)
Vous souhaitez changer cette réalité en faisant coïncider propriété et domicile, mais on n’agit pas sur le réel en changeant la définition des mots, même si cela est presque devenu une habitude chez certains.
De la même manière que l’on préfère parler pudiquement de « plan de sauvegarde de l’emploi » plutôt que de licenciements dans les entreprises, il n’y aurait désormais plus de logements vacants, mais uniquement des domiciles.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons une nouvelle rédaction du présent article qui réaffirme ce qu’est véritablement le domicile d’une personne, c’est-à-dire un logement habité.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Cette proposition va à l’encontre des votes par lesquels le Sénat affirme depuis plusieurs années que la notion de domicile peut également recouvrir celle de résidence secondaire. (Et heureusement ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. La jurisprudence considère que le domicile correspond à un lieu où la personne a le droit se dire chez elle.
Par ailleurs, au-delà des résidences secondaires, et pour différentes raisons telles que le célibat géographique, une personne peut avoir deux domiciles.
Avis défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Comme l’a indiqué M. le ministre, une personne peut effectivement avoir deux domiciles.
Ma fille réside à l’étranger, mais elle passe six mois de l’année en France, dans un appartement dont elle est propriétaire à Paris. Ce logement est considéré comme sa résidence secondaire, car ma fille n’est pas salariée en France, mais à l’étranger. La disposition proposée la priverait donc du droit de retourner chez elle.
Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Soyons sérieux, mes chers collègues. Nous sommes bien d’accord sur le fait qu’il n’est pas bien de squatter. J’ai toutefois évoqué le cas, non pas des résidences secondaires,…
Mme Éliane Assassi. … mais des logements vides !
M. Martin Lévrier. Qui peuvent être des résidences secondaires !
Mme Éliane Assassi. Lesquelles peuvent effectivement être des résidences secondaires (Mme Jacqueline Eustache-Brinio s’exclame.), mais qui peuvent aussi n’être le domicile de personne. Et, madame Procaccia, je suppose que tel n’est pas le cas du logement de votre fille.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame Assassi, les logements qui ne sont le domicile de personne sont bien la propriété de quelqu’un !
Mme Éliane Assassi. Pas toujours !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Or le droit de propriété, qui est « inviolable et sacré », doit être respecté.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il n’est tout de même pas sacré !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Pour ce qui concerne la problématique du mal-logement que vous évoquez, madame Assassi, cette proposition de loi prévoit la pérennisation d’un dispositif qui n’était jusqu’alors qu’expérimental, et qui permet l’occupation temporaire de locaux vacants dans le cadre d’une convention passée entre une société ou une association comme la fondation Emmaüs et le propriétaire. Ce dispositif, qui s’applique notamment aux immeubles qui n’ont pas encore de destination, ou à des immeubles de bureaux qui doivent faire l’objet, à terme, d’un changement d’usage, permet de loger temporairement des personnes qui sont en situation de mobilité géographique professionnelle ou des ménages en difficulté, mais il s’applique pour une durée définie et de manière encadrée.
Un logement est toujours la propriété de quelqu’un, et ce n’est pas parce qu’il est vacant que l’on peut s’y introduire !
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, les mots ont un sens, et dans l’esprit commun, le mot « domicile » n’est pas assimilable au mot « propriété ». J’estime dangereux de mettre dans une même catégorie différents types de bâtis dont certains sont occupés en permanence ou temporairement, quand les autres ne sont pas occupés depuis des années.
Ne faisons pas une généralité des quelques faits divers – des personnes s’étant temporairement absentées de leur domicile retrouvent celui-ci squatté à leur retour. Si ces derniers doivent nous alerter, et s’il est totalement condamnable de squatter des logements pendant l’absence de leurs occupants, il n’est pas correct de mettre ces logements dans la même catégorie que des bâtis qui sont inoccupés depuis des années et des années.