Sommaire

Présidence de M. Vincent Delahaye

Secrétaires :

Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.

1. Procès-verbal

2. Mises au point au sujet de votes

3. Candidatures à une commission mixte paritaire

4. Action des collectivités territoriales en matière de politique du logement. – Rejet d’une proposition de loi

Discussion générale :

M. Ronan Dantec, auteur de la proposition de loi

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la commission des finances

M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement

M. Jean-Claude Requier

M. Jean-Claude Anglars

Mme Colette Mélot

M. Daniel Breuiller

Mme Nicole Duranton

Mme Isabelle Briquet

M. Pascal Savoldelli

M. Jean-Michel Arnaud

M. Max Brisson

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 1 de Mme Isabelle Briquet. – Rejet par scrutin public n° 120.

Rejet de l’article

Après l’article 1er

Amendement n° 2 de Mme Isabelle Briquet. – Rejet.

Article 2

Amendement n° 3 de Mme Isabelle Briquet. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Vote sur l’ensemble

M. Paul Toussaint Parigi

Rejet, par scrutin public n° 121, de la proposition de loi, modifiée.

Suspension et reprise de la séance

5. Réhabilitation des militaires « fusillés pour l’exemple ». – Discussion d’une proposition de loi

Discussion générale :

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

6. Mise au point au sujet de votes

7. Modification de l’ordre du jour

8. Réhabilitation des militaires « fusillés pour l’exemple ». – Suite de la discussion et rejet d’une proposition de loi

Discussion générale (suite)

M. Guillaume Gontard, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Pascal Allizard

Mme Colette Mélot

M. Guy Benarroche

M. André Gattolin

M. Yannick Vaugrenard

Mme Michelle Gréaume

M. Olivier Cigolotti

M. André Guiol

M. Antoine Lefèvre

M. Marc Laménie

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères

M. Jean-Claude Tissot

M. Olivier Paccaud

M. Ronan Dantec

M. Rachid Temal

M. Jacques Fernique

Amendement n° 1 de M. André Gattolin. – Retrait.

M. Guillaume Gontard, rapporteur

M. Yannick Vaugrenard

Mme Michelle Gréaume

M. Rachid Temal

M. André Gattolin

M. Guy Benarroche

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État

Rejet, par scrutin public n° 122, de l’article.

Article 2 – Devenu sans objet.

Tous les articles ayant été rejetés ou devenus sans objet, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Suspension et reprise de la séance

9. Protéger les logements contre l’occupation illicite. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Article 1er A (suite)

Amendement n° 78 de M. Denis Bouad. – Rejet.

Amendement n° 59 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendements identiques nos 34 de M. Guy Benarroche et 82 rectifié bis de Mme Valérie Létard. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 60 de Mme Cécile Cukierman. – Devenu sans objet.

Amendements nos 11 rectifié bis, 12 rectifié bis et 13 rectifié bis de Mme Valérie Boyer. – Non soutenus.

Amendement n° 66 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er B (nouveau)

Amendements identiques nos 39 de M. Guy Benarroche et 62 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Amendements nos 23 rectifié ter et 24 rectifié ter de M. Emmanuel Capus. – Non soutenus.

Adoption de l’article.

Après l’article 1er B

Amendement n° 83 de Mme Catherine Procaccia. – Rectification.

Amendement n° 84 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Retrait.

Amendement n° 83 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 1er

Amendement n° 37 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 1er bis A

Amendements identiques nos 38 de M. Guy Benarroche et 63 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 1er bis – Adoption.

Après l’article 1er bis

Amendement n° 42 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Article 2

Amendement n° 41 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 64 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendements identiques nos 17 de M. François Patriat et 86 du Gouvernement. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 16 de M. François Patriat, 40 de M. Guy Benarroche et 85 du Gouvernement. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l’article.

Après l’article 2

Amendement n° 10 rectifié ter de Mme Corinne Imbert. – Retrait.

Article 2 bis

Amendements identiques nos 43 de M. Guy Benarroche et 65 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 77 de M. François Patriat et 87 du Gouvernement. – Rejet des deux amendements.

Mme Christine Lavarde

Adoption de l’article.

Article 2 ter

Amendement n° 67 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.

Amendement n° 7 rectifié bis de M. Dany Wattebled. – Retrait.

Adoption de l’article.

Après l’article 2 ter

Amendement n° 68 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Intitulé du chapitre II

Amendement n° 44 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Article 3 (suppression maintenue)

Article 4

Amendements identiques nos 46 de M. Guy Benarroche, 69 de Mme Cécile Cukierman et 79 de M. Denis Bouad. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 49 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendements identiques nos 4 rectifié bis de M. Stéphane Sautarel, 8 rectifié de M. Jean-Louis Lagourgue et 22 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Adoption des amendements nos 4 rectifié bis et 8 rectifié, l’amendement n° 22 rectifié bis n’étant pas soutenu.

Amendement n° 47 de M. Guy Benarroche. – Adoption.

Amendement n° 25 rectifié ter de M. Emmanuel Capus. – Devenu sans objet.

Adoption de l’article modifié.

Article 5

Amendements identiques nos 51 de M. Guy Benarroche et 80 de M. Denis Bouad. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 70 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendement n° 76 rectifié bis de M. Jean-Claude Requier. – Non soutenu.

Amendements identiques nos 18 rectifié bis de M. François Patriat, 28 rectifié de Mme Valérie Létard, 53 de M. Guy Benarroche et 88 rectifié du Gouvernement. – Rejet des quatre amendements.

Amendement n° 81 de M. Denis Bouad. – Rejet.

Amendements identiques nos 5 rectifié bis de M. Stéphane Sautarel, 9 rectifié de M. Jean-Louis Lagourgue, 14 rectifié bis de Mme Brigitte Micouleau et 21 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Retrait de l’amendement n° 5 rectifié bis ; rejet des amendements nos 9 rectifié et 21 rectifié ter, l’amendement n° 14 rectifié bis n’étant pas soutenu.

Amendement n° 26 rectifié ter de M. Emmanuel Capus. – Rejet.

Amendement n° 56 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 48 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 45 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 29 rectifié de Mme Valérie Létard. – Adoption.

Amendement n° 93 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 5

Amendements identiques nos 50 de M. Guy Benarroche et 72 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 55 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 52 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Article 6 (nouveau)

Amendement n° 89 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 7 (nouveau)

Amendements identiques nos 19 de M. François Patriat et 90 du Gouvernement. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 30 rectifié de Mme Valérie Létard. – Retrait.

Amendement n° 92 rectifié du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 57 rectifié de M. Vincent Capo-Canellas. – Retrait.

Amendements identiques nos 20 de M. François Patriat et 91 du Gouvernement. – Adoption des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Article 8 (nouveau) – Adoption.

Après l’article 8

Amendements nos 32 rectifié sexies et 31 rectifié sexies de Mme Sylviane Noël. – Non soutenus.

Intitulé de la proposition de loi

Amendement n° 35 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Vote sur l’ensemble

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Éliane Assassi

M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois

M. Daniel Salmon

Mme Catherine Procaccia

Mme Valérie Létard

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Adoption, par scrutin public n° 123, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement

10. Ordre du jour

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Vincent Delahaye

vice-président

Secrétaires :

Mme Corinne Imbert,

M. Dominique Théophile.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Sur le scrutin public n° 119, mon collègue Philippe Paul et moi-même souhaitions nous abstenir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.

M. Jean-Michel Arnaud. Sur ce même scrutin public n° 119, M. Olivier Cadic souhaitait voter pour.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin concerné.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'action des collectivités territoriales en matière de politique du logement
Discussion générale (suite)

Action des collectivités territoriales en matière de politique du logement

Rejet d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, de la proposition de loi visant à renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement, présentée par M. Ronan Dantec et plusieurs de ses collègues (proposition n° 217, résultat des travaux de la commission n° 275, rapport n° 274).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Ronan Dantec.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'action des collectivités territoriales en matière de politique du logement
Article 1er

M. Ronan Dantec, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à partager avec vous ma conviction profonde : les difficultés d’accès au logement sont aujourd’hui l’un des principaux facteurs, peut-être le principal, de la déstabilisation de la société française. Cette conviction est celle des sénatrices et sénateurs du groupe écologiste, qui ont tenu à inscrire l’examen de cette proposition de loi visant à renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement dans leur espace réservé. Mais l’objet de ce texte est, je le crois, partagé sur toutes les travées par des sénateurs de différentes régions, tous confrontés à l’accélération de cette fracture.

Ce sentiment d’injustice, ces difficultés au quotidien pour se loger nourrissent l’aigreur collective, le vote pour une offre extrémiste de recroquevillement. Néanmoins – c’est la « bonne nouvelle » du moment –, toute la France ne se résigne pas aux injustices sociales. Les manifestations de ce mardi l’ont montré…

Le coût du logement n’a cessé d’augmenter de manière considérable depuis trente ans. Le phénomène naît et s’installe d’abord dans les zones urbaines, à Paris et en petite couronne, dans les années 1990, puis dans des métropoles, comme Nantes et Rennes dans les années 2000 ou Bordeaux dix ans plus tard. Il n’est ainsi pas rare de voir des biens se vendre aujourd’hui en euros au même prix qu’il y a trente ans, mais, à l’époque, on payait en francs ! Cela représente une multiplication par six au cours de cette période !

Nous connaissons les conséquences de ce déséquilibre en termes de reflux de la mixité résidentielle et scolaire – Éric Maurin en parlait déjà voilà quinze ans –, d’étalement urbain, d’explosion des mobilités contraintes et de consommation d’espaces naturels et agricoles. La nécessité et l’urgence du ZAN, ou « zéro artificialisation nette », sont aussi en lien direct avec cette rupture dans les parcours résidentiels pour les petites classes moyennes et leur éloignement des centres urbains.

Ces trente dernières années, la ruée vers les zones littorales de l’ouest et du sud-ouest et l’augmentation vertigineuse des prix de l’immobilier en bord de mer, que la crise du covid-19 a, semble-t-il, encore accélérées, ont aussi entraîné une véritable fracture dans le peuplement. Je suis d’origine finistérienne : nous ne pouvions pas imaginer que, dans ce département, où les habitants sont particulièrement attachés à leur commune, il deviendrait en cinq ans à peine impossible pour beaucoup d’acquérir une maison, même petite, sur leur territoire de naissance et de vie.

Le sénateur de Loire-Atlantique que je suis ne peut que constater cette situation inextricable dans un département cumulant attractivité métropolitaine et attractivité touristique. C’est maintenant vers les départements limitrophes que sont poussés les ménages modestes, avec les difficultés que nous savons en termes de mobilité et d’accès aux services publics. Et je ne parle pas ici de tous ceux qui ne trouvent tout simplement plus à se loger ; les chiffres publiés par la Fondation Abbé Pierre sont suffisamment explicites à ce sujet. Cette fondation insiste d’ailleurs sur l’explosion du mal-logement en zone littorale.

Nous sommes donc dans une situation grave, et le débat, déjà long, que nous avons eu dans cet hémicycle lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, avec des cris d’alerte venant de toutes les travées, a souligné l’urgence à agir.

Cette proposition de loi n’a pas la prétention de régler à elle seule la crise actuelle. Courte – c’est un texte d’initiative parlementaire –, elle veut d’abord souligner l’importance de l’intervention des collectivités territoriales, sans lesquelles nous ne pourrons pas agir efficacement. Elle vise donc à en renforcer les budgets pour en conforter l’action.

Depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, les régions ont acquis une compétence pour faciliter l’accès au logement. Certaines s’en sont d’ailleurs saisies pour financer la production de logements sociaux. C’est surtout le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), c’est-à-dire le document de planification dont elles ont la charge, qui va devenir de plus en plus le document stratégique de référence. Il fixera les lieux de la production de logement, car il intégrera notamment la cartographie de synthèse du ZAN, après les travaux menés à l’échelle des plans locaux d’urbanisme (PLU), des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) et des schémas de cohérence territoriale (Scot).

La région va jouer un rôle de plus en plus important dans les politiques de logement, indissociables des politiques d’emploi et d’aménagement du territoire ; c’est le sens de l’histoire. Elle se doit donc d’être confortée, car ses besoins en ingénierie et en animation territoriale, sans parler des aides directes à la construction, seront de plus en plus importants.

Je n’ignore pas qu’il n’y a pas au sein des régions un consensus sur la manière de décliner cette compétence sur l’accès au logement. Nous le savons, certaines régions sont réticentes à se positionner plus fortement sur cette compétence, au risque d’être happées et de se retrouver en première ligne. Toutefois, déjà, cette modeste proposition de loi participe au nécessaire débat sur le rôle des régions dans les futures politiques du logement. Au regard des débats qu’a déjà suscités ce texte, il n’était probablement pas inutile de mettre une pièce dans la machine…

Beaucoup plus consensuel, le renforcement du rôle des établissements publics fonciers locaux (EPFL) est souhaité par tous. Je ne connais pas aujourd’hui, en Loire-Atlantique, un seul élu, quelle que soit sa couleur politique, qui ne le demande pas. D’ailleurs, mes chers collègues, vous avez reçu du réseau des EPFL un courrier de soutien très clair à cette proposition de loi.

Ce texte ne porte pas sur l’articulation entre les établissements publics fonciers locaux et les établissements publics fonciers de l’État (EPFE), où les collectivités locales jouent aussi un rôle important ; le débat eût été trop large, mais il devra avoir lieu. Mes collègues du groupe écologiste et moi-même avons simplement cherché à répondre à l’urgence, sachant qu’avec la mise en œuvre du ZAN, les besoins d’intervention sur la réhabilitation des cœurs de bourgs ou d’anciennes zones artisanales deviendront de plus en plus considérables. Ainsi, en Loire-Atlantique, bien que l’EPFL ait été renforcé, il ne peut pas répondre à l’ensemble des demandes des communes.

L’article 2 de la proposition de loi devrait, je crois, faire l’objet d’un véritable consensus entre nous et nous permettre de gagner du temps. Si nous votons ce texte aujourd’hui, il faut tenir compte de la navette parlementaire, des délais pour que les EPFL votent les changements de taux – si tel est le cas, puisqu’il s’agit d’une mesure optionnelle –, tout cela prendra plus d’un an. Au regard de l’urgence de la situation, il faut absolument gagner du temps.

Qui dit dépenses pour les régions ou pour les EPFL dit recettes… La logique de cette proposition de loi est donc d’asseoir les recettes sur l’un des facteurs de déstabilisation actuels : l’explosion du nombre de résidences secondaires dans certains territoires. Aujourd’hui, le nombre de résidences secondaires augmente plus rapidement que la production de logements neufs : par exemple, il y a près de 300 000 résidences secondaires en Bretagne ! De ce point de vue – je me tourne vers notre collègue Max Brisson –, la situation du Pays basque est emblématique.

En zones tendues, il est clair que les résidences secondaires participent à la déstabilisation du marché du logement. En ajoutant donc une surtaxe raisonnable, de 0 % à 25 %, pour les propriétaires de ces biens, nous ne les amènerons probablement pas à les remettre sur le marché – ce n’est de toute façon pas le sens de ce texte –, mais nous permettrons une augmentation substantielle de la capacité d’action des EPFL, qui, selon nos calculs, pourraient dans certains territoires voir leurs recettes multipliées par deux, s’ils appliquent le taux de 25 %. Si nous avons restreint le dispositif aux zones tendues, le débat reste ouvert pour l’étendre à l’ensemble des périmètres des EPFL.

Enfin, et j’insiste beaucoup sur ce point, il s’agit d’une possibilité, non d’une obligation. Ce sont les élus qui gèrent les EPFL qui décideront de l’augmentation. En outre, il s’agit d’une augmentation extrêmement raisonnable, entre 0 % et 25 %. Nous avons repris ce qui avait été proposé voilà quelques semaines par Philippe Bas – je ne sais pas s’il faut prendre Philippe Bas en exemple ce matin (Sourires.) – puis adopté au Sénat dans un quasi-consensus. Ce texte s’inspire donc de ce que vous avez déjà voté, mes chers collègues.

Le Sénat regrette très régulièrement la perte d’autonomie fiscale des collectivités ; c’est un autre point de consensus entre nous. Cette proposition de loi la renforce.

Le Sénat s’émeut de la déstabilisation du marché du logement en zone littorale, ce qui donne lieu à de nombreuses interventions dans cet hémicycle. Cette proposition de loi tend à renforcer l’action des élus locaux pour y répondre.

Aussi, parce que cette proposition de loi s’est beaucoup inspirée des débats les plus consensuels que nous avons eus dans cet hémicycle, nous ne pouvons qu’espérer un vote largement majoritaire sur un texte simple visant à répondre à l’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen du dernier projet de loi de finances, nous avons assez longuement débattu du développement des résidences secondaires et de ses effets sur le marché local de l’immobilier, en particulier sur les contraintes en termes d’accès au logement pour les résidents permanents.

Depuis 2010, on constate une augmentation assez nette du nombre des résidences secondaires : 16,5 %, contre moins de 10 % pour les résidences principales. La proportion de résidences secondaires est particulièrement élevée sur le littoral atlantique et en Corse. Ce développement accentue la tension sur le marché du logement, surtout dans les territoires où la population est en augmentation, obligeant les personnes qui travaillent dans les communes touristiques à résider elles-mêmes de plus en plus loin.

Il faut toutefois se garder d’une vision uniforme selon laquelle le développement des résidences secondaires serait systématiquement défavorable aux résidents locaux : les résidences secondaires constituent aussi une source d’attractivité et d’enrichissement pour l’économie locale, en particulier là où la densité de population est moins importante.

Face à ce phénomène, la fiscalité locale a évolué significativement ces dernières années en défaveur des résidences secondaires par rapport aux résidences principales. Je rappellerai deux mesures.

En premier lieu, la taxe d’habitation des résidences principales a été progressivement supprimée. Depuis le 1er janvier 2023, elle ne s’applique qu’aux seules résidences secondaires, d’où son appellation de taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS).

En second lieu, la loi de finances pour 2023 a étendu le périmètre dans lequel s’applique la taxe sur les logements vacants et où les communes peuvent également appliquer une majoration de 5 % à 60 % de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Alors que ce périmètre se limitait auparavant à des zones tendues de plus de 50 000 habitants, la majoration de la THRS pourra désormais être décidée dans des communes situées dans des zones d’urbanisation plus petites, notamment dans celles où le taux de résidences secondaires est élevé.

La liste de ces communes n’est, certes, pas encore connue, car le décret d’application n’a pas encore été pris. Monsieur le ministre, peut-être serez-vous en mesure de nous apporter aujourd’hui des précisions sur le calendrier de ce décret.

Lorsque le nouveau zonage sera connu, des milliers de communes acquerront probablement la possibilité de majorer la THRS, précisément dans les zones visées par la présente proposition de loi.

Le développement des résidences secondaires est donc un phénomène avéré, qui doit être pris en compte dans les politiques du logement.

La proposition de loi que nous examinons, déposée par M. Ronan Dantec et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, constate ce phénomène et cherche à apporter à certaines catégories d’acteurs publics, à savoir les régions et les établissements publics fonciers locaux, les moyens d’accomplir leur mission en matière de politique du logement et d’aménagement. Je profite de l’occasion pour saluer la qualité du travail de Ronan Dantec et de nos échanges. Je salue également Daniel Breuiller.

Les deux articles sont similaires dans leur dispositif. Il s’agit de créer deux taxes additionnelles à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

La première serait instituée au profit de la région, sur délibération du conseil régional ; c’est l’objet de l’article 1er. La seconde serait reversée aux établissements publics fonciers locaux et à l’office foncier de la Corse ; c’est l’objet de l’article 2.

Dans les deux cas, cela ne concerne pas l’ensemble du territoire : seules sont visées les zones dans lesquelles peuvent s’appliquer la taxe sur les logements vacants et la surtaxe de THRS, c’est-à-dire les zones tendues, notamment touristiques. En outre, la taxe de l’article 2 ne s’appliquerait que dans le périmètre des EPFL, c’est-à-dire sur une part très limitée du territoire national, car la plupart des territoires sont uniquement couverts par un EPFE, certains ne le sont d’ailleurs par aucun établissement public foncier ; nous savons tous qu’il existe des zones blanches et qu’il faudra s’attaquer à ce problème.

Le taux de chacune de ces taxes pourrait varier de 0 % à 25 % de la valeur locative, en fonction des délibérations du conseil régional ou du conseil d’administration de l’EPF.

Comme l’indique l’exposé des motifs, il s’agit d’abord de taxes de rendement, qui visent à apporter des ressources aux régions et aux EPFL. Ces taxes auraient-elles une influence sur les propriétaires de résidences secondaires ? C’est plus difficile à déterminer. On peut penser que beaucoup d’entre eux ne mettront pas en location de manière permanente un logement, simplement parce que le taux de taxation aura augmenté. Il est possible toutefois que certains fassent le choix d’acquérir une résidence secondaire dans une zone où ces taxes ne seront pas instituées, ce qui pourrait donc avoir un effet sur la politique de logement locale.

Or l’un des principaux obstacles que je vois à ces dispositions est celui de la mise en cohérence entre les autorités chargées de la compétence logement. Si l’État conserve une part essentielle dans la définition de la politique du logement, notamment des aides de guichet, la mise en œuvre locale de la politique du logement relève pour l’essentiel des communes et des intercommunalités, même si la loi NOTRe a attribué aux régions une compétence pour promouvoir « le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine ».

En outre, cette proposition de loi permettrait aux établissements publics fonciers (EPF) non seulement d’accroître leurs ressources, mais aussi – et c’est une nouveauté – de décider sur quelle catégorie de contribuables la ressource serait prélevée, en l’occurrence les propriétaires de résidences secondaires.

Je crains donc qu’il n’y ait un risque d’interférence ou de manque de cohérence dans la mise en œuvre de la politique du logement, car les régions et les EPF, d’une part, et les communes et intercommunalités, d’autre part, n’ont ni le même périmètre ni nécessairement les mêmes stratégies.

De surcroît, cette ressource n’est assortie d’aucune obligation d’utilisation. Par conséquent, rien ne garantit que le produit serait bien utilisé pour des actions en faveur de l’accès au logement. D’ailleurs, les régions ne sont pas demandeuses d’une telle ressource. (M. Ronan Dantec manifeste son scepticisme.)

Du point de vue du contribuable, les nouvelles taxes et la hausse brutale de la taxe d’habitation qu’elles entraîneraient seraient importantes. Un logement taxé aujourd’hui à 30 % ou 40 % pourrait l’être désormais à 80 % ou 90 %, avec l’ajout de nouvelles lignes sur l’avis d’imposition qui rendraient plus difficile encore la compréhension de la fiscalité par les contribuables.

Le risque d’inconstitutionnalité lié à de tels taux d’imposition est d’ailleurs élevé, en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État.

En outre, comment justifier, du point de vue du principe d’égalité entre les contribuables, que la taxe prévue par l’article 2 puisse frapper le logement situé dans le périmètre d’un EPFL, mais pas celui qui est situé dans le périmètre d’un EPFE ?

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, la commission des finances n’a pas adopté cette proposition de loi et vous proposera donc le rejet des deux articles.

La solution paraît effectivement prématurée, voire inadaptée, même si, je le répète, le sujet est réel.

Par exemple, il paraît nécessaire de permettre aux établissements publics fonciers d’assurer leurs missions, qui iront croissant au cours des années à venir. Les EPF participent aux programmes Action cœur de ville, Petites Villes de demain, à la réhabilitation et la dépollution de friches, à la constitution de réserves foncières pour les collectivités…

De manière générale, la mise en œuvre du ZAN entraînera mécaniquement une raréfaction de la ressource foncière, et il est important que les collectivités locales puissent s’appuyer sur les EPF.

Dans la mesure où les établissements publics fonciers sont en partie financés par une dotation budgétaire qui compense les effets de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, faut-il maintenir cette dotation, qui ne prend pas en compte les extensions de périmètre des EPF, la renforcer ou au contraire envisager une ressource fondée sur une assiette locale et moins soumise aux arbitrages annuels de l’État ? Voilà l’une des questions sous-jacentes à cette proposition de loi.

La réponse n’est probablement pas dans la création d’une nouvelle taxe, surtout réservée à une catégorie d’EPF. La taxation des résidences secondaires doit s’apprécier dans un périmètre plus large : celui du financement de la politique locale du logement et de l’aménagement.

Par ailleurs, nous devons laisser vivre les évolutions de fiscalité proposées par la loi de finances pour 2023, c’est-à-dire la possibilité de majorer la THRS qui sera précisément accordée aux territoires visés par cette proposition de loi. En outre, les conditions concrètes d’application du ZAN doivent évoluer avec la révision des décrets pris l’an passé et, nous l’espérons, une évolution du cadre légal telle que la propose la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, pour laquelle le Sénat a constitué une commission spéciale hier.

Ensuite seulement, il faudra avancer sur la définition de la fiscalité et du financement de l’objectif, en s’appuyant sur des travaux comme le récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité du ZAN. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte examiné ce matin permet de mettre en lumière un phénomène particulièrement prégnant dans de très nombreux points de notre territoire. Le constat que vous établissez, monsieur Dantec, est d’une grande clarté et d’une grande justesse.

L’inflation des prix de l’immobilier, alimentée notamment par la multiplication des résidences secondaires, crée un problème d’accès au logement pour les Français qui, parfois depuis des générations, vivent dans ces villes, dans ces départements, dans tous les lieux touchés par ce phénomène, en particulier dans la région qui est la vôtre, monsieur le sénateur.

Les chiffres de l’Insee en attestent : la tendance s’est accélérée au cours de la dernière décennie. Depuis 2010, le nombre de résidences secondaires a augmenté de 16,5 %, contre moins de 10 % pour les résidences principales. Même si les résidences secondaires représentent environ un logement sur dix, il faut être attentif à la dynamique à l’œuvre.

La multiplication des résidences secondaires ne concerne pas uniquement le sud de la France. Elle touche aussi la côte Atlantique et les agglomérations de grandes métropoles comme Lyon, Toulouse ou encore Bordeaux.

Le Gouvernement partage donc une grande partie de votre diagnostic, monsieur le sénateur. Les tensions sur les prix sont incontestables et certaines communes, certains quartiers sont devenus inaccessibles pour des gens qui doivent alors déménager pour aller vivre plus loin – plus loin de leur travail, plus loin des lieux dans lesquels ils sont parfois nés, plus loin de lieux auxquels ils sont profondément attachés –, et ce d’autant que ces zones, souvent touristiques, se dévitalisent en ne connaissant plus que des habitats intermittents à mesure que les résidences secondaires deviennent prépondérantes.

Cette proposition de loi pose ainsi des questions sérieuses, et de très nombreux parlementaires ou élus locaux se retrouvent sans doute dans le constat que vous faites.

Pour y répondre, monsieur le sénateur, vous proposez des mesures de nature fiscale. Sans conteste, la fiscalité et, plus largement, l’incitation financière ont leur rôle à jouer, mais en complément d’autres instruments, car cela ne suffira pas pour tout résoudre.

De manière générale, la Gouvernement a la conviction que l’on ne peut pas régler tous les problèmes de notre pays par une accumulation de taxes et que nous devons collectivement veiller à ne pas multiplier les prélèvements sur nos compatriotes en cette période. Qui plus est, les résidences secondaires ne sont pas forcément détenues par les plus aisés : l’Insee estime que 34 % des propriétaires de résidences secondaires sont dans le dernier décile de revenus.

Concrètement en effet, ce texte propose de créer deux nouvelles taxes additionnelles à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, dont les recettes bénéficieraient respectivement aux régions et aux établissements publics fonciers, qu’ils soient d’État ou locaux. Ces taxes s’appliqueraient dans les zones géographiques en tension qui conditionnent déjà la possibilité, pour les communes, d’appliquer une majoration de la THRS.

La première taxe serait instituée sur délibération du conseil régional, qui pourrait en fixer le taux dans une fourchette comprise entre 0 % et 25 % de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires applicable dans la commune concernée. La seconde obéit à un mécanisme similaire, mais serait instituée au profit des établissements publics fonciers.

Le Gouvernement ne peut pas soutenir une telle proposition, pour plusieurs raisons.

D’abord, le Gouvernement est très attentif à maîtriser la pression fiscale dans notre pays. Or, monsieur le sénateur, vous proposez un cumul d’impositions qui pourrait d’ailleurs être considéré comme confiscatoire par le juge constitutionnel. En effet, une même assiette fiscale – en l’occurrence, la valeur locative cadastrale d’un bien – se verrait appliquer une succession de taxes et de majorations avec, au final, un taux d’imposition global à des niveaux extrêmement élevés.

À titre d’illustration, le taux d’imposition pour les résidences secondaires situées à Grenoble pourrait atteindre plus de 84 %. Nous doutons que le Conseil constitutionnel puisse valider cela.

En outre, le type de fiscalité que vous proposez existe déjà largement, puisque les établissements publics fonciers, par exemple, perçoivent déjà des taxes spéciales d’équipement (TSE), réparties sur les impôts fonciers, dont la THRS.

La TSE est fixée par les établissements publics fonciers locaux en fonction de leurs engagements financiers, dans la limite de 20 euros par habitant. En pratique, il demeure une marge significative sous ce plafond, car le montant moyen de la TSE est aujourd’hui de 11 euros sur l’ensemble du territoire.

En termes de financement des établissements fonciers, nous estimons donc que des marges existent, sans qu’il faille créer de nouveaux prélèvements.

Ensuite, monsieur le sénateur, l’outil que vous recherchez existe déjà. Nous avons beaucoup avancé sur ces sujets dans le cadre de la dernière loi de finances.

Tout d’abord, je veux rappeler qu’en 2023 – le Gouvernement s’en félicite –, la taxe d’habitation est intégralement supprimée pour la résidence principale, mais continue de s’appliquer sans aucune forme d’allègement pour les résidences secondaires. Cette réforme crée donc un différentiel de fiscalité qui permet de rendre fiscalement bien plus attractive l’occupation d’un logement en tant que résidence principale.

Surtout, dans le cadre de la loi de finances pour 2023, nous avons renforcé les marges de manœuvre dont disposent les communes pour imposer les résidences secondaires. Sur l’initiative du député Xavier Roseren, dont la proposition a été approuvée par le Sénat, la définition des zones tendues a été complétée pour intégrer pleinement les communes touristiques dans le champ de cet outil en cas de tensions.

C’est un levier extrêmement puissant. Dans les zones en tension, les logements vacants sont automatiquement imposés à la taxe sur les logements vacants (TLV) après un an de vacance, et les conseils municipaux peuvent décider d’instituer une majoration de la cotisation de THRS comprise entre 5 % et 60 %.

J’ajoute que, toujours dans cette optique de résorption de la non-occupation des logements, la dernière loi de finances a aussi augmenté d’un tiers les taux de la TLV. À compter de 2023, les taux de cette taxe sont portés à 17 % la première année et à 34 % dès la deuxième, contre respectivement 12,5 % et 25 % jusqu’à présent.

Ce sont des outils extrêmement puissants. À titre d’exemple, appliquer la majoration à hauteur de 60 % représente en moyenne un montant d’impôt de 536 euros pour un appartement.

M. Max Brisson. Cela n’impressionne personne !

M. Franck Riester, ministre délégué. Cette réforme assure que des communes qui présentent une part de résidences secondaires très significative pourront activer ce levier, alors que ce n’était pas le cas aujourd’hui, lorsqu’elles ne faisaient pas partie d’une aire urbaine ou que le niveau de tension sur le marché locatif était un peu moindre que dans les zones les plus tendues du territoire.

En cela, je crois que la réforme répond directement aux aspirations d’un grand nombre d’élus et de territoires, notamment dans les Alpes, en Corse, sur le littoral atlantique et méditerranéen et en Bretagne. C’est aussi une réforme qui conserve le principe d’un zonage territorial pour éviter une augmentation fiscale indiscriminée.

Le Gouvernement travaille en ce moment même en concertation avec les associations d’élus à l’élaboration du décret d’application de cette réforme, qui précisera les zones d’application ; vous l’avez évoqué, monsieur le rapporteur.

Je sais que certains d’entre vous ont pu être interpellés par le fait que les communes ne pourront pas, dès cette année, percevoir le produit de cette majoration. Je tiens donc à vous rassurer : ce décret sera pris dans les meilleurs délais et permettra aux communes entrantes, avant le 1er octobre prochain, de délibérer pour majorer la THRS à compter des impositions de 2024.

Monsieur le sénateur, les objectifs de cette réforme, introduite en loi de finances pour 2023, sont donc très largement convergents avec le texte que vous proposez.

Celle-ci renchérit l’occupation de résidences secondaires dans les zones saturées, et ce dans des proportions très significatives. Elle permet aux communes de disposer de nouvelles ressources pour exercer leurs compétences en matière d’aménagement du territoire, assurer une offre de services publics, malgré la déprise des résidents permanents, et financer des projets immobiliers qui concourront au rééquilibrage que vous appelez de vos vœux.

Les communes pourront aussi faire le choix d’utiliser ce produit supplémentaire pour augmenter leur contribution aux établissements publics fonciers.

Vous le voyez, cette réforme répond de façon ciblée et proportionnée aux enjeux de la rétention foncière et de l’accès au logement.

En rappelant ces éléments, je ne veux toutefois pas laisser penser que le Gouvernement fait de la fiscalité l’alpha et l’oméga pour orienter le marché immobilier.

Une partie du phénomène d’attrition de logements que vous décrivez est liée au rôle des plateformes de location de courte durée, qui ont permis de démocratiser cette activité au détriment de l’offre hôtelière.

Les études disponibles montrent que les prix de l’immobilier augmentent au fur et à mesure que l’activité de location de courte durée croît et que, par substitution, le nombre de locations de longue durée diminue. On constate également une professionnalisation des locations brèves, qui se concentrent sur des biens constituant la première étape d’un parcours résidentiel en habitation principale pour les plus modestes, à savoir les biens de moins de 40 mètres carrés.

Depuis la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, nous avons institué un cadre réglementaire ambitieux pour essayer de maîtriser le phénomène. Cela passe en particulier par la réglementation du changement d’usage, qui ouvre ensuite un droit à compensation, dont les communes ne se sont toutefois pas encore suffisamment saisies. Dominique Faure et Olivia Grégoire mènent actuellement une réflexion sur le sujet.

Je ne serai pas plus long sur ces questions, qui vont au-delà de votre proposition de loi, mais qui montrent que le Gouvernement s’en est emparé et que nous devons avoir, sur ces questions essentielles, une approche ne se cantonnant pas à la fiscalité. Je sais que telle est aussi votre volonté.

Vous l’avez compris, pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement sera défavorable sur cette proposition de loi, en raison des moyens que vous proposez pour atteindre un objectif auquel, en revanche, le Gouvernement souscrit pleinement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intention de notre collègue Ronan Dantec, auteur de cette proposition de loi, est tout à fait louable. L’accès au logement, et en particulier la possibilité de demeurer dans sa commune de naissance, de vie ou d’attachement, est encore un enjeu majeur en France, en 2023.

Les questions de logement, quel que soit le point de vue que l’on adopte, sont extrêmement sensibles. On le voit cette semaine avec l’examen concomitant au Sénat de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite et du présent texte, la situation de certains locataires tout à fait licites étant elle aussi difficile.

La présente proposition de loi repose sur l’analyse de l’évolution du marché immobilier dans des zones moins touchées historiquement par la hausse des prix et par la « secondarisation », si vous me permettez ce dernier terme.

C’est un fait connu que l’afflux de populations à fort pouvoir d’achat dans un territoire donné tend à chasser les premiers occupants ou leurs descendants, souvent incapables de suivre financièrement. L’attachement à son territoire de naissance ou de jeunesse reste fort dans notre beau pays, malgré les bouleversements de la vie moderne. Je dirais même que plus la perte de repères est forte, plus, paradoxalement, le besoin d’enracinement est grand.

J’ajoute que le phénomène ne se limite pas aux zones côtières. Dans le Sud-Ouest, on est ainsi habitué à la présence, ancienne, de résidents d’origine britannique, souvent à fort pouvoir d’achat, même si le Brexit a rendu leur situation plus compliquée.

Les auteurs de la proposition de loi disent vouloir préserver le « droit de vivre dans le territoire de naissance et de vie », dans un contexte d’insuffisante régulation du marché du logement.

Nul doute que le marché immobilier souffre de défaillances. En témoignent les difficultés de mise en œuvre de l’encadrement des loyers dans les zones tendues. Par ailleurs, la spéculation immobilière et foncière est une réalité qui pèse lourdement sur beaucoup de nos concitoyens. Inversement, dans les territoires en perte d’attractivité, la revente d’un bien à prix raisonnable peut être difficile.

Pour autant, la réponse apportée dans la proposition de loi est-elle adéquate ? On peut en douter, dans la mesure où celle-ci prévoit de répondre à ces enjeux par la création de deux taxes supplémentaires.

Le texte prévoit d’abord le rétablissement d’une taxe régionale sur les résidences secondaires, dont l’objectif est de renforcer la capacité d’animation territoriale des régions en matière de logement, via des compétences, comme le développement économique, et des dispositifs existants, à l’instar des Sraddet.

La proposition de loi prévoit ensuite une taxe additionnelle à la THRS au profit des établissements fonciers d’État et locaux. Elle leur permettrait de préempter des biens immobiliers dans une optique de rééquilibrage territorial.

À l’instar du rapporteur, j’émets des réserves sur la création d’impôts nouveaux, la pression fiscale étant déjà forte de manière générale. Par ailleurs, on observe déjà l’augmentation des taxes foncières depuis la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales. Enfin, qui peut nous assurer que ces ressources serviront réellement à financer les politiques indiquées ?

Alors que la taxe d’habitation ne subsiste plus que sur les résidences secondaires, on a vu, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, les difficultés que rencontraient les collectivités afin d’articuler les taux des différentes taxes locales, taxe foncière et THRS.

Bref, le dispositif a le mérite de la simplicité. Par définition, il ne nécessite pas non plus de créer un gage, puisqu’on augmente déjà les recettes publiques. Toutefois, comme M. le rapporteur, il ne me paraît pas adapté en l’état. Ne tapons pas trop sur les propriétaires de résidence secondaire – les hausses des taxes pouvant atteindre, voire dépasser 50 % – alors qu’ils jouent un rôle majeur dans l’économie de nos territoires.

Pour ces différentes raisons, les membres du groupe du RDSE voteront en majorité contre cette proposition de loi. (M. Olivier Cigolotti applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les constats sur les difficultés que rencontrent les ménages pour se loger sont connus. Ce problème public fait régulièrement la une de l’actualité et l’objet de travaux parlementaires.

Lors d’un débat sur la crise du logement, organisé sur l’initiative de notre groupe au mois de janvier 2022, nous avions d’ailleurs effectué le bilan du quinquennat qui s’achevait, marqué par la hausse des prix de l’immobilier et du foncier, ainsi que par la baisse du nombre de nouveaux logements.

Cette proposition de loi a donc un objet louable. Elle vise à « renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement ». Néanmoins, cet intitulé est excessif, puisque le texte ne concerne en réalité que les régions, ne porte que sur les résidences secondaires et ne prévoit que la création d’une nouvelle taxe.

Le dispositif proposé n’apparaît donc pas satisfaisant, pour deux raisons principales.

Premièrement, la création d’une nouvelle taxe régionale sur les résidences secondaires n’apparaît pas utile, alors que la possibilité donnée aux maires d’agir sur la fiscalité des résidences secondaires vient d’être renforcée. En effet, un débat sur la taxation des résidences secondaires a déjà eu lieu au Sénat voilà à peine un mois, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023.

Notre collègue Jean-François Husson avait bien noté que la proposition du Gouvernement d’élargir les zonages où les communes sont autorisées à majorer de 60 % la taxe d’habitation des résidences secondaires n’était que la suite de la suppression, non financée et bâclée, de la taxe d’habitation sur la résidence principale.

Finalement, dans un esprit de compromis et d’action, notre groupe a choisi de donner aux communes la possibilité d’augmenter dans la limite de 25 % la taxe d’habitation sur les résidences secondaires sans augmenter la taxe sur le foncier bâti.

Si nous ne sommes pas favorables à la création automatique de nouvelles taxes, c’est aussi parce que l’augmentation de la fiscalité sur les actifs immobiliers ne produit pas les effets escomptés. La délégation aux collectivités territoriales du Sénat l’a clairement démontré dans son rapport du mois de mai 2020 intitulé Les communes face à linflation des prix de limmobilier.

Plusieurs dispositifs juridiques récents visant à limiter la hausse des prix de l’immobilier par l’augmentation de la pression fiscale n’ont eu que des conséquences marginales. Pis, l’augmentation de la pression fiscale a suivi la courbe de la hausse des prix. Ce type de mesures ne peut donc pas être une solution à la crise du logement.

Deuxièmement, le dispositif proposé ne vise pas l’échelle d’action pertinente. Sur le terrain, nous pouvons le constater, le problème du logement est avant tout un problème communal ou intercommunal. Ce sont les communes et, éventuellement, les intercommunalités qui développent les politiques locales de l’habitat par différents moyens, notamment dans les plans locaux d’urbanisme.

Si la décentralisation a rendu plus compliquée la répartition des compétences en matière de politique du logement et de l’habitat entre les départements et les régions, il n’est pas utile de la complexifier davantage. Au contraire, il faut de la clarté !

Les maires ne doivent pas être tributaires d’interventions extérieures d’autres collectivités qui viendraient limiter ou contrer leur action, à plus forte raison dans un marché de l’immobilier où sont déjà présents de nombreux acteurs privés.

C’est encore plus vrai pour les communes rurales, qui représentent 88 % des communes et 33 % de la population et qui sont, peut-être, l’une des réponses à la crise du logement.

Je note ainsi que, depuis la crise du covid-19, les atouts des communes rurales sont plus reconnus et entraînent un changement de la mobilité résidentielle. Selon un rapport de l’Insee publié au mois de décembre 2022, le souhait de migrer vers des municipalités rurales a augmenté depuis la pandémie.

Enfin, mes chers collègues, en janvier 2023, il n’est pas possible de débattre de la situation du logement sans évoquer la mise en œuvre du ZAN, qui oblige à concilier les objectifs des politiques de l’urbanisme, de l’habitat et du logement avec de nouvelles contraintes.

La sobriété foncière qui s’impose est l’occasion de se saisir de certains leviers pour aménager l’habitat, comme la densification des zones construites et la réhabilitation du bâti des centres-bourgs, y compris dans les espaces ruraux.

Pour cela, le fonds vert, qui reprend en partie le fonds Friches, doit perdurer au-delà de l’année pour laquelle il a été mis en place. Ce fonds, déconcentré, à la main des préfets, favorise la réappropriation du bâti existant.

Dans cette perspective, le rôle planificateur des maires sera renforcé du fait de la nécessité de penser et de mettre en œuvre un développement équilibré à l’échelle de la commune.

Vous l’aurez compris, notre groupe partage l’avis réservé du rapporteur de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accès à l’immobilier est devenu l’une des principales préoccupations de nos compatriotes. Et pour cause : le logement est désormais le premier poste de dépenses dans le budget des ménages. Cela s’explique par la hausse massive et généralisée des prix de l’immobilier. Depuis le début des années 2000, l’indice des prix brut des logements, neufs et anciens, a augmenté de plus de 180 %.

En outre, plusieurs mesures de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, adoptée en 2021, risquent de compliquer la donne. Les interdictions de louer et de vendre des passoires énergétiques vont contraindre l’offre de logements disponibles et donc entraîner une augmentation des prix. Ces mesures répondent à des objectifs environnementaux que nous partageons tous. Mais les objectifs ne doivent pas nous conduire à ignorer la situation.

De même, l’objectif de zéro artificialisation nette, que nous partageons aussi, limite considérablement les capacités des collectivités à recourir à l’étalement urbain pour augmenter l’offre de logements disponibles. Les conséquences sur le marché de l’immobilier ne seront pas négligeables.

Dans ce contexte national complexe, certaines situations locales se révèlent encore plus compliquées. C’est notamment le cas des zones tendues, où le développement des résidences secondaires contraint encore davantage l’offre de logements disponibles pour les habitants de ces villes.

Nous avons tous conscience que le phénomène concerne de nombreuses communes françaises, créant çà et là des tensions entre la population locale et des habitants saisonniers.

Nous pouvons donc nous accorder sur le constat, mais diverger sur l’analyse des causes. En l’espèce, le diagnostic selon lequel l’augmentation récente des prix de l’immobilier serait due aux résidences secondaires me semble spécieux.

L’étude de l’Insee sur laquelle se fonde l’exposé des motifs révèle deux autres réalités, qu’il serait malvenu d’ignorer.

La première est la modification des structures familiales et, avec elle, l’augmentation de la proportion des foyers au sein de la population. Ainsi, depuis 1982, le nombre de résidences principales s’est accru de plus de 50 %, alors que la population n’a augmenté que de 20 % sur la même période. Il y a donc aujourd’hui plus de résidences principales pour la population globale qu’il n’y en avait voilà quarante ans.

La seconde est le fait que les résidences secondaires ne représentent que 10 % du parc de logements. Au cours des vingt dernières années, leur nombre n’a augmenté que de 35 %, alors même que – je le rappelais à l’instant – les prix de l’immobilier ont augmenté sur cette même période de plus de 180 %. L’augmentation du nombre de résidences secondaires n’explique pas la hausse généralisée des prix de l’immobilier.

Il m’a semblé important de rappeler ces éléments, car ils expliquent pourquoi notre groupe ne soutiendra pas ce texte.

Bien sûr, nous sommes favorables à l’objectif affiché, à savoir le renforcement de l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement, mais la proposition de loi que nous allons examiner se résume en fait à la création de taxes supplémentaires sur les résidences secondaires.

S’il suffisait de taxer davantage les Français pour faire baisser les prix de l’immobilier, alors, il n’y aurait pas de problème d’accès au logement en France.

M. Ronan Dantec. Absolument !

Mme Colette Mélot. Car, il faut le rappeler, nous sommes le pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) où le poids des prélèvements obligatoires est le plus important, après le Danemark.

Enfin, le dispositif proposé risque de gêner les élus locaux. En effet, il donne aux régions la possibilité de créer une taxe, alors qu’il s’agit pour l’instant de décisions prises par les communes et les intercommunalités,…

M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Colette Mélot. … qui demeurent les collectivités de proximité. Cette taxe ne serait appliquée en outre que dans des zones tendues déterminées par décret.

Ce texte apporte donc une mauvaise solution à un vrai problème de société. (M. Bruno Belin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Breuiller. « Personne ne peut plus simplement vivre ici ». Quand Jean Ferrat chantait ces mots, il parlait d’une société moderne où les jeunes « quittent un à un le pays », « pour s’en aller gagner leur vie », « loin de la terre où ils sont nés ».

Aujourd’hui, nous vivons l’inverse. Les jeunes veulent vivre au pays, mais ils ne le peuvent plus. Aucune région n’est épargnée. La hausse des prix de l’immobilier et du foncier, ainsi que la multiplication des Airbnb et des résidences secondaires obligent les jeunes et les catégories moyennes et modestes à se loger toujours plus loin. Cette ségrégation sociale et spatiale se développe à grande vitesse. Ce diagnostic – nous venons de l’entendre – est partagé sur toutes les travées ; la volonté d’agir aussi.

La proposition de loi que mon collègue Ronan Dantec présente au nom de notre groupe montre que nous pourrions agir modestement, à deux niveaux : sur l’effet de l’accroissement du nombre de résidences secondaires sur le prix de l’immobilier ; sur la maîtrise foncière des villes et des métropoles. Ce texte est une première avancée qui sera – nous n’en doutons pas – poursuivie et amplifiée, car il le faut.

Notre assemblée saura se saisir des difficultés que posent les locations Airbnb, la mise en œuvre du ZAN et la spéculation foncière, qui aggravent la situation de mois en mois. Nous l’accompagnerons.

Cette proposition de loi n’est pas là par hasard. Elle fait suite aux nombreuses interpellations de maires de communes littorales ou touristiques qui, tous, sans la moindre exception, dénoncent les conséquences directes de ces difficultés. Selon le collectif de maires du Val-de-Saire, on constate une réduction de la population permanente des communes, une accélération du vieillissement, la fermeture des commerces et de services publics – de classes, voire d’écoles –, la disparition des services médicaux et paramédicaux…

L’article 1er du texte suscite des interrogations, voire des inquiétudes – nous l’entendons –, sur la place des régions dans cette politique. Si cet article ne fait pas consensus, l’amendement de notre collègue Isabelle Briquet, qui vise à le remplacer par celui que nous avions voté collectivement pour décolérer… – pardon ! – décorréler (Rires.) taxe foncière et THRS, permettrait de répondre, s’il était adopté, aux inquiétudes des élus du Pays basque, de Corse, de Bretagne, de Normandie, des Alpes ou des Pyrénées, sans parler de ceux des métropoles. Tous les territoires sont touchés.

Cet amendement, adopté à une large majorité par le Sénat, a été supprimé – je le rappelle – à la suite du recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Nous pouvons rétablir une telle disposition et envoyer ainsi un nouveau signal aux collectivités territoriales, qui nous font confiance, sur la volonté du Sénat d’être à leurs côtés.

S’il existe des désaccords sur l’article 1er – nous pensons pourtant que les régions ont un rôle à jouer –, il ne devrait pas y en avoir sur l’article 2. Les EPFL nous sollicitent et nous demandent des moyens accrus. La proposition faite aux sénateurs de donner des outils aux territoires en renforçant leur pouvoir d’agir devrait susciter un consensus très large sur nos travées. Les EPFL en ont besoin ; ils nous l’ont écrit.

Certes, d’autres dispositifs sont possibles. Vous pourriez ainsi choisir, monsieur le ministre, d’augmenter les dotations de ces établissements, afin de les aider dans leurs travaux. Mais nous ne sommes pas persuadés que cette voie sera retenue dans un avenir proche. C’est la raison pour laquelle nous proposons de donner nous-mêmes à nos collègues – les EPFL sont dirigés par les élus territoriaux – la possibilité de choisir la manière dont ils veulent agir et s’ils veulent agir, en donnant une plus grande autonomie fiscale à ces établissements.

Nous n’imposons aucune obligation, nous proposons simplement de donner aux collectivités territoriales un pouvoir de décider, d’agir, et de nouvelles marges de manœuvre.

Donner plus de pouvoir aux collectivités serait une décision magnifique de notre assemblée, face aux problèmes que chacun constate. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Isabelle Briquet et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela est indiqué dans l’exposé des motifs, depuis l’an 2000, la France a connu une hausse vertigineuse des prix de l’immobilier. Nous en avons tous fait le constat dans nos territoires respectifs. Cette hausse a obligé les populations locales à se loger toujours plus loin de leurs lieux de travail et de socialisation. Littoraux, zones frontalières, montagnes, grandes villes et, désormais, certaines communes rurales : aucun espace n’est épargné.

L’augmentation du nombre des résidences secondaires, qui représentent aujourd’hui un logement sur dix selon l’Insee, n’est pas l’unique facteur expliquant cette hausse.

Non, il n’est pas exact de dire que tous les jeunes souhaitent rester dans leur commune d’origine, bien au contraire ! Il est très sain pour un jeune, mais également pour un moins jeune, de vouloir quitter à un moment ou un autre sa commune,…

M. Paul Toussaint Parigi. Ce n’est pas vrai !

Mme Nicole Duranton. … de découvrir d’autres horizons, d’autres environnements, pour mieux y revenir plus tard.

Les élus locaux trouvent tout de même avantage à la présence de ces résidents secondaires. Ces résidents n’ont d’ailleurs de secondaires que le nom, car beaucoup d’entre eux contribuent activement au dynamisme du territoire et au développement de la fameuse attractivité économique que l’on recherche tant.

À titre d’exemple, dans les années 1960-1970, mon père était adjoint au maire de ma commune, en Normandie. La municipalité se réjouissait de l’engouement des Parisiens venant acheter, à 150 kilomètres de la capitale, des longères ou de vieilles fermes à retaper pour en faire des résidences secondaires. Ils participaient activement à l’entretien du patrimoine bâti de la commune et en faisaient d’ailleurs souvent, leur retraite venue, leur résidence principale.

Vous nous proposez d’employer une surimposition, afin de réorganiser le marché local du logement et de tenter de dissuader les propriétaires de conserver des résidences secondaires. Je vous rappelle que nous avons voté dans le dernier projet de loi de finances un élargissement de la disposition autorisant les municipalités classées en zone tendue à voter une surtaxe à la taxe d’habitation pour les logements secondaires. Je pense qu’il nous faut conserver cet équilibre.

Au bout du compte, les seuls qui pourraient céder et remettre sur le marché un bien surimposé seraient ceux qui connaissent de sérieuses difficultés financières. Cela me paraît peu juste et peu conforme à l’objectif qui est le vôtre.

Le rapporteur a eu l’occasion de le rappeler : à l’article 1er, les régions ne sont pas l’échelon pertinent pour mettre en place une nouvelle surtaxe, d’autant qu’elles ne sont même pas demandeuses de cette nouvelle ressource.

M. Ronan Dantec. Ça dépend lesquelles !

Mme Nicole Duranton. La même logique est employée à l’article 2 au profit des établissements publics fonciers locaux, afin de financer la fameuse préemption.

Avec cette double augmentation de la taxe d’habitation, on créerait un régime quasiment confiscatoire pour des propriétaires qui ont parfois simplement hérité d’un bien familial qu’ils se sont moralement engagés à conserver, sans être pour autant une caricature de grand rentier.

En l’état, cette proposition de loi a été examinée par la commission des finances, réunie le 25 janvier, sur le rapport de M. Jean Baptiste Blanc, que je félicite. Elle n’a pas été adoptée en commission, ce qui constitue un signal négatif très fort.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain propose, certes, de réécrire l’article 1er pour décorréler la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et la taxe foncière sur les propriétés bâties. Je ne pense pas que cette rédaction modifiée, bien que plus consensuelle, soit de nature à améliorer l’état du droit. La corrélation des taux, lorsqu’elle fut instituée, était non pas une lubie jacobine, mais une mesure d’équité.

Moins représentés dans les décisions municipales, les propriétaires de résidences secondaires s’acquittent de la taxe foncière au même titre que leurs voisins résidents permanents, tout en ayant pourtant moins recours aux services publics locaux. Pourtant, si la taxe d’habitation a été supprimée pour les seconds, elle demeure pour les premiers.

N’allons pas trop loin dans la surenchère… La justice fiscale : oui ; le racket fiscal : non !

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Nicole Duranton. Je souhaite que nous puissions travailler à l’avenir sur ces sujets.

Cette proposition de loi ne répondant en aucun cas au problème soulevé, notre groupe votera à une large majorité contre.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée par nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, traduit un réel besoin pour nos concitoyens : lutter contre la hausse des prix immobiliers pour garantir l’accès au logement à toutes et tous.

Cette question, qui est à la croisée des chemins de l’aménagement du territoire et de la justice sociale, appelle une véritable réponse politique de lutte contre les inégalités sociales et la fracture territoriale.

Mes chers collègues, à travers le logement, il s’agit de garantir à tous les citoyens le droit de vivre mieux. L’inégalité face au logement accentue les autres inégalités sociales, en matière d’accès au travail, d’éducation, de soins, de loisirs, etc.

Nous devons donc engager les moyens nécessaires pour permettre d’abord aux ménages, notamment aux plus jeunes, d’habiter dans leur bassin de vie, près de leur lieu de travail, des écoles et de différents services publics. Pour ce faire, nous devons doter les communes des outils indispensables à la maîtrise de leur foncier et de leur tissu économique et social.

La question du logement entre également en résonance avec la mise en œuvre du ZAN, qui nécessite aussi un véritable accompagnement à destination des élus locaux.

Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain partagent les objectifs affichés dans le texte : permettre aux citoyens qui le souhaitent de rester « vivre au pays », comme on le dit familièrement. Ils proposeront donc trois amendements tendant à renforcer l’efficacité du dispositif.

Ainsi, afin de donner un levier fiscal supplémentaire aux communes, nous proposons de réécrire l’article 1er, dont nous partageons les objectifs. La décorrélation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de la taxe foncière sur les propriétés bâties nous semble en effet un moyen mieux adapté aux besoins des collectivités.

La situation actuelle de corrélation entre les deux taxes n’est en effet pas sans conséquence pour les communes touristiques, qui voient la transformation des résidences principales en résidences secondaires, entraînant un étiolement durable de l’activité sociale et économique.

Notre amendement vise à endiguer le phénomène continu d’accroissement des résidences secondaires au détriment des résidences principales. Il tend également à permettre aux communes d’agir plus librement sur le taux de la THRS et à prendre des décisions en adéquation avec les besoins locaux.

C’est pourquoi, afin de parvenir à un consensus sénatorial, cet amendement tend à reprendre la version présentée par Philippe Bas lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, version qui avait été adoptée très largement par notre assemblée.

Si nous partageons l’objectif, nous pouvons aisément nous entendre sur le moyen de l’atteindre, surtout lorsque le moyen en question a déjà emporté l’adhésion de la majorité d’entre nous, sur toutes nos travées. Je ne doute pas que ce qui était pertinent voilà quelques semaines le soit toujours aujourd’hui.

Ce dispositif répond à une attente forte de nombre de communes. Je ne saurais comprendre que notre assemblée en décide différemment lors de l’examen de cette proposition de loi, même si celle-ci a été déposée par un autre groupe.

L’éloignement des populations dû à la hausse du coût des logements touche particulièrement les jeunes ménages. Cette hausse a également un impact réel sur le tissu économique et social des collectivités où nombre d’habitations ont été converties en résidences secondaires. Ce phénomène ne concerne pas uniquement les zones tendues, mais il se développe également dans les zones moins denses, qui voient s’aggraver la dévitalisation de leurs centres-bourgs.

Nous proposerons donc un article additionnel visant à étendre la possibilité de majorer le plafond de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires à toutes les communes qui le souhaitent. Le dispositif ouvrira cette possibilité à toutes les communes concernées par ce phénomène des résidences secondaires. De même, nous ferons passer le taux de la majoration de THRS de 60 % à 100 %.

L’article 2 du texte ouvre une possibilité de taxation spécifique au bénéfice des établissements publics fonciers. Au regard de l’importance de leurs missions, ces derniers constituent de véritables outils d’aménagement du territoire et de maîtrise du foncier. Nous proposons d’élargir le dispositif à l’ensemble des communes, afin d’en accroître la portée et d’en garantir une meilleure effectivité.

Cette proposition de loi a le grand mérite de traiter un sujet primordial, au cœur de la justice sociale, et essentiel pour l’égalité des territoires. Les réponses apportées pourront, certes, être complétées. Néanmoins, elles constituent une première avancée.

Nous devons nous saisir pleinement de ces questions d’habitat et d’aménagement du territoire. C’est pourquoi le groupe socialiste – vous l’avez compris – apportera son soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, il va sans dire que, pour notre groupe, garantir le droit au logement relève du devoir de l’État. Pourtant, la politique du logement a été reléguée, sinon abandonnée, par les derniers gouvernements successifs, et pas seulement le vôtre.

Les dernières lois sur le logement, notamment la loi Élan – je ne siégeais pas encore au Sénat au moment de son adoption –, ont mis en difficulté les bailleurs sociaux et, de ce fait, impacté le logement social et le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Elles n’ont pas permis de faire du droit au logement une norme, un droit, une réalité pour tous nos citoyens et citoyennes. Le rapport de la Fondation Abbé Pierre est alarmant, et nous voyons tous, dans nos départements, se multiplier les demandeurs de logement : dans le Val-de-Marne, département que je représente, il y en a des dizaines de milliers. Le bilan triennal de l’application de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) sera publié prochainement, monsieur le ministre. Dans le Val-de-Marne, près d’un quart des communes ne respectent pas cette loi.

Bref, le logement est l’une des grandes questions qui se posent à nous. Sur la loi NOTRe, nous n’avons pas tous été d’accord. Mon groupe a voté contre, et un amendement du 20 janvier 2015 déposé par mon ami Christian Favier, Mmes Assassi et Cukierman et l’ensemble du groupe visait à faire en sorte que la garantie du droit au logement décent et indépendant demeure une compétence l’État. L’examen de ce texte nous donne l’occasion de réaffirmer que cela doit bien être la compétence de l’État.

Nous pensions initialement nous abstenir, car nous estimons que la région ne constitue pas le périmètre adéquat. Elle toucherait la THRS, mais ne serait pas obligée d’en affecter le produit au logement ! L’intention était louable, en somme, mais les modalités proposées ne semblaient pas efficaces.

Mais un amendement vise à renvoyer aux communes la question de la décorrélation entre taxe d’habitation et taxe foncière sur les propriétés bâties. Cela change tout ! Nous pensons que la commune et le département sont les deux leviers essentiels, aux côtés de l’État, pour traiter la question du logement.

Comme quoi, le débat parlementaire peut être passionnant ! Alors que nous comptions nous abstenir – certes, nous aurions voté pour l’article 2 –, avec cet amendement, nous voterons pour l’ensemble du texte de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi présentée par notre collègue Ronan Dantec. Je commence par saluer la qualité du travail réalisé par le rapporteur Jean-Baptiste Blanc.

La problématique du logement n’est pas nouvelle et occupe une grande partie de nos travaux. Le fait d’être logé, et surtout logé dans des conditions décentes, est non seulement un élément structurant à titre individuel, mais aussi un facteur de cohésion majeur pour notre pays, qui fait face à un manque de logements, avec un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande.

Dans les zones touristiques, le développement des résidences secondaires accroît encore les tensions. Je le vois dans les Hautes-Alpes, où la déconnexion entre le prix de l’immobilier et la réalité du marché entraîne des difficultés grandissantes pour les jeunes, mais aussi pour les élus : le maire d’une des communes de la station de Serre Chevalier ne peut pas accéder à la propriété dans sa propre commune !

Dans ce contexte, la facilité est de débattre, comme nous le faisons souvent, du recours au levier fiscal. La présente proposition de loi ne déroge pas à cette règle en ce qui concerne les résidences secondaires.

Depuis le 1er janvier 2023, à la suite de la suppression, regrettable, de la taxe d’habitation pour les résidences principales, la THRS s’applique de manière générale à des locaux qui, sans être occupés en tant que résidence principale, sont meublés et propres à l’habitation. Cela les distingue aussi bien des résidences principales que des logements vacants.

Il serait, me semble-t-il, utile que notre assemblée se penche un jour sur les conditions d’accompagnement fiscal de ces résidences meublées. L’une des idées proposées par des élus de la montagne serait de veiller à ce que les multipropriétaires de logements meublés soient dans l’obligation de louer une partie de leur patrimoine en résidence principale, afin d’obtenir un effet de levier sans pour autant pénaliser l’attractivité des résidences secondaires dans nos zones touristiques.

L’exposé des motifs du texte précise qu’il s’agit d’un « outil de reconquête de l’habitat en France ». Belle ambition ! Cette volonté politique, à laquelle notre groupe souscrit naturellement, est louable. Toutefois, les deux articles de cette proposition de loi ne semblent pas apporter une réponse adéquate à un problème dont l’étendue ne saurait se limiter aux résidences secondaires.

Tout d’abord – cela a été rappelé –, il est proposé de créer deux taxes additionnelles à la taxe d’habitation, dont l’une serait instituée au profit de la région. L’objectif serait d’accroître les marges de manœuvre du conseil régional dans la conduite de sa politique d’aménagement du territoire, notamment pour les EPF locaux et régionaux.

L’échelon régional n’est pourtant pas le plus pertinent sur la question du logement ; nous le vivons tous au regard de nos expériences municipales passées ou actuelles. Bien que les conseils régionaux disposent de la compétence pour promouvoir le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, ils n’ont que peu investi – en tout cas, sur mon territoire – ce champ, qui relève historiquement du niveau communal et intercommunal. D’ailleurs, une grande partie des régions ne sont pas particulièrement désireuses d’instaurer une nouvelle fiscalité en la matière, comme l’a rappelé M. le rapporteur.

Le caractère facultatif de cette taxe additionnelle pose donc un problème : si certaines régions l’appliquaient et que d’autres y renonçaient, on assisterait à une concurrence fiscale difficile à évaluer, mais risquant d’accentuer les disparités entre territoires.

C’est pourquoi la taxation des résidences secondaires doit s’apprécier en fonction des territoires et des circonstances locales. Au sein même de mon département, il y a des communes avec peu ou pas de résidences secondaires, quand d’autres, plus touristiques, ont un taux de résidences secondaires dépassant 70 %.

Je rappelle aussi que la THRS demeure une source de revenus pour le bloc communal. C’est particulièrement vrai depuis que les communes situées dans les zones géographiques définies par l’article 232 du code général des impôts ont la possibilité de majorer la part leur revenant d’un pourcentage compris entre 5 % et 60 %. J’apprécie sur ce point les propos rassurants de M. le ministre, qui a dit tout à l’heure que, dès 2024, cette taxe pourrait être effectivement mobilisée, sous réserve que les délibérations aient été prises par les collectivités avant le mois d’octobre 2023.

Sur cette possibilité de majoration, un autre élément, mis en exergue par le rapporteur, a également retenu mon attention : le risque d’inconstitutionnalité des mesures proposées. Dans l’hypothèse où le conseil régional et l’EPF fixeraient les taux des deux taxes prévues par la présente proposition au taux maximum de 25 %, le taux de taxe d’habitation résultant de l’application de la proposition de loi serait au total de 86 % de la valeur locative. Dans une telle situation, le juge, constitutionnel ou administratif, pourrait considérer cette imposition comme confiscatoire, en violation du principe d’égalité devant les charges publiques.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de loi, mais appelle de ses vœux un traitement global de la problématique du logement. Accès à la propriété, lits froids, lits chauds, construction de logements sociaux… les sujets ne manquent pas !

Le futur examen de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de ZAN au cœur des territoires sera certainement l’occasion d’aborder en profondeur ces dossiers, du point de vue fiscal comme réglementaire. Il est en effet indispensable de reterritorialiser les objectifs de réduction de l’artificialisation nette des sols. Certaines associations proposent par ailleurs de conserver dans les zones les plus rurales un droit minimal de constructibilité par commune.

Monsieur le ministre, j’espère que le Gouvernement entendra ces propositions, pour élaborer une politique d’aménagement du territoire et de développement des logements équilibrée entre zones rurales et zones urbaines. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage le constat sur lequel se fonde cette proposition de loi présentée par Ronan Dantec. Il est en effet primordial d’agir pour aider les collectivités locales à contenir les excès de la transformation accélérée de l’habitat dans certaines zones tendues.

Au Pays basque, par exemple, les résidences secondaires représentent désormais 15 % du nombre total des logements, et près de la moitié dans certaines communes du littoral. Quelque 900 résidences secondaires apparaissent chaque année, dont 600 étaient auparavant habitées de manière permanente. Cela produit une récente et spectaculaire raréfaction de l’offre de logements en location durable et une dangereuse crise du logement, aux ramifications politiques préoccupantes.

Cette croissance exponentielle des résidences secondaires s’appuie sur celle des locations saisonnières, qui permettent aux acheteurs des premières d’intégrer le rapport des secondes dans leur montage financier.

Les conséquences sont alarmantes : flambée des prix de l’immobilier, envolée des loyers à l’année et multiplication des locations précaires – souvent illégales – sur dix mois, pour libérer les logements aux beaux jours. Cette spirale infernale éloigne les ménages toujours plus des centres urbains. Ses premières victimes sont les jeunes, les personnes les plus fragiles, les plus isolés, les étudiants, les apprentis, les familles modestes.

Dans ce contexte, les vingt et une communes basques classées en zone tendue ont, depuis plusieurs années déjà, mis en place la procédure de changement d’usage, et la majoration maximale de 60 % du taux de la THRS est partout appliquée, indépendamment des sensibilités politiques des municipalités. Cela n’a pas suffi. Voilà pourquoi la communauté d’agglomération du Pays basque expérimentera dès le 1er mars un système de compensation obligeant, pour tout bien mis sur le marché de location saisonnière, à mettre un bien nouveau sur le marché à l’année. La mesure est drastique. Résorbera-t-elle pour autant la crise du logement ? Je ne le crois pas.

Cette crise est bien plus globale et complexe. Elle pousse les élus de tous bords à chercher des solutions.

La proposition de loi que nous examinons prévoit de taxer, au profit des régions et des EPFL. Certes, il est toujours alléchant de créer une taxe additionnelle et d’en attribuer le produit aux collectivités territoriales. Je ne doute pas qu’elles en feront bon usage et je reconnais que ce texte pose le sujet.

Mais raisonnons-nous. Si l’issue de cette crise passait uniquement par la création de taxes supplémentaires, celle-ci aurait été aisément résolue. Bien sûr, monsieur le rapporteur, le besoin de recettes existe. Mais je suis convaincu que la réponse passe d’abord par la production de logements locatifs aidés et l’accession sociale à la propriété. Or, et particulièrement dans ces territoires, au-delà de la raréfaction du foncier et de la hausse de son prix, la production de logements devient insoutenable pour les bailleurs sociaux. Ceux-ci sont en effet affaiblis à la fois par l’augmentation du coût des matériaux de construction et par la réduction de leurs fonds propres. À force de leur avoir fait les poches, ils sont désormais confrontés à l’inflation sans avoir la capacité d’assurer l’équilibre des opérations.

Dans ces territoires, nous devons chercher un nouveau modèle de financement du logement social. Cela nous renvoie au sujet des zonages et des plafonds d’accès au bail réel solidaire et au bail réel immobilier. Il faut apporter une réponse à la frange des classes moyennes qui ne peut plus accéder à la propriété et qui se trouve peu à peu évincée de ces territoires.

Nous devons aussi nous pencher sur les avantages fiscaux dont bénéficient encore les locations saisonnières par rapport aux locations à l’année, et que le Gouvernement a conservés, malgré nos votes dans cette assemblée, par l’usage du 49.3. La limite du nombre de jours de location saisonnière autorisés pour les résidences principales ou secondaires est également un sujet à explorer. La procédure de changement d’usage ne devrait plus être une simple formalité, mais s’appuyer sur un véritable agrément, pour donner la main aux maires en leur permettant d’exercer un réel contrôle.

Toutes ces pistes renvoient à la responsabilité de l’État qui, dans ces territoires, devrait être animateur et stratège, et non prescripteur permanent de normes et censeur impitoyable. C’est à lui de rétablir les conditions qui permettront de relancer la construction, de créer une offre équilibrée de logements locatifs et d’accession sociale à la propriété, afin de restaurer des parcours résidentiels aujourd’hui figés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

proposition de loi visant à renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'action des collectivités territoriales en matière de politique du logement
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 2

Article 1er

I. – Le VII du chapitre Ier du titre II bis de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi rétabli :

« VII : Taxe régionale additionnelle sur les logements meublés non affectés à l’habitation principale

« Art. 1599 quinquies C. – Le conseil régional peut, par une délibération prise dans les conditions prévues à l’article 1639 A bis, instaurer une taxe additionnelle à la taxe d’habitation due au titre des résidences secondaires et autres logements meublés non affectés à l’habitation principale situés dans les zones géographiques mentionnées au I de l’article 232.

« Le taux de la taxe additionnelle, applicable à l’assiette de la taxe d’habitation déterminée en application de l’article 1409, est compris entre 0 et 25 %.

« Le II de l’article 1407 ter, les articles 1408, 1413 et 1414, le II de l’article 1639 A et le VI de l’article 1639 A bis sont applicables. »

II. – L’article L. 4331-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un 12° ainsi rédigé :

« 12° La taxe régionale additionnelle sur les logements meublés non affectés à l’habitation principale. »

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Briquet, M. Féraud, Mme Artigalas, MM. Kanner, Raynal, Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le 1° du b du 1 du I de l’article 1636 B sexies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « et le taux de taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale » sont supprimés ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « peuvent » est remplacé par le mot : « peut » et le mot : « augmentés » est remplacé par le mot : « augmenté » ;

3° Au dernier alinéa, le mot : « doivent » est remplacé par le mot : « doit » et le mot « diminués » est remplacé par le mot : « diminué » ;

4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le taux de taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale ne peut être augmenté dans une proportion supérieure à 25 % de la moyenne des taux constatés dans la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au cours des six années précédentes. »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Isabelle Briquet.

Mme Isabelle Briquet. Comme cela a été évoqué tout à l’heure, cet amendement vise à réécrire intégralement l’article 1er de la proposition de loi pour proposer un dispositif ayant un objet similaire, mais qui serait sans conteste plus efficace. Les interventions que nous venons d’entendre montrent qu’il convainc assez largement sur ces travées. Il tend à modifier l’article 1636 B sexies du code général des impôts, afin de décorréler la THRS et la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Dans un souci de consensus sénatorial, nous avons repris la version présentée par le M. Bas lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, version qui avait été adoptée par notre assemblée.

La corrélation entre la THRS et la TFPB n’est pas sans incidences néfastes pour les communes touristiques. En adoptant cet amendement, nous permettrions aux communes d’agir plus librement sur le montant de la THRS, tout en contribuant à mettre la prise de décision plus en adéquation avec les besoins locaux. Pour beaucoup, dont nous-mêmes, l’échelon régional n’est effectivement pas le plus pertinent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je suis interrogatif, car cet amendement est un peu étranger à l’article 1er de la proposition de loi. Ce dernier évoque bien la création d’une taxe additionnelle à la THRS, mais c’est aux fins de financer de l’ingénierie dans le cadre de la politique du logement, notamment s’agissant du ZAN. Ici, il s’agit de renforcer le bloc communal, ce qui n’a rien à voir.

La question est très légitime, mais il me semble prématuré de la traiter, eu égard aux travaux actuels du Sénat : une proposition de loi relative au ZAB y sera en effet examinée au mois de mars ; ce sera l’occasion de discuter de nombreuses politiques publiques. De plus, notre commission des finances, dont je salue le président, lancera dans les prochaines semaines une mission de contrôle sur les EPF pour déterminer si ceux-ci sont suffisamment armés pour appréhender tous ces sujets. Enfin, si son format n’est pas encore fixé, il y aura une suite à la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du zéro artificialisation nette. Le rapport a déjà été adopté par la commission des finances, qui a saisi le Conseil des prélèvements obligatoires. Celui-ci nous a fait des propositions, que nous allons devoir examiner.

Pour reprendre les mots de Ronan Dantec, à nouvelle mission, nouveau financement ! Nous sommes tous d’accord sur l’objectif. Il va falloir inventer une fiscalité locale verte pour appréhender le foncier et le ZAN.

Cette proposition de loi est donc prématurée.

J’ajoute deux arguments. Le premier est la hausse potentielle de la fiscalité locale. Le second concerne les dispositions qui ont été adoptées au sein de la loi de finances – M. le ministre l’a rappelé –, dont l’article 73 a étendu le périmètre d’application de la taxe sur les logements vacants, et l’article 74 en a augmenté le taux, le faisant passer de 12,5 % à 17 % la première année et de 25 % à 34 % la deuxième.

Tout cela va dans le sens du présent amendement. Il serait bienvenu de nous laisser le temps de voir si ces mesures ont l’effet attendu.

Par conséquent, en l’état, la commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je rappelle que cette proposition de loi vise à renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement. Elle ne porte pas sur les résidences secondaires, même si beaucoup d’interventions se sont concentrées sur ce sujet. L’amendement de Mme Briquet correspond donc bien au libellé de la loi.

Nous avons mis les régions dans la boucle, parce que la loi NOTRe leur a donné une compétence en la matière. Il est vrai qu’elles l’utilisent de manière différente et que l’arrivée des mégarégions – celles-ci n’étaient pas prévues par la loi NOTRe – rend les choses plus difficiles sur le terrain. Sur ce point, nous allons payer longuement les errements de Manuel Valls… Clairement, les régions vont devoir intervenir de plus en plus sur la question du logement. Sans aménagement du territoire, sans équilibre de l’emploi, nous n’y arriverons pas. Le sens de l’histoire est donc que les régions, avec toute leur puissance économique, s’occupent de plus en plus de cette question.

C’est le sens de notre amendement. Il est faux de dire que les régions n’en veulent pas. Certaines n’en veulent pas. Mais nous avions bien prévu un dispositif optionnel. Oui, nous restons des régionalistes ! C’est une différence d’analyse politique avec nos camarades communistes. Le tour de la région viendra ; j’en suis convaincu.

Avec cet amendement, il s’agit simplement de rétablir ce que le Sénat a déjà voté très largement. M. le rapporteur essaie de trouver un argumentaire pour que le dispositif ne revienne pas sur l’initiative d’un groupe de la minorité.

Mais je pense que nous devons adopter cet amendement. La question de la décorrélation est absolument centrale. Le 49.3, non démocratique, a empêché que notre proposition, pourtant votée par le Sénat, soit discutée.

M. le président. Il faut conclure.

M. Ronan Dantec. Nous passons donc, dans l’urgence, par une proposition de loi. Nous espérons retrouver le même consensus que lors du débat initial.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.

Mme Frédérique Espagnac. Je soutiens totalement cet amendement. Réécrire cet article est une bonne manière d’apporter une réponse consensuelle et efficace à un problème qui frappe de plein fouet de nombreux départements, des Pyrénées-Atlantiques à la Bretagne en passant par la Corse.

Lors de l’examen du budget, notre assemblée s’était accordée sur l’épineuse question de la décorrélation des deux taxes. Nous avions adopté, sur l’initiative de Philippe Bas, un amendement visant à permettre, à compter de 2023, une déliaison entre le taux de la THRS et celui de la TFPB, afin de donner davantage de marges de manœuvre aux communes souhaitant utiliser ce levier fiscal pour lutter contre le phénomène de sous-occupation des logements.

Monsieur le rapporteur, je fais partie de la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du ZAN, mais je crois qu’il y a urgence. Les communes sont en attente de décisions rapides de notre part.

Le Gouvernement a préféré supprimer cette disposition du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l’article 49.3 de la Constitution. C’était une erreur, car la décorrélation que prévoit aujourd’hui le code général des impôts a une incidence majeure pour les communes touristiques. Leur fort potentiel touristique entraîne une conversion massive de nombreux logements en résidences secondaires. Les conséquences pour ces communes sont bien connues et implacables : inflation des coûts de logement et exode de la population locale, en particulier de jeunes ménages n’ayant pas les moyens de s’y installer.

Il nous faut donc être efficaces et pragmatiques.

La décorrélation entre la THRS et la TFPB est une solution efficace pour lutter contre la multiplication des résidences secondaires au détriment des résidences principales et contribuer à la revitalisation des communes concernées. C’est une solution pragmatique, car elle évite tout effet d’aubaine. Le dispositif proposé encadre cependant la décorrélation.

L’adoption du présent amendement donnerait à nos communes la possibilité d’agir plus librement sur le montant de la THRS en fonction des besoins locaux.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Mon intervention sera complémentaire de celle de Frédérique Espagnac.

Je comprends, cher Jean-Baptiste Blanc, une partie de vos réserves, mais seulement une partie.

Vous nous dites que c’est prématuré. Vous parlez comme Gabriel Attal lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2023. Il y a urgence ! Je ne peux pas revenir dans mon territoire en disant que c’est prématuré, que nous allons mettre en place un groupe de travail… Je ne souhaite pas porter ce type de discours, car la crise est prégnante et peut avoir demain des répercussions sociales et politiques extrêmement graves.

J’étais en colère lorsque le Gouvernement, après le 49.3, a fait disparaître mes amendements, pourtant votés largement par cette assemblée, ainsi que celui de Philippe Bas. Peu importe que l’on appelle cet amendement Briquet-Bas ou Bas-Briquet – M. Bas pourrait réclamer des droits d’auteur –, je l’ai défendu lors de l’examen du projet de loi de finances, et je le voterai. Cette décorrélation à la marge n’est pas confiscatoire. Elle est nécessaire. Donnons aux communes les moyens d’agir face à une situation de crise. Toutes les mesures prises à cet effet seront bonnes : c’est un ensemble, monsieur le ministre. Ne refusons pas tout, car cela fait longtemps que l’on attend un dispositif global ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Briquet. J’ai bien entendu M. le rapporteur, dont je salue la qualité du rapport, ainsi que le travail effectué dans le cadre de la mise en œuvre du ZAN.

Cependant, moi non plus, je ne pense pas que la décorrélation soit une réponse prématurée. De nombreuses communes la réclament. Elle n’obère en réalité aucune évolution future. Un tel argument est un non-sens.

Le dispositif pourrait s’appliquer pleinement et rendrait grandement service à nombre de collectivités.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. En Bretagne aussi, nous sommes confrontés au problème de l’accès au logement, qui s’aggrave et pose de grandes difficultés. Il est donc vraiment temps d’agir.

Les dispositions prévues dans la loi de finances pour 2023 ne seront applicables qu’en 2024. Et encore : elles ne concerneront que les quelque 4 000 communes qui auront été identifiées, selon des critères que j’ignore, comme étant des zones tendues. Or nous le constatons clairement : les zones tendues sont un peu partout en Bretagne.

Il est urgent d’agir. Il faut des leviers fiscaux tels que ceux qui ont été prévus dans la loi de finances pour 2023.

Monsieur le ministre, la réalité des difficultés étant plus générale qu’on ne le pense, j’aimerais que nous élargissions l’approche.

Dans cet esprit, décorréler le taux des taxes est absolument nécessaire : d’une part, il faut laisser de la liberté aux élus locaux pour gérer leur stratégie fiscale ; d’autre part, il faut leur donner des outils pour dégager les moyens permettant d’apporter des réponses au problème du logement.

Cet amendement va tout à fait dans ce sens. C’est pourquoi je le voterai.

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Lors de la discussion générale, j’ai fait un lapsus très significatif, en parlant de « décolérer » au lieu de « décorréler ». (Sourires.)

Mais c’est sûrement parce que, comme beaucoup d’entre nous sur ces travées, j’étais un peu en colère de voir que les amendements Bas ou Briquet et même Breuiller – j’avais déposé un amendement équivalent – avaient été rejetés du fait du recours par le Gouvernement de l’article 49.3 de la Constitution. C’est – hélas ! – souvent le cas pour les mesures venant soutenir les collectivités territoriales.

Au-delà de ce lapsus, s’il y a effectivement un peu de colère, il y a surtout une nécessité de décorréler.

En adoptant cet amendement, nous enverrions une nouvelle fois au Gouvernement le signal qu’il est nécessaire et urgent d’agir, de faire le premier pas et de reprendre les dispositions votées le Sénat en loi de finances.

Cher Jean-Baptiste Blanc, il n’est pas prématuré de faire un premier pas. Certes, et nous en convenons, ce ne serait pas à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés dans nos territoires ; il est bien évident que la présente proposition de loi ne réglera pas en totalité le problème dont nous avons tous souligné la gravité. Mais mieux vaut un premier pas que le stand-by.

Je voterai évidemment cet amendement. Je nous invite à voter dans le même sens que lors de l’examen du projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Nous prenons tous conscience, chacun avec nos mots, de la portée et de la limite de la proposition de loi.

Soyons honnêtes. Ce texte ne résoudra pas, grâce à 7 500 logements, le problème des 93 000 logements manquants dans mon département sur l’exercice 2021.

J’évoquais tout à l’heure les communes carencées. Dans quatre communes, l’État est contraint d’exercer son droit de préemption pour créer 131 logements. Gardons mesure et humilité !

Mais cet amendement n’est pas un cavalier. Il tend à réaffecter des moyens à un autre échelon de collectivité : on passe de la région à la commune. J’ai donc plutôt tendance à le soutenir.

Sur la question des « travaux prématurés », j’ai du mal à suivre. Aucun travail n’est prématuré dès lors qu’il fait l’objet d’un débat dans l’hémicycle. Par nature, ce que nous débattons et décidons ici fait déjà loi. C’est donc utile. L’argument n’est pas recevable.

Je le dis d’emblée, si cet amendement est adopté, ce que je souhaite vivement, notre groupe votera pour la proposition de loi. Dans le cas contraire, on en reviendrait au texte initial, qui prévoit une affectation des taxes à la région, et notre groupe serait amené à s’abstenir.

Vous le voyez, nous participons à ce débat dans un esprit constructif.

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Je ne crois pas du tout que ce soit prématuré.

Depuis mon élection au Sénat, en 2017, j’ai été en quelque sorte, par mes amendements, un lanceur d’alerte sur la crise du logement et sur le développement excessif des résidences secondaires et des meublés touristiques dans les zones très touristiques, en l’occurrence à Paris.

On m’a répondu avec un peu d’indifférence, en considérant qu’il s’agissait d’un problème purement parisien. Sauf que cela s’est étendu aujourd’hui à toutes les autres zones touristiques – je pense à la façade atlantique, à la Bretagne, aux Pyrénées-Atlantiques ou encore à la Corse – et continuera de s’étendre.

En réponse à la crise du logement, on ne peut avoir des outils qui soient systématiquement en retard. Il s’agit non pas de stigmatiser les résidences secondaires, mais d’empêcher que leur développement ne devienne un véritable problème pour l’accès au logement des habitants et, au-delà, pour le développement et la stabilité elle-même du territoire.

Ne refusons jamais un outil qui permet d’aller plus loin. Max Brisson et Frédérique Espagnac avaient proposé à l’automne dernier des mesures ciblant les meublés touristiques qui n’avaient pas été retenus dans la version du projet de loi de finances pour 2023 issue du déclenchement de la procédure de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Je le regrette. Les outils que nous votons sont à ce point insuffisants eu égard à l’ampleur de la crise du logement que nous ne pouvons absolument pas nous en priver. Nous devons également montrer notre volontarisme et notre détermination à régler ce problème, qui continuera de s’aggraver.

La crise du logement est un grand danger qui guette de nombreux territoires, et plus seulement les métropoles très attractives, les cœurs de métropole ou la seule de Paris.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. La France est championne en matière de taux de résidences secondaires.

Si le problème n’est pas là, en soi – de nombreux Français aspirent en effet à acquérir une résidence secondaire –, le constat partagé sur toutes les travées est que la situation du logement n’est pas satisfaisante.

Socialement, il est profondément injuste de voir de jeunes actifs contraints d’effectuer des migrations quotidiennes pour se rendre sur leur lieu de travail. Je pense à la Bretagne et aux zones littorales en particulier, mais c’est une réalité en bien d’autres endroits.

La situation est en outre économiquement néfaste pour les entreprises, qui doivent se lancer dans des recherches difficiles, afin de loger leurs salariés. Elle est écologiquement non soutenable, avec toutes ces migrations pendulaires, qui conduisent à un gâchis d’énergie et à de nombreuses pollutions.

Le constat est donc partagé de tous. Une fois de plus, le Sénat peut se grandir en adoptant une position transpartisane sur un amendement qui a déjà été voté.

Nous sommes là clairement dans une démarche d’autonomie fiscale, défendue sur toutes les travées. Nous nous devons de donner un signal, dans nos régions, dans nos départements, en réponse à ce problème qui se généralise et touche désormais des régions auparavant épargnées. Je pense par exemple, dans mon département, à la commune de Paimpont, qui, bien qu’éloignée du littoral, n’en est pas moins soumise à une telle pression.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.

Mme Christine Lavarde. Nous apprécions tous le tour de passe-passe des membres du groupe socialiste pour nous mettre prétendument en défaut.

Je rappelle que les mesures à caractère fiscal relèvent de la loi de finances. Or, à vous entendre, chers collègues, cet amendement permettrait de résoudre d’un bloc les problèmes du logement, de la fiscalité locale et de l’autonomie fiscale des collectivités.

Lors de l’examen de la loi de finances pour 2023, nous avons adressé des messages au Gouvernement, qui nous a invités à participer à moult groupes de travail. Nous sommes aujourd’hui le 2 février et aucune invitation ne nous est parvenue.

M. Ronan Dantec. C’est vrai !

Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, nous vous avons notamment interpellé sur la fiscalité locale. Le Gouvernement ne s’attaque pas du tout au problème, dans la mesure où le texte retenu après application de l’article 49.3 de la Constitution prévoit de reporter de deux ans le début de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation.

L’injustice dont nous parlons au sujet des résidences secondaires frappe en réalité tous les Français, et concerne la résidence principale. En effet, les valeurs locatives sont aujourd’hui totalement décorrélées de la valeur vénale et de la valeur d’usage des biens.

Au lieu de voter cet amendement, qui porte sur un problème mineur sans nécessairement contribuer à le résoudre, mieux vaudrait attaquer de front le champ de la fiscalité locale, dans toutes les dimensions qui ont été abordées aujourd’hui.

Nous ne changeons pas de pied aujourd’hui. Nous ne sommes pas du tout dans le même contexte. Nous maintenons qu’il y a urgence à s’attaquer au sujet de la fiscalité locale dans sa globalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Arnaud. Ce débat est des plus passionnants. Je constate que l’amendement d’Isabelle Briquet bénéficie du large soutien de territoires disposant massivement de résidences secondaires, qu’il s’agisse de territoires de montagne ou du littoral.

Nous ne pouvons pas être insensibles à la possibilité, pour les collectivités locales, d’asseoir leur fiscalité sur les résidences secondaires de manière détachée de la fiscalité reposant sur les résidences principales. À ce titre, une majorité des membres du groupe Union Centriste voteront l’amendement n° 1.

Si le texte se résume essentiellement à ce dispositif, qui est en effet, de mon point de vue, un appel à un débat plus large que lancerait le Gouvernement, avec une participation active du Sénat, en vue de préparer la prochaine loi de finances, il peut être un signal fort.

S’il s’agit en revanche, comme le proposait le texte initial, de maintenir une régionalisation d’une partie de la fiscalité sur les résidences secondaires, nous ne pourrons voter la globalité du texte.

Nous envoyons donc un signal d’ouverture à la discussion sur ce sujet, qui, en matière de fiscalité, doit être associé à d’autres.

Dans mon intervention liminaire, j’ai appelé moi-même à une fiscalité qui oblige les multipropriétaires de résidences secondaires à mettre une partie de leurs propriétés sur le marché de la location des résidences permanentes. Cette question doit être abordée en profondeur.

Pour l’heure, nous envoyons un signe aux territoires en tension.

Nous voterons donc majoritairement l’amendement n° 1, tout en rejetant le texte si la dimension régionale devait être confirmée. Au Sénat, nous défendons plutôt une dimension locale, départementale, communale et intercommunale.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour explication de vote.

Mme Sylvie Vermeillet. J’associe Denise Saint-Pé à mon explication de vote.

J’avais voté un amendement identique dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 ; je voterai donc également celui qui nous est proposé.

L’urgence est de protéger les résidences primaires. Dans certains territoires, le mal est fait : les taux de taxe d’habitation pour les résidences secondaires ont déjà augmenté et, mécaniquement, la taxe foncière a un effet au quotidien sur les habitants.

Pour 2023, la hausse des valeurs locatives sera telle que la taxe foncière va exploser. Ces éléments se cumulant, le coût pour les résidences primaires sera insupportable.

Il y a donc urgence à décorréler les taux des taxes pour protéger les habitants des résidences primaires dans nos territoires.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je rejoins Christine Lavarde. Cet amendement tend à réécrire la fiscalité locale.

Je comprends le sentiment de nécessité, la frustration et l’urgence qui ont guidé ses auteurs. Nous allons, je le répète, nous atteler à la tâche sur cette question dès les prochaines semaines.

La corrélation est tout de même un des principes généraux du droit de la fiscalité locale. Faut-il l’évacuer en une matinée, sans étude d’impact, sans recul, sans visite de terrain ni contrôle ? (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Mme Frédérique Espagnac. Nous avons déjà voté cette mesure !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je ne fais que poser quelques questions et faire part de mes doutes quant aux réponses.

M. Max Brisson. Dans ce cas, il ne fallait pas voter l’amendement Bas !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Par ailleurs, cette proposition de loi, qui concernait initialement les régions, donne lieu finalement à un amendement sur le bloc communal et nous discuterons dans un instant des EPFL.

Les régions sont-elles en demande ? Régions de France a bien indiqué que ce n’était pas le cas. Je vous invite également à réfléchir – nous en discuterons de nouveau à l’occasion de l’examen de la proposition de loi sur le ZAN – à la force que nous voulons donner au Sraddet, qui s’imposera progressivement comme le seul document présidant aux politiques publiques.

En clair, les régions seront chefs de file dans un certain nombre de domaines. Est-ce vraiment ce que vous désirez ? Le Sraddet doit-il avoir un caractère contraignant, y compris en matière de politique publique du logement ? Je vous invite à prendre du recul sur le sujet.

Cher Ronan Dantec, les EPFL sont-ils en demande ? Je les ai de nouveau interrogées ce matin. Ils ne sont pas aussi unanimes que cela. (M. Ronan Dantec sexclame.)

Les EPFL du littoral sont, certes, très demandeurs, mais pas les autres. Les autres souhaitent intervenir dans la mission de contrôle qui débutera dans les prochains jours. Nous aurons l’occasion d’évaluer réellement la mesure en question.

Le bloc communal souhaite-t-il vraiment la décorrélation ? Je ne le sais pas. Avons-nous interrogé ses représentants ? Non. Avons-nous réalisé une étude d’impact ? Non.

Mme Frédérique Espagnac. Nous avons déjà voté la mesure !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je ne minimise pas le sujet. Je dis simplement que nous devons prendre légèrement plus de temps. Il s’agit non pas de créer un énième groupe de travail, mais de prendre quelques jours ou quelques semaines supplémentaires pour travailler sur le sujet plus sérieusement.

Croyez bien que, en tant que rapporteur de ce texte et du texte sur le ZAN, j’ai parfaitement conscience de l’urgence à réinventer une fiscalité locale verte. Je suis le premier à le dire.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je m’étonne des propos qui viennent d’être tenus. Tout d’abord, ce texte n’a pas pour objet la fiscalité régionale. Ensuite, nous discutons de l’amendement n° 1, qui, précisément, réécrit en partie le texte en tenant compte d’une urgence absolue.

Monsieur le rapporteur, vous dites ignorer ce que peut penser le bloc communal de la décorrélation. Nous sommes tout de même les représentants des territoires ! Je défie quiconque ici de m’expliquer qu’il ne s’agit pas d’une demande forte de l’ensemble des territoires. Ce serait à n’y plus rien comprendre.

Le phénomène est prégnant dans les zones touristiques, mais pas uniquement. En Isère, département que je représente, la question se pose avec acuité dans les stations de ski, mais également dans les zones rurales et très rurales de montagne. Comment vivre dans ces territoires ? Comment permettre aux jeunes d’accéder à un logement à des prix qui ne flambent pas ?

Il est évident que la décorrélation correspond à une demande très forte des élus. Au-delà se pose la question de l’autonomie financière, dont on a privé et dont on continue de priver les collectivités et les communes.

Je ne comprendrais pas que notre assemblée rejette cet amendement, qui consiste bien en une réécriture. J’espère qu’elle votera le texte.

Il y a urgence. Nous devons envoyer un signal fort au Gouvernement. Ne serait-ce que pour cette raison, il faut soutenir cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Franck Riester, ministre délégué. Ce débat, que vous avez déjà eu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, est intéressant.

Si le Gouvernement suit la question avec attention, je rappelle malgré tout que la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales augmente de fait la différence de fiscalité entre les résidences principales et les résidences secondaires.

Par ailleurs, la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires est décorrélée, jusqu’à 60 %, de toute augmentation d’impôts locaux.

M. Max Brisson. Dans les zones tendues !

M. Franck Riester, ministre délégué. Oui, ce sont les zones dont nous parlons.

Enfin, nous sommes tout à fait disposés – la loi de finances pour 2023 le prévoit – à revoir la cartographie, en concertation avec les associations d’élus.

Un décret sera publié le plus rapidement possible pour permettre aux collectivités locales et aux communes d’augmenter leurs taxes, pour celles qui seraient concernées par la nouvelle carte, avant le 1er octobre 2023 pour une fiscalité 2024.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Je me situe un peu à contre-courant, car je suis peu favorable à la décorrélation. D’ailleurs, je n’ai pas voté, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, l’amendement présenté par Philippe Bas ; je ne parle évidemment pas de son amendement d’hier. (Sourires.)

En effet, comment les choses se passent-elles dans les communes ? Les conseillers municipaux des communes rurales sont des élus du territoire, sur lequel ils ont en général leur résidence principale. Les propriétaires des résidences secondaires sont rarement élus au conseil municipal.

Dès lors, la tentation pourrait être de décider de ne pas augmenter la taxe sur le foncier bâti, mais d’augmenter la taxe d’habitation pour les résidences secondaires.

C’est la raison pour laquelle je suis assez réservé sur la mesure. Il faudrait à tout le moins l’encadrer si l’on veut éviter des dérives.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 120 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l’adoption 153
Contre 165

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er nest pas adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'action des collectivités territoriales en matière de politique du logement
Article 2

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme Briquet, M. Féraud, Mme Artigalas, MM. Kanner et Raynal, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa du I de l’article 1407 ter du code général des impôts, les mots : « Dans les communes classées dans les zones géographiques mentionnées au premier alinéa du I de l’article 232, » sont supprimés et le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 100 % ».

La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. La part des ménages propriétaires de leur résidence principale, soit 58 %, ne progresse plus depuis 2010.

Dans le même temps, le nombre de résidences secondaires et de logements occasionnels augmente plus vite que l’ensemble du parc. Cette hausse s’est encore accentuée ces cinq dernières années.

En ne traitant pas le sujet, on laisse s’installer un sentiment d’abandon, d’injustice et une incompréhension profonde, particulièrement chez les jeunes générations.

L’amendement de notre groupe répond à la problématique soulevée par les auteurs de la présente proposition de loi. Il vise à étendre la possibilité de majorer le plafond de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires à toutes les communes qui le souhaitent, et pas seulement à celles qui sont situées en zones tendues.

Cela permettra d’ouvrir cette possibilité dans des zones moins denses, mais qui sont néanmoins concernées par le phénomène des résidences secondaires. C’est notamment le cas de certains territoires ruraux, au détriment des populations qui y vivent.

Une telle mesure va également dans le sens du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, en leur laissant le choix de majorer ou non cette taxe. Faisons confiance aux maires !

Nous proposons de permettre de majorer le plafond de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires jusqu’à 100 %, au lieu de 60 % actuellement.

Cette recommandation a été faite par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) dans son rapport La fiscalité dans la perspective du ZAN, publié le 25 octobre 2022.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Cet amendement revient de manière récurrente à l’occasion de chaque projet de loi de finances. Il tend à rendre possible une majoration jusqu’à 100 %. La part communale de la taxe d’habitation, qui s’élève aujourd’hui à 60 %, pourrait ainsi être doublée.

Cette majoration de THRS est une façon de contourner la règle de liaison des taux entre les différentes impositions locales, de sorte que la taxation pèserait de manière déséquilibrée selon les catégories de contribuables et d’une manière peu justifiée, au regard des nécessités de l’action publique.

J’ai lu, moi aussi, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Il propose effectivement d’élargir le périmètre de la taxe sur les logements vacants et de la majoration de la THRS tout en les limitant aux zones tendues.

La proposition du CPO a été mise en œuvre, par ailleurs, dans la loi de finances.

Pour rappel, la position de la commission, exprimée la semaine dernière, est d’étudier d’abord comment s’applique l’extension du zonage proposé par la loi de finances, sans procéder à des augmentations de fiscalité, dont l’effet est difficilement mesurable.

En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'action des collectivités territoriales en matière de politique du logement
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

Après l’article 1607 bis du code général des impôts, il est inséré un article 1607 ter A ainsi rédigé :

« Art. 1607 ter A – Il est institué, au profit des établissements mentionnés au premier alinéa de l’article 1607 bis, une taxe additionnelle à la taxe d’habitation due au titre des résidences secondaires et autres logements meublés non affectés à l’habitation principale situés dans les zones géographiques mentionnées au I de l’article 232.

« Le taux de la taxe additionnelle, applicable à l’assiette de la taxe d’habitation déterminée en application de l’article 1409, est compris entre 0 et 25 %. Il est arrêté dans les conditions mentionnées aux deuxième à quatrième alinéas de l’article 1607 bis pour le produit de la taxe spéciale d’équipement.

« Le II de l’article 1407 ter et les articles 1408, 1413 et 1414 sont applicables.

« Les cotisations sont établies et recouvrées, les réclamations sont présentées et jugées comme en matière de contributions directes.

« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme Briquet, M. Féraud, Mme Artigalas, MM. Kanner, Raynal, Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

situés dans les zones géographiques mentionnées au I de l’article 232

La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Cet amendement de notre groupe tend à élargir le dispositif optionnel proposé à l’ensemble des territoires de l’Hexagone et dans les outre-mer, quand sa rédaction actuelle le limite à un nombre réduit de communes, dont la liste n’est, par ailleurs, à ce jour pas connue, dans l’attente d’un décret d’application.

La perspective d’ouvrir une possibilité de taxation au bénéfice des établissements publics fonciers est intéressante aux yeux des auteurs du présent amendement. Il convient cependant d’en accroître la portée pour permettre une réelle effectivité de l’article 2.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Par cet amendement, il est proposé d’étendre la nouvelle surtaxe aux zones non denses.

Cela ne corrigerait pas l’une des difficultés majeures posées par l’article 2 : l’inégalité de traitement entre les contribuables, puisque la taxation serait différente selon que le logement est situé dans un périmètre d’un établissement public foncier local ou d’État. Je m’attendais à ce que des amendements aient pour objet de corriger ce point. Ce n’est pas le cas.

En outre, l’adoption de l’amendement aurait pour effet de créer une taxe dans les zones non denses, alors que la situation des résidences secondaires n’y est pas du tout la même. Dans bien des endroits, les résidences secondaires sont plutôt vues comme des sources d’attractivité.

La question est très complexe. Nous sommes tous conscients de la nécessité d’en débattre et d’agir, afin de trouver notamment les moyens d’entretenir le patrimoine bâti.

Or cette taxe serait décidée non pas par la commune, mais par un EPF qui pourrait ainsi aller à l’encontre des choix de politique du logement de la commune.

En cohérence avec la position de la commission, qui est défavorable à l’ensemble de la proposition de loi, je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Une des raisons pour lesquelles nous sommes restés sur les zones tendues tient à ce principe de constitutionnalité, même s’il n’y a plus rien de confiscatoire : le taux n’est plus que de 25 %, et le dispositif est, je le rappelle, optionnel.

Nous sommes donc restés sur les zones tendues, où la question se pose totalement et où il n’y aura pas de problème constitutionnel, puisque l’État lui-même reconnaît les difficultés dans ces zones.

Par ailleurs, je m’étonne des propos de M. le rapporteur selon lesquels les EPFL ne seraient pas tous d’accord. Vous avez pourtant tous reçu un courrier du réseau des EPFL soutenant cette proposition.

Les EPF locaux sont aujourd’hui très demandés par les communes et les intercommunalités, en Loire-Atlantique comme un peu partout dans notre pays. Or ils ne peuvent répondre à cette demande importante, dont l’ampleur va encore augmenter avec le ZAN. Il y a consensus sur ce point.

C’est pourquoi nous nous en sommes tenus aux EPF locaux, où ce sont les élus locaux qui prennent les décisions, et personne d’autre ! C’est bien le bloc communal qui décide. Le sujet est donc vraiment l’autonomie fiscale des communes.

Enfin, comme le disait Max Brisson, il faut tout de même que ces établissements aient des recettes ! Aussi, au vu de ces besoins, soit on augmente le taux de la totalité des taxes concernées – taxe foncière, taxe d’habitation sur les résidences secondaires et contribution foncière des entreprises –, soit on limite cette augmentation à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

Tel est bien le choix qui est sur la table : soit augmenter la fiscalité pour tout le monde, en particulier la fiscalité économique, soit l’augmenter uniquement, dans les zones tendues, sur les résidences secondaires, qui participent à la déstabilisation du marché.

Telle est bien la logique de cet article, qui est soutenu par les EPF locaux. Dans tous les cas, la décision serait prise à l’échelle du bloc communal, par les élus locaux. Je ne vois donc pas de raison pour que notre assemblée le rejette.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Monsieur Dantec, nous avons déjà eu cette discussion, mais il ne me dérange nullement de l’avoir de nouveau dans cet hémicycle.

Je le répète, à ce jour, je n’ai entendu parler d’urgence absolue que pour les EPF locaux du littoral ; je n’ai pas eu un tel retour pour l’ensemble des autres EPF,…

M. Ronan Dantec. Vous avez pourtant reçu le courrier !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. … y compris les EPF d’État qui, tout comme les régions, ont une approche différente, et sans compter les zones blanches, sur lesquelles il faudrait véritablement que nous nous penchions.

Enfin, s’agissant du fonctionnement des EPF, celui-ci repose également sur des dotations, des crédits budgétaires de l’État. À l’heure qu’il est, nous n’avons pas eu connaissance de diminutions de ces dotations de compensation de la baisse du produit de la TSE.

À ce stade – j’insiste sur ce point –, le dispositif proposé semble donc prématuré.

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Notre position est constante : nous entendons faire confiance à l’intelligence dont les maires et les présidents d’intercommunalité font montre dans leurs décisions ; nous voulons leur donner de l’autonomie. J’avoue que je suis parfois surpris que notre assemblée ne le fasse pas.

Je tiens par ailleurs à remercier M. le ministre des explications détaillées par lesquels il justifie les avis du Gouvernement ! (Sourires.) Il est en effet toujours très intéressant de connaître la position du Gouvernement…

C’est d’autant plus vrai que, sur le fond, je sais que M. le rapporteur partage notre volonté de donner plus de moyens aux EPF, même s’il souhaite plutôt retarder ces décisions pour les examiner plus globalement, avec le ZAN et d’autres sujets encore.

Or il se trouve aujourd’hui obligé, paradoxalement, de défendre la position qu’avait adoptée le Gouvernement au sujet des dotations des EPF locaux. Ceux-ci nous disent pourtant être inquiets de leur capacité à agir : le ZAN, la revitalisation des centres-villes, les résidences secondaires, l’exigence de construire, tous ces sujets nécessitent des moyens qui leur font défaut avec les dotations actuelles.

Pour notre part, nous ne demandons pas que l’on augmente la fiscalité ; nous voulons seulement donner aux maires, aux présidents d’intercommunalité et aux élus qui siègent dans les conseils d’administration des EPF locaux la possibilité de choisir eux-mêmes les politiques qu’ils entendent mener sur leur territoire.

Eh bien, je pense que cette mesure mérite de recueillir l’attention et même d’être soutenue sur toutes les travées de notre assemblée !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'action des collectivités territoriales en matière de politique du logement
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Paul Toussaint Parigi, pour explication de vote.

M. Paul Toussaint Parigi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les orateurs l’ont dit : la situation est grave, mais elle n’est peut-être pas désespérée. Simplement, on doit trouver des solutions en urgence.

Alors que s’achève l’examen de cette proposition de loi, je veux rappeler plusieurs éléments qui viennent justifier les intentions des auteurs de ce texte, qui ont le mérite de poser ce problème.

Si nous avons entendu les réticences exprimées vis-à-vis du dispositif proposé, j’aimerais que nous ayons collectivement conscience que nous ne pourrons pas sans cesse reporter un débat essentiel et nécessaire en nous exemptant de prendre des mesures réelles pour juguler les problèmes évoqués. Nous ne pouvons, de manière répétée, convenir unanimement au sein de cet hémicycle que le problème est réel sans pour autant agir.

Les habitants de nos régions sont menacés. Je crois que notre chambre s’honorerait à être à l’initiative d’un véritable débat, porteur de mesures vertueuses pour nos territoires et leurs habitants.

Le problème est d’autant plus vaste que les flux démographiques à destination des régions concernées s’accentuent, ce qui aggrave, entre autres choses, les difficultés de logement pour les locaux. Défendre le droit de vivre au pays, c’est éviter l’exode irrémédiable et le déracinement des populations attachées à leurs terres, porteuses qu’elles sont de leur culture et de leurs traditions. Ces changements seraient préjudiciables à la richesse même de nos régions, que nous aimons tant à rappeler.

Je veux prendre pour exemple la Corse, qui connaît depuis plusieurs années l’un des taux les plus élevés de résidences secondaires en France – 40 % en moyenne, 60 % dans les zones touristiques –, auquel s’ajoute un afflux démographique important, équivalent à un tiers de la population au cours des vingt-cinq dernières années. Cette situation pèse lourdement sur le logement et entraîne une spéculation effrénée, sur laquelle se greffe une insuffisance des infrastructures, inadaptées à un tel afflux.

Capacités d’accueil sanitaire sous tension, ressources en eau redirigées de l’agriculture vers les zones d’habitation, recours nécessaire au dessalement de l’eau de mer, saturation de la gestion des déchets : voilà, en bref, l’ensemble des questions plus larges qui découlent de ce problème…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Paul Toussaint Parigi. … et que notre responsabilité politique nous engage à résoudre, de manière consensuelle et vertueuse. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 121 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l’adoption 77
Contre 249

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à douze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'action des collectivités territoriales en matière de politique du logement
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la Première Guerre mondiale
Discussion générale (suite)

Réhabilitation des militaires « fusillés pour l’exemple »

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale (proposition n° 356 [2021-2022], résultat des travaux de la commission n° 287, rapport n° 286).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la Première Guerre mondiale
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée se trouve réunie pour examiner la proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale.

Dès la fin de ce conflit, les assemblées parlementaires de la République ont consacré un temps considérable à cette question ô combien sensible et complexe. Elles l’ont fait au cours de débats qui ont toujours transcendé les clivages politiques, parce que s’y jouait notre rapport à l’injustice et que, sur cette question, personne ne peut prétendre avoir le monopole de l’émotion.

De quoi parlons-nous ? De 639 militaires condamnés à mort par des conseils de guerre et fusillés, et dont les archives ont gardé la trace. Dans leur très grande majorité, ils furent exécutés dans les deux premières années de la guerre, condamnés par la justice militaire d’un pays placé au bord du gouffre et dont le consensus social, dans une forme de panique face à des revers jugés inexplicables, exigeait de la sévérité.

Il y eut parmi eux des tirés au sort. C’est exceptionnellement révoltant, mais ce fut aussi exceptionnellement rare, et ceux-là ont été réhabilités par la Cour de cassation ou par la Cour spéciale de justice militaire. Ce n’est plus d’eux que nous débattons aujourd’hui.

Que cette sévérité se soit traduite, dans bien des cas, par l’application d’une force injuste de la loi, nul ne peut le contester aujourd’hui. Les hommes d’alors, frères d’armes des militaires exécutés comme parlementaires – c’étaient parfois les mêmes –, s’en étaient d’ailleurs déjà émus. Le travail des historiens le confirme. Les plus hautes autorités de la République l’ont reconnu.

Ainsi du Premier ministre Lionel Jospin, le 5 novembre 1998, à Craonne, au pied du Chemin des Dames, demandant que « ces soldats, “fusillés pour l’exemple”, au nom d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ».

Ainsi du Président de la République Nicolas Sarkozy, dix ans plus tard : « Je penserai aussi à ceux qui n’ont pas tenu, à ceux qui n’ont pas résisté à la pression trop forte, à l’horreur trop grande et qui un jour, après tant de courage, tant d’héroïsme, sont restés paralysés au moment de monter à l’assaut. Je penserai à ces hommes dont on avait trop exigé, que l’on avait trop exposés et que parfois des fautes de commandement avaient envoyés au massacre et qui, un jour, n’ont plus eu la force de se battre.

« Quatre-vingt-dix ans après la fin de la guerre, je veux dire au nom de la Nation que beaucoup de ceux qui furent exécutés alors ne s’étaient pas déshonorés, n’avaient pas été des lâches, mais que simplement ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces.

« Je veux dire que la souffrance de leurs épouses, de leurs enfants, fut aussi émouvante que la souffrance de toutes les veuves et de tous les orphelins de cette guerre impitoyable. Souvenons-nous qu’ils étaient des hommes comme nous, avec leurs forces et leurs faiblesses. Souvenons-nous qu’ils auraient pu être nos enfants. Souvenons-nous qu’ils furent aussi les victimes d’une fatalité qui dévora tant d’hommes qui n’étaient pas préparés à une telle épreuve. Mais qui aurait pu l’être ? »

Ainsi du président François Hollande, à Cerny-en-Laonnois, en 2017 : « Cent ans après, il ne s’agit plus de juger. Il s’agit de rassembler. Tous étaient des soldats. Ils aimaient leur patrie, ils voulaient la défendre, comme les autres. Mais ils n’étaient que des hommes, faillibles, comme tous les hommes, confrontés à la démesure d’une guerre sans limites. Leur souvenir appartient aujourd’hui à la Nation. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, il existe aujourd’hui un large consensus historique sur les faits.

Le travail des historiens a permis de l’établir et chacun peut accéder aux sources, grâce à la décision du président Hollande de rendre accessibles en ligne toutes les archives de ces procédures. En lisant les jugements, parfois sommaires, des conseils de guerre, ou encore les archives des procès en révision et en réhabilitation, on comprend que la part laissée à la défense avait été faible, qu’il n’y avait fréquemment pas eu d’instruction et que, trop souvent, les témoins n’avaient été ni recherchés ni entendus.

Il existe aussi un large consensus sur la mémoire.

On a indubitablement jugé des hommes dont la volonté avait été abolie, abattue par la violence des combats, des hommes que, aujourd’hui, on soignerait, car l’on connaît maintenant les syndromes post-traumatiques et les effets des bombardements intensifs, qui peuvent paralyser ou rendre fou.

Oui, il faut faire mémoire de ces hommes, mais on ne peut le faire dans n’importe quelles conditions. Le législateur doit voir le passé, mais aussi se projeter dans l’avenir. Il est celui qui donne ses contours à notre État de droit.

Aussi, pourquoi écarter cette proposition de loi en l’état ? Il le faut, pour maintenir un troisième consensus : celui sur la méthode.

Dans les années 1920 et 1930, les assemblées parlementaires ont débattu des jugements prononcés par les conseils de guerre et des moyens de revenir sur eux, par des lois d’amnistie et de révision. Ces assemblées n’ont pas dévié d’un principe : à une condamnation individuelle ne pouvait répondre qu’une réhabilitation individuelle. Elles l’ont fait parce qu’elles ont voulu respecter le principe de séparation des pouvoirs et que leurs membres avaient conscience que certaines condamnations n’étaient pas contestables.

Jean-Marc Todeschini, qui connaît très bien ce sujet et à qui la mémoire des fusillés doit tant depuis 1998, le rappelait devant l’Assemblée nationale en 2016 :

« Une réhabilitation générale poserait problème. La plupart des “fusillés pour l’exemple” ont été condamnés par l’arbitraire, voire l’aveuglement d’une justice militaire expéditive. Cependant tous les procès n’étaient pas expéditifs ou arbitraires : certains condamnés l’ont été, hélas, pour de bonnes raisons. Certaines accusations ne souffraient pas de contestation. Il ne faut pas que les revendications parfois légitimes des associations prennent le pas sur tout, et même sur la justice ; ce serait consacrer une autre forme d’arbitraire. »

On ne peut répondre à une injustice par une autre injustice, à un arbitraire par un autre arbitraire, même quand on est persuadé que la justice est de son côté.

Aussi, oui, regardons l’histoire en face. Mais ne cédons pas à deux tentations également dangereuses : réécrire le passé ou rejuger les hommes.

Il nous faut reconnaître à la fois que nombre de ces fusillés méritent d’être réintégrés dans notre mémoire nationale et que, une fois ce principe de reconnaissance posé, la diversité des situations individuelles appartient aux historiens et non au législateur. À plus d’un siècle de distance, elle n’appartient pas davantage au juge.

Or, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, on tend à rejuger ces affaires.

On le fait, d’une part, par le mécanisme retenu : une réhabilitation générale, collective, civique et morale. La réhabilitation est pourtant du ressort de la justice. Outrepasser cette limite, n’est-ce pas empiéter sur un principe essentiel de l’organisation de la République auquel il est inconcevable de déroger, la séparation des pouvoirs ?

On le fait, d’autre part, par l’inscription sur les monuments aux morts. Ce serait entrer dans le champ d’application de l’article L. 515-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Ce serait accorder de facto à tous ces condamnés la reconnaissance qu’ils sont morts pour la France. Or nous butons de nouveau sur le fait que tous n’étaient pas innocents.

Ces deux dispositions heurtent donc notre droit, autant qu’elles heurtent une partie importante des associations d’anciens combattants. Peut-on vraiment apaiser les cicatrices du passé si l’on braque une large partie du monde combattant, qui nous observe aujourd’hui ?

La proposition de loi laisse aussi perdurer des zones d’ombre quant à la procédure à suivre, ce qui rejaillira sur les maires. Qui leur dira si le fusillé dont les descendants, ou une association, demandent l’inscription du nom sur le monument aux morts de leur commune est bien l’un des 639 dont la demande de révision n’a pas été rejetée dans les années 1920 ou 1930 ? Les maires devront-ils faire leurs recherches ? L’administration ou la justice devront-elles répondre à leurs interrogations ? Ce texte ne le dit pas.

Enfin, dans le cadre d’une procédure collective, face à l’hétérogénéité des cas individuels, un doute ne pèsera-t-il pas sur le rétablissement de leur honneur ?

Deux voies vous sont donc ouvertes, mesdames, messieurs les sénateurs.

Vous pouvez, d’une part, rejeter cette proposition de loi, non pas pour rejeter la mémoire des fusillés dont l’innocence n’a pu être établie, mais pour rejeter les effets généraux et problématiques de ce texte. (Exclamations sur des travées du groupe SER.)

Vous pouvez, de l’autre, l’amender, car je tiens à vous mettre en garde contre l’adoption de ce texte en l’état. Ne prenez pas le risque de l’adopter tel quel, sous le coup d’une légitime émotion !

M. Rachid Temal. Un siècle plus tard, tout de même…

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat. Vous pouvez en retirer ce qui divise pour entrer de plain-pied dans la réintégration mémorielle, pour donner aux paroles qui se succèdent depuis vingt-cinq ans la force de la loi.

Tel est bien l’objet de l’amendement déposé par MM. Gattolin et Patriat, du groupe RDPI. Je tiens ici à saluer de manière appuyée le travail qu’ils ont conduit à la recherche d’une voie de compromis, dont je sais qu’elle satisfait le monde combattant, une voie qui vous offre la possibilité d’adopter un texte de conciliation et de réconciliation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

Mme le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la Première Guerre mondiale
Discussion générale (suite)

6

Mise au point au sujet de votes

Mme le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 120, M. Didier Rambaud souhaitait voter pour et M. Alain Richard contre – les votes ont été inversés !

Mme le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

7

Modification de l’ordre du jour

Mme le président. Mes chers collègues, par lettre en date d’aujourd’hui, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du jeudi 16 février au matin et, éventuellement, l’après-midi, après l’examen de la proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture, sous réserve de leur dépôt.

Acte est donné de cette demande.

Le délai limite pour les inscriptions de parole serait fixé au mercredi 15 février prochain, à quinze heures.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

8

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la Première Guerre mondiale
Discussion générale (suite)

Réhabilitation des militaires « fusillés pour l’exemple »

Suite de la discussion et rejet d’une proposition de loi

Mme le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale.

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous examinons ce texte dans le cadre d’un espace réservé au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, qui s’achèvera à seize heures dix.

Discussion générale (suite)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la Première Guerre mondiale
Article 1er (début)

Mme le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Guillaume Gontard, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 10 mars 1915, les poilus de la 21e compagnie du 336e régiment d’infanterie refusent de courir à une mort certaine pour reprendre une position au nord du village de Souain. Vingt-quatre d’entre eux sont tirés au sort arbitrairement et comparaissent devant le conseil de guerre. Quatre caporaux sont condamnés à mort ; ils sont fusillés le 17 mars par leurs camarades, quelques heures avant que ne parvienne le résultat du recours en grâce commuant leur peine en travaux forcés.

Le 14 juin 1915, après s’être fait soigner d’une blessure, Joseph Gabrielli, ne parlant que le corse, ne parvient pas à rejoindre sa compagnie. Il est condamné à mort pour abandon de poste et fusillé le jour même.

Le 21 mai 1916, quatre soldats sont condamnés à mort à Roucy. Quelques jours plus tôt, ils avaient retardé d’une heure le départ de leur compagnie. Initialement condamnés à huit jours de prison, ils ont vu leur peine modifiée en condamnation à mort « pour faire un exemple ».

Des récits semblables, glaçants, confondant d’injustice et confinant parfois à l’absurde, les historiens de la Grande Guerre en ont répertorié des centaines. Pour avoir refusé de courir devant la mort, ou pour avoir laissé penser qu’ils refusaient, des centaines de poilus ont été fusillés pour l’exemple.

Les conseils de guerre spéciaux instaurés par le décret du 6 septembre 1914 ont donné aux gradés un droit de vie ou de mort sur les soldats. Les officiers pouvaient même exécuter sommairement, sans réunir un conseil de guerre, un soldat dont ils jugeaient la conduite dangereuse.

En France, plus encore qu’au sein des autres nations belligérantes, la justice militaire s’est montrée implacable ; elle cherchait à faire des exemples pour maintenir les soldats dans la peur, ne leur laissant le choix qu’entre une mort certaine et une mort probable.

Les condamnés n’avaient pas les moyens de se défendre. Ils étaient parfois tirés au sort parmi un groupe d’accusés, puis abattus par leurs pairs, devant leurs pairs. Celui qui refusait de tirer sur son camarade était condamné à prendre sa place.

Dès le 24 août 1914, le pouvoir politique, par la plume du ministre de la guerre Adolphe Messimy, endosse cette responsabilité, reconnaissant que cette justice d’exception n’a pas tant vocation à punir des coupables qu’à faire des exemples.

Les historiens, notamment ceux du groupe de travail dirigé par l’illustre Antoine Prost, dont le rapport fait autorité, ont dénombré environ 740 soldats fusillés au cours de la guerre. À la demande de l’ancien secrétaire d’État Kader Arif, le service historique de la défense a établi une liste de 639 personnes fusillées pour désobéissance militaire, auxquels s’ajoutent 141 fusillés pour des faits de droit commun et 126 pour espionnage.

Cette proposition de loi vise à réhabiliter ces 639 soldats. Je précise, pour lever certaines inquiétudes, que, si ce nombre ne figure pas dans le corps de l’article, il est explicitement mentionné dans l’exposé des motifs – l’intention du législateur est sans ambiguïté.

Ces soldats sont-ils morts pour la France, comme le considèrent les dizaines de maires qui ont inscrit leurs noms sur les monuments aux morts de leur commune et comme nous sommes nombreux à le croire ? Ce qui est certain, c’est qu’ils ont été tués par la France.

Mes chers collègues, ce n’est pas réécrire l’histoire que d’admettre cette froide vérité. Au contraire, cela revient à accepter notre histoire dans toute sa complexité et à reconnaître que, assaillie, prise à la gorge, la République a commis une lourde faute en confiant la mission régalienne primordiale de rendre justice à des conseils de guerre spéciaux.

Il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur sur des faits remontant à plus d’un siècle, à la lumière du présent. Au reste, comment le pourrions-nous ?

Il ne s’agit pas non plus de blâmer les gouvernements républicains qui ont officié durant le conflit. Chacun peut entrevoir l’extrême complexité de gouverner un pays assailli, a fortiori quand l’armée ennemie se trouve aux portes de Paris.

Il ne s’agit pas non plus de blâmer une armée qui était chargée de la mission vitale de protéger la Nation et dont le fonctionnement, notamment le droit militaire, était très largement hérité de la période impériale.

Il s’agit simplement de reconnaître que, dans des circonstances d’une extrême gravité, des centaines d’hommes ont été victimes d’un déni de justice tellement grave qu’il entache la mémoire collective de la Grande Guerre depuis plus d’un siècle.

En effet, l’opprobre qui s’est abattu injustement sur la plupart de ces soldats s’est étendu à leur famille, parfois même à toute leur commune, et a traversé les générations. Un siècle plus tard, ces familles demandent encore la réhabilitation de leurs aïeuls.

Qu’est-ce qui différencie un soldat tiré au sort pour être fusillé de son camarade du même bataillon ayant lui aussi refusé de monter au front une nouvelle fois, mais que le hasard du destin a épargné ?

Le nom du second figure sur un monument aux morts, sous la mention « mort pour la France », et sa mémoire est honorée depuis un siècle.

La réhabilitation du premier fut envisagée alors que la guerre faisait encore rage, mais le Parlement, tiraillé entre la constatation désolée de ces exactions manifestes et la nécessité de préserver l’Union sacrée, n’engagea pas ce combat. Il supprima néanmoins en 1916 les conseils de guerre spéciaux, mesure ayant drastiquement fait diminuer les exécutions. Ainsi, en 1917, année des grandes mutineries, seule une trentaine de soldats furent condamnés à mort.

De fait, l’essentiel des fusillés l’a été en 1914 et 1915. Les travaux d’Éric Viot ont montré que nombre d’entre eux avaient été victimes de quelques officiers zélés qui, dans chaque division par laquelle ils passaient, accroissaient le nombre de fusillés. Certains ont heureusement été désavoués et relevés par le général, à l’instar des officiers qui ont condamné à mort les six fusillés de Roucy.

Au lendemain de la guerre, la réhabilitation des fusillés était assez consensuelle. Les soldats revenus du front haïssaient avant tout les « embusqués » et les profiteurs, mais pas ceux qui avaient combattu à leurs côtés.

Dans l’entre-deux-guerres, le Parlement a tâché de réparer l’erreur de 1914, en adoptant plusieurs textes de manière très large, voire unanime : la loi d’amnistie du 29 avril 1921 ; plusieurs lois pour faciliter les procédures de réhabilitation ; la loi ouvrant la possibilité de procédures devant la Cour de cassation ; la réforme du code de justice militaire en 1928 ; enfin, la création d’une cour spéciale de justice militaire, qui a siégé entre 1932 à 1935 pour examiner certains dossiers.

Au bout du compte, environ 10 % des soldats fusillés ont été réhabilités ; c’est peu… Les réhabilitations furent aléatoires : il fallait qu’il y ait des témoins survivants, que les familles s’impliquent, qu’elles aient des relations bien placées et que la demande soit prise en charge par une association comme la Ligue des droits de l’homme. Pour nombre de familles modestes, d’ouvriers ou de paysans, ces voies de recours étaient inaccessibles.

Continuer de réhabiliter les fusillés au cas par cas constituerait naturellement le chemin idéal, mais ce chemin n’existe pas. En effet, le général Bach, historien du ministère des armées, a montré que 20 % à 25 % des dossiers étaient manquants et que beaucoup d’autres étaient vides ou inexploitables. Aussi, la réhabilitation ne peut être que collective.

Il serait de toute façon inconcevable de rejuger aujourd’hui des faits vieux de plus d’un siècle – le temps de la justice est passé, de même que celui des historiens, qui ont exploité l’essentiel des archives. Vient désormais le temps du politique, dont les représentants doivent se prononcer non pas sur l’histoire, mais sur la mémoire de la Nation.

Un premier pas important a été franchi au sommet de l’État lorsque le Premier ministre Lionel Jospin, en 1999, à Craonne, a souhaité que les fusillés pour l’exemple « réintègrent pleinement notre mémoire collective nationale. »

Nicolas Sarkozy lui a emboîté le pas en prononçant en 2008 à Douaumont un discours fort, au cours duquel il a déclaré qu’ils ne s’étaient pas déshonorés, puis en évoquant en 2009, sous l’Arc de Triomphe, « ces fusillés qui attendent encore qu’on leur rende justice ».

En 2014, sous la présidence de François Hollande, un espace a été aménagé en leur mémoire au sein du musée des armées, à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale.

À l’échelle locale, près de 2 000 communes, quelque 31 conseils départementaux et 6 conseils régionaux, territoires dont beaucoup portent les stigmates de la Grande Guerre, ont adopté des vœux pour réhabiliter les fusillés. Des monuments ont été érigés en leur mémoire, comme le magnifique monument de Chauny, dans l’Aisne, où les associations locales d’anciens combattants peuvent leur rendre hommage.

Jusqu’à présent, j’ai exposé des faits que personne, je crois, ne conteste. Reste à conclure ce chapitre.

Notre assemblée s’est prononcée une première fois sur une proposition de loi similaire de nos collègues communistes défendue par Guy Fischer. Elle doit aujourd’hui se prononcer sur une proposition de loi de notre collègue Bastien Lachaud, que je salue, adoptée à l’Assemblée nationale.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, après un riche et vibrant débat, s’est prononcée, à une très courte majorité, contre ce texte.

Cette majorité a notamment estimé que la réhabilitation de personnes condamnées par décision de justice posait un problème juridique et que seules des réhabilitations individuelles étaient légitimes. Certains ont également craint que le Parlement ne s’engage dans une réécriture dommageable de l’histoire, relevant non pas de ses prérogatives, mais de celle des historiens.

À titre personnel, je considère au contraire que le Parlement doit conclure la démarche amorcée en 1916.

Alors que la guerre de tranchées, que l’on croyait enfouie dans les vestiges du passé, ressurgit à quelques milliers de kilomètres de nous, en Ukraine, le Sénat dans son ensemble peut choisir de lever l’opprobre en affirmant que nul n’aurait dû ni ne devrait jamais être condamné à mort sommairement, parce qu’il a, comme tout soldat, été traversé d’un moment de doute ou d’effroi face à l’atrocité indicible d’une bataille d’infanterie. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. – M. André Guiol applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, il m’apparaît toujours délicat de regarder l’histoire avec les yeux, les connaissances et les mentalités du présent. Comment nos propres actions de responsables politiques seront-elles jugées dans un siècle ou deux ? Nul ne le sait. Nous agissons tous avec les critères et usages de notre époque, qui paraîtront peut-être inappropriés aux générations futures.

Ensuite, je veux rappeler le contexte de la période 1914-1918 : la guerre est mondiale, totale, et chaque partie joue sa survie. Des millions d’hommes, dont la plupart étaient de simples civils, se battent sur plusieurs fronts. L’ennemi de la France n’est pas n’importe qui : il s’agit de l’Allemagne et de ses alliés, c’est-à-dire d’une puissance économique, industrielle et militaire considérable. Le traumatisme de 1870 habite les esprits. Une nouvelle défaite de la France aurait signifié la fin de notre pays.

Les soldats mobilisés ont, au cours des combats, été confrontés à un niveau de violence inouï et inédit dans une guerre véritablement industrielle, marquée par l’emploi en masse d’armes très meurtrières et terrorisantes. Les conditions de vie des soldats étaient particulièrement rudes, comme le laisse entrevoir actuellement la guerre de tranchées en Ukraine.

Nous savons dorénavant que de nombreuses vies ont été sacrifiées en 14-18, dans des offensives inutiles ou en raison d’erreurs de commandement. La période 1914-1915 étant celle des combats les plus meurtriers et probablement les moins bien préparés. Elle a donné lieu à de nombreux faits de désobéissance militaire suivis de multiples condamnations ; cela a été mis en lumière en 2013 par le rapport Prost.

En outre, les blessures physiques des soldats s’accompagnaient souvent de troubles psychiques, désormais connus comme des syndromes post-traumatiques, qui altèrent le jugement et annihilent la volonté.

Pour autant, face à un ennemi coriace, la France ne pouvait se payer le luxe de perdre du terrain ou de voir ses troupes gagnées par des actes de désobéissance ou par une démoralisation générale. Des mesures radicales ont alors été prises, conformes à l’esprit de l’époque et à la situation de guerre.

Tous les belligérants ont d’ailleurs prononcé des condamnations à mort dans leurs rangs. Signe des temps, des procès hâtifs ont été tenus, au cours desquels les droits de la défense étaient limités. Il faut souligner et enseigner cette réalité, qui fait partie de notre histoire collective.

Néanmoins, il me paraît inapproprié de mettre sur un même plan ceux qui, épuisés et la peur au ventre, ont pourtant accompli jusqu’au bout leur devoir face à l’ennemi, y laissant souvent la vie, et ceux qui, pour des raisons que l’on peut entendre, n’ont pas voulu se battre. Je me garderai bien de juger ces derniers : des tribunaux l’ont déjà fait et des réhabilitations ont eu lieu dès les années 1920.

À cet égard, je citerai de nouveau le rapport d’Antoine Prost : « Imaginer qu’on puisse aujourd’hui établir une vérité sur la plupart des cas de fusillés est pure illusion ».

Si, comme une majorité des membres de notre commission, je n’approuverai pas cette proposition de loi, elle nous offre l’occasion de rappeler la mémoire de tous les soldats de cette guerre épouvantable, qui a brisé les corps et les esprits et qui a durablement affaibli l’Europe.

Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la jeunesse du XXIe siècle a connu les confinements. Celle du début du XXe siècle a connu les tranchées, les gaz, les charges à la baïonnette, le feu roulant et les shrapnels.

En un siècle, le monde a évidemment changé, à tel point que nous avons du mal à nous représenter l’horreur des combats. Nous avons reçu en héritage de précieux témoignages. Celui de nos anciens, tout d’abord, au travers de lettres ou de quelques rares discussions. Des écrivains nous ont aussi laissé une trace mémorable de ce qu’ils ont vécu, à l’instar de Maurice Genevoix, Roland Dorgelès ou encore Ernst Jünger.

Ces récits sont difficiles, choquants et marquants, mais ils ne sont que des récits. Ils ne peuvent transmettre la mémoire de la peau, celle de ceux qui ont vécu cette apocalypse. Or celle-ci s’est éteinte en 2008 avec la disparition de Lazare Ponticelli, le dernier poilu. Il nous appartient désormais de maintenir allumée la flamme du souvenir.

Les monuments aux morts de nos communes retiennent les noms de ceux qui se sont battus pour défendre la patrie, des Ardennes aux Dardanelles. Il s’agit de lieux fondamentaux pour la République et pour la Nation.

La Première Guerre mondiale a fait plus de 4 millions de blessés parmi les militaires de notre pays. Elle a tué près d’un million et demi de soldats français. De nos jours, même en ayant ces chiffres en tête, on peine à se représenter l’ampleur du massacre. Nombreux sont ceux qui ont donné leur vie pour défendre la patrie.

Parmi eux, certains sont morts sous les balles françaises, condamnés à mort par une justice de guerre. Une justice qui n’offrait pas de procès équitable à l’accusé et qui a conduit à exécuter des déserteurs, mais aussi des soldats tirés au sort, ou même des fous.

La proposition de loi que nous examinons vise à réhabiliter l’ensemble des militaires condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux, c’est-à-dire 639 soldats.

Dès 1916, le Parlement français a décidé de mettre fin aux tribunaux spéciaux, reconnaissant que ces procédures n’avaient pas grand-chose à voir avec la justice.

Dans les années qui ont suivi la guerre, plusieurs vagues de réhabilitations ont eu lieu, mais 639 noms demeurent. Il n’est pas envisageable de les examiner individuellement, car, pour bon nombre d’entre eux, leur dossier est manquant ou inexploitable.

Chacun d’entre nous est soucieux de la mémoire de ces hommes et de la cohésion de la Nation. Mais la réhabilitation générale est ardemment souhaitée par certains, tandis que d’autres craignent qu’elle ne soit porteuse de divisions.

M. le rapporteur évoque des moments de faiblesse pour nous convaincre que ces condamnations étaient injustes. À la guerre, les moments de faiblesse n’ont-ils pas toujours des conséquences tragiques, pour les camarades comme pour la patrie ? Que serait-il advenu si tous nos soldats avaient cédé à des moments de faiblesse ?

Ces exécutions étaient injustes, parce que nul ne devrait être condamné à la peine de mort. Mais qui peut aujourd’hui juger des actions et des décisions qui ont eu lieu il y a plus d’un siècle ?

Nous faisons face à notre conscience ; chacun des membres de notre groupe votera conformément à la sienne.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous étudions aujourd’hui une loi de justice.

Une loi qui permet de revenir sur le déni d’une justice militaire arbitraire ayant bafoué le droit de la défense. Une loi qui permet de rendre leur honneur à des combattants tombés sous les balles d’un tribunal militaire, exécutés pour certains après avoir été tirés au sort. Une loi qui, plus que d’autres, dépasse tout clivage partisan.

De nombreuses associations ont fait du devoir de réhabilitation un juste combat. Lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale, M. Gosselin, député Les Républicains de la Manche, a évoqué le cas de l’instituteur Théophile Maupas, l’un des caporaux de Souain, défendu avec acharnement par sa veuve, Blanche Maupas, en lien étroit avec la Ligue des droits de l’homme, jusqu’à ce qu’une cour spéciale le réhabilite en 1932.

Pour sa part, le président Sarkozy a reconnu que ces soldats « ne s’étaient pas déshonorés », car « ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces ». N’oublions pas que la Grande Guerre a décimé nos villages. Les monuments aux morts nous rappellent, dans tous nos territoires, le coût humain de la guerre et la souffrance des familles.

De nombreux conseils municipaux, départementaux ou régionaux, conscients de cette blessure, ont eux aussi demandé justice pour ces soldats fusillés pour l’exemple, parfois pour n’avoir pas entendu ou compris un ordre, car ils ne parlaient pas le français, ou pour avoir déserté, alors qu’ils étaient en fait blessés.

Une reconnaissance tardive, mais nécessaire, voilà l’objet de ce texte – une réparation qui leur est due. Aussi, je remercie le rapporteur de la qualité de ses travaux, qui mettent au jour la nécessité de cette réhabilitation.

L’examen au cas par cas, alors que près de 20 % des archives ont désormais disparu, ajouterait de l’injustice à l’injustice. Comment instruire de tels dossiers sans témoignage ?

La liste des « fusillés pour l’exemple » n’ayant commis aucun crime, ni de droit commun ni d’espionnage, fait consensus, chez les historiens comme au sein de l’administration du ministère des armées.

Le plus souvent, ces soldats ont été accusés, au début d’un conflit si terrible et meurtrier, de mutilations volontaires, d’abandon de poste ou de refus d’obéissance en présence de l’ennemi. L’auteur de la proposition de loi, que je salue, a rappelé que, dès 1925, un médecin légiste a démontré qu’il n’était pas possible de déterminer si une blessure était ou non le résultat d’une mutilation volontaire, ce qui aurait dû entraîner la réhabilitation de tous les condamnés pour ce motif. Pourtant, tel ne fut pas le cas.

J’entends les réticences de certains, qui voient dans cette loi une réécriture de l’histoire. Il n’en est rien ! Il s’agit de réhabiliter et non pas de regarder le passé avec les yeux du présent.

Dès 1916, à la suite de l’intervention de plusieurs députés, l’armée s’est interrogée sur ce simulacre de justice militaire et a supprimé ces conseils de guerre spéciaux. Ce faisant, les circonstances atténuantes et les recours en révision ont été rétablis.

Cette réhabilitation implique une juste reconnaissance de ces 639 martyrs de l’armée. Il est de notre devoir de reconnaître et de réparer les injustices autant que faire se peut. Nous parlons de jeunes hommes de 18 ans ou 20 ans, ayant payé de leur vie la dérive de ces conseils de guerre spéciaux dont les règles étaient déjà dépassées. Inscrire les noms de ces soldats et officiers sur les monuments aux morts va dans le sens de la justice.

Comme l’a déclaré M. le rapporteur, après les historiens, après les juges, c’est à la représentation nationale qu’il revient de se prononcer, non pas sur l’histoire, mais sur la mémoire de la Nation.

Mes chers collègues, rares sont les textes qui peuvent et doivent nous unir tant ils sont justes et essentiels à notre pays. Celui que nous vous proposons d’adopter aujourd’hui est de ceux-là, car il vise à enfin rendre justice à ces soldats,…

Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Guy Benarroche. … en nous permettant d’accomplir notre devoir de mémoire envers le sacrifice inutile de leurs vies. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme le président. La parole est à M. André Gattolin. (M. François Patriat applaudit.)

M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme tout texte législatif à dimension mémorielle, la proposition de loi que nous examinons est particulièrement sensible.

Sur le fond, la question ici posée est de savoir quel statut nous devons, plus d’un siècle après les faits, accorder à 639 soldats de l’armée française ayant été condamnés pour désobéissance militaire par un conseil de guerre entre 1914 et 1918 et n’ayant pas fait l’objet d’un procès en réhabilitation durant les années qui ont suivi la fin de la guerre.

Par leurs actes, ces 639 militaires exécutés ne sont, disons-le clairement et avec des mots crus, ni des héros ni des salauds.

Ce ne sont pas des héros, car, si d’une certaine manière ils sont morts par la France, ils ne sauraient être considérés comme des morts pour la France – une acception clairement codifiée dans notre droit.

Ce ne sont pas non plus des salauds, car aucun d’entre eux, sur cette longue liste de noms, n’a été condamné pour des faits d’espionnage ou de ralliement à l’ennemi.

Il s’agissait tout simplement de soldats engagés dans des combats d’une férocité inouïe et qui, dans des circonstances extrêmes, ont refusé d’obéir aux ordres et de rejoindre leur bataillon ou qui se sont gravement mutilés en vue d’être démobilisés ou gardés à l’arrière du front.

En l’état, et en dépit des déclarations et des gestes successivement engagés par le Premier ministre Lionel Jospin et par les présidents Sarkozy et Hollande, ils demeurent des parias de la Nation. À mon sens, comme à celui de nombre d’entre nous, ce n’est pas admissible.

Le problème qui se pose, c’est que le texte que nous examinons, après son adoption à l’Assemblée nationale, est entaché de nombreuses imperfections et même, je le crains, de vices de constitutionnalité.

Alors qu’il vise à restaurer la dignité des militaires qui ont été exécutés, il déborde largement de ce cadre, en instruisant une sorte de procès des autorités politiques, militaires et judiciaires de l’époque.

Historien de formation, j’appréhende toujours avec beaucoup de précautions, voire de méfiance, les lois mémorielles, qu’elles émanent du Gouvernement ou du Parlement.

Je rappelle que nous sommes tous, dans cet hémicycle, des législateurs, ce qui nous enjoint d’être soucieux de la conformité de nos lois avec la Constitution. À ce titre, il est dommage que ce texte n’ait pas été soumis à un avis préalable du Conseil d’État, comme c’est possible depuis la réforme constitutionnelle de 2008.

Mon plus gros doute concerne l’habilitation juridique du Parlement à procéder de son seul fait à « une réhabilitation générale et collective, civique et morale » des militaires fusillés.

L’acte de réhabilitation, dans notre droit, relève d’une procédure judiciaire qui ne peut être mise en œuvre que par un juge. Il passe par la réouverture des dossiers individuels de chacun des cas concernés.

Conscient de l’importance du sujet, j’ai déposé un amendement visant à réécrire l’article 1er de cette proposition de loi – et non pas l’histoire –, en substituant notamment la notion de réinscription des militaires fusillés dans la mémoire nationale à celle, à mon sens très discutable, de réhabilitation collective, dans une approche plus juste et plus conforme aux principes fondamentaux de notre droit.

M. André Gattolin. J’ai proposé aussi d’ôter de ce texte certaines scories qui, à mon sens, l’émaillaient. Si je suis favorable à l’érection d’un monument national en mémoire de ces fusillés, je trouve inapproprié de préciser dans l’alinéa 2 que ce monument leur rend hommage.

Mon amendement a été rejeté à une très forte majorité par la commission. Je regrette qu’aucun de mes collègues, qui ont également constaté des insuffisances dans ce texte, n’ait proposé d’amendement,…

Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. André Gattolin. … ce qui aurait sans doute permis de clarifier leur avis sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Olivier Cigolotti et Yves Détraigne applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « fusillés pour l’exemple » : cette seule et terrible expression peut faire froid dans le dos, particulièrement en temps de paix. Mais l’histoire nous enseigne, et malheureusement l’actualité aussi, que toute guerre livre ses propres horreurs et laisse très peu de place au sentiment d’humanité. Du meilleur comme du pire : ainsi l’humain serait-il fait.

Lorsque les militaires sont au combat pour défendre une nation ou un territoire, parfois liés à une philosophie de l’existence, nous savons que la discipline collective fait partie intégrante de leur engagement.

Toutefois, mes chers collègues, ce n’est pas vraiment ce dont il s’agit lorsque nous évoquons les fusillés pour l’exemple.

Ils avaient 18 ans ou 20 ans et ils combattaient dans des conditions atroces. Le seul fait de gagner quelques mètres entre deux tranchées ou de ne pas en perdre pouvait entraîner la mort de plusieurs dizaines de soldats, l’espace d’un instant.

Nous pourrions penser, de ce fait, que les fusillés pour l’exemple étaient ceux qui refusaient ce combat peu rationnel, où la discipline était l’alpha et l’oméga de l’engagement. Mais non, très majoritairement, ce n’est pas d’eux qu’il s’agit. Cette confusion ne peut exister. Les condamnés le furent principalement en retrait de la ligne de front, particulièrement en 1914 et 1915. Ils n’ont donc rien à voir avec les mutins de 1917.

Lorsqu’un soldat était déclaré coupable d’indiscipline, la sentence tombait : aucune possibilité de se défendre et pas de contradictoire devant ces cours martiales particulièrement expéditives et arbitraires. Certains fusillés pour l’exemple furent même tirés au sort !

Que dire de ce soldat refusant de porter le pantalon souillé de sang de son camarade mort ? Jugé le jour même de ce refus, il est condamné à mort et fusillé le lendemain matin.

Face à ces effrayants constats, dès 1916, les députés, à l’unanimité, votent la fin de cette justice d’exception et restaurent le même jour le droit de grâce, utilisé par le président Poincaré de sorte que, dès 1916, quelque 95 % des condamnés à mort furent graciés. Une forme de réhabilitation était déjà en marche.

Souvenons-nous, mes chers collègues, de cette période noire de notre histoire, où des familles de fusillés pour l’exemple subissaient l’opprobre et la honte dans nos villes et nos villages.

Souvenons-nous que la facture de la balle qui les avait exécutés et des poteaux qui les avaient soutenus était envoyée aux familles.

Souvenons-nous de cette inhumanité-là.

Oui, comme le souligne Erik Orsenna, « la mémoire est la santé du monde ». Ce devoir de mémoire s’impose à tous. Ce devoir de compassion et de réparation doit s’inscrire au tableau d’honneur de notre Haute Assemblée.

Reconnaissons volontiers et admirons combien les généraux et officiers de nos trois armées, que nous rencontrons fréquemment dans le cadre de nos fonctions de parlementaires, sont particulièrement soucieux, de nos jours, de préserver la vie et la santé des soldats qu’ils commandent. Hommage doit leur être rendu pour cela.

C’était moins le cas, nous le savons, durant les deux premières années de la guerre de 14-18.

Mes chers collègues, de nombreux historiens se sont penchés sur ce délicat sujet des fusillés pour l’exemple, afin de déterminer qui était coupable de trahison et qui était coupable de mutilation volontaire pour échapper aux combats.

Faire du cas par cas aurait été juridiquement logique et idéal. Ils ont cependant conclu que c’était impossible du fait de la disparition des archives. Ils ont également indiqué qu’il était préférable de procéder à une réhabilitation générale, excepté pour les traîtres et les criminels de droit commun. La proposition de loi que nous examinons mentionne précisément ceux qui ont été « condamnés pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire ».

Les services historiques du ministère des armées ont estimé formellement à 639 le nombre de fusillés pour l’exemple, qui ne sont ni des traîtres ni des criminels de droit commun. C’est à ces 639 fusillés que s’adresse la réhabilitation proposée aujourd’hui.

De nombreuses avancées ont permis depuis 1914 et 1915 de reconnaître les fautes commises, et cela dès 1916, comme je l’évoquais précédemment.

Depuis lors, sous différents gouvernements de droite et de gauche, avec Lionel Jospin, puis Nicolas Sarkozy et François Hollande, de véritables reconnaissances se sont mises en œuvre.

Jean-Marc Todeschini, notre collègue, alors secrétaire d’État, rappelait en 2016 que, désormais, les fusillés pour l’exemple seraient intégrés aux espaces muséographiques du musée de l’Armée, consacrés à la Première Guerre mondiale, à l’Hôtel des Invalides. Ainsi, au cœur de l’institution militaire, leur mémoire tient la place qui leur est due.

Dans le prolongement de ces différentes évolutions, nous devons aujourd’hui, compte tenu des précisions apportées, franchir une nouvelle et dernière étape, celle d’une réhabilitation à la fois précise et générale. Cette démarche serait l’honneur de notre République ; elle serait le point final tant attendu et le prolongement logique des prises en considération successives des erreurs et fautes juridiques commises.

Mes chers collègues, à la fin de mon propos, je songe à ces très jeunes gens fusillés pour l’exemple et à leurs familles humiliées. Rendons-leur l’honneur et la fierté d’appartenir à une communauté nationale dont la grandeur est de reconnaître ses erreurs.

En ce moment, je pense aussi à la jeunesse d’aujourd’hui, dont j’imagine aisément qu’elle approuverait notre démarche.

Même après plus d’un siècle, agir en ce sens serait l’occasion pour le Sénat de manifester un signe de sagesse et de hauteur de vue. Ce serait aussi mettre en évidence, après tout ce temps, que notre nation, la France, ne veut pas seulement être le pays de la Déclaration des droits de l’homme, mais ambitionne aussi d’être véritablement le pays des droits de l’homme. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un monde en feu où les grandes puissances se sont affrontées pour le partage des marchés et des ressources, pour la conquête de colonies ou pour la restructuration de leur sphère d’influence, la guerre de 14-18 fut une accumulation d’horreurs pour les soldats comme pour les civils.

Durant ce conflit, des soldats français et immigrés furent exécutés dans le cadre de conseils de guerre improvisés, pour cause d’indiscipline militaire – refus d’obéissance, abandon de postes et désertion à l’ennemi –, tandis que d’autres furent abattus au détour d’une tranchée par un officier, à bout portant, soit pour rébellion, soit – je tiens à le rappeler avec émotion – pour appartenance connue à des organisations ouvrières militant contre la guerre.

La réhabilitation des fusillés pour l’exemple nous tient à cœur, et j’en profite pour rendre hommage à notre ancien collègue Guy Fischer, qui avait porté avec brio ce sujet dans l’hémicycle.

Notre groupe avait déposé en 2013 une proposition de loi visant à répondre à la demande juridique et mémorielle au sujet de la réhabilitation. Celle-ci reposait sur une approche globale, car nous considérions qu’il n’était pas possible de faire le tri, plus de cent ans après, entre les soldats fusillés à tort, victimes de condamnations arbitraires ou abusives, et ceux dont l’exécution aurait été justifiée.

Le parti pris du texte qui nous est présenté est différent. C’est pour nous un regret. Il nous semble toutefois essentiel de soutenir le principe qui l’anime, à savoir la réhabilitation d’hommes exécutés pour indiscipline lors de la Grande Guerre.

Conscients également que ce sujet reste encore sensible, nous avons fait le choix, dans un esprit de conciliation positive, de ne pas amender ce texte. Car cette réhabilitation, un siècle plus tard, est toujours sujette à controverses.

Elle l’est parce qu’elle touche à des destins individuels poignants, à l’instar de celui du sous-lieutenant Chapelant, fusillé alors qu’il était attaché sur son brancard, ou encore celui du soldat Lucien Bersot, condamné, puis exécuté, pour avoir refusé de porter le pantalon taché de sang d’un frère d’armes.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il a été réhabilité !

Mme Michelle Gréaume. Je profite de ces exemples pour saluer le travail et l’engagement des associations dans leur combat pour la réhabilitation des fusillés, comme l’Association républicaine des anciens combattants, le Mouvement de la Paix, l’Union pacifiste de France ou encore la Fédération nationale de la libre-pensée.

Le sujet divise également les tenants d’une discipline garante de l’intégrité nationale, justifiant une sévérité exemplaire, ainsi que l’absence d’une quelconque remise en question de celle-ci, et ceux qui défendent une lecture humaniste, qui considèrent que ces soldats n’étaient ni des lâches ni des traîtres, mais des hommes qui avaient fait leur devoir, usés par la guerre et la violence physique et psychologique des combats, des soldats qui étaient allés au bout de ce qu’un homme pouvait endurer, qui ne comprenaient pas ou plus les objectifs et le sens de ces combats et de la mort certaine vers laquelle on les envoyait et qui ne méritaient certainement pas d’être exécutés.

L’indignité dont ils sont encore aujourd’hui frappés doit être levée. En tant que communiste et républicaine, je suis absolument convaincue que l’adoption de ce texte serait un acte de fraternité pour la mémoire de ces hommes qui furent jetés dans l’arène meurtrière des tranchées et qui furent vaincus par l’épuisement.

Certains collègues nous ont dit vouloir des réhabilitations individuelles, plutôt qu’une réhabilitation collective. Pourtant, les historiens sont unanimes : cela n’est pas possible. Avec près de 20 % des dossiers disparus et l’impossibilité d’enquêter en l’absence de témoins encore vivants, accéder à une telle demande reviendrait à repousser toute réhabilitation.

D’autres de nos collègues…

Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Michelle Gréaume. … s’inquiètent du caractère déchirant et clivant de la réhabilitation collective au sein de notre pays.

Le groupe CRCE votera pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.

M. Olivier Cigolotti. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des fusillés pour l’exemple constitue un volet particulièrement douloureux de la Première Guerre mondiale et n’est pas sans soulever émotion et débats historiques.

Preuve en sont les différents échanges que nous avons pu avoir lors de nos travaux au sein de la commission et les témoignages parfois très forts que nous avons recueillis.

À ce titre, je souhaite saluer le travail précis et documenté de notre rapporteur Guillaume Gontard, qui nous a permis de débattre avec respect de ce sujet particulièrement sensible.

La présente proposition de loi a pour objet de réhabiliter les 639 fusillés pour désobéissance militaire. En 1914 et 1915, ces exécutions concernaient essentiellement des actes individuels, tels que la désertion, l’abandon de poste, les mutilations volontaires ou encore le recul pendant l’assaut. Autant d’actes qui mettaient en péril la mobilisation totale et l’engagement de nos régiments d’artilleurs pour défendre notre pays.

Comme a pu le préciser l’historien Antoine Prost dans le rapport qu’il a remis à Kader Arif en septembre 2013, si de nombreux fusillés l’ont été dans des conditions inacceptables, d’autres l’ont été pour des raisons sérieuses.

La question de la reconnaissance de ces hommes, fusillés pour l’exemple, n’est pas nouvelle. Avant même la fin de la Première Guerre mondiale, des associations de droits de l’homme et d’anciens combattants, ainsi que des élus, toutes tendances politiques confondues, se sont mobilisés sur ce sujet.

Les lois d’amnistie de 1919 et d’avril 1921, qui instaurent un recours contre les condamnations prononcées par les conseils de guerre spéciaux au bénéfice des conjoints, ascendants et descendants jusqu’au quatrième degré, ont été votées à l’unanimité des députés.

Outre ces deux lois d’amnistie, d’autres dispositions ont été votées, le plus souvent de manière transpartisane.

La loi du 9 août 1924 permettant la réhabilitation de soldats exécutés sans jugement, une nouvelle loi d’amnistie votée le 3 janvier 1925, instaurant une procédure exceptionnelle devant la Cour de cassation, ou encore la loi du 9 mars 1932 créant une Cour spéciale de justice militaire, composée de magistrats et d’anciens combattants et compétente pour réviser l’ensemble des jugements rendus par les conseils de guerre.

Les travaux menés durant cette période ont permis la réhabilitation d’une quarantaine de cas – je pense par exemple aux fusillés de Vingré.

D’autres gestes politiques, bien plus récents, ont permis d’encourager la reconnaissance de ces soldats. En 1998, Lionel Jospin a été le premier à rendre hommage aux fusillés pour l’exemple, dans un discours prononcé à Craonne, lors des commémorations de l’armistice de 1918.

Nicolas Sarkozy a rendu un hommage similaire le 11 novembre 2008, lors de la commémoration de l’armistice, au mémorial de Douaumont.

Les travaux menés lors des commémorations du centenaire de la Grande Guerre ont abouti à la création d’un espace consacré aux fusillés au musée de l’Armée, aux Invalides, ainsi qu’à la numérisation et à la mise en ligne des dossiers des conseils de guerre sur le site « Mémoire des hommes ».

Nous saluons l’ensemble de ces démarches et de ces avancées. Le travail historique et judiciaire déjà accompli a permis, durant plus d’un siècle, de revenir en profondeur sur ces réalités de la Grande Guerre, mais également, me semble-t-il, d’apporter un éclairage indispensable sur certaines injustices qui ont pu être commises.

Aujourd’hui, il est question d’aller encore plus loin, en proposant une réhabilitation collective et générale.

Cependant, si nous décidons de réhabiliter ses soldats, cela sous-entend que leurs condamnations ont été prononcées à tort dans la totalité des procédures. Nous ne pouvons pas aujourd’hui établir cette réalité historique.

C’est pourquoi la réhabilitation collective et générale proposée dans ce texte ne nous paraît pas une solution satisfaisante. Une réhabilitation doit être le résultat d’une décision judiciaire et le fruit d’une procédure individuelle, non la résultante d’un texte de portée généralisée. Elle apparaît à la fois politiquement inadaptée à la situation et à la limite des principes de constitutionnalité.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera dans sa grande majorité contre cette proposition de loi.

Mme le président. La parole est à M. André Guiol.

M. André Guiol. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, examiner ce texte visant à réhabiliter les militaires fusillés pour l’exemple, c’est nous replonger non sans une certaine émotion dans l’un des épisodes les plus tragiques de la Première Guerre mondiale.

En effet, en filigrane de ce texte, apparaît une certaine vision de l’histoire, celle du quotidien brutal et atroce des soldats dans les tranchées, dans la boue, sous la mitraille ennemie, la faim et la peur au ventre. C’est l’histoire touchante de « Ceux de 14 », comme les a nommés Maurice Genevoix dans ses récits rapportés du front de Verdun.

Le poilu André Fribourg l’écrivait en 1915 au journal LOpinion : « Voilà près d’un mois que je ne me suis ni déshabillé ni déchaussé. Je me suis lavé deux fois : dans une fontaine et dans un ruisseau près d’un cheval mort. Je n’ai jamais approché un matelas. J’ai passé toutes mes nuits sur la terre. »

La Nation a toujours salué le courage et les sacrifices consentis par tous ces hommes réduits à se battre dans des conditions insoutenables, au nom de la patrie et de la liberté, et à en mourir pour beaucoup d’entre eux.

Cependant, dans le tableau de l’honneur de la France, subsiste une ombre, celle des fusillés pour l’exemple. Ce sont ces militaires qui nous occupent aujourd’hui, seulement ceux – il faut le préciser – qui n’ont pas été exécutés pour des crimes de droit commun ou pour espionnage.

Naturellement, dans ce type de débat, la question du rôle du législateur face à l’histoire est bien souvent posée. Pour la majorité des membres de mon groupe, il ne s’agit pas de se conduire en historien. Le travail a été fait, je dirai même bien fait, notamment par l’historien Antoine Prost, qui a rendu en 2013 un rapport au Gouvernement sur les conditions de réhabilitation des fusillés pour l’exemple.

Il s’agit donc avant tout d’endosser la responsabilité de la justice au regard du trouble attesté et largement reconnu jusque dans les discours présidentiels, depuis Lionel Jospin, sur ce régime exceptionnel des fusillés pour la France.

Alors que 639 soldats sont visés par le projet de réhabilitation collective, on sait que l’injustice et l’arbitraire ont concerné une majorité d’entre eux. Notre émotion face au sort de ces jeunes soldats brisés, sans droit à la défense, serait-elle anachronique ? Je ne le crois pas.

Dès 1916, soit en plein conflit, le régime des fusillés pour l’exemple a été remis en question par la suppression des cours martiales et l’ouverture du droit au recours. Cela montre le malaise que la méthode avait suscité dès cette époque et cela explique aussi la concentration des exécutions sur les années 1914 et 1915. Notre collègue rapporteur a rappelé que certains officiers avaient également été relevés par leurs supérieurs à la suite d’exécutions.

Certes, on pourrait opposer que, en temps de guerre, la faiblesse n’a pas sa place et que la discipline doit être implacable. Mais il est question ici de situations complexes et d’interprétations erronées quant à l’attitude de certains soldats pris au piège de l’enfer des tranchées et, bien entendu, de l’absence de droit élémentaire à la défense.

Je pense aussi à ceux qui ont tenu le fusil, à ces jeunes gens qui ont dû tuer, souvent en pleurs, la boule au ventre, leurs camarades et leurs frères de combat : quel traumatisme irréparable !

Aujourd’hui, il ne s’agit pas de réécrire l’histoire. L’histoire, c’est l’étude et l’écriture des faits ; la réhabilitation, c’est rendre l’estime publique. Il s’agit donc de faire entrer dans la mémoire collective ceux qui en ont été exclus sans ménagement. Ici se rencontrent la justice et la discipline militaire. Tout notre discernement doit être mobilisé.

En tant qu’élus de la République, nous devons contribuer à construire une société plus apaisée. Ne sommes-nous pas dépositaires d’une fraternité bienveillante ? Soucieux d’honorer cette valeur, la majorité de mes collègues du RDSE soutiendront la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, parmi les événements historiques qui jalonnent le passé de notre nation, pas un n’a plus profondément façonné le territoire et la société de mon département de l’Aisne – de notre département, madame la présidente – que la Grande Guerre.

Dans la commune de Fontenoy, berceau de ma famille paternelle, il y a une histoire qui se transmettait de génération en génération et qui m’avait glacé le sang lorsque j’étais enfant : celle du soldat Lucien Bersot, âgé de 33 ans, qui a été évoquée par nos collègues Gréaume et Vaugrenard.

Il avait été mobilisé au 60e régiment d’infanterie, puis envoyé sur le front de l’Aisne dès l’hiver 1914. En février 1915, le jeune soldat portait toujours le même pantalon de toile blanc qui lui avait été remis à la mobilisation. Grelottant de froid dans les tranchées, il demanda l’autorisation de recevoir un nouveau pantalon de laine, identique à celui de ses camarades. Le sergent fourrier exécuta la demande en lui remettant un pantalon déchiré et maculé de sang, récupéré sur le cadavre d’un soldat français récemment tué.

Bersot refusa de le porter. Il fut condamné d’abord à huit jours de cachot, puis, trouvant que la peine était trop clémente, le lieutenant-colonel le fit comparaître devant le tribunal de guerre qui le condamna à mort pour refus d’obéissance. Il fut fusillé pour l’exemple le 13 février 1915.

Si le soldat Bersot fut réhabilité par la Cour de cassation en juillet 1922, aucun texte de loi et aucun artifice ne saura jamais panser les plaies de ces quatre années meurtrières, ni amender les décisions prises dans le contexte d’une si exceptionnelle violence qui était celui de la guerre.

Le politique s’est déjà fendu par le passé d’initiatives tendant à la reconnaissance de l’injustice de leur sort. En déplacement à Craonne, dans l’Aisne, en novembre 1998, le Premier ministre Lionel Jospin appela à la réintégration des fusillés pour l’exemple dans notre mémoire collective, tout comme le fit François Hollande, en 2017, à Cerny-en-Laonnois, toujours dans l’Aisne.

Nous comprenons la volonté des sénatrices et sénateurs porteurs de cette proposition, qui résulte d’une intention hautement honorable. Je tiens par ailleurs à saluer le travail de notre rapporteur, le président Gontard, sur ce sujet particulièrement douloureux de notre histoire. Mais il n’appartient pas selon moi au législateur de réécrire l’histoire à la lumière de la lecture qu’il souhaiterait en faire. Il lui revient de consacrer l’histoire en tant que phénomène disant quelque chose de son époque et de sa société.

Bien évidemment, ces condamnations paraissent aujourd’hui des actes juridiques entachés d’une cruauté sans nom. Mais quelle est la valeur de l’histoire si nous ne consentons pas à la lire sous le prisme de sa propre contemporanéité ?

Le législateur n’est pas un historien, et l’historien n’est pas législateur. Le législateur est un créateur de droit et il ne peut se permettre l’erreur de créer du droit avec du sentiment.

Réhabiliter collectivement, c’est prendre le risque de mettre sous un seul et même drapeau déserteurs, innocents, traîtres et mutilés volontaires.

M. Rachid Temal. Ce n’est pas l’objet du texte !

M. Antoine Lefèvre. Si la justice est individuelle, y compris dans ses erreurs, l’amnistie elle aussi doit être individuelle.

De nouvelles réhabilitations au cas par cas sont sans doute encore possibles et même nécessaires.

Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Antoine Lefèvre. Connaître et comprendre l’histoire des fusillés est essentiel, et il est heureux que depuis vingt-cinq ans leur sort, dans toute sa complexité, ait très largement réintégré la mémoire nationale de la Grande Guerre. (M. Marc Laménie applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite saluer Mme Guidez, présidente du groupe d’études Monde combattant et mémoire, qui travaille sur de nombreux sujets dans le cadre du devoir de mémoire.

Je remercie également nos collègues du groupe GEST d’avoir consacré du temps, dans le cadre de leur espace réservé, à l’examen de cette proposition de loi, qui a été présentée par des députés issus de différents groupes et adoptée le 13 janvier 2022 à l’Assemblée nationale. Elle vise à réhabiliter les militaires fusillés pour l’exemple durant la Première Guerre mondiale.

Ce sujet historique est particulièrement sensible, comme l’ont rappelé M. le rapporteur et un certain nombre de nos collègues qui sont intervenus précédemment.

Il convient de replacer les faits dans le contexte de la Première Guerre mondiale, qui a mobilisé des dizaines de millions d’hommes dans le monde et qui a malheureusement fait des millions de morts et de blessés, ainsi que plusieurs centaines de milliers de veuves, d’orphelins et de mutilés.

Je ferai référence aussi, dans le cadre du devoir de mémoire et en tant que rapporteur de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », à la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, qui a effectué un travail important dans nos territoires et départements respectifs, auquel ont participé les représentants des associations patriotiques de mémoire.

Cette proposition de loi sur la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple concerne 639 soldats. Dans le département des Ardennes, que je représente avec ma collègue sénatrice Else Joseph, j’ai pu rencontrer, il y a environ un an, un certain nombre d’associations et de collectifs, notamment la Ligue des droits de l’homme.

La notion de devoir de mémoire, de respect et de reconnaissance a été largement rappelée. Depuis de nombreuses années, différentes actions ont été menées avec le concours des plus hautes autorités de l’État, et les collectivités territoriales ont formulé un certain nombre de vœux.

Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Marc Laménie. Je comprends la position de Mme la secrétaire d’État, mais, à titre personnel, je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu dire que les balles et le poteau d’exécution étaient facturés aux familles. Enfin, soyons sérieux ! C’est faux et vous le savez.

M. Rachid Temal. Et donc ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat. Débattons des faits, non des idées reçues. Les frais de justice, qui existent toujours d’ailleurs, sont mis à la charge de la partie condamnée.

Les orateurs qui ont dénoncé les conditions dans lesquelles cette justice de guerre a été rendue ont raison. Je l’ai dit : ce constat ne fait plus débat, il nous rassemble. Ce n’est plus de cela que nous discutons, pas plus que des fusillés qui avaient été tirés au sort, car eux, comme je l’ai déclaré lors de mon intervention liminaire, ont été réhabilités.

Les nombreux exemples cités à la tribune par les orateurs sont tous bien connus et tout aussi révoltants. Mais ce qui nous divise, ici, c’est seulement la méthode pour achever de réintégrer dans notre mémoire le sort de ces hommes. Il ne peut y avoir de réhabilitation collective. (MM. François Patriat et Antoine Lefèvre applaudissent.)

Mme le président. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale.

proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la première guerre mondiale

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la Première Guerre mondiale
Article 1er (fin)

Article 1er

Les militaires en service dans les armées françaises du 2 août 1914 au 11 novembre 1918 ayant été condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux créés par le décret du 6 septembre 1914 relatif au fonctionnement des conseils de guerre ainsi que par les conseils de guerre rétablis par la loi du 27 avril 1916 relative au fonctionnement et à la compétence des tribunaux militaires en temps de guerre et dont la condamnation a été exécutée font l’objet d’une réhabilitation générale et collective, civique et morale. La Nation reconnaît que ces soldats ont été victimes d’une justice expéditive, instrument d’une politique répressive, qui ne respectait pas les droits de la défense et ne prenait pas en compte le contexte de brutalisation extrême auquel les soldats étaient soumis.

Les nom et prénom des intéressés sont inscrits sur les monuments aux morts.

Un monument national est érigé en vue de rendre hommage à la mémoire des « fusillés pour l’exemple ».

Le présent article n’est pas applicable aux militaires dont la situation a été révisée par la Cour de cassation, sur le fondement de la loi du 29 avril 1921 relative à l’amnistie et de la loi du 3 janvier 1925 portant amnistie, et par la Cour spéciale de justice militaire instituée par la loi du 9 mars 1932 créant une Cour spéciale de justice militaire chargée de la révision des jugements rendus dans la zone des opérations des armées de terre et de mer par des juridictions d’exception.

Mme le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant que ne commence l’examen des articles de ce texte, je veux me féliciter qu’un débat aussi dramatiquement sensible se tienne dans un climat de dignité qui fait honneur à cet hémicycle. À cet égard, je tiens à remercier les différents orateurs, quelles que soient les positions qu’ils ont défendues.

À l’issue de son examen par notre commission, cette proposition de loi a été, comme vous le savez, mes chers collègues, rejetée par vingt voix contre dix-sept. Cela ne signifie pas pour autant que les sénateurs qui se sont exprimés contre le texte ont voulu manifester leur refus ou leur mépris, car tout le monde est bien conscient que cette épouvantable affaire, qui a certainement suscité des injustices effrayantes, doit être prise en compte.

Simplement, comme le Gouvernement et un certain nombre d’entre vous l’ont rappelé, nous ne pensons pas que cette méthode consistant à revisiter un fait historique dans une assemblée parlementaire cent ans après réglera le problème. Celui-ci relève de l’histoire, même si, bien évidemment, il remet en cause certaines actions.

Je tenais simplement à souligner que cette discussion est bien le signe que nous sommes ici, au Sénat, en mesure d’évoquer des problèmes douloureux, qui ont marqué notre histoire, sans que le débat déraille ou soit de mauvaise tenue. Je souhaite de nouveau en remercier chacune et chacun d’entre vous. Je suis certain que cet état d’esprit prévaudra jusqu’au vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.

M. Jean-Claude Tissot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite m’adresser à mes collègues les plus réticents à voter cette proposition de loi, en insistant sur ce qu’elle n’est pas.

Ce texte ne vise pas réhabiliter des traîtres, des espions ou des déserteurs – aucun des soldats figurant sur la liste des 639 fusillés pour l’exemple de la Première Guerre mondiale n’a été reconnu comme tel.

Nombre de ces condamnés pour refus d’obéissance ou abandon de poste ont en réalité commis des actes bien compréhensibles, comme celui de s’endormir à leur poste, de se replier parce qu’ils n’avaient plus de munitions ou de méconnaître un ordre qu’ils n’avaient pas entendu ou mal compris.

Voilà deux ans, nous commémorions dans mon département, la Loire, la réhabilitation des six martyrs de Vingré, aux côtés du maire d’Ambierle et des descendants de deux de ces soldats, natifs de cette commune.

Engagés en 1914 dans la défense du village de Vingré, ils ont été fusillés pour abandon de poste, parce qu’ils avaient obéi à l’ordre de repli de leur sous-lieutenant. Si les fusillés de Vingré ont été réhabilités en 1921, quelque 639 familles attendent toujours que cette marque d’infamie soit enfin effacée.

La présente proposition de loi ne vise pas à réécrire l’histoire. M. Antoine Prost, président du conseil scientifique de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, l’a parfaitement expliqué dans son rapport : « L’histoire des fusillés de 1914-1918 ne réserve à nos yeux aucun mystère, mais la question posée est celle de la mémoire qu’en veut conserver la Nation. C’est à elle de s’en saisir. »

C’est exactement ce que nous faisons avec ce texte, qui ne tend aucunement à ternir l’histoire de notre pays et de son armée.

Tous les protagonistes de cette guerre ont prononcé des sentences de mort dans des conditions similaires. Mais nos alliés néo-zélandais, canadiens et anglais ont réalisé le travail que nous engageons aujourd’hui en amnistiant ou réhabilitant leurs fusillés. Notre pays s’honorerait lui aussi à tourner cette page de son histoire.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, cette proposition de loi ne ternira en rien la mémoire des soldats honorés chaque 11 novembre. Selon les propres termes d’Antoine Prost, encore, « les soldats revenus du front haïssaient avant tout ceux qu’ils appelaient “les embusqués”, les planqués, les profiteurs, pas ceux qui avaient subi à leurs côtés le grand massacre. »

En tant que législateurs, nous avons aujourd’hui la possibilité de réunir enfin dans notre mémoire collective et sur nos monuments ces hommes qui ont combattu côte à côte et qui ont perdu la vie durant cette guerre. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.

M. Olivier Paccaud. Je m’exprime évidemment en tant que sénateur, mais aussi en tant qu’agrégé d’histoire et citoyen picard, car l’Aisne, l’Oise et la Somme ont été particulièrement meurtries par ces combats, même si, soyons clairs, la France entière a été touchée : il n’est pas une seule famille dans notre pays qui n’ait été affectée, après que les pères, les frères et les fils ont été mobilisés, blessés ou tués.

Ce débat est effectivement particulièrement douloureux. Personne ici ne peut accepter le déni de justice qu’ont constitué ces punitions collectives, par définition aveugles. Or chacun des 639 fusillés évoqués pose un cas particulier. Certains d’entre eux étaient même des héros. La plupart de ces hommes n’étaient ni des traîtres ni des lâches. Il s’agissait de conscrits et non de militaires de carrière.

Nous aurions envie qu’ils soient tous réhabilités, mais, autant la punition collective est injuste, autant la réhabilitation collective, qui met sur le même plan certains héros qui ont été ignoblement fusillés – je pense à l’officier Chapelant, fusillé à Crapeaumesnil, dans l’Oise, sur son brancard ! –, autrement dit ceux qui ont été trahis, et ceux qui ont trahi, n’est pas une solution.

M. Rachid Temal. Il ne s’agit pas du tout de cela !

M. Olivier Paccaud. La seule solution consiste, mes chers collègues, à faire travailler les étudiants en histoire sur l’ensemble de ces dossiers. C’est de cette manière que nous pourrions individuellement les réhabiliter. Encourageons nos universités et nos directeurs de recherche à examiner chacun de ces 639 cas particuliers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.

M. Ronan Dantec. Mes chers collègues, vous faites fausse route en considérant que, au motif que quelques-uns des 639 fusillés étaient peut-être coupables – je ne sais pas s’ils étaient passibles de la peine de mort –, on ne peut réhabiliter personne.

Mme Laure Darcos. Ce n’est pas ce que nous disons !

M. Olivier Paccaud. Vous ne m’avez pas écouté !

M. Ronan Dantec. Si, c’est l’idée que vous défendez depuis le début de l’après-midi.

Une telle position est profondément injuste, puisque chacun sait bien que nous ne sommes plus en mesure d’examiner individuellement le cas de ces 639 fusillés.

Surtout, nous ferions fausse route en continuant d’affirmer qu’ils ont été fusillés « pour l’exemple ». Je crois que personne ne remet en cause le fait qu’ils l’ont été en vertu d’une décision politique, afin d’éviter que l’armée française ne recule. Ils ont été en réalité fusillés pour la France, j’y insiste.

Comme les soldats que l’on a envoyés prendre des tranchées infranchissables, ils ont été fusillés parce qu’il fallait gagner la guerre. Et ils ont payé de leur sang cet objectif.

Les réhabiliter aujourd’hui ne peut prendre la forme d’un examen précis de chaque cas individuel : il nous faut avant tout reconnaître et tenir compte du fait que la décision prise par l’armée et l’État français à ce moment-là a consisté à faire des exemples, compte tenu du risque d’effondrement du front.

Je le répète, ces soldats ont versé leur sang pour la France. Les réhabiliter, c’est donc réhabiliter l’armée française. Se contenter de demander qu’un travail s’engage sur des injustices individuelles ne suffira pas. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Rachid Temal, sur l’article.

M. Rachid Temal. Mes chers collègues, je formulerai deux remarques.

La première concerne les 639 fusillés pour l’exemple. Ce chiffre ne sort pas d’un chapeau, mais d’un rapport du service historique de la défense (SHD), qui distingue très clairement les 639 cas que nous évoquons des soldats qui ont trahi ou refusé d’aller au combat. Il s’agit de faits parfaitement reconnus, issus d’un document du SHD, sur lequel nous fondons notre position.

Je veux bien que l’on débatte de la réhabilitation de ces fusillés, chers collègues de droite, mais il ne doit pas y avoir de fausse polémique entre nous. On peut être pour ou contre, mais ne simulez pas une pseudo-incompréhension à ce sujet.

Ma seconde remarque vise à soulever un problème de cohérence, comme je l’ai déjà fait en commission.

Certains d’entre vous, mes chers collègues, considèrent qu’il ne revient pas au Parlement d’écrire l’histoire. Mais on peut tout de même en prendre acte un siècle plus tard, à l’issue de travaux parlementaires.

Surtout, comment expliquez-vous alors que nous examinions parfois des textes – ce sera le cas la semaine prochaine au Sénat d’une proposition de résolution, que nous voterons d’ailleurs ! – relatifs à des génocides ayant eu lieu dans d’autres pays ? De facto, le Parlement français écrit l’histoire de ces États, mais il refuse bizarrement à chaque occasion d’engager le moindre débat sur l’histoire de notre propre pays…

Soyons cohérents : on ne peut pas refuser d’étudier les événements historiques lorsqu’ils concernent la France – c’était d’ailleurs tout le débat que nous avions eu lors de l’examen de la proposition de loi relative à la commémoration de la répression d’Algériens, le 17 octobre 1961, et des massacres d’Oran du 5 juillet 1962 –, et continuer, à l’inverse, d’écrire l’histoire de pays étrangers.

J’invite chacun d’entre vous, mes chers collègues, à faire preuve de cohérence. Je serai moi-même cohérent en votant ce texte, comme je voterai celui qui sera examiné la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, sur l’article.

M. Jacques Fernique. Je souhaiterais répondre aux principales réserves, voire désaccords, que certains de nos collègues ont exprimés et qui méritent selon moi d’être débattus.

Non, il n’est pas question ici de se substituer aux historiens : leurs travaux sur les 639 fusillés pour l’exemple sont consensuels, et cela d’autant plus depuis l’œuvre de synthèse publique qu’Antoine Prost a réalisée à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale. Personne ne peut donc prétendre ici départager différentes lectures historiques ; chacun devrait plutôt en prendre acte…

Depuis le Premier ministre Lionel Jospin jusqu’aux Présidents de la République Nicolas Sarkozy et François Hollande, l’exécutif a fait avancer cette démarche, qui donne à chacun de ces centaines de fusillés la place qui lui est due dans notre mémoire collective nationale.

Après que l’exécutif y a pris toute sa part, il revient au Parlement de conclure, d’une certaine façon, ce qu’il avait entamé dès 1916, en mettant résolument en cause les modalités de ces conseils de guerre spéciaux bien plus napoléoniens que républicains.

Oui, réhabilitons tous ceux qui ont subi sommairement le choix désastreux des autorités républicaines d’alors d’en passer par cette forme injustifiable de justice expéditive, destinée à impressionner la masse bien plus qu’à sanctionner chacun en connaissance de cause.

Bien sûr, cette réhabilitation s’interprétera de façon souple : nous n’allons pas formellement invalider les quelque 639 décisions de justice. C’est justement, à mon sens, la force et le profit évident que l’on peut tirer de cette proposition de loi.

Puisqu’il s’agit de mémoire nationale, celle-ci pèsera lourdement : il s’agira avant tout d’un message adressé à la jeunesse.

Dans ma propre jeunesse, j’ai été marqué et révolté par Les Sentiers de la gloire, un film qui, souvenons-nous, n’a été projeté en France que dix-huit ans après sa sortie… Il faut permettre aux jeunes générations de mieux saisir combien la Nation et la République valent par leurs hauts faits et leurs valeurs, mais aussi par la reconnaissance de leurs zones d’ombre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

Mme le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Gattolin et Patriat, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La Nation reconnaît solennellement que les militaires en service dans les armées françaises du 2 août 1914 au 11 novembre 1918 qui ont été condamnés à mort pour les seuls faits de désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux créés par le décret du 6 septembre 1914 relatif au fonctionnement des conseils de guerre ainsi que par les conseils de guerre rétablis par la loi du 27 avril 1916 relative au fonctionnement et à la compétence des tribunaux militaires, sont réintégrés dans la mémoire nationale.

Un monument national est érigé en leur mémoire.

Le présent article n’est pas applicable aux militaires dont la situation a été révisée par la Cour de cassation, sur le fondement de la loi du 29 avril 1921 relative à l’amnistie et de la loi du 3 janvier 1925 portant amnistie, et par la Cour spéciale de justice militaire chargée de la révision des jugements rendus dans la zone des opérations des armées de terre et de mer par des juridictions d’exception.

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Mes chers collègues, il est vrai, comme vous l’avez tous dit avec talent et émotion, que le sujet est douloureux et nous questionne tous. J’ai bien entendu, de part et d’autre, les arguments et les éléments sur le fondement desquels vous entendiez vous prononcer à l’issue de notre débat.

Néanmoins, je comprends moins pourquoi la solution de compromis que nous avons formulée a reçu un accueil aussi méprisant. En effet, à l’issue de nos échanges avec les historiens et les associations, notre groupe a souhaité défendre un amendement de réécriture de l’article 1er. Il vise une réintégration dans la mémoire nationale des 639 fusillés dont nous parlons aujourd’hui, plutôt qu’une réhabilitation collective et générale, qui se heurterait à des obstacles à la fois historiques et juridiques.

Notre amendement, monsieur Temal, tient donc bien compte des 639 fusillés pour l’exemple.

M. Rachid Temal. C’est une avancée !

M. François Patriat. Nous proposons également qu’un monument national soit érigé à leur mémoire. Par cet amendement, nous voulons faire en sorte que ce texte puisse poursuivre son chemin et aboutir à une forme de réhabilitation des soldats injustement fusillés.

Toutefois, force est de constater, mes chers collègues, que cet amendement de compromis a reçu une fin de non-recevoir en commission. Il faudra m’en expliquer les raisons ! Je l’ai pourtant présenté à M. le rapporteur en précisant que le texte proposé était intéressant et devait poursuivre sa route, et que notre initiative permettrait d’aboutir à une solution contournant les obstacles juridiques.

Force est de constater aussi que cet amendement de compromis a été massivement rejeté en commission, sans qu’aucun groupe – aucun, mes chers collègues ! – prenne la peine d’expliquer les raisons de son vote.

Cela étant, j’ai bien compris que cet amendement avait peu de chances d’être adopté. J’ai constaté qu’à la fin de la discussion générale aucune majorité ne se dégageait pour l’adopter. C’est la raison pour laquelle, alors que l’adoption de cet amendement permettrait d’avancer sur cette question, je vais le retirer, tout en regrettant que nous ne puissions pas aller plus loin dans l’examen de cette proposition de loi.

M. Rachid Temal. Pourquoi retirer votre amendement ? Nous avions l’occasion d’en débattre !

M. Yannick Vaugrenard. Oui, c’est dommage !

M. François Patriat. Il est trop tard, mes chers collègues.

Je retire donc l’amendement, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 1 est retiré.

Mes chers collègues, je vais mettre aux voix l’article 1er.

Si cet article n’était pas adopté, l’article 2, qui constitue le gage de la proposition de loi, deviendrait sans objet.

Je considérerais, si l’article 1er n’était pas adopté, qu’il n’y aurait plus lieu de mettre aux voix l’article 2 et l’ensemble de la proposition de loi.

Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur cet article et sur l’ensemble.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. Tout d’abord, je me joins aux propos du président de la commission, qui a eu raison tout à l’heure de rappeler que ce sujet est lourd et suscite l’émotion. Mais comment pourrait-il en être autrement après les descriptions qui ont été faites ?

Cette question a donné lieu à un débat à la fois en commission et dans cet hémicycle. Nous avons tous fait preuve de respect les uns envers les autres et de sérénité lorsqu’il s’est agi d’exposer nos points de vue et d’aborder ces événements.

Cela montre justement que l’on peut examiner un tel sujet cent ans après sans rouvrir de polémiques, bien au contraire. Cela montre aussi que l’on a besoin de clore ce débat. C’est d’ailleurs ce qu’il nous reste à faire.

Les 639 fusillés dont nous parlons ne viennent pas de nulle part, mais du travail approfondi qui a été conduit par de nombreux historiens. Ces derniers nous l’ont dit : « Nous avons fait notre travail ; à vous, maintenant, les hommes politiques, de faire le vôtre, d’aboutir à une conclusion, voire de tourner la page. »

Chacun le sait très bien, si ce texte, déposé par notre collègue député Bastien Lachaud et voté par l’Assemblée nationale, ne fait pas l’objet d’un vote conforme aujourd’hui, on en repoussera éternellement l’examen et il ne sera plus jamais discuté. Or l’enjeu, au-delà de ce débat, ce sont les familles de ces 639 soldats qui attendent une réhabilitation.

En tant que rapporteur de ce texte, j’ai pris acte de la position de la commission et écouté les débats qui s’y sont déroulés – ils ont très bien été décrits –, mais je pense tout de même que le moment est venu de mettre un terme à cette histoire importante pour notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote sur l’article.

M. Yannick Vaugrenard. En réaction à l’intervention de notre collègue François Patriat, je précise que son amendement n’a pas été rejeté par tout le monde.

En ce qui nous concerne, nous avons expliqué que nous ne le votions pas parce qu’il constituait, nous le savions bien, un artifice de procédure.

M. André Gattolin. Pas du tout !

M. Yannick Vaugrenard. En effet, si l’amendement était adopté, le texte modifié repartait à l’Assemblée nationale et ne serait probablement plus examiné avant plusieurs années. Voilà le fond du problème et la raison pour laquelle mon groupe était défavorable à cet amendement en commission.

S’agissant de la réhabilitation des 639 fusillés pour l’exemple, je tente d’imaginer ce que peut penser notre jeunesse de nos échanges et de nos débats… Je me félicite, comme le président de la commission, que le débat ait été de haute tenue et extrêmement intéressant. Chacun aura pu en tirer profit.

Chaque année, les gerbes déposées le 11 novembre, notamment dans l’ouest de la France, le sont par les responsables du Souvenir français, mais aussi, pour certaines, par des associations défendant la réhabilitation de ces fusillés pour l’exemple. Voilà ce qui se passe concrètement aujourd’hui sur le terrain !

M. Roger Karoutchi. Pas chez moi…

M. Yannick Vaugrenard. J’essaie de me représenter les enseignements que notre jeunesse – ceux qui ont 18 ans, 20 ans ou 25 ans aujourd’hui – pourrait tirer aujourd’hui de tout cela.

Comme cela a été rappelé, les historiens ont fait leur travail, et ils l’ont bien fait. Ils sont parfois en désaccord, et pas seulement par rapport aux propos qui ont été tenus tout à l’heure. Mais ils disent eux-mêmes que la réhabilitation au cas par cas n’est plus possible juridiquement, parce que nous ne disposons pas d’éléments de preuve.

Il s’agit donc manifestement d’une décision politique concernant notre histoire. Notre pays, comme d’autres, a parfois commis des erreurs. Nous proposons, en toute humilité, de prendre la responsabilité politique de le reconnaître. Je prends le pari, mes chers collègues que, dans quelques années, dans cinq ans, dix ans ou vingt ans,…

Mme le président. Merci, mon cher collègue !

M. Yannick Vaugrenard. … la réhabilitation de ces fusillés pour l’exemple aura bien lieu !

Mme le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote sur l’article.

Mme Michelle Gréaume. Nous, sénatrices et sénateurs, avons aujourd’hui l’occasion unique de clore un chapitre douloureux de notre histoire.

Au-delà de nos différences et de nos sensibilités, unissons-nous aux côtés de ces fusillés pour l’exemple, d’autant que vous savez tout comme moi qu’il n’y a plus aucun témoin vivant plus de cent ans après la fin de la guerre et que 20 % environ des dossiers sont manquants.

Pensons à tous ces soldats qui ont vécu des situations extrêmes, qui les ont poussés à aller jusqu’au bout d’eux-mêmes. Il faut les réhabiliter ! Si nous décidons d’une réhabilitation au cas par cas, vous le savez très bien : on ne réhabilitera personne, et ce sera de notre responsabilité !

Mme le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote sur l’article.

M. Rachid Temal. Je viens d’entendre le président Patriat se plaindre que le rejet de son amendement en commission était une preuve de mépris. Non, c’est un vote !

Autre remarque, cette proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale contre l’avis du Gouvernement. On aurait tout à fait pu s’attendre, même après l’inscription du texte à l’ordre de jour de notre assemblée, à ce que le Gouvernement nous demande de ne pas le voter tel qu’il nous a été transmis et qu’il fasse une contre-proposition.

Or on assiste à un tour de passe-passe, qui consiste à détourner notre attention avec un amendement, qui joue un peu le même rôle que le lièvre dans une course de demi-fond, à savoir qu’il n’a pas vocation à aller jusqu’au bout. Le résultat des courses, c’est que l’on va oublier les 639 fusillés…

Nous aurions préféré, madame la secrétaire d’État, que vous formuliez une véritable proposition, prouvant que vous nous aviez écoutés, et que vous nous expliquiez ce qu’il était possible de faire sur le sujet.

Nous le savons tous, la réhabilitation individuelle des fusillés pour l’exemple est impossible, parce que les dossiers ont disparu. Ce n’est qu’en nous appuyant sur le travail réalisé par le Service historique de la défense que nous disposons d’une chance d’avancer. Nous prenons acte de votre refus, mais ne rejetez pas la faute sur les autres ! (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote sur l’article.

M. André Gattolin. Je ne veux pas alimenter la polémique, mais j’ai du mal à accepter que l’on parle « d’artifice de procédure » s’agissant de notre amendement. Notre texte diffère tout de même sensiblement de ces tonnes d’amendements qui ont pour seul objet de modifier une virgule ou un mot…

Cette proposition de loi soulève un problème juridique, et vous le savez.

M. André Gattolin. Je l’ai déjà expliqué en commission : vous n’aviez qu’à écouter mes arguments. (M. Rachid Temal proteste.)

Le Royaume-Uni a adopté un texte tendant à la réhabilitation de plus de 300 fusillés pour l’exemple. Il ne l’a pas fait en légiférant, mais en instituant une juridiction spéciale dont les travaux ont abouti à un acte. En effet, au Royaume-Uni comme en France, il convient de distinguer le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.

Si vous ne voulez pas d’une réhabilitation au cas par cas, faites une proposition en ce sens. J’ai été l’auteur de propositions de loi qui ont parfois été modifiées à la marge lors de leur examen à l’Assemblée nationale : eh bien, je suis parvenu à les faire adopter conformes au Sénat. C’est le jeu parlementaire !

Cessez donc de parler d’artifice de procédure : ce n’est pas le cas ici. Notre proposition repose sur des arguments précis, et je constate que personne, lorsque je l’ai défendue en commission, n’a expliqué les raisons pour lesquelles il votait contre.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote sur l’article.

M. Guy Benarroche. Revenons-en au fond du débat d’aujourd’hui, qui n’est pas de savoir si l’amendement de nos collègues était ou non un artifice de procédure.

Après tout, un amendement similaire a été rejeté par la commission, point ! Tous les amendements rejetés au préalable par les commissions saisies au fond ne sont pas nécessairement des artifices de procédure et, pour autant, leurs auteurs ne se plaignent pas d’être les victimes d’une sorte d’injustice. Les commissions jouent leur rôle en votant ou non ces amendements.

J’en viens au fond de cette proposition de loi. Les textes autour desquels nous parvenons à nous unir au sein de cette assemblée, de manière transpartisane, et qui nous paraissent essentiels au rétablissement d’une certaine mémoire de notre pays sont extrêmement rares. Or nous sommes devant un texte de cet acabit.

Aujourd’hui, nous, sénateurs, sommes en mesure de dire que notre pays peut réhabiliter la mémoire d’un certain nombre de condamnés, dont on sait parfaitement qu’ils l’ont été pour faire régner l’exemplarité dans une situation difficile et un contexte de guerre, et non pour des actes réels qu’ils auraient commis.

Le véritable artifice est celui qui consiste à proposer d’étudier les situations au cas par cas. Comme cela a été rappelé, une telle étude a déjà été engagée, et il a été démontré qu’il était impossible de la pousser plus loin, car les dossiers manquent.

Procéder au cas par cas revient donc à ne réhabiliter aucun des 639 soldats. Jamais ! C’est l’honneur de l’armée et de la France que de réhabiliter ces fusillés dont on sait qu’ils ont été condamnés pour l’exemple.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat. On le voit, ce sujet suscite beaucoup d’émotion.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis tout à l’heure, vous parlez de 639 fusillés. Or plus de 40 d’entre eux ont été réhabilités : le chiffre n’est plus exact, mais peu importe.

Sur le fond, je veux vous dire que, en l’état, cette proposition de loi me paraît très dangereuse, car elle modifie des décisions de justice, ce qui est problématique en soi. Et elle le fait de manière indistincte, en méconnaissant la réalité concrète des décisions de justice.

En l’état, elle permettrait de réhabiliter François M, fusillé le 22 octobre 1915 pour désertion et abandon de poste devant l’ennemi. Il appartient à la liste des 639 fusillés dont nous parlons depuis ce matin. Mais qu’allons-nous dire aux descendants, aux trois orphelins de Léon Schlier, le soldat français que François M a aussi tué ?

Ce texte est inutile, car la réhabilitation collective, je le dis depuis le début, n’est pas possible.

En conclusion, puisque vous avez beaucoup parlé du rapport d’Antoine Prost, je souhaiterais rappeler que, pour ce dernier, la meilleure des solutions en la matière est de ne rien faire sur le plan législatif.

Vous êtes le législateur et nous ne sommes pas un tribunal. Nous devons absolument continuer à respecter la séparation des deux assemblées et de la justice. (M. François Patriat applaudit.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 122 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l’adoption 113
Contre 218

Le Sénat n’a pas adopté.

En conséquence, l’article 2 n’a plus d’objet.

Les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq.)

Mme le président. La séance est reprise.

Article 1er (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la Première Guerre mondiale
 

9

Article 1er A (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 1er A

Protéger les logements contre l’occupation illicite

Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (proposition n° 174, texte de la commission n° 279, rapport n° 278, avis n° 269).

Dans la suite de l’examen du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier, l’examen de l’article 1er A.

Chapitre Ier (suite)

Mieux réprimer le squat du logement

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 1er B (nouveau)

Article 1er A (suite)

Le titre Ier du livre III du code pénal est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« De loccupation frauduleuse dun local à usage dhabitation ou à usage économique

« Art. 315-1. – L’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage économique à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

« Le maintien dans le local à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.

« Art. 315-2. – Le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

« Le présent article n’est pas applicable lorsque l’occupant bénéficie des dispositions prévues à l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, lorsque le juge de l’exécution est saisi sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code, jusqu’à la décision rejetant la demande ou jusqu’à l’expiration des délais accordés par le juge à l’occupant, ou lorsque le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public. »

Mme le président. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 78, présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Montaugé, Mme Meunier, MM. Fichet et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Marie, Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Denis Bouad.

M. Denis Bouad. Cet article crée un nouveau délit, parfaitement inutile, afin de lutter contre les squats, mais qui n’aura aucun effet dissuasif et dont la répression est déjà prévue par les dispositions claires et équilibrées de l’article 226-4 du code pénal.

Cet article contient une disposition choquante. Il est particulièrement inquiétant que soit envisagée la criminalisation des personnes qui, ayant occupé légitimement un lieu d’habitation, connaîtraient des difficultés de paiement de leur loyer. L’introduction d’une peine d’emprisonnement en pareille situation est véritablement scandaleuse.

Engager des poursuites judiciaires, faire condamner les plus démunis d’entre nous, en particulier, à une amende de 7 500 euros est complètement immoral et n’aidera certainement pas à améliorer la situation des plus démunis.

Permettez-moi d’ajouter que je vois mal comment un propriétaire bailleur, qui réclame des impayés, sera aidé par l’accroissement de la dette.

Mme le président. L’amendement n° 59, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet article contient plusieurs dispositions, concernant notamment l’entrée par effraction dans certains lieux.

Ces situations peuvent exister, mais demeurent très minoritaires parmi les 17 000 expulsions exécutées en moyenne chaque année.

On dénombrerait trois millions de logements vacants et 300 000 personnes sans domicile fixe, soit dix logements vides pour une personne SDF.

Certes, cela ne légitime ni le recours à la force ni même l’atteinte au droit de propriété.

Toutefois, lorsque 300 000 personnes sont à la rue, n’est-ce pas aussi problématique, voire plus grave, de laisser trois millions de logements vides ?

Chaque année, entre 500 et 600 personnes meurent du sans-abrisme. Ce sont parfois des enfants : le plus jeune était âgé de 1 mois lorsqu’il est décédé en 2021.

J’entends que vous faites référence aux petits propriétaires. Or ils sont minoritaires parmi les propriétaires de logement, puisque 3 % des propriétaires possèdent 50 % du parc locatif. Ceux-ci détiennent chacun au moins cinq logements. Ce ne sont donc pas de petits propriétaires, mais ils profitent de quelques faits divers médiatisés pour vous inciter à défendre des lois rétrogrades et à mieux protéger leur rente.

Nous vous avons entendus : vous ne voulez pas de squatteurs. Moi non plus ! Mais ne condamnons pas les locataires ayant des impayés de loyer à de la prison. La prison ne leur apportera rien et ne sortira personne de la précarité, bien au contraire !

Ne faisons pas l’amalgame entre la pauvreté et la criminalité. Ne créons pas un nouveau délit de vagabondage, si anachronique et dramatique pour notre modèle social.

Cet amendement vise donc à supprimer la peine de prison pour les personnes qui n’auraient pas payé leur loyer et qui ne quitteraient pas le logement de leur plein gré.

Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 34 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 82 rectifié bis est présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Morin-Desailly, Gatel, N. Goulet, Dindar et Billon, M. Longeot, Mme Herzog, M. Canévet, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Moga, Duffourg et de Belenet, Mmes Doineau et Perrot, MM. J.M. Arnaud et Cigolotti et Mme Férat.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer les mots :

de six mois d’emprisonnement et

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 34.

M. Guy Benarroche. Nous nous étions prononcés en faveur de la suppression de cet article 1er A, qui pénalise et criminalise les locataires touchés par une décision de justice d’expulsion, dès lors qu’ils ne trouvent pas à se reloger et qu’ils se maintiennent dans le logement.

Notre amendement n’a pas été adopté. Par conséquent, l’article 1er A, tel qu’il est rédigé, prévoit non seulement une peine d’amende augmentée, mais également une peine d’emprisonnement pour le délit d’occupation frauduleuse de local à usage d’habitation, à destination des locataires évoqués précédemment.

Par cet amendement, nous affirmons très clairement que nous ne souhaitons pas que la prison pour dette, sanction bannie de la République depuis des années et renvoyée dans les oubliettes de notre justice, soit rétablie uniquement pour cette dette.

En dépit de notre désaccord sur le fond, y compris s’agissant de l’augmentation des amendes, cet amendement vise donc uniquement à supprimer la peine d’emprisonnement.

Mme le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié bis.

Mme Valérie Létard. Cet amendement est identique à celui que vient de défendre M. Benarroche.

En cas d’occupation ou de squat, il me semble justifié de pouvoir aller jusqu’à une peine d’emprisonnement.

Toutefois, si un locataire défaillant doit être lourdement sanctionné lorsque, au terme de nombreuses années de procédure, il ne peut toujours pas honorer sa dette, je ne suis pas sûre que six mois d’emprisonnement changent la situation.

Dans le cas de locataires défaillants, de mauvaise foi ou ayant accumulé des difficultés ou encore parfois ayant dégradé leur logement, il est possible de s’interroger sur la nature de la sanction et d’envisager l’emprisonnement. Toutefois, dans ce cas particulier, je rappellerai que le code pénal prévoit déjà un arsenal de sanctions. (Mme Éliane Assassi approuve.)

Par conséquent, il me semble complètement inutile et contre-productif d’aller jusqu’à une peine d’emprisonnement. En revanche, maintenons la sanction financière de 7 500 euros. En effet, bien qu’il s’agisse de familles en difficulté, une sanction minimum doit être signifiée à un moment donné.

Il me semble que ce serait un compromis acceptable.

Un locataire défaillant est dans une situation bien différente de celui qui s’est emparé du bien d’autrui de façon totalement illicite. Aussi cette solution paraît-elle juste et équilibrée : elle n’ignore pas la réalité non plus qu’elle ne prévoit l’impunité.

Mme le président. L’amendement n° 60, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 6

1° Après le mot :

emprisonnement

insérer les mots :

avec sursis

2° Compléter cet alinéa par les mots :

avec sursis

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet article prévoit une peine de prison ferme pour les locataires auxquels aurait été signifié un jugement d’expulsion et qui n’auraient pas libéré les lieux.

Sachez que pour être reconnu prioritaire à un relogement au titre du droit au logement opposable (Dalo), il faut notamment justifier d’un jugement d’expulsion.

Or, une fois que le jugement d’expulsion est rendu, plusieurs mois sont nécessaires – cela est connu de tous, et partout, notamment en Seine-Saint-Denis, monsieur le ministre – pour que la commission de médiation reconnaisse les personnes concernées comme prioritaires.

Si elle est adoptée, cette loi posera alors problème : certaines personnes pourront être mises en prison avant même d’avoir pu faire valoir leur droit, si elles restent encore plus de deux mois dans le logement. C’est un problème.

Une condamnation pour expulsion constitue déjà un frein puissant – cela a été dit – pour retrouver un logement auprès d’un bailleur. C’est aussi, paradoxalement, une nécessité pour être reconnu prioritaire au titre du Dalo.

Nous proposons donc d’introduire un sursis pour les personnes qui risqueraient d’aller en prison pour être restées dans un logement, en considérant notamment que l’absence de proposition et la longueur des démarches conduisent à cette situation.

Il n’est pas logique – je le répète – d’enfermer en prison ces ménages en difficulté ; les prisons sont déjà bien remplies. En outre, ce n’est pas en étant derrière les barreaux que les locataires pourront mieux rembourser leur bailleur !

Le sursis pourra apparaître comme un avertissement adressé aux mauvais payeurs récidivistes.

Pour la très grande majorité des personnes concernées, ne pas payer son loyer est non pas un principe de vie, mais avant tout la conséquence d’une importante perte de revenus.

Considérons-le comme tel et proposons du sursis plutôt que de la prison ferme.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Par l’amendement n° 78, nos collègues du groupe socialiste proposent de supprimer l’infraction prévue pour sanctionner le maintien sans droit ni titre dans un logement.

Il nous semble que le dispositif adopté par l’Assemblée nationale est bien encadré : l’infraction s’appliquerait seulement après un jugement définitif d’expulsion, à l’expiration de tous les délais accordés par le juge, en dehors de la période de la trêve hivernale, et elle ne concernerait pas les locataires du parc social – vous l’avez certainement lu comme moi.

Par ailleurs, nous faisons confiance au discernement des parquets, qui, naturellement, n’engageront des poursuites que si les circonstances le justifient.

Compte tenu de toutes ces garanties, je pense que nous pouvons conserver le dispositif voté par l’Assemblée nationale et donc rejeter l’amendement de suppression.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 59, présenté par nos collègues du groupe CRCE, a le même objet que l’amendement précédent. Il appelle donc le même avis défavorable de la commission.

Les amendements identiques nos 34 et 82 rectifié bis sont différents, car ils tendent à supprimer la peine d’emprisonnement encourue en cas de maintien sans droit ni titre dans un logement après une décision définitive d’expulsion, pour ne maintenir qu’une peine d’amende.

Je voudrais rappeler à nos collègues que les peines d’emprisonnement d’une durée égale ou inférieure à six mois sont par principe toujours aménagées.

Mme Éliane Assassi. Dans ce cas, pourquoi prévoir une telle peine ?

M. André Reichardt, rapporteur. Attendez la fin de mon propos, madame Assassi…

Je ne crois donc pas que l’application de cet article aboutisse à envoyer beaucoup de gens en prison.

Cependant, je suis sensible à la dimension symbolique qui s’attache à l’existence d’une peine d’emprisonnement. J’ai entendu aussi les observations des uns et des autres, notamment celles qui émanent des associations défendant ces personnes et venant en aide aux mal-logés : nombre d’entre elles perçoivent cette peine comme une forme de stigmatisation.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe SER. – Mme Valérie Létard sen félicite.) C’est bien d’entendre un « Bravo ! » de temps en temps. (Sourires.)

Enfin, concernant l’amendement n° 60, encore une fois, on comprend bien l’intention de nos collègues qui veulent éviter que des locataires défaillants ne soient envoyés en prison. Cependant, vous comprendrez bien que la prison avec sursis ne peut pas constituer une peine en soi. En outre, à la suite de l’avis favorable émis sur les deux amendements identiques précédents, leur adoption ferait tomber celui-ci.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Les amendements nos 78 et 59 visent à supprimer le délit pour un locataire qui se maintient sans droit ni titre dans un local d’habitation, tandis que les amendements identiques nos 34 et 82 rectifié bis tendent à supprimer uniquement la peine de prison.

Comme cela a également été souligné par M. le rapporteur, les débats à l’Assemblée nationale avaient déjà permis d’améliorer le texte. Pour autant, ces délits d’occupation sans droit ni titre en raison de loyers impayés ne renvoient pas à une situation similaire à celle des squats.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur les amendements identiques nos 34 et 82 rectifié bis, qui visent à supprimer la peine d’emprisonnement, en ne conservant que la peine d’amende, quand bien même le risque d’application de la peine prévue pour ce délit était très faible.

En revanche, je suis réservé sur la suppression totale de l’article 1er A. En effet, comme cela a été dit, les garanties prises en compte tout au long de la procédure devraient aboutir à ce que seules les personnes de mauvaise foi ou n’ayant pas utilisées toutes les voies de recours soient sanctionnées. Les personnes les plus précaires, en raison des protections mises en place, ne seraient pas sanctionnées.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée s’agissant des deux premiers amendements nos 78 et 59 ayant pour objet la suppression de l’article 1er A.

Enfin, à propos de l’amendement n° 60 visant à introduire une peine avec sursis, le sursis relève d’une décision du juge. En outre, compte tenu de l’avis favorable du Gouvernement émis sur les amendements identiques tendant à supprimer la peine de prison, cet amendement n’a plus d’objet.

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je remercie M. le rapporteur de l’avis qu’il a émis sur l’amendement n° 82 rectifié bis défendu par Valérie Létard et que, naturellement, nous soutenons, tout comme l’amendement identique n° 34 de notre collègue Benarroche – ne pratiquons pas l’ostracisme ! (Sourires.)

En effet, comme cela a été expliqué pendant les débats, la peine de prison n’avait pas beaucoup de sens ou en avait un qui était insupportable. Et puis, franchement, dans un contexte de surpopulation carcérale, cela aurait donné une image de la Haute Assemblée qui m’aurait fortement déplu.

Il me semble que cette position est une position de sagesse, une position humaine et une position intelligente. Cela ne m’étonne pas de la part de notre assemblée.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 78.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 34 et 82 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme le président. En conséquence, l’amendement n° 60 n’a plus d’objet.

Les amendements nos 11 rectifié bis, 12 rectifié bis et 13 rectifié bis ne sont pas soutenus.

L’amendement n° 66, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le présent article ne s’applique pas aux femmes dont la perte de revenu ayant entraîné la dette locative est liée au départ précipité du conjoint.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. J’entends les interventions qui ont précédemment porté sur les squatteurs et sur les petits propriétaires.

Nous n’avons rien à opposer aux petits propriétaires, qui sont une minorité – je le rappelle –, et nous ne soutenons pas le squat, qui ne devrait pas exister dans une société où tout le monde aurait accès à un logement digne.

Cependant, la réalité est que les personnes en situation d’impayés de loyer sont principalement des personnes ayant connu une perte brutale de revenus.

Cela peut être le cas, par exemple, après un licenciement ou une fin de contrat, en cas de versement tardif des allocations chômage ou du revenu de solidarité active (RSA) pour ceux qui sont en fin de droit.

Cela peut aussi être dû à une dépense soudaine, un imprévu sanitaire, une hospitalisation, ce qu’il est convenu d’appeler un accident de la vie.

Parmi ces accidents figure souvent le départ du conjoint, fréquemment un homme, ce qui provoque une baisse brutale du budget du ménage.

Une fois de plus, ce sont souvent les femmes qui en sont victimes, en devenant un parent isolé, parfois sans disposer des ressources suffisantes.

Cela s’apparente à une forme de violence économique, qui est pour nous intolérable. Je pense que nous pourrions nous accorder sur ce point.

Notre amendement vise à protéger ces femmes, non pas – entendez bien ! – en les dispensant de payer ou de rembourser ce qui est dû, mais en leur épargnant au moins de subir l’affront d’être condamnées à de la prison ferme ou à une amende.

Toutefois, si j’ai bien compris les conséquences du précédent vote, cela n’est plus opérant.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Madame la présidente Assassi, cet amendement tend à exclure, du champ d’application de l’article 1er A, les femmes ne pouvant régler leur loyer, parce qu’elles ont subi une perte de revenus du fait du départ précipité du conjoint.

Je rappelle que la sanction pénale est encourue seulement après une décision définitive d’expulsion et après l’expiration de tous les délais pouvant être accordés par le juge.

Dans le type de situation évoqué par nos collègues du groupe CRCE, le magistrat pourra tenir compte des circonstances et naturellement accorder à la mère, qui se retrouve isolée avec ses enfants, les délais lui permettant de retrouver un logement compatible avec le niveau de ses ressources.

Il n’est donc, selon la commission, pas utile ni pertinent d’introduire dans la loi une exception de ce type.

Si vous le permettez, j’ajouterai volontiers qu’aucune raison ne justifie de limiter cette exception aux seules femmes, dont la perte de revenus aurait entraîné la dette locative à la suite du départ précipité du conjoint.

Nous connaissons tous des hommes qui peuvent également subir une perte de revenus, liée au départ précipité de leur conjointe.

C’est la raison pour laquelle la commission émet, avec regret, un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Vous savez que je partage votre préoccupation s’agissant de la situation des femmes.

Néanmoins, comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, la situation est déjà prise en compte au travers des règles de protection des locataires en situation d’impayés.

Instituer une différence entre un homme et une femme, qui ne me semble pas tout à fait constitutionnelle, ne paraît pas non plus relever d’un tel amendement.

Le Gouvernement demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Il était intéressant de souligner la situation particulière de ces femmes, qui ont souvent des enfants à leur charge.

Évidemment des hommes peuvent aussi être exclus de leur logement et se retrouver alors dans des situations compliquées, mais le message de ces femmes doit être entendu, et cette réalité prise en compte.

Néanmoins, j’entends vos arguments, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre. En conséquence, je retire l’amendement.

Mme le président. L’amendement n° 66 est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er A, modifié.

(Larticle 1er A est adopté.)

Article 1er A
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 83

Article 1er B (nouveau)

L’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les premier et deuxième alinéas du présent article ne s’appliquent pas lorsque les occupants dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. »

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 39 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 62 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 39.

M. Guy Benarroche. En proposant la suppression de cet article 1er B, inséré dans le texte par la commission, les auteurs de cet amendement ne demandent ni un allégement ni une suppression de peines. Au contraire, nous considérons que, tel qu’il est rédigé, cet article prive le juge de la capacité d’exercer pleinement sa fonction, c’est-à-dire de juger s’il peut accorder ou pas des délais supplémentaires.

Par principe, nous sommes opposés aux décisions restreignant les pouvoirs du juge. Par principe, nous pensons que le juge doit pouvoir exercer la totalité de ses pouvoirs, qu’il s’agisse de prononcer une peine accrue ou d’accorder des délais supplémentaires.

Nous souhaitons rendre au juge une capacité pleine et entière à exercer la totalité de ses pouvoirs afin de juger une situation globalement et pas uniquement selon un critère automatique aboutissant à une décision également automatique. Sinon, prochainement, la justice sera rendue par des algorithmes !

Nous croyons véritablement à la justice des juges de notre pays. Pour cette raison, les auteurs du présent amendement demandent la suppression de cette mesure, afin de ne pas priver le juge de son pouvoir d’appréciation au cas par cas. Par exemple, pour décider d’accorder ou non des délais supplémentaires, il tient compte de la présence d’enfants. Si ces décisions devaient être prises automatiquement, sans le regard du juge, on enverrait temporairement dans la rue encore plus d’enfants et de personnes.

Remettons donc le regard du juge au cœur de la machine.

Mme le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 62.

M. Gérard Lahellec. Cet amendement est identique au précédent.

Les situations peuvent être complexes et différentes. Dès lors, aucune raison ne justifie d’empêcher le juge d’émettre un avis. Cela nous semble être la position de fond qu’il convient de défendre. L’empêcher d’apprécier revient finalement à nier la diversité de ces situations. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. La commission a adopté un amendement de notre collègue Catherine Procaccia, visant à supprimer la faculté, pour le juge, d’accorder des délais supplémentaires à un squatteur. Cela nous a paru légitime.

Cette mesure s’inscrit dans la ligne de fermeté à l’égard des squatteurs, suivie par notre commission. Une personne, qui s’est introduite frauduleusement dans un logement, ne peut pas prétendre aux mêmes garanties qu’un locataire qui subit un accident de la vie.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. L’amendement vise à réintroduire la possibilité pour le juge d’octroyer des délais renouvelables aux occupants sans droit ni titre lorsque le relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Les occupants sans droit ni titre font d’ores et déjà l’objet d’un traitement au civil plus sévère que les locataires dont le bail a été résilié.

En effet, ils ne peuvent se prévaloir ni du délai de deux mois entre le commandement de quitter les lieux et la mise en œuvre de l’expulsion ni de la trêve hivernale, comme vous le savez.

Ainsi, supprimer les délais prévus par l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution revient à priver les occupants de la seule garantie qui leur est accordée pour bénéficier d’un logement décent.

Si cette garantie de bénéficier d’un logement décent n’est pas mise en place, la situation n’est alors pas réglée et des personnes ou des familles pourraient de nouveau être accueillies en hébergement d’urgence ou connaître des situations illégales.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements identiques.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Voilà quelques semaines, j’ai rencontré cinquante femmes et dix-sept enfants qui, en raison d’une expulsion, étaient temporairement logés – ou plutôt abrités – dans un gymnase, sur décision préfectorale, dans la ville dont j’ai longtemps été maire.

Toutes ces femmes ont raconté exactement la même histoire, faite de successions d’hébergements temporaires, de passages dans la rue et de nouveaux endroits où elles peuvent se loger, parfois avec des gens mal intentionnés qui les conseillent et parfois simplement parce qu’il faut s’abriter et abriter les enfants.

Le squat est non pas un choix, mais, souvent, la dernière option possible.

Je remercie M. le ministre de l’avis favorable qu’il vient de donner sur ces amendements. En effet, ces situations, mes chers collègues, vous pouvez en prendre la mesure lorsque vous rencontrez ces personnes qui vivent expulsion sur expulsion.

Mme le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je remercie la commission d’avoir voté mon amendement dont est issu cet article 1er B.

Je répète ce que j’ai déjà dit : le droit au logement, c’est pour tout le monde, y compris pour les personnes qui habitent un logement, ne peuvent pas le récupérer parce qu’il est squatté et, de ce fait – certains collègues nous l’ont expliqué pendant la discussion générale –, se retrouvent à devoir se loger dans une caravane ou ailleurs.

Le droit au logement, c’est aussi pour les locataires et propriétaires en titre, pas simplement pour les personnes qui se sont approprié un logement, indépendamment des raisons de cette appropriation.

Dans de tels cas, l’État doit intervenir et procéder à un relogement ; il n’y a pas de raison de pénaliser les titulaires du logement.

Je voterai donc contre ces amendements.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. La proposition que nous défendons ne consiste pas à donner plus de temps à ceux qui occupent les lieux pour les quitter. Nous demandons seulement que le juge prenne la décision, parce qu’il a la capacité et tous les éléments pour le faire bien mieux que s’il s’agit d’une décision automatique. Nous ne disons rien d’autre ! Il est question non pas d’être plus laxiste, mais d’être plus juste.

S’agissant de l’argument consistant à dire que c’est à l’État de faire – je l’ai moi-même utilisé –, celui-ci n’est aujourd’hui pas en capacité ! C’est comme lorsque l’on dit « y a qu’à, faut qu’on »… Certes, l’État, « y a qu’à ». Mais l’État, en fait, ne peut actuellement pas faire parce que – je ne l’excuse pas pour autant – il s’est mis dans des conditions où il ne peut pas faire et, comme il ne peut pas faire, les conséquences seront pour les squatteurs en situation précaire, des femmes et des enfants. (Gestes de protestation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Bis repetita placent, mes chers collègues de droite : je ne dis pas qu’il faut être plus laxiste, je demande que le juge puisse juger en toute connaissance de cause. Rien d’autre !

Je vous ai souvent entendus dans cette enceinte, à juste titre, défendre face au ministre de la justice le fait que le juge devait avoir les moyens de juger. C’est tout ce que nous demandons. Non à l’automaticité ! Sans quoi, nous finirons par n’avoir de justice que par automaticité et algorithmes. Ni vous ni nous ne le souhaitons !

Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Je voudrais réagir aux propos d’un de nos collègues, qui affirmait que le squat n’était pas un choix. Le squat, mes chers collègues, est illégal, que ce soit un choix ou pas ! Il faut arrêter d’excuser l’occupation illégale de locaux à usage d’habitation, comme de locaux à usage économique.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Encore une fois, nous sommes tous d’accord, dans cet hémicycle, pour dire que notre pays connaît de véritables difficultés du fait de la crise du logement et du mal-logement. Mais ce n’est pas aux propriétaires de prendre cela en charge ! L’État doit faire face aux situations de mal-logement et je ne vois pas pourquoi, parce que l’État est défaillant ou, par exemple, qu’il n’indemnise pas les propriétaires n’obtenant pas le concours de la force publique comme il devrait le faire, ce serait à ces derniers de supporter cette charge.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 et 62.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Les amendements nos 23 rectifié ter et 24 rectifié ter ne sont pas soutenus.

Je mets aux voix l’article 1er B.

(Larticle 1er B est adopté.)

Article 1er B (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 84 rectifié

Après l’article 1er B

Mme le président. L’amendement n° 83, présenté par Mme Procaccia, est ainsi libellé :

Après l’article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant de l’État doit recourir à la force publique afin d’expulser l’occupant introduit sans droit ni titre dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, dans un délai de soixante-douze heures suivant la décision du juge. »

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Avec votre accord, madame le président, je présente conjointement l’amendement n° 84 rectifié.

Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 83
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

Mme le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 84 rectifié, présenté par Mme Procaccia et ainsi libellé :

Après l’article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En cas de refus d’une proposition de relogement par un occupant introduit sans droit ni titre dans la résidence principale d’autrui par voie de fait, il sera expulsé dans un délai de soixante-douze heures sans autre proposition de relogement.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Catherine Procaccia. Mardi, au début de l’examen de ce texte, nous avons été plusieurs à regretter que certaines décisions de justice ne soient pas appliquées et il a encore été question, tout à l’heure, du choix du juge.

Ce n’est pas parce qu’un juge décide une expulsion que celle-ci est automatiquement mise en œuvre. En effet, le préfet peut estimer que certaines conditions, certains problèmes de relogement, le fait, justement, qu’il s’agit d’une famille ou qu’il n’a aucune autre solution de logement à proposer ne permettent pas cette expulsion, laissant ainsi les propriétaires, occupants ou non, dans le désarroi.

Avec l’amendement n° 83, je propose donc d’imposer au préfet de procéder sans délai à une expulsion, dès lors qu’il y a eu décision de justice.

S’agissant de l’amendement n° 84 rectifié, j’ai été surprise de découvrir, y compris dans mon département, que parfois des squatteurs à qui l’on avait fait des propositions de relogement refusaient celles-ci, parce que le logement proposé ne leur plaisait pas, qu’ils ne voulaient pas changer de ville ou encore qu’ils souhaitaient avoir deux salles de bains – des choses tout de même assez effarantes ! Encore récemment, d’ailleurs, j’en ai entendu quelques-unes de ce style dans la bouche de maires qui, au cours de leurs vœux, expliquaient les situations rencontrées dans leur commune.

Je propose donc par l’amendement n° 84 rectifié de préciser que, si c’est possible, on présente une proposition de relogement au squatteur, mais que, si celui-ci la refuse, l’expulsion est prononcée. Dès lors qu’on lui propose une solution, il doit l’accepter !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 83, on peut partager le souci de notre collègue Catherine Procaccia d’accélérer les procédures d’expulsion en soumettant le recours à la force publique à un délai strict. Il est tout de même apparu à la commission que le délai prévu de soixante-douze heures était très court et risquait de faire peser sur les préfectures une contrainte excessive, alors que, on le sait, nos forces de police ou de gendarmerie doivent répondre à de multiples sollicitations.

Il faut, d’après nous, laisser un peu de souplesse au préfet pour qu’il prête rapidement le concours de la force publique, mais en ayant la possibilité d’arbitrer entre les nombreuses – trop nombreuses, même – demandes adressées aux forces de l’ordre à l’heure actuelle.

Par ailleurs, nous observons qu’aucun délai n’est fixé, à l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, la loi Dalo, pour prêter le concours de la force publique, alors que cette procédure se veut beaucoup plus rapide que la voie judiciaire. Il y aurait donc, selon nous, un paradoxe à imposer un délai si court en cas de décision de justice, alors que la procédure administrative de l’article 38 de la loi Dalo n’en prévoit pas.

Pour ces raisons, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 83.

Par ailleurs, nous avons malheureusement un peu de mal, ma chère collègue Catherine Procaccia, à comprendre véritablement la portée de l’amendement n° 84 rectifié. Sa rédaction nous paraît trop imprécise pour qu’il soit accepté en tant que tel.

Ainsi, on ne sait pas si la disposition s’appliquerait en cas de recours à la procédure d’évacuation forcée prévue à l’article 38 de la loi Dalo, auquel cas il introduirait une nouvelle obligation de relogement, qui n’existe pas dans les textes à l’heure actuelle, ou s’il s’appliquerait en cas de procédure judiciaire, auquel cas on ne voit pas bien comment il s’articulerait avec les délais prévus pour une telle procédure.

En raison de ces difficultés de compréhension, je me permets donc de demander le retrait de cet amendement, sans quoi l’avis sera défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Pour gagner un peu de temps et comme l’exposé de M. le rapporteur était parfaitement clair, je me rangerai à ses avis : un avis défavorable sur l’amendement n° 83 et une demande de retrait de l’amendement n° 84 rectifié ou, à défaut, un avis défavorable.

Mme le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je regrette que l’amendement n° 84 rectifié soit mal rédigé. Cela étant, nous sommes en train d’élaborer la loi et, donc, à la demande du rapporteur, je le retire. Je précise néanmoins que c’est une préoccupation : il est tout de même absolument anormal qu’un squatteur puisse se permettre de refuser une proposition de relogement et, surtout, après, continuer à occuper les lieux pendant très longtemps. Je trouve cela scandaleux et regrette que la commission n’ait pas voulu réécrire mon amendement.

Mme le président. L’amendement n° 84 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Catherine Procaccia. S’agissant de l’amendement n° 83, je vous ai expliqué, monsieur le rapporteur, l’origine de l’article 38 de la loi Dalo. Au départ, celui-ci avait un champ un peu plus large, mais, voilà seize ans, dans la nuit, j’ai reçu les manifestants et on a décidé de le circonscrire à l’habitation principale. Depuis, les choses ont beaucoup évolué.

Par conséquent, j’entends votre remarque selon laquelle cela n’est pas prévu dans l’article 38 de la loi Dalo, mais j’avoue qu’en 2007, j’étais déjà contente de faire voter cet article !

Comme vous jugez le délai de soixante-douze heures trop court, ce que je peux concevoir – mais je me mets toujours dans la position des personnes qui attendent de pouvoir rentrer dans leur logement –, je rectifie l’amendement n° 83 pour imposer un délai, non plus de soixante-douze heures, mais de sept jours à compter de la décision du juge.

Mme le président. Je suis donc saisie d’un amendement n° 83 rectifié, présenté par Mme Procaccia, et ainsi libellé :

Après l’article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant de l’État doit recourir à la force publique afin d’expulser l’occupant introduit sans droit ni titre dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, dans un délai de sept jours suivant la décision du juge. »

Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Je ne peux naturellement pas interroger les membres de la commission, la rectification venant d’être faite à l’instant. Je vais donc m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, qui choisira. À titre personnel, j’aurais souhaité que l’on fasse confiance au préfet, qui sait naturellement s’il est en capacité de mobiliser, ou non, la force publique dans ce délai. Mais j’en reste à cet avis de sagesse.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. L’avis du Gouvernement demeure défavorable, dans la mesure où l’amendement ne précise pas à partir de quand court le délai des sept jours. Il faut en rester, je pense, à la rédaction actuelle du texte.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Puisque M. le rapporteur a souhaité s’en remettre à la sagesse du Sénat, je vais me permettre de donner mon avis. (Sourires.)

Pour ma part, je ne soutiendrai pas cet amendement, même rectifié avec, désormais, un délai de sept jours, car la proposition n’est en réalité pas opérante.

Bien sûr, il est satisfaisant d’avoir fixé ce délai de sept jours – c’est peut-être même bien de l’avoir fait. Mais, dans la réalité, vous le savez très bien, mes chers collègues, nombreux sont les cas, aujourd’hui, où des impératifs fixés aux préfectures et aux préfets ne peuvent pas être respectés. C’est le cas, par exemple, des convocations pour les migrants dans le cadre d’un renouvellement de carte de séjour.

À quoi cela donne-t-il lieu ? À des milliers de recours en appel devant la justice administrative. Les tribunaux en sont encombrés et les affaires ne peuvent pas être traitées !

Je veux bien que l’on présente des amendements pour faire progresser les choses. Mais, quand on sait par avance que ces amendements ne seront pas opérants, je vois mal l’utilité de la démarche, si ce n’est d’en faire des marqueurs de certains éléments.

Par ailleurs, la réponse de M. le ministre me paraît tout à fait convaincante : il faut savoir à partir de quand le délai court.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 83 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er B.

Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 84 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 1er bis A

Article 1er

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article 226-4 du code pénal, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans » et le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 45 000 euros ».

Mme le président. L’amendement n° 37, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Par cet amendement de suppression, nous voulons marquer notre opposition globale à la présente proposition de loi, essentiellement parce que celle-ci criminalise ou tente de criminaliser les mal-logés sans lutter, parallèlement, contre le mal-logement.

L’aggravation de la peine encourue pour violation de domicile proposée dans cet article est, à la fois, injuste dans son principe et disproportionnée dans ses modalités.

Le renforcement de la répression pénale des occupations illicites contrarie la politique du logement et la lutte contre l’habitat indigne. Nous tenons à rappeler, à la suite de notre collègue Daniel Breuiller, que ce n’est pas par choix que des personnes sans logement occupent des terrains ou des immeubles inhabités – M. le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, s’est également prononcé sur ce point. Une raison est, notamment, qu’elles se trouvent sans solution de logement. Pour rappel, la France compte 4 millions de mal-logés, 2 millions de demandeurs de logement social et 300 000 personnes sans abri, dont 42 000 enfants.

Dans le même temps, le nombre de logements vacants bat des records chaque année, selon l’Insee.

Punir les occupants, sans tenir compte de ce contexte et de cette configuration, c’est faire preuve d’une certaine brutalité vis-à-vis des personnes vulnérables, alors même que l’État ne se donne pas les moyens de résoudre les problèmes de mal-logement, plus que jamais préoccupants en France. Nombreuses sont les personnes, parmi celles qui s’installent dans les logements vides, essentiellement des femmes et des enfants, qui échappent par là même à une certaine violence dans la rue – vous le savez parfaitement bien, mes chers collègues, nous le vivons tous dans nos communes, particulièrement les plus grandes.

L’aggravation des peines est également disproportionnée. Les montants exigés ne pourront de toute façon pas être acquittés, car les personnes concernées ne seront pas solvables pour payer de telles sommes. Enfin, cette aggravation n’a pas pour effet d’aligner les sanctions encourues par les squatteurs sur celles qu’encourent les propriétaires se faisant justice eux-mêmes.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. L’avis est défavorable, madame la présidente. L’effet dissuasif de la mesure prévue dans cet article nous paraît bienvenu. C’est en outre une mesure d’équité, puisqu’elle permettra d’aligner la peine encourue par les squatteurs sur la peine prévue lorsqu’un propriétaire expulse manu militari un squatteur.

Je rappelle, enfin, que le Sénat a déjà voté à deux reprises cette disposition, d’abord dans la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, puis lors de l’examen d’une proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone, voilà à peine deux ans.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Effectivement, le renforcement de la répression à l’encontre de ces faits de violation de domicile a déjà été traité dans le cadre de la loi Asap et je crois nécessaire d’établir une cohérence entre les peines encourues par le propriétaire et par la personne qui se rendrait coupable d’une violation de domicile.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 1er bis

Article 1er bis A

Après l’article 226-4-2 du code pénal, il est inséré un article 226-4-3 ainsi rédigé :

« Art. 226-4-3. – La propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission des délits prévus aux articles 226-4 et 315-1 est punie de 3 750 euros d’amende.

« Lorsque le délit est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 38 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 63 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 38.

M. Guy Benarroche. Cet article, dont nous demandons la suppression, instaure un nouveau délit, dans le but de punir « la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter » le squat de domicile.

L’adoption de cet article en l’état conduirait à sanctionner l’ensemble du monde associatif, qui prend en charge une grande partie des problèmes des personnes mal logées ou sans logement, sans intention de les laisser définitivement dans des squats, mais pour tenter de leur apporter des solutions dans des délais plus courts que ce que l’État est capable de faire.

On se retrouve donc à pénaliser et à condamner des personnes dont le but est d’aider l’État à résoudre les problèmes de mal-logement, des personnes qui, effectivement, trouvent parfois à travers les squats des solutions intermédiaires pour aider des gens qui, sans cela, iraient dans la rue, ce qui serait encore plus coûteux et, bien entendu, moins digne pour notre société.

Le Secours catholique, par exemple, qui n’est pas un regroupement de révolutionnaires patentés, s’est inquiété de la résurgence d’une sorte de délit de solidarité, destiné à réprimer l’aide, l’information et l’accompagnement apportés par les associations et leurs militants – bénévoles, je le rappelle – aux personnes et aux familles qui, faute de mieux, trouvent refuge dans des locaux vacants. Nous ne pouvons pas accepter que ces associations qui, tous les jours, font vivre le principe de fraternité cher à notre République deviennent des délinquants.

Nous ne cesserons de rappeler, tout au long de l’examen de ce texte et de prochains textes qui pourraient être présentés, que c’est par nécessité que des personnes en viennent à occuper des logements inhabités. Nous dénonçons, à la fois, le fait que ces personnes ne peuvent pas aujourd’hui être logées dans des logements décents et le fait que la surenchère répressive contre les associations et groupes militants agissant pour leur venir en aide n’apportera aucune solution au problème du mal-logement.

Mme le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 63.

M. Gérard Lahellec. Dans le prolongement des propos précédents, j’indiquerai que cet article nous paraît effectivement disproportionné au regard de la liberté d’expression, en tout cas dans sa rédaction actuelle. Il ne faudrait tout de même pas que l’on instaure ici un délit de solidarité ! Ce ne sont pas, pensons-nous, les slogans militants en faveur de la défense du droit au logement qui mènent au squat.

Je ne rappellerai ici qu’un seul chiffre : plus de trois millions de logements sont considérés comme vacants selon la loi et, même s’il est possible de procéder à des réquisitions, chacun sait ici que cela se fait très rarement.

Nous vous demandons donc, mes chers collègues, de considérer que les slogans portés par les associations de solidarité, les syndicats ou autres ne sont pas responsables des squats et, par conséquent, de ne pas instaurer le délit évoqué à l’instant.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. La commission ne croit pas que l’on puisse qualifier d’acte de solidarité la mise en ligne de véritables guides du squat, par exemple, expliquant comment s’introduire frauduleusement dans un logement, comment éviter ensuite l’expulsion en abusant des garanties prévues par la législation, laquelle n’est pas faite pour cela.

Mmes Dominique Estrosi Sassone et Jacqueline Eustache-Brinio. Exactement !

M. André Reichardt, rapporteur. C’est ce type de comportements, messieurs Benarroche et Lahellec, qu’il convient de réprimer.

Je précise enfin, même si cela ne nous lie pas, que le Sénat a déjà adopté une disposition analogue voilà deux ans, au moment de l’adoption de la proposition de loi de Mme Estrosi Sassone.

L’avis est défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Cette incitation à violer des domiciles et les explications fournies à cet effet sont assez insupportables et – je connais bien le sujet – les associations dont il est question ici n’en sont pas à l’origine. En tant qu’ancien maire de Clichy-sous-Bois, je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que si l’opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national (Orcod-IN) de cette commune prend du retard, c’est parce que nous subissons régulièrement des assauts dans des appartements libérés, prévus à la démolition ; un certain nombre des personnes qui entrent dans ces logements suivent à la lettre des explications trouvées sur internet.

Par conséquent – et vous connaissez ma modération –, cette incitation me paraît assez insupportable. L’avis est défavorable.

Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Au-delà des squatteurs, c’est aujourd’hui à de véritables réseaux organisés que nous devons nous opposer, réseaux qui promeuvent et mettent en place les squats, y compris, parfois, au détriment de locataires ou de personnes de bonne foi.

Parce que nous sommes de plus en plus souvent confrontés à ce problème, la présente mesure va plus que dans le bon sens. Il est important de marquer notre sévérité à l’endroit de sites proposant des guides d’emploi pour squatter des logements et de nous attaquer, ainsi, aux réseaux organisés.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 et 63.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er bis A.

(Larticle 1er bis A est adopté.)

Article 1er bis A
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article additionnel arès l'article 1er bis - Amendement n° 42

Article 1er bis

À l’article 313-6-1 du code pénal, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans » et le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 45 000 euros ». – (Adopté.)

Article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 2

Après l’article 1er bis

Mme le président. L’amendement n° 42, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article 225-14 du code pénal, le mot :

« cinq » est remplacé par le mot : « sept ».

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Puisque la tendance est plutôt à l’extension des délits et à l’aggravation des peines et des sanctions, le présent amendement vise justement à alourdir la peine encourue par les marchands de sommeil, qui profitent de la précarité ou de la situation irrégulière de certaines personnes pour les loger dans des logements insalubres et indécents.

Pas grand-chose n’est prévu dans ce texte pour mieux sanctionner la soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes, alors qu’il existe, nous le savons, près de 450 000 logements occupés considérés comme indignes et que l’on dénombre 78 affaires sur des immeubles en péril ou insalubres pour l’année 2020.

Je ne décrirai pas la situation découverte à Marseille, ville dont je viens, après l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne. Des centaines d’arrêtés de péril ont été pris et l’on s’est alors rendu compte du nombre de gens qui étaient logés par des marchands de sommeil sans bail, en tout cas écrit.

Bien que la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, la loi Élan, ait renforcé l’arsenal juridique contre ces bailleurs et qu’une ordonnance parue en janvier 2021 harmonise les procédures administratives spéciales de lutte contre l’habitat indigne, les condamnations restent trop rares.

Nous vous proposons donc, mes chers collègues, d’inciter le Gouvernement à se doter d’une véritable politique de lutte contre le mal-logement et les marchands de sommeil.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Comme l’indiquent ses auteurs eux-mêmes, il s’agit surtout d’un amendement d’appel, visant à attirer l’attention sur l’habitat indigne et le problème posé par les marchands de sommeil, qui exploitent la vulnérabilité des plus fragiles d’entre nous.

La peine actuelle encourue – cinq ans d’emprisonnement – est déjà sévère et dissuasive. Il ne nous paraît pas absolument nécessaire de l’alourdir encore. L’enjeu, parce qu’il y en a un, est naturellement de réprimer effectivement l’infraction sur le terrain et de déférer les auteurs devant les tribunaux.

Notre avis est défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’attachement du Gouvernement, et le mien, à la lutte contre les marchands de sommeil, Thénardier des temps modernes qui profitent de la misère des plus fragiles. Vous avez raison, monsieur Benarroche, il faut continuer de lutter contre ces marchands de sommeil. Le présent texte permettra d’ailleurs d’ajouter dans la loi des dispositions plus sévères. Vous souhaitez aller plus loin encore… Le Gouvernement, pour sa part, s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel arès l'article 1er bis - Amendement n° 42
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 10 rectifié ter

Article 2

I. – (Non modifié) L’article 226-4 du code pénal est ainsi modifié :

1° et 2° (Supprimés)

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non. »

II. – L’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « principale, », sont insérés les mots : « ou dans un local à usage d’habitation » ;

b) (nouveau) Les mots : « ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci » sont remplacés par les mots : « , toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci ou le propriétaire du local occupé » ;

c) (nouveau) Après les mots : « son domicile », sont insérés les mots : « ou sa propriété » ;

d) Sont ajoutés les mots : « par le maire ou par un commissaire de justice » ;

2° (nouveau) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de son droit en raison de l’occupation, le représentant de l’État dans le département sollicite dans le délai de soixante-douze heures l’administration fiscale pour établir ce droit. » ;

3° (nouveau) À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « quarante-huit » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;

4° (nouveau) Au premier alinéa, aux première et deuxième phrases du deuxième alinéa et au dernier alinéa, le mot : « préfet » est remplacé par les mots : « représentant de l’État dans le département ».

Mme le président. L’amendement n° 41, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, qui prévoit, je le rappelle, d’étendre le délit de violation de domicile aux résidences secondaires et aux résidences inhabitées, ainsi que d’étendre la procédure d’expulsion administrative en quarante-huit heures à tout local d’habitation, même s’il n’est pas meublé et, donc, pas habité.

L’adoption de cet article conduira à ce que le délit de violation de domicile, pensé aujourd’hui pour protéger la vie privée de personnes en sanctionnant l’occupation de logements meublés et régulièrement habités, protège désormais la propriété immobilière en tant que valeur absolue – nous avons eu un long débat sur le sujet avant-hier soir. Ainsi sera sanctionnée l’occupation de tout local, y compris un local inhabité, vide ou vacant depuis des années.

Il s’agit là d’une extension considérable de ce délit, d’autant plus choquante que l’on recense actuellement en France, comme nous le savons, dix fois plus de logements vacants que de personnes à la rue.

En plus de révéler de nouveau une conception absolutiste du droit à la propriété immobilière au détriment des plus précaires, ce renversement de valeurs a des conséquences dangereuses : cet article permet l’expulsion en moins de vingt-quatre heures, sans procédure juridictionnelle et sans contradictoire, de personnes trouvant refuge dans des locaux totalement vides et n’ayant pas vocation à être occupés.

Ici même, avant-hier soir, le garde des sceaux a bien spécifié à quel point cette nouvelle règle renversait les valeurs, en considérant toute propriété d’un bien immobilier prioritaire sur la capacité à loger des personnes, y compris dans des endroits n’ayant pas vocation à être des logements et inoccupés depuis des années.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement de suppression de l’article 2. Nous estimons que ce dernier contient des dispositions utiles, à la fois, pour préciser le sens de la notion de domicile et pour renforcer la procédure d’évacuation forcée des squatteurs prévue à l’article 38 de la loi Dalo.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Je partage l’avis défavorable de M. le rapporteur.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 64, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 226-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, dès lors que cette personne y habite et que ce local constitue sa résidence principale. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. J’estime que l’article 2 étend la notion de domicile au-delà du bon sens.

Toute propriété sera en effet considérée comme le domicile d’une personne, comme si en raison d’un don d’ubiquité, on pouvait vivre à plusieurs endroits en même temps…

En mettant sur le même plan logements vacants et logements habités, petits propriétaires et propriétaires de quartiers entiers, vous tentez de masquer la réalité pourtant flagrante de la crise du logement. Bien que celle-ci fasse de nombreuses victimes, rien n’est fait pour la résoudre.

C’est un fait : la grande majorité – je dis bien, non pas la totalité, mais la grande majorité – des logements squattés sont des logements vides, c’est-à-dire qu’ils ne sont le domicile de personne. (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste.)

Vous souhaitez changer cette réalité en faisant coïncider propriété et domicile, mais on n’agit pas sur le réel en changeant la définition des mots, même si cela est presque devenu une habitude chez certains.

De la même manière que l’on préfère parler pudiquement de « plan de sauvegarde de l’emploi » plutôt que de licenciements dans les entreprises, il n’y aurait désormais plus de logements vacants, mais uniquement des domiciles.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons une nouvelle rédaction du présent article qui réaffirme ce qu’est véritablement le domicile d’une personne, c’est-à-dire un logement habité.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Cette proposition va à l’encontre des votes par lesquels le Sénat affirme depuis plusieurs années que la notion de domicile peut également recouvrir celle de résidence secondaire. (Et heureusement ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. La jurisprudence considère que le domicile correspond à un lieu où la personne a le droit se dire chez elle.

Par ailleurs, au-delà des résidences secondaires, et pour différentes raisons telles que le célibat géographique, une personne peut avoir deux domiciles.

Avis défavorable.

Mme le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Comme l’a indiqué M. le ministre, une personne peut effectivement avoir deux domiciles.

Ma fille réside à l’étranger, mais elle passe six mois de l’année en France, dans un appartement dont elle est propriétaire à Paris. Ce logement est considéré comme sa résidence secondaire, car ma fille n’est pas salariée en France, mais à l’étranger. La disposition proposée la priverait donc du droit de retourner chez elle.

Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Soyons sérieux, mes chers collègues. Nous sommes bien d’accord sur le fait qu’il n’est pas bien de squatter. J’ai toutefois évoqué le cas, non pas des résidences secondaires,…

Mme Éliane Assassi. … mais des logements vides !

M. Martin Lévrier. Qui peuvent être des résidences secondaires !

Mme Éliane Assassi. Lesquelles peuvent effectivement être des résidences secondaires (Mme Jacqueline Eustache-Brinio sexclame.), mais qui peuvent aussi n’être le domicile de personne. Et, madame Procaccia, je suppose que tel n’est pas le cas du logement de votre fille.

Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame Assassi, les logements qui ne sont le domicile de personne sont bien la propriété de quelqu’un !

Mme Éliane Assassi. Pas toujours !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Or le droit de propriété, qui est « inviolable et sacré », doit être respecté.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il n’est tout de même pas sacré !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Pour ce qui concerne la problématique du mal-logement que vous évoquez, madame Assassi, cette proposition de loi prévoit la pérennisation d’un dispositif qui n’était jusqu’alors qu’expérimental, et qui permet l’occupation temporaire de locaux vacants dans le cadre d’une convention passée entre une société ou une association comme la fondation Emmaüs et le propriétaire. Ce dispositif, qui s’applique notamment aux immeubles qui n’ont pas encore de destination, ou à des immeubles de bureaux qui doivent faire l’objet, à terme, d’un changement d’usage, permet de loger temporairement des personnes qui sont en situation de mobilité géographique professionnelle ou des ménages en difficulté, mais il s’applique pour une durée définie et de manière encadrée.

Un logement est toujours la propriété de quelqu’un, et ce n’est pas parce qu’il est vacant que l’on peut s’y introduire !

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, les mots ont un sens, et dans l’esprit commun, le mot « domicile » n’est pas assimilable au mot « propriété ». J’estime dangereux de mettre dans une même catégorie différents types de bâtis dont certains sont occupés en permanence ou temporairement, quand les autres ne sont pas occupés depuis des années.

Ne faisons pas une généralité des quelques faits divers – des personnes s’étant temporairement absentées de leur domicile retrouvent celui-ci squatté à leur retour. Si ces derniers doivent nous alerter, et s’il est totalement condamnable de squatter des logements pendant l’absence de leurs occupants, il n’est pas correct de mettre ces logements dans la même catégorie que des bâtis qui sont inoccupés depuis des années et des années.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ils restent des propriétés privées !

Mme Éliane Assassi. Pas toujours !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 64.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 17 est présenté par MM. Patriat, Richard, Théophile, Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° 86 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 12

Supprimer les mots :

dans le délai de soixante-douze heures

La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 17.

Mme Nadège Havet. Cet amendement tend à supprimer la mention du délai de soixante-douze heures qui s’impose au préfet pour saisir l’administration fiscale à la demande du propriétaire dont le bien est squatté et qui ne peut pas accéder à son titre de propriété.

Cette faculté est en effet déjà rendue possible par la loi Dalo du 5 mars 2007.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 86.

M. Olivier Klein, ministre délégué. La loi Dalo impose au préfet d’instruire les demandes d’évacuation forcée de logements squattés dans un délai de quarante-huit heures.

L’importance de respecter ce délai impératif, fixé à l’article 38 de la loi Dalo, a été rappelée aux services préfectoraux par voie de circulaire.

Si le préfet doit consulter les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP), il doit le faire dans le cadre de ce délai de quarante-huit heures.

Les services préfectoraux ont du reste pris l’habitude de se tourner vers les services fiscaux lorsque le demandeur éprouve des difficultés à démontrer qu’il est le propriétaire du bien occupé, par exemple parce qu’il ne peut pas accéder à son domicile pour récupérer les documents.

Il ne paraît donc pas utile d’introduire ce délai supplémentaire de soixante-douze heures pour la consultation des services fiscaux.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Pour pouvoir mettre en œuvre la procédure d’évacuation forcée prévue par l’article 38 de la loi Dalo, plusieurs conditions doivent être réunies : la personne dont le domicile est squatté doit déposer plainte, elle doit faire constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire, et elle doit fournir la preuve que le logement constitue bien son domicile.

Il arrive que cette preuve soit difficile à fournir en raison précisément du squat : ne pouvant accéder à son logement, celui dont le domicile est squatté aura parfois du mal à réunir les documents établissant son droit.

Dans ce cas, nous proposons d’inscrire dans la loi que la préfecture dispose d’un délai de soixante-douze heures pour saisir l’administration fiscale afin d’établir les droits de la personne dont le domicile est squatté.

Monsieur le ministre, ce délai de soixante-douze heures n’est pas redondant avec le délai de quarante-huit heures prévu à l’article 38 de la loi Dalo. Ce dernier court en effet à partir du moment où la préfecture a reçu un dossier complet. L’éventuelle saisine de l’administration fiscale se situe en amont, et elle vise précisément à compléter le dossier pour qu’une demande puisse être valablement adressée aux services préfectoraux.

Fixer un délai permettra de s’assurer que la préfecture agit avec célérité, dans un domaine où une intervention rapide est nécessaire afin de mettre un terme à des situations qui peuvent être humainement très difficiles, pour tout le monde.

Avis défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 86.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 16 est présenté par MM. Patriat, Richard, Théophile, Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° 40 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 85 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 16.

M. Martin Lévrier. Cet amendement vise à rétablir à quarante-huit heures la durée du délai dont dispose le préfet pour exécuter l’expulsion, comme cela est prévu par l’article 38 de la loi Dalo.

En effet, réduire ce délai à vingt-quatre heures ne serait pas opérant, car l’administration ne pourrait pas mobiliser le minimum de moyens requis pour l’expulsion.

Pour garantir l’ordre public et prévenir les contentieux administratifs avec les propriétaires concernés en cas de dépassements contraints de ce nouveau délai d’exécution, nous vous proposons de conserver le délai de quarante-huit heures.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 40.

M. Guy Benarroche. Nous devons toujours nous poser la question du caractère opérant des dispositions que nous votons.

Réduire à vingt-quatre heures un délai qu’il est déjà difficile de tenir en quarante-huit heures entraînera une augmentation du nombre de recours devant les tribunaux administratifs.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 85.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Il s’agit d’un amendement identique aux précédents. Je m’associe aux propos qui viennent d’être tenus.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Le Sénat avait déjà voté la réduction de ce délai lors de l’examen de la proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat présentée par Dominique Estrosi Sassone, adoptée en janvier 2021.

Nous souhaitons introduire cette disposition dans le présent texte, car il nous paraît souhaitable de faire preuve de célérité lorsque quelqu’un constate que son domicile est squatté.

Avis défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16, 40 et 85.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 2 bis

Après l’article 2

Mme le président. L’amendement n° 10 rectifié ter, présenté par Mmes Imbert et Lavarde, MM. Pointereau, Perrin, Rietmann, Tabarot et Savin, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Somon et Anglars, Mme Micouleau, MM. Grosperrin, Bascher, Calvet et Karoutchi, Mmes Gosselin, Puissat et Joseph, MM. Brisson, de Nicolaÿ, Piednoir, Panunzi et Cadec, Mme Richer, M. Meurant, Mmes Garnier et Deroche, MM. Lefèvre et Favreau, Mme F. Gerbaud, MM. D. Laurent et Chaize, Mmes Lassarade et Lopez, MM. Chatillon, B. Fournier, Savary et Joyandet, Mme Bellurot, M. Cardoux, Mme M. Mercier, MM. Bouchet, Saury et Gremillet, Mme Gruny, MM. C. Vial, Genet, Bonhomme, Klinger, Belin et Bonne, Mme Renaud-Garabedian, M. Bansard et Mmes Borchio Fontimp et Dumont, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, il est inséré un article 38°°°… ainsi rédigé :

« Art. 38°°°…. – Est qualifié de maintien dans le domicile d’autrui ou dans un local à usage d’habitation à l’aide de voies de fait, au sens de l’article 38 de la présente loi :

« – le maintien dans un meublé de tourisme plus d’une semaine après le terme prévu par le contrat de bail ;

« – le maintien dans un logement dont le loyer n’est plus acquitté depuis plus de six mois. »

La parole est à Mme Béatrice Gosselin.

Mme Béatrice Gosselin. Cet amendement vise à accélérer les procédures d’expulsion contre les locataires qui auraient arrêté de payer leur loyer depuis au moins six mois consécutifs et contre les locataires d’un meublé de tourisme qui n’auraient pas quitté le logement une semaine après le terme prévu de la location.

En effet, le nombre de loyers impayés est en augmentation ces dernières années, ce qui représente un manque à gagner de plusieurs millions d’euros pour les petits propriétaires.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Cet amendement tend à rendre applicable la procédure d’évacuation forcée sous l’égide du préfet prévue à l’article 38 de la loi Dalo à deux nouvelles hypothèses : le non-paiement du loyer pendant plus de six mois et le maintien dans un meublé touristique une semaine au-delà de la date prévue.

Cet amendement va à rebours de l’orientation retenue par la commission, consistant à distinguer la situation des locataires défaillants de celle des squatteurs.

La procédure de l’article 38 est rapide et ne fait pas intervenir un juge ; elle est acceptable s’agissant d’un squat, mais j’estime qu’elle n’est pas adaptée à la situation d’un locataire, qui doit pouvoir bénéficier d’une procédure juridictionnelle.

Avis défavorable.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Je partage les propos du rapporteur. Avis défavorable.

Mme Béatrice Gosselin. Je retire l’amendement, madame le président !

Mme le président. L’amendement n° 10 rectifié ter est retiré.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 10 rectifié ter
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Article 2 ter

Article 2 bis

L’article 1244 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier libère son propriétaire de l’obligation d’entretien du bien de sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien du bien pendant cette période d’occupation. En cas de dommage causé à un tiers, la responsabilité incombe dès lors à l’occupant sans droit ni titre du bien immobilier. Le bénéfice de l’exonération de responsabilité mentionnée au présent alinéa ne peut s’appliquer lorsque les conditions d’hébergement proposées par un propriétaire ou son représentant sont manifestement incompatibles avec la dignité humaine, au sens de l’article 225-14 du code pénal. »

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 43 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 65 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 43.

M. Guy Benarroche. Le présent article prévoit de libérer un propriétaire de son obligation d’entretenir son bien dès lors qu’il ne peut plus y entrer, car celui-ci est indûment occupé. Je comprends bien la vocation de ces dispositions, qui paraissent tout à fait logiques.

Cet article est toutefois si mal écrit qu’il laisse la porte ouverte à toutes les dérives.

Il a été introduit en réaction à une décision rendue le 15 septembre dernier par la Cour de cassation, par laquelle cette dernière confirmait la responsabilité du propriétaire d’un immeuble dont la ruine, causée par un défaut d’entretien, avait entraîné un accident, alors même que la victime de celui-ci était au moment des faits un occupant sans droit ni titre. Je comprends qu’une telle décision puisse paraître bizarre.

Il reste que, sur le fondement de l’article 2 bis, un propriétaire serait en droit de réclamer le remboursement du coût des réparations de dommages imputés aux occupants même après leur départ des lieux, en l’absence d’état des lieux préalable et sans que le propriétaire ait à prouver un lien entre l’occupation et le dommage. C’est grave !

Je puis comprendre que l’on dispense un propriétaire de payer des travaux lorsqu’il ne peut accéder à son immeuble, mais j’estime qu’il n’est pas normal qu’un propriétaire soit dégagé de toute responsabilité sans qu’un état des lieux ait été réalisé et sans qu’une décision de justice établisse que les dégâts ont été causés par le locataire. Je pense que vous ne trouverez pas cela normal non plus, mes chers collègues.

Mme le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 65.

M. Gérard Lahellec. Par cet article, le propriétaire est déchargé de toute responsabilité d’entretien du logement. À l’inverse, le locataire pourrait devenir responsable d’une dégradation qu’il n’a pas commise !

Cet article en ressort comme une super-protection, y compris pour les mauvais logeurs, et y compris lorsqu’un bail verbal est acté, comme cela est parfois le cas pour les logements précaires.

En cela, ces dispositions risquent de contribuer au renforcement de la précarité du logement.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Il est anormal, et même injuste, qu’un propriétaire qui ne peut plus accéder à son bien et, partant, qui ne peut pas effectuer les travaux d’entretien nécessaires, soit condamné en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien du bien. Ne pas légiférer sur ce point reviendrait à accepter que ce propriétaire fasse l’objet d’une double peine.

En outre, l’occupation illicite du logement peut entraîner des difficultés financières pour le propriétaire, rendant d’autant plus difficile l’entretien du bien.

L’article 2 bis permettra que l’article 1244 du code civil, qui est inchangé depuis sa création en 1804, prenne en compte le cas spécifique de l’occupation illicite de logement.

Je précise par ailleurs que la commission a expressément exclu du bénéfice de cette exonération de responsabilité les propriétaires de logements indignes, ce qui répond aux inquiétudes exprimées par nos collègues en commission.

L’avis est donc défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable, non pas à la suppression de l’article 2 bis, car il importe de protéger les propriétaires dont le logement est occupé sans droit ni titre en les déchargeant de certaines responsabilités, mais à son amélioration.

Les amendements identiques n° 77 et 87, qui seront examinés dans un instant, visent ainsi à préserver les droits des tiers victimes de certains accidents, ce qui est de nature à répondre aux préoccupations exprimées par les auteurs des amendements nos 43 et 65.

L’avis est donc défavorable.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je partage les propos du ministre : cet article, mal rédigé, doit être amélioré.

Monsieur le rapporteur, je comprends l’argument selon lequel le propriétaire condamné pour défaut d’entretien aura d’autant plus de difficultés à effectuer les travaux d’entretien qui s’imposent dans la mesure où il devra aussi s’acquitter d’une amende.

J’aurais toutefois souhaité que l’on prenne en compte, par parallélisme, les difficultés supplémentaires auxquelles le paiement d’une amende exposera un locataire qui n’a pas payé son loyer à s’acquitter de celui-ci. De fait, il ne fallait pas augmenter le montant de l’amende !

M. André Reichardt, rapporteur. Sauf que c’est un squatteur !

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 et 65.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 77 est présenté par MM. Patriat, Théophile, Mohamed Soilihi, Richard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° 87 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Cette responsabilité ne s’applique pas à l’égard de l’occupant sans droit ni titre lorsque la ruine est arrivée par suite du défaut d’entretien du bien pendant la période d’occupation sans droit ni titre et que les conditions de l’occupation ont empêché l’entretien du bâtiment. Le bénéfice de l’exonération de responsabilité mentionnée au présent alinéa ne s’applique pas lorsque les conditions d’hébergement proposées par un propriétaire ou son représentant sont manifestement incompatibles avec la dignité humaine au sens de l’article 225-14 du code pénal. »

La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 77.

Mme Nadège Havet. Cet amendement vise à préciser que le propriétaire n’est pas responsable à l’égard des occupants sans droit ni titre lorsque leur occupation a empêché l’entretien du bien.

Une telle proposition répond aux inquiétudes que certains propriétaires ont pu exprimer à la suite d’une décision de la Cour de cassation rendue en septembre 2022.

Toutefois, cette exonération de responsabilité ne s’appliquerait pas pour les propriétaires de logements indignes au sens de l’article 225-14 du code pénal, ce qui rejoint notamment les modifications proposées par la commission.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 87.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Il est défendu.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Je partage la volonté des auteurs de ces amendements d’éviter tout effet d’aubaine en faveur des marchands de sommeil. C’est pourquoi, en commission, nous avons adopté un amendement excluant ces derniers du bénéfice de l’exonération de responsabilité prévue à l’article 2 bis de la présente proposition de loi.

Pour le reste, je constate que les dispositions proposées créeraient un régime d’exonération de responsabilité seulement à l’égard des occupants illicites, alors que le problème reste le même pour le propriétaire qui ne peut accéder à son bien et ne peut donc procéder aux travaux d’entretien, alors que sa responsabilité est engagée y compris vis-à-vis des tiers.

S’il s’agit en effet d’un point sur lequel nous pourrions travailler ensemble dans la suite de la navette, les auteurs de ces amendements n’apportent pas de solution viable au problème qu’ils identifient.

En tout état de cause, l’adoption de ces amendements aurait pour conséquence première de rendre illisible et plus aléatoire le bénéfice de l’exonération de responsabilité en s’appuyant sur la notion d’empêchement, qui reposerait sur l’appréciation du juge.

Il en résulterait vraisemblablement des procédures contentieuses longues qui nuiraient à la lisibilité du dispositif puisqu’il ne fait guère de doute que les assurances des divers protagonistes essaieront d’invoquer ou de contester cette notion.

L’avis est donc défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 77 et 87.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote sur l’article.

Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, l’amendement n° 10 rectifié ter a été retiré sans que j’aie le temps de prendre la parole pour explication de vote. Or il était l’occasion d’évoquer une difficulté qui a été soulevée lors de l’examen de la loi Asap et qui n’est à ce jour toujours pas résolue – cela remonte pourtant à la mandature précédente !

Des propriétaires, par exemple un ménage modeste, louent leur logement sur Airbnb pendant leur absence pour compléter leurs revenus. La location est donc encadrée par un contrat, mais si les locataires changent les barillets des serrures, les propriétaires se trouvent confrontés à un vide juridique.

Je connais des personnes qui, à cette heure, n’ont toujours pas retrouvé leur logement. J’estime qu’un tel cas relève du squat ; or aucune disposition ne protège les propriétaires.

L’amendement n° 10 rectifié ter était peut-être mal écrit, mais les dispositions qu’il visait à introduire prenaient cette situation en compte.

Monsieur le ministre, quelle réponse comptez-vous apporter à ce cas précis ? Quand on ne peut pas rentrer chez soi, il me semble que l’on est victime d’un squat.

Mme le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.

(Larticle 2 bis est adopté.)

Article 2 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article additionnel après l'article 2 ter - Amendement n° 68

Article 2 ter

I. – L’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « et à titre expérimental » sont supprimés ;

1° bis (nouveau) Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À l’issue de la convention temporaire, si le résident se maintient dans les lieux, l’organisme agréé par l’État ou le propriétaire est fondé à faire constater l’occupation sans droit ni titre des lieux en vue de leur libération selon la procédure de requête simple prévue aux articles 493 à 498 du code de procédure civile. » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

II (nouveau). – L’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Aux logements faisant l’objet du dispositif d’occupation temporaire de locaux mentionné à l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. »

III (nouveau). – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, après le mot : « locataire », sont insérés les mots : « ou lorsque la procédure d’expulsion porte sur un lieu habité en vertu du dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l’occupation de résidents temporaires, régi par l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ».

Mme le président. L’amendement n° 67, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° À la fin de la première phrase du dernier alinéa, l’année : « 2023 » est remplacée par l’année : « 2026 ».

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Le dispositif instauré par la loi Élan du 23 novembre 2018, et prévu à titre expérimental, permet de loger dans le cadre de sous-baux des locataires qui paient moins cher l’installation dans un logement respectant moins de normes et avec moins de droits.

Les conventions temporaires ont l’avantage, pour les propriétaires, de limiter les coûts de gardiennage tout en rentabilisant un logement qui aurait pu rester vacant.

Ce mécanisme ne constitue pas une réponse à la crise du logement, mais il a l’avantage de permettre une mise à l’abri de personnes souvent en situation de précarité, qu’il s’agisse d’étudiants ou de personnes en attente d’un logement pérenne de droit commun.

Pour autant, nous dénonçons le fait qu’aucun rapport n’ait permis à ce jour de réaliser un bilan ni d’évaluer ce dispositif, qui comporte plusieurs lacunes.

Par cet amendement, nous proposons donc, avant de pérenniser ce dernier, de prendre du recul sur ces baux qui désavantagent les locataires.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Je considère cet amendement comme un amendement d’appel.

Comme vous, mon cher collègue, je regrette que le Gouvernement ne se soit pas acquitté de la mission de suivi et d’évaluation de l’expérimentation relative à l’occupation temporaire que la loi Élan lui a pourtant confiée expressément.

Il serait cependant malvenu de refuser, pour cette seule raison, la pérennisation d’un dispositif qui fait largement l’unanimité.

Les auditions que j’ai menées avec Dominique Estrosi Sassone ont par ailleurs permis de dresser un bilan favorable de cette expérimentation.

Selon les données qui nous ont été transmises, plus de 1 000 bâtiments vacants ont fait l’objet d’une occupation temporaire depuis la création de ce dispositif en 2009, ce qui a permis de loger au moins 10 000 résidents temporaires. Ce n’est pas négligeable.

Ces données montrent que ce dispositif a trouvé son public et qu’il mériterait d’être davantage connu, aussi bien pour lutter contre la vacance des logements que pour proposer des solutions d’hébergement temporaire.

C’est pourquoi, tout en estimant qu’il faudra réaliser une évaluation de ce dispositif et, le cas échéant, réfléchir à d’autres mesures, j’émets un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article 2 ter.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Je suis défavorable à la suppression du présent article, car je suis favorable à la pérennisation du dispositif visé.

Celui-ci est en effet utile, et il mériterait d’être mieux connu et plus utilisé, notamment en travaillant davantage en amont avec les propriétaires d’immeubles vacants et les associations qui en assurent la gestion.

Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que tous les travaux que nous menons sur l’hébergement d’urgence et la mise à disposition de locaux vacants en faveur des plus précaires montrent l’utilité de ce dispositif. C’est pourquoi nous allons continuer à l’évaluer, avant, sans doute, de le pérenniser.

L’avis est défavorable.

M. Gérard Lahellec. Je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 67 est retiré.

L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par M. Wattebled, Mme Paoli-Gagin et MM. Decool, A. Marc, Guerriau, Capus, Chasseing, Grand, Moga, Henno et Laménie, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Ce dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants ouvre également la possibilité pour les organismes agréés par l’État d’autoriser l’installation, dans ces locaux, d’activités commerciales ou professionnelles. Les conditions d’installation dans ces locaux vacants d’activités commerciales ou professionnelles sont précisées par décret en Conseil d’État. »

…. – Le II de l’article L. 145-2 du code de commerce est complété par les mots : « ni aux autorisations d’occupation temporaire prévues dans le cadre du dispositif de sécurisation de locaux vacants, régi par l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ».

…. – Le dernier alinéa de l’article 57 A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière est complété par les mots : « et dans le cadre du dispositif de sécurisation de locaux vacants, régi par l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ».

La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. L’article 2 ter prévoit de pérenniser le dispositif de mise à disposition temporaire de logements vacants.

Cet amendement, dont Dany Wattebled est le premier signataire, vise à adapter le dispositif de protection et de préservation de locaux vacants par l’occupation de résidents temporaires, régi par l’article 29 de la loi Élan.

Aux Pays-Bas, ce dispositif permet de sécuriser des immeubles et de revitaliser les quartiers dans lesquels ils se situent.

Le présent amendement tend également à exclure les locaux vacants occupés dans le cadre du dispositif de l’article 29 de la loi Élan d’un risque de requalification en baux commerciaux ou en baux professionnels.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. L’extension du dispositif d’occupation temporaire de locaux vacants aux activités commerciales et professionnelles n’est pas inintéressante si elle permet d’éviter la dégradation de ces logements ou leur occupation illicite.

Néanmoins, une telle extension dévoierait partiellement l’esprit de ce dispositif, qui est centré depuis 2009 sur le logement, l’hébergement, l’insertion et l’accompagnement social. Selon les données qui m’ont été transmises, un tiers environ des résidents temporaires étaient des personnes en difficulté.

En ouvrant ce dispositif aux activités commerciales et professionnelles, le risque, fort regrettable, serait que les propriétaires de locaux vacants favorisent celles-ci au détriment d’un public plus fragile.

En outre, une telle extension nécessiterait une consultation plus large, notamment au regard des règles des baux et locaux professionnels et commerciaux, que nous n’avons pas pu mener dans le délai qui nous était imparti.

Je constate par ailleurs que l’article L. 145-5 du code de commerce ouvre déjà la possibilité, pour les propriétaires, de conclure des baux commerciaux dérogatoires, aussi dénommés « de courte durée », qui peuvent aussi être une solution pour occuper temporairement des locaux vacants.

En conséquence, l’avis est défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Le dispositif visé par l’article 2 ter s’inscrit résolument dans le cadre de la politique du logement. Du reste, la loi Élan a ménagé une inflexion en prévoyant de manière claire sa vocation sociale. Sont visées explicitement des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social. À ce titre, le dispositif est aujourd’hui conçu comme devant accueillir des résidents personnes physiques et pour une occupation à usage d’habitation.

Compte tenu des besoins existants en matière d’hébergement et de logement, il convient de préserver cette dominante au dispositif, qui, au regard des retours d’expérience, offre des solutions temporaires de logement ou d’hébergement justifiant sa pérennisation, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, les baux commerciaux étant par ailleurs régis par une autre réglementation.

La rédaction proposée par les auteurs de cet amendement ouvre la porte à une forme de détournement vers des occupations commerciales. Les précisions apportées par la norme réglementaire paraissent aujourd’hui trop larges.

Néanmoins, je comprends l’intérêt qu’il peut y avoir à faire occuper les pieds d’immeuble par un local commercial, y compris associatif d’ailleurs, mais il me semble nécessaire de garantir que la vocation initiale du dispositif sera préservée.

Ainsi, il faut que tout immeuble mobilisé en occupation temporaire reste occupé en grande majorité par du logement et que l’utilisation commerciale soit réservée à quelques cas précis, par exemple des pieds d’immeuble.

Nous pourrions donc envisager d’y travailler, au cours de la navette parlementaire, s’il est démontré que cette disposition aiderait à mobiliser davantage de locaux vacants.

J’aimerais par ailleurs, comme je l’ai déjà souligné, qu’avec les associations compétentes nous nous mobilisions et nous fixions un objectif : dépasser les 1 000 locaux aujourd’hui utilisés et les 10 000 personnes accueillies depuis la mise en place de ce dispositif d’occupation temporaire.

Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Fort des explications très complètes tant de M. le rapporteur que de M. le ministre, je retire cet amendement.

Mme le président. L’amendement n° 7 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’article 2 ter.

(Larticle 2 ter est adopté.)

Article 2 ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Intitulé du chapitre II

Après l’article 2 ter

Mme le président. L’amendement n° 68, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les résidents inscrits dans le dispositif prévu à l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, bénéficient également du présent article. »

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Il s’agit de prévoir que les locataires bénéficiant du dispositif mentionné par l’article 2 ter puissent être inclus dans les protections permises par la trêve hivernale.

Cet amendement vise donc à étendre le bénéfice de la trêve hivernale aux résidents temporaires.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. L’intention est légitime, mais l’adoption de cet amendement aurait pour effet probable de décourager les propriétaires de logements vacants pour de courtes périodes d’intégrer ces logements au sein du dispositif d’occupation temporaire, ce qui serait contre-productif.

Ce dispositif, par nature temporaire et donc spécifique, doit rester souple, afin d’inciter les propriétaires concernés à conclure en plus grand nombre des contrats de résidence temporaire et de permettre à un public soit en difficulté, soit très mobile, d’en bénéficier.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Pour autant, comme l’a souligné M. le ministre précédemment, il n’est pas interdit de réfléchir aux possibilités d’améliorer ce dispositif d’occupation temporaire à l’avenir, pourquoi pas à l’occasion de la navette parlementaire.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

(Lamendement nest pas adopté.)

Chapitre II

Sécuriser les rapports locatifs

Article additionnel après l'article 2 ter - Amendement n° 68
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 3
Article additionnel après l'article 2 ter - Amendement n° 68
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 3

Mme le président. L’amendement n° 44, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Remplacer le mot :

Sécuriser

par le mot :

Déséquilibrer

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à mettre en évidence la véritable portée du chapitre II, intitulé Sécuriser les rapports locatifs. Comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale, loin de sécuriser quoi que soit, les articles de ce chapitre viennent rompre l’équilibre patiemment élaboré au cours des années par le législateur, toutes tendances politiques confondues, entre les droits des propriétaires, d’une part, et la protection des locataires, d’autre part.

De nombreuses associations de lutte contre la précarité ont pourtant alerté les membres du Sénat sur ce sujet, en indiquant notamment que les dispositions envisagées viennent mettre en cause l’équilibre des rapports locatifs mis en place en 1989, patiemment améliorés depuis par tous les acteurs – institutionnels, privés, publics –, ainsi que toutes les solutions proposées par les dispositifs de prévention des expulsions.

Pensé au seul et unique profit des propriétaires et de la propriété, le texte altère considérablement le corpus de normes visant à apporter des garanties à la partie réputée la plus faible, le locataire, et met en œuvre ce que le Secours catholique appelle une « industrialisation de l’expulsion locative ».

De son côté, la Fondation Abbé Pierre estime que ces dispositions provoqueront jusqu’à 30 000 décisions d’expulsion supplémentaires, soit autant de personnes qui risquent de se retrouver à la rue.

Mises bout à bout, ces différentes mesures permettent d’expulser un locataire en difficulté même passagère, en moins de trois mois à partir de la constitution de l’impayé de loyer, et suppriment la possibilité pour le juge d’accorder d’office des délais supplémentaires.

Avec des délais aussi réduits, le locataire ne sera en mesure ni de payer sa dette locative, ni d’obtenir des rendez-vous avec les services sociaux, ni de bénéficier d’une aide du fonds de solidarité pour le logement, ni d’obtenir de l’aide d’une association. En d’autres termes, le texte supprime toute possibilité pour un locataire défaillant temporairement de régulariser sa situation ou de trouver une situation de relogement.

Ce durcissement sans égal des rapports locatifs traduit une déconnexion des situations de vie dramatiques des locataires, mais également des attentes des propriétaires eux-mêmes, dont l’intérêt réside non pas dans l’expulsion de leur locataire, mais dans le paiement de la créance locative.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Je n’étonnerai pas les auteurs de cet amendement en leur indiquant que je ne peux émettre un avis favorable sur cet amendement qui ne tient aucunement compte des améliorations apportées à ce texte par la commission.

Faut-il le rappeler, nous avons permis au juge de continuer à se saisir d’office des dossiers, sans attendre que le locataire lui en fasse la demande. Nous avons ajouté deux semaines au délai minimal entre le commandement de payer et l’assignation en justice. Nous avons considérablement renforcé l’accompagnement social des locataires en difficulté – il n’est qu’à voir les articles insérés par la commission saisie pour avis.

Nous avons ainsi cherché à atteindre un équilibre entre l’accélération de la procédure contentieuse et un meilleur accompagnement des locataires les plus en difficulté.

Il serait dommage de revenir sur ces apports en modifiant l’intitulé du chapitre II.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Vous ne serez pas étonné que le Gouvernement soit défavorable à ce changement de titre, mesdames, messieurs les sénateurs.

L’essence même de ce texte et le travail que vous menez depuis le début ont bien pour objectif de trouver un équilibre dans les rapports entre propriétaire et locataire, pour que le premier ait le droit de jouir paisiblement de son logement et que le second puisse être protégé en cas de difficulté, lorsqu’il est de bonne foi.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 ter - Amendement  n° 44
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 4

Article 3

(Suppression maintenue)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 5

Article 4

L’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, au début, le mot : « Toute » est remplacé par les mots : « Tout contrat de bail d’habitation contient une » et, après le mot : « garantie », sont insérés les mots : « . Cette clause » ;

1° bis La première phrase du V est complétée par les mots : « , à condition que celui-ci ait repris le paiement du loyer et des charges avant la date de l’audience » ;

2° À la première phrase du second alinéa du VII, après le mot : « locataire », sont insérés les mots : « règle le paiement du loyer et des charges pendant la période de suspension des effets de la clause résolutoire de plein droit et ».

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 46 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 69 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 79 est présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Montaugé, Mme Meunier, MM. Fichet et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Marie, Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 46.

M. Guy Benarroche. Par cet amendement de suppression, nous nous opposons à l’article 4, qui s’emploie à précipiter la résiliation du contrat qui lie le bailleur et le locataire en difficulté financière, dans le seul et unique objectif de pouvoir mettre ce dernier dehors le plus rapidement possible.

La systématisation de la clause de résiliation prévue par cet article est une mesure à la fois inutile et restrictive de liberté : inutile, car la majorité des baux d’habitation contiennent une clause de résiliation de plein droit ; restrictive de liberté, car elle porte directement atteinte à la liberté contractuelle des deux parties prenantes, au détriment du seul locataire. En effet, le propriétaire est contraint de faire figurer cette clause, quand bien même il ne le souhaite pas.

Tel que modifié en commission, l’article ne prive plus le juge de son pouvoir de vérifier d’office tout élément constitutif de la dette locative et la décence du logement, ce dont nous nous réjouissons, monsieur le rapporteur. Toutefois, la nouvelle version de l’article n’est pas satisfaisante, car elle conditionne l’octroi de délais supplémentaires à la reprise du versement du loyer et des charges avant l’audience. Cette mesure est injuste, car elle exclut de fait les locataires les plus précaires de la possibilité de disposer de délais supplémentaires, alors qu’ils sont précisément ceux qui en ont le plus besoin – maladie, séparation, perte d’emploi, retard ou délais de versements sociaux, etc.

Par ailleurs, restreindre la possibilité d’octroi de délais supplémentaires revient à méconnaître l’intérêt que présentent ces délais pour le propriétaire lui-même. Tous les chiffres le montrent, de très nombreux dossiers font l’objet d’un règlement de la dette grâce à ces délais supplémentaires, ce qui permet au propriétaire de recouvrer les sommes dues et au locataire de se maintenir dans les lieux. C’est bien l’objectif des deux parties !

Plus généralement, notre groupe dénonce la défiance à l’égard du juge exprimée par ce texte. Une dette qui fonde une décision d’expulsion doit être vérifiée en toutes circonstances par le juge. Restreindre la marge de manœuvre du juge revient à restreindre les chances pour qu’une solution satisfaisante et acceptable pour toutes les parties soit trouvée.

Mme le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 69.

M. Gérard Lahellec. Le dispositif envisagé par cette proposition de loi, en plus d’encombrer les tribunaux, nie la capacité des locataires à pouvoir reprendre le paiement d’un loyer après une courte période d’arrêt et prévoit de fait leur expulsion systématique, voire leur potentiel emprisonnement.

Pardonnez-moi, mais c’est un peu le retour à la prison systématique pour dettes que l’on a connue en d’autres temps. Cela nous paraît excessif. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour présenter l’amendement n° 79.

Mme Viviane Artigalas. L’article 4 remet en cause les dispositifs de prévention des impayés et, de fait, des expulsions locatives. Il conditionne notamment l’octroi de délais de paiement à la reprise des paiements de loyers et des charges avant la date de l’audience. Il impose également le paiement du loyer et des charges pendant toute la période de suspension des effets de la clause résolutoire en plus du paiement de la dette locative.

Cette mesure accroît inutilement la pression sur les familles en difficulté de paiement, dans un contexte économique et social particulièrement mal choisi, pour fragiliser encore davantage les personnes les plus vulnérables.

Au-delà de l’efficacité des mesures proposées, on peut s’interroger sur l’opportunité politique de ce premier texte du quinquennat concernant le logement, quand les difficultés d’accès et de maintien dans le logement persistent, voire s’aggravent.

Notre ambition collective n’est-elle pas de loger tous les Français et de permettre le maintien dans le logement ? Faut-il rappeler que les personnes confrontées à des difficultés de paiement sont bien souvent des personnes qui travaillent ? C’est encore plus vrai aujourd’hui. Or la réduction de la précarité et l’accès au travail commencent par une stabilité dans le logement.

Notre groupe demande donc la suppression de cet article.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

L’article 24 de la loi de la loi du 6 juillet 1989 régissant les rapports entre les bailleurs et les locataires précise déjà que l’octroi de délais de paiement par le juge n’est possible que si le locataire est « en situation de régler sa dette locative ».

Le conditionnement de l’octroi de délais de paiement par le juge à la reprise du versement du loyer courant avant la date de l’audience va dans ce sens et ne représente aucunement un changement de paradigme ; il apporte tout au plus une précision. Cela permettra en outre de démontrer la bonne volonté du locataire.

Je rappelle par ailleurs que cette condition doit déjà être réunie dans le cadre des procédures de traitement du surendettement. Les apports de la commission ne font qu’aligner la procédure pour impayé de loyer sur celle du surendettement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. L’article 4 pose la question du rôle du juge dans les impayés locatifs. Les débats en commission, notamment sous l’égide des rapporteurs, ont permis de préciser et de renforcer la dimension de prévention et de travail social. Je crois qu’il est encore nécessaire de compléter ces réflexions par un travail sur les liens juridiques qui existent entre un propriétaire et un locataire et que le juge régit très largement aujourd’hui.

Il faut conserver l’article 4, qui contient des précisions positives, notamment sur la clause de résiliation. En outre, des modifications importantes et pertinentes ont été introduites en commission, en particulier concernant la capacité du juge à se saisir d’office. Le travail n’est pas terminé ; nous allons le poursuivre au travers d’autres amendements sur lesquels le Gouvernement émettra un avis favorable.

Le Gouvernement est tout à fait opposé à la suppression totale de cet article. C’est pourquoi il émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 46, 69 et 79.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. L’amendement n° 49, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à supprimer la systématisation de la clause prévoyant la résiliation de plein droit d’un contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges.

Systématiser la clause de résiliation des baux d’habitation est une mesure qui porte atteinte à la liberté contractuelle, sans atteindre l’objectif que se fixe l’auteur de ce texte, à savoir augmenter l’effectivité d’une clause de résiliation de plein droit.

Par ailleurs, la majorité des baux d’habitation contiennent une telle clause, ce qui rend donc inutile sa systématisation.

Enfin, il est assez étonnant de vouloir protéger les bailleurs « contre leur gré », puisqu’ils ne souhaitent pas l’introduction de cette clause dans les baux, en leur ôtant une partie de leur liberté contractuelle. Je ne comprends pas la logique.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Les clauses résolutoires de plein droit apportent une sécurité juridique aussi bien au bailleur, qui peut plus facilement récupérer son bien en cas de manquements du locataire à ses engagements contractuels, qu’au locataire, qui est protégé contre les résiliations unilatérales sans motif légitime.

Cette généralisation est d’autant plus souhaitable que le secteur locatif a déjà largement intégré cette pratique. Actuellement, seuls 1 % à 2 % des dossiers contentieux portent sur des baux ne comportant pas de clause résolutoire, selon l’estimation de l’Association nationale des juges des contentieux de la protection (ANJCP). La limitation de la liberté contractuelle des bailleurs et des locataires serait donc, dans les faits, très marginale par rapport aux pratiques actuelles.

À ce titre, la généralisation de ces clauses doit être soutenue.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par MM. Sautarel, Burgoa et Bascher, Mme Dumont, MM. Cadec, Pointereau, J.B. Blanc, Paccaud et Brisson, Mme F. Gerbaud, M. D. Laurent, Mmes Lopez et Canayer et MM. Rietmann, Perrin, Klinger, Longuet, Belin, Laménie, Duplomb et Gremillet.

L’amendement n° 8 rectifié est présenté par MM. Lagourgue, Verzelen et A. Marc, Mme Mélot, MM. Guerriau, Decool et Chasseing, Mme Paoli-Gagin et M. Wattebled.

L’amendement n° 22 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Fialaire, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Roux et Cabanel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le locataire est informé par le représentant de l’État dans le département de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement prévu au V du présent article. » ;

La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.

M. Marc Laménie. Les dispositions prévues par l’article 4, à savoir la systématisation de la clause de résiliation du bail et la suppression de la faculté du juge d’en suspendre les effets, risquent d’augmenter de façon importante le nombre d’expulsions ferme qui seront prononcées par le juge. Des estimations ciblent sur 30 000 à 50 000 expulsions ferme supplémentaires, à comparer aux 120 000 expulsions annuelles actuelles.

Alors que seuls 60 % des locataires se rendent actuellement à l’audience, il importe de s’assurer que l’information selon laquelle les locataires ont seuls la faculté de demander au juge de leur accorder des délais de paiement soit bien transmise aux locataires intéressés sous la responsabilité des préfets de département, en lien avec l’accompagnement social des services du département.

Tel est l’objet de cet amendement de notre collègue Stéphane Sautarel.

Mme le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.

M. Pierre-Jean Verzelen. Il est défendu, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 22 rectifié bis n’est pas soutenu.

L’amendement n° 47, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Il s’agit là encore d’un amendement de repli, qui vise à supprimer la condition relative à la reprise du versement du loyer et des charges avant la date de l’audience pour que le juge puisse accorder des délais supplémentaires.

Tel que l’a modifié la commission, l’article ne prive plus le juge de son pouvoir de vérifier d’office tout élément constitutif de la dette locative et la décence du logement, ce dont il faut remercier la commission et le rapporteur. Toutefois, la nouvelle version de l’article demeure insatisfaisante. En effet, elle exclut de fait les locataires les plus précaires de la possibilité de bénéficier de délais supplémentaires, alors même qu’ils sont ceux qui ont le plus besoin de temps pour reprendre le versement des loyers.

Par ailleurs, le raccourcissement des différents délais opérés par cette proposition aggrave la difficulté pour les locataires les plus précaires de reprendre le versement des loyers avant la date de l’audience et diminue d’autant leur chance de pouvoir se maintenir dans le logement.

Nous nous opposons à la réduction des pouvoirs du juge, qui peut pourtant prendre toute la mesure d’une situation donnée et trouver une solution satisfaisante en exerçant la mission qui lui incombe, à savoir sa faculté de juger.

Mme le président. L’amendement n° 25 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Malhuret, Verzelen, Guerriau et Grand, Mme Paoli-Gagin et MM. Chasseing, Menonville, Decool et Médevielle, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

1° bis Le V est abrogé ;

1° ter Au début du VI, les mots : « Par dérogation à la première phrase du V, » sont supprimés ;

La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. La résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus peut être significativement allongée par des délais de paiement accordés par le juge dans la limite de trois ans. Le juge ne peut accorder un tel délai qu’à un « locataire en situation de régler sa dette locative ».

Cette faculté accordée au juge entre en contradiction avec une clause résolutoire qui devrait s’appliquer de facto. Elle n’apparaît donc pas fondée en droit et conditionne la récupération du bien par le propriétaire à des aléas qui ne le concernent pas et ne sauraient le concerner.

C’est pourquoi cet amendement, déposé par Emmanuel Capus, vise à modifier l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 afin de supprimer cette faculté du juge d’accorder des délais de paiement pour les locataires en défaut de paiement.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. La commission demande le retrait des amendements identiques nos 4 rectifié bis et 8 rectifié ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

En effet, ces amendements sont satisfaits, la commission des lois ayant rétabli les pouvoirs d’office du juge pour l’octroi de délais de paiement et pour la vérification des éléments constitutifs de la dette et la décence du logement, ce qui n’est pas rien. Il n’est donc pas nécessaire d’alourdir davantage la procédure en prévoyant un rôle supplémentaire d’information confié au préfet. Cela risquerait en outre d’introduire un vice de procédure si l’obligation n’était pas remplie et de rouvrir une procédure contentieuse déjà qualifiée de trop longue.

Comme je l’ai mentionné lors de la discussion des amendements de suppression de l’article 4, l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 précise déjà que l’octroi de délais de paiement par le juge n’est possible que si le locataire est « en situation de régler sa dette locative ».

Le conditionnement de l’octroi de délais de paiement par le juge à la reprise du versement du loyer courant avant la date de l’audience va dans ce sens et ne représente aucunement un changement de paradigme ; il s’agit tout au plus d’une précision.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 47.

Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 25 rectifié ter, dont l’objet est totalement contraire.

La suppression des expulsions conditionnelles porterait préjudice aussi bien au locataire, qui serait expulsé même lorsque sa situation financière est viable, qu’au bailleur, qui pourrait plus difficilement voir ses créances locatives remboursées.

Le maintien des rapports locatifs reste la solution à privilégier, lorsque le locataire est de bonne foi et que sa situation financière le permet.

J’ajoute, pour rassurer nos collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires, que la commission a conditionné l’octroi de délais de paiement à la reprise du versement du loyer courant avant la date de l’audience et que ces délais de paiement prendraient automatiquement fin dès le premier impayé, aussi bien du loyer que du plan d’apurement de la dette. Le locataire est donc fortement incité à régulariser sa situation.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 4 rectifié bis et 8 rectifié. Même si elle n’est pas une condition suffisante, l’information des locataires est nécessaire. On sait que les publics en grande précarité et en difficulté souffrent souvent de ce déficit d’informations. Par conséquent, la proposition d’accompagner mieux cette information nous paraît pertinente.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 47. Vous avez raison, monsieur le sénateur, il nous semble majeur que le juge puisse se saisir lui-même en cas d’impayés locatifs, sans que le locataire en ait fait la demande. En effet, les familles confrontées à cette situation sont souvent en grande précarité. Moins de 40 % des locataires se présentent avec un avocat lors de l’audience, alors que le bailleur est quant à lui toujours représenté. Je le répète, le Gouvernement est très favorable à cette mesure.

En conséquence, par symétrie, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 25 rectifié ter.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 rectifié bis et 8 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, l’amendement n° 25 rectifié ter n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article additionnel après l'article 5 - Amendements n° 50 et n° 72

Article 5

I. – La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifiée :

1° AA (nouveau) Le deuxième alinéa de l’article 3-2 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « huissier » est remplacé par le mot : « commissaire » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « l’huissier » sont remplacés par les mots : « le commissaire de justice » ;

1° AB (nouveau) Au k de l’article 4, le mot : « huissier » est remplacé par le mot : « commissaire » ;

1° AC (nouveau) L’article 14-1 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, le mot : « huissier » est remplacé par les mots : « un commissaire » ;

b) Au troisième alinéa et à la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « l’huissier » sont remplacés par les mots : « le commissaire » ;

1° AD (nouveau) Le vingtième alinéa du I de l’article 15 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « huissier » est remplacé par les mots : « un commissaire de justice » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « d’huissier » sont remplacés par les mots : « du commissaire de justice » ;

1° A Le I de l’article 24 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « six semaines » ;

b) Au 1°, les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « six semaines » ;

c) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

– au début de la première phrase, les mots : « Le représentant de l’État dans le département fixe, par arrêté, le montant et l’ancienneté de la dette au-delà desquels » sont remplacés par les mots : « Lorsque le locataire est en situation d’impayé de loyer ou de charges locatives sans interruption depuis une durée de deux mois ou lorsque la dette de loyer ou de charges locatives du locataire est équivalente à deux fois le montant du loyer mensuel hors charges locatives, » et les mots : « l’huissier » sont remplacés par les mots : « le commissaire » ;

– les deux dernières phrases sont ainsi rédigées : « Lors de ce signalement, le commissaire de justice précise les coordonnées et la situation socioéconomique des occupants au vu des informations en sa connaissance. Le signalement s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du même article 7-2. » ;

d) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Le représentant de l’État dans le département saisit l’organisme compétent désigné par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l’offre globale de services d’accompagnement vers et dans le logement prévue à l’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée, afin qu’il réalise un diagnostic social et financier pour les locataires ainsi signalés par le commissaire de justice. Le diagnostic est transmis par l’opérateur à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l’article 7-2 de la même loi avant l’expiration du délai mentionné au III du présent article. » ;

1° À la première phrase du III du même article 24, les mots : « l’huissier » sont remplacés par les mots : « le commissaire » et les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « six semaines » ;

2° (Supprimé)

3° (nouveau) Le sixième alinéa du I de l’article 25-8 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « huissier » est remplacé par les mots : « un commissaire de justice » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « d’huissier » sont remplacés par les mots : « du commissaire de justice » ;

4° (nouveau) Le deuxième alinéa de l’article 25-15 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « huissier » est remplacé par les mots : « un commissaire de justice » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « d’huissier » sont remplacés par les mots : « du commissaire de justice ».

II. – Le code des procédures civiles d’exécution est ainsi modifié :

1° L’article L. 412-1 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Au second alinéa, après le mot : « constate », sont insérés les mots : « la mauvaise foi de la personne expulsée ou » et, après le mot : « locaux », la fin est ainsi rédigée : « à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. » ;

2° L’article L. 412-3 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) À la fin du premier alinéa, les mots : « , sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation » sont supprimés ;

a) (Supprimé)

b) Au dernier alinéa, les mots : « ainsi que » sont remplacés par le signe : « , » et sont ajoutés les mots : « ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi » ;

3° À la première phrase de l’article L. 412-4, la première occurrence du mot : « trois » est remplacée par le mot : « un » et, à la fin, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « un an » ;

4° (nouveau) Après le mot : « autrui », la fin du deuxième alinéa de l’article L. 412-6 est ainsi rédigée : « à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. »

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 51 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 80 est présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Montaugé, Mme Meunier, MM. Fichet et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Marie, Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 51.

M. Guy Benarroche. La mesure à laquelle nous nous opposons le plus fortement porte sur la réduction systématique des différents délais de la procédure contentieuse du litige locatif.

Si je comprends que l’on veuille réduire les délais, cet article n’a en fait qu’un seul objectif : expulser quoi qu’il en coûte et le plus rapidement possible les locataires sans leur laisser le temps de payer leur dette locative – c’est cela qui nous heurte. Les délais remis en cause par cet article permettent pourtant d’éviter les expulsions en laissant le temps aux locataires de payer leur dette. L’article ici discuté favorise donc le phénomène du sans-abrisme sans favoriser le propriétaire, dont l’intérêt réside dans le recouvrement du montant des loyers et presque jamais dans l’expulsion du locataire.

Cet article se fonde sur le préjugé qu’il s’agit d’un choix volontaire des locataires de ne pas payer des loyers, alors qu’ils le peuvent.

Au surplus, les nouveaux délais ne répondent à aucun besoin du côté du bailleur. Jamais un délai de trois ans n’est octroyé lorsqu’un bailleur est lui-même en difficulté financière ou si l’occupation n’est pas paisible. Ces délais importants sont rares et ne sont octroyés par le juge que lorsqu’un propriétaire n’a aucun projet sur le bien. Par conséquent, cet article ne fait qu’affaiblir encore les droits des locataires, sans répondre au problème auquel il prétend s’attaquer.

Les auteurs de cet amendement dénoncent donc une tentative manifeste de « fluidifier » le marché du logement au seul bénéfice des propriétaires bailleurs, et au risque de provoquer une aggravation de la crise du logement. Pour rappel, la Fondation Abbé Pierre estime que cette disposition provoquera 30 000 expulsions supplémentaires, soit autant de familles qui risquent de se retrouver à la rue.

Mme le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour présenter l’amendement n° 80.

M. Joël Bigot. L’article 5 réduit les délais de la procédure d’expulsion en amont de la procédure, en ramenant de deux mois à six semaines le délai entre le commandement de payer et l’assignation en justice, ainsi qu’entre l’assignation et l’audience.

La prévention des expulsions déploie des dispositifs de suivi et d’accompagnement pour la reprise des paiements et des procédures assurant des délais suffisants pour répondre à cet objectif.

Cette période en amont de la procédure judiciaire est donc une étape clé pour assurer la coordination des acteurs pouvant intervenir et prévenir ainsi l’aggravation des situations.

La réduire dans le temps est totalement contre-productif. Il est constaté qu’une partie non négligeable des locataires paient dans le délai de deux mois.

Pourquoi réduire les délais et perdre ainsi des chances que la dette soit payée ? Ce n’est dans l’intérêt de personne.

Ces mesures entravent par ailleurs le travail des services sociaux, placés en première ligne, et l’action de l’ensemble des acteurs de la solidarité, en leur laissant moins de temps pour réaliser le diagnostic social et financier (DSF) de la famille, mobiliser les aides, trouver des solutions amiables et organiser la reprise des paiements.

Les dispositions de cet article, si elles étaient votées en l’état, toucheraient un grand nombre de ménages de bonne foi et en situation de fragilité. Elles sont en totale contradiction avec la politique affichée par le Gouvernement de maintien dans le logement et avec le plan pour le logement d’abord.

C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain demande la suppression de l’article 5.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Je comprends que l’accélération de la procédure contentieuse locative puisse, à première vue, susciter des interrogations.

Je reste néanmoins favorable à l’exigence de célérité de cette procédure. Je précise d’ailleurs qu’il s’agit de délais minima légaux et non des délais effectifs constatés sur le terrain. Il est anormal que ces procédures s’étalent sur plus d’un an, voire deux et parfois même trois ans, d’après les informations que nous ont transmises les juges des contentieux de la protection.

Pour la commission, il est dans l’intérêt aussi bien du bailleur que du locataire que cette procédure gagne en clarté et en efficacité et que les jugements puissent être rendus dans des délais raisonnables permettant aux deux parties d’agir en conséquence. L’article 5 doit donc être maintenu.

Par ailleurs, à la suite de l’adoption en commission de plusieurs amendements de Mme Estrosi Sassone et de moi-même, le délai entre l’assignation en justice et l’audience judiciaire a été prolongé de deux semaines et l’accompagnement social des locataires en difficulté a été amélioré, grâce notamment à une intervention plus en amont et à un renforcement du rôle et des prérogatives des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (Ccapex).

En les sollicitant plus tôt, et sans allonger la durée de la procédure judiciaire, nous avons permis aux services sociaux de disposer d’un délai total de trois mois pour rédiger les DSF, contre deux mois dans le droit en vigueur. Cela devrait rendre plus systématique l’élaboration de ces DSF. Les juges pourront alors mieux apprécier la situation sociale et matérielle du locataire défaillant, tandis que les Ccapex pourront proposer des solutions d’accompagnement plus appropriées.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. L’article 5 vise à répondre aux craintes de certains propriétaires ayant été choqués par la durée particulièrement longue de certaines procédures, alors même que la situation des occupants ne paraissait pas justifier un tel délai.

Vous connaissez notre attachement à la prévention des expulsions locatives. Je ferai d’ailleurs un bilan du troisième plan d’action interministériel de prévention de ces expulsions au cours du deuxième trimestre 2023.

Nous soutiendrons un certain nombre d’amendements qui seront présentés sur cet article, même si, comme cela vient d’être rappelé, la commission a déjà effectué un très important travail d’amélioration et d’équilibrage de ce texte, s’agissant notamment des impayés des locataires de bonne foi, ces locataires devant être accompagnés.

Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable, afin de nous permettre de continuer à améliorer cet article.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 et 80.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je suis saisie de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 70, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 13 à 16 et 28 à 37

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Plusieurs dispositions de cet article dégradent la possibilité de remboursement par le locataire, dont les mensualités seront multipliées par trois, puisque le juge ne pourra plus accorder de délai supérieur à un an contre trois dans le droit actuel.

En outre, le fait, comme le prévoit l’alinéa 16, de systématiser les expulsions sans tenir compte des situations départementales et locales, notamment de la saturation des hébergements d’urgence, de la tension en matière de logement et du niveau des loyers est une grave atteinte à la protection des locataires.

Par cet amendement, nous proposons que l’article 5 prévoie uniquement des ajustements rédactionnels et améliore la visibilité sur la situation socio-économique des locataires en situation d’impayés de loyers.

Mme le président. L’amendement n° 76 rectifié bis n’est pas soutenu.

Les quatre amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 18 rectifié bis est présenté par MM. Patriat, Richard, Mohamed Soilihi, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° 28 rectifié est présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Morin-Desailly, Gatel, N. Goulet, Dindar et Billon, M. Longeot, Mme Herzog, M. Canévet, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Moga, Duffourg et de Belenet, Mmes Doineau et Perrot, MM. Cigolotti, J.M. Arnaud et Détraigne, Mme Jacquemet et M. P. Martin.

L’amendement n° 53 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 88 rectifié est présenté par le Gouvernement.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 13 et 14

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié bis.

M. Martin Lévrier. Cet amendement vise à rétablir le délai actuel de deux mois entre le commandement de payer et l’assignation en justice, contre les six semaines proposées par la commission.

Ce délai limite le recours à la procédure judiciaire, en permettant au locataire de rembourser sa dette locative dans le délai prévu et, bien évidemment, de se saisir des dispositifs publics d’apurement de la dette.

Mme le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.

Mme Valérie Létard. J’ajouterai à ce que vient de dire mon collègue que la commission des affaires économiques a déjà allongé ce délai par rapport à celui qui était prévu dans le texte de l’Assemblée nationale.

Le présent amendement vise cependant à rétablir le délai actuel de deux mois, car l’on sait qu’il permet de résoudre à l’amiable deux tiers des problèmes d’impayés.

Nous craignons que, en raccourcissant de deux ou de quatre semaines la durée de la procédure précontentieuse – j’ai bien compris la volonté de réduire au minimum la durée des étapes intermédiaires –, on prenne le risque de judiciariser des situations qui pourraient être réglées autrement, ce qui serait dommage. Deux mois, alors qu’on nous dit que la durée globale de la procédure peut aller jusqu’à trois ans, c’est peu !

Je le répète, deux tiers des situations se règlent à l’amiable dans ce délai.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 53.

M. Guy Benarroche. Mme Létard a parfaitement défendu cet amendement.

La commission des affaires économiques a travaillé sur ce délai, la commission des lois aurait dû parvenir au même résultat.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous sommes parvenus au même résultat !

M. Guy Benarroche. Le délai de deux mois permet, cela vient d’être dit, de résoudre deux tiers des situations d’impayés. Il n’est donc pas excessif. Pourquoi le réduire à six semaines, et non pas à cinq semaines et demie ou à sept semaines ?

Bien sûr, la commission a un peu allongé le délai invraisemblable inscrit dans le texte par l’Assemblée nationale. Le délai de deux mois permet, je le répète, de résoudre deux tiers des problèmes.

Sur quelle étude s’est-on fondé pour considérer que la réduction du délai à six semaines, c’était mieux, alors que, on le sait, ce sera pire ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 88 rectifié.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Je ne peux pas dire mieux que Mme la sénatrice Létard.

Les deux mois sont nécessaires, compte tenu notamment de la mensualisation du paiement des loyers. Il paraît de ce fait parfaitement logique de retenir des mois complets pour la reprise des paiements comme pour la réalisation du nécessaire travail social.

En tant qu’élus locaux, nous connaissons tous l’activité des centres communaux d’action sociale et des assistantes sociales départementales, ainsi que les difficultés rencontrées pour mettre en œuvre les différentes procédures possibles. Les deux mois sont donc nécessaires.

Le Gouvernement est totalement en phase avec les auteurs de ces amendements identiques, qui visent à porter le délai de six à huit semaines.

Mme le président. L’amendement n° 81, présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Montaugé, Mme Meunier, MM. Fichet et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Marie, Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Cet amendement de repli est proposé par l’Union nationale des associations familiales (Unaf), particulièrement préoccupée par cette proposition de loi, notamment par son chapitre II, compte tenu des conséquences qu’elle entraînera pour les familles rencontrant des difficultés économiques.

Le délai en amont de la procédure judiciaire doit être un temps utile d’accompagnement social, concrétisé par le diagnostic social et financier de la situation du locataire réalisé par les services sociaux du département.

Compte tenu des tensions sur le marché locatif et des difficultés rencontrées pour trouver une solution de relogement aux locataires rencontrant des problèmes financiers, l’accompagnement social ne doit pas être sacrifié au nom de la nécessaire réduction des délais de la procédure contentieuse locative.

L’écart de deux semaines entre le délai actuel et le délai prévu à ce stade dans la proposition de loi n’est pas de nature à léser les droits du bailleur. Ces deux semaines, je le répète, doivent être un temps utile pour l’accompagnement social du locataire.

La réduction du délai de paiement de la dette locative n’est pas compatible avec les délais d’intervention des acteurs de la prévention tels qu’on les constate sur le terrain. Comment, dans des délais aussi contraints, pourra-t-on continuer de réaliser le diagnostic, mobiliser les acteurs, mettre en place un accompagnement social et, au besoin, envisager un relogement ?

Cet amendement tend donc à conserver le délai de deux mois après un commandement de payer.

Mme le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par MM. Sautarel, Burgoa et Bascher, Mme Dumont, MM. Cadec, Pointereau, J.B. Blanc, Paccaud, Brisson et D. Laurent, Mmes Lopez et Canayer et MM. Rietmann, Perrin, Klinger, Longuet, Belin, Laménie, Duplomb et Gremillet.

L’amendement n° 9 rectifié est présenté par MM. Lagourgue, Verzelen et A. Marc, Mme Mélot, MM. Guerriau, Decool et Chasseing, Mme Paoli-Gagin et M. Wattebled.

L’amendement n° 14 rectifié bis est présenté par Mme Micouleau, MM. Anglars, Bonne et Chatillon, Mme F. Gerbaud, M. Grand, Mmes Joseph, Lassarade et M. Mercier, M. Panunzi et Mme Thomas.

L’amendement n° 21 rectifié ter est présenté par MM. Canévet, Duffourg et Delcros, Mme Gatel, M. Henno, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Détraigne et Delahaye, Mme Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Saint-Pé, MM. Le Nay et Capo-Canellas, Mmes Havet et Létard et M. Longeot.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 20

Supprimer les mots :

et les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « six semaines »

La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.

M. Marc Laménie. Cet amendement de notre collègue Stéphane Sautarel s’inscrit dans le droit fil des précédents.

J’insisterai sur les tensions du marché locatif et sur les difficultés à trouver une solution de relogement pour les locataires rencontrant des difficultés financières.

Le volet humain est très important. L’accompagnement social ne doit pas être sacrifié au nom de la nécessaire réduction des délais de la procédure contentieuse du litige locatif.

Mme le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.

M. Pierre-Jean Verzelen. Il est défendu !

Mme le président. L’amendement n° 14 rectifié bis n’est pas soutenu.

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié ter.

M. Vincent Capo-Canellas. Il est également défendu, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 26 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Malhuret, Verzelen, Guerriau et Grand, Mme Paoli-Gagin et MM. Chasseing, Menonville, Médevielle, Decool et Wattebled, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Remplacer les mots :

six semaines

par les mots :

un mois

La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Cet amendement, déposé par Emmanuel Capus, vise à réduire le délai de six semaines à un mois, car un délai exprimé en semaines introduirait de la confusion dans les procédures.

Mme le président. L’amendement n° 56, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéas 29 à 31

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Le présent amendement vise à supprimer la disposition qui prive la personne susceptible d’être expulsée d’un délai de deux mois suivant le commandement à payer, lorsque le juge constate que celle-ci serait « de mauvaise foi ».

Nous comprenons l’intention des auteurs de cette disposition de distinguer les personnes en situation de détresse sociale et dans l’incapacité de payer leur loyer et les autres locataires.

Néanmoins, le caractère flou de l’expression locataire « de mauvaise foi » nous inquiète en raison des abus auxquels elle pourrait donner lieu. Qu’est-ce qu’un locataire « de mauvaise foi », si cela n’est pas défini dans la loi ?

Comme l’indique le Secours catholique, le caractère imprécis de cette expression comporte un risque d’arbitraire, si le juge est insuffisamment informé de la situation de la personne. Ainsi, rien dans cette expression n’interdirait au juge de considérer des personnes qui subissent une situation de grande précarité comme étant « de mauvaise foi ».

C’est donc pour éviter de créer une insécurité juridique que nous proposons de supprimer cette disposition.

Mme le président. L’amendement n° 48, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

4° L’article L. 412-6 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés » sont remplacés par les mots : « de la décision de la commission de médiation prévue à l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation qui reconnaît l’occupant prioritaire et devant se voir attribuer un logement ou un hébergement en urgence, jusqu’à ce que ce relogement ou cet hébergement » ;

b) Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à suspendre l’expulsion des personnes reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable et devant être logées en urgence.

Bien que la reconnaissance au titre du Dalo n’annule pas un jugement d’expulsion, elle porte obligation de relogement. La menace d’expulsion est souvent trop tardivement considérée comme effective. Les recours au titre du droit au logement opposable sont donc pris en compte après intervention de la force publique, ce qui laisse de nombreuses familles et prioritaires Dalo à la rue, sans proposition de relogement.

La procédure, telle qu’elle est encadrée par la loi, doit aboutir au logement ou au relogement des personnes reconnues prioritaires par la loi instituant le droit au logement opposable. La responsabilité de l’État de concourir aux expulsions au nom du droit de propriété doit être conciliée avec l’obligation résultant du droit au logement et ne peut décemment pas aboutir à mettre des personnes et des familles à la rue.

Nous proposons donc d’accorder un sursis sur les expulsions aux personnes prioritaires au titre du droit au logement opposable tant qu’une solution de relogement n’a pas été trouvée.

Mme le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 37

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le dernier alinéa de l’article L. 412-6 est supprimé.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement tend à supprimer la possibilité d’expulsion lors de la trêve hivernale pour d’autres lieux que le domicile.

Selon l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels, 64 % des 1 330 expulsions ont eu lieu en 2021 en pleine trêve hivernale.

Le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées le rappelle : c’est non pas par choix, mais par nécessité que les personnes sans logement choisissent d’occuper des terrains ou des immeubles inhabités.

Le constat du phénomène du mal-logement et du sans-abrisme est sans appel : en France, 623 personnes sont mortes dans la rue en 2021 ; 300 000 personnes sont sans domicile fixe, dont 1 700 enfants. Le 115 refuse chaque soir un hébergement à plus de 6 000 personnes, dont 1 700 enfants. Ce phénomène touche des familles, des retraités, etc.

Face à l’incapacité de l’État à proposer des solutions de relogement, y compris des logements d’urgence, à des familles précaires, nous demandons que ne soient plus effectuées d’expulsion pendant la trêve hivernale.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. L’amendement n° 70 vise à revenir sur les réductions de délais de la procédure contentieuse locative et sur les critères de qualification du squat.

Cet amendement est contraire à la position de la commission et, pour toutes les raisons que nous avons déjà évoquées lors de la discussion générale et de l’examen des amendements précédents, elle émet un avis défavorable.

De même, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 18 rectifié bis, 28 rectifié, 53 et 88 rectifié.

La lenteur de la procédure précontentieuse et contentieuse en cas d’impayés locatifs a été reconnue, ou à défaut non déniée, par l’ensemble des personnes que le rapporteur pour avis des affaires économiques et moi-même avons interrogées.

Cette procédure, on le sait, peut parfois prendre jusqu’à trois ans, selon les juges des contentieux de la protection, qui sont a priori des interlocuteurs objectifs sur ce sujet. Cette procédure doit donc être rendue plus rapide, ce qui est l’objet de l’article 5 de ce texte.

Néanmoins, les auditions que nous avons menées ont démontré que le délai précontentieux, entre la délivrance du commandement de payer et l’assignation en justice, était utile, puisqu’il permettait de résoudre deux tiers des difficultés.

C’est pourquoi, lors de l’examen du texte en commission des lois, nous avons fixé ce délai à six semaines, contre un mois dans le texte de l’Assemblée nationale et deux mois dans le droit en vigueur. Ce délai, j’y insiste, est compatible avec le délai de cinq semaines que l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) estime elle-même nécessaire pour engager l’accompagnement social des locataires.

Cette solution me semble être un bon compromis entre le souci de célérité de la procédure d’expulsion en cas d’impayés et le souhait de maintenir les rapports locatifs, lorsque le locataire est encore en mesure de s’acquitter de son loyer. Elle a en outre le mérite d’être cohérente avec le délai identique de six semaines que le texte prévoit déjà entre l’assignation en justice et l’audience.

La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 81. Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et moi-même avons essayé de trouver un juste équilibre entre l’amélioration de la procédure contentieuse, indubitablement trop longue puisqu’elle peut atteindre trois ans, et une meilleure prise en charge des locataires en difficultés par les services sociaux et les Ccapex.

C’est pourquoi, lors de l’examen en commission, nous avons renforcé le rôle et les prérogatives des Ccapex. Nous avons également rendu l’accompagnement social plus précoce et l’avons centré sur les locataires qui rencontrent le plus de difficultés.

En parallèle, nous laissons plus de temps aux services sociaux pour réaliser le diagnostic social et financier et ainsi identifier les difficultés des locataires : ils disposeront, je l’ai déjà indiqué, de trois mois, contre deux mois actuellement, et ils pourront l’entamer dès le commandement de payer.

Dans ces conditions, nous avons considéré que la réduction du délai entre l’assignation en justice et l’audience était non seulement acceptable, mais souhaitable pour éviter que les procédures ne s’allongent au détriment des bailleurs comme des locataires défaillants, qui resteraient soumis à une procédure contentieuse longue, laquelle les maintiendrait dans l’incertitude quant à leurs perspectives d’hébergement.

J’ajoute enfin que le délai de six semaines entre l’assignation en justice et l’audience est cohérent avec le délai de six semaines entre la remise du commandement de payer et l’assignation.

Pour répondre à nos collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires, dont l’amendement n° 26 rectifié ter vise à réduire ce délai à un mois, j’indique qu’un délai de six semaines nous semble être le bon, l’Anil nous ayant indiqué, je le redis, qu’un délai minimal de cinq semaines était nécessaire pour engager les procédures d’accompagnement social des locataires. L’avis est donc défavorable sur cet amendement.

Enfin, j’émets également un avis défavorable sur les amendements identiques nos 5 rectifié bis, 9 rectifié et 21 rectifié ter, ainsi que sur les amendements nos 56, 48 et 45 rectifié.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 70.

Sur les amendements nos 18 rectifié bis, 28 rectifié et 53, qui sont identiques à l’amendement n° 88 rectifié du Gouvernement, j’émets évidemment un avis favorable.

Le texte permet d’entamer le diagnostic social et financier avant l’audience et prévoit un délai de trois mois pour son élaboration. Nous saluons ces avancées, qu’il n’y a pas de raison de modifier. Nous émettons donc un avis défavorable sur l’amendement n° 81.

Le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable sur les amendements identiques nos 5 rectifié bis, 9 rectifié et 21 rectifié ter, ainsi que sur les amendements nos 26 rectifié ter, 56, 48 et 45 rectifié.

Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je constate que le Gouvernement essaie au moins d’en revenir au délai de deux mois plutôt que de prendre à son compte celui de six semaines.

À l’intention de nos collègues du groupe Les Républicains, je précise que l’Anil peut toujours dire qu’un délai de cinq semaines est suffisant en moyenne, mais force est de constater que, dans certains départements, c’est la croix et la bannière pour obtenir le moindre accord du fonds de solidarité pour le logement (FSL), en raison de l’embouteillage des services. Or cet accord est souvent nécessaire dans le cadre d’un plan d’apurement.

Je sais d’expérience que c’est souvent au dernier moment, au cours de la dernière quinzaine, que l’on parvient à une solution.

Honnêtement, comme l’a dit M. Benarroche, les deux semaines en question ne représentent pas grand-chose et n’allongent pas considérablement l’ensemble de la procédure, qui peut durer – c’est l’exemple cité par le rapporteur – trois ans.

D’ailleurs, il convient de s’interroger sur la durée globale de la procédure. Pourquoi dure-t-elle parfois jusqu’à trois ans ? C’est non pas parce que le propriétaire ou le locataire est de mauvaise foi, mais bien parce que la justice ne se donne pas les moyens de régler les problèmes.

Pourquoi vouloir aujourd’hui rendre la procédure plus rapide et mettre la pression sur les parties au lieu de permettre à la justice de fonctionner correctement ? On devient fous ! On essaie de régler les problèmes dans la loi, mais je vous fiche mon billet que les procédures continueront d’être longues ! Il suffit pour cela qu’une audience soit reportée, par exemple.

La question se pose de savoir pourquoi nous encombrons les tribunaux avec des litiges que l’on pourrait résoudre, en mettant en place une autre organisation.

Je ne plaiderai pas une nouvelle fois pour la garantie universelle des loyers (GUL), mais franchement, elle permettrait de régler bien des problèmes.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Mon explication de vote portera sur les amendements identiques nos 18 rectifié bis, 28 rectifié, 53 et 88 rectifié.

J’ai bien compris vos arguments, monsieur le rapporteur, sur la cohérence des délais. Ce sont des arguments que je conçois volontiers, mais permettez-moi de vous dire, mon cher collègue, que le plus important, c’est l’efficacité.

Il me semble très dangereux de passer d’un délai de deux mois, qui permet de résoudre les problèmes dans deux tiers des cas, à un délai de six semaines, car tout porte à croire qu’il ne permettra pas d’en résoudre autant, faute de temps. Bien au contraire, un délai plus court risque de conduire à un déséquilibre et, comme l’a très bien dit Marie-Noëlle Lienemann à l’instant, d’accroître la judiciarisation.

Il me semble qu’il s’agit là d’un argument de poids ayant sa place dans une réflexion cohérente !

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Reichardt, rapporteur. Comme j’ai été interpellé, je rappelle que le but de la commission était de parvenir à un juste équilibre entre le souci de rendre la procédure plus rapide et la volonté de trouver un accord entre le bailleur et le locataire.

Certes, nous réduisons le délai à six semaines, mais les Ccapex pourront être saisies plus tôt et le DSF pourra être entamé dès le lendemain du commandement de payer. Cela signifie que nous proposons en fait d’augmenter le temps dont disposeront les services sociaux pour réaliser le DSF. Ils auront désormais deux fois six semaines pour le faire, soit trois mois au total, contre deux actuellement.

De ce fait, le juge disposera des DSF lors de l’audience non plus dans 30 % des cas, comme aujourd’hui, mais dans un plus grand nombre – je ne peux naturellement pas dire combien exactement –, voire dans la totalité d’entre eux.

Voilà ce que j’essaie de vous faire comprendre : on réduit certes le délai, mais, in fine, les services sociaux auront plus de temps pour réaliser les DSF. (Mme Marie-Noëlle Lienemann le conteste.)

M. Guy Benarroche. Ce sera pareil en fait !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 70.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 rectifié bis, 28 rectifié, 53 et 88 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 81.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Marc Laménie. Je retire l’amendement n° 5 rectifié bis.

Mme le président. L’amendement n° 5 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié et 21 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Morin-Desailly, Gatel, N. Goulet, Dindar et Billon, M. Longeot, Mme Herzog, M. Canévet, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Moga, Duffourg et de Belenet, Mmes Doineau et Perrot, MM. J.M. Arnaud et Cigolotti, Mme Jacquemet, M. P. Martin et Mme Férat, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Après le mot :

coordonnées

insérer les mots :

téléphoniques et électroniques

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Pour une meilleure réactivité et afin de permettre d’entrer en contact avec la personne concernée par un autre moyen que l’envoi d’un courrier, il paraît pertinent de communiquer les coordonnées téléphoniques et l’adresse e-mail.

C’est pourquoi cet amendement vise à ce que, dans le respect des personnes concernées, cette transmission de coordonnées soit indiquée dès la rédaction du bail. Cela permettrait à la personne d’être au fait de sa situation, dès lors qu’elle rencontrerait un problème de paiement.

Cette transparence peut faciliter l’entrée en relation des intervenants sociaux et juridiques avec le locataire et favoriser ainsi la relation d’aide. Cette rédaction permet de préciser le contenu de la transmission.

Ce souhait figurait déjà dans l’objet d’un amendement défendu par Mme Estrosi Sassone en tant que rapporteur pour avis.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Cette précision a paru utile à la commission. Elle faisait partie des recommandations du rapport Démoulin, publié en 2021, qui constatait qu’il était difficile de joindre les locataires pour les informer de leurs droits et leur proposer un accompagnement social.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 93, présenté par M. Reichardt, au nom, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Remplacer le mot :

sixième

par le mot :

septième

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Reichardt, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une erreur légistique.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Avis favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 93.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 55

Après l’article 5

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 50 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 72 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La saisine de la commission de médiation départementale par le demandeur, après la délivrance du jugement d’expulsion et lorsqu’il est devenu exécutoire, suspend les effets du commandement de quitter les lieux jusqu’à la réception par le demandeur de la décision de la commission. »

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 50.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à suspendre les effets du commandement de quitter les lieux, lorsque le ménage ou la personne qui fait l’objet d’un jugement d’expulsion saisit la commission de médiation départementale.

Les prioritaires Dalo concernés par des commandements de quitter les lieux peuvent faire un recours auprès de la commission de médiation départementale. En 2018, plus de 55 000 recours ont été déposés devant les huit commissions de médiation d’Île-de-France et le nombre de recours est en augmentation.

La commission de médiation départementale contribue considérablement à lutter contre la précarité locative. Suspendre la procédure d’expulsion donnerait de meilleures chances à une mise en œuvre effective du Dalo.

Cet amendement est issu d’une proposition de l’association Droit au logement.

Mme le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 72.

M. Gérard Lahellec. Cet amendement, qui tend à suspendre les effets du commandement de quitter les lieux tant qu’une reconnaissance de priorité Dalo n’est pas établie, a été fort bien défendu par M. Benarroche.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Il est défavorable. L’accompagnement social des locataires en difficulté ne doit pas commencer à l’issue de la décision judiciaire, mais dès les premiers impayés. C’est le sens des amendements que nous avons portés, Dominique Estrosi Sassone et moi-même, lors de l’examen du texte en commission.

Mes chers collègues, vos amendements risqueraient non seulement de ralentir une procédure d’expulsion locative déjà très longue, puisqu’elle peut durer jusqu’à trois ans, mais aussi d’engorger les commissions de médiation par le signal qu’ils enverraient.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. L’État est tenu de prêter son concours à l’exécution d’une décision de justice. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces amendements.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 et 72.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 5 - Amendements n° 50 et n° 72
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 52

Mme le président. L’amendement n° 55, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un article L. 412-… ainsi rédigé :

« Art. L. 412-. – Aucun concours de la force publique ne peut être accordé par la procédure d’expulsion locative lorsque des mineurs sont présents dans le logement et que la famille n’a pas obtenu de proposition de relogement adaptée à ses besoins et à ses capacités. »

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet d’interdire toute expulsion locative, lorsque des personnes mineures sont présentes dans le logement et que la famille n’a pas obtenu de proposition de relogement – il faut que les deux conditions soient remplies.

Cette mesure a pour objet de lutter contre les expulsions de familles. La France compte 4,1 millions de personnes mal logées, dont 600 000 enfants, selon le rapport de 2021 sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre – et je ne pense pas que ces chiffres aient diminué en 2022.

Ce sont autant d’enfants qui vivent dans la rue ou qui sont hébergés chez des tiers, à l’hôtel, dans des squats ou dans des structures d’hébergement collectives, toutes situations mettant en péril leur intégrité physique et morale.

La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), le collectif des Associations unies et le collectif Jamais sans toit ont alerté sur le fait que le nombre d’enfants scolarisés qui dorment dans la rue a augmenté de 86 % en 2022 par rapport à l’année 2021.

Certaines familles arrêtent de payer le loyer pour protester contre les conditions insalubres dans lesquelles elles vivent. De nombreux cas ont été médiatisés, où des moisissures empêchent les enfants de respirer ; c’est parfois un balcon, voire le plafond, qui menace de s’effondrer.

Nous souhaitons donc interdire toute expulsion locative, lorsque des mineurs sont présents dans les lieux et qu’aucune solution de relogement n’a été proposée pour la famille.

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 55
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 6 (nouveau)

Mme le président. Mon cher collègue, je vous propose de présenter à la suite l’amendement n° 52.

M. Guy Benarroche. Volontiers, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 52, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 6° du I de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La clause de résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ne peut produire aucun effet si le bailleur ne respecte pas les obligations d’encadrement du loyer prévu par les dispositions mentionnées au I de l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dans les zones mentionnées au premier alinéa de l’article 17 de la présente loi. »

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à suspendre les effets de la clause de résiliation de plein droit du contrat de location, lorsque le bailleur ne respecte pas l’encadrement des loyers dans les zones tendues.

Le législateur a introduit à l’article 140 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, une disposition permettant d’encadrer les loyers dans les zones dites tendues. Certains bailleurs se placent en infraction de ce point de vue, en fixant des loyers trop élevés. Comment permettre à un bailleur étant lui-même en infraction de résilier le contrat de location, parce que le locataire ne paie pas le loyer ?

Lorsque le propriétaire ne respecte pas les règles d’encadrement des loyers, il ne doit pas pouvoir faire jouer la clause de résolution du bail et demander l’expulsion de son locataire.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. L’objectif de l’amendement n° 55 est louable et je ne pense pas me tromper en affirmant qu’ici nous le partageons tous. Néanmoins, je ne pourrai pas émettre un avis favorable sur cet amendement tel qu’il est rédigé.

Je rappelle tout d’abord que les demandes de concours de la force publique ne sont pas une compétence liée du préfet. Celui-ci dispose d’un délai de deux mois pendant lequel il s’informe, auprès des services sociaux et des services de police, de la situation économique et sociale et, bien entendu, de la composition du foyer des personnes à expulser. Aucun texte ne limite son pouvoir d’appréciation. Tout au plus est-il précisé, à l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution, que le bailleur a droit à une indemnité, si le préfet lui refuse le concours de la force publique.

Il n’est ainsi pas rare que les demandes de concours de la force publique soient refusées. D’après les chiffres de la Cour des comptes, en 2019, les préfets ont instruit 52 860 demandes de concours de la force publique, parmi lesquels 35 208 ont été accordés, les 17 652 demandes restantes ayant été refusées, explicitement ou implicitement.

Supprimer le pouvoir d’appréciation du préfet, qui prend déjà en compte les conséquences sociales qu’aurait une expulsion avec le concours de la force publique, permettrait à des parents de mauvaise foi – il en existe peut-être – de se maintenir de façon indéfinie sans droit ni titre dans un logement, sans qu’aucune solution d’expulsion soit possible.

En outre, l’amendement mentionne le relogement des familles, alors qu’il pourrait s’agir de groupes d’occupants illicites, mêlant des adultes et des mineurs sans qu’un lien familial ne les lie véritablement. Dans ce cas, si nous adoptions cet amendement, un tel groupe pourrait se maintenir indéfiniment dans le logement malgré la décision judiciaire d’expulsion.

Je rappelle enfin que le juge peut déjà accorder des délais différant l’expulsion, en prenant en compte la situation de famille – cela est prévu par le code des procédures civiles d’exécution.

Même avis défavorable sur l’amendement n° 52, car la mesure qu’il comporte paraît disproportionnée, mais aussi susceptible de provoquer une explosion des contentieux. En cas de contentieux locatif, le juge peut d’ores et déjà vérifier d’office les éléments constitutifs de la dette locative, ainsi que le caractère décent du logement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Sur l’amendement n° 55, l’avis est défavorable, car l’État est tenu de prêter son concours à l’exécution d’une décision de justice. Comme la commission, nous avons confiance en la sagacité du juge et dans le discernement du préfet, qui prend en compte l’évaluation sociale.

Sur l’amendement n° 52, puisque nous estimons que ce texte doit trouver un équilibre entre le droit des locataires et celui des propriétaires, le Gouvernement émet un avis favorable. Si le propriétaire ne respecte pas l’encadrement des loyers, il se met en faute. Cet amendement est donc intéressant.

Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Puisque le Gouvernement a émis un avis favorable, j’espère que nos collègues du groupe Les Républicains vont comprendre l’importance d’appliquer concrètement le principe d’égalité – principe qui a beaucoup été évoqué sur ce texte…

Vous dites qu’il faut laisser le préfet décider. Pour avoir été ministre, je sais que le problème du préfet, ce sont les crédits. Dans le cas où il décide de ne pas recourir à la force publique, l’État doit payer le loyer correspondant ; lorsqu’il n’a plus de crédits à sa disposition, il atteint les limites de sa marge de manœuvre !

Or il s’agit ici d’enfants ! Quel avenir faisons-nous à notre République ? Nous savons déjà que 25 % des enfants vivent dans des familles qui sont en dessous du seuil de pauvreté. Si de plus une partie d’entre eux ont l’expulsion sans relogement comme image de la République – même si leurs parents ne sont pas des saints –, quelle idée peuvent-ils se faire de la protection républicaine ?

Gare aux conséquences sociales et politiques de nos décisions ! La contestation des principes mêmes de notre République augmentera dans la partie de la jeunesse la plus paupérisée. Or nous avons besoin de son adhésion. Attention à l’effet boomerang !

Franchement, il ne doit pas être si compliqué de trouver une solution. Et, s’il faut doubler les crédits pour éviter les expulsions, faisons-le ! Ce ne sera rien en comparaison de tout ce qu’on gaspille ici ou là, et ce sera très utile à notre République.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 52
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 7 (nouveau)

Article 6 (nouveau)

Le chapitre III du titre V du livre Ier du code des procédures civiles d’exécution est ainsi modifié :

1° L’article L. 153-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les modalités d’évaluation de la réparation due au propriétaire en cas de refus du concours de la force publique afin d’exécuter une mesure d’expulsion sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;

2° Au début de l’article L. 153-2, les mots : « L’huissier » sont remplacés par les mots : « Le commissaire ».

Mme le président. L’amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein, ministre délégué. L’article 6 vise à modifier l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution, en disposant que les modalités d’évaluation de la réparation due aux propriétaires en cas de refus du concours de la force publique afin d’exécuter une mesure d’expulsion sont précisées par décret en Conseil d’État.

Les articles L. 153-1 et R. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution pose déjà le principe de la réparation en cas de refus de concours de la force publique. Dès lors que la loi prévoit une réparation intégrale du préjudice, un décret d’application est inutile : tous les chefs de préjudice doivent être indemnisés.

Tant les chefs indemnisables que les modalités de leur évaluation sont déterminés par la jurisprudence administrative, selon des principes applicables de manière uniforme sur l’ensemble du territoire national et sous le contrôle du juge administratif qui peut être saisi par le bailleur, dans l’hypothèse où la préfecture ferait une proposition d’indemnisation insuffisante.

Enfin, cet article se fonde sur le postulat selon lequel seuls 54 % des propriétaires font une demande d’indemnisation en raison de la complexité du dispositif et de la disparité entre les règles appliquées par les préfectures. Mais un décret en Conseil d’État précisant les modalités d’évaluation de la réparation due aux propriétaires serait sans incidence sur la méconnaissance par les victimes des droits dont elles disposent.

L’article 6 n’est donc pas nécessaire et peut donc être supprimé. C’est l’objet de l’amendement n° 89.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Je ne suis pas convaincu par l’argumentaire du Gouvernement.

Au contraire, un décret permettrait d’harmoniser les pratiques et rendrait plus lisible le cadre normatif régissant l’indemnisation des propriétaires qui se voient refuser le concours de la force publique. Tout gain en lisibilité favorise l’appropriation d’un dispositif par le public qu’il concerne.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 89.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 6.

(Larticle 6 est adopté.)

Chapitre III

Renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté

(Division nouvelle)

Article 6 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Article 8 (nouveau)

Article 7 (nouveau)

I. – L’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement est ainsi rédigé :

« Art. 7-2. – Une commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives est créée dans chaque département. Elle est coprésidée par le représentant de l’État dans le département, le président du conseil départemental et le président de la métropole lorsqu’il assure la gestion d’un fonds de solidarité intercommunal prévu à l’article 7.

« Cette commission a pour missions de :

« 1° Coordonner, évaluer et orienter le dispositif de prévention des expulsions locatives défini par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées et la charte pour la prévention de l’expulsion ;

« 2° Décider du maintien ou de la suspension de l’aide personnelle au logement lorsque le bénéficiaire ne règle pas la dépense de logement, conformément à l’article L. 824-2 du code la construction et de l’habitation ;

« 3° Orienter et répartir entre ses membres le traitement des signalements de personnes en situation d’impayé locatif notifié au représentant de l’État dans le département par les commissaires de justice afin d’assurer leur accompagnement social et budgétaire, l’apurement de la dette locative et, le cas échéant, les démarches de relogement. L’orientation auprès des services sociaux des conseils départementaux, des fonds de solidarité pour le logement et des commissions de surendettement s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article ;

« 4° Délivrer des avis et des recommandations à tout organisme ou personne susceptible de participer à la prévention de l’expulsion, ainsi qu’aux bailleurs et aux locataires concernés par une situation d’impayé ou de menace d’expulsion. La commission émet également des avis et des recommandations en matière d’attribution d’aides financières sous forme de prêts ou de subventions et d’accompagnement social lié au logement, suivant la répartition des responsabilités prévue par la charte de prévention de l’expulsion.

« La commission est informée des décisions prises à la suite de ses avis. Elle est destinataire du diagnostic social et financier mentionné au III de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

« Pour l’exercice de sa mission, la commission est informée par le représentant de l’État dans le département :

« – des situations faisant l’objet d’un commandement d’avoir à libérer les locaux lui ayant été signalés conformément à l’article L. 412-5 du code des procédures civiles d’exécution ;

« – de toute demande et octroi du concours de la force publique mentionné au chapitre III du titre V du livre Ier du même code en vue de procéder à l’expulsion.

« Elle est également informée de toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée ou accordant des délais de paiement conformément au V de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée, qui lui sont notifiées à la diligence du commissaire de justice dans un délai défini par décret. Cette notification s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article.

« La commission est informée par le commissaire de justice en charge de l’exécution des opérations d’expulsion qu’il réalise par l’intermédiaire du système d’information prévu au même dernier alinéa.

« Les membres de la commission et les personnes chargées de l’instruction des saisines sont soumis au secret professionnel dans les conditions prévues à l’article 226-13 du code pénal. Par dérogation au même article 226-13, les professionnels de l’action sociale et médico-sociale, définie à l’article L. 116-1 du code de l’action sociale et des familles, fournissent aux services instructeurs de la commission les informations confidentielles dont ils disposent et qui sont strictement nécessaires à l’évaluation de la situation du ménage au regard de la menace d’expulsion dont il fait l’objet.

« Par dérogation à l’article 226-13 du code pénal, les services instructeurs de la commission transmettent les informations confidentielles dont ils disposent à l’organisme compétent désigné à cette fin par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, prévu à l’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990, suivant la répartition de l’offre globale de services d’accompagnement vers et dans le logement aux fins de réalisation du diagnostic social et financier dans les conditions prévues au III de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

« La commission peut être saisie par un de ses membres, par le bailleur, par le locataire et par toute institution ou personne y ayant intérêt ou vocation.

« Elle est alertée par :

« a) La commission de médiation, pour tout recours amiable au titre du droit au logement opposable fondé sur le motif de la menace d’expulsion sans relogement ;

« b) Les organismes payeurs des aides au logement, systématiquement, en vue de prévenir leurs éventuelles suspensions par une mobilisation coordonnée des outils de prévention ;

« c) Le fonds de solidarité pour le logement, lorsque son aide ne pourrait pas, à elle seule, permettre le maintien dans les lieux ou le relogement du locataire.

« La composition et les modalités de fonctionnement de la commission, notamment du système d’information qui en permet la gestion, sont fixées par décret en Conseil d’État. »

II. – Le 2° de l’article L. 824-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :

« 2° Dans les autres cas, saisit la commission mentionnée à l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement afin qu’elle décide du maintien ou non du versement. »

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 19 est présenté par MM. Patriat, Théophile, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° 90 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

d’un lieu habité

II. – Alinéa 13

Après le mot :

expulsion

insérer les mots :

de lieux habités

III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le chapitre Ier du titre III du livre IV du code des procédures civiles d’exécution est complété par un article L. 431-… ainsi rédigé :

« Art. L. 431-…. – Si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, le commissaire de justice en charge de l’expulsion transmet une copie du procès-verbal d’expulsion signifié ou remis à la personne expulsée au représentant de l’État dans le département ainsi qu’à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.

« Cette transmission s’effectue par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa de l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement. »

La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 19.

Mme Nadège Havet. L’article 7 s’appliquerait en l’état à l’ensemble des procédures d’expulsion, sans distinction de la nature et de l’affectation des lieux objets de l’expulsion.

Au vu de l’objectif poursuivi, qui est de permettre aux Ccapex d’assurer un meilleur suivi des locataires expulsés, il semble opportun de limiter la communication des informations relatives aux seules expulsions de locaux habités.

Notre amendement vise aussi à procéder à une mise en conformité, en prévoyant la transmission dématérialisée au préfet et à la Ccapex, par le commissaire de justice, du procès-verbal qu’il réalise lors de l’expulsion d’un lieu habité.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 90.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Il est défendu.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Ces deux amendements identiques nous paraissent superfétatoires, puisque l’article 7 prévoit déjà que les Ccapex ne sont compétentes qu’en matière de prévention des expulsions locatives, ce qui exclut les situations de squat qui pourraient concerner des locaux commerciaux, des entrepôts ou des box de parking.

La commission émet néanmoins un avis favorable sur ces amendements, puisque la transmission dématérialisée des procès-verbaux d’expulsion de lieux habités au préfet et aux Ccapex par les commissaires de justice est une disposition utile.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 90.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme Létard, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Après le mot :

pénal,

insérer les mots :

sous réserve de l’accord du locataire,

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Les informations communiquées par les travailleurs sociaux et médico-sociaux sont des éléments strictement nécessaires à l’évaluation de la situation du ménage au regard de la menace d’expulsion. Ce point sécurise le partage d’informations et le respect des personnes accompagnées.

Ainsi, parce que c’est important d’un point de vue déontologique et sur le plan de l’éthique, le présent amendement vise à préciser que ces informations seront communiquées par les professionnels sociaux et médico-sociaux avec l’accord du locataire.

Cette pratique doit s’inscrire dans une relation de confiance et dans le respect de la personne accompagnée. Le cadre posé permet au professionnel d’être en cohérence avec les principes éthiques de la relation d’aide et d’être transparent avec le locataire en difficulté.

Cette précision est d’autant plus importante que les réalités de terrain montrent que les personnes rencontrent des difficultés à aller au-devant des institutions et des professionnels qui sont pourtant engagés dans une démarche d’aide. Il existe des représentations, une peur, une honte pour le locataire d’exprimer ses difficultés, qui relèvent de l’intime.

Dans ce climat de méfiance, le partage d’informations doit être le plus lisible possible pour les personnes, car il aura des répercussions directes sur la mise en lien et la relation de confiance entre les professionnels et le public.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Bien que nous comprenions largement votre préoccupation, ma chère collègue, je ne peux émettre un avis favorable sur cet amendement, pour deux raisons.

D’abord, la soumission des membres de la Ccapex au secret professionnel dans les conditions prévues par le code pénal semble déjà une garantie suffisante. Il est en outre dans l’intérêt des locataires que les Ccapex et les services sociaux disposent des informations nécessaires à l’appréciation de leur situation afin de les orienter vers les bons dispositifs d’accompagnement et d’éviter ainsi l’expulsion.

Puis, cet amendement ne me paraît pas viser le bon dispositif juridique. Il conviendrait plutôt d’ajouter le conditionnement de l’accord du locataire à l’alinéa 14, qui traite de la transmission aux Ccapex des données confidentielles par les professionnels de l’action sociale et médico-sociale, plutôt qu’à l’alinéa 15, qui traite de la transmission de ces données des Ccapex vers les services sociaux qui élaborent les diagnostics sociaux et financiers.

Avec regret, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Il nous semble que cet amendement est satisfait par le droit actuel, puisque la transmission des informations aux Ccapex et aux travailleurs sociaux est soumise aux règles du règlement général sur la protection des données (RGPD), ce qui garantit la prise en compte des droits du locataire.

L’avis est donc défavorable.

Mme le président. Madame Létard, l’amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?

Mme Valérie Létard. Non, je le retire, madame le président, puisqu’il ne vise pas le bon alinéa.

Ce sont les travailleurs sociaux qui m’ont suggéré cet amendement. Certes, ils sont tenus par le secret professionnel, mais la relation de confiance avec une famille est toujours difficile à établir. Or elle est essentielle et il faut la faire vivre.

Je crois que nous devons garder en tête cette question pour la suite de l’examen de ce texte.

Mme le président. L’amendement n° 30 rectifié est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 92 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 20

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

« Ces alertes s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article.

« La commission saisit directement les organismes publics ou les personnes morales suivants aux fins de permettre le maintien dans les lieux, le relogement ou l’hébergement d’un locataire menacé d’expulsion dont elle a connaissance :

« a) Le fonds de solidarité pour le logement afin qu’il instruise une demande d’apurement d’une dette locative, lorsque son aide peut permettre le maintien dans les lieux ou le relogement d’un locataire en situation d’impayé locatif qui lui a été signalé ;

« b) Le service intégré d’accueil et d’orientation, systématiquement, dès lors qu’elle est notifiée par le préfet d’un octroi de concours de la force publique, afin qu’il soit procédé à l’enregistrement d’une demande d’hébergement au bénéfice du ménage concerné.

« Ces saisines s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Cet amendement vise à répondre plus rapidement aux besoins du locataire comme du bailleur en matière de résolution des impayés locatifs et de prévention des expulsions.

La dématérialisation des alertes effectuées par les partenaires locaux de la prévention des impayés permettra de simplifier les modalités de saisine administrative des Ccapex et d’accélérer le traitement des informations qu’elles contiennent par les services déconcentrés de l’État.

Cet amendement tend également à permettre à la Ccapex de saisir les dispositifs adaptés pour traiter le plus rapidement possible les dettes locatives dont elle a connaissance, au bénéfice du bailleur, et de solliciter en fin de procédure les dispositifs d’hébergement pour éviter les éventuelles mises à la rue des locataires en situation difficile.

Mme le président. L’amendement n° 57 rectifié, présenté par M. Capo-Canellas, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 20

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

« Ces alertes s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article.

« La commission peut saisir directement les organismes publics ou les personnes morales suivants aux fins de permettre le maintien dans les lieux ou le relogement d’un locataire menacé d’expulsion dont elle a connaissance :

« a) Le fonds de solidarité pour le logement afin qu’il instruise une demande d’apurement d’une dette locative, lorsque son aide peut permettre le maintien dans les lieux ou le relogement d’un locataire en situation d’impayé locatif qui lui a été signalé ;

« b) Le service intégré d’accueil et d’orientation, systématiquement, dès lors qu’elle est notifiée d’un octroi de concours de la force publique par le préfet.

« Ces saisines s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article.

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. L’intention de cet amendement est la même que celle de l’amendement qui vient d’être défendu. Comme ce dernier est plus précis, je m’y rallie, en retirant le mien.

Mme le président. L’amendement n° 57 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 92 rectifié ?

M. André Reichardt, rapporteur. Il est favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 92 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 20 est présenté par M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° 91 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 22 et 23

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

II. – L’article L. 824-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :

« Art L. 824-2. – Lorsque le bénéficiaire de l’aide personnelle ne règle pas la dépense de logement, l’organisme payeur :

« 1° Saisit la commission de coordination des actions de prévention des expulsions mentionnée à l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement afin qu’elle décide du maintien ou non du versement ;

« 2° Met en place les démarches d’accompagnement social et budgétaire du ménage afin d’établir un diagnostic social et financier du locataire et remédier à sa situation d’endettement. Le diagnostic est transmis à la commission mentionnée au précédent alinéa.

« Cette saisine et la transmission du diagnostic s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du même article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire. »

La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 20.

M. Martin Lévrier. Cet amendement vise à réécrire l’article L. 824-2 du code de la construction et de l’habitation afin de définir précisément les rôles respectifs de la caisse d’allocations familiales (CAF) et de la Ccapex en cas d’impayé d’un allocataire et de garantir que la Ccapex soit effectivement décisionnaire en la matière.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 91.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Il est défendu.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Ces amendements identiques apportent des précisions rédactionnelles pertinentes.

Ils évitent toute confusion entre le rôle des CAF et celui des Ccapex, tout en maintenant le pouvoir décisionnaire de ces dernières en matière de versement des aides personnelles au logement (APL) en cas d’impayés de loyer.

J’émets donc un avis favorable sur ces deux amendements.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 91.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Après l’article 8

Article 8 (nouveau)

Aux premier et dernier alinéas de l’article L. 271-5 du code de l’action sociale et des familles, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « , le représentant de l’État dans le département ou la commission de coordination des actions de prévention des expulsions peuvent ». – (Adopté.)

Article 8 (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Après l’article 8

Mme le président. Les amendements nos 32 rectifié sexies et 31 rectifié sexies ne sont pas soutenus.

Intitulé de la proposition de loi

Mme le président. L’amendement n° 35, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi condamnant les plus précaires à la rue

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Comme pour un livre ou un film, l’intitulé d’une proposition de loi doit correspondre à son contenu. Sinon, ce serait une publicité indélicate, pour le dire ainsi… (Sourires.)

Or, même modifié, parfois de manière considérable, par la commission des lois et la commission des affaires économiques et malgré l’adoption de quelques amendements durant la séance publique, dont certains avaient été déposés par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, nous estimons que ce texte ne correspond pas à l’intitulé qu’il porte.

Pour éclaircir les choses, nous proposons de souligner dans son intitulé les conséquences qu’aurait son adoption : condamner les plus précaires à la rue ! (Nouveaux sourires.)

Mme Éliane Assassi. Je ne suis pas certaine que cela passe… (Rires.)

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Avis défavorable, sans surprise : nous ne partageons pas le jugement très négatif que portent nos collègues du groupe écologiste sur cette proposition de loi, qui a été singulièrement améliorée et enrichie par nos débats. Son titre correspond bien, dorénavant, à son contenu et nous souhaitons le maintenir tel quel.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

Après l’article 8
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je remercie de nouveau notre rapporteur André Reichardt. Je suis très heureuse d’avoir travaillé de concert avec lui. Nous avons effectué plusieurs auditions en commun, dans un calendrier particulièrement contraint, et je pense que nous avons atteint nos objectifs.

Avec ce texte, nous avons souhaité renforcer la lutte contre le squat et contre l’usage dilatoire des procédures par des locataires de mauvaise foi.

Nous avons néanmoins voulu assurer une claire distinction entre les squatteurs et les locataires en difficulté, distinction qui n’existait pas dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale – monsieur le ministre, je crois que vous en êtes conscient. (M. le ministre le confirme.)

En ce qui concerne la lutte contre le squat, nous avons réintégré plusieurs mesures que le Sénat avait adoptées en janvier 2021 dans une proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat, que j’avais déposée. Du temps a été perdu, monsieur le ministre : si cette proposition de loi avait été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, ces mesures seraient déjà en application. Pour autant, j’espère qu’elles le seront désormais rapidement.

Mme le président. Veuillez conclure, chère collègue !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Nous avons aussi voulu favoriser le développement du logement intercalaire et, enfin, débloquer la prévention précoce des impayés de loyer.

Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Tout au long de nos échanges, il nous a été expliqué qu’il était inadmissible de rentrer chez soi et de trouver quelqu’un qui s’y était installé. C’est vrai, mais les lois en vigueur sanctionnent déjà ce type de comportement ! C’est d’ailleurs ce motif qui a justifié, durant l’année 2021, 170 concours de la force publique, concours qui sont délivrés en quarante-huit heures.

Vous l’aurez remarqué : aucun de nos amendements ne proposait de revenir sur ces dispositions. Elles permettent déjà l’intervention de la police et la condamnation à des peines de prison.

Nous regrettons que le mal ne soit pas traité à la racine et que, par exemple, les logements vides ne fassent jamais l’objet de réquisitions, alors que la loi le permet.

Ce que nous regrettons encore davantage, c’est que ces quelques situations de squat – 170 donc – servent de prétexte pour légiférer, alors que les 300 000 personnes sans domicile sont encore dans l’attente de l’ombre d’une loi.

Les impayés qui conduisent à la suppression d’un bail sont d’abord causés, je le répète, par l’absence d’une politique publique ambitieuse en matière de logement.

Rien n’est fait pour limiter le prix des loyers, dont la part augmente considérablement dans le budget des ménages, pris en étau entre la hausse des prix et la baisse du pouvoir d’achat.

Selon le 28e rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France qui a été présenté hier, 5,7 millions de personnes fournissent un effort financier excessif pour se loger.

Monsieur le ministre, mardi soir, vous vous êtes satisfait d’une augmentation de 1 % du nombre de places en hébergement, quand le nombre de personnes sans domicile a de son côté augmenté de 10 % !

Nous restons donc dans ce même rapport d’un à dix, au même titre que l’on compte dix logements vacants pour une personne sans domicile fixe. Il faudrait donc faire dix fois plus, mais encore faudrait-il s’attaquer réellement aux inégalités d’accès au logement !

Avec ce texte, vous voulez condamner à des amendes supplémentaires celles et ceux à qui vous n’avez pas réussi à garantir un logement digne et accessible.

Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Éliane Assassi. Rappelons que 2,3 millions de personnes attendent un logement social encore aujourd’hui dans notre pays.

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Reichardt, rapporteur. Permettez-moi de remercier à mon tour la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques pour la qualité de nos échanges.

Je remercie également le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, et l’ensemble de mes collègues qui ont participé à nos travaux, ainsi que, plus globalement, toutes celles et tous ceux qui ont contribué à l’amélioration de ce texte – et je n’hésite pas à dire qu’il en avait besoin.

Je voudrais saluer la qualité de nos débats et la civilité des interventions des uns et des autres.

Enfin, nous nous félicitons, monsieur le ministre, du fait que ce texte va continuer son parcours parlementaire. (M. le ministre acquiesce.) Nous pourrons alors, à n’en pas douter, l’améliorer encore ; en raison du court laps de temps dont nous disposions pour travailler, nous n’avons pas pu approfondir tous les sujets comme nous le souhaitions.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Comme vous, tous les matins et tous les soirs, je croise de nombreuses personnes qui sont à la rue. À un moment, sans doute, ces personnes ont eu un logement, puis les vicissitudes de la vie les ont amenées là où elles sont aujourd’hui.

La question à se poser est de savoir si ce texte est de nature ou non à diminuer le nombre de personnes à la rue. Je n’en suis pas certain ; je pense même clairement le contraire, son but étant d’abord d’accélérer les expulsions.

On nous a beaucoup parlé d’équilibre.

Certes, la commission a tenté de rendre la proposition de loi légèrement moins implacable et déséquilibrée en faveur des bailleurs. Certes, une distinction a été opérée entre les squatteurs et les locataires qui rencontrent des difficultés pour payer leur loyer.

Je prends acte de ces avancées, mais au fond, ce texte ne va pas dans le bon sens : il tend surtout à rigidifier et à judiciariser.

Pourtant, l’arsenal juridique existe déjà. Il faut faire en sorte d’appliquer les décisions de justice. Il faut que le préfet aille au bout des procédures, mais aussi qu’il puisse reloger les personnes qui en ont besoin.

La situation est critique et cette proposition de loi ne fera que l’aggraver. Aussi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera-t-il contre.

Mme le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je félicite à mon tour la commission et les rapporteurs pour le travail qu’ils ont effectué, en particulier pour la distinction qui a été clairement établie entre les squatteurs et les locataires.

Je suis de très près le dossier des squatteurs depuis seize ans et je vous répète, monsieur le ministre, comme je l’ai dit à tous vos prédécesseurs, qu’une disposition législative existe.

Je veux parler du fameux article 38 – certes examiné en pleine nuit – de la loi dite Dalo du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable. Si la justice et les préfets avaient appliqué cette disposition, nous ne serions peut-être pas contraints de légiférer de nouveau pour préciser les choses.

Plusieurs ministres m’ont répondu qu’ils allaient vérifier ce point et faire en sorte que la loi s’applique. Or je vous assure que, depuis seize ans, j’en ai vu des commissaires et des préfets qui ignoraient les dispositions de cet article 38 de la loi Dalo !

Pour que la loi soit efficace, il faut qu’elle soit appliquée. Je rejoins sur ce point Daniel Salmon : si elle l’était, peut-être n’aurions-nous pas besoin de légiférer de nouveau.

Mme le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.

Mme Valérie Létard. À mon tour de féliciter nos deux rapporteurs, qui ont vu arriver sur le bureau du Sénat et dans les commissions un texte que le groupe Union Centriste n’aurait sans doute pas voté en l’état.

Pour ma part, je ne l’aurais certainement pas voté, tant la façon dont étaient traités les squatteurs et les locataires défaillants était absolument inacceptable.

Le rééquilibrage que vous avez permis, madame, monsieur les rapporteurs, était indispensable. Il nous conduit d’ailleurs à voter en faveur de ce texte qui, par ailleurs, a été nourri et enrichi par des dispositions venant de la proposition de loi que Dominique Estrosi Sassone avait déposée au Sénat. J’ajoute que, si cette proposition avait été reprise par l’Assemblée nationale, nous aurions avancé plus rapidement.

En tout cas, le travail important réalisé par le Sénat apporte des outils utiles à la gestion et à la prévention des impayés de loyer.

La première des solutions serait évidemment de ne pas laisser ces familles en difficulté s’embarquer dans un tel engrenage. Il est absolument essentiel de réduire les délais, d’être plus efficace en amont et de favoriser les échanges entre tous les acteurs de la gestion des impayés de loyer.

Les amendements adoptés, qui proviennent de tous les groupes politiques, mais aussi du Gouvernement, ont permis d’enrichir le travail des rapporteurs.

Chacun pourra, avec sa propre sensibilité et même si nos votes sont différents, reconnaître que le Sénat a fait œuvre utile.

Aujourd’hui sortira de cette assemblée un texte qui permettra d’améliorer la gestion des relations entre les propriétaires et les locataires. Surtout il opère une distinction, qui est nécessaire, entre les squatteurs, d’un côté, et les locataires fragiles, de l’autre.

Le Sénat a donc joué son rôle !

Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne reviendrai pas sur le caractère injuste de cette proposition de loi ni sur le fait que de telles dispositions fragiliseront davantage la situation de nombre de nos concitoyens.

Je suis convaincue que rien ne sera réglé. Une fois que, par décision de justice, vous aurez mis fin à un squat – je ne parle pas ici des squats de domiciles occupés –, quinze jours plus tard, ce sera rebelote ! Il réapparaîtra avec d’autres personnes. Il faut donc traiter ces sujets autrement, faute de quoi rien ne sera réglé.

Puisque le garde des sceaux a entendu nous donner avant-hier une grande leçon, j’aimerais qu’il adresse une circulaire aux procureurs pour qu’ils arrêtent de classer sans suite les litiges mettant en cause des propriétaires qui se conduisent de manière incorrecte – la quasi-totalité de ces litiges est classée sans suite !

Les locataires engagent-ils une procédure pour logement indécent ? Classée sans suite ! Une plainte contre des propriétaires qui font des travaux dans les cages d’escalier pour rendre invivable le logement et virer les gens ? Classée sans suite !

Je connais dix organismes HLM qui ont déposé plainte auprès du procureur de la République, précisément parce que les réseaux de squatteurs que nous voulons combattre s’étaient installés illégalement. Ces plaintes ont été classées sans suite !

Plutôt que de faire de grandes déclarations, le garde des sceaux devrait publier une circulaire visant à rectifier ces situations et à affirmer haut et fort que le droit au logement est fondamental et que les classements sans suite que je viens de citer doivent cesser.

Il ne sert à rien de légiférer, si c’est pour constater ensuite que, les lois n’étant pas appliquées, on doit encore les durcir… Je regrette ce type d’attitude.

Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 123 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 252
Contre 91

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Je salue à mon tour le travail des commissions, en particulier celui des deux rapporteurs, Mme la sénatrice Estrosi Sassone et M. le sénateur Reichardt. Je remercie également l’ensemble des sénateurs et des sénatrices qui ont participé à nos débats.

Le travail de qualité réalisé au Sénat a concouru – j’en suis convaincu – à améliorer ce texte et à le rendre plus équilibré encore. Nous poursuivrons ces enrichissements en deuxième lecture !

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
 

10

Ordre du jour

Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 7 février 2023 :

À quatorze heures trente :

Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, exprimant le soutien du Sénat à l’Ukraine, condamnant la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l’aide fournie à l’Ukraine, présentée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues (texte n° 201 rectifié, 2022-2023) ;

Débat sur le thème « Automobile : tout électrique 2035, est-ce réalisable ? » ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (texte de la commission n° 268, 2022-2023) ;

Débat sur les conclusions du rapport « Commerce extérieur : l’urgence d’une stratégie publique pour nos entreprises ».

Le soir :

Débat sur les conclusions du rapport « Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme France ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

nomination de membres dune commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions dadaptation au droit de lUnion européenne dans les domaines de léconomie, de la santé, du travail, des transports et de lagriculture a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : Mmes Catherine Deroche, Pascale Gruny, MM. Laurent Duplomb, Hervé Maurey, Didier Marie, Mmes Corinne Féret, Nicole Duranton ;

Suppléants : Mme Chantal Deseyne, MM. Cyril Pellevat, Jean-François Rapin, Michel Canévet, Mme Monique Lubin, M. Stéphane Artano, Mme Cathy Apourceau-Poly.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER