compte rendu intégral
Présidence de M. Vincent Delahaye
vice-président
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
M. Dominique Théophile.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Sur le scrutin public n° 119, mon collègue Philippe Paul et moi-même souhaitions nous abstenir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.
M. Jean-Michel Arnaud. Sur ce même scrutin public n° 119, M. Olivier Cadic souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin concerné.
3
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Action des collectivités territoriales en matière de politique du logement
Rejet d’une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, de la proposition de loi visant à renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement, présentée par M. Ronan Dantec et plusieurs de ses collègues (proposition n° 217, résultat des travaux de la commission n° 275, rapport n° 274).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à partager avec vous ma conviction profonde : les difficultés d’accès au logement sont aujourd’hui l’un des principaux facteurs, peut-être le principal, de la déstabilisation de la société française. Cette conviction est celle des sénatrices et sénateurs du groupe écologiste, qui ont tenu à inscrire l’examen de cette proposition de loi visant à renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement dans leur espace réservé. Mais l’objet de ce texte est, je le crois, partagé sur toutes les travées par des sénateurs de différentes régions, tous confrontés à l’accélération de cette fracture.
Ce sentiment d’injustice, ces difficultés au quotidien pour se loger nourrissent l’aigreur collective, le vote pour une offre extrémiste de recroquevillement. Néanmoins – c’est la « bonne nouvelle » du moment –, toute la France ne se résigne pas aux injustices sociales. Les manifestations de ce mardi l’ont montré…
Le coût du logement n’a cessé d’augmenter de manière considérable depuis trente ans. Le phénomène naît et s’installe d’abord dans les zones urbaines, à Paris et en petite couronne, dans les années 1990, puis dans des métropoles, comme Nantes et Rennes dans les années 2000 ou Bordeaux dix ans plus tard. Il n’est ainsi pas rare de voir des biens se vendre aujourd’hui en euros au même prix qu’il y a trente ans, mais, à l’époque, on payait en francs ! Cela représente une multiplication par six au cours de cette période !
Nous connaissons les conséquences de ce déséquilibre en termes de reflux de la mixité résidentielle et scolaire – Éric Maurin en parlait déjà voilà quinze ans –, d’étalement urbain, d’explosion des mobilités contraintes et de consommation d’espaces naturels et agricoles. La nécessité et l’urgence du ZAN, ou « zéro artificialisation nette », sont aussi en lien direct avec cette rupture dans les parcours résidentiels pour les petites classes moyennes et leur éloignement des centres urbains.
Ces trente dernières années, la ruée vers les zones littorales de l’ouest et du sud-ouest et l’augmentation vertigineuse des prix de l’immobilier en bord de mer, que la crise du covid-19 a, semble-t-il, encore accélérées, ont aussi entraîné une véritable fracture dans le peuplement. Je suis d’origine finistérienne : nous ne pouvions pas imaginer que, dans ce département, où les habitants sont particulièrement attachés à leur commune, il deviendrait en cinq ans à peine impossible pour beaucoup d’acquérir une maison, même petite, sur leur territoire de naissance et de vie.
Le sénateur de Loire-Atlantique que je suis ne peut que constater cette situation inextricable dans un département cumulant attractivité métropolitaine et attractivité touristique. C’est maintenant vers les départements limitrophes que sont poussés les ménages modestes, avec les difficultés que nous savons en termes de mobilité et d’accès aux services publics. Et je ne parle pas ici de tous ceux qui ne trouvent tout simplement plus à se loger ; les chiffres publiés par la Fondation Abbé Pierre sont suffisamment explicites à ce sujet. Cette fondation insiste d’ailleurs sur l’explosion du mal-logement en zone littorale.
Nous sommes donc dans une situation grave, et le débat, déjà long, que nous avons eu dans cet hémicycle lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, avec des cris d’alerte venant de toutes les travées, a souligné l’urgence à agir.
Cette proposition de loi n’a pas la prétention de régler à elle seule la crise actuelle. Courte – c’est un texte d’initiative parlementaire –, elle veut d’abord souligner l’importance de l’intervention des collectivités territoriales, sans lesquelles nous ne pourrons pas agir efficacement. Elle vise donc à en renforcer les budgets pour en conforter l’action.
Depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, les régions ont acquis une compétence pour faciliter l’accès au logement. Certaines s’en sont d’ailleurs saisies pour financer la production de logements sociaux. C’est surtout le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), c’est-à-dire le document de planification dont elles ont la charge, qui va devenir de plus en plus le document stratégique de référence. Il fixera les lieux de la production de logement, car il intégrera notamment la cartographie de synthèse du ZAN, après les travaux menés à l’échelle des plans locaux d’urbanisme (PLU), des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) et des schémas de cohérence territoriale (Scot).
La région va jouer un rôle de plus en plus important dans les politiques de logement, indissociables des politiques d’emploi et d’aménagement du territoire ; c’est le sens de l’histoire. Elle se doit donc d’être confortée, car ses besoins en ingénierie et en animation territoriale, sans parler des aides directes à la construction, seront de plus en plus importants.
Je n’ignore pas qu’il n’y a pas au sein des régions un consensus sur la manière de décliner cette compétence sur l’accès au logement. Nous le savons, certaines régions sont réticentes à se positionner plus fortement sur cette compétence, au risque d’être happées et de se retrouver en première ligne. Toutefois, déjà, cette modeste proposition de loi participe au nécessaire débat sur le rôle des régions dans les futures politiques du logement. Au regard des débats qu’a déjà suscités ce texte, il n’était probablement pas inutile de mettre une pièce dans la machine…
Beaucoup plus consensuel, le renforcement du rôle des établissements publics fonciers locaux (EPFL) est souhaité par tous. Je ne connais pas aujourd’hui, en Loire-Atlantique, un seul élu, quelle que soit sa couleur politique, qui ne le demande pas. D’ailleurs, mes chers collègues, vous avez reçu du réseau des EPFL un courrier de soutien très clair à cette proposition de loi.
Ce texte ne porte pas sur l’articulation entre les établissements publics fonciers locaux et les établissements publics fonciers de l’État (EPFE), où les collectivités locales jouent aussi un rôle important ; le débat eût été trop large, mais il devra avoir lieu. Mes collègues du groupe écologiste et moi-même avons simplement cherché à répondre à l’urgence, sachant qu’avec la mise en œuvre du ZAN, les besoins d’intervention sur la réhabilitation des cœurs de bourgs ou d’anciennes zones artisanales deviendront de plus en plus considérables. Ainsi, en Loire-Atlantique, bien que l’EPFL ait été renforcé, il ne peut pas répondre à l’ensemble des demandes des communes.
L’article 2 de la proposition de loi devrait, je crois, faire l’objet d’un véritable consensus entre nous et nous permettre de gagner du temps. Si nous votons ce texte aujourd’hui, il faut tenir compte de la navette parlementaire, des délais pour que les EPFL votent les changements de taux – si tel est le cas, puisqu’il s’agit d’une mesure optionnelle –, tout cela prendra plus d’un an. Au regard de l’urgence de la situation, il faut absolument gagner du temps.
Qui dit dépenses pour les régions ou pour les EPFL dit recettes… La logique de cette proposition de loi est donc d’asseoir les recettes sur l’un des facteurs de déstabilisation actuels : l’explosion du nombre de résidences secondaires dans certains territoires. Aujourd’hui, le nombre de résidences secondaires augmente plus rapidement que la production de logements neufs : par exemple, il y a près de 300 000 résidences secondaires en Bretagne ! De ce point de vue – je me tourne vers notre collègue Max Brisson –, la situation du Pays basque est emblématique.
En zones tendues, il est clair que les résidences secondaires participent à la déstabilisation du marché du logement. En ajoutant donc une surtaxe raisonnable, de 0 % à 25 %, pour les propriétaires de ces biens, nous ne les amènerons probablement pas à les remettre sur le marché – ce n’est de toute façon pas le sens de ce texte –, mais nous permettrons une augmentation substantielle de la capacité d’action des EPFL, qui, selon nos calculs, pourraient dans certains territoires voir leurs recettes multipliées par deux, s’ils appliquent le taux de 25 %. Si nous avons restreint le dispositif aux zones tendues, le débat reste ouvert pour l’étendre à l’ensemble des périmètres des EPFL.
Enfin, et j’insiste beaucoup sur ce point, il s’agit d’une possibilité, non d’une obligation. Ce sont les élus qui gèrent les EPFL qui décideront de l’augmentation. En outre, il s’agit d’une augmentation extrêmement raisonnable, entre 0 % et 25 %. Nous avons repris ce qui avait été proposé voilà quelques semaines par Philippe Bas – je ne sais pas s’il faut prendre Philippe Bas en exemple ce matin (Sourires.) – puis adopté au Sénat dans un quasi-consensus. Ce texte s’inspire donc de ce que vous avez déjà voté, mes chers collègues.
Le Sénat regrette très régulièrement la perte d’autonomie fiscale des collectivités ; c’est un autre point de consensus entre nous. Cette proposition de loi la renforce.
Le Sénat s’émeut de la déstabilisation du marché du logement en zone littorale, ce qui donne lieu à de nombreuses interventions dans cet hémicycle. Cette proposition de loi tend à renforcer l’action des élus locaux pour y répondre.
Aussi, parce que cette proposition de loi s’est beaucoup inspirée des débats les plus consensuels que nous avons eus dans cet hémicycle, nous ne pouvons qu’espérer un vote largement majoritaire sur un texte simple visant à répondre à l’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen du dernier projet de loi de finances, nous avons assez longuement débattu du développement des résidences secondaires et de ses effets sur le marché local de l’immobilier, en particulier sur les contraintes en termes d’accès au logement pour les résidents permanents.
Depuis 2010, on constate une augmentation assez nette du nombre des résidences secondaires : 16,5 %, contre moins de 10 % pour les résidences principales. La proportion de résidences secondaires est particulièrement élevée sur le littoral atlantique et en Corse. Ce développement accentue la tension sur le marché du logement, surtout dans les territoires où la population est en augmentation, obligeant les personnes qui travaillent dans les communes touristiques à résider elles-mêmes de plus en plus loin.
Il faut toutefois se garder d’une vision uniforme selon laquelle le développement des résidences secondaires serait systématiquement défavorable aux résidents locaux : les résidences secondaires constituent aussi une source d’attractivité et d’enrichissement pour l’économie locale, en particulier là où la densité de population est moins importante.
Face à ce phénomène, la fiscalité locale a évolué significativement ces dernières années en défaveur des résidences secondaires par rapport aux résidences principales. Je rappellerai deux mesures.
En premier lieu, la taxe d’habitation des résidences principales a été progressivement supprimée. Depuis le 1er janvier 2023, elle ne s’applique qu’aux seules résidences secondaires, d’où son appellation de taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS).
En second lieu, la loi de finances pour 2023 a étendu le périmètre dans lequel s’applique la taxe sur les logements vacants et où les communes peuvent également appliquer une majoration de 5 % à 60 % de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Alors que ce périmètre se limitait auparavant à des zones tendues de plus de 50 000 habitants, la majoration de la THRS pourra désormais être décidée dans des communes situées dans des zones d’urbanisation plus petites, notamment dans celles où le taux de résidences secondaires est élevé.
La liste de ces communes n’est, certes, pas encore connue, car le décret d’application n’a pas encore été pris. Monsieur le ministre, peut-être serez-vous en mesure de nous apporter aujourd’hui des précisions sur le calendrier de ce décret.
Lorsque le nouveau zonage sera connu, des milliers de communes acquerront probablement la possibilité de majorer la THRS, précisément dans les zones visées par la présente proposition de loi.
Le développement des résidences secondaires est donc un phénomène avéré, qui doit être pris en compte dans les politiques du logement.
La proposition de loi que nous examinons, déposée par M. Ronan Dantec et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, constate ce phénomène et cherche à apporter à certaines catégories d’acteurs publics, à savoir les régions et les établissements publics fonciers locaux, les moyens d’accomplir leur mission en matière de politique du logement et d’aménagement. Je profite de l’occasion pour saluer la qualité du travail de Ronan Dantec et de nos échanges. Je salue également Daniel Breuiller.
Les deux articles sont similaires dans leur dispositif. Il s’agit de créer deux taxes additionnelles à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
La première serait instituée au profit de la région, sur délibération du conseil régional ; c’est l’objet de l’article 1er. La seconde serait reversée aux établissements publics fonciers locaux et à l’office foncier de la Corse ; c’est l’objet de l’article 2.
Dans les deux cas, cela ne concerne pas l’ensemble du territoire : seules sont visées les zones dans lesquelles peuvent s’appliquer la taxe sur les logements vacants et la surtaxe de THRS, c’est-à-dire les zones tendues, notamment touristiques. En outre, la taxe de l’article 2 ne s’appliquerait que dans le périmètre des EPFL, c’est-à-dire sur une part très limitée du territoire national, car la plupart des territoires sont uniquement couverts par un EPFE, certains ne le sont d’ailleurs par aucun établissement public foncier ; nous savons tous qu’il existe des zones blanches et qu’il faudra s’attaquer à ce problème.
Le taux de chacune de ces taxes pourrait varier de 0 % à 25 % de la valeur locative, en fonction des délibérations du conseil régional ou du conseil d’administration de l’EPF.
Comme l’indique l’exposé des motifs, il s’agit d’abord de taxes de rendement, qui visent à apporter des ressources aux régions et aux EPFL. Ces taxes auraient-elles une influence sur les propriétaires de résidences secondaires ? C’est plus difficile à déterminer. On peut penser que beaucoup d’entre eux ne mettront pas en location de manière permanente un logement, simplement parce que le taux de taxation aura augmenté. Il est possible toutefois que certains fassent le choix d’acquérir une résidence secondaire dans une zone où ces taxes ne seront pas instituées, ce qui pourrait donc avoir un effet sur la politique de logement locale.
Or l’un des principaux obstacles que je vois à ces dispositions est celui de la mise en cohérence entre les autorités chargées de la compétence logement. Si l’État conserve une part essentielle dans la définition de la politique du logement, notamment des aides de guichet, la mise en œuvre locale de la politique du logement relève pour l’essentiel des communes et des intercommunalités, même si la loi NOTRe a attribué aux régions une compétence pour promouvoir « le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine ».
En outre, cette proposition de loi permettrait aux établissements publics fonciers (EPF) non seulement d’accroître leurs ressources, mais aussi – et c’est une nouveauté – de décider sur quelle catégorie de contribuables la ressource serait prélevée, en l’occurrence les propriétaires de résidences secondaires.
Je crains donc qu’il n’y ait un risque d’interférence ou de manque de cohérence dans la mise en œuvre de la politique du logement, car les régions et les EPF, d’une part, et les communes et intercommunalités, d’autre part, n’ont ni le même périmètre ni nécessairement les mêmes stratégies.
De surcroît, cette ressource n’est assortie d’aucune obligation d’utilisation. Par conséquent, rien ne garantit que le produit serait bien utilisé pour des actions en faveur de l’accès au logement. D’ailleurs, les régions ne sont pas demandeuses d’une telle ressource. (M. Ronan Dantec manifeste son scepticisme.)
Du point de vue du contribuable, les nouvelles taxes et la hausse brutale de la taxe d’habitation qu’elles entraîneraient seraient importantes. Un logement taxé aujourd’hui à 30 % ou 40 % pourrait l’être désormais à 80 % ou 90 %, avec l’ajout de nouvelles lignes sur l’avis d’imposition qui rendraient plus difficile encore la compréhension de la fiscalité par les contribuables.
Le risque d’inconstitutionnalité lié à de tels taux d’imposition est d’ailleurs élevé, en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État.
En outre, comment justifier, du point de vue du principe d’égalité entre les contribuables, que la taxe prévue par l’article 2 puisse frapper le logement situé dans le périmètre d’un EPFL, mais pas celui qui est situé dans le périmètre d’un EPFE ?
Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, la commission des finances n’a pas adopté cette proposition de loi et vous proposera donc le rejet des deux articles.
La solution paraît effectivement prématurée, voire inadaptée, même si, je le répète, le sujet est réel.
Par exemple, il paraît nécessaire de permettre aux établissements publics fonciers d’assurer leurs missions, qui iront croissant au cours des années à venir. Les EPF participent aux programmes Action cœur de ville, Petites Villes de demain, à la réhabilitation et la dépollution de friches, à la constitution de réserves foncières pour les collectivités…
De manière générale, la mise en œuvre du ZAN entraînera mécaniquement une raréfaction de la ressource foncière, et il est important que les collectivités locales puissent s’appuyer sur les EPF.
Dans la mesure où les établissements publics fonciers sont en partie financés par une dotation budgétaire qui compense les effets de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, faut-il maintenir cette dotation, qui ne prend pas en compte les extensions de périmètre des EPF, la renforcer ou au contraire envisager une ressource fondée sur une assiette locale et moins soumise aux arbitrages annuels de l’État ? Voilà l’une des questions sous-jacentes à cette proposition de loi.
La réponse n’est probablement pas dans la création d’une nouvelle taxe, surtout réservée à une catégorie d’EPF. La taxation des résidences secondaires doit s’apprécier dans un périmètre plus large : celui du financement de la politique locale du logement et de l’aménagement.
Par ailleurs, nous devons laisser vivre les évolutions de fiscalité proposées par la loi de finances pour 2023, c’est-à-dire la possibilité de majorer la THRS qui sera précisément accordée aux territoires visés par cette proposition de loi. En outre, les conditions concrètes d’application du ZAN doivent évoluer avec la révision des décrets pris l’an passé et, nous l’espérons, une évolution du cadre légal telle que la propose la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, pour laquelle le Sénat a constitué une commission spéciale hier.
Ensuite seulement, il faudra avancer sur la définition de la fiscalité et du financement de l’objectif, en s’appuyant sur des travaux comme le récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité du ZAN. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte examiné ce matin permet de mettre en lumière un phénomène particulièrement prégnant dans de très nombreux points de notre territoire. Le constat que vous établissez, monsieur Dantec, est d’une grande clarté et d’une grande justesse.
L’inflation des prix de l’immobilier, alimentée notamment par la multiplication des résidences secondaires, crée un problème d’accès au logement pour les Français qui, parfois depuis des générations, vivent dans ces villes, dans ces départements, dans tous les lieux touchés par ce phénomène, en particulier dans la région qui est la vôtre, monsieur le sénateur.
Les chiffres de l’Insee en attestent : la tendance s’est accélérée au cours de la dernière décennie. Depuis 2010, le nombre de résidences secondaires a augmenté de 16,5 %, contre moins de 10 % pour les résidences principales. Même si les résidences secondaires représentent environ un logement sur dix, il faut être attentif à la dynamique à l’œuvre.
La multiplication des résidences secondaires ne concerne pas uniquement le sud de la France. Elle touche aussi la côte Atlantique et les agglomérations de grandes métropoles comme Lyon, Toulouse ou encore Bordeaux.
Le Gouvernement partage donc une grande partie de votre diagnostic, monsieur le sénateur. Les tensions sur les prix sont incontestables et certaines communes, certains quartiers sont devenus inaccessibles pour des gens qui doivent alors déménager pour aller vivre plus loin – plus loin de leur travail, plus loin des lieux dans lesquels ils sont parfois nés, plus loin de lieux auxquels ils sont profondément attachés –, et ce d’autant que ces zones, souvent touristiques, se dévitalisent en ne connaissant plus que des habitats intermittents à mesure que les résidences secondaires deviennent prépondérantes.
Cette proposition de loi pose ainsi des questions sérieuses, et de très nombreux parlementaires ou élus locaux se retrouvent sans doute dans le constat que vous faites.
Pour y répondre, monsieur le sénateur, vous proposez des mesures de nature fiscale. Sans conteste, la fiscalité et, plus largement, l’incitation financière ont leur rôle à jouer, mais en complément d’autres instruments, car cela ne suffira pas pour tout résoudre.
De manière générale, la Gouvernement a la conviction que l’on ne peut pas régler tous les problèmes de notre pays par une accumulation de taxes et que nous devons collectivement veiller à ne pas multiplier les prélèvements sur nos compatriotes en cette période. Qui plus est, les résidences secondaires ne sont pas forcément détenues par les plus aisés : l’Insee estime que 34 % des propriétaires de résidences secondaires sont dans le dernier décile de revenus.
Concrètement en effet, ce texte propose de créer deux nouvelles taxes additionnelles à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, dont les recettes bénéficieraient respectivement aux régions et aux établissements publics fonciers, qu’ils soient d’État ou locaux. Ces taxes s’appliqueraient dans les zones géographiques en tension qui conditionnent déjà la possibilité, pour les communes, d’appliquer une majoration de la THRS.
La première taxe serait instituée sur délibération du conseil régional, qui pourrait en fixer le taux dans une fourchette comprise entre 0 % et 25 % de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires applicable dans la commune concernée. La seconde obéit à un mécanisme similaire, mais serait instituée au profit des établissements publics fonciers.
Le Gouvernement ne peut pas soutenir une telle proposition, pour plusieurs raisons.
D’abord, le Gouvernement est très attentif à maîtriser la pression fiscale dans notre pays. Or, monsieur le sénateur, vous proposez un cumul d’impositions qui pourrait d’ailleurs être considéré comme confiscatoire par le juge constitutionnel. En effet, une même assiette fiscale – en l’occurrence, la valeur locative cadastrale d’un bien – se verrait appliquer une succession de taxes et de majorations avec, au final, un taux d’imposition global à des niveaux extrêmement élevés.
À titre d’illustration, le taux d’imposition pour les résidences secondaires situées à Grenoble pourrait atteindre plus de 84 %. Nous doutons que le Conseil constitutionnel puisse valider cela.
En outre, le type de fiscalité que vous proposez existe déjà largement, puisque les établissements publics fonciers, par exemple, perçoivent déjà des taxes spéciales d’équipement (TSE), réparties sur les impôts fonciers, dont la THRS.
La TSE est fixée par les établissements publics fonciers locaux en fonction de leurs engagements financiers, dans la limite de 20 euros par habitant. En pratique, il demeure une marge significative sous ce plafond, car le montant moyen de la TSE est aujourd’hui de 11 euros sur l’ensemble du territoire.
En termes de financement des établissements fonciers, nous estimons donc que des marges existent, sans qu’il faille créer de nouveaux prélèvements.
Ensuite, monsieur le sénateur, l’outil que vous recherchez existe déjà. Nous avons beaucoup avancé sur ces sujets dans le cadre de la dernière loi de finances.
Tout d’abord, je veux rappeler qu’en 2023 – le Gouvernement s’en félicite –, la taxe d’habitation est intégralement supprimée pour la résidence principale, mais continue de s’appliquer sans aucune forme d’allègement pour les résidences secondaires. Cette réforme crée donc un différentiel de fiscalité qui permet de rendre fiscalement bien plus attractive l’occupation d’un logement en tant que résidence principale.
Surtout, dans le cadre de la loi de finances pour 2023, nous avons renforcé les marges de manœuvre dont disposent les communes pour imposer les résidences secondaires. Sur l’initiative du député Xavier Roseren, dont la proposition a été approuvée par le Sénat, la définition des zones tendues a été complétée pour intégrer pleinement les communes touristiques dans le champ de cet outil en cas de tensions.
C’est un levier extrêmement puissant. Dans les zones en tension, les logements vacants sont automatiquement imposés à la taxe sur les logements vacants (TLV) après un an de vacance, et les conseils municipaux peuvent décider d’instituer une majoration de la cotisation de THRS comprise entre 5 % et 60 %.
J’ajoute que, toujours dans cette optique de résorption de la non-occupation des logements, la dernière loi de finances a aussi augmenté d’un tiers les taux de la TLV. À compter de 2023, les taux de cette taxe sont portés à 17 % la première année et à 34 % dès la deuxième, contre respectivement 12,5 % et 25 % jusqu’à présent.
Ce sont des outils extrêmement puissants. À titre d’exemple, appliquer la majoration à hauteur de 60 % représente en moyenne un montant d’impôt de 536 euros pour un appartement.