Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Demilly. … dont la conduite nécessite un travail collectif, discipliné et transparent.
Le pragmatisme et la responsabilité devant guider nos choix politiques, le groupe Union Centriste votera pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais revenir un instant sur la question du calendrier. (Ah ! sur plusieurs travées.)
Certaines interventions ont un caractère paradoxal.
M. François Bonhomme. Vous êtes des experts en la matière !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. On demande la présentation immédiate d’une loi de programmation pluriannuelle de l’énergie – arguant du respect du débat public, lequel se déroule maintenant. Et il faudrait également, comme vous l’affirmiez, monsieur le sénateur Gay, que la réforme du marché de l’électricité soit terminée ! Elle se déroule maintenant. De surcroît, nous devrions enfin déjà disposer des propositions du nouveau patron d’EDF sur le financement et sur la régulation du programme – travail qu’il est en train d’accomplir maintenant.
M. Fabien Gay. Nous sommes rassurés !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous m’accorderez peut-être que c’est là confondre vitesse et précipitation. Nous sommes respectueux du débat public. Il est très clair que je ne foulerai pas aux pieds cette demande des Français d’y participer, participation dont vous avez d’ailleurs voté le principe, pour me précipiter et vous faire décider du mix énergétique des prochaines années. C’est d’autant plus légitime que nous parlons de la programmation pluriannuelle de l’énergie 2024-2028, avec une perspective de long terme : sauf erreur, 2024, c’est l’année prochaine. Nous faisons donc l’exercice dans le bon sens.
Parce que nous prenons nos responsabilités (M. Fabien Gay s’exclame.), nous agissons en temps masqué pour anticiper les jalons administratifs des décisions qui pourraient être prises sur la production nucléaire, et pour accélérer la production d’énergies renouvelables – vous le savez comme moi, nous sommes déjà en retard sur les objectifs de production renouvelable pour les années 2018-2023.
M. Fabien Gay. La faute à qui ?
M. François Bonhomme. Les deux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … les versions différant selon l’endroit où l’on se trouve dans l’hémicycle…
Vous m’accorderez que c’est en 2007 qu’il eût fallu prendre une décision si l’on avait voulu disposer aujourd’hui de réacteurs nucléaires !
Pour autant, je ne me permettrai pas de mettre qui que ce soit en cause dans cette enceinte, pour une raison qui n’est pas complètement neutre.
En effet, en 2007, notre production d’électricité était excédentaire, sans le sentiment d’urgence dû au réchauffement climatique.
Par ailleurs, en 2011, un accident a marqué tous les esprits : celui de Fukushima, occasion pour chacun de se distancier plus ou moins du nucléaire. De fait, ne récrivons pas a posteriori l’histoire : oui, cela a jeté un coup de froid sur la filière. Actuellement, certains groupes, davantage représentés à l’Assemblée nationale qu’ici d’ailleurs, affichent leur soutien au nucléaire alors qu’ils étaient contre à l’époque. Je n’entrerai pas dans le détail des choses…
M. Fabien Gay. Fine allusion…
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’en arrive à l’acceptabilité.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez rappelé à cet égard des éléments importants : cette acceptabilité, locale et nationale, suppose d’aller jusqu’au bout du débat engagé sous l’égide de la Commission nationale du débat public. C’est ce que nous faisons, suivant en cela vos précieux conseils.
Vous indiquez également que la réussite du programme dépend de facteurs qui ne sont pas d’ordre législatif : je partage totalement ce point de vue. Ainsi, dès 2018, dans le discours que j’ai mentionné dans mon introduction, le Président de la République demandait à EDF de travailler au lancement d’un programme de nouveau nucléaire.
Vous le voyez, cet engagement date donc non pas de la semaine dernière, mais de plus de quatre ans.
En 2019, nous signions un contrat stratégique de filière nucléaire, qui programmait notamment le renforcement des compétences et le renforcement de la sous-traitance.
En 2020, c’était l’un des six secteurs prioritaires mis en avant dans le cadre du plan de relance, avec un plan de montée en investissement de 472 millions d’euros pour les sous-traitants de la filière nucléaire.
En 2021, nous lancions France 2030, avec 1,2 milliard d’euros pour la recherche et développement, ainsi que l’innovation, qui s’ajoutent aux montants déjà existants. Nous pourrions certes encore renforcer ce programme, mais il a au moins le mérite d’exister et d’avoir été doté. Actuellement, il n’est pas consommé intégralement, même si tous les appels à projets ont d’ores et déjà été lancés, notamment pour accompagner la création de nouveaux SMR, mais aussi les fermetures de sites.
Je rappelle également que 200 millions d’euros sont consacrés au renforcement des compétences, ce qui conduit à prendre des décisions sur le territoire – je pense notamment à la région Normandie.
En 2022, nous avons engagé les débats sur le mix énergétique et sur le nucléaire. Justement, dans ce souci d’accessibilité et de démocratie, nous avons nommé un délégué interministériel au nouveau nucléaire et un nouveau président-directeur général d’EDF, avec une mission, très claire, d’excellence opérationnelle et, sur le nucléaire existant, la prolongation des centrales, sans oublier le programme nouveau nucléaire, entre autres.
Vous nous interpellez sur la présentation que vous jugez précipitée du projet de loi. Je rappelle qu’il a été déposé le 2 novembre dernier sur le bureau du Sénat, c’est-à-dire il y a deux mois et demi.
Une précision face au doute exprimé sur le mix énergétique. Nous n’examinons pas la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. Néanmoins, de façon à mettre en accord nos paroles et nos actes, nous ne reviendrons pas sur la modification apportée en commission au plafond du nucléaire. Très clairement, nous défendons un projet de relance du nucléaire, il n’est donc pas illégitime d’envoyer à la filière le signal selon lequel il n’y a pas de plafonnement à 61 gigawatts de puissance.
Néanmoins, nous présenterons un amendement rappelant qu’il faudra diversifier la production électrique. La raison, mathématique, est toute simple : d’ici à 2035, les seules augmentations de production nucléaire d’électricité seront marginales – le raccordement de Flamanville, qui apportera entre 1 gigawatt et 1,5 gigawatt, et l’amélioration des délais de maintenance, qui fait l’objet d’un audit que nous avons commandé et dont les préconisations, en cours d’application, devraient faire gagner de trois à quatre semaines sur les arrêts pour maintenance.
Les scénarios sont donc les suivants : soit nous n’augmentons pas notre production électrique et nous resterons au niveau nucléaire actuel, en étant totalement dépendants pour notre approvisionnement énergétique de pays dont certains, vous l’avez rappelé, ne sont pas nos amis, soit nous prenons nos responsabilités en main – ce que vous avez fait en votant, très largement, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables – et, mécaniquement, le pourcentage des énergies renouvelables sera plus élevé qu’aujourd’hui. Les calculs sont clairs. Nous ne proposerons donc pas de pourcentage cible, parce que c’est l’objet de la programmation pluriannuelle de l’énergie, mais aussi parce que c’est une réalité physique que, dans les quinze ans qui viennent, la part du renouvelable augmentera dans notre mix énergétique. Je nous le souhaite, en tout cas, si nous voulons bâtir une véritable indépendance énergétique.
J’en arrive à la question de Mme Primas sur les quatorze réacteurs : il s’agit de ce que la filière affirme être en mesure de construire d’ici à 2050. Je suis prête à remettre ce chiffre en cause et souhaiterais, bien sûr, que nous puissions en construire davantage, mais je préfère tenir une ligne crédible, compte tenu de ce qu’avance la filière. Je rappelle également que ces quatorze réacteurs sont bien compatibles avec le scénario dit de réindustrialisation.
Quant au projet Astrid – le directeur du CEA vous l’a dit au cours de son audition –, son arrêt a été proposé par les acteurs de la filière. C’est non pas, comme j’ai pu l’entendre, une décision avant tout politique, mais une décision correspondant à une analyse de la réalité de ce projet.
M. Stéphane Piednoir. Une analyse politique, alors…
M. Fabien Gay. Je n’y crois pas !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La recherche et développement est soutenue.
Monsieur le sénateur Dantec, j’entends et j’apprécie votre propos, mais je rappelle un élément basique, sans doute technocratique : l’énergie nucléaire est une énergie bas-carbone, abondante, à un prix actuellement compétitif (Exclamations sur les travées du groupe GEST. – M. François Bonhomme s’exclame également.), qui représente 70 % de notre mix énergétique, et heureusement, sans quoi nous serions en grande difficulté aujourd’hui.
Mme le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes
Avant le titre Ier
Mme le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Avant le titre Ier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 542-2 du code de l’environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
«… – Sont interdits l’exportation et le stockage à l’étranger de l’uranium de retraitement. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre préliminaire
Mesures visant à garantir la souveraineté et l’indépendance énergétiques de la France
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement tend à interdire l’exportation et le stockage de l’uranium de retraitement à l’étranger. En effet, l’exposé des motifs du projet de loi que nous examinons insiste sur « notre besoin impératif et souverain d’indépendance énergétique ».
Cette ambition de l’indépendance énergétique de la France affichée par le Gouvernement justifie une mise en cohérence avec l’arrêt des exportations d’uranium de retraitement à l’étranger. Les conditions environnementales et de stockage en Sibérie, à Tomsk, n’ont jamais été rendues publiques, et les autorités françaises n’ont aucun moyen de s’en assurer.
Le Gouvernement a par ailleurs demandé aux industriels du secteur nucléaire de mettre un terme à leurs exportations d’uranium de retraitement vers la Russie. Cela a notamment été confirmé par l’Association nationale des comités et commissions locales d’information, lors d’une réunion du 18 novembre 2022 au cours de laquelle la société EDF a fait état de cette demande.
C’est pourquoi nous entendons introduire des dispositions qui prennent acte de cet arrêt des exportations. Il faut aller au bout de ce que l’on avance.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement, qui vise à interdire l’exportation et le stockage à l’étranger de l’uranium de retraitement, n’est pas souhaitable. L’importation et l’exportation d’uranium font déjà l’objet d’autorisations et d’interdictions.
Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller et Dossus, Mme de Marco, MM. Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Avant le titre Ier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 125-15 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 125-15-… ainsi rédigé :
« Art. L. 125-15-…. – Tout exploitant et toute personne publique ou privée qui importe ou exporte de l’uranium établit chaque année un rapport qui contient des informations concernant :
« 1° La catégorie d’uranium concerné (appauvri, naturel, enrichi) ;
« 2° L’origine géographique de cette matière nucléaire et les destinations exactes ;
« 3° Le trajet réalisé par cette matière nucléaire ;
« 4° Les noms des entreprises impliquées dans ces chaînes d’approvisionnement dont notamment celles auxquelles l’uranium est acheté et celles en charge du transport.
« Le rapport est rendu public. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre préliminaire
Mesures visant à garantir la souveraineté et l’indépendance énergétiques de la France
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à mettre en cohérence le texte avec son objectif de souveraineté énergétique, tel qu’il est affiché dans son exposé des motifs, souveraineté dont on parle beaucoup avec le nucléaire, mais qui n’est guère présente. Il renforce la transparence sur les importations et les exportations d’uranium.
En effet, la France est tributaire de nombreux pays, dans l’ordre le Kazakhstan, l’Australie, le Niger et l’Ouzbékistan, ainsi que la Russie, pour enrichir l’uranium naturel. Entre 2000 et 2012, elle a importé de Russie près de 1 000 tonnes d’uranium enrichi par an, soit presque la totalité de sa consommation. On n’en parle pas beaucoup…
Sur les neuf premiers mois de 2022, malgré la guerre en Ukraine, la France a importé 290 tonnes d’uranium enrichi de Russie, près du tiers de sa consommation…
Orano précise que près de 44 % des ressources en uranium se situent dans les pays de l’OCDE, ce qui mettrait les importations à l’abri de chantages géopolitiques. C’est moins évident pour les filières d’enrichissement.
Les importations se font au prix de compromissions avec certains régimes autoritaires, et au mépris de la santé des populations locales.
L’ambition de sécurité de l’approvisionnement et la question de la fiabilité des partenaires commerciaux – un risque géopolitique élevé dans le secteur du nucléaire – commandent une nécessaire transparence de l’État et des acteurs industriels français. C’est pourquoi nous proposons la publication, par les exploitants publics et privés, d’un rapport annuel sur les importations et les exportations d’uranium. Un peu de transparence ne nuit pas…
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’obligation faite aux exploitants de rédiger un rapport annuel public sur les importations et les exportations d’uranium, telle qu’elle est proposée, ne serait pas opportune.
D’une part, l’article L. 125-15 du code de l’environnement dispose que tout exploitant publie un rapport de transparence et de sûreté nucléaire.
D’autre part, dans le cadre des procédures de participation du public, le code de l’environnement exclut la divulgation d’éléments de nature à porter atteinte à la défense nationale, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique et des personnes et à la conduite de la politique extérieure de la France, ainsi qu’au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d’infractions pénales et aux droits de propriété intellectuelle.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce sera un avis défavorable, pour les raisons exprimées par M. le rapporteur.
Je rappelle, tout d’abord, que la transparence est assurée par le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), qui donne beaucoup d’informations sur les éléments que vous avez mentionnés – ce n’est pas forcément le cas de toutes les filières.
De plus, j’aimerais qu’on applique la même rigueur à l’approvisionnement en terres rares pour les filières d’énergies renouvelables, car nous rencontrons exactement les mêmes difficultés – je pense d’ailleurs que celles-ci sont nettement mieux maîtrisées s’agissant de la filière uranium. Le Gouvernement est d’ailleurs impliqué sur ces sujets, et a mobilisé la Commission européenne.
Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je remercie le Gouvernement de nous proposer régulièrement des projets de loi sur l’énergie, qui sont l’occasion de poser de nombreuses questions auxquelles nous ne recevons jamais de réponse…
C’est tout de même étonnant, après des interventions en discussion générale où nous avons parlé de décentralisation, de transparence et de démocratie, que, dès avant le premier article, on nous réponde qu’on ne nous dira rien ! C’est problématique.
Je veux bien entendre que, certes, tout n’est pas clair sur les terres rares. Je vous rappelle toutefois qu’on nous a raconté que les terres rares étaient toutes hors d’Europe, alors que les Suédois nous annoncent disposer de millions de tonnes de réserves. Ainsi, l’Europe aura à gérer ses propres activités extractives, mais nous ne dépendons pas du tout du reste du monde, contrairement à ce que l’on dit régulièrement.
Madame la ministre, ma question est extrêmement précise, et je pense que vous pouvez y répondre sans lever le secret-défense : pourquoi mettons-nous la pression sur la Russie avec le gaz et, plus encore, avec le pétrole, mais pas avec le nucléaire ? C’est très problématique, alors qu’il y a une guerre en Europe et que nous savons très bien qu’il faut assécher les finances russes si nous voulons sortir de ce conflit – je pense que nous partageons tous la même préoccupation quant à la démocratie et à l’avenir de l’Europe. Que se passe-t-il sur le nucléaire pour que nous n’ayons pas la même stratégie ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. En aucun cas nous n’avons pris de sanctions sur le gaz russe. Il n’y en a pas aujourd’hui ! Je le rappelle, il existe des sanctions sur le pétrole – 5 décembre, 5 février – mais, contrairement à ce que vous indiquez, pas sur le gaz russe. Pourtant, de telles sanctions pourraient, si nous suivons votre raisonnement, avoir des répercussions sur l’économie russe bien plus importantes que les quelques millions d’euros échangés pour le nucléaire : en effet, nous parlons là de milliards d’euros. Votre présentation n’est donc pas conforme à la réalité.
Pourquoi n’y a-t-il pas de sanctions sur le gaz russe aujourd’hui ? La raison en est que l’objectif est de ramener les Russes à la table des négociations, et que nous prenons les sanctions les plus « mordantes » pour eux. Dans l’ordre, nous avons donc pris des sanctions visant les personnalités russes les plus proches du pouvoir, puis sur les éléments les plus susceptibles de freiner l’effort de guerre ou de pénaliser l’économie du pays, pour ramener les Russes à la table des négociations, dans un objectif de paix.
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je souscris plutôt à l’avis de Mme la ministre et de M. le rapporteur. Nous devrions avoir ce débat dans le cadre de la PPE. Si l’on pratique la transparence sur la filière nucléaire, il faut le faire sur toutes les filières énergétiques.
Non, je ne confonds pas souveraineté, indépendance et sécurité. Il est faux de dire que, sur le nucléaire, nous sommes souverains, parce que nous dépendons de l’uranium kazakh, russe ou nigérien, extrait dans de mauvaises conditions sociales et environnementales. Oui, il faut le dire.
Cependant – nous avons eu ce débat cet été, avec Mme la ministre, et elle nous avait alors répondu de façon transparente –, il ne faut pas oublier que le gaz qatarien, le gaz américain, est, très majoritairement, environ à hauteur de 80 %, issu des gaz de schiste.
La question des terres rares est, elle aussi, posée.
D’ailleurs, nous ne sommes pas non plus souverains pour les énergies renouvelables, puisque nous n’avons pas de filière industrielle : nous dépendons de la Chine.
Donc, si nous posons la question de la transparence pour toutes les filières industrielles, je suis entièrement d’accord : ayons ce débat dans le cadre de la PPE et rendons l’information publique, pour le nucléaire, pour les énergies renouvelables et pour le reste – pour tout le monde ! Nous ne pouvons pas avoir ce débat sur la seule filière nucléaire.
Pour notre part, nous ne voterons pas cet amendement, mais, s’il revient sous la forme que nous souhaitons, nous abonderons dans votre sens.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. En effet, cher Fabien Gay, nous parlons du nucléaire, mais c’est parce que, aujourd’hui, nous examinons un texte sur le nucléaire… (Sourires.) Cela nous semble en adéquation.
Quand on parle de nucléaire, on nous parle de souveraineté, encore de souveraineté, toujours de souveraineté. Et l’on ajoute : c’est propre, c’est propre, c’est propre ! Mais que se passe-t-il ? Nous importons une grande partie de notre uranium de Russie, mais pas seulement, et nous exportons une portion de nos déchets en Russie également : il n’y a là pas de souveraineté !
Ce que nous demandons, tout simplement, c’est de la transparence dans le domaine du nucléaire. Bien entendu, cela n’exclut pas la transparence dans tous les autres domaines. Je précise que, si l’on associe souvent terres rares et éoliennes, en réalité, seulement 10 % de ces dernières en contiennent. La problématique des terres rares sera beaucoup plus importante pour les véhicules électriques.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE Ier
MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES PROCÉDURES LIÉES À LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES À PROXIMITÉ DE SITES NUCLÉAIRES EXISTANTS
Article 1er A (nouveau)
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° L’article L. 100-4 est ainsi modifié :
a) Le 5° est abrogé ;
b) Au I bis, les mots : « , du 5° du I du présent article » sont supprimés ;
2° Le troisième alinéa du III de l’article L. 141-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi n° … du … relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, la programmation pluriannuelle de l’énergie fait l’objet d’une révision simplifiée destinée à la mettre en conformité avec les constructions de réacteurs électronucléaires ou leurs prolongations, poursuivies notamment par cette loi. » ;
3° L’article L. 311-5-5 est abrogé.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, sur l’article.
Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en tant que sénatrice alsacienne, je ne peux que regretter les décisions prises depuis une dizaine d’années sur les centrales nucléaires, et particulièrement celle de Fessenheim, qui aurait pu être maintenue en activité si nous n’avions pas fait le choix de sacrifier la souveraineté énergétique française aux intérêts économiques et politiques de nos voisins allemands. Les deux réacteurs étaient en effet considérés par l’autorité de sûreté nucléaire comme étant parmi les meilleurs, sur le plan environnemental comme sur le plan de la sûreté.
Je rappelle que 700 millions d’euros ont été investis dans la centrale, peu de temps avant sa fermeture, pour la maintenir au plus haut niveau, et qu’en dépendaient 3 000 emplois directs et indirects.
Pour compenser les pertes d’activité et d’emplois, et pour rendre cette décision acceptable auprès des habitants et des élus locaux, un projet franco-allemand a été sorti du chapeau, dans l’urgence. Une société d’économie mixte a été créée, sans anticipation ni réflexion, ce qui s’est soldé par un échec : elle a été dissoute sans avoir mené un seul projet et après avoir coûté 1 million d’euros.
Enfin, les projets annoncés de reconversion du site, dont le fameux technocentre d’EDF, et pour lesquels le Président de la République a promis 20 millions d’euros dans son discours de Belfort du 10 février 2022, sont restés bloqués au stade de l’affichage. Qu’en est-il, madame la ministre ?
Au moment où vous envisagez la fermeture d’autres sites nucléaires, le cas de Fessenheim a de quoi nous inquiéter. Des élus locaux n’ont pas été écoutés, les habitants ont été méprisés et les promesses n’ont pas été honorées. Je me félicite donc que le texte du Sénat s’inscrive enfin dans une stratégie globale, avec des perspectives de planification, afin de ne pas reproduire de telles décisions brutales, incohérentes et contraires aux intérêts des territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, on peut toujours dire qu’il ne s’agit, avec ce texte, que de débroussailler le terrain administratif et juridique en attendant une feuille de route et la relance formelle du nucléaire, avec des centrales de nouvelle génération et la reconstitution d’un parc performant.
Toutefois, madame la ministre, à ce stade, nous pouvons dire que vous avez déjà contribué à saborder notre industrie nucléaire. Certes, le sabordage a été lancé par François Hollande – de ce point de vue, le Président de la République n’en est que le continuateur –, mais la situation actuelle nous oblige à reconstituer notre filière nucléaire, avec un programme de reconstruction, dans la précipitation. En effet, tout cela sera long et coûteux, mais nous n’avons pas d’autre choix. La crise que nous traversons est bien l’effet de la mise en œuvre des choix que nous avons faits il y a plus de dix ans.
Voilà ce qui se passe lorsque les orientations stratégiques, qui ont prévalu lors de la PPE 2015-2019, ont été mauvaises ; voilà ce qui se passe quand on se laisse intimider par un dogmatisme qui se heurte, aujourd’hui, à la douloureuse réalité de la crise énergétique ; voilà, enfin, ce qui se passe quand on se laisse intoxiquer, dans tous les sens du terme, par une Allemagne qui nous fait la leçon tout en laissant tourner à plein ses centrales à charbon.
Ce texte est la première étape d’un revirement que vous vous obstinez encore à qualifier d’anticipation et d’accélération, comme si ce n’était qu’un changement de rythme, alors que nous devons prendre une nouvelle orientation.
Vous faites mine de découvrir que la production d’électricité nucléaire doit être la colonne vertébrale de notre modèle énergétique. Pourtant, les conséquences d’aujourd’hui découlent en grande partie de vos choix passés : perte de notre capacité de production énergétique, faisant de notre pays, pour la première fois, un importateur net d’électricité de nos voisins européens, produite avec du gaz et du charbon ; vulnérabilité structurelle de notre approvisionnement ; explosion des coûts subis par les collectivités, les ménages et les entreprises ; dépenses budgétaires considérables et, malgré tout, insuffisantes pour amortir le choc inflationniste ; enfin, dégradation de notre solde commercial.
Et vous avez l’impudence, madame la ministre, de vous féliciter du succès de votre plan de sobriété… Il faut beaucoup d’estomac pour l’affirmer.
Par votre action,…