Sommaire
Présidence de Mme Pascale Gruny
Secrétaires :
M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.
2. Candidatures à une commission d’enquête
3. Candidatures à une mission d’information
4. Construction de nouvelles installations nucléaires. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique
M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 12 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 13 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 118 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 14 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 108 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 92 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 70 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 107 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 93 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Adoption.
Amendement n° 71 rectifié de M. Fabien Gay. – Retrait.
Amendement n° 69 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 72 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 94 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 32 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 63 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 60 de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
Amendement n° 59 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 62 de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Amendement n° 111 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 110 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 120 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 97 de M. Bernard Buis. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 80 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Amendement n° 33 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 11 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Adoption.
Amendement n° 102 rectifié de M. Bernard Buis. – Rejet.
Amendement n° 73 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 123 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 124 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 74 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 79 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 34 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 112 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 24 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 103 rectifié de M. Bernard Buis. – Rejet.
Amendement n° 75 de M. Fabien Gay. – Retrait.
Amendement n° 86 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 87 rectifié de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 98 de M. Bernard Buis. – Rejet.
Amendement n° 76 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 35 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 100 de M. Bernard Buis. – Rejet.
Amendement n° 101 rectifié de M. Bernard Buis. – Rejet.
Amendement n° 22 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Retrait.
Amendement n° 99 de M. Bernard Buis. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 2 rectifié bis de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 1 rectifié bis de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 19 rectifié de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 51 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 21 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 18 de M. Daniel Breuiller. – Rejet.
Amendement n° 20 rectifié de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 29 rectifié ter de Mme Françoise Férat. – Retrait.
Amendement n° 36 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 105 rectifié de M. Bernard Buis. – Rejet.
Amendement n° 127 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 128 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 77 de M. Fabien Gay. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 89 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 27 rectifié de Mme Catherine Belrhiti. – Adoption.
Amendement n° 64 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 52 de Mme Monique de Marco. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 44 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 115 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 129 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 114 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article 7 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 26 rectifié bis de Mme Catherine Belrhiti. – Retrait.
Amendement n° 45 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 117 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 130 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 67 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 116 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 131 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 132 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 133 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 46 de M. Daniel Salmon. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 57 de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Amendement n° 134 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 78 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 37 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 39 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 38 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 50 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 47 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 66 rectifié de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Retrait.
Amendement n° 15 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 16 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 17 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 48 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 95 de M. Bernard Buis. – Rejet.
Amendement n° 90 rectifié bis de Mme Véronique Guillotin. – Rejet.
Adoption de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
Nomination de membres d’une commission d’enquête
Nomination de membres d’une mission d’information
compte rendu intégral
Présidence de Mme Pascale Gruny
vice-président
Secrétaires :
M. Pierre Cuypers,
Mme Victoire Jasmin.
1
Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une commission d’enquête
Mme le président. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.
En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Candidatures à une mission d’information
Mme le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème : « Le développement d’une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert ».
En application de l’article 8 du règlement, les listes des candidats remises par les groupes politiques ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées s’il n’y a pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Construction de nouvelles installations nucléaires
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (projet n° 100, texte de la commission n° 237, rapport n° 236, avis n° 233).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Mes chers collègues, avant d’ouvrir la discussion de ce texte, je vous informe que, en accord avec la commission et le Gouvernement, nous suspendrons nos travaux en fin d’après-midi, un peu avant dix-neuf heures, pour les reprendre à vingt et une heures en raison de la cérémonie des vœux du président Gérard Larcher.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, après l’examen du projet de loi d’urgence relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, je poursuis la feuille de route que je vous ai exposée avec l’examen de ce projet de loi d’urgence relatif à la construction de nouvelles installations nucléaires.
Ce texte est important, car il permettra d’accélérer les procédures administratives de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires dans notre pays, avec deux objectifs : raccourcir de plusieurs années les délais de réalisation de ces projets et contribuer à en réduire le coût pour les consommateurs.
Avant d’entrer plus concrètement dans le contenu de ce texte, je souhaite évoquer le contexte dans lequel il s’inscrit.
Ce contexte, c’est d’abord celui de l’urgence d’une crise climatique qui menace nos écosystèmes, nos sociétés et l’avenir de nos enfants ; une crise qui doit nous conduire à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Ce contexte, c’est ensuite celui de la crise énergétique que connaissent l’Europe et une grande partie du monde depuis l’année dernière. La guerre qui se déroule en ce moment aux portes de notre continent, en Ukraine, remet profondément en cause notre approvisionnement et fragilise notre économie du fait de l’envolée des prix de l’énergie en 2022.
Ces deux crises ont une même origine : notre dépendance aux énergies fossiles pour environ deux tiers de notre consommation finale d’énergie, qu’il s’agisse du gaz, du pétrole et, de manière minoritaire, du charbon.
C’est la raison pour laquelle l’ambition du Président de la République et du Gouvernement, conduit par la Première ministre, est que la France devienne le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles.
C’est un impératif pour le climat, bien sûr, mais aussi pour le pouvoir d’achat des Français, pour la capacité d’investissement de nos collectivités et la compétitivité de nos entreprises à long terme, ainsi que, plus profondément, pour notre indépendance politique.
Notre stratégie pour sortir des énergies fossiles repose, vous le savez bien, sur quatre grands et indissociables piliers.
Il s’agit, d’une part, de la réduction de la consommation d’énergie, grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétiques. En effet, si nous voulons atteindre la neutralité carbone, l’objectif que nous assignent les experts, notamment ceux de RTE (Réseau de transport d’électricité), est de réduire de 40 % notre consommation d’énergie à l’horizon 2050.
Le plan de sobriété que, avec la Première ministre, j’ai présenté au début du mois d’octobre dernier est la première brique de cette trajectoire de long terme. Il produit déjà des effets importants dans tous les secteurs de l’économie, grâce à la mobilisation des entreprises, des collectivités locales et des administrations, ainsi que, plus largement, grâce à la mobilisation des Français, que je veux remercier ici.
De ce fait, nous sommes dans les meilleures conditions pour passer cet hiver, mais, surtout, nous continuons à diminuer nos émissions de gaz à effet de serre alors même que la crise fait rage.
Notre stratégie énergétique repose, d’autre part, sur l’augmentation drastique et durable de notre production d’énergie décarbonée.
Sur ce point, nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de faire des choix idéologiques. L’enjeu, ce n’est pas le nucléaire contre les énergies renouvelables – le projet de loi relatif à l’accélération de leur développement, que vous avez voté à la quasi-unanimité, fera l’objet d’une commission mixte paritaire la semaine prochaine –, car il s’agit dans les deux cas d’énergies bas-carbone. L’enjeu, ce sont les énergies décarbonées renouvelables contre les énergies fossiles.
Notre stratégie implique, ensuite, la relance d’un programme nucléaire dans le contexte d’un parc vieillissant. Ce sont vingt-huit réacteurs qui atteindront plus de cinquante années d’exploitation d’ici à 2035. Vous le savez, le Gouvernement fait le choix de la relance de la construction de réacteurs et de la poursuite de l’exploitation des réacteurs en exercice, aussi longtemps que les enjeux de sûreté nous le permettront.
Dans le prolongement des orientations que le Président de la République a fixées pour EDF au mois de novembre 2018 – cette entreprise doit travailler à l’élaboration du programme du nouveau nucléaire – et de ses déclarations du 10 février 2022 à Belfort, le projet de loi qui nous rassemble aujourd’hui marque une nouvelle phase de notre politique nucléaire, en introduisant un cadre visant à l’accélération du processus des autorisations administratives pour les projets nucléaires.
Je veux véritablement y insister : ce texte ne vise pas à décider de la place de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique français, pas plus que des détails du programme de nouveau nucléaire, de la politique en matière de traitement et de recyclage des déchets nucléaires ou de la recherche et du développement (R&D) relative à cette énergie.
M. Stéphane Piednoir. C’est vrai !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. D’autres textes le feront ; d’autres textes l’ont déjà fait.
Certaines dispositions isolées, introduites en commission la semaine dernière, concernent ces aspects de la programmation énergétique. Nous aurons l’occasion d’y revenir pendant l’examen des amendements, mais, vous le savez parfaitement, il ne s’agit pas d’un texte de programmation énergétique.
En effet, la loi de programmation énergétique doit être précédée d’une grande concertation sur l’avenir de notre mix énergétique, afin de recueillir l’avis des Français sur ce nouveau texte, qui sera soumis au Parlement en 2023.
Cette concertation, utile et nécessaire, a commencé en octobre dernier et compte à ce jour plus 25 000 contributions. Elle sera conclue, du 19 au 22 janvier 2023, donc d’ici à la fin de cette semaine, par un forum des jeunesses – nous y avons d’ailleurs invité les membres de la commission des affaires économiques, ainsi que ceux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable –, qui réunira deux cents jeunes âgés de 18 à 35 ans.
Son résultat vous sera intégralement communiqué dans la perspective du débat parlementaire sur le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui conduira à mettre à jour la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Le présent texte n’en est pas moins très important. En effet, les dispositions prévues préparent l’avenir et sécurisent les délais des décisions que vous pouvez prendre dans les mois qui viennent. Elles auront des effets sur le délai de mise en service et, en conséquence, sur le coût des éventuels futurs nouveaux réacteurs nucléaires en France.
Je veux également être très claire : en votant ce texte, vous n’allez pas acter un quelconque affaiblissement des exigences en matière de sûreté nucléaire, de protection de la biodiversité ou encore de participation du public.
Le texte ne modifie ni le processus d’autorisation environnementale ni le processus d’autorisation de création, qui traite des enjeux de sûreté nucléaire. Ces deux autorisations demeurent, tout aussi rigoureuses que par le passé, tout comme les deux enquêtes publiques préalables ou encore le processus de débat public conduit en ce moment même, sous l’égide de la Commission nationale du débat public, en vue de la construction d’une première paire de réacteurs à Penly, et qui s’achèvera le 27 février prochain.
Enfin, il est important de le préciser, ce cadre d’accélération est borné dans le temps et dans l’espace, de manière à être proportionné et compatible avec l’ambition fixée par le Président de la République, à savoir, dans un premier temps, construire six réacteurs et lancer les études pour huit autres.
Il s’applique uniquement aux projets de construction de réacteurs nucléaires localisés à proximité du périmètre de sites nucléaires existants et dont la demande d’autorisation de création est déposée dans les vingt ans suivant la promulgation de la future loi. En effet, vingt ans, c’est le délai qui a été défini par la commission lors de l’examen du texte.
Enfin, ce texte ne préempte pas la technologie des réacteurs et peut donc s’appliquer à des EPR (European Pressurized Reactors, ou réacteurs pressurisés européens) tout aussi bien qu’à des SMR (Small Modular Reactors, ou petits réacteurs modulaires). Je sais que beaucoup ici sont attachés à cette ouverture et à ce principe de neutralité technologique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces précisions étant apportées, je tiens maintenant à vous exposer brièvement ce que prévoit ce projet de loi.
Afin d’accélérer les projets de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, il rend tout d’abord possible la mise en compatibilité des documents locaux d’urbanisme. En effet, les procédures existantes en matière d’urbanisme sont incompatibles avec la complexité d’un projet de réacteur électronucléaire, et la nécessité de les mettre à jour conduirait à augmenter de plusieurs années la durée de construction.
Il permet ensuite de garantir le contrôle de la conformité au respect des règles d’urbanisme, tout en dispensant de permis de construire les installations et les travaux portant sur la création d’un réacteur électronucléaire, ainsi que sur des équipements et installations nécessaires à son exploitation.
À compter de l’obtention de la première autorisation environnementale, le texte permet de mener en parallèle l’instruction de l’autorisation de création et les activités relatives aux constructions, aménagements, installations et travaux préalables. En bref, on ne perd pas de temps !
Ce texte rend également possible la construction de réacteurs nucléaires à proximité des réacteurs existants localisés en bord de mer. C’est une mesure d’importance, puisque, vous le savez, les deux premiers sites envisagés pour l’implantation des deux premières paires de réacteurs sont ceux de Penly et de Gravelines.
Au regard de l’intérêt particulier pour la Nation de ces projets nucléaires, ce texte prévoit des mesures de sécurisation de l’accès au foncier, mobilisables en dernier recours et en cas de blocage, en s’inspirant de ce qui existe déjà pour d’autres projets d’ampleurs, comme le projet Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor).
Au total, ce texte permettra de ne pas allonger de deux à trois années le délai de construction de nouveaux réacteurs. La durée de construction du réacteur doit être un temps industriel ; les procédures administratives doivent donc être réalisées en temps masqué par rapport à ce temps industriel. Dans le contexte dans lequel nous nous trouvons, cela compte.
Proposer un cadre conciliant les impératifs d’accélération et de sécurisation des projets de nouveau nucléaire, ainsi que les plus hautes exigences en matière d’association des parties prenantes, de protection de la biodiversité et de sécurité, voilà l’ambition de ce texte.
Ce projet de loi s’insère dans un ensemble de mesures mises en œuvre visant à poser les rails juridiques, organisationnels, industriels, financiers et procéduraux de la relance d’une politique ambitieuse en matière de nucléaire civil.
Il est un maillon d’une stratégie d’ensemble, engagée depuis plusieurs années, pour construire notre indépendance énergétique et mener la bataille du climat en sortant de notre dépendance aux énergies fossiles.
Je souhaite conclure en vous indiquant que ce texte est aussi important qu’il est technique. L’enjeu sera d’éviter que de petits grains de sable ne viennent compliquer, ralentir ou fragiliser juridiquement des projets déjà très complexes par nature.
C’est pourquoi je défendrai aujourd’hui des amendements qui viseront à compléter le travail, très significatif et très complet, mené la semaine dernière par la commission des affaires économiques, ainsi que par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à les en remercier.
Je salue tout particulièrement le rapporteur Daniel Gremillet et le rapporteur pour avis, Pascal Martin, ainsi que les présidents de commission Sophie Primas et Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 1971, le Président de la République Georges Pompidou s’exprimait en ces termes au sujet du premier plan nucléaire civil : « Il nous appartient de concevoir une politique de l’énergie, politique d’autant plus importante pour la France que nos ressources propres sont modestes. […] Nous avons décidé d’accélérer notre programme d’utilisation de l’énergie nucléaire, considéré comme un facteur important d’indépendance énergétique. »
Cinquante ans plus tard, ce constat n’a rien perdu de son acuité. Oui, l’énergie nucléaire est centrale. Et oui, une politique énergétique est indispensable.
Or le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, s’il revalorise utilement l’énergie nucléaire, n’offre aucune réponse s’agissant de notre politique énergétique. Je veux le dire solennellement ici : la relance du nucléaire ne peut se résumer à un texte de simplification. Pour réussir, il faut une vision politique cohérente, au-delà de procédures techniques disparates.
De plus, le texte manque de perspective et de profondeur, alors qu’il nous est demandé de légiférer jusqu’en 2038, au moins.
Le nucléaire de demain ne sera pas celui d’hier. Au-delà de notre indépendance énergétique, il contribuera à notre transition énergétique, car l’enjeu sera d’électrifier pour décarboner, afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Le nucléaire de demain sera confronté à de nouveaux risques, climatiques et numériques. Nos réacteurs devront donc être plus résilients.
Le nucléaire de demain sera plus divers. Outre les EPR 2, se développeront des réacteurs de taille ou de technologie différentes, pour réduire les risques et les déchets, ainsi qu’un couplage entre les productions d’électricité et d’hydrogène, utile à l’industrie et aux transports.
Enfin, le nucléaire de demain s’inscrira dans une nouvelle société : une société plus décentralisée, où la voix des collectivités et celle des citoyens porteront encore plus, aux côtés de celle de l’État ; une société plus exigeante aussi, où la sûreté des réacteurs et la gestion des déchets devront être assurées, au-delà de la phase de production.
C’est cette vision résolument moderne de l’énergie nucléaire, fondée sur la science et la raison, inscrite dans le monde actuel, ouverte aux technologies futures, que notre commission a souhaité porter, car seule cette vision est à la hauteur des grands défis économiques et énergétiques. Le nucléaire est notre héritage et notre horizon ; sachons le relancer, en tenant compte de ce changement d’époque.
Notre commission est très attachée à l’énergie nucléaire. Nous l’avons démontré dans nos travaux législatifs, avant et bien souvent contre le Gouvernement. Ce ne fut pas simple de décaler de dix ans le calendrier de fermeture des réacteurs dans le cadre de la loi Énergie-climat de 2019. Ce ne fut pas simple, non plus, de conditionner toute autre fermeture à la prise en compte de ses conséquences sur notre sûreté, notre approvisionnement et nos émissions lors de la loi Climat et résilience de 2021.
Notre commission a aussi démontré cet attachement à l’occasion de ses travaux de contrôle. La mission d’information transpartisane, conduite avec mes collègues Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, a ainsi plaidé en faveur de la construction de quatorze EPR 2 et de quatre gigawatts de SMR, afin de maintenir un mix majoritairement nucléaire d’ici à 2050.
Lors de mes travaux préalables, j’ai entendu une centaine de personnalités au cours d’une cinquantaine d’auditions.
Je remercie vivement le rapporteur pour avis, Pascal Martin, des excellentes relations de travail que nous avons nouées ; elles nous ont permis d’organiser des auditions communes et de présenter des rédactions communes. Cela confère au Sénat une voix forte et unique sur ce sujet essentiel.
Je retiens de ces travaux préalables l’existence d’un large consensus autour de l’objectif du texte, mais aussi de lourdes critiques portant sur la méthode.
S’agissant de son objectif, le texte doit permettre d’accélérer la construction de nouveaux réacteurs : d’une part, certaines procédures sont simplifiées, notamment en matière d’urbanisme, de construction ou d’expropriation ; d’autre part, certains actes voient leur nombre réduit et sont élevés au rang du décret, afin de concentrer le contentieux devant le Conseil d’État. Dans l’ensemble, le gain de temps pourrait être de cinquante-six mois pour EDF.
Concernant la méthode, elle est perfectible, et cela à plus d’un titre.
Tout d’abord, le Gouvernement légifère dans le désordre, car il aurait fallu – je vous prie de m’excuser, madame la ministre – soumettre à l’examen parlementaire le projet de loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat, puis celui sur le nucléaire et enfin celui sur les énergies renouvelables. Or nous faisons les choses complètement à l’envers.
M. Ronan Dantec. Nous sommes d’accord !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Plus encore, le Gouvernement légifère dans la précipitation, le Sénat ayant été informé mi-décembre de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et de la tenue de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ce mois-ci.
Autre difficulté, le Gouvernement omet les consultations en cours, la Commission nationale du débat public ayant été chargée du débat portant sur l’évolution du mix énergétique et sur le programme du nouveau nucléaire, dont le site de Penly.
Enfin, le Gouvernement se focalise sur la simplification, éludant les questions cruciales de la révision de la planification énergétique, de la décision de construction des réacteurs, ainsi que des moyens financiers et humains nécessaires, avec en filigrane le devenir de la régulation du nucléaire et du groupe EDF.
Surtout, ce texte ne doit pas faire oublier la responsabilité du Gouvernement dans le déclin de la filière du nucléaire. Jusqu’en 2022 et le tournant du discours de Belfort, il a appliqué une politique d’attrition du nucléaire existant et d’indécision s’agissant du nouveau nucléaire. Or, pour notre commission, il faut renverser la tendance ; il faut non pas se limiter aux annonces du discours de Belfort, mais construire davantage d’EPR 2.
Dans ce contexte, j’ai fait adopter une quarantaine d’amendements en commission, afin de compléter le texte selon quatre axes majeurs.
Le premier axe vise à en combler les angles morts. À cette fin, j’ai proposé d’allonger à vingt ans la durée des mesures de simplification et d’y intégrer, aux côtés des EPR 2, les projets de SMR et d’hydrogène.
J’ai également voulu clarifier la notion de « proximité immédiate », selon les préconisations de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
J’ai aussi prévu que l’État rende compte au Parlement de la mise en œuvre des mesures et des chantiers, afin que celui-ci soit informé sans omission des éventuels dépassements de délais et de coûts. L’État devra nous indiquer les sites retenus par EDF. Une clause de rendez-vous permettra d’inclure de nouveaux sites et de nouvelles technologies.
De plus, j’ai proposé de réviser la planification énergétique, en levant les verrous issus de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Il faut abroger l’objectif de réduction à 50 % de l’énergie nucléaire d’ici à 2035 et le plafonnement a priori à 63,2 gigawatts des autorisations d’exploitation.
Il faut aussi procéder à une révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), afin d’en retirer la trajectoire de fermeture des douze réacteurs, qui existe toujours alors que nous légiférons sur un projet de loi d’urgence. Il faut enfin prévoir que la loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat, attendue d’ici à juillet prochain, acte la construction des nouveaux EPR 2 et SMR d’ici à 2050 et précise les moyens financiers et humains requis.
Le deuxième axe vise à garantir la sûreté et la sécurité. Dans cette perspective, j’ai proposé d’intégrer la résilience au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs, au stade tant de leur autorisation que de leur réexamen, ainsi que la cyberrésilience à la protection des réacteurs contre les actes de malveillance.
J’ai aussi voulu conditionner l’octroi des concessions d’utilisation du domaine public maritime à la prise en compte des risques de submersion, d’inondation et de recul du trait de côte.
Par ailleurs, j’ai entendu maintenir le rapport quinquennal sur la sûreté, encadrer le recours à la simple déclaration préalable dans le cadre du réexamen des réacteurs et clarifier les délais de la procédure de mise à l’arrêt définitif.
Enfin, j’ai voulu moderniser le fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire, en renforçant les attributions de sa commission des sanctions et en actualisant les règles, les évaluations, les prescriptions ou les infractions applicables.
Le troisième axe vise à associer les collectivités territoriales et le public. Pour ce faire, j’ai souhaité garantir que les réacteurs ne puissent être qualifiés d’intérêt général qu’après la tenue du débat public. J’ai aussi voulu que les collectivités puissent amorcer un dialogue avec l’État s’agissant de la modification de leurs documents d’urbanisme.
J’ai également proposé d’exclure les réacteurs du décompte « zéro artificialisation nette » (ZAN), car il s’agit d’un projet d’ampleur nationale. Un autre enjeu a été de garantir la perception par les collectivités de la taxe d’aménagement.
Le quatrième et dernier axe vise à renforcer la sécurité juridique des procédures.
Tout d’abord, j’ai proposé que les travaux pouvant être anticipés le soient, aux frais et aux risques de l’exploitant et après information du public. J’ai également voulu qu’un décret détermine ces travaux après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). J’ai aussi garanti le contenu de l’étude d’impact, les modalités de l’enquête publique ou encore les consultations de l’ASN.
De plus, j’ai suggéré que la dérogation à la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite Littoral, soit attribuée au cas par cas s’agissant des ouvrages de raccordement, dans la continuité des travaux du Sénat menés à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Par ailleurs, j’ai proposé de réduire à six ans le délai de la procédure d’expropriation, d’en exclure les ouvrages de raccordement et les équipements de fonctionnement, ainsi que de prévoir des garanties, notamment de relogement des habitants ou d’indemnisation des professionnels.
Enfin, j’ai ajouté deux procédures manquantes : une procédure de régularisation de l’instance, pour les litiges liés aux nouveaux réacteurs, et une dispense de permis de construire, pour les travaux d’adaptation des réacteurs existants.
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Finalement, le texte issu de la commission est équilibré, entre effort de simplification et exigences renforcées de sûreté et de sécurité.
Je forme le vœu que ce texte contribue à la relance du nucléaire. Dans la crise énergétique que nous traversons, l’énergie nucléaire est un atout pour offrir un coût de l’électricité attractif.
Mme le président. Il faut vraiment conclure !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Enfin, je voudrais remercier l’ensemble des membres de la commission, ainsi que nos collaborateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, au nom de laquelle je m’exprime aujourd’hui, salue le signal sans équivoque que constitue le texte soumis à l’examen du Sénat.
Après de trop nombreuses années d’atermoiements, ayant conduit à un délaissement de la filière nucléaire, préjudiciable pour le climat, mais aussi pour la préservation de notre souveraineté, la nouvelle impulsion énergétique et industrielle est bienvenue. Elle est même indispensable au maintien de la France à sa place de numéro un de l’électricité décarbonée et au soutien de l’électrification des usages prévue par la stratégie nationale bas-carbone, grâce à une production pilotable, en parallèle du développement des énergies renouvelables et de la réduction massive de notre consommation énergétique.
Notre commission a toutefois regretté la méthode consistant à aborder le particulier avant le cadre général : il eût été préférable, pour la clarté des débats politiques, de définir au préalable les objectifs de la politique énergétique dans le cadre de la loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui doit être adoptée au Parlement dans le courant de l’année 2023.
En dépit des réserves et des remarques que je vous présenterai ici succinctement, notre commission a donné un avis favorable au présent projet de loi.
Compte tenu du champ très restreint du texte, de sa grande technicité et du calendrier des consultations actuellement à l’œuvre concernant les projets des six premiers EPR 2, ainsi que de l’élaboration de la stratégie française pour l’énergie et le climat, notre commission a souhaité apporter au texte des ajustements essentiellement juridiques, avec un double objectif : premièrement, améliorer la sécurité juridique et la lisibilité du texte, afin de limiter les risques contentieux qui affaibliraient la relance souhaitée du nucléaire français ; deuxièmement, encadrer les marges laissées au pouvoir réglementaire.
S’agissant du premier objectif, notre préoccupation principale a été de mieux définir la notion de proximité immédiate, telle qu’elle est proposée par le Gouvernement à l’article 1er.
Nous pensons que cette notion pourrait correspondre à toute implantation ne nécessitant pas de modification de la zone d’application et du périmètre du plan particulier d’intervention, aussi appelé PPI, des centrales nucléaires existantes.
À l’article 4, nous avons également souhaité définir plus précisément par voie réglementaire les bâtiments sensibles dont la construction ne pourra être entreprise qu’après la délivrance de l’autorisation de création et ceux, à moindres enjeux de sûreté, qui pourront commencer dès l’octroi de l’autorisation environnementale.
En ce qui concerne le second objectif visant à encadrer les marges laissées au pouvoir réglementaire, notre commission a souhaité que ce dernier soit contraint d’ordonner la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans, dès lors que l’absence de volonté ainsi que l’incapacité de l’exploitant de remettre son installation en service dans des délais raisonnables sont constatées par la puissance publique.
Cette option nous semblait équilibrée et offrait une opportune valeur ajoutée : elle évitait les instructions inutiles, comme le souhaitent les auteurs du projet de loi, sans pour autant affaiblir le principe d’un démantèlement des installations, le plus tôt possible, après leur arrêt. Elle n’a pas été retenue lors de nos débats en commission.
Avant de conclure, j’aimerais rappeler que ce projet de loi, aussi bienvenu soit-il, aura un impact limité sur la relance du nucléaire français : l’accélération des procédures et la réduction du risque contentieux ne constituent que des leviers mineurs pour s’assurer du développement dans les délais souhaités d’un nouveau parc et de la prolongation du parc existant dans les conditions de sûreté adaptées.
Les défis à relever dépassent en réalité largement le périmètre du texte et sont de deux ordres, ayant trait à la capacité des pouvoirs publics et du secteur, d’une part, à opérer une indispensable montée en compétences de la filière, et, d’autre part, à assurer une acceptabilité locale et nationale autour de la relance du nucléaire.
En résumé, il conviendra en 2023 de donner une visibilité suffisante aux acteurs du nucléaire : l’anticipation, indispensable à la fois à la montée en compétences de la filière et à l’acceptabilité du nouveau programme, constitue sans aucun doute la meilleure réponse aux défis qui s’annoncent pour le nucléaire français. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
Mme le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme le président. Je suis saisie, par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, d’une motion n° 4.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour la motion.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, faut-il relancer la filière nucléaire en France ?
M. Bruno Sido. Oui !
M. François Bonhomme. Bien sûr !
Mme Brigitte Micouleau. C’est évident !
M. Daniel Salmon. Voilà, en substance, la question qui nous est posée avec ce projet de loi. La réponse, selon une approche rationnelle, est évidente : c’est non (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), et cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, en mettant ce projet de loi à l’ordre du jour du Parlement, le Gouvernement ne respecte pas le débat démocratique qui a lieu en ce moment même – nous sommes là dans le droit fil de l’histoire du nucléaire.
En effet, sont en cours une concertation publique sur le mix énergétique, ainsi qu’un débat, organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) jusqu’au 27 février prochain, sur le projet de construction d’une paire d’EPR 2 sur le site de Penly, et, plus largement, sur le programme de construction de six nouveaux réacteurs.
Ce projet arrive également avant les débats qui doivent se tenir autour de la future loi quinquennale de programmation sur l’énergie et le climat, dont doivent découler la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas-carbone. C’est à l’issue de ces débats, et évidemment pas avant, que sera défini notre mix énergétique, et je note que, sur ce point, nous sommes en accord avec le rapporteur.
En plaçant le présent projet de loi dans ce calendrier, l’idée du Gouvernement est de gagner quelques mois – quelques mois à comparer aux trente-quatre années d’études et de construction pour un EPR qui n’a pas encore fourni 1 mégawattheure !
Demander aux parlementaires de voter un projet de loi actant une relance du nucléaire avant cette loi de programmation, alors qu’aucune obligation légale ou réglementaire ne l’impose, nous paraît largement prématuré et profondément anti-démocratique. Quel est l’objectif, sinon mettre les acteurs concernés, ainsi que nos concitoyens, devant le fait accompli ?
Toutes les garanties doivent être apportées pour que ces choix politiques soient pris dans le respect du Parlement et de nos concitoyens, et non décidés unilatéralement par le chef de l’État, à Belfort.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose au fondement même du projet : la relance du nucléaire.
Nous ne pouvons que nous y opposer, même si nous sommes lucides sur le fait de devoir encore, hélas ! composer avec le nucléaire existant un certain temps. Depuis des années, en effet, l’inaction est de mise sur l’efficacité et la sobriété, et le rythme de développement des énergies renouvelables n’a pas été respecté.
Il n’est pas acceptable de relancer des activités nucléaires polluantes et dangereuses qui nous engagent pour au moins un siècle, alors que les menaces de tous ordres, en particulier les bouleversements climatiques, vont accroître de façon considérable les risques encourus par cette filière.
Qui peut vraiment prédire le climat et l’état de la planète en 2050, alors qu’il y a déjà d’énormes incertitudes sur les cinq ans à venir ? Ce n’est pas acceptable, d’autant que des solutions alternatives totalement crédibles, non dangereuses, plus rapides à mettre en œuvre et bien moins chères sont à portée de main.
Nous tenons en premier lieu à souligner l’incohérence de l’objectif affiché dans l’exposé des motifs quant à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
Le temps de développement des nouveaux réacteurs est long, très long – soyons lucides, on ne peut pas envisager une échéance de moins de quinze ans, et probablement de vingt ans. Or le dérèglement climatique demande des solutions ayant un impact fort dans les dix années à venir. C’est maintenant qu’il faut agir, et radicalement !
D’ailleurs, le Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, classe le nucléaire loin derrière les énergies renouvelables et les économies d’énergie, au regard des objectifs de développement durable qu’il a établis, en prenant en compte les coûts élevés, la nécessité d’un soutien public très important, l’enjeu de la gestion des déchets, les impacts sur les ressources en eau, la pollution liée aux mines d’uranium, le risque de prolifération, etc.
Nous ne pouvons exposer la question du nucléaire sans parler des enjeux de sûreté.
Les impacts des accidents nucléaires survenus dans le passé perdurent. Ainsi, trente-six ans après l’accident de Tchernobyl, des territoires entiers restent contaminés. Il ne suffit pas de minimiser les faits d’une manière mensongère dans une bande dessinée pour que cela devienne réalité ! Il faudra des siècles pour que la radioactivité disparaisse des sols. À Fukushima, il faut continuer à refroidir le combustible. Plus d’un million de tonnes d’eau contaminée restent présentes sur le site.
En France, un accident nucléaire n’est pas une vue de l’esprit : un tel scénario a été chiffré par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) – jusqu’à 430 milliards d’euros pour un accident majeur. Selon Gregory Jaczko, ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire américaine, les accidents nucléaires graves sont inéluctables.
Le nucléaire est un malade chronique, qu’il faut surveiller sans cesse en temps de paix. Mais il faut ajouter à cette maladie une vulnérabilité intrinsèque face aux agressions extérieures, ce qui en fait une énergie profondément dangereuse. Nous pouvons le constater encore aujourd’hui avec la situation gravissime autour de la centrale de Zaporijia, en Ukraine.
Autre sujet de vulnérabilité, dont les manifestations vont aller croissant : les bouleversements climatiques, entraînant une hausse du niveau de la mer, un accroissement de la température et une baisse du débit des fleuves, des tempêtes et tornades de plus en plus fréquentes et violentes, des inondations… Qui peut prévoir ce qui se produira avec des EPR conçus aujourd’hui, mais qui entreront en production en 2040, dans un monde dont la température aura augmenté de 2 degrés, et termineront leur carrière en 2100, avec, peut-être, une température ayant progressé de 4 degrés ?
Certains associent facilement nucléaire et souveraineté, mais depuis quand « nucléaire » rime-t-il avec « indépendance énergétique » ?
Nos 210 mines ont produit en totalité l’équivalent de dix ans de consommation. Elles sont toutes fermées depuis vingt ans. Aujourd’hui, 100 % du combustible est importé. Ces importations se font au prix de compromissions avec certains régimes autoritaires et au mépris de la santé des populations locales. Au Niger, par exemple, l’extraction d’uranium suscite des poussières radioactives, empoisonne l’eau et la nourriture et affecte la santé des habitants.
Quant au coût du démantèlement des centrales en fin de vie, sur ce sujet comme sur d’autres, EDF avance des chiffres totalement fantaisistes, déconnectés des réalités.
Les déchets sont l’autre bout de la chaîne d’un cycle qui n’est pas du tout fermé, malgré ce que l’on entend dire. Stockés dans des piscines, exportés, non comptabilisés, ces déchets attendent une issue. Ce sera peut-être Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) pour les plus radioactifs, un enfouissement sans retour aux risques et aux coûts sous-estimés. Pour les moins radioactifs, issus des démantèlements, la solution avancée semble être la dissémination, la dilution dans l’environnement.
Tout cela a et aura des coûts faramineux, et c’est bien le contribuable qui devra mettre la main au portefeuille – une habitude pour le nucléaire !
Par ailleurs, où va-t-on vraiment gagner du temps avec ce projet de loi ? Ce ne sont pas les procédures administratives en matière d’urbanisme ou de droit de l’environnement qui freinent le déploiement du nucléaire, comme le laisse croire ce texte. Cette analyse simpliste ne permet pas de poser les vraies questions sur les défaillances et les contraintes structurelles de l’énergie atomique.
Il faut plutôt chercher dans les domaines du travail de conception, des études détaillées, de l’instruction technique. À tout cela s’ajoute l’absence de compétences, qui suscite des malfaçons en cascade.
J’en viens au fleuron, l’EPR, la définition même de ce que l’on appelle un fiasco industriel et économique, mis en cause au mois de juillet 2020 par la Cour des comptes elle-même, au travers d’un rapport extrêmement sévère sur la filière.
Ce rapport revient sur la longue liste des problèmes responsables des retards interminables et du surcoût du chantier de Flamanville, ainsi que des autres réacteurs en construction de par le monde. Surtout, la Cour des comptes met en doute l’opportunité de relancer un nouveau parc nucléaire, appelant l’État à se demander si d’autres options de production d’électricité ne sont pas plus pertinentes et moins chères.
L’EPR, en effet, est aussi un gouffre financier. Ce qui pourrait seulement interroger devient proprement scandaleux lorsque le coût estimé pour Flamanville atteint désormais près de 20 milliards d’euros et que le chantier n’est toujours pas terminé.
Quel acteur du secteur privé pourrait se permettre un budget multiplié par six ? Comment se fier, pour la construction d’autres EPR,…
M. Stéphane Piednoir. Ce ne sont pas les mêmes acteurs !
M. Daniel Salmon. … à une filière incapable de gérer un budget et un calendrier ?
De plus, le retour d’expérience sur ce fiasco de l’EPR est incomplet. Refuser de tirer les leçons de ce chantier catastrophique avant d’engager la France dans des projets de nouveaux réacteurs, qui connaîtront très probablement à leur tour retards, surcoûts et malfaçons, n’est pas acceptable.
Décider le lancement de ces projets revient à mépriser la démocratie, la sûreté et les générations futures, qui devront porter le poids de ces nouveaux boulets à leurs pieds.
Alors que cet échec industriel et économique n’est plus à démontrer, est-il opportun de remettre une pièce dans la machine ? Le Gouvernement, comme l’administration, s’arc-boute sur des schémas du XXe siècle – on a précédemment évoqué le président Pompidou. Il reste habité par cette mystique qui veut que la grandeur de la France passe nécessairement par une industrie nucléaire triomphante, à l’énergie prétendument peu chère et abondante.
Se lancer sur cette trajectoire de construction de nouveaux réacteurs, c’est mettre quasiment tous nos œufs dans le même panier, avec toutes les incertitudes sur les délais, les coûts et les garanties de sécurité que cela comporte. De tels investissements asphyxient tous les autres besoins de financement pour la sobriété, l’efficacité et les énergies renouvelables. C’est proprement irresponsable !
Pour conclure, les propositions des sénateurs et sénatrices écologistes sont claires. Les économies d’énergie couplées à une rapide montée en puissance des énergies renouvelables, une production tout à la fois décentralisée et en réseau : voilà la vraie transition énergétique que nous défendons !
Le scénario fondé à 100 % sur les énergies renouvelables est techniquement réalisable, comme l’a démontré l’étude conjointe de Réseau de transport d’électricité et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), pourvoyeur d’emplois, plus résilient face à une crise et plus rapide à mettre en œuvre. Il sera mieux intégré dans les territoires et permettra la réappropriation du système énergétique par les citoyens.
Parce que nous ne voulons pas avoir raison à titre posthume, parce que la centralisation du pouvoir qui va de pair avec l’énergie nucléaire n’est pas démocratique,…
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Salmon. … parce que nous refusons d’adhérer à l’ébriété énergétique qui est vendue par le nucléaire et qui pousse à retarder la transition, parce qu’il nous faut des solutions applicables immédiatement,…
Mme le président. C’est terminé !
M. Daniel Salmon. … parce que nous refusons de léguer aux générations futures le poids incommensurable d’une relance du nucléaire, parce que nous voulons faire vivre la démocratie, le groupe GEST vous invite, mes chers collègues, à rejeter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cette motion n’est pas pertinente, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, aucune difficulté d’ordre constitutionnel ou conventionnel n’a été soulevée à l’encontre de ce projet de loi dans l’avis du Conseil d’État.
Ensuite, notre commission s’est assurée que les consultations avaient bien été effectuées, notamment celles du Conseil national de la transition écologique, du Conseil national d’évaluation des normes et de la mission interministérielle de l’eau.
Enfin, comme je l’ai dit précédemment, notre commission a certes regretté le séquençage retenu, qui aurait dû commencer par le projet de loi de programmation pour se poursuivre par le présent projet de loi, puis par le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables – c’est effectivement le seul point sur lequel nous nous retrouvons, monsieur Salmon. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Ce séquençage ne fragilise pas pour autant la constitutionnalité du texte.
Ainsi, les débats publics prévus sur le nouveau programme nucléaire, dont les deux EPR de Penly, et sur le mix énergétique se poursuivent sous l’égide de la Commission nationale du débat public.
J’ajoute que notre commission est très sensible à la question de la participation du public. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu lors de nos travaux, d’une part, que la qualification de projet d’intérêt général soit affectée uniquement après le débat public, et, d’autre part, que le Gouvernement précise à la représentation nationale les sites soumis à autorisation de création de nouveaux réacteurs ou, à l’article 9, à réexamens périodiques.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Sans surprise, mesdames, messieurs les sénateurs, mon avis sera également défavorable.
La première raison à cela, M. le rapporteur l’a très bien rappelé, est précisément qu’un débat public est en cours – il y en a même deux ! – pour associer le public et interroger les Français.
Le premier – nous avons suivi la Commission nationale du débat public – concerne le mix énergétique de l’ensemble de notre pays pour les années à venir. Le second, spécifique à la première paire de réacteurs à Penly, est élargi à l’acceptabilité du nucléaire. Ces débats sont en cours et, respectant la démocratie participative, nous en verserons les résultats dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.
C’est pourquoi, et tout le monde l’a bien compris, je crois, le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui intégrera cette programmation, sera présenté à la fin de ces débats publics et après que les concertations nécessaires au bon fonctionnement de notre démocratie auront été menées. Cela se produira dans le courant de l’année 2023.
Dès lors, pourquoi ce projet de loi ? Ce texte porte sur des autorisations qui prendront plusieurs années à être obtenues, compte tenu de la complexification de notre droit, par exemple en matière d’urbanisme ou de zones littorales, depuis la construction des premiers réacteurs nucléaires, à la fin des années 1970 et au début des années 1980.
Il ne faudrait pas que ces procédures administratives et techniques soient ralenties de plusieurs années, et c’est de cela que nous parlons aujourd’hui ! Il est question des premiers dossiers qui doivent être préparés et déposés aujourd’hui, si vous voulez que nous ayons des réacteurs nucléaires en 2035 ou 2037, ce qui est l’objectif du Gouvernement.
En d’autres termes, nous ne confondons pas vitesse et précipitation. Nous sommes dans l’anticipation : c’est très exactement de cela qu’il s’agit.
Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à rejeter cette motion, qui met en danger notre mix énergétique à long terme et qui ne répond pas aux enjeux climatiques.
Je voudrais également répondre à quelques-uns des points mentionnés.
Pour le Giec, l’énergie nucléaire est bien l’une des réponses au réchauffement climatique – les auteurs du rapport l’écrivent noir sur blanc, même s’ils ne la présentent pas comme la solution première. (M. Ronan Dantec s’exclame.) Vous connaissez ce rapport mieux que moi, monsieur le sénateur Dantec. Je ne vous ferai pas l’injure de vous sous-estimer sur ce sujet !
Par ailleurs, s’agissant des déchets, nous avons des propositions et nous mettons déjà des mesures en œuvre.
Quant aux mines et à la façon dont celles-ci sont exploitées, dois-je rappeler que, pour les énergies renouvelables, on consomme du lithium et du cobalt, tout en utilisant des aimants permanents ?
M. Fabien Gay. C’est vrai !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les mêmes questions se posent donc dans ce secteur. D’ailleurs, elles ont peut-être été mieux anticipées pour l’uranium que pour les matières utilisées dans celui-ci – c’est, à l’heure actuelle, un travail important qui est mené sur le sujet par mon ministère et au niveau européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Comme vous le savez, mes chers collègues, nous ne souscrivons pas aux arguments avancés par le groupe écologiste s’agissant du mix électrique. Mais nos collègues ont évidemment tout à fait le droit d’avoir leurs arguments, et nous aurons, après que chacun aura exposé ses positions, un débat.
Pour notre part, nous partageons l’idée d’un mix électrique comprenant une part non négligeable de production nucléaire et le développement des énergies renouvelables, dans un cadre entièrement public – vous le savez, nous ne lâcherons rien sur ce sujet.
Toutefois, s’agissant de la question de forme que soulève le groupe écologiste par la voix de Daniel Salmon dans la motion tendant à opposer la question préalable, pardonnez-moi de dire que nos collègues ont raison !
On nous indique que le contenu des débats publics sera versé aux discussions à venir. Peut-être est-ce parfaitement constitutionnel, monsieur le rapporteur, mais il y a aussi une question politique ! On n’ouvre pas un débat public en organisant, en même temps, le débat au Parlement. C’est exactement pareil lorsque l’on nous invite à débattre rapidement sur les retraites, tout en nous disant que l’on mènera simultanément une concertation avec les partenaires sociaux…
Par ailleurs, nous sommes amenés, ici, à prendre une décision sur le nucléaire sans être revenus auparavant sur l’actuelle loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, qui prévoit un objectif de 50 % de la production d’électricité d’origine nucléaire.
Je suis désolé de le dire, mes chers collègues, on prend le problème à l’envers ! Comme nous ne cessons pas de vous le répéter depuis le mois de juillet dernier, madame la ministre, ayons le débat politique et fixons les objectifs avant d’aborder les textes qui permettent de les atteindre. J’y insiste, le travail que nous sommes en train de mener ira à l’encontre de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie toujours en place !
Enfin, imaginons – ce n’est pas mon souhait, je le précise – que, dans la prochaine loi de programmation, nous retenions le postulat de RTE, à savoir 100 % d’énergies renouvelables. Ce que nous faisons aujourd’hui serait caduc, et nous nous serions réunis pendant deux ou trois jours pour rien.
Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur la motion de nos collègues écologistes tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Sans reprendre l’argumentaire de Fabien Gay, auquel nous souscrivons pour ce qui concerne la procédure, je voudrais apporter une précision.
Nous n’examinons pas aujourd’hui le texte du Gouvernement, dont l’objectif était d’anticiper sur les plans administratif et juridique les décisions à venir, qui seront élaborées dans le cadre de la future stratégie française en matière de climat et d’énergie que nous appelons tous de nos vœux. Nous examinons le texte qui a été voté par la commission des affaires économiques du Sénat, laquelle a modifié, voire dévoyé, si j’ose dire, le texte initial, pour traduire dans la loi le discours du Président de la République à Belfort. Elle est même allée au-delà des intentions présidentielles !
Là où, comme l’a mentionné le rapporteur pour avis, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, saisie pour avis, a sécurisé de façon rigoureuse et responsable le texte, notamment en précisant la notion de proximité immédiate et le séquençage des travaux, en définissant les bâtiments sensibles, en veillant à ce que l’Autorité de sûreté nucléaire puisse toujours assumer ses fonctions, la commission des affaires économiques – sous l’ombre de Pierre Messmer, allais-je dire – a établi une nouvelle programmation énergétique. Celle-ci va s’imposer lors de la discussion de la future loi de programmation, en court-circuitant toutes les procédures de concertation et de débat public, ce qui s’apparente à une forme de déni de démocratie consultative.
Mes chers collègues, nous ne sommes plus dans les années 1970 : il faut, d’une certaine façon, remettre les choses dans l’ordre !
Bien que nous déplorions la présentation prématurée de ce texte, si celui-ci se cantonne à des aspects administratifs et juridiques, nous sommes favorables, au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, à la poursuite de son examen. Nous essaierons en effet de revenir aux dispositions proposées par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
En conséquence, nous nous abstiendrons sur la motion.
Mme le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Il est toujours amusant de voir l’illustration de certains dogmatismes ! Je reconnais au groupe écologiste une certaine continuité dans l’erreur ; nos collègues ont toujours été contre le nucléaire et pour le tout-EnR. Mais dire que le processus démocratique n’a pas été respecté est discutable, d’autant que l’on discute du sujet depuis de nombreuses années ici.
Je reconnais que l’inversion du calendrier – présenter des textes sur le nucléaire ou les énergies renouvelables pour, en toute fin de processus, passer la programmation pluriannuelle – paraît assez illogique. Pour autant, ce n’est pas parce que le processus démocratique est accompli que la décision adoptée est bonne. (Murmures sur les travées du groupe GEST.)
Je rappelle à cet égard les orientations prises en 2011, avec, à l’époque, un accord électoral entre les Verts et les socialistes – le candidat François Hollande n’était pas encore président, mais il a mis cette décision en œuvre. Il est incontestable que celle-ci a été prise dans le cadre d’un processus ratifié par les élections. Ce fut un choix tout à fait démocratique, qui se révèle aujourd’hui catastrophique ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Vous voyez donc, mes chers collègues, qu’un processus démocratique parfaitement réalisé ne garantit pas une bonne décision.
Par ailleurs, on dit que le calendrier serait prématuré ; pour ma part, je crois surtout qu’il est tardif. On a mis des années à changer d’orientation. Non, le Président de la République n’est pas allé à Belfort : il est allé à Canossa ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Quoi que vous en disiez, madame la ministre, et même si vous ne voulez pas le reconnaître, c’est un revirement !
Enfin, je n’ai pas une admiration totale pour le gourou médiatique qu’est Greta Thunberg. Mais, devenant adulte, celle-ci a reconnu voilà quelques mois qu’il valait mieux avoir des centrales nucléaires que des centrales à charbon. Tout arrive, mes chers collègues… En attendant, nous payons aujourd’hui très cher nos erreurs stratégiques et nous n’avons pas fini de les corriger ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Bravo !
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Moga. Même si mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même regrettons le désordre inhérent à l’examen parlementaire de notre politique énergétique et l’absence de loi globale sur l’énergie, nous ne voterons pas cette motion, parce que le texte que nous allons examiner permettra de limiter les freins, de lever les blocages, de contourner les obstacles à la construction de nouvelles centrales et à la modernisation des réacteurs existants, parce que le nucléaire est aujourd’hui incontournable dans notre mix énergétique. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme le président. Je mets aux voix la motion n° 4, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes ici une majorité à être d’accord pour simplifier et alléger le carcan normatif pesant sur la construction de nouvelles centrales nucléaires et l’entretien du parc existant.
Cependant, nous ne saurions réduire le débat sur ce projet de loi à de simples allègements administratifs, sans évoquer la vision et le cap de notre politique énergétique, si tant est qu’il en existe encore un.
La temporalité de l’examen de ce texte est tout d’abord doublement anachronique.
Nous sommes encore soumis à la mauvaise trajectoire de la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie pour les années 2018 à 2023 et nous légiférons sans connaître les objectifs pour la période courant de 2023 à 2028, qui seront fixés dans quelques mois seulement.
En effet, dans la continuité de la politique menée depuis 2012, l’exécutif a prévu en 2018 la fermeture de quatorze réacteurs nucléaires d’ici à 2035, pour passer la part du nucléaire de 80 % à 50 % dans notre mix énergétique national.
Les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim ont ainsi été fermés en 2020 après quarante-trois ans de fonctionnement, soit la moitié de la durée de vie de certaines centrales aux États-Unis, et alors que nous avons une ingénierie de pointe en la matière. Vous êtes, madame la ministre, pour le départ à la retraite à 64 ans pour tous, sauf pour les réacteurs nucléaires ! (M. Fabien Gay rit.)
Puisque le présent texte prévoit désormais le départ à la retraite des réacteurs au-delà de 60 ans, il serait incompréhensible de ne pas revenir sur cette décision. Cette centrale, en effet, ne présentait aucun dysfonctionnement mettant en cause la sûreté de l’installation.
À cette problématique s’ajoute celle, d’ordre juridique, qui consiste à savoir si l’on peut définir une stratégie souveraine, indépendamment de celle que fixent les institutions européennes, sous le regard attentif et la main interventionniste de l’Allemagne.
Aujourd’hui, notre filière nucléaire est la première victime des choix de Bruxelles, que vous appliquez avec le zèle qui vous caractérise.
Dès lors, oui, je ferai tout pour actionner les faibles leviers qui sont les nôtres en faveur de la prolongation des centrales existantes et la construction d’EPR de nouvelle génération et de petits réacteurs modulaires. Mais, non, je ne participerai pas à l’enthousiasme communicationnel autour de ce tout petit texte rédigé à la hâte, car je suis chaque jour aux côtés des Français qui voient leur facture énergétique exploser en raison de vos choix désastreux.
Je suis aux côtés des artisans et des entreprises précarisés, non pas à cause de la guerre en Ukraine, mais à cause de vos renoncements sur la filière nucléaire, notamment l’abandon du projet Astrid (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration), après celui de Superphénix.
Je suis aux côtés des maires qui voient leur budget rabougri, obérant le développement de leur commune.
Les événements du dernier week-end en Allemagne sont l’image parfaite de ce que nous ne voulons pas voir chez nous : une guerre sociale, des villages détruits pour des mines et d’ignobles éoliennes qui s’étendent avec un appétit sans fin. (Murmures sur les travées du groupe GEST.)
C’est pourtant ce qui se profile avec la réouverture du site de Saint-Avold et le développement des énergies intermittentes. Votre entêtement idéologique et vos petits accords électoraux avec les talibans verdoyants (Exclamations sur les travées du groupe GEST. – M. Thomas Dossus salue ironiquement.), qui, on l’a entendu tout à l’heure, n’en ont jamais assez, conduisent le pays au désastre économique et écologique !
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Ravier. Le Gouvernement est frappé par une inflation de son incompétence, et ce sont les Français, une fois de plus, qui en paieront le prix.
Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les inquiétudes exprimées à la fin de l’année 2022 et les plans de délestage annoncés dans la presse constituent une piqûre de rappel – s’il en fallait une ! – quant à la vulnérabilité de notre approvisionnement en énergie.
Nous échapperons probablement aux coupures cet hiver, grâce aux efforts des Français, qui réduisent leur consommation d’énergie, au redémarrage de nombreux réacteurs durant le mois en cours et aux températures clémentes des trois dernières semaines. Mais pour combien de temps ?
La période qui commencera en 2050 correspond au moment où nous espérons atteindre la neutralité carbone et où nous devrons fermer les réacteurs nucléaires en fonction. Elle sera déterminante pour préserver nos conditions d’existence et participer à la lutte contre le changement climatique.
Nous sommes donc au tournant de la sortie progressive de l’ère des énergies fossiles, sortie qui, au regard du retard pris, s’annonce abrupte.
Elle implique notamment de décarboner tous les secteurs, à commencer par celui de l’énergie, et ainsi de doubler notre production d’électricité. Les différents exercices de prospective récents, le rapport Transition(s) 2050 de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ou Futurs énergétiques 2050 de Réseau de transport d’électricité, entre autres, permettent d’éclairer le débat public et la représentation nationale.
Tous les scénarios présentent de fortes incertitudes quant à la disponibilité des technologies, au contexte social, géopolitique et macroéconomique, aux besoins en formation ou au financement.
Dans tous les cas, le groupe RDSE soutient de longue date un mix énergétique diversifié, combinant nucléaire, énergies renouvelables (EnR) et hydrogène, afin de garantir la stabilité du système électrique, lequel doit demeurer pilotable.
En outre, la prolongation, dans le cadre du scénario « N03 » favorisé par la commission des affaires économiques, du fonctionnement des centrales actuelles jusqu’à l’âge de 60 ans, alors que celles-ci ont été conçues pour une durée de quarante ans, bien qu’elle soit souhaitable, ne saurait être considérée comme acquise.
Aussi, il faut aller vite et relancer un nouveau programme nucléaire. Après l’examen d’un projet de loi consacré à l’accélération des énergies renouvelables, on ne peut que se réjouir du retour en grâce de l’atome, à la fois en France et sur la scène internationale.
En pariant sur le nucléaire, en confirmant ses choix historiques, qui lui ont permis de produire une électricité largement décarbonée, la France ne fait pas cavalier seul.
Cependant, le temps long de la construction des réacteurs implique de prendre dès à présent des décisions, pour compter sur une première mise en service en 2035 et un parc de quatorze EPR en 2050.
Cette accélération ne doit pourtant pas être synonyme d’escamotage de la démocratie participative ou représentative ou encore des règles de sécurité et de sûreté.
C’est bien cela que garantit ce projet de loi, en facilitant la construction de nouveaux réacteurs sur les sites existants ou dans leur proximité immédiate, afin de s’assurer de l’acceptabilité des projets. C’est ainsi le cas de la centrale du Blayais, dont je défends la candidature à l’accueil d’une paire d’EPR, avec nombre de maires, d’entreprises et d’habitants de ce territoire girondin.
J’ai déposé un amendement visant à ce que les études de faisabilité concernant la construction de ces réacteurs soient rendues dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, afin de donner de la visibilité à ce territoire qui dispose de tous les atouts pour les recevoir. Examiné en commission, celui-ci a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. J’en prends acte.
Nous le savons, les défis de la filière nucléaire ne reposent pas seulement sur les démarches administratives. Le projet de loi ne produira qu’un gain de temps mineur, certes non négligeable : un raccourcissement des délais de cinquante-six mois, selon le rapporteur au fond.
Des obstacles plus importants nous attendent, qui sont de plusieurs ordres : délais industriels ; solutions à trouver aux problèmes de construction apparus sur le chantier de Flamanville ; formation et maintien des compétences ; sécurité d’approvisionnement en uranium dans un contexte géopolitique peu prévisible ; réchauffement climatique, qui soulève la question du refroidissement des centrales ; gestion des déchets ; revalorisation du combustible ; financement ; ou encore effets de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) sur la situation d’EDF.
Il s’agit d’un défi industriel considérable pour une filière qui se tient prête à le relever. Aussi est-il dommage, alors que le débat public est en cours s’agissant de la construction de deux EPR à Penly et du programme du nouveau nucléaire, que nous ne disposions pas de plus d’informations concernant le financement de ce dernier. De même, il est regrettable que nous ne disposions pas, à ce jour, de la liste des sites d’implantation des huit EPR supplémentaires prévus.
Enfin, si l’on ne peut, quel que soit le scénario choisi, lever les incertitudes technologiques et financières, levons au moins les incertitudes politiques et juridiques. Le groupe du RDSE votera donc en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme le président. La parole est à Mme Sophie Primas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui ne peut masquer la responsabilité du Gouvernement et de sa majorité dans le déclin de notre filière nucléaire.
M. Stéphane Le Rudulier. Elle est lourde !
Mme Sophie Primas. Fin 2022, au moment même où, plus que jamais, nous avions besoin de cette source d’énergie pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine, la moitié de nos réacteurs était encore à l’arrêt, symptôme apparent d’une situation moins visible, mais structurellement grave.
En réalité, jusqu’au discours de Belfort, tenu fort opportunément à la toute fin du précédent quinquennat, à revers de la politique menée jusque-là, le Gouvernement a totalement délaissé la filière du nucléaire. Il est même allé, ne l’oublions pas, jusqu’à céder les capacités de production de turbines nucléaires d’Alstom, dans une bataille géoéconomique et géopolitique épique.
Madame la ministre, vous indiquez ce matin, dans Le Figaro, que, au cours du premier quinquennat, vous aviez consolidé la filière,…
M. François Bonhomme. Il faut le dire vite !
Mme Sophie Primas. … via Areva et Framatome.
M. Jean-François Rapin. Cela ne correspond à aucun projet !
Mme Sophie Primas. C’était tout de même bien le minimum ! Fallait-il aussi fragiliser ces deux acteurs industriels majeurs ?
Vous affirmez avoir alloué, depuis trois ans, avec France Relance et France 2030, de fortes sommes au nucléaire.
M. Jean-François Rapin. Zéro !
Mme Sophie Primas. Rappelons pourtant les chiffres : 470 millions d’euros pour France Relance et 1,2 milliard d’euros pour France 2030.
Aurai-je la cruauté de rappeler que nous avons voté, dans le projet de loi de finances pour 2023, plus de 50 milliards d’euros de boucliers énergétiques de tous ordres pour soutenir notre économie, sans aucun investissement à la clé ? 50 milliards d’euros d’eau sur le sable en un an, contre 1,5 milliard d’euros pour semer l’énergie de demain… Le compte n’y est pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Gouvernement a poursuivi la politique de fermeture des réacteurs existants décidée lors du quinquennat précédent, sans rien remettre en cause de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 ; il a acté quatorze arrêts de réacteurs en vingt ans et exécuté Fessenheim dès 2020 !
M. François Bonhomme. Tout à fait !
Mme Sophie Primas. Ce gouvernement, qui fait aujourd’hui du nucléaire un élément central de la transition énergétique avec la sobriété et les EnR, a fait preuve d’un attentisme regrettable et coupable. Les occasions étaient nombreuses, mais il n’a pas pris la décision de construire de nouveaux réacteurs…
M. François Bonhomme. Surtout pas !
Mme Sophie Primas. … lors de la révision de notre planification énergétique nationale, dans la loi de 2019 relative à l’énergie et au climat, non plus que dans la programmation pluriannuelle de l’énergie de 2020.
La loi de 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets n’a été qu’une nouvelle occasion manquée.
M. François Bonhomme. Olé !
Mme Sophie Primas. Je me souviens des lourdes difficultés, voire des sarcasmes, auxquelles nous nous sommes heurtés dans cet hémicycle pour faire adopter un principe pourtant de bon sens : l’interdiction de toute nouvelle fermeture de réacteur, sauf motif de sûreté, en l’absence d’étude d’impact sur la sécurité de notre approvisionnement énergétique et sur les émissions de gaz à effet de serre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je me souviens que la ministre de l’énergie d’alors…
M. François Bonhomme. Où est-elle passée ?
Mme Sophie Primas. … avait même qualifié, au banc du Gouvernement, le travail de notre commission de « ni fait ni à faire » !
Certes, le discours a changé, mais les annonces de Belfort, concernant, notamment, les six EPR 2, restent en deçà des besoins.
Le scénario « N03 » de RTE exige la construction de quatorze EPR 2, ainsi qu’une production de 4 gigawatts issue de SMR. De plus, ce scénario ne prend pas en compte le risque de non-prolongation des réacteurs au-delà de 60 ans – cela peut arriver –, non plus que les besoins en électricité qui pourraient naître de la réindustrialisation des territoires ou du développement de l’hydrogène.
M. François Bonhomme. Cela fait beaucoup !
Mme Sophie Primas. Certes, le discours a changé, mais la situation de notre parc nucléaire demeure préoccupante. La fermeture de la centrale de Fessenheim nous a privés d’une puissance de 1,8 gigawatt, soit l’équivalent de 1 800 éoliennes, représentant une économie de CO2 de 10 millions de tonnes.
Surtout, ce manque d’ambition vis-à-vis du nucléaire a asphyxié une filière qui, se croyant en déclin, n’a plus attiré ni les talents en nombre suffisant ni le volume d’investissements nécessaire.
M. Jean-François Rapin. Tout à fait !
Mme Sophie Primas. En témoigne, par exemple, la baisse de 70 millions d’euros du budget du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) entre 2017 et 2021, ainsi que l’arrêt coupable du projet Astrid en 2019.
M. Bruno Sido. Eh oui !
Mme Sophie Primas. Les Français ne doivent pas être éblouis par l’avalanche soudaine de projets de loi relatifs à l’énergie, au risque d’oublier les conséquences délétères de cette politique de l’abandon.
RTE n’a-t-il pas placé la France en situation de « vigilance particulière » jusqu’en 2024 en matière de sécurité d’approvisionnement ? L’Ademe évoque, quant à elle, une « érosion tendancielle » de la production nucléaire depuis dix ans, et l’Autorité de sûreté nucléaire, un système électrique « sans marge ».
Il est donc urgent d’agir, au-delà du texte de simplification proposé. Le Gouvernement doit lancer la construction effective des réacteurs, les six annoncés comme les huit qui sont à l’étude ; il doit aussi proposer un modèle de financement, car le groupe EDF ne peut assumer seul le coût des EPR 2, qui atteindra au bas mot 46 milliards d’euros pour les six premiers d’entre eux.
M. Ronan Dantec. C’est l’estimation la plus basse !
Mme Sophie Primas. Il doit, de surcroît, préparer un plan d’attractivité des métiers et des compétences pour garantir la main-d’œuvre nécessaire aux EPR 2, soit 30 000 emplois pour les six premiers. Je sais que vous êtes engagée sur ce dossier, madame la ministre.
Enfin, et surtout, la recherche et le développement doivent être soutenus pour renforcer nos capacités d’innovation et d’attractivité, notamment en ce qui concerne les réacteurs de quatrième génération ou la poursuite du projet Iter. En effet, mes chers collègues, l’énergie du XXIIe siècle s’invente aujourd’hui et, comme l’a dit notre excellent rapporteur, « le nucléaire de demain ne sera pas celui d’hier ».
C’est donc à ces conditions que la relance du nucléaire pourra être réalisée et notre souveraineté retrouvée, car le nucléaire est un levier de souveraineté énergétique.
Certes, j’entends l’argument avancé par nos collègues s’agissant de la dépendance à l’uranium. Il est juste. Pour autant, il est aussi valable pour les EnR, qui nécessitent des terres rares pour les aimants d’éoliennes, par exemple.
La réponse à ces dépendances envers des ressources non disponibles sur notre territoire se trouve dans la recherche, dans le bouillonnement de l’innovation, dans l’optimisation et dans le recyclage de ces matériaux.
Le nucléaire est une énergie qui offre aux Français et à nos entreprises un coût d’électricité inférieur à celui que pratiquent d’autres pays européens, au point que nos amis allemands en font un sujet. Il est un levier indispensable de transition énergétique, avec des émissions n’excédant pas 6 grammes par kilowattheure.
Son développement ne s’oppose pas à celui des énergies renouvelables, nous devons mettre un terme à ces batailles qui relèvent du passé. Au contraire, toute production décarbonée est bonne à prendre pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, adopté sur l’initiative de notre commission dans la loi de 2019 relative à l’énergie et au climat !
Le développement de l’énergie nucléaire est sans doute, par ailleurs, l’une des conditions du développement de l’hydrogène, qui pourrait être produit à grande échelle à partir de l’électricité de nos réacteurs.
Oui, madame la ministre, notre commission a transformé ce texte technique en affirmation d’une volonté politique pour réussir enfin la relance de l’énergie nucléaire, pour donner ce signal tant attendu depuis plus de dix ans.
Au-delà de la simplification normative, nous avons souhaité dessiner une véritable trajectoire de relance, pour un nucléaire plus abondant, plus sûr, plus rapide et plus innovant.
Nous ne pouvions nous résoudre à indiquer, comme vous le faisiez dans le texte d’origine, qu’il faut « accélérer l’installation de nouveaux réacteurs, accélérer la prolongation des centrales actuelles », tout en actant les prochaines fermetures de douze anciens réacteurs actifs. Il s’agit bien d’une contradiction flagrante !
Cette coordination juridique d’une cohérence politique et de l’affirmation d’une ambition énergétique devait être opérée ; à défaut, rien, dans ce projet de loi, ne ferait sens.
Le groupe Les Républicains prendra donc ses responsabilités et votera ce texte, parce qu’il aura été enrichi par la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville. (M. Jean-Louis Lagourgue applaudit.)
M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un grand Lorrain, Pierre Messmer, alors Premier ministre, déclarait en 1974 : « Notre grande chance, c’est l’énergie électrique d’origine nucléaire. » Malheureusement, trop d’années d’inaction, d’hésitation, d’atermoiements et de renoncements, trop de choix stratégiques souvent guidés par des opportunités politiques court-termistes, puis sacrifiés au profit de coalitions de circonstances, ont fragilisé ce fleuron industriel.
Tout cela a conduit au désinvestissement dans la filière et à un affaiblissement continu d’EDF, qu’il vous revient aujourd’hui de relancer, madame la ministre.
Ce texte est nécessaire, car il est urgent d’agir pour remettre en marche notre filière nucléaire. Il comporte deux grands volets.
Le premier volet porte sur la simplification des procédures réglementaires et administratives liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites existants ; le second a trait au fonctionnement des installations. Ce projet de loi pose en définitive le cadre d’une accélération procédurale.
Je veux saluer le travail de précision effectué par la commission des affaires économiques sur ce texte très technique, tout particulièrement celui de son rapporteur, Daniel Gremillet, dont nous connaissons à la fois la compétence et l’engagement majeur et constant. Ce texte n’est qu’une étape avant l’important projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), que nous examinerons dans le courant de l’année 2023.
Je me félicite tout particulièrement de la suppression de l’objectif de réduction à 50 % du nucléaire dans le mix énergétique que notre commission a imposé et que le groupe Les Indépendants – République et Territoires avait porté au travers de plusieurs amendements. En 2016, Ségolène Royal défendait l’objectif de baisser de 75 % à 50 % la part du nucléaire à l’horizon 2025… Nous sommes en 2023. Elle a été une orfèvre en matière de déplanification énergétique ! Quelle absence de réalisme, quel manque de vision !
Ce texte renforce utilement la place des collectivités territoriales. À ce titre, je salue particulièrement l’amendement qui tend à exclure les nouveaux réacteurs du décompte du « zéro artificialisation nette » au regard de l’ampleur des projets. Il s’agit d’une mesure protectrice pour nos collectivités.
Malgré toutes ces avancées notables, le chemin est encore long. Le vrai défi de demain sera technologique, industriel, financier et, bien sûr, humain.
La filière d’excellence doit ainsi absolument retrouver son attractivité ; la montée en compétences et en main-d’œuvre est l’un des principaux défis de la relance du nucléaire. Il nous faut absolument défendre une vision de long terme à ce sujet. Dans les dix ans à venir, entre 10 000 et 15 000 recrutements sont prévus dans la filière nucléaire, EDF prévoyant d’embaucher de 8 000 à 9 000 personnes dès la période 2022-2024 pour assurer ce processus.
Le nucléaire porte le triple objectif de souveraineté énergétique, d’indépendance de la Nation et de décarbonation de nos modes de vie. Nous devons néanmoins apprendre de nos échecs passés, comme l’EPR de Flamanville, l’abandon des projets Superphénix et Astrid ou encore l’arrêt de Fessenheim, et en tirer les enseignements.
Enfin, permettez-moi de m’exprimer en tant que conseiller régional du Grand Est et sénateur de la Meuse. Avec la Haute-Marne, notre département, cher Gérard Longuet, accueille le projet Cigéo de stockage des déchets nucléaires français. Madame la ministre, je sais que vous êtes particulièrement engagée sur ce dossier.
Ce projet, assis sur le travail d’un laboratoire expérimental, vise à sécuriser durablement les déchets. Il concourt pleinement à la crédibilité et à l’acceptation du nucléaire, au travers d’une maîtrise totale de la filière. Il s’inscrit dans un temps très long et laisse la porte ouverte aux innovations futures. Cela doit nous inspirer.
Madame la ministre, le chemin est encore long et les défis très nombreux. Cependant, les derniers résultats concernant la fusion sont très encourageants. Ce texte constitue une première étape pour la relance du nucléaire, laquelle est absolument nécessaire, car elle conditionne notre avenir industriel, économique et social.
Fort de ces constats, et prêt à prendre toute sa part dans ce nouveau défi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, il était une fois le nucléaire français !
J’ai un peu hésité sur la qualification de cette aventure industrielle unique au monde : « épopée », « odyssée » ?… Finalement, « conte de fées » me semble convenir le mieux, tant cette histoire fait appel au merveilleux : une merveille technologique, une merveille économique et, chapitre plus récent, sous les augures du mage Jancovici, une merveille écologique.
Tout est dit, mais il reste de petits « mais ». Les vrais amateurs le savent bien, de Charles Perrault aux frères Grimm, la fin d’un conte est souvent tragique et ne ressemble pas toujours à un dessin animé de Walt Disney. La faillite retentissante d’Areva en est une malheureuse illustration dans le conte de fées nucléaire français.
Parlons, certes, de merveille technologique, mais, concernant notre nucléaire, quelques pannes sans gravité – de simples corrosions de tuyaux de circuits de refroidissement – ont tout de même abouti à une situation remarquable : l’intermittence de notre parc nucléaire a été supérieure, l’année dernière, à celle du grand parc éolien danois. (M. Bruno Sido rit.)
Peu importe, tout cela est du passé, car, de la brume normande, surgit l’EPR flambant neuf de Flamanville, dont les électrons se déversent déjà en masse sur l’Ouest breton !
Ah, on m’informe qu’une vilaine sorcière mal intentionnée – peut-être Dominique Voynet ? – l’a transformé en Belle au bois dormant. Je sais toutefois que, dans cet hémicycle, se trouvent de valeureux guerriers, prêts à traverser les landes du Cotentin pour réveiller la belle endormie…
En outre, pas d’inquiétude, je suis en mesure de vous informer que nos ingénieurs français avaient découvert avant tout le monde la formule du béton du forum romain, l’un des secrets les mieux gardés de l’Antiquité, ce qui nous rend optimistes : même si le combustible n’est chargé que dans un siècle, notre enceinte en béton sera toujours vaillante !
Évoquons ensuite une merveille économique. À ce niveau, nous n’avons pas de concurrence. Empêtrée dans un dogme libéral suranné, nourrie de calculs à courte vue sur les prix de revient du mégawattheure, la totalité de nos voisins n’est pas capable de financer pendant autant d’années une machine qui ne fonctionne jamais. Pour reprendre les mots de l’ancien président-directeur général d’EDF, Henri Proglio, on a retrouvé les plans de cette machine dans le placard. Au vu des difficultés que nous rencontrons pour les déchiffrer, peut-être ont-ils été écrits en latin, comme le béton du forum ?
Nous allons battre – nous pouvons en être fiers, c’est le génie français ! – le record du monde du prix le plus élevé du mégawattheure issu d’une machinerie industrielle de production électrique. Et comme nous sommes têtus, nous nous projetons dans un monde en circuit fermé dans lequel, vers 2040, un EPR 2 générera des kilowattheures à deux, trois ou quatre fois le prix pratiqué par nos voisins européens, enfermés dans leurs sortilèges d’EnR.
Sommes-nous encore dans un conte de fées ou dans une fable ? J’hésite. Sans perdre le fil littéraire de mon propos, et au risque de verser dans une sécheresse technocratique qui ne me sied guère, je note tout de même que, un peu partout, on trouve du photovoltaïque produit à moins de 40 euros le mégawattheure, alors que nous avons vendu sur plan à nos amis anglais un EPR qui produira le mégawattheure à plus de 120 euros !
Reste la merveille écologique, que nul ne peut contester : une production décarbonée et infinie. Enfin, ce qui est infini, c’est surtout la durée de vie des déchets, pour lesquels nous ne disposons toujours pas de solution, sinon creuser des trous.
Pourtant, revisitons les temps anciens et rêvés du pompidolisme, du plan Messmer et du consensus gaullo-communiste. Les bonnes fées de l’époque nous avaient certifié que nous trouverions en cours de route la solution au problème des déchets, grâce au génie de nos ingénieurs. Cependant, sœur Anne – de Bretagne – ne voit toujours rien venir à Brennilis, où l’enveloppe du cœur n’a toujours pas été percée, à l’inverse du reliquaire.
Heureusement, Catherine Deneuve n’a pas encore eu la peau de l’âne qui paye le budget de l’État, car le démantèlement de nos vieilles centrales n’est, je le rappelle, toujours pas financé !
Il se fait tard. Avant que la présidente ne me transforme en citrouille,…
M. Antoine Lefèvre. Elle en est capable ! (Sourires.)
M. Ronan Dantec. … je rechausse donc mes pantoufles de vair – ou plutôt de vert ! – et vous donne rendez-vous pour deux jours de débats passionnants, afin de comprendre enfin les raisons de cette précipitation.
Mal utilisées, mes chers collègues, les bottes de sept lieues peuvent faire trébucher ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en ce début d’année 2023, notre parc nucléaire reprend des forces. Après une production historiquement faible en 2022 – autour de 280 térawattheures –, nous devrions atteindre cette année 330 térawattheures.
Deux facteurs principalement expliquent cette faible disponibilité du nucléaire : les opérations de maintenance classique et, surtout, un problème de fissuration, dit de corrosion sous contrainte, un mal mystérieux qui menace des tuyauteries de secours destinées au refroidissement et qui touche les tranches les plus récentes et les plus puissantes : Civaux, Penly et la centrale de Chooz.
Cette crise ponctuelle nous a permis de constater l’efficacité des autorités de contrôle et la diligence d’EDF pour garantir un niveau de sécurité optimal. Le problème générique sur les réacteurs a été pris très au sérieux et, sur les dix chantiers ouverts, six sont désormais terminés.
Ainsi, en ce milieu d’hiver, seuls douze réacteurs sont à l’arrêt, contre plus de trente au sortir de l’été. Le pire est donc passé, lorsque l’on sait que le pays a dû se résoudre, en 2022, à importer plus d’électricité qu’il n’en a exportée – une première en quarante ans. Cette année difficile pour le parc nucléaire doit nous conduire à nous interroger sur ce que nous souhaitons pour assurer notre indépendance énergétique.
Face au dérèglement climatique – l’année 2022 est la plus chaude jamais mesurée en France, je le rappelle –, et afin d’assurer une sécurité d’approvisionnement, ce gouvernement a choisi de construire sa stratégie énergétique autour de deux axes : les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire.
Notre groupe se réjouit que le Gouvernement ait choisi de reprendre le fil de la grande aventure du nucléaire civil en France, avec la construction de six EPR 2 et le lancement d’études sur la construction de huit EPR 2 additionnels.
Pour autant, une fois ce cadre politique posé, vient le temps essentiel de la concertation, un moment démocratique indispensable pour recueillir l’avis des citoyens sur les orientations de la politique énergétique française et permettre à chacun de s’exprimer sur les mesures à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de transition énergétique.
Cette concertation nationale a commencé le 20 octobre et prendra fin demain, le 18 janvier. À partir de ces contributions, le Parlement pourra débattre à son tour de la loi de programmation sur l’énergie et le climat. À cette occasion, notre groupe défendra une politique conforme à l’accord de Paris, c’est-à-dire fondée sur une réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport au niveau de 1990.
En attendant, plutôt que d’être dans la passivité, notre gouvernement a choisi d’agir et d’accélérer, et nous nous en félicitons.
Tel est l’objet de ce projet de loi, appuyé sur des mesures de simplification administrative, en matière tant d’urbanisme que de procédure et de planification, avec le seul but de gagner du temps, ou au moins de ne plus en perdre.
Ainsi, dès la promulgation de la loi de programmation, les dispositions dont nous allons débattre permettront d’être opérationnels en vue de la construction d’une première paire de réacteurs EPR 2 à Penly et de deux autres à Gravelines, dans le Nord.
En tant qu’élu drômois, rejoint en ce sens par mon ami le maire de Pierrelatte, Alain Gallu, je souhaite ardemment que le site du Tricastin puisse accueillir deux nouveaux réacteurs ; quelque 135 hectares y sont d’ores et déjà disponibles pour donner une nouvelle impulsion économique et industrielle à notre région.
Ce projet de loi, certes très technique, contient des mesures de simplification essentielles si nous entendons mettre en œuvre rapidement notre stratégie nucléaire.
Il propose ainsi de dispenser de permis de construire les installations et les travaux de création d’un réacteur nucléaire. La construction de réacteurs électronucléaires induit en effet des contraintes que le permis de construire ne permet pas d’appréhender dans leur intégralité.
Il permet aussi de démarrer certains travaux dès l’obtention d’une autorisation environnementale. Cela concerne des activités qui ne revêtent aucun caractère sensible, comme les travaux de terrassement ou de construction des bureaux, voire la construction de clôtures et de parkings nécessaires au chantier.
S’agissant de la centrale de Penly, il est proposé de construire de nouveaux réacteurs nucléaires en bord de mer. La particularité de cette centrale provenant de son site, au pied des hautes falaises de craie de la côte d’Albâtre, l’application de la loi Littoral doit être écartée pour ces travaux.
Enfin, le texte supprime, à juste titre, la mise à l’arrêt définitif de plein droit d’une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner depuis plus de deux ans. L’actualité récente nous a montré que certaines centrales frappées par une longue mise à l’arrêt ont dû recourir à des dossiers de demande de dérogation chronophages et peu utiles.
Ces mesures de simplification ont globalement été approuvées par la commission des affaires économiques, dont je salue l’esprit de responsabilité.
Notre groupe proposera cependant quelques amendements de correction, visant à revenir sur des précisions qui ont été adoptées en commission et qui sont satisfaites par le code de l’environnement. Nous comptons modifier également l’article 3, qui apporte des précisions aux demandes d’autorisation environnementale et dont la rédaction actuelle risque d’alourdir le dispositif sans apporter de réelle plus-value.
Hormis ces quelques points, nous nous félicitons qu’une grande partie des groupes politiques soutienne ce texte fondateur, première pierre d’un immense chantier pour la relance du nucléaire en France. Bien évidemment, notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, parce que le Président de la République et les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017 l’ont voulu ainsi, la question énergétique a été totalement absente du débat public pendant les cinq dernières années.
Vous n’avez pas voulu aborder au fond cette question déterminante pour l’avenir de notre pays, madame la ministre. Et ce n’est pas faute de vous avoir souvent interpellée à ce sujet.
Pourtant, les raisons ne manquaient pas : elles sont toutes liées à la question du changement climatique et à l’action immédiate qui en découle, c’est-à-dire aux politiques publiques qu’il convient de construire dans la concertation et de fonder sur la compréhension de nos concitoyens, qu’elles portent sur la souveraineté économique et la compétitivité, le coût de l’énergie pour de très nombreux Français en difficulté, l’électrification pour la décarbonation des processus industriels, l’adaptation des modes de transport et de l’habitat, ou encore l’inflation, puisque l’énergie est au cœur de son mécanisme.
Avant l’envolée des prix de l’énergie liée à la crise géopolitique en Europe, une crise de l’offre était déjà là. Vous n’avez pas voulu la prendre en compte, madame la ministre.
Depuis trop longtemps, l’entreprise nationale EDF est ponctionnée par l’Arenh, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, et ce mécanisme la place aujourd’hui dans une position presque inextricable. Votre gouvernement est resté sourd aux appels de son PDG, que vous aviez pourtant nommé.
Le quinquennat aurait dû être mis à profit pour engager la concertation avec les Français et le Parlement sur la stratégie sur l’énergie et le climat, préalable à la loi de programmation quinquennale et à la PPE qui en est la traduction opérationnelle.
Après ces cinq ans de perdus, en février 2022, de manière quasi concomitante au début de la guerre en Ukraine, la construction de trois paires d’EPR 2, ainsi que celle, ultérieure, de huit EPR supplémentaires ont été annoncées, de même que la production de quelques gigawatts au moyen de SMR dont on ne sait pas, au-delà des incertitudes pesant sur cette technologie, quelle sera la doctrine d’utilisation.
Voulez-vous laisser ce type de technologie filer aux mains du privé, madame la ministre ? La question n’est pas légère, et j’estime que le Parlement et les Français ont leur mot à dire.
Aujourd’hui, en position de faiblesse et dans le cadre d’une logique qui défie le bon sens, vous nous demandez d’accélérer le développement des énergies renouvelables et vous nous proposez de simplifier, pour les quinze ans à venir, les procédures d’autorisation pour la construction de nouvelles installations nucléaires sur des sites existants ou à proximité immédiate.
Ce que vous proposez permettra de gagner une année, voire deux, après en avoir perdu cinq, et ce pour des installations industrielles dont la durée de vie pourrait être de soixante ans ou plus. Ainsi exprimé, on saisit mieux l’enjeu, qui, pour n’être pas du tout à la hauteur du sujet et de son urgence nationale, n’en est pas moins à considérer.
Nous sommes globalement favorables à ces dispositions de simplification qui faciliteront le travail des opérateurs – EDF Production, RTE – et des filières industrielles concernées. Mais où le Président de la République et le Gouvernement veulent-ils amener le pays en matière de mix énergétique, madame la ministre ?
Tous les réacteurs nucléaires anciens ne pourront être reconduits. Certains devront être mis à l’arrêt à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire – RTE l’a anticipé dans ses hypothèses d’études.
Dès lors se pose la question – et je vous la pose, madame la ministre – du cadre dans lequel le Président de la République envisage la construction de quatorze EPR 2. Le scénario « N03 » de l’étude de RTE intitulée Futurs énergétiques à l’horizon 2050 est celui dont la proportion d’électricité d’origine nucléaire – 50 % – est la plus élevée. Est-ce celui que vous retenez, madame la ministre ? Dans l’objet de votre amendement n° 118, que nous examinerons dans quelques instants, vous évoquez un « équilibre » dans le mix énergétique.
En revanche, en cohérence avec l’exigence de débat public et parlementaire préalable à la loi de programmation quinquennale et à la PPE, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’est pas favorable aux dispositions relatives à la PPE introduites sur proposition du rapporteur en commission.
Nous proposerons des amendements de suppression de ces dispositions, car la PPE ne peut être traitée sur un coin de table, au détour d’un texte centré sur les procédures.
Par ailleurs, si vous pensez que ces objectifs de PPE sont en rapport avec le texte proposé par le Gouvernement, monsieur le rapporteur, pourquoi avoir déclaré irrecevable notre amendement visant à réaffirmer la nécessité de renationaliser EDF, dont le rapport avec le sujet est évident ?
M. Fabien Gay. Très bien !
M. Franck Montaugé. Tout en considérant le texte initial comme utile, le groupe SER conditionne son vote final au sort qui sera réservé à nos amendements de suppression des seuils légaux actuels. Et parce qu’il ne doit pas y avoir d’article 45 de la Constitution à géométrie politique variable, nous rappellerons que la loi doit garantir à EDF un caractère public d’entreprise intégrée, au cœur du futur énergétique de la Nation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay. (M. Fabien Gay dépose L’Humanité du jour au banc des commissions.)
M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, août 2022 : par un projet de loi sur le pouvoir d’achat, le Gouvernement sécurise le relèvement du plafond de l’Arenh à 120 térawattheures.
Novembre 2022 : dans le projet de loi de finances, le Gouvernement prolonge le bouclier tarifaire pour 2023.
Décembre 2022 : le Gouvernement nous soumet l’examen d’un projet de loi sur les énergies renouvelables.
Janvier 2023 : encore un texte sur l’énergie, cette fois-ci pour construire de nouvelles centrales nucléaires.
Texte après texte, la question de l’énergie est traitée segment par segment, petit morceau par petit morceau. Il est donc difficile d’entrevoir une cohérence ou une réflexion d’ensemble.
Le sentiment qui prévaut est celui d’un traitement sur la forme, qui évite toujours les questions de fond. Qu’il s’agisse des énergies renouvelables ou du nucléaire, l’explication serait toujours la même : des procédures administratives trop longues, qu’il faudrait simplifier.
La même recette se glisse dans tous les textes, saupoudrée d’un peu d’acceptabilité et de quelques mots magiques : concertation, démocratie locale, discussion. Des points évidemment très importants, qui doivent être partie intégrante de la mise en pratique d’un texte. Mais pour qu’il y ait une mise en pratique, encore faut-il savoir vers quels objectifs on avance !
Or, dans votre texte, il n’y a pas d’objectif clair et défini, madame la ministre. Vous visez la construction de nouveaux EPR. Mais comment ? Rien n’est dit sur le financement de ces nouveaux équipements. Votre texte n’en parle tout simplement pas. Qui va payer pour ces investissements ? EDF avec ses 60 milliards de dettes, dont une bonne partie vient de l’Arenh, ce système absurde qui l’a ruinée année après année au profit des fournisseurs alternatifs, qui, eux, n’ont rien investi ?
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Fabien Gay. Et qui va bénéficier de ces nouvelles capacités de production ? Les fournisseurs alternatifs, encore ? Le mécanisme de l’Arenh arrivera à son terme dans deux ans, mais qu’est-ce qui prendra la suite ? Chaque fois que l’on pose la question, vous nous faites la même réponse, madame la ministre : « Les discussions sont en cours. »
Cela veut bien dire que l’on réfléchit à créer des équipements, à investir, avant même de savoir comment on va exploiter la production. Rien ne justifie que l’État s’abstienne de mener une telle réflexion et, pourtant, c’est silence radio dans votre texte – pas un mot.
Autre point central : pourquoi la France construirait-elle de nouveaux réacteurs ? Pour sa souveraineté énergétique ? Pour son indépendance ? Pardonnez-moi, mais il n’y a aucune souveraineté possible avec le marché européen de l’énergie ! Vous payez pour la politique énergétique de vos voisins, que ces derniers cherchent ou non à sortir des énergies fossiles.
Vous pouvez construire tous les réacteurs du monde, vous n’aurez aucune souveraineté tant que vous ne réformerez pas le marché européen de l’énergie. Mais sur ce sujet aussi, madame la ministre, vous allez me dire – rebelote ! – que les discussions sont en cours…
Nous examinons un texte prévoyant des investissements dont le montant s’élève à plusieurs dizaines de milliards d’euros à l’aveugle, sans savoir ce qu’il y aura après. C’est la politique du « Allons-y, on verra plus tard pour la suite ! ».
Il en va de même pour EDF : l’État veut détenir 100 % du capital. Très bien, mais pour quoi faire ? Pour bâtir un grand service public de l’énergie comme nous le souhaitons, ou pour scinder l’entreprise historique en plusieurs morceaux et l’ouvrir aux acteurs et aux capitaux privés ? Mystère ! On ne sait toujours pas, mais il faudrait voter un texte pour construire de nouveaux réacteurs, le tout alors que même le nouveau PDG d’EDF n’a pas encore défini sa feuille de route.
En d’autres termes, nous n’avons même pas de visibilité sur l’existant, sur sa gestion, sur les ambitions, et même pas encore de PPE. Vous nous demandez de nous projeter sur de nouvelles infrastructures. Quid de l’arrêt des douze tranches prévu dans la PPE ?
Madame la ministre, la question n’est pas la longueur des procédures administratives, mais de savoir vers quoi nous avançons pour le prochain siècle. Nous parlons en effet d’équipements dont la construction durera vingt-cinq ans et dont la durée de vie sera de soixante ans.
L’urgence est donc non pas de réduire de quelques mois les procédures administratives sur des chantiers qui commenceront au mieux en 2027, mais bien d’avoir un débat politique et une vision de long terme.
D’ailleurs – ce sera ma dernière question –, qui travaillera sur les chantiers des nouveaux réacteurs ? Qui entretiendra ces derniers ? Sur quelle filière industrielle comptez-vous vous appuyer ?
Chaque fois que vous en avez l’occasion, vous sonnez la charge contre le statut des industries électriques et gazières (IEG) – cette fois-ci au travers d’une réforme des retraites à laquelle 80 % des Français sont opposés.
Or vous attaquer au régime spécial des IEG, c’est vous attaquer à toute la filière et lui faire perdre en attractivité. Comment allez-vous construire des réacteurs sans travailleurs et travailleuses qualifiés ? Si vous comptez sur de la sous-traitance en cascade, alors il faudra assumer que vous voulez du nucléaire low cost et bas de gamme, avec des travailleurs précaires qui subiront votre réforme des retraites. C’est incompatible avec les enjeux de sûreté nucléaire.
Votre texte vise à parler du nucléaire, mais sans parler du nucléaire. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Franck Montaugé applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Moga. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, attendu depuis plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années, l’inscription à l’agenda parlementaire de l’accélération de notre stratégie nucléaire, bien qu’elle soit tardive, est à saluer.
L’atome doit être au cœur de notre politique énergétique. Plus qu’une conviction, c’est une certitude.
Bienvenu et salutaire, ce projet de loi ne résout toutefois qu’une partie de l’équation posée par nos politiques énergétiques. Avec mes collègues du groupe Union Centriste, je regrette ainsi le désordre inhérent à l’examen parlementaire de notre politique énergétique.
En décembre dernier, nous examinions le projet de loi d’accélération des EnR. Aujourd’hui, c’est le nucléaire. Et en juin prochain, dans le meilleur des cas, nous examinerons la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Mes chers collègues, tout cela manque de lisibilité et de clarté. Nous devons pourtant poser les jalons d’une politique cohérente, afin de bâtir notre souveraineté énergétique à l’horizon 2050.
Conçu comme un accélérateur, ce texte simplifie tant les procédures juridiques préalables à la construction des quatorze EPR, annoncée par le Président de la République lors de son discours de Belfort, que les contraintes pesant sur les sites existants.
Il vise à réduire les freins, à lever les blocages et à contourner les obstacles qui condamnent aujourd’hui la construction des réacteurs et la modernisation des installations à une lenteur aussi désolante que problématique.
Si le texte initial du Gouvernement allait dans le bon sens, je souhaite saluer le travail précieux des rapporteurs, Daniel Gremillet et Pascal Martin, ainsi que celui de la commission des affaires économiques et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Ils rappellent tout l’intérêt de l’intervention parlementaire.
Mes chers collègues, je souhaite que l’examen en séance publique nous permette de continuer d’enrichir le texte.
À l’heure de la crise de l’énergie, il est de notre responsabilité de bâtir notre souveraineté en nous appuyant sur un mix énergétique décarboné, associant à la fois l’énergie nucléaire, qui est pilotable, et les énergies renouvelables, qui sont désormais compétitives. L’un n’ira pas sans l’autre si nous voulons bâtir une politique énergétique à la hauteur des défis qui nous attendent.
Afin de relever ces défis, mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même présenterons un certain nombre d’amendements et voterons ce texte avec exigence et responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant en treizième position dans cette discussion générale, après notamment les excellents rapporteurs Daniel Gremillet et Pascal Martin, j’ai bien conscience que tout ou presque a été dit sur ce texte. Je tenterai toutefois d’apporter un regard peut-être un peu moins technique, et, oserai-je dire, plus « pratico-pratique ».
Mes premiers mots seront pour le titre de ce projet de loi, censé traduire les intentions du Gouvernement. Permettez-moi, en tant que membre de la commission de la culture, d’en faire une présentation quelque peu iconoclaste, fondée sur plusieurs références culturelles bien connues du grand public, de manière à refléter le sentiment assez largement partagé.
S’il fallait trouver un titre qui corresponde précisément aux objectifs affichés, j’opterais volontiers pour l’œuvre de Marcel Proust, À la Recherche du temps perdu. C’est en effet parce que l’exécutif procrastine depuis dix ans sur la question du nucléaire que nous devons, en catastrophe, envisager les voies et moyens d’accélérer, afin de renouveler notre parc de réacteurs nucléaires.
Dans cette assemblée, chacun sait que le temps perdu ne se rattrape pas. Je rappelle d’ailleurs que Proust a mis seize ans pour achever son œuvre.
Ma deuxième référence, empruntée cette fois au registre pictural, est Le Radeau de La Méduse, tant la gestion de la politique énergétique dans notre pays est un naufrage, dont les récentes tentatives de sauvetage relèvent davantage de la panique générale que d’un plan bien établi.
Ma troisième référence est la chanson de Dalida, Paroles, paroles, particulièrement appropriée pour décrire les déclarations successives du président Macron depuis deux ans, à grand renfort de communication, sans qu’aucune décision concrète soit venue les traduire de manière formelle à ce jour.
Enfin, le populaire film La Vérité si je mens ! synthétise bien les atermoiements que nous observons depuis 2017, notamment la valse des ministres qui se sont succédé à la transition écologique et énergétique, capables de dire tout et son contraire dans un laps de temps assez réduit.
Le bilan du président Macron est lourd : deux pas en arrière avec la fermeture effective des deux réacteurs de Fessenheim, un bond dans le passé avec l’arrêt du programme de recherche Astrid sur les réacteurs de quatrième génération et, aujourd’hui, un tout petit pas en avant avec ce texte aux promesses bien ténues, portant essentiellement sur l’allègement des formalités administratives.
Madame la ministre, le propos peut paraître quelque peu acide, mais il est temps de prendre des positions qui engagent de nouveau notre pays sur la voie d’une souveraineté que d’autres – le général de Gaulle et le président Pompidou en tête – ont su patiemment bâtir en assurant la construction de notre parc électronucléaire en moins de vingt ans.
Une doxa idéologique s’est progressivement imposée dans le débat public national, appuyée par une communication – il faut le dire – assez efficace.
Je prendrai l’exemple assez significatif de la prétendue durée de vie de nos réacteurs. Celle-ci aurait été fixée à quarante ans dès l’origine, en vertu d’une forme d’obsolescence programmée. Il s’agit d’une légende urbaine couramment reprise jusqu’au plus haut niveau de l’État et dont le seul objectif est de discréditer la filière.
Pis, nous sommes aujourd’hui en infraction par rapport à notre propre législation, qui prévoit depuis 2006 la fermeture du cycle du combustible, que seuls les réacteurs à neutrons rapides permettent.
Diviser par dix la quantité de déchets produits, limiter la prolifération de plutonium, pouvoir utiliser les 300 000 tonnes d’uranium appauvri disponibles sur notre sol, assurer la production d’électricité pour plus de 1 000 ans : la promesse d’un nucléaire durable était trop belle et trop tangible pour que quelques idéologues ne nous empêchent pas habilement d’y accéder.
On ne dira jamais assez à quel point l’arrêt du programme Astrid, en 2019, emporte des conséquences désastreuses – j’ai eu l’occasion de les recenser dans un rapport intitulé L’Énergie nucléaire du futur et les conséquences de l’abandon du projet de réacteur nucléaire de quatrième génération Astrid, que j’ai remis avec un collègue député au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en juillet 2021.
De plus, au moment même où la demande était sur une tendance haussière incontestable et certainement durable, notre pays a choisi de réduire ses moyens d’y répondre de manière opérationnelle.
Pour être encore plus clair, nous avons accepté quantité de mesures, louables au demeurant, visant à mettre fin au recours aux énergies fossiles, mais sans aucune mesure anticipant la tension que cela induirait sur la demande en électricité.
Pis, les décisions visant depuis vingt-cinq ans à condamner la production d’origine nucléaire sur l’autel de petits arrangements politiciens nous ont conduits dans une impasse. Au bout de cette impasse, nos gouvernements découvrent qu’il y a un mur, celui de l’approvisionnement, qui nous conduit à des risques de « délestages », ce terme élégant et diplomatique désignant des coupures de courant.
Au pays des Lumières, notre destin énergétique est désormais entre les mains du gouvernement de l’ombre, qui tente de gérer la pénurie qu’il a lui-même organisée. Pour citer Bossuet, « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».
Je salue pour terminer l’excellent travail, très approfondi, de nos rapporteurs pour pousser le curseur aussi loin que possible de manière à affirmer clairement de nouvelles ambitions pour notre pays.
Madame la ministre, vos déclarations récentes laissent toutefois assez peu d’espoir quant à une position favorable du Gouvernement sur les grands principes plusieurs fois évoqués dans ce débat : revenir sur le plafond des 50 % de nucléaire dans notre mix électrique, prolonger, avec l’avis de l’ASN, les réacteurs placés sur la liste funeste des fermetures programmées, supprimer le plafond des 63 gigawatts de potentiel nucléaire.
Dans ce contexte, madame la ministre, au-delà de ce texte, croyez bien que nous serons très attentifs aux engagements que vous prendrez. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre vigilance est aujourd’hui appelée sur ce texte technique relatif à l’accélération du nucléaire français. Il constitue, après le volet relatif aux énergies renouvelables, le second volet d’accélération.
Le même questionnement quant à la méthode se pose que sur le premier volet. Alors qu’une grande loi structurante de stratégie énergétique devrait être examinée par le Parlement au second semestre 2023, accélérer des choix que nous ajusterons plus tard ne revient-il pas à mettre la charrue avant les bœufs, madame la ministre ? C’est comme si un médecin prescrivait l’ordonnance avant d’avoir examiné son patient…
Du point de vue de l’aménagement du territoire, compléter des installations nucléaires ou créer de nouveaux EPR n’est pas neutre. Ces constructions peuvent-elles être pensées sans concertation dans un débat de techniciens, comme dans les années 1970 ? Ne doivent-elles pas plutôt, comme les politiques publiques d’aménagement, être fondées sur la consultation et conçues dans la transparence vis-à-vis des citoyens pour favoriser l’acceptabilité des projets ?
Ces équipements, prévus pour fonctionner à partir de 2035-2040, seront en outre examinés sur les plans environnemental, climatique, hydrométrique, sur celui des risques ou encore du trait de côte, etc., avec des données de 2023.
Or effectuer des projections sur le fondement de phénomènes passés est désormais impossible. Il faut s’inscrire dans l’incertitude des aléas climatiques.
L’acceptabilité sociétale du nucléaire suppose de la transparence et de la concertation avec toutes les parties prenantes. Elle implique aussi une évaluation démocratique et pluraliste des besoins de notre société en matière énergétique, dans un contexte de transition et de décarbonation de notre économie.
Ce texte qui vise à accélérer les procédures pour amorcer la relance de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires ne devrait en aucun cas servir de support pour anticiper la future grande loi qui définira la stratégie française au long cours relative à l’énergie, au climat et à la composition de notre mix énergétique, et ce d’autant moins que des concertations sont en cours.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a donc été vigilant sur plusieurs points essentiels de ce texte.
Le premier point porte sur le maintien du caractère exceptionnel des mesures d’accélération et de simplification, notamment par leur limitation raisonnable dans le temps.
Le deuxième point est l’amélioration de la qualification des prescriptions de l’Agence de sûreté nucléaire et l’implication accrue du Parlement.
Le troisième point, enfin, tient à la prise en compte de l’incertitude climatique à laquelle seront soumises ces nouvelles installations.
La construction des six EPR qui seront encore en fonctions à l’horizon 2081-2090 suppose en effet l’évaluation des conditions climatiques locales dans lesquelles ces centrales vont fonctionner. Il s’agit notamment de mettre en œuvre des études de descente d’échelle dynamique, absolument nécessaires en sus des éléments de projection globale issus du Giec.
Enfin, le nucléaire n’est pas seulement une question de normes. Il s’agit de donner du sens à ceux qui auront un réacteur près de chez eux, aux futurs personnels qui vont construire ces équipements, aux ingénieurs chargés de la sûreté de ces derniers, aux élus et à tous les acteurs, afin de mettre en évidence le sens profond des actions menées, qui manque aujourd’hui à beaucoup de citoyens.
L’énergie nucléaire est un défi organisationnel et humain autant que technique, procédural et financier. (M. Daniel Breuiller applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Stéphane Demilly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objectif de faciliter le développement de l’énergie nucléaire au travers de la construction de nouvelles installations.
La stratégie énergétique de la France n’a pas toujours été celle du nucléaire. En témoignent la fermeture de la centrale de Fessenheim en 2020 et celle, annoncée en 2018, de quatorze réacteurs d’ici à 2035. En témoignent également les propos d’une ancienne ministre de la transition écologique et numéro deux du Gouvernement qui jugeait en 2018 « absurde » la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et qui affirmait promptement « ne pas voir le nucléaire comme une énergie d’avenir ».
Les temps ont donc changé, mais, comme le disait Edgar Faure, sans référence d’ailleurs à l’énergie éolienne : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent» (Sourires sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
De fait, la météo géopolitique, dorénavant plus imprévisible que la météo climatique, nous contraint à faire évoluer nos logiciels politiques. Nous avions un logiciel binaire, qui opposait, au fond, le nucléaire au renouvelable, considérant que l’un devait progresser au détriment de l’autre.
Nécessité faisant loi, nous changeons de paradigme, forts de la conviction nouvelle que ce n’est pas l’un ou l’autre, mais bel et bien l’un et l’autre – Sophie Primas l’a fort bien indiqué dans son intervention.
Piégés par ce pseudo-dogme qui s’est traduit par des volte-face, nous avons perdu beaucoup de temps, car, après avoir facilité la destruction, nous facilitons dorénavant la construction.
Le nucléaire, qui n’est pas exempt de défauts, fournit d’indéniables réponses aux problèmes climato-géopolitiques du moment : il est décarboné, sa capacité de production est modulable et adaptable aux besoins de la population et, surtout, il est synonyme d’indépendance énergétique et, partant, diplomatique et politique.
La recherche gomme d’ailleurs au fur et à mesure les défauts de cette technologie. Les récentes découvertes scientifiques californiennes dans le domaine de la fusion nucléaire, singulièrement la capacité à franchir le seuil d’ignition, c’est-à-dire le stade où les réacteurs produisent davantage d’énergie qu’ils n’en consomment, sont particulièrement prometteuses.
Il faudra certes beaucoup de temps, mais à l’évidence, les innovations attendues nous amèneront probablement à porter un autre regard sur ce mode de production d’énergie.
Ce projet de loi permet donc d’accélérer la construction de nouveaux réacteurs en France, d’une part, en simplifiant les différentes procédures urbanistiques ou environnementales, et, d’autre part, en clarifiant les modalités de réexamen périodique des réacteurs de plus de trente-cinq ans. C’est un premier pas.
L’article 1er délimite le champ d’application de ce texte aux constructions jouxtant les parcs nucléaires existants, comme celui de Penly, près de Dieppe, que j’ai d’ailleurs visité avec notre collègue et rapporteur pour avis Pascal Martin.
L’avenir, « plus difficile à prévoir que le passé », comme dirait Woody Allen, nous imposera probablement d’élargir le champ des possibles par la construction de petits réacteurs – les fameux SMR – capables de fournir des solutions dans les sites isolés.
Cette stratégie d’ensemble doit être pensée sur le temps long, comme cela a d’ailleurs été rappelé en commission, et elle devra englober à la fois l’amont, avec l’approvisionnement en combustible et les ressources en uranium, et l’aval, au travers de la nécessaire question de la gestion des déchets.
Nous devons également soutenir la formation, le recrutement et la recherche dans le domaine du nucléaire. Autrefois perçu comme une filière d’excellence, le nucléaire est aujourd’hui confronté à une réelle pénurie de talents.
Face aux tergiversations politiques, nos jeunes ingénieurs et techniciens se sont détournés depuis longtemps du nucléaire, lui préférant d’autres industries plus pérennes, quand ce ne sont pas les cabinets de conseil. (Sourires sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Il est crucial de renforcer l’attractivité de la filière, la formation de personnels qualifiés étant la clé d’une filière industrielle solide. C’est donc un grand chantier national,…
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Demilly. … dont la conduite nécessite un travail collectif, discipliné et transparent.
Le pragmatisme et la responsabilité devant guider nos choix politiques, le groupe Union Centriste votera pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais revenir un instant sur la question du calendrier. (Ah ! sur plusieurs travées.)
Certaines interventions ont un caractère paradoxal.
M. François Bonhomme. Vous êtes des experts en la matière !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. On demande la présentation immédiate d’une loi de programmation pluriannuelle de l’énergie – arguant du respect du débat public, lequel se déroule maintenant. Et il faudrait également, comme vous l’affirmiez, monsieur le sénateur Gay, que la réforme du marché de l’électricité soit terminée ! Elle se déroule maintenant. De surcroît, nous devrions enfin déjà disposer des propositions du nouveau patron d’EDF sur le financement et sur la régulation du programme – travail qu’il est en train d’accomplir maintenant.
M. Fabien Gay. Nous sommes rassurés !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous m’accorderez peut-être que c’est là confondre vitesse et précipitation. Nous sommes respectueux du débat public. Il est très clair que je ne foulerai pas aux pieds cette demande des Français d’y participer, participation dont vous avez d’ailleurs voté le principe, pour me précipiter et vous faire décider du mix énergétique des prochaines années. C’est d’autant plus légitime que nous parlons de la programmation pluriannuelle de l’énergie 2024-2028, avec une perspective de long terme : sauf erreur, 2024, c’est l’année prochaine. Nous faisons donc l’exercice dans le bon sens.
Parce que nous prenons nos responsabilités (M. Fabien Gay s’exclame.), nous agissons en temps masqué pour anticiper les jalons administratifs des décisions qui pourraient être prises sur la production nucléaire, et pour accélérer la production d’énergies renouvelables – vous le savez comme moi, nous sommes déjà en retard sur les objectifs de production renouvelable pour les années 2018-2023.
M. Fabien Gay. La faute à qui ?
M. François Bonhomme. Les deux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … les versions différant selon l’endroit où l’on se trouve dans l’hémicycle…
Vous m’accorderez que c’est en 2007 qu’il eût fallu prendre une décision si l’on avait voulu disposer aujourd’hui de réacteurs nucléaires !
Pour autant, je ne me permettrai pas de mettre qui que ce soit en cause dans cette enceinte, pour une raison qui n’est pas complètement neutre.
En effet, en 2007, notre production d’électricité était excédentaire, sans le sentiment d’urgence dû au réchauffement climatique.
Par ailleurs, en 2011, un accident a marqué tous les esprits : celui de Fukushima, occasion pour chacun de se distancier plus ou moins du nucléaire. De fait, ne récrivons pas a posteriori l’histoire : oui, cela a jeté un coup de froid sur la filière. Actuellement, certains groupes, davantage représentés à l’Assemblée nationale qu’ici d’ailleurs, affichent leur soutien au nucléaire alors qu’ils étaient contre à l’époque. Je n’entrerai pas dans le détail des choses…
M. Fabien Gay. Fine allusion…
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’en arrive à l’acceptabilité.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez rappelé à cet égard des éléments importants : cette acceptabilité, locale et nationale, suppose d’aller jusqu’au bout du débat engagé sous l’égide de la Commission nationale du débat public. C’est ce que nous faisons, suivant en cela vos précieux conseils.
Vous indiquez également que la réussite du programme dépend de facteurs qui ne sont pas d’ordre législatif : je partage totalement ce point de vue. Ainsi, dès 2018, dans le discours que j’ai mentionné dans mon introduction, le Président de la République demandait à EDF de travailler au lancement d’un programme de nouveau nucléaire.
Vous le voyez, cet engagement date donc non pas de la semaine dernière, mais de plus de quatre ans.
En 2019, nous signions un contrat stratégique de filière nucléaire, qui programmait notamment le renforcement des compétences et le renforcement de la sous-traitance.
En 2020, c’était l’un des six secteurs prioritaires mis en avant dans le cadre du plan de relance, avec un plan de montée en investissement de 472 millions d’euros pour les sous-traitants de la filière nucléaire.
En 2021, nous lancions France 2030, avec 1,2 milliard d’euros pour la recherche et développement, ainsi que l’innovation, qui s’ajoutent aux montants déjà existants. Nous pourrions certes encore renforcer ce programme, mais il a au moins le mérite d’exister et d’avoir été doté. Actuellement, il n’est pas consommé intégralement, même si tous les appels à projets ont d’ores et déjà été lancés, notamment pour accompagner la création de nouveaux SMR, mais aussi les fermetures de sites.
Je rappelle également que 200 millions d’euros sont consacrés au renforcement des compétences, ce qui conduit à prendre des décisions sur le territoire – je pense notamment à la région Normandie.
En 2022, nous avons engagé les débats sur le mix énergétique et sur le nucléaire. Justement, dans ce souci d’accessibilité et de démocratie, nous avons nommé un délégué interministériel au nouveau nucléaire et un nouveau président-directeur général d’EDF, avec une mission, très claire, d’excellence opérationnelle et, sur le nucléaire existant, la prolongation des centrales, sans oublier le programme nouveau nucléaire, entre autres.
Vous nous interpellez sur la présentation que vous jugez précipitée du projet de loi. Je rappelle qu’il a été déposé le 2 novembre dernier sur le bureau du Sénat, c’est-à-dire il y a deux mois et demi.
Une précision face au doute exprimé sur le mix énergétique. Nous n’examinons pas la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. Néanmoins, de façon à mettre en accord nos paroles et nos actes, nous ne reviendrons pas sur la modification apportée en commission au plafond du nucléaire. Très clairement, nous défendons un projet de relance du nucléaire, il n’est donc pas illégitime d’envoyer à la filière le signal selon lequel il n’y a pas de plafonnement à 61 gigawatts de puissance.
Néanmoins, nous présenterons un amendement rappelant qu’il faudra diversifier la production électrique. La raison, mathématique, est toute simple : d’ici à 2035, les seules augmentations de production nucléaire d’électricité seront marginales – le raccordement de Flamanville, qui apportera entre 1 gigawatt et 1,5 gigawatt, et l’amélioration des délais de maintenance, qui fait l’objet d’un audit que nous avons commandé et dont les préconisations, en cours d’application, devraient faire gagner de trois à quatre semaines sur les arrêts pour maintenance.
Les scénarios sont donc les suivants : soit nous n’augmentons pas notre production électrique et nous resterons au niveau nucléaire actuel, en étant totalement dépendants pour notre approvisionnement énergétique de pays dont certains, vous l’avez rappelé, ne sont pas nos amis, soit nous prenons nos responsabilités en main – ce que vous avez fait en votant, très largement, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables – et, mécaniquement, le pourcentage des énergies renouvelables sera plus élevé qu’aujourd’hui. Les calculs sont clairs. Nous ne proposerons donc pas de pourcentage cible, parce que c’est l’objet de la programmation pluriannuelle de l’énergie, mais aussi parce que c’est une réalité physique que, dans les quinze ans qui viennent, la part du renouvelable augmentera dans notre mix énergétique. Je nous le souhaite, en tout cas, si nous voulons bâtir une véritable indépendance énergétique.
J’en arrive à la question de Mme Primas sur les quatorze réacteurs : il s’agit de ce que la filière affirme être en mesure de construire d’ici à 2050. Je suis prête à remettre ce chiffre en cause et souhaiterais, bien sûr, que nous puissions en construire davantage, mais je préfère tenir une ligne crédible, compte tenu de ce qu’avance la filière. Je rappelle également que ces quatorze réacteurs sont bien compatibles avec le scénario dit de réindustrialisation.
Quant au projet Astrid – le directeur du CEA vous l’a dit au cours de son audition –, son arrêt a été proposé par les acteurs de la filière. C’est non pas, comme j’ai pu l’entendre, une décision avant tout politique, mais une décision correspondant à une analyse de la réalité de ce projet.
M. Stéphane Piednoir. Une analyse politique, alors…
M. Fabien Gay. Je n’y crois pas !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La recherche et développement est soutenue.
Monsieur le sénateur Dantec, j’entends et j’apprécie votre propos, mais je rappelle un élément basique, sans doute technocratique : l’énergie nucléaire est une énergie bas-carbone, abondante, à un prix actuellement compétitif (Exclamations sur les travées du groupe GEST. – M. François Bonhomme s’exclame également.), qui représente 70 % de notre mix énergétique, et heureusement, sans quoi nous serions en grande difficulté aujourd’hui.
Mme le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes
Avant le titre Ier
Mme le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Avant le titre Ier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 542-2 du code de l’environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
«… – Sont interdits l’exportation et le stockage à l’étranger de l’uranium de retraitement. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre préliminaire
Mesures visant à garantir la souveraineté et l’indépendance énergétiques de la France
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement tend à interdire l’exportation et le stockage de l’uranium de retraitement à l’étranger. En effet, l’exposé des motifs du projet de loi que nous examinons insiste sur « notre besoin impératif et souverain d’indépendance énergétique ».
Cette ambition de l’indépendance énergétique de la France affichée par le Gouvernement justifie une mise en cohérence avec l’arrêt des exportations d’uranium de retraitement à l’étranger. Les conditions environnementales et de stockage en Sibérie, à Tomsk, n’ont jamais été rendues publiques, et les autorités françaises n’ont aucun moyen de s’en assurer.
Le Gouvernement a par ailleurs demandé aux industriels du secteur nucléaire de mettre un terme à leurs exportations d’uranium de retraitement vers la Russie. Cela a notamment été confirmé par l’Association nationale des comités et commissions locales d’information, lors d’une réunion du 18 novembre 2022 au cours de laquelle la société EDF a fait état de cette demande.
C’est pourquoi nous entendons introduire des dispositions qui prennent acte de cet arrêt des exportations. Il faut aller au bout de ce que l’on avance.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement, qui vise à interdire l’exportation et le stockage à l’étranger de l’uranium de retraitement, n’est pas souhaitable. L’importation et l’exportation d’uranium font déjà l’objet d’autorisations et d’interdictions.
Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller et Dossus, Mme de Marco, MM. Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Avant le titre Ier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 125-15 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 125-15-… ainsi rédigé :
« Art. L. 125-15-…. – Tout exploitant et toute personne publique ou privée qui importe ou exporte de l’uranium établit chaque année un rapport qui contient des informations concernant :
« 1° La catégorie d’uranium concerné (appauvri, naturel, enrichi) ;
« 2° L’origine géographique de cette matière nucléaire et les destinations exactes ;
« 3° Le trajet réalisé par cette matière nucléaire ;
« 4° Les noms des entreprises impliquées dans ces chaînes d’approvisionnement dont notamment celles auxquelles l’uranium est acheté et celles en charge du transport.
« Le rapport est rendu public. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre préliminaire
Mesures visant à garantir la souveraineté et l’indépendance énergétiques de la France
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à mettre en cohérence le texte avec son objectif de souveraineté énergétique, tel qu’il est affiché dans son exposé des motifs, souveraineté dont on parle beaucoup avec le nucléaire, mais qui n’est guère présente. Il renforce la transparence sur les importations et les exportations d’uranium.
En effet, la France est tributaire de nombreux pays, dans l’ordre le Kazakhstan, l’Australie, le Niger et l’Ouzbékistan, ainsi que la Russie, pour enrichir l’uranium naturel. Entre 2000 et 2012, elle a importé de Russie près de 1 000 tonnes d’uranium enrichi par an, soit presque la totalité de sa consommation. On n’en parle pas beaucoup…
Sur les neuf premiers mois de 2022, malgré la guerre en Ukraine, la France a importé 290 tonnes d’uranium enrichi de Russie, près du tiers de sa consommation…
Orano précise que près de 44 % des ressources en uranium se situent dans les pays de l’OCDE, ce qui mettrait les importations à l’abri de chantages géopolitiques. C’est moins évident pour les filières d’enrichissement.
Les importations se font au prix de compromissions avec certains régimes autoritaires, et au mépris de la santé des populations locales.
L’ambition de sécurité de l’approvisionnement et la question de la fiabilité des partenaires commerciaux – un risque géopolitique élevé dans le secteur du nucléaire – commandent une nécessaire transparence de l’État et des acteurs industriels français. C’est pourquoi nous proposons la publication, par les exploitants publics et privés, d’un rapport annuel sur les importations et les exportations d’uranium. Un peu de transparence ne nuit pas…
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’obligation faite aux exploitants de rédiger un rapport annuel public sur les importations et les exportations d’uranium, telle qu’elle est proposée, ne serait pas opportune.
D’une part, l’article L. 125-15 du code de l’environnement dispose que tout exploitant publie un rapport de transparence et de sûreté nucléaire.
D’autre part, dans le cadre des procédures de participation du public, le code de l’environnement exclut la divulgation d’éléments de nature à porter atteinte à la défense nationale, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique et des personnes et à la conduite de la politique extérieure de la France, ainsi qu’au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d’infractions pénales et aux droits de propriété intellectuelle.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce sera un avis défavorable, pour les raisons exprimées par M. le rapporteur.
Je rappelle, tout d’abord, que la transparence est assurée par le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), qui donne beaucoup d’informations sur les éléments que vous avez mentionnés – ce n’est pas forcément le cas de toutes les filières.
De plus, j’aimerais qu’on applique la même rigueur à l’approvisionnement en terres rares pour les filières d’énergies renouvelables, car nous rencontrons exactement les mêmes difficultés – je pense d’ailleurs que celles-ci sont nettement mieux maîtrisées s’agissant de la filière uranium. Le Gouvernement est d’ailleurs impliqué sur ces sujets, et a mobilisé la Commission européenne.
Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je remercie le Gouvernement de nous proposer régulièrement des projets de loi sur l’énergie, qui sont l’occasion de poser de nombreuses questions auxquelles nous ne recevons jamais de réponse…
C’est tout de même étonnant, après des interventions en discussion générale où nous avons parlé de décentralisation, de transparence et de démocratie, que, dès avant le premier article, on nous réponde qu’on ne nous dira rien ! C’est problématique.
Je veux bien entendre que, certes, tout n’est pas clair sur les terres rares. Je vous rappelle toutefois qu’on nous a raconté que les terres rares étaient toutes hors d’Europe, alors que les Suédois nous annoncent disposer de millions de tonnes de réserves. Ainsi, l’Europe aura à gérer ses propres activités extractives, mais nous ne dépendons pas du tout du reste du monde, contrairement à ce que l’on dit régulièrement.
Madame la ministre, ma question est extrêmement précise, et je pense que vous pouvez y répondre sans lever le secret-défense : pourquoi mettons-nous la pression sur la Russie avec le gaz et, plus encore, avec le pétrole, mais pas avec le nucléaire ? C’est très problématique, alors qu’il y a une guerre en Europe et que nous savons très bien qu’il faut assécher les finances russes si nous voulons sortir de ce conflit – je pense que nous partageons tous la même préoccupation quant à la démocratie et à l’avenir de l’Europe. Que se passe-t-il sur le nucléaire pour que nous n’ayons pas la même stratégie ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. En aucun cas nous n’avons pris de sanctions sur le gaz russe. Il n’y en a pas aujourd’hui ! Je le rappelle, il existe des sanctions sur le pétrole – 5 décembre, 5 février – mais, contrairement à ce que vous indiquez, pas sur le gaz russe. Pourtant, de telles sanctions pourraient, si nous suivons votre raisonnement, avoir des répercussions sur l’économie russe bien plus importantes que les quelques millions d’euros échangés pour le nucléaire : en effet, nous parlons là de milliards d’euros. Votre présentation n’est donc pas conforme à la réalité.
Pourquoi n’y a-t-il pas de sanctions sur le gaz russe aujourd’hui ? La raison en est que l’objectif est de ramener les Russes à la table des négociations, et que nous prenons les sanctions les plus « mordantes » pour eux. Dans l’ordre, nous avons donc pris des sanctions visant les personnalités russes les plus proches du pouvoir, puis sur les éléments les plus susceptibles de freiner l’effort de guerre ou de pénaliser l’économie du pays, pour ramener les Russes à la table des négociations, dans un objectif de paix.
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je souscris plutôt à l’avis de Mme la ministre et de M. le rapporteur. Nous devrions avoir ce débat dans le cadre de la PPE. Si l’on pratique la transparence sur la filière nucléaire, il faut le faire sur toutes les filières énergétiques.
Non, je ne confonds pas souveraineté, indépendance et sécurité. Il est faux de dire que, sur le nucléaire, nous sommes souverains, parce que nous dépendons de l’uranium kazakh, russe ou nigérien, extrait dans de mauvaises conditions sociales et environnementales. Oui, il faut le dire.
Cependant – nous avons eu ce débat cet été, avec Mme la ministre, et elle nous avait alors répondu de façon transparente –, il ne faut pas oublier que le gaz qatarien, le gaz américain, est, très majoritairement, environ à hauteur de 80 %, issu des gaz de schiste.
La question des terres rares est, elle aussi, posée.
D’ailleurs, nous ne sommes pas non plus souverains pour les énergies renouvelables, puisque nous n’avons pas de filière industrielle : nous dépendons de la Chine.
Donc, si nous posons la question de la transparence pour toutes les filières industrielles, je suis entièrement d’accord : ayons ce débat dans le cadre de la PPE et rendons l’information publique, pour le nucléaire, pour les énergies renouvelables et pour le reste – pour tout le monde ! Nous ne pouvons pas avoir ce débat sur la seule filière nucléaire.
Pour notre part, nous ne voterons pas cet amendement, mais, s’il revient sous la forme que nous souhaitons, nous abonderons dans votre sens.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. En effet, cher Fabien Gay, nous parlons du nucléaire, mais c’est parce que, aujourd’hui, nous examinons un texte sur le nucléaire… (Sourires.) Cela nous semble en adéquation.
Quand on parle de nucléaire, on nous parle de souveraineté, encore de souveraineté, toujours de souveraineté. Et l’on ajoute : c’est propre, c’est propre, c’est propre ! Mais que se passe-t-il ? Nous importons une grande partie de notre uranium de Russie, mais pas seulement, et nous exportons une portion de nos déchets en Russie également : il n’y a là pas de souveraineté !
Ce que nous demandons, tout simplement, c’est de la transparence dans le domaine du nucléaire. Bien entendu, cela n’exclut pas la transparence dans tous les autres domaines. Je précise que, si l’on associe souvent terres rares et éoliennes, en réalité, seulement 10 % de ces dernières en contiennent. La problématique des terres rares sera beaucoup plus importante pour les véhicules électriques.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE Ier
MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES PROCÉDURES LIÉES À LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES À PROXIMITÉ DE SITES NUCLÉAIRES EXISTANTS
Article 1er A (nouveau)
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° L’article L. 100-4 est ainsi modifié :
a) Le 5° est abrogé ;
b) Au I bis, les mots : « , du 5° du I du présent article » sont supprimés ;
2° Le troisième alinéa du III de l’article L. 141-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi n° … du … relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, la programmation pluriannuelle de l’énergie fait l’objet d’une révision simplifiée destinée à la mettre en conformité avec les constructions de réacteurs électronucléaires ou leurs prolongations, poursuivies notamment par cette loi. » ;
3° L’article L. 311-5-5 est abrogé.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, sur l’article.
Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en tant que sénatrice alsacienne, je ne peux que regretter les décisions prises depuis une dizaine d’années sur les centrales nucléaires, et particulièrement celle de Fessenheim, qui aurait pu être maintenue en activité si nous n’avions pas fait le choix de sacrifier la souveraineté énergétique française aux intérêts économiques et politiques de nos voisins allemands. Les deux réacteurs étaient en effet considérés par l’autorité de sûreté nucléaire comme étant parmi les meilleurs, sur le plan environnemental comme sur le plan de la sûreté.
Je rappelle que 700 millions d’euros ont été investis dans la centrale, peu de temps avant sa fermeture, pour la maintenir au plus haut niveau, et qu’en dépendaient 3 000 emplois directs et indirects.
Pour compenser les pertes d’activité et d’emplois, et pour rendre cette décision acceptable auprès des habitants et des élus locaux, un projet franco-allemand a été sorti du chapeau, dans l’urgence. Une société d’économie mixte a été créée, sans anticipation ni réflexion, ce qui s’est soldé par un échec : elle a été dissoute sans avoir mené un seul projet et après avoir coûté 1 million d’euros.
Enfin, les projets annoncés de reconversion du site, dont le fameux technocentre d’EDF, et pour lesquels le Président de la République a promis 20 millions d’euros dans son discours de Belfort du 10 février 2022, sont restés bloqués au stade de l’affichage. Qu’en est-il, madame la ministre ?
Au moment où vous envisagez la fermeture d’autres sites nucléaires, le cas de Fessenheim a de quoi nous inquiéter. Des élus locaux n’ont pas été écoutés, les habitants ont été méprisés et les promesses n’ont pas été honorées. Je me félicite donc que le texte du Sénat s’inscrive enfin dans une stratégie globale, avec des perspectives de planification, afin de ne pas reproduire de telles décisions brutales, incohérentes et contraires aux intérêts des territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, on peut toujours dire qu’il ne s’agit, avec ce texte, que de débroussailler le terrain administratif et juridique en attendant une feuille de route et la relance formelle du nucléaire, avec des centrales de nouvelle génération et la reconstitution d’un parc performant.
Toutefois, madame la ministre, à ce stade, nous pouvons dire que vous avez déjà contribué à saborder notre industrie nucléaire. Certes, le sabordage a été lancé par François Hollande – de ce point de vue, le Président de la République n’en est que le continuateur –, mais la situation actuelle nous oblige à reconstituer notre filière nucléaire, avec un programme de reconstruction, dans la précipitation. En effet, tout cela sera long et coûteux, mais nous n’avons pas d’autre choix. La crise que nous traversons est bien l’effet de la mise en œuvre des choix que nous avons faits il y a plus de dix ans.
Voilà ce qui se passe lorsque les orientations stratégiques, qui ont prévalu lors de la PPE 2015-2019, ont été mauvaises ; voilà ce qui se passe quand on se laisse intimider par un dogmatisme qui se heurte, aujourd’hui, à la douloureuse réalité de la crise énergétique ; voilà, enfin, ce qui se passe quand on se laisse intoxiquer, dans tous les sens du terme, par une Allemagne qui nous fait la leçon tout en laissant tourner à plein ses centrales à charbon.
Ce texte est la première étape d’un revirement que vous vous obstinez encore à qualifier d’anticipation et d’accélération, comme si ce n’était qu’un changement de rythme, alors que nous devons prendre une nouvelle orientation.
Vous faites mine de découvrir que la production d’électricité nucléaire doit être la colonne vertébrale de notre modèle énergétique. Pourtant, les conséquences d’aujourd’hui découlent en grande partie de vos choix passés : perte de notre capacité de production énergétique, faisant de notre pays, pour la première fois, un importateur net d’électricité de nos voisins européens, produite avec du gaz et du charbon ; vulnérabilité structurelle de notre approvisionnement ; explosion des coûts subis par les collectivités, les ménages et les entreprises ; dépenses budgétaires considérables et, malgré tout, insuffisantes pour amortir le choc inflationniste ; enfin, dégradation de notre solde commercial.
Et vous avez l’impudence, madame la ministre, de vous féliciter du succès de votre plan de sobriété… Il faut beaucoup d’estomac pour l’affirmer.
Par votre action,…
Mme le président. Votre temps de parole est épuisé ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à prendre la parole pour évoquer de nouveau ce dont ont parlé mes collègues. Face au choix, crucial pour l’avenir, que constitue la construction de nouveaux réacteurs nucléaires – cette question relève aussi d’un choix de société –, un débat public réel s’impose, autour du recours même au nucléaire, et pas seulement de futures installations sur certains sites prédéfinis.
Ce grand débat, à la mesure de ce que représente ce choix, stratégique et politique, reste selon moi le premier impératif. Je rappelle que les difficultés posées par les réacteurs actuels ne sont toujours pas résolues, après plusieurs dizaines d’années de fonctionnement.
Premièrement, les déchets radioactifs sont toujours stockés à la surface. On approche de la saturation en attendant un stockage de longue durée à Bure.
Deuxièmement, s’ajoute à cela le réchauffement climatique, ainsi que le besoin d’eau qu’il entraîne. Nous le subissons actuellement – sécheresse, diminution des quantités d’eau, fermeture de centrales, comme celle de Golfech, sur la Garonne – ; or il faut de l’eau pour refroidir une centrale, c’est un impératif absolu.
Troisièmement, enfin, reste le risque ultime de l’accident, toujours réel, toujours possible. Si l’on peut être reconnaissant à EDF, à l’ASN, à l’IRSN de leur bonne gestion de la sûreté nucléaire, nous ne sommes à l’abri de rien. On le mesure au vu de l’actualité, à bien des égards préoccupante, tant géopolitique qu’au regard d’événements extrêmes amenés à se multiplier. Je rappelle donc que, dans ce choix, nous devons associer les Français. Cela me paraît absolument nécessaire.
Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, sur l’article.
M. Jacques Fernique. Fessenheim aurait été « exécutée »… C’est l’expression que j’ai entendue tout à l’heure. (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.) À tous ceux qui répètent, en boucle, que la fermeture de Fessenheim aurait été une terrible erreur attentant gravement à notre souveraineté énergétique, je voudrais juste rappeler quelques éléments.
Ses deux réacteurs n’étaient manifestement pas en mesure de passer leur quatrième visite décennale (VD4), qui aurait dû intervenir en 2020 pour l’un et en 2022 pour l’autre. L’ASN – ce n’est pas moi qui le dis – avait imposé, en 2012, la mise en place de diesels d’ultime secours pour 2018. EDF avait commencé à le faire, mais en prenant beaucoup de retard. L’ASN a donc accordé un délai supplémentaire, mais, sous prétexte de fermeture de la centrale, EDF a refusé cette prescription.
Le renforcement du radier séparant les réacteurs de la nappe phréatique avait été très insuffisant : cette amélioration ne faisait que ralentir l’avancée du corium, sans l’arrêter. Rappelons qu’avant Fukushima, son épaisseur était de 1,20 mètre, contre 4 mètres en moyenne pour les autres centrales, et 8 mètres pour Fukushima. L’ASN, compte tenu d’une amélioration, même limitée, a autorisé la poursuite de l’exploitation jusqu’à la fin du cycle de la troisième visite décennale (VD3), mais cela n’aurait pas été possible après la VD4.
Enfin, la falsification commise aux ateliers du Creusot pour faire passer des aciers non conformes – on se souvient des fameux dossiers barrés – a touché de nombreuses centrales : à Fessenheim, la virole, qu’il avait fallu remplacer sur le générateur de vapeur n° 335, et qui avait provoqué 666 jours d’arrêt, était elle-même encore incorrecte. Cela avait amené l’ASN à n’autoriser qu’à titre transitoire le fonctionnement du réacteur 2, en mode dégradé et pour la seule VD3 : encore une fois, cela ne serait pas passé pour la VD4. Ce réacteur détenait le triste record du nombre d’incidents sur l’ensemble des centrales françaises, avec une production particulièrement intermittente.
En clair, les réacteurs étaient en fin de vie et, par pragmatisme, les investissements pour se hisser au niveau requis pour la VD4 n’avaient pas été jugés possibles. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avions déposé quelques amendements à ce titre Ier, déclarés irrecevables, au sujet du statut des salariés. En effet, notre collègue centriste avait raison : si l’on donne un signal clair selon lequel on veut refaire du nucléaire, il faudra de l’attractivité pour faire venir les talents. Eh oui ! Il faudra aussi construire les filières de formation. Or, pour l’instant, le signal envoyé depuis dix ans à nos meilleurs ingénieurs, à nos meilleurs techniciens et à nos meilleurs soudeurs, c’est de ne plus venir dans le nucléaire, car on ne le développera plus !
Un des éléments d’attractivité – je sais que nous pouvons avoir ce débat ici –, c’est le statut, et en particulier le statut de la sous-traitance. En effet, une des raisons du retard de l’EPR de Flamanville, ce ne sont pas les procédures administratives, c’est la construction.
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
M. Fabien Gay. Or, quand on discute avec les ingénieurs, les syndicats, mais également les responsables d’EDF, tous nous disent que la question de la sous-traitance est posée en grand.
Je sais que vous vous évertuez à casser les statuts. On vous l’avait dit, par exemple, sur les cheminots en 2018 : nous vous avions prévenus que vous auriez un problème, que cela coûterait plus cher et que personne ne voudrait venir. Discutez-en avec M. Farandou aujourd’hui : il vous dira que les concours de recrutement sont ouverts, mais qu’il y a peu de candidats.
Pareil à la RATP ! Discutez-en avec M. Castex, qui vient justement de tenir une intéressante conférence de presse sur le sujet : il vous parlera des 1 000 démissions que la régie a recensées l’an dernier. Voilà le résultat !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est pareil chez McDo !
M. Fabien Gay. L’un des critères de l’attractivité, c’est le statut. Certes, on paie moins cher les gens quand on ne le leur accorde pas, mais le faire est un gage de sécurité sur le long terme.
Ne pas vouloir parler des enjeux de formation et du statut des salariés de plein droit, comme de celui des sous-traitants, madame la ministre, posera problème. Et vous ne relancerez pas le nucléaire « lourd » sans salariés très bien formés et sous statut.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, sur l’article.
M. Daniel Salmon. Je sais que la mode est aujourd’hui à la réécriture de l’Histoire. (Marques d’irritation sur des travées des groupes Les Républicains et UC.) C’est pourquoi je vais prendre quelques instants pour vous raconter la petite histoire du développement du nucléaire en France.
On a tout simplement décidé, dans les années 1970, d’investir massivement dans le parc nucléaire français. On partait alors de l’hypothèse que l’on consommerait 1 000 térawattheures d’électricité en l’an 2000. On a donc décidé d’agir fortement.
En fait, il s’est avéré que l’on était loin de consommer ces 1 000 térawattheures. Mais, comme il faut bien entretenir la filière nucléaire française, on a continué de construire des centrales. Le dernier réacteur à avoir été fabriqué et livré, celui de Civaux, l’a été en 2002.
Que faire de ce surplus d’énergie ? Eh bien, il a été décidé de le vendre à perte en Europe. Le contribuable français offre ainsi de l’énergie à ses voisins européens !
M. François Bonhomme. Oui, mais c’est de la bonne énergie ! (Sourires.)
M. Daniel Salmon. Très bien ! Je savais bien que vous étiez partageurs de ce côté-ci de l’hémicycle… (L’orateur se tourne vers les travées du groupe Les Républicains.) Bref, tout va bien !
On nous a expliqué ensuite que la filière avait été traversée par une grande faille et qu’il n’y avait plus eu de nucléaire du tout. Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
Dès 1989, notre pays a commencé à plancher sur les plans de l’EPR. En 1989 ! En 2004, c’est-à-dire deux ans après la mise en service de Civaux – si vous trouvez que deux années, c’est long… –, on a construit l’EPR finlandais ; trois ans plus tard, on a lancé celui de Flamanville. Il n’y a donc pas eu de trous dans la raquette ! Tout cela, ce sont des fables, on nous raconte des bêtises !
L’EPR de Flamanville, qui devait être une tête de série et qui, s’il avait fonctionné, aurait entraîné la multiplication d’EPR similaires, a effectivement été un gros ratage, car – c’est bien dommage ! – il ne fonctionne pas du tout.
Alors, certes, on peut refaire l’histoire, la réinventer, chercher des fautifs ici et là, mais il faut tout de même regarder les choses en face.
Je poursuivrai cette histoire du nucléaire français un peu plus tard. (M. Daniel Breuiller applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.
M. Stéphane Piednoir. Tout d’abord, pour rebondir sur vos propos, monsieur Salmon, mais aussi pour les compléter, car votre groupe a oublié de le mentionner lors de la discussion générale, je précise qu’il faut faire la distinction entre EPR et EPR 2.
C’est justement parce que l’on a constaté plus que des défaillances au cours de la construction de l’EPR de Flamanville, qui concernaient la construction en elle-même, le design du réacteur, que les partenaires industriels se sont lancés dans la fabrication d’un nouveau type de réacteur, simplifié, l’EPR 2. Ce point, me semble-t-il, fait l’unanimité.
Il serait souhaitable que vous soyez plus précis dans vos argumentaires.
Ensuite, je veux parler du diagnostic. Après vous avoir écouté, monsieur Fernique, je me dis que les visites décennales pourraient constituer un formidable levier d’économies.
Je le rappelle, ces visites sont prévues par les textes : tous les dix ans, un réacteur doit faire l’objet d’une visite qui doit permettre de déterminer si, oui ou non, il est en mesure de fonctionner pour les dix années à venir. C’est la loi !
Or vous avez affirmé que l’on sait d’avance si telle ou telle visite décennale sera validée ou non : il y a donc là une incroyable source d’économies ! À vous écouter, mon cher collègue, on pourrait en définitive tout à fait se passer de l’IRSN et de l’ASN.
Soyons un peu sérieux ! La visite décennale a du sens : il faut aller jusqu’au bout de cette démarche, qui doit nous permettre de discerner si les difficultés que vous avez pointées sont susceptibles de causer l’arrêt d’un réacteur.
Je serais curieux de tester les boules de cristal – j’allais dire les « voyants verts » (Sourires.) – dont vous disposez, mon cher collègue.
M. Ronan Dantec. C’est la position de l’ASN !
M. Stéphane Piednoir. En tout cas, vos propos ne me semblent absolument pas reposer sur une vérité scientifique. Certains aspects de la question méritent certes d’être examinés de près, mais il convient de laisser les autorités compétentes, qui sont payées pour cela, faire leur travail.
Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. On rêve en effet d’avoir un débat véritablement structuré et de disposer de vrais chiffres.
Les propos de Jacques Fernique reflètent la position de l’ASN et ne découlent pas de la consultation d’une boule de cristal. Ceux qui manient la boule de cristal sont ceux qui pensent que l’on peut commencer à couler du béton, bien que le design de l’EPR 2 ne soit pas encore finalisé.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit ici : on veut accélérer les procédures en simplifiant les autorisations d’urbanisme et de génie civil, alors que ni vous ni moi ne savons à quoi ressemblera l’EPR 2. On sait seulement que le précédent EPR, de troisième génération, est trop coûteux et ne fonctionne pas. Voilà la réalité ! Et ce type de réacteur ne fonctionne pas davantage en Finlande – l’un d’entre eux était encore à l’arrêt ces derniers jours – ou en Chine, où certains d’entre eux rencontrent déjà de sérieux problèmes.
La réalité, c’est celle qu’a clairement décrite Henri Proglio. Il faut écouter ce grand défenseur de l’EDF d’avant qui, tout en étant très peu favorable au développement des EnR, a dit : « L’EPR est une “vraie connerie !” » C’est ce qu’il a déclaré devant les députés, mes chers collègues ! Il a même ajouté que c’était trop compliqué, trop cher et que cela ne marchait pas… Ses propos reflètent une partie du débat que nous avons aujourd’hui.
Les discussions que nous devrons avoir sur la future loi de programmation devront se concentrer sur cette question : nous sommes en train de prendre un risque économique immense – c’est un pari qui repose sur une « boule de cristal++ » ! Personne n’a jamais démontré, dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, que l’on puisse tirer un bénéfice économique au niveau du prix du mégawattheure produit par un EPR 2.
Les autres pays ne s’y trompent d’ailleurs pas, puisque les rares États qui se lancent dans la construction de réacteurs nucléaires achètent chez les Russes ou les Américains, et pas notre EPR. Et s’ils lisent les propos de M. Proglio, ils risquent encore moins de l’acheter !
Nous sommes dans cette situation de votre fait, madame la ministre. Je suis désolé de vous le dire, mais c’est votre souhait absolu de relancer le nucléaire sur cette base qui fait peser sur notre économie un risque majeur de marginalisation.
Le futur débat sur la PPE portera sur ce point : en 2040, l’économie française survivra-t-elle au coût du mégawattheure produit par ce type de réacteur – qui ne marche pas ?
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 42 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
L’amendement n° 54 est présenté par MM. Montaugé, Devinaz, Houllegatte, Tissot, Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 42.
M. Daniel Salmon. La définition d’une nouvelle stratégie énergétique nationale dans le domaine nucléaire n’a pas sa place dans ce projet de loi.
Le présent texte ne porte pas sur la place du nucléaire dans le mix énergétique. En effet, c’est la future loi de programmation quinquennale en matière d’énergie et de climat qui devra, notamment, acter ou non la relance du programme nucléaire national. Je ne vous apprends normalement rien en le disant.
Décider de manière cavalière, unilatérale et antidémocratique le remplacement de l’objectif de réduction de 50 % de l’énergie nucléaire d’ici à 2035 par un objectif de maintien à 50 % au moins de cette énergie à l’horizon 2050, pour relancer la filière nucléaire, ou encore l’introduction d’un objectif de production d’énergie nucléaire à partir de matières recyclées – de 20 % d’ici à 2030 – pour valoriser le cycle du combustible n’est pas opportun, alors que le débat public sur les EPR 2 est en cours, et ce jusqu’à fin février, et que la concertation publique sur le mix énergétique n’a pas encore eu lieu.
Ces nouveaux objectifs sont définis de manière prématurée. Toutes les garanties doivent être apportées pour que les décisions politiques soient prises dans le respect du Parlement et de nos concitoyens, ce qui n’a pas l’air d’être facile quand il s’agit du nucléaire…
Tout cela ne doit pas être décidé unilatéralement et en catimini. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 54.
M. Franck Montaugé. Mon propos vaudra également défense des amendements nos 55 et 58.
Je ne répéterai pas ce que j’ai dit au cours de la discussion générale et que certains collègues, issus d’autres groupes, ont également exprimé. Je veux simplement rappeler l’enjeu démocratique que représente la possibilité pour les Français de s’exprimer sur la question de la politique énergétique de leur pays. Il s’agit d’une exigence constitutionnelle, qui est inscrite dans la Charte de l’environnement depuis 2004.
Introduire dans ce projet de loi, initialement axé sur l’accélération des procédures, une partie du débat concernant la programmation pluriannuelle de l’énergie n’est pas une bonne chose et donne une mauvaise image du fonctionnement de notre Parlement à nos concitoyens.
Plusieurs consultations, comme celle qui porte sur la stratégie française relative à l’énergie et au climat ou encore l’enquête publique sur les six EPR, dont le lancement est annoncé, ont été lancées. Laissons donc les choses se faire, puis tenons compte du fruit de ces réflexions, de l’expression des Français qui auront pris parti sur ces questions, avant de légiférer, comme cela est prévu, en 2023.
Aujourd’hui, on mélange tout, et ce n’est pas de nature à clarifier un débat pourtant fondamental pour les Français.
Je le redis : je regrette que le Président de la République ait pris seul sa décision sans prendre en considération, en particulier, la position du Parlement sur le sujet.
J’ai bien compris qu’il fallait aller vite, mais on ne peut pas agir n’importe comment. Encore une fois, tout mélanger comme on le fait ne facilite pas la compréhension, par les Français, des enjeux que soulèvent les politiques énergétiques, alors qu’il est justement nécessaire de les y intéresser.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Les amendements identiques nos 42 et 54 tendent à supprimer l’article 1er A, qui abroge plusieurs dispositions du code de l’énergie par coordination avec l’objectif de relance du nucléaire visé par le présent projet de loi.
Je précise que cet article, tel qu’il est désormais rédigé, constitue un apport majeur de notre commission, qui, compte tenu de l’objectif annoncé par le Gouvernement d’une relance du nucléaire, a souhaité revenir sur les verrous issus de la loi de 2015 de transition énergétique pour la croissance verte, notamment l’objectif de réduction de 50 % de l’énergie nucléaire d’ici à 2035.
Je signale également que, sans le Sénat, cet objectif aurait été fixé à l’horizon 2025. Si j’en parle, c’est parce que tout le monde semble faire abstraction de cet événement : sans notre assemblée, la PPE n’aurait même pas fait l’objet d’une discussion devant le Parlement. (M. Ronan Dantec en convient.) C’est nous, votre serviteur et vous-mêmes, mes chers collègues, qui avons modifié le texte initial – après avoir fait en sorte que nos amendements figurent dans le texte examiné en commission mixte paritaire –, bref, c’est le Sénat, qui est le véritable initiateur du débat parlementaire sur la PPE !
M. François Bonhomme. Eh oui !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Au passage, alors que j’entends parler d’absence de débat démocratique, je ferai remarquer que, par ce débat parlementaire, nous avons donné une belle leçon de démocratie. Il faut souligner cet apport du Sénat et, si j’y insiste, c’est que personne ne le fait.
Revenons-en au texte : un travail transpartisan a été réalisé par notre commission – je parle sous le contrôle de notre présidente –, laquelle convient de la nécessité d’une relance du nucléaire, ainsi que de la nécessité de promouvoir le couplage nucléaire-hydrogène.
Pour en finir avec l’objectif de 50 % d’énergie d’origine nucléaire d’ici à 2035, j’aimerais enfin rappeler, comme certains d’entre vous l’ont fait, ainsi que Mme la ministre d’ailleurs, qu’aujourd’hui 70 % de notre énergie électrique est encore d’origine nucléaire. Comment voulez-vous relancer les capacités de production d’énergies pilotables de notre pays sans rappeler cette vérité ?
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je veux redire ici que, mathématiquement, si l’on prend le meilleur des scénarios établis par RTE – j’insiste sur ce point –, même en construisant quatorze réacteurs nucléaires à l’horizon 2050, la part du nucléaire dans le mix énergétique ne dépassera pas 50 % au maximum. Ce sont des mathématiques : certains cherchent à se faire plaisir politiquement, mais il y a tout de même une réalité physique qui s’impose à nous et qui doit nous conduire à réfléchir collectivement sur la future programmation pluriannuelle de l’énergie.
En réponse à Mme la sénatrice Muller-Bronn, je précise que le projet de technocentre d’EDF à Fessenheim n’est absolument pas à l’arrêt, puisqu’il est convenu qu’EDF nous le présente prochainement. L’aide prévue est d’ailleurs réservée dans le cadre du plan de relance, ce qui montre qu’elle est bel et bien financée. De plus, plusieurs projets industriels sont actuellement en cours de finalisation sur le site de Fessenheim.
Monsieur Gay, vous avez parlé de formation. Comme vous le savez, le premier programme de construction de centrales nucléaires lancé par Pierre Messmer – auquel nous avons tous fait référence –, les cinquante-six réacteurs, a été réalisé par des sociétés industrielles dont les salariés n’étaient pas, en tout cas pour ce qui concerne le volet « construction » – génie civil, cuves, pièces diverses, tuyauteries, etc. –, et sauf erreur de ma part, sous statut.
N’oublions pas ce petit détail : il prouve que l’on a su faire sans.
M. Fabien Gay. C’est ça ! Continuons !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cela n’enlève rien à l’intérêt d’être sous statut, mais notons qu’une grande partie des fabricants de centrales nucléaires n’en ont pas eu besoin pour les construire.
Le point important, c’est plutôt de savoir comment parvenir à attirer, former et faire évoluer les filières. C’est l’un des facteurs clés du succès ou de l’échec potentiel du nouveau programme nucléaire – je vous rejoins sur ce point, monsieur Gay.
Messieurs Salmon et Dantec, vous nous avez expliqué que l’EPR de Flamanville n’était pas au rendez-vous. Je rappelle – ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les patrons que vous avez interrogés dans le cadre de vos auditions – que, pour avoir un programme industriel, il faut plusieurs réacteurs.
M. Fabien Gay. Oui, c’est normal !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Et c’est très exactement ce que nous envisageons aujourd’hui : disposer de plusieurs réacteurs pour créer un effet de convergence et réduire drastiquement les coûts de développement grâce à la standardisation.
Ce que nous demandons et ce sur quoi est en train de travailler le nouveau patron d’EDF grâce à ses équipes, c’est un retour d’expérience sur les raisons qui pourraient expliquer le « dérapage » de Flamanville, de sorte que l’on puisse en tenir compte en vue du lancement du nouveau programme.
Est-il nécessaire de simplifier ? A-t-on construit trop rapidement ? A-t-on engagé trop tôt les opérations de maîtrise d’œuvre, dans la mesure notamment où le design de la centrale n’était pas finalisé ? Ce sont autant de très bonnes questions auxquelles les industriels – c’est du reste leur responsabilité – vont nous répondre et sur le fondement desquelles ils proposeront des améliorations.
Le programme nucléaire n’est pas le premier à avoir été couronné de succès en France. Je rappelle que notre pays a fait le TGV et le Concorde – même si l’on peut se demander s’il a été utile –, qui sont autant de réalisations industrielles exceptionnelles que l’on a su encourager efficacement. De la même façon, nous continuons à soutenir certaines filières aujourd’hui. Il nous reste simplement à définir les meilleurs moyens pour y parvenir.
S’agissant maintenant des deux amendements identiques nos 42 et 54, je considère qu’il ne faut pas revenir sur la suppression du plafond de 63 gigawatts, étant donné que nous préparons actuellement un projet de relance du programme nucléaire.
Nous ne sommes actuellement pas en mesure – c’est en revanche l’objet de la PPE – de fixer un tel plafond, mais s’il faut envoyer un signal à la filière nucléaire, faisons-le. Dans la mesure où la question est posée, la position du Gouvernement est très claire : elle consiste à augmenter en valeur absolue la part du nucléaire dans notre mix énergétique.
S’il s’agit en revanche de déterminer ce que devrait être la proportion de l’énergie nucléaire dans ce mix, nous abordons une question qui suppose de s’intéresser aux énergies renouvelables. Mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui.
Mme Céline Brulin. C’est pourtant bien vous qui avez décidé de présenter ce texte !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. À cet égard, je comprends votre analyse, monsieur le sénateur Montaugé : pour débattre de la PPE, il faut effectivement traiter au préalable de l’ensemble de ces questions, comme celle de la baisse de la consommation cible ou encore celle de la fixation au juste niveau de l’augmentation dans le mix de la part des énergies renouvelables et de l’énergie nucléaire, tout cela en s’appuyant sur les différents scénarios possibles, sur lesquels vous prendrez position et à partir desquels nous ferons des propositions très claires.
D’ici là, le Gouvernement demande le retrait des amendements nos 42 et 54 au profit de son amendement n° 118, qui n’a pas pour objet de rétablir le plafond des 63 gigawatts supprimé par la commission des affaires économiques, mais de maintenir un objectif de diversification du mix électrique français, car nous devons marcher sur nos deux jambes : l’une reposant sur les énergies renouvelables, l’autre sur le nucléaire. Tel est le message que nous envoyons aux deux filières.
S’agissant de la part que représentera chacune de ces énergies dans notre mix et de la production énergétique ou de la puissance, en valeur absolue, dont nous souhaitons disposer grâce aux différentes filières technologiques, ce sera à la PPE de le définir.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Tout d’abord, permettez-moi de vous faire remarquer, madame la ministre, que vos propos relèvent un peu de la croyance, me semble-t-il, notamment lorsque vous nous expliquez que le chantier de Flamanville a certes dérapé, mais qu’il suffit désormais d’y croire et de travailler sur le dossier pour que tout aille bien en ce qui concerne les EPR 2, et ce bien que le premier EPR ne soit toujours pas en service.
Par ailleurs, j’ai bien noté votre demande de retrait des amendements de nos collègues, mais je dois avouer qu’après avoir entendu vos explications je suis un peu perdu. Vous nous dites que ce texte ne doit pas faire l’objet de débats qui concernent plutôt la PPE, laquelle sera examinée ultérieurement par le Parlement, et qu’il faut respecter les procédures démocratiques. Et puis, peu après, vous nous informez que vous n’avez pas l’intention de revenir sur l’objectif de 63 gigawatts, tout en affirmant vouloir rediscuter du mix énergétique.
Madame la ministre, soit on discute de la PPE et de la diversité du mix énergétique, soit on n’en discute pas ! Et dans ce cas, les amendements de nos collègues Salmon et Montaugé ont toute leur place dans ce texte, car ils visent à ce que l’on débatte effectivement des procédures d’accélération liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, et non du mix énergétique.
Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je dois avouer à mon tour que suis un peu perdu.
Cela étant, je rejoins le rapporteur lorsqu’il rappelle que le Sénat s’est beaucoup investi pour qu’un vrai débat démocratique sur la PPE ait lieu. (M. le rapporteur acquiesce.)
Je rappelle également qu’à cette époque Daniel Gremillet défendait un objectif de 50 gigawatts pour l’éolien offshore, ce qui est totalement incompatible avec la proposition émanant de certains sénateurs du groupe Les Républicains d’installer ces éoliennes de l’autre côté du Channel. (M. le rapporteur sourit.)
Pour ma part, je pense bien connaître tout ce qui a trait à la PPE, dans la mesure où, je le rappelle, c’est le groupe écologiste à l’œuvre à l’époque de sa mise en place qui avait négocié la périodicité de celle-ci auprès du cabinet du Premier ministre d’alors, Manuel Valls, et ce la veille de la présentation de la future loi Royal. Il s’agissait d’un élément du deal entre socialistes et écologistes. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ah !
M. Jean-Raymond Hugonet. Deal de triste mémoire !
M. Ronan Dantec. Je dévoile les dessous de l’accord passé à l’époque, qui a permis d’allonger la durée de la trajectoire énergétique de cinq à dix ans. C’est un point important : l’État proposait initialement une planification sur cinq ans, ce qui était absurde au vu du temps réellement nécessaire à la réalisation des installations nucléaires, qui est bien plus long.
Désormais, la PPE couvre une durée de dix ans. Aussi, pourquoi, alors que l’on débat aujourd’hui de « bécanes » dont aucune ne fonctionnera d’ici dix ans, y toucher maintenant ? Seul un développement à marche forcée des énergies renouvelables qui serait promu par la loi, comme l’a souligné Mme la ministre, pourrait changer la donne dans les dix années à venir. Si l’on modifie la PPE, ce serait donc uniquement pour tenir compte d’une hausse de la part de ces énergies dans le mix énergétique.
C’est pourquoi je ne comprends pas bien la logique de cet article.
Je ne peux pas terminer mon propos – le débat que nous avons cet après-midi est passionnant – sans faire remarquer que nous sommes le seul pays qui puisse, dans le secteur industriel, décider de fabriquer des centrales en série, alors même que le prototype ne fonctionne pas, et ce sans même essayer de comprendre pourquoi celui-ci ne fonctionne pas et attendre que ce ne soit plus le cas ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas le même modèle d’EPR !
M. Ronan Dantec. Il s’agit d’une innovation comme on en a rarement connu ! Il me semble que notre pays court ainsi un vrai risque industriel.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Notre groupe souhaite revenir au projet de loi initial, c’est-à-dire un texte d’accélération des procédures, qui comporte un certain nombre d’aspects tant administratifs que juridiques.
Or l’article 1er A prévoit que « la programmation pluriannuelle de l’énergie fait l’objet d’une révision simplifiée destinée à la mettre en conformité avec les constructions de réacteurs électronucléaires ou leurs prolongations, poursuivies notamment par cette loi ». En d’autres termes, on inverse le processus : la PPE doit s’adapter au projet de loi relatif à l’accélération des procédures que l’on va voter – ou non – dans les prochaines heures.
Si l’on veut véritablement un débat serein, laissons-le se dérouler sans entrave. Chacun pourra ainsi prendre position.
Personnellement, j’ai, au sens propre comme au sens figuré, beaucoup d’atomes crochus avec Daniel Gremillet. Je suis moi aussi un partisan du développement de la filière électronucléaire, mais ce, sous certaines conditions.
Je le dis en regardant Fabien Gay droit dans les yeux, parce que je crois que l’on partage un certain nombre de points communs à ce sujet. Je considère personnellement que nous avons besoin du nucléaire, mais pas de n’importe quel nucléaire ; il nous faut en effet une filière nucléaire responsable.
Dès lors, nous sommes – je le redis – favorables au retour au texte initial. Discutons sereinement de la PPE et, pour ce faire, évitons de mettre une quelconque forme de pression sur le débat et d’imposer, dans le cadre de ce projet de loi, des décisions qui doivent être prises ultérieurement.
Je profite des quelques secondes qu’il me reste pour corriger une erreur : le réacteur finlandais d’Olkiluoto 3 est actuellement à l’arrêt en raison, non pas d’un problème nucléaire, mais de défaillances au niveau de l’îlot turbine et de l’alternateur. Il ne s’agit pas du tout d’un incident nucléaire, puisque le problème serait exactement le même s’il s’agissait d’une centrale à charbon. (Exclamations amusées sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. L’îlot turbine fait tout de même partie de l’EPR !
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, lors de la discussion générale, vous avez conclu votre intervention par une réponse aux critiques, qui émanaient de l’ensemble des travées de cet hémicycle, sur le fait que vous nous obligiez à engager ce débat en dépit du bon sens. Vous avez alors juré vos grands dieux, si je puis dire, que l’examen des différents textes relatifs à notre stratégie énergétique se faisait dans le bon ordre.
Or vous venez de nous expliquer qu’il fallait marcher sur nos deux jambes, le nucléaire et les énergies renouvelables. Cela nous renforce dans notre conviction qu’il aurait peut-être été préférable de discuter de la PPE en premier, voire qu’il aurait peut-être mieux valu que vous présentiez un texte global nous permettant de définir précisément quelle doit être notre production globale d’énergie en fonction de nos besoins réels.
En saucissonnant ainsi les sujets, vous poussez les uns et les autres, parfois même à leur corps défendant, à aborder les débats sous un angle idéologique. Or, si nous avons besoin d’un mix énergétique, cela n’est pas d’abord pour des raisons idéologiques, mais pour répondre à divers besoins auxquels aucune source et aucun mode de production ne peut répondre seul. C’est du reste la raison pour laquelle nous devons diversifier notre production énergétique.
Le processus législatif est désormais lancé, mais il me semble que les débats s’engageraient sous de meilleurs auspices si vous acceptiez de reconnaître, madame la ministre, qu’il aurait été préférable d’examiner les textes dans un ordre différent.
Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. En écoutant attentivement les uns et les autres, j’ai parfois l’impression que certains se bercent de mots…
Madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur un point précis. Aujourd’hui, les autorisations d’exploitation des installations de production d’énergie nucléaire sont limitées à 63,2 gigawatts. Si vous en avez connaissance – je ne doute pas que vous ayez des informations à ce sujet –, quels seront les effets du grand carénage, qui conduira à l’arrêt de certains réacteurs pour des raisons techniques sur le fondement des avis rendus par l’Autorité de sûreté nucléaire ? Il me semble que ce n’est pas neutre, alors que nous avons à nous prononcer sur ces deux amendements.
Par ailleurs, je rappelle que la nouvelle PPE viendra très prochainement en discussion dans cet hémicycle. S’il convient effectivement d’envoyer un signal à la filière, pourquoi pas ?
Enfin, je souhaiterais attirer votre attention sur le scénario « N03 » de RTE, dit de mix équilibré, à l’horizon 2050, qui prévoit un nouveau seuil pour les autorisations d’installation limité à 51 gigawatts pour le nucléaire. Dans ce scénario, le nucléaire existant représenterait 24 gigawatts de capacité installée, les 27 gigawatts restants correspondant à du « nouveau » nucléaire, que les six nouveaux réacteurs EPR 2 et les huit autres à l’étude, qui ont été annoncés par le Président de la République, ne permettraient d’ailleurs pas de couvrir intégralement.
La situation ne me paraît donc pas très claire.
Pour terminer, je suis très inquiet des difficultés que l’on rencontre dans nos territoires – nous le vivons sur le terrain – pour planifier le développement des énergies renouvelables, photovoltaïque, éolien terrestre, voire la méthanisation. Je rappelle que le scénario de RTE, qui repose sur la part d’EnR la plus élevée, anticipe une multiplication par sept de la production d’énergie photovoltaïque et par deux et demi de la production éolienne terrestre.
Or, aujourd’hui, avec ce qui se dessine, on est très loin du compte…
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Franck Montaugé. Cela pose la question de l’efficacité de notre planification énergétique.
Mme le président. Il faut respecter votre temps de parole !
La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, dans votre intervention liminaire, qui a duré onze minutes et quarante secondes, vous avez passé huit minutes à énumérer les dispositions que ce texte ne comportait pas et à lister les sujets qu’il ne fallait pas aborder, et trois minutes seulement à expliquer les mesures y figurant.
Et patatras ! Nous sommes confrontés, dès l’examen de l’article 1er A, à une contradiction dont vous êtes responsable, à savoir que nous examinons ce texte avant la PPE, ce qui n’est pas possible !
Nos collègues qui ont défendu les amendements nos 42 et 54 ont donc raison : on ne peut pas discuter sérieusement du nucléaire sans avoir préalablement défini une stratégie concernant notre mix électrique. Débattre de cette programmation donnera sûrement lieu à des désaccords et à des divergences, mais il importe, dans un premier temps, de trancher cette question.
À l’inverse, le rapporteur a parfaitement raison d’avoir modifié l’article 1er A pour tenir compte de cette inversion. Je comprends parfaitement les positions des uns et des autres.
D’un côté, vous voulez accélérer les procédures ; de l’autre, la PPE prévoit toujours la fermeture de douze réacteurs. Plus personne n’y comprend rien ! Je vous le dis franchement, madame la ministre : si nous en sommes là, c’est uniquement de votre faute et c’est lié à la façon dont vous avez voulu aborder ce débat.
Sur le fond, nous sommes d’accord avec la commission, mais nous nous abstiendrons sur les quatre amendements à l’article 1er A en raison de l’ordre dans lequel vous avez voulu examiner les textes – je n’en comprends toujours pas la raison. De cette manière, et sans débat de fond, vous n’allez rien accélérer du tout !
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 42 et 54.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 118, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 5
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
1° Le 5° de l’article L. 100-4 est ainsi rédigé :
« 5° De diversifier le mix électrique en visant un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables, selon des modalités fixées en application de l’article L. 100-1 A ; »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à revenir sur la suppression, par la commission, de l’objectif de 50 % de production d’origine nucléaire dans le mix électrique et à rappeler que la PPE vise à diversifier le mix énergétique pour atteindre « un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables ».
Il ne s’agit pas, contrairement à ce que j’ai entendu dire, de préempter le débat sur la PPE ; il s’agit justement de faire droit à la demande de nombreux sénateurs de ne pas débattre de la PPE aujourd’hui.
Par ailleurs, tout le monde a la bouche remplie des mots « concertation » et « consultation du public », mais vous êtes justement en train de nous demander d’écraser le débat public, mesdames, messieurs les sénateurs !
M. Franck Montaugé. Non, au contraire ! Nous le défendons !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le débat public est en cours, il a démarré au mois d’octobre !
Il y a une convention de jeunes de 18 à 35 ans, pour finaliser ce débat public, auquel un certain nombre d’entre vous sont invités. Nous appliquons strictement les recommandations formulées par la Commission nationale du débat public pour organiser cet exercice, ce moment démocratique, au cours duquel nous associons l’ensemble des Français à la définition de notre mix énergétique. Et, de votre côté, vous nous demandez d’écraser ce débat !
M. Jean-Michel Houllegatte. Au contraire !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Franck Montaugé. Nous proposons exactement le contraire !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour ma part, cela ne me semble pas être une bonne idée et je ne foulerai pas aux pieds la concertation publique en redéfinissant notre PPE. Si l’on veut que ce débat public soit respecté, le projet de loi sur la PPE ne peut arriver que dans quelques mois et non avant la fin de celui-ci.
Par ailleurs, gouverner, c’est anticiper (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SER.) – vous avez copieusement reproché au Gouvernement de ne pas le faire assez… –, donc laissez-nous anticiper les procédures administratives, qui exigent des mois de travail ! D’ailleurs, ce n’est pas nous qui demandons une loi d’accélération des procédures, ce sont EDF et l’ASN, afin d’être prêtes lorsque la PPE sera adoptée. Ce texte procède donc d’une demande de la filière et nous faisons notre travail en anticipant les choses.
Tout le monde a donc intérêt à sortir des postures politiques, parce que notre responsabilité, c’est de construire la fameuse indépendance énergétique que l’on réclame et qui, j’ai le regret de vous le dire, n’a jamais existé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je ne répéterai pas les propos que j’ai tenus sur les amendements précédents.
Néanmoins, je ne vous comprends pas, madame la ministre : vous faites une partie du chemin tout en refusant d’aller au bout de la logique en vous appuyant sur le travail de la commission des affaires économiques, qui, elle, a eu le courage de le faire.
En effet, on ne trouvera pas de jeunes désireux de s’engager dans les métiers souffrant d’une perte de compétences – tout le monde en convient – si l’on n’envoie pas un signal, si l’on ne dessine pas une trajectoire et une vision de long terme. Le rôle du Gouvernement et du Parlement, c’est d’avoir cette vision, d’élaborer cette stratégie pour le pays.
Par ailleurs, je suis d’accord avec vous : il ne faut pas préempter la stratégie définie par la PPE, et c’est aussi la position de la commission. Vous l’avez indiqué précédemment : à l’horizon 2050, nous aurons vingt-huit réacteurs sur lesquels devra être prise une décision : prolongation, si l’ASN juge celle-ci compatible avec la sûreté des installations, ou renouvellement. C’est cette question que la PPE devra examiner.
J’irai plus loin, madame la ministre. Aujourd’hui, la bataille de l’hydrogène est en train de se jouer à travers le monde, y compris sur le sol européen, notamment en Allemagne. Or, si nous n’envoyons pas un signal sur le nucléaire, nous n’aurons pas de recherche et d’innovation en France, et l’électrolyseur à haute température, source de meilleurs rendements dans la production d’hydrogène, ne se fera pas. C’est à tous ces enjeux que la commission a voulu répondre, au travers des articles additionnels qu’elle a adoptés !
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la ministre, cet amendement entre en contradiction frontale avec votre propos liminaire. Vous nous avez en effet indiqué – le compte rendu intégral en fait foi – que la place du nucléaire dans le mix énergétique ne serait pas remise en cause et qu’il ne s’agissait pas d’un texte de programmation énergétique.
Il se trouve que, dans sa rédaction initiale, le projet de loi modifie au moins une quinzaine de fois le code de l’urbanisme, une dizaine de fois le code de l’environnement, sans compter les modifications du code général de la propriété des personnes publiques, du code général des impôts et du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; en revanche, il n’apporte pas la moindre modification au code de l’énergie, je vous mets au défi d’en trouver une, parce que vous étiez restée « dans votre couloir », dans le cadre d’une feuille de route.
Or, avec cet amendement, j’ai l’impression d’assister à une sortie de route et il me semble même que vous êtes partie dans le décor puisque vous proposez de récrire le 5° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, selon lequel la politique énergétique a pour but de « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035 ». L’année 2035, c’est dans douze ans ; par conséquent, même si – je le concède – il sera nécessaire de modifier cette disposition, nous avons le temps de respecter les débats publics qui ont lieu actuellement.
Nous n’écrasons donc pas le débat public, madame la ministre, au contraire : nous voulons le renforcer afin qu’il se déroule sereinement. Pour cela, ne l’encadrons pas par des injonctions, ne laissons pas le Parlement décider d’emblée de modifier la PPE. Cela me semblerait constituer, je le répète, un déni de démocratie participative.
Mme le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Franchement, je veux remercier la commission et son rapporteur, Daniel Gremillet, d’avoir enfin ouvert, d’une façon qui contraigne à la rationalité, un débat de plusieurs mois et qui devra être in fine tranché par le législateur : quel mix énergétique acceptons-nous pour la France ou, plus précisément, sur quels principes doivent se fonder les investissements qui permettront à notre pays d’avoir de l’énergie ?
Organiser un débat selon les formes prescrites par la Commission nationale du débat public, c’est très bien, mais qui peut croire un seul instant que de ce débat public puissent émerger des propositions précises et rigoureuses ?
Prenons l’exemple de l’hydrogène destiné à décarboner l’industrie. Si l’on décide qu’il s’agit d’une priorité, il faut savoir que la seule sidérurgie ou l’ensemble constitué par la chimie et les activités pétrolières exigent une production de plusieurs gigawatts pour fonctionner. De même, pour garder nos données sur notre territoire, vu la croissance de la consommation de numérique, il faudra une électricité parfaitement maîtrisée, ne supportant ni les intermittences ni les variations de fréquence. De la même manière, la mobilité légère – les batteries – ou la mobilité lourde – l’hydrogène – entraînent des besoins considérables en énergie, qu’il faut évaluer.
Pour cela, les investissements, ou Capex, sont importants et les technologies changent. Je veux bien qu’un débat public nous explique quel doit être le mix énergétique, mais vous me permettrez de ne pas prendre très au sérieux ce type de travaux…
En revanche, nous ouvrons aujourd’hui et publiquement, avec le soutien de ceux qui proposent un texte – la commission – et avec l’apport utile de ceux qui le combattent, un débat qui obligera les responsables français compétents à prendre position.
Mme le président. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Gérard Longuet. Je voudrais que ces responsables définissent des capacités effectives de production, sans s’appuyer sur de vagues sentiments, sans proposer, au jugé, tel ou tel mix énergétique, tel ou tel cocktail agréable,…
Mme le président. Vous n’avez plus la parole !
M. Gérard Longuet. … car il y va tout de même de l’avenir de la France ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Mes chers collègues, chacun dispose pour ses explications de vote d’un temps de parole de deux minutes, pas d’une seconde de plus, et cela s’applique à tout le monde !
M. Gérard Longuet. Je n’ai parlé qu’une seule fois et ce sera la dernière, madame la présidente !
Mme le président. Il y a quelques instants, j’ai accordé à M. le rapporteur un dépassement de vingt secondes et cela m’a valu des messages de toutes les travées pour demander une extension des temps de parole. Je vous saurai donc gré d’éviter de dépasser votre temps de parole. Je pense que tout le monde peut, en deux minutes, expliquer sa position. Je vous prie d’y veiller dorénavant.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Coupez les micros !
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. J’économiserai vingt secondes sur mon temps de parole, que je donne, a posteriori, à Gérard Longuet… (Sourires.)
Je le répète, la volonté de la commission des affaires économiques, avec cet article, est d’envoyer un signal fort, comme l’a dit Mme la ministre, pour relancer la filière nucléaire. Ce signal fort ne peut pas se limiter à des mesures techniques ; il doit certes en contenir quelques-unes afin d’accompagner la création de six réacteurs EPR 2, mais il doit aussi affirmer que le nucléaire a de l’avenir dans ce pays pour les vingt ou trente prochaines années, puisque l’on s’apprête à y construire des EPR.
Madame la ministre, je vous remercie de signaler que la voie choisie par la commission des affaires économiques ne se substitue pas à la PPE. Que souhaitons-nous indiquer avec l’alinéa 3 du présent article ? Simplement que la cible de 50 % est obsolète…
M. Gérard Longuet. Elle est irresponsable !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. … et n’est est pas cohérente avec la perspective, proposée dans ce projet de loi, de la création de nouveaux EPR. Nous nous contentons donc de supprimer cette cible et nous prenons acte de la suppression de la fermeture annoncée de douze réacteurs supplémentaires.
Ce faisant, nous ne préemptons pas le débat public, parce que la cible de 50 % peut devenir une cible de 75 % – ce serait peut-être la préférence majoritaire de ce côté-ci (Mme la présidente de la commission esquisse un geste en direction du côté droit de l’hémicycle.) – ou de 20 % – ce serait peut-être la préférence de ce côté-là. (Mme la présidente de la commission désigne les travées de gauche.) Nous ne préemptons rien, nous prétendons simplement que ce taux de 50 % est obsolète et nous proposons de faire reposer les mesures techniques sur une vision politique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Bravo !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je peux comprendre les propos tenus, mais tout cela relève plutôt d’un débat sur la place du nucléaire.
Or l’amendement du Gouvernement vise justement, je le rappelle, à préserver la PPE et toutes les discussions à venir, en précisant simplement que la politique énergétique doit avoir pour objectif de « diversifier le mix électrique en visant un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables ». Nous proposons précisément de poser le débat !
J’entends que ce débat ait lieu, mais ne prenez pas à partie le Gouvernement sur ce point, car il a et garde une ligne très claire, consistant à laisser le débat public aller son terme, à proposer au Parlement de relancer le programme nucléaire et à s’y préparer dès maintenant.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, nous ne vous avons pas attendu pour relancer l’hydrogène bas-carbone. Nous avons passé deux ans à négocier les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) – IPCEI, en anglais – avec la Commission européenne et, aujourd’hui, quinze projets sur les électrolyseurs sont déjà engagés ; je peux vous assurer que ces dossiers sont sur les rails et qu’ils sont très attractifs, y compris pour le recrutement.
À ce propos, sur la formation non plus, nous ne vous avons pas attendu. D’ailleurs, l’opinion publique est déjà en train de bouger à ce sujet puisque, alors que nous éprouvions des difficultés à remplir les sections spécialisées dans le nucléaire au sein des écoles d’ingénieurs, les demandes pour y étudier sont désormais supérieures aux places disponibles. L’enjeu en la matière consiste à étendre ce phénomène aux bacs professionnels et aux bacs+2, afin de former des soudeurs, des électrotechniciens ou encore des électromécaniciens, dans le but de remplacer les personnes amenées à partir à la retraite prochainement. D’ailleurs, certaines autres réformes peuvent nous y aider…
Mme le président. L’amendement n° 14, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° L’article L. 311-5-5 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’autorisation mentionnée à l’article L. 311-1 ne peut être délivrée lorsqu’elle aurait pour effet de porter atteinte aux objectifs de diversification des sources d’énergie et de réduction de la part de l’électricité d’origine nucléaire.
« L’autorité administrative peut abroger l’autorisation d’exploiter une installation nucléaire de base pour atteindre les objectifs de diversification des sources d’énergie et de réduction de la part de l’électricité d’origine nucléaire. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Il est nécessaire de rappeler le cadre normatif dans lequel s’inscrit le projet de loi d’accélération du nucléaire.
Nous sommes lucides, nous savons que, compte tenu du retard pris en matière d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables, nous ne pourrons pas nous passer tout de suite du nucléaire existant. Il nous faudra plusieurs décennies pour nous en affranchir, mais il est primordial de ne pas relancer du « nouveau » nucléaire. Nous souhaitons donc sécuriser le cadre juridique en vigueur, en rappelant que tout projet de réacteur nucléaire supplémentaire doit demeurer cohérent avec le mix énergétique et avec l’obligation de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité.
C’est tout le débat que nous avons en ce moment. Nous ne partageons pas votre vision, que reflète encore l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Aujourd’hui, seul l’exploitant a la possibilité de demander l’abrogation des autorisations d’exploiter lorsque le plafond de 63,2 gigawatts est susceptible d’être dépassé. Or ce plafond a pour seul objectif d’éviter l’extension du parc nucléaire et ne permet pas de remplir les objectifs de réduction de la part du nucléaire fixé par la loi.
Ainsi, en donnant au ministre chargé de l’énergie le pouvoir de fermer les centrales nucléaires, nous souhaitons éviter de faire reposer entre les mains exclusives de l’exploitant la possibilité d’abroger des autorisations d’exploiter et garantir le respect des objectifs de décarbonation du mix et de réduction de la part du nucléaire.
Ce n’est pas à l’exploitant de piloter la politique énergétique française…
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Madame la ministre, nous ne parlons pas de la même chose : je parlais des électrolyseurs à haute température ; vous m’expliquerez comment les faire fonctionner sans énergie nucléaire…
J’en viens au présent amendement. La commission a proposé d’abroger ce plafonnement a priori de 63,2 gigawatts, afin de tirer un trait sur la politique d’attribution du nucléaire. La mesure que vous suggérez, mon cher collègue, n’est absolument pas souhaitable, d’autant que la rédaction que vous proposez permettrait de remplacer de l’énergie nucléaire, décarbonée, par des énergies fossiles, voire émissives. Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er A.
(L’article 1er A est adopté.)
Article 1er B (nouveau)
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Après le 7° de l’article L. 100-2, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis Poursuivre un effort de recherche et d’innovation en direction de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone, mentionné à l’article L. 811-1, en soutenant notamment les réacteurs européens pressurisés, les petits réacteurs modulaires, les réacteurs de quatrième génération, le projet international de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire, dénommé projet ITER, la fermeture du cycle du combustible, le couplage entre la production d’énergie nucléaire et celle d’hydrogène bas-carbone et les projets importants d’intérêt européen commun sur l’hydrogène ; »
2° Le I de l’article L. 100-4 est ainsi modifié :
a) Après le 5°, sont insérés des 5° bis, 5° ter et 5° quater ainsi rédigés :
« 5° bis De maintenir la part du nucléaire dans la production d’électricité à plus de 50 % à l’horizon 2050 ;
« 5° ter De décarboner le mix électrique, à hauteur de 100 %, ainsi que le mix énergétique, à hauteur de 50 %, à l’horizon 2030 ;
« 5° quater De recourir à une part de matières recyclées dans la production d’électricité d’origine nucléaire, à hauteur de 20 % à l’horizon 2030 ; »
b) Après le 10°, il est inséré un 10° bis ainsi rédigé :
« 10° bis D’atteindre des capacités installées de production d’au moins 6,5 gigawatts d’hydrogène décarboné produit par électrolyse à l’horizon 2030 ; »
3° L’article L. 141-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette synthèse expose la politique du Gouvernement en direction de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone, mentionné à l’article L. 811-1. » ;
4° Le dernier alinéa de l’article L. 141-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette présentation expose la politique du Gouvernement en direction de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone, mentionné à l’article L. 811-1. »
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 43 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
L’amendement n° 55 est présenté par MM. Montaugé, Devinaz, Houllegatte, Tissot, Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 43.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er B, inséré par la commission dans le texte et qui acte la relance du programme nucléaire français sans respecter le processus démocratique, en violation du principe de la participation du public.
Nous en débattons depuis un moment et nous sommes assez d’accord : ce texte a un aspect « décalé » et il présente même des incohérences : on confond accélération et précipitation.
Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 55.
M. Franck Montaugé. Il est défendu, madame la présidente.
Je tiens toutefois à préciser, madame la ministre, que nous ne souhaitons pas écraser le débat public, bien au contraire.
Par ailleurs, monsieur Longuet, il est évident que la consultation publique ne saurait apporter des solutions, mais il est tout de même très important, pour l’acceptabilité des projets, leur compréhension, et pour regagner de la souveraineté nationale, de prendre en compte les remarques formulées par les Français intéressés. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement et celui que je défendrai dans un instant, l’amendement n° 58.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements au profit de son amendement n° 108, qui tend à réécrire l’article dans le sens que vous souhaitez, je pense, messieurs Salmon et Montaugé. En effet, nous proposons de conserver le principe d’une discussion sur la PPE ainsi que la nécessité d’une approche équilibrée de notre mix énergétique.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 et 55.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 108, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le présent amendement a pour objet de supprimer les dispositions adoptées par la commission rappelant le maintien de la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2050 ainsi que la décarbonation du mix électrique à 100 % et du mix énergétique à 50 % à l’horizon 2030, principes qui relèvent de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Il tend en revanche à conserver les alinéas obligeant le Gouvernement à fournir plus d’information au Parlement.
Nous restons donc cohérents, en respectant la volonté de préparer la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie et en nous engageant à fournir le maximum d’informations au Parlement, mais en considérant qu’il est prématuré d’insérer tout élément qui relève de la PPE, et préempte donc la discussion sur ce projet de loi, alors que le débat public et les travaux de consultation d’acteurs indispensables ne sont pas terminés.
Mme le président. L’amendement n° 92 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
et à hauteur de 50 % à l’horizon 2050
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Il incombe au projet de loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, qui doit être examiné ultérieurement, de déterminer les objectifs de la politique énergétique.
Le présent projet de loi a été heureusement amendé par la commission des affaires économiques et les objectifs de la politique énergétique en matière de production d’électricité d’origine nucléaire ont été complétés pour tenir compte de la construction de six, voire de quatorze EPR supplémentaires annoncée par le Gouvernement.
L’article 1er B nouveau prévoit en particulier de recourir à une part de 20 % de matières recyclées dans la production d’électricité nucléaire à l’horizon 2030, à des fins de valorisation du cycle du combustible. Une telle voie est souhaitable, car elle peut contribuer à sécuriser notre approvisionnement en uranium et à réduire le volume de déchets, mais il est également indispensable de se fixer des objectifs ambitieux en matière de recyclage de combustible usagé.
Cet amendement tend donc à prévoir la valorisation de 50 % de matières recyclées dans la production d’électricité nucléaire en 2050, afin de renforcer notre indépendance énergétique.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Au travers de l’amendement n° 108, le Gouvernement entend supprimer la quasi-totalité des alinéas de l’article 1er B, ce qui n’est pas justifié. En effet, cela reviendrait à supprimer l’ensemble de la stratégie énergétique nationale appliquée par la commission à l’énergie nucléaire et à l’hydrogène bas-carbone, c’est-à-dire de revenir sur le travail qu’elle a fait et, surtout, sur le signal qu’elle veut envoyer à la filière nucléaire.
Quant à l’amendement n° 92 rectifié bis, il vise à porter à 50 % d’ici à 2050 l’utilisation de matières recyclées dans la production d’électricité nucléaire. La commission a préféré fixer un objectif de 20 % d’ici à 2030, pour une raison simple : nos auditions ont mis en évidence de nombreuses incertitudes technologiques sur le monorecyclage et le multirecyclage, qui font encore l’objet de travaux de recherche et développement.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 92 rectifié bis ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La commission a fixé, dans sa rédaction, l’objectif d’une part minimale de 20 % de matières radioactives issues du retraitement dans la production d’électricité d’origine nucléaire en 2030. Cette cible n’est, à ce stade, pas atteignable techniquement. Ainsi, non seulement la commission préempte la PPE, mais elle insère en outre dans le texte des objectifs qui ne sont pas réalisables techniquement. Cela me semble poser problème.
De même, fixer un objectif de 100 % d’électricité décarbonée en 2030 revient à priver nos industriels de leurs installations de cogénération, par exemple à priver la Bretagne de son installation de Landivisiau, essentielle pour la sécurité de son approvisionnement.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 92 rectifié bis et vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à voter son amendement n° 108, dont l’adoption permettra de replacer les choses à leur juste niveau, pour se garder de viser des objectifs techniquement inatteignables et éviter tout risque de rupture d’approvisionnement dans certains territoires.
Mme Nathalie Delattre. Je retire mon amendement !
Mme le président. L’amendement n° 92 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er B.
(L’article 1er B est adopté.)
Article 1er C (nouveau)
Le 4° du I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le mot : « diversification » est remplacé par le mot : « décarbonation » ;
2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Pour l’électricité d’origine nucléaire, l’objectif de décarbonation porte sur la construction de réacteurs pressurisés européens et de petits réacteurs modulaires à l’horizon 2050. Sont précisés les modes de financement, les moyens en termes de métiers et de compétences, l’effort de recherche et d’innovation en direction de la fermeture du cycle du combustible, les moyens en termes de sûreté et de sécurité nucléaires ainsi que, le cas échéant, le dimensionnement des installations de retraitement-recyclage et de stockage des déchets requis ; ».
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 31 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
L’amendement n° 58 est présenté par MM. Montaugé, Devinaz, Houllegatte, Tissot, Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 109 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 31.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er C, qui acte la relance du programme nucléaire français sans respecter, là encore, le processus démocratique ; je n’y reviens pas.
Cet article remplace l’objectif de « diversification » par un objectif de « décarbonation », qui a une signification complètement différente, le rapporteur le sait bien, et qui n’est pas approprié.
Il inscrit également dans la loi un objectif général de construction d’EPR 2 et de SMR d’ici à 2050 et dispose que les conditions de développement de ces réacteurs – financement, traitement des déchets – seront précisées dans la future loi quinquennale sur l’énergie.
Encore une fois, ce maximalisme en matière de relance du nucléaire, très engageant pour nos choix énergétiques stratégiques, met les parties prenantes et l’ensemble de nos concitoyens devant le fait accompli.
Parce que nous souhaitons le respect du débat démocratique et du calendrier parlementaire, nous proposons de supprimer ces dispositions totalement hors cadre.
Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 58.
M. Franck Montaugé. Il s’agit toujours de respecter la démocratie et de garantir, in fine, une plus grande rationalité de la décision.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 109.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’article 1er C remplace l’objectif de diversification du mix électrique fixé dans le code de l’énergie par un objectif de décarbonation, en s’appuyant sur la construction de nouveaux réacteurs de type EPR et de petits réacteurs modulaires à l’horizon de 2050.
Bien que nous partagions cette ambition, ce texte n’est pas le bon véhicule, je le répète, pour définir la programmation pluriannuelle de l’énergie. Cela reviendrait à fouler aux pieds tous les débats publics qui sont en train de se tenir, à considérer que la consultation publique, qu’un certain nombre d’entre vous appellent de leurs vœux avec force, n’a aucune portée pratique.
C’est pourquoi le Gouvernement a déposé cet amendement de suppression.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. En supprimant l’article 1er C, nous supprimerions non seulement les dispositions prévues pour la construction de nouveaux réacteurs, mais encore les dispositions portant sur l’effort budgétaire afférent à la sûreté, à la sécurité, à la recherche, à l’innovation ou encore au recyclage et au stockage des déchets. En outre, nous affaiblirions considérablement le pouvoir du Parlement sur la prochaine PPE.
La commission demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31, 58 et 109.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 70 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
construction
insérer les mots :
sous maîtrise publique
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, je ne veux pas lancer une vaine polémique, mais quand nous vous expliquons que vous prenez le débat dans le mauvais sens en n’attendant pas la fin du débat public, vous nous répondez que ce n’est pas grave et que l’on inclura les conclusions du débat public dans la future PPE, avant de nous reprocher de vouloir amender le texte en affirmant qu’exercer notre droit d’amendement foulerait aux pieds le débat public, comme vous venez de l’indiquer à M. le rapporteur !
Franchement, il y a une petite incohérence : soit on nous soumet un texte, on peut en débattre et on ouvre toutes les questions – d’ailleurs, M. le rapporteur est un modéré, je peux vous le dire, parce que, si cela n’avait tenu qu’à nous, vous auriez eu droit à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, au tarif réglementé, au statut des industries électriques et gazières, etc. –, soit il s’agit d’un texte que nous n’avons pas le droit d’amender, sur lequel on vote pour ou contre, et basta ! Mais, selon moi, si le Gouvernement propose un texte, et c’est lui qui a la maîtrise du calendrier, qu’il nous permette au moins d’en débattre !
J’en viens à l’amendement. D’après plusieurs rapports, la construction de SMR pourrait conduire à ouvrir la production électrique au secteur privé et à la concurrence. Pour notre part, nous sommes cohérents : nous tenons à ce que le nucléaire reste sous maîtrise publique. Comme nous avons ce débat et qu’il y a un droit d’amendement, nous pensons que, avant même d’examiner la PPE, il faut inscrire dans le marbre que le déploiement de ces réacteurs, s’il demeure dans la PPE, se fera exclusivement sous maîtrise publique.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement est satisfait : c’est bien EDF qui sera à l’initiative des EPR 2 et des SMR. La commission en demande donc le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Monsieur le rapporteur, vous affirmez que l’amendement est satisfait, mais ce n’est pas si clair. Cet amendement soulève la question de l’organisation d’EDF au cours des mois à venir, dont nous souhaiterions discuter au Parlement. Je remercie donc nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste de soulever ce sujet, que j’ai moi-même évoqué lors de la discussion générale, car l’une des grandes questions posées à l’industrie française qui utilise aujourd’hui de l’énergie carbonée est celle de la décarbonation, donc de l’électrification des processus.
Vous n’avez pas répondu, madame la ministre, à la question que je vous ai posée en discussion générale : quelle est la doctrine du Gouvernement en matière de développement et de multiplication des SMR ?
À un moment donné, on a entendu dire que les SMR avaient vocation à être exportés, dans un avenir plus ou moins lointain. Désormais, on entend dire qu’ils pourraient être installés sur le territoire national. Pour ma part, je ne peux pas m’empêcher de penser que certaines industries fortement consommatrices d’électricité auront intérêt à développer, au sein de leurs installations, des SMR.
Il est donc absolument fondamental de définir la doctrine en la matière, non seulement en matière de sécurité, mais aussi de marchés et de tarifs, ce qui nous renvoie directement à la question du market design européen. À cet égard, nous souhaiterions que vous nous communiquiez des informations par rapport aux propositions que le gouvernement français porte au sein des instances européennes dans le cadre de la réforme structurelle du marché européen, qui dysfonctionne complètement, comme nous le constatons tous. À ce jour, nous ne savons rien.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je profite de cette discussion sur les SMR pour prendre la parole.
Penchons-nous sur l’histoire du nucléaire français. Nous sommes passés de centrales de 50 mégawatts telles que celle de Brennilis en Bretagne aux centrales de 170 mégawatts, toujours dans la filière graphite-gaz, puis aux centrales de 300 mégawatts, 900 mégawatts, 1 300 mégawatts, 1 450 mégawatts, puis 1 650 mégawatts avec l’EPR de Flamanville.
On fait de plus en plus gros pour faire des économies d’échelle, parce qu’on veut montrer que le nucléaire fournit une énergie peu chère. Aujourd’hui, c’est la volte-face ! On a trouvé un nouveau joujou, le SMR. Nous allons construire de petits réacteurs, qui seront beaucoup mieux !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. On n’est pas des enfants !
M. Daniel Salmon. Ces petits SMR existent dans les sous-marins, les brise-glace, dans des endroits isolés, comme en Sibérie. Ils coûtent très cher ! Nous allons produire des mégawattheures à 250 euros ! On nous dit que ces SMR, petits et modulaires, pourront être fabriqués en usine. Super ! Nous pourrons les disséminer dans le monde entier, dans un monde que l’on sait parfaitement sécurisé ! Un petit SMR par-ci, un autre par-là… Je souhaite beaucoup de plaisir aux générations futures pour contrôler tous ces SMR !
Il paraît qu’ArcelorMittal a besoin d’un SMR. Très bien ! Je reviendrai tout à l’heure sur ces questions de sécurité.
M. Jean-Claude Tissot. Merci pour la leçon !
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. S’agissant des SMR, mais aussi des EPR, ce sont l’industrialisation et la reproduction qui feront baisser les prix. Nous aurons ce débat, du moins je l’espère, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Monsieur le rapporteur, vous me dites que l’amendement n° 70 rectifié est satisfait, dans la mesure où EDF sera en charge de la question. Sauf que nous ne connaissons pas le véritable projet du Gouvernement concernant EDF ! Si vous avez des informations, monsieur le rapporteur, n’hésitez pas à nous en faire part ! Pour le moment, le Parlement est privé d’un débat sur l’avenir d’EDF. Vous avez choisi, par le biais d’un amendement déposé, en plein été, sur le projet de budget rectificatif, de mettre 8 milliards d’euros sur la table. Voulez-vous un Hercule 2.0 ? Voulez-vous filialiser ? Voulez-vous que le nucléaire soit 100 % public ou bien voulez-vous ouvrir le capital des ENR ? Voulez-vous vendre des actifs comme Dalkia et Enedis ?
Si EDF est 100 % publique et constitue un grand service public, ou bien si les filiales de l’entreprise sont ouvertes aux capitaux privés, la situation sera bien différente !
Je ne vois donc pas comment, monsieur le rapporteur, mon amendement pourrait être satisfait, puisque les sénateurs et sénatrices du groupe CRCE, mais aussi, me semble-t-il, l’ensemble du Parlement, ne disposent pas de ces informations.
Vous ne pouvez pas me répondre : « N’ayez crainte, ça sera EDF ! » Certes, mais quel est l’avenir d’EDF ? Peut-être cette évolution sera-t-elle prévue dans le cadre de la PPE.
Pour notre part, nous estimons que cet amendement n’est pas satisfait. Dès lors, il convient de graver dans le marbre que les SMR devront être développés sous maîtrise publique.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Au départ, les SMR ne figuraient pas dans le projet de loi initial ; ils ont été ajoutés par la commission. En revanche, dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, était évoquée – et je ne la conteste pas – la nécessité de nous doter, dans le cadre du mix énergétique, de SMR, pour répondre à des besoins d’entreprises électro-intensives. La vallée du Rhône et le Nord étaient notamment cités.
S’agissant des SMR, il est important de clarifier les choses. Selon moi, l’amendement déposé par notre collègue Fabien Gay est tout à fait opportun. En effet, doit-on considérer, d’une certaine façon, que le SMR puisse échapper au contrôle de la puissance publique ? Chaque entreprise électro-intensive ou chaque groupement régional d’entreprises électro-intensives doit-il pouvoir mutualiser l’achat d’un tel réacteur, pour être en autonomie énergétique ? Après tout, pourquoi pas ! Toutefois se pose la question du contrôle de ces SMR et du risque de dissémination.
Selon moi, les SMR comme le nucléaire très diffus – l’IRSN a d’ailleurs produit beaucoup de rapports sur ces questions – doivent rester sous l’égide de la puissance publique.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er C.
(L’article 1er C est adopté.)
Article 1er D (nouveau)
D’ici le dépôt du projet de loi prévu en application du I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à évaluer l’impact de la construction de quatorze réacteurs pressurisés européens, mentionnés par le Président de la République dans le discours tenu à Belfort, le 10 février 2022, et de neuf supplémentaires, étudiés par Réseau de transport d’électricité, dans son étude Futurs énergétiques à l’horizon 2050, sur :
1° La situation du groupe EDF, du marché de l’électricité et des finances publiques ;
2° Les besoins en termes de métiers et de compétences ;
3° La sûreté et la sécurité nucléaires ;
4° Le cycle du combustible.
Mme le président. L’amendement n° 107, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Avant la discussion de la prochaine loi mentionnée au I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux modalités de mise en œuvre d’un programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France présentant, sur la base des informations disponibles :
- les éventuelles options s’agissant de son dimensionnement, de son calendrier et des sites susceptibles d’accueillir de nouveaux réacteurs ;
- les enjeux de préparation afférents pour la filière nucléaire, notamment en matière de compétences ;
- les modalités envisagées pour la gestion des matières et des déchets radioactifs associés ;
- l’avancement des instructions techniques et administratives associées en matière de sûreté et de sécurité nucléaires.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’article 1er D prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les modalités de mise en œuvre d’un programme de construction de quatorze réacteurs EPR 2 en amont du dépôt de la loi de programmation sur l’énergie et le climat.
Le Gouvernement a publié en février 2022 un rapport, prévu par la programmation pluriannuelle de l’énergie, sur les modalités de mise en œuvre d’un programme nucléaire de six réacteurs EPR 2, qui présente notamment les enjeux en matière de coûts, de calendrier et de risques d’un projet de construction.
EDF envisage actuellement de construire une première paire de nouveaux réacteurs sur le site de Penly, en Normandie, une deuxième paire sur le site de Gravelines, dans les Hauts-de-France, puis une troisième paire sur un site nucléaire existant dans la vallée du Rhône – Bugey ou Tricastin.
Dans le cadre du débat public en cours, EDF a préparé un dossier complet sur les enjeux du programme, qui est disponible sur le site de la Commission nationale du débat public.
Comme l’a demandé le Président de la République, EDF a engagé, depuis février 2022, des études pour huit réacteurs EPR 2 supplémentaires, sans conclusion à ce stade en matière de calendrier ou de localisation, et ce travail doit se poursuivre dans les meilleures conditions, afin qu’une proposition industrielle puisse émerger.
En réponse aux attentes exprimées par les parlementaires, le Gouvernement propose de transmettre au Parlement, avant la discussion de la loi de programmation relative à l’énergie et au climat prévue en 2023, un rapport complémentaire présentant les informations additionnelles qui seront disponibles sur les modalités de mise en œuvre d’un programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France, soit six réacteurs, qui disposeront d’une analyse complète, et huit réacteurs additionnels, pour lesquels l’analyse ne sera pas aussi fouillée, ainsi que les éventuelles options envisageables, sur la base de travaux qui se poursuivent et qui pourraient, pour certains, ne pas être totalement conclusifs.
Il s’agit d’éclairer le Parlement, sur la base du meilleur niveau d’information dont nous disposerons au moment de l’examen du projet de loi sur l’énergie et le climat.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La réécriture du rapport d’évaluation, en matière d’énergie nucléaire, introduit par notre commission, dans la perspective de la loi quinquennale sur l’énergie, prévue à compter de juillet 2023, n’est pas souhaitable.
D’une part, il ne serait plus fait référence aux quatorze EPR 2 mentionnés dans le discours de Belfort ni aux neuf autres étudiés par RTE.
D’autre part, point également très important, les éléments évalués seraient moins nombreux, puisqu’ils ne viseraient plus la situation du groupe EDF, du marché de l’électricité et des finances publiques.
Enfin, je rappelle que les modifications apportées à ce texte par la commission reprennent notamment les propositions nos 2, 3, 4 et 9 du rapport de la mission d’information sénatoriale transpartisane sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas-carbone.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. L’amendement n° 93 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 5
1° Remplacer le mot :
Le
par les mots :
L’amont et l’aval du
2° Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques et la revalorisation du combustible usé
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Cet article inséré en commission prévoit qu’un rapport évalue l’impact de plusieurs paramètres, que je ne listerai pas, mais qui sont de nature à répondre aux questions émergeant dans le débat public sur le nouveau programme nucléaire et qui éclaireront le débat parlementaire.
Par cet amendement, il s’agit d’évaluer également l’impact sur l’ensemble du cycle du combustible de l’amont à l’aval, notamment sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques, ainsi que sur la revalorisation du combustible usé.
En effet, les réserves mondiales d’uranium exploitable représenteraient plus d’un siècle d’exploitation au rythme actuel, mais on ne peut présager des difficultés d’approvisionnement en cas de relance ambitieuse du nucléaire au niveau mondial et de conflits géopolitiques.
Le rapport Futurs énergétiques 2050 de RTE, publié avant le conflit en Ukraine, l’a souligné : « La disponibilité des réserves d’uranium naturel à long terme fait aujourd’hui l’objet de moins d’inquiétude, dans un contexte où de nombreux pays prévoient de fermer leur parc de réacteurs nucléaires et où le nombre de réacteurs en construction reste limité. »
Depuis lors, les cartes ont été rebattues et le regain d’intérêt pour le nucléaire en France et à l’international risque de rendre obsolètes les hypothèses des différentes projections.
D’où la nécessité de compléter l’article 1er D par le présent amendement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement, conforme à l’esprit de l’amendement adopté par la commission des affaires économiques, vise à préciser que l’évaluation doit porter sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques, ainsi que sur la revalorisation du combustible usé.
Sa rédaction étant plus complète que la rédaction initiale pour ce qui concerne les approvisionnements et les déchets, la commission émet un avis de sagesse bienveillante.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Permettez-moi de revenir en arrière, afin de préciser un point. L’article 1er D fait référence à la construction de quatorze réacteurs pressurisés européens, mentionnés par le Président de la République, et de neuf réacteurs supplémentaires, étudiés par RTE. Il n’existe donc pas de scénario avec quatorze réacteurs et neuf autres réacteurs, ce qui ferait un total de vingt-trois réacteurs. Je le précise, dans la mesure où la référence figurant à l’article 1er D est inexacte.
Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, dans la mesure où la notion de cycle de combustible englobe déjà les enjeux de l’approvisionnement en uranium et la revalorisation du combustible usé. Ainsi, cet amendement est déjà satisfait sur le fond par la rédaction actuelle.
Mme le président. L’amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et les améliorations possibles en matière de gestion et réduction des déchets
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. L’article 1er D est quelque peu surprenant, puisqu’il prévoit la rédaction d’un rapport visant à évaluer l’impact de la construction de quatorze réacteurs nucléaires, étant entendu que ce projet de loi prévoit d’en accélérer le développement. Ainsi, il est proposé de mesurer la faisabilité des annonces présidentielles formulées voilà plus d’un an à Belfort.
Même si RTE a déjà indiqué quelques pistes, ce n’est pas dans cet ordre que nous aurions dû procéder. Nous pouvons toutefois nous réjouir que le sort du groupe EDF, du marché de l’électricité et des finances publiques devienne peu à peu une préoccupation.
De notre côté, nous devinons déjà la conclusion de ce rapport : la situation d’EDF est catastrophique et il est urgent d’intervenir.
Comme nous l’avons déjà dit, nous regrettons que rien ne soit prévu dans ce texte pour corriger le tir contre la mise en concurrence et contre l’Arenh, qui sont responsables de la situation d’EDF et des prix exorbitants de l’énergie.
Par cet amendement, nous souhaitons alimenter la réflexion sur le nucléaire. Nous partageons en effet certaines préoccupations portant notamment sur le traitement des déchets. Si la plupart des modes de production d’énergie engendrent des déchets, ceux du nucléaire ont la particularité d’être radioactifs et de mettre, pour certains, des dizaines de milliers d’années à disparaître.
S’il y a eu d’importants progrès concernant le recyclage, mais aussi la capacité à réduire la production des déchets, notamment avec les EPR de dernière génération, nous proposons de poursuivre ce travail de recherche sur les déchets, à la fois pour pérenniser l’énergie nucléaire et pour la rendre plus sûre au regard de notre environnement et de notre santé.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Permettez-moi tout d’abord de répondre à Mme la ministre, dans le prolongement des propos tenus par notre collègue Gérard Longuet tout à l’heure : ce n’est pas moi qui ai inventé le scénario, qui est fonction de la réindustrialisation de la France. Si notre pays a l’ambition de relocaliser les productions industrielles, il lui faudra de l’énergie ! Je n’ai rien inventé, neuf réacteurs supplémentaires sont prévus, en plus des quatorze réacteurs initiaux.
Compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 93 rectifié bis, cet amendement me semble satisfait. D’ailleurs, son adoption conduirait à amoindrir le niveau de l’évaluation, ce qui serait dommage.
La commission en demande donc le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Claude Varaillas. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme le président. L’amendement n° 71 rectifié est retiré.
L’amendement n° 69, présenté par MM. Devinaz, Houllegatte, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Blatrix Contat et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Les scénarios relatifs aux aléas climatiques extrêmes couvrant jusqu’à l’horizon 2100, sur les sites existants des installations nucléaires concernés.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. La construction de six nouveaux EPR, qui, ne l’oublions pas, fonctionneront encore à l’horizon 2080, doit prendre en compte les conditions climatiques locales dans lesquelles ils fonctionneront. Il s’agit notamment de mettre en œuvre des études de descente d’échelle dynamique, absolument nécessaires, outre les éléments de projection globale du Giec.
En termes de sûreté nucléaire, la connaissance exacte des événements environnementaux locaux est indispensable. Il s’agit par exemple, pour les installations sur le Rhône, de mieux anticiper l’hydrométrie du fleuve, ses évolutions de température, les phénomènes climatiques qui se développeraient notamment autour des sites nucléaires.
D’après les données du Giec, avec le changement climatique, en 2050, le débit moyen annuel du fleuve aura baissé entre 10 % et 40 %. À l’horizon 2080, les débits du Rhône pourraient être profondément modifiés. Les études de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et de la Compagnie nationale du Rhône vont dans le même sens. Certains projets de recherches ont abouti à la création de scénarios climatiques régionalisés sur un ou plusieurs bassins versants incluant le territoire Rhône-Méditerranée.
Ces données sont ou seront essentielles pour prévenir les conflits d’usage de l’eau, enjeu stratégique au regard des multiples usages du Rhône, qui est utilisée non seulement pour refroidir les centrales nucléaires et pour l’hydroélectrique, mais aussi pour l’agriculture, la navigation et la consommation domestique. Et il faut aussi garder un peu d’eau pour la biodiversité !
Je pourrais également évoquer les vents extrêmes. Or il n’existe pas de travaux sur ce phénomène en France. La sûreté nucléaire se fonde sur des phénomènes passés et non sur la projection de phénomènes futurs à risques.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement porte sur un véritable sujet, à savoir la sécurité et l’évolution climatique, que nous avons abordé dans le cadre du travail que j’ai réalisé avec mon collègue Pascal Martin.
Tous les sujets liés à l’évolution climatique, qu’il s’agisse du trait de côte, de l’érosion, des vagues submersives ou de l’élévation du niveau de la mer, sont déjà pris en compte – je vous renvoie aux articles 9 et 9 bis. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 72 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Les incidences du réchauffement climatique et de la raréfaction des ressources sur la production d’énergie nucléaire.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Il s’agit d’un amendement d’appel, afin de préparer un débat serein sur la PPE.
La question du nucléaire soulève la question de l’eau. Si, pour notre part, nous sommes favorables au nucléaire, nous n’en ignorons pas les risques, comme pour toute activité humaine.
Nous sommes aujourd’hui dans une nouvelle phase, qui n’existait pas voilà trente ans. Nous avons connu un été très chaud, et cent villages, en France, n’ont pas eu accès à l’eau potable.
Or nous avons besoin de beaucoup d’eau pour refroidir les réacteurs, soit avec une tour aéroréfrigérante, soit avec un système ouvert. On ne peut pas ne rien dire sur les cinq centrales ayant rejeté cet été une eau plus chaude dans les fleuves, à la suite de l’obtention d’une dérogation.
Pour le moment, les projections s’appuient sur des études passées et non pas sur des perspectives d’avenir, y compris en termes de réchauffement climatique.
Nous avons besoin, dans le cadre d’un débat éclairé et sérieux, de projections, en particulier pour ce qui concerne l’eau. Pour notre part, nous sommes favorables à une part de nucléaire dans le mix énergétique, avec des énergies renouvelables et de l’hydraulique sous maîtrise publique.
Les conflits d’usage existent d’ores et déjà : respect de la biodiversité, besoins des centrales, besoins pour l’agriculture, et j’en passe.
Après avoir entendu l’avis de M. le rapporteur et de Mme la ministre sur cet amendement d’appel, nous prendrons une décision.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Là encore, il s’agit d’un vrai sujet, qui est revenu souvent au cours des auditions que nous avons menées, d’où l’importance de « donner envie » aux filières d’investir.
En effet, on le sait, grâce aux nouvelles technologies, l’eau ne sera peut-être plus un sujet, car nous serons capables de produire de l’électricité sans augmenter la température de l’eau !
M. Thomas Dossus. C’est de la science-fiction !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Si nous n’envoyons pas des signes aux filières, nous n’y arriverons pas.
Dans la mesure où l’amendement n° 93 rectifié bis, que nous avons adopté tout à l’heure, satisfait en partie celui-ci, la commission en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il faut bien l’avoir en tête, dans le dossier de préparation du nouveau nucléaire, la question de l’adaptation au changement climatique est effectivement prise en compte. C’est l’un des éléments qui conduiront EDF à recommander le choix de tel site par rapport à tel autre. Les analyses porteront notamment sur les risques sismiques et les usages de l’eau.
Soit ces éléments sont complémentaires, c’est-à-dire qu’ils ont été pris en compte après Fukushima et nous invitent à nous doter d’équipements supplémentaires pour assurer la sécurité, soit ils sont liés aux projections concernant le réchauffement climatique. Une équipe d’EDF se consacre d’ailleurs à ce travail, vous le savez comme moi.
S’agissant de l’adaptation au changement climatique, l’enjeu des réseaux de transport et de distribution, qui sera l’un des enjeux de la programmation pluriannuelle de l’énergie, est probablement plus prégnant que l’enjeu des centrales elles-mêmes.
Le réchauffement climatique concerne également les énergies renouvelables – il faudra bien intégrer cet élément. Je pense à l’impact des variations de température rapides sur les matériaux, ainsi qu’aux événements climatiques extrêmes. Tous ces éléments doivent être pris en considération, au regard non seulement de la sécurité et, donc, d’équipements de sécurité additionnels, ce qui entraîne des coûts supplémentaires, mais aussi d’une baisse potentielle de la production.
Ainsi, dans le cas de l’énergie hydraulique, EDF, confrontée à une sécheresse à la fin de l’hiver, a géré de manière très protectrice, avec notre accompagnement, les ressources en eau. Finalement, un bon niveau hydraulique a été retrouvé, grâce, ne nous mentons pas, au fonctionnement de centrales à gaz.
Tout cela est donc d’ores et déjà pris en compte dans les scénarios. Toutefois, les informations n’étant pas encore toutes disponibles pour tous les sites et tous les scénarios, nous vous informerons au fur et à mesure.
Vous l’avez compris, les décisions seront prises graduellement. Vous tracez les grandes orientations, mais certains caps, certains choix, seront fixés en fonction d’études qui s’égrèneront dans le temps.
Je vous le redis, monsieur le rapporteur, le scénario le plus abouti en matière de mix énergétique, c’est quatorze réacteurs plus quelques SMR. Ce n’est pas « quatorze plus neuf » EPR. C’est écrit dans le rapport de RTE, je viens de le vérifier.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je remercie notre collègue Fabien Gay d’avoir posé la question de l’eau. En effet, on entend beaucoup de bêtises s’agissant des centrales nucléaires situées sur les fleuves et les rivières, qui ont besoin, pour leur refroidissement, de 26 milliards de mètres cubes. Excusez du peu ! Ces chiffres sont ceux de la Société française d’énergie nucléaire (Sfen). Mes sources, vous le voyez, ne proviennent pas d’antinucléaires !
On me dit que 98 % de cette eau est rejetée dans la nature. Les centrales ne consomment donc que 2 % de ce volume, ce qui fait, j’en suis désolé, 550 millions de mètres cubes, soit 20 % net de la consommation d’eau en France. L’eau potable en représente 24 % et l’agriculture, 48 %. Qu’on ne me dise donc pas que le nucléaire ne consomme pas d’eau ! Une telle situation posera des difficultés énormes dans les années à venir.
Pendant les longs mois d’été, on aura des fleuves quasiment à sec, ce qui hypothéquera la possibilité de construire des centrales nucléaires à leur long, ainsi qu’à celui des rivières.
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je souhaite aller dans le sens de mes collègues. Dans le bassin Adour-Garonne, en Occitanie, on a déjà constaté moins 20 % de pluviométrie. C’est déjà acté pour les années à venir, ce qui est évidemment très inquiétant.
Parallèlement, la Garonne et la Dordogne ont connu des étiages particulièrement bas cette année. Nous devons donc considérer la question de la diminution des ressources en eau, particulièrement prégnante, qui pose un vrai problème dans le cadre de la construction de centrales nucléaires. L’eau est en effet absolument indispensable pour les refroidir.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Outre les questions liées à l’eau, il convient d’aborder l’ensemble des problématiques engendrées par le réchauffement climatique. En effet, les systèmes énergétiques qui seront mis en place fonctionneront jusqu’à la fin du siècle. Or, on le sait, à cet horizon, les conséquences du réchauffement climatique se feront malheureusement sentir, qu’il s’agisse de pluies torrentielles, d’inondations, de sécheresses ou de vents extrêmes.
Permettez-moi une petite anecdote. Hier, à Barneville-Carteret, le vent a soufflé à 163 kilomètres par heure, ce qui constitue un record. Or nous sommes situés à 24 kilomètres de Flamanville. Cela signifie que, désormais, nous avons des tornades. Si le Cotentin ne ressemble pas encore à la Floride, il subit dorénavant des événements extrêmes qu’il est nécessaire d’anticiper.
C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement d’appel, qui me paraît particulièrement pertinent.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous devons mener nos réflexions en regardant vers demain, ce qui veut dire aussi prendre en compte, comme l’ont dit mes collègues avant moi, toutes les innovations technologiques et scientifiques dont nous ne pourrons nous passer pour continuer de développer un parc nucléaire.
On ne saurait déduire de l’insuffisance future des ressources en eau par rapport aux besoins actuels des centrales que, demain, il n’y aura plus de centrales : il existe des marges de progrès scientifique qui nous permettront, là où nous implanterons les futures installations, de mieux anticiper leurs conséquences hydrographiques et de mieux anticiper les besoins en matière de retenue et de rafraîchissement de l’eau.
Le véritable problème qui se pose actuellement avec l’eau de refroidissement, c’est qu’elle est rejetée dans le milieu plus chaude qu’elle n’est pompée en amont. Dès lors qu’il sera devenu possible de la rejeter à la température qui était la sienne avant refroidissement de la centrale, l’opération sera neutre pour le milieu. C’est vers cela qu’il faut tendre, au lieu de se complaire dans un constat défaitiste, voire alarmiste : nous devons fonder nos espoirs dans l’idée d’un pays qui se développe et s’appuie sur sa recherche scientifique. (Mme la ministre approuve.)
Songez, mes chers collègues, à ces projets technologiques qui permettent d’ores et déjà de dupliquer les fleuves dans un monde virtuel pour mesurer toutes les incidences sur l’eau des installations nucléaires. Plutôt que de tirer argument de la façon dont les choses ont été gérées dans le passé, trouvons des mécanismes moins gourmands en eau.
Dans tous les cas, réfléchissons, sachons anticiper, sans nous encombrer de blocages rigides.
Mme le président. L’amendement n° 94 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
… ° Les besoins en matière de stockage des déchets radioactifs et le coût afférent.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Il s’agit, selon une philosophie identique à celle de l’amendement précédent, de compléter la demande de rapport qui a été heureusement introduite par la commission concernant l’impact de ce nouveau programme nucléaire sur plusieurs paramètres.
Je souhaite, mes chers collègues, que nous ajoutions à la liste de ces paramètres les besoins en matière de stockage des déchets radioactifs ainsi que le coût afférent. Sur cette question qui est régulièrement soulevée dans les débats publics et qui inquiète au plus haut point nos concitoyens, nous avons besoin d’être éclairés.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le dispositif de l’amendement n° 93 rectifié bis, qui a été adopté, apporte une partie des réponses aux questions que vous posez, ma chère collègue.
Pour ce qui est de votre demande précise, plusieurs évaluations ont déjà été réalisées : un rapport réalisé en 2019 par la Cour des comptes sur l’aval du cycle du combustible nucléaire, un autre fait à la demande du Gouvernement, en 2022, par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) sur l’impact de la construction de six EPR 2.
Inutile de multiplier les strates : nous disposons de tous les éléments nécessaires.
C’est la raison pour laquelle la commission demande de retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme le président. L’amendement n° 94 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er D, modifié.
(L’article 1er D est adopté.)
Article 1er
I. – Le présent titre s’applique aux projets de réacteurs électronucléaires, y compris ceux de petits réacteurs modulaires, dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante mentionnée à l’article L. 593-2 du code de l’environnement, à l’exception des 4° et 5°, et pour lesquels la demande d’autorisation de création mentionnée à l’article L. 593-7 du même code est déposée dans les vingt ans qui suivent la publication de la présente loi.
II (nouveau). – Les projets d’installations d’entreposage de combustibles nucléaires, mentionnées au 2° de l’article L. 593-2 du code de l’environnement, peuvent bénéficier de tout ou partie des dispositions prévues au présent titre, dès lors qu’ils sont dédiés à un projet de réacteur électronucléaire, mentionné au I du présent article, ou à un réacteur nucléaire existant, mentionné au 1° de l’article L. 593-2 du code de l’environnement.
III (nouveau). – Les projets de production d’hydrogène bas-carbone, mentionné à l’article L. 811-1 du code de l’énergie, peuvent bénéficier de tout ou partie des dispositions prévues au présent titre, dès lors qu’ils sont couplés à un projet de réacteur électronucléaire mentionné au I du présent article.
IV (nouveau). – Dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la faisabilité et l’opportunité d’étendre les technologies des projets nucléaires et les conditions d’implantation mentionnées au I du présent article.
V (nouveau). – Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, et jusqu’à un an après l’expiration du délai mentionné au I du présent article, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application des mesures prévues par le présent titre. Ce rapport rappelle les objectifs fixés pour la construction des projets de réacteurs électronucléaires, mentionnés au même I, et comporte une explication pour ceux non atteints ainsi que les moyens mis en œuvre pour les atteindre. Il fait l’objet d’une présentation devant le Parlement par le ministre chargé de l’énergie. Le premier rapport remis en application du présent V précise la liste des sites soumis à la participation du public pour la construction des quatorze réacteurs pressurisés européens et des petits réacteurs modulaires, mentionnés dans le discours tenu à Belfort, le 10 février 2022.
VI (nouveau). – Le décret en Conseil d’État mentionné à l’article 8 de la présente loi précise la notion de proximité immédiate. Cette notion ne peut excéder le périmètre initial du plan particulier d’intervention, mentionné à l’article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure, lié à l’installation nucléaire de base existante, définie au I du présent article, apprécié à la date du dépôt de la demande d’autorisation de création mentionnée au même I.
Mme le président. L’amendement n° 32, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, qui définit le cadre d’application des mesures d’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires – nous nous sommes déjà exprimés sur cette affaire.
Nous disons que ce n’est pas le moment d’accélérer la construction d’installations nucléaires, alors que nous débattrons, en 2023, du projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat. Et nous répétons que le nucléaire est dangereux, qu’il est coûteux et qu’il arrivera trop tard.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 1er.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Nous avons déjà beaucoup discuté de cette question, je serai donc bref.
Mon cher collègue, l’adoption de cet amendement aurait pour conséquence l’impossibilité de construire de nouveaux réacteurs nucléaires, alors qu’il s’agit d’une nécessité absolue, comme l’ont montré nos débats.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Puisque l’on nous ressert en permanence l’argument de l’inéluctabilité, il me faut revenir à la charge. Nous n’avons pas le choix, nous dit-on : c’est ainsi et pas autrement, il faut y aller et tant pis pour le débat démocratique ! Non : il existe autant de choix que de scénarios de l’Ademe ou de RTE !
C’est donc un choix de société qui se présente devant nous et qui nous oblige à prendre nos responsabilités : reporterons-nous sur les épaules des générations futures non seulement la dette climatique, mais aussi la dette nucléaire ? Une telle décision serait dramatique.
Les discussions auxquelles nous assistons sont parfois surréalistes : on parle de construire six EPR, mais certains demandent qu’il y en ait huit, d’autres vont jusqu’à dix ! Sommes-nous en train d’acheter des baguettes de pain ? Heureusement que l’on n’a pas procédé de cette manière pour l’EPR 1 de Flamanville ! Imaginez : nous aurions aujourd’hui six fiascos industriels au lieu d’un ! On serait bien…
Il est désormais question de commander un nombre incalculable d’EPR 2, alors même que nous ne savons pas si nous pourrons en faire fonctionner un demain.
Soyons un peu réalistes : attendons au moins que la preuve soit faite que ces installations fonctionnent. Ensuite, nous verrons.
Tout cela n’est pas très sérieux…
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 63, présenté par MM. Devinaz, Houllegatte, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Blatrix Contat et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Après le mot :
aux
insérer le mot :
six
2° Remplacer les mots :
y compris ceux de petits réacteurs modulaires
par les mots :
identifiés par Électricité de France et faisant actuellement l’objet d’une concertation publique organisée par la Commission nationale du débat public
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Considérant que les mesures d’accélération et de simplification doivent demeurer exceptionnelles et limitées dans le temps, nous souhaitons restreindre le champ d’application du titre Ier aux seuls six EPR 2 dont la construction a été annoncée par le Président de la République dans son discours de Belfort.
Nous plaidons pour une accélération des procédures afin de consolider rapidement notre mix énergétique et d’éviter tout risque de rupture de notre système électrique, par exemple face à une situation de froid extrême.
Si ce projet de loi est un texte d’anticipation destiné à amorcer la relance de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, les mesures d’anticipation ne doivent toutefois pas devenir la règle.
EDF a d’ores et déjà prévu le calendrier de dépôt des dossiers de demande d’autorisation de construction des six EPR 2 annoncés. Ces installations pourront bénéficier, dès la promulgation de la loi, de tout un arsenal de mesures de simplification et d’accélération permettant d’amorcer la relance du nucléaire.
En parallèle de ces décisions, la Commission nationale du débat public (CNDP) a lancé, en ce début d’année, le débat public sur les projets de construction de ces six EPR 2, concertation qui devrait se clôturer à la fin du mois de février 2023. Nous en avons largement parlé.
Avant la fin de l’année 2023, le Parlement devrait de son côté s’être prononcé sur le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui fixera un cap en même temps que la planification censée en découler. Nous disposerons donc d’une feuille de route qui devrait permettre de basculer de nouveau dans les procédures normales de droit commun.
Tel est l’objet de cet amendement, qu’il faut voir comme un amendement de compromis, madame la ministre.
Mme le président. L’amendement n° 60, présenté par MM. Montaugé, Devinaz, Houllegatte, Tissot, Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
y compris ceux de petits réacteurs modulaires
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. La commission, sur proposition de notre rapporteur, a intégré dans le périmètre du texte les SMR. Madame la ministre, je réitère ma demande : au-delà des questions qui se posent concernant cette technologie – dans quelle mesure est-elle au point ? –, quelle est la doctrine du Gouvernement en matière de déploiement des SMR ?
Par ailleurs, la place des SMR doit évidemment être traitée dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, puisqu’il s’agit de l’un des instruments qui doivent concourir à l’élaboration de notre mix énergétique futur.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ces deux amendements ont un objet proche, bien que le dispositif de l’amendement n° 60 soit davantage axé sur les SMR.
Dans les deux cas en effet, il s’agit de supprimer les SMR du champ d’application de l’article 1er, l’amendement n° 63 visant en outre à limiter à six EPR 2 les réacteurs concernés par le dispositif.
Concernant la limitation à six EPR 2 du périmètre de l’article 1er, je ne m’étendrai pas davantage : nous avons déjà largement évoqué ce sujet.
Quant à l’exclusion des SMR, elle serait très regrettable en matière d’innovation. Les auditions que j’ai réalisées ont montré toute l’importance de ce fléchage vers les SMR – ce qu’a approuvé la commission –, du point de vue des évolutions technologiques et de la recherche.
La commission demande donc le retrait des amendements nos 63 et 60 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 63. En revanche, il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 60, qui est satisfait par le projet de loi.
Le texte prévoit la construction de réacteurs électrogènes produisant de l’électricité d’origine nucléaire à proximité des sites existants : nulle dissémination, donc, mais l’application d’un principe de neutralité technologique, l’apport nucléaire afférent se faisant sur ou à proximité des sites actuellement pilotés par EDF. Aucune ambiguïté n’existe donc à cet égard.
Quid par ailleurs des SMR de manière générale, monsieur le sénateur Montaugé ? Ce texte, je le redis, porte sur l’apport au réseau d’électricité général d’un complément d’électricité nucléaire dans les quinze années à venir ainsi que dans les années qui suivront, apport dont la vocation est de remplacer celui que nous fournissent des réacteurs qui, un jour – nous en sommes tous d’accord –, arriveront en fin de vie. Quand cela se produira-t-il ? Nous ne le savons pas complètement ; nous essayons de poursuivre le plus longtemps possible leur exploitation, en toute sécurité, évidemment.
Pour ce qui est des SMR en général, au-delà du contexte que je viens de décrire, qui est celui de la production d’électricité pour le compte du réseau national dans le cadre d’opérations menées par EDF, la discussion aura lieu à l’occasion de la programmation pluriannuelle de l’énergie. La perspective qui se dessine renvoie à deux types d’usage des SMR.
En premier lieu, l’idée d’une offre à l’exportation est parfaitement légitime. Nous disposons déjà en effet de technologies approchantes, celle, par exemple, des sous-marins nucléaires, dont la puissance n’est certes pas tout à fait de 400 mégawatts, mais n’est pas non plus ridicule. Ainsi accompagnons-nous le projet de petit réacteur modulaire Nuward (Nuclear forward), promu par EDF, et finançons-nous, au travers d’un appel à manifestation d’intérêt du plan France 2030, des projets de réacteurs de type SMR, ce qui nous permet de rester dans la course en matière de recherche et développement, d’innovation et de préindustrialisation.
En second lieu, sur le territoire national, une telle technologie peut servir notamment à décarboner de grandes plateformes industrielles. Elles ne sont pas si nombreuses, les cinq plateformes industrielles françaises les plus carbonées étant celles de Dunkerque, Le Havre, Fos-sur-Mer, Chalampé et Roussillon, ces deux dernières étant des plateformes de chimie lourde.
Notre intention n’est pas d’installer partout de tels réacteurs. Reste que considérer cette option, parmi les autres options d’électricité bas-carbone possibles, fait sens dans la perspective d’utiliser l’hydrogène bas-carbone pour décarboner ces plateformes, étant entendu que, pour produire de l’hydrogène bas-carbone, il faut du renouvelable ou du nucléaire, en tout cas de la puissance électrique.
M. Jean-Michel Houllegatte. Bon courage !
M. Franck Montaugé. Quid de la maîtrise d’ouvrage ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Sur cette discussion, que nous aurons, nous n’avons pas encore tous les éclairages requis. Je rappelle que, par construction, en tant qu’installations nucléaires, ces équipements seront soumis à l’Autorité de sûreté nucléaire et à toutes les contraintes qui s’imposent au nucléaire. Il n’y aura pas, d’un côté, le réacteur SMR, sans contrainte et sans contrôle, de l’autre, l’EPR, avec contraintes et avec contrôles ! Toutes les installations relèveront du même cadre réglementaire, qui est très lourd.
Étant donné les barrières à l’entrée existantes, seul un acteur ayant pignon sur rue, en l’occurrence EDF, assez naturellement, pourra intervenir dans ce domaine.
Mme le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 59, présenté par MM. Devinaz, Houllegatte, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Blatrix Contat et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
vingt
par le mot :
dix
La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. Nous estimons que les mesures d’accélération et de simplification doivent demeurer exceptionnelles et raisonnablement limitées dans le temps. À cet égard, la durée d’application de ces mesures, fixée à vingt ans par l’article 1er, nous paraît excessive.
En effet, comme cela a été rappelé, avant la fin de l’année 2023, le Parlement devra s’être prononcé sur le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui fixera un cap et déterminera la planification censée en découler. Ainsi disposerons-nous d’une feuille de route qui devrait permettre de rebasculer dans les procédures normales de droit commun.
D’après la synthèse du rapport pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, le calendrier actuel d’EDF prévoit que le dépôt des dossiers de demande d’autorisation de création ait lieu tous les deux ans environ à partir de 2023, soit en 2023 pour Penly, en 2025 pour Gravelines, en 2027 pour les centrales du Bugey et du Tricastin. Comme le fait observer la commission de l’aménagement du territoire, en prévoyant que les dispositions du titre Ier s’appliquent jusqu’en 2029, c’est-à-dire pour une durée de six ans, on couvrait les six premiers EPR annoncés par le Président de la République ; or il est proposé vingt ans dans le texte de la commission des affaires économiques…
Nous demandons, au travers de cet amendement, la réduction de cette durée d’application à dix ans.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié quater est présenté par M. Menonville, Mme Paoli-Gagin, MM. Médevielle, Guerriau et Grand, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Chasseing, Longeot, Kern, A. Marc, Wattebled, Verzelen et Capus.
L’amendement n° 8 rectifié est présenté par MM. Piednoir et Longuet, Mme Deroche, MM. D. Laurent et Charon, Mme Lassarade, M. Paccaud, Mme Belrhiti, MM. Calvet et Burgoa, Mme Gosselin, MM. Sautarel, Bouchet et Anglars, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cardoux, Brisson, Bascher et Savin, Mme Garnier, MM. Favreau, Pointereau, E. Blanc et Belin, Mmes L. Darcos, Muller-Bronn et Ventalon, MM. H. Leroy et Somon, Mme Procaccia et M. Grosperrin.
L’amendement n° 28 rectifié bis est présenté par M. Moga, Mme Férat, M. Louault, Mmes Ract-Madoux, Gacquerre et Loisier, M. Chauvet et Mme Létard.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
vingt
par le mot :
vingt-sept
La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié quater.
M. Franck Menonville. Cet amendement tend à allonger jusqu’en 2050 la période d’application des mesures du projet de loi relatives à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité des sites nucléaires existants.
Actuellement, en effet, l’horizon des prévisions en matière d’énergie est fixé à l’année 2050.
Il s’agit d’apporter davantage de visibilité à la filière nucléaire et aux branches professionnelles qui contribuent à son développement, afin qu’elles investissent dans le domaine industriel et dans les compétences, nous donnant les moyens de construire de nouvelles capacités nucléaires et de prolonger les capacités existantes.
Cette disposition me paraît nécessaire pour assurer la bonne réussite du développement du nucléaire et, ainsi, améliorer la compétitivité de notre électricité et garantir la sécurité de notre approvisionnement. Il est en effet impératif de s’inscrire dans le temps long pour apporter la visibilité nécessaire et assurer l’attractivité de cette filière.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
M. Stéphane Piednoir. Je rebondis sur les propos de Franck Menonville : s’agissant d’investissements extrêmement lourds, les filières ont en effet besoin de temps et de visibilité.
Je réagis également à ce qu’a dit plus tôt Jean-Michel Houllegatte : doit-on se cantonner au temps restreint nécessaire à la création des six premiers réacteurs ? En d’autres termes, les quinze années qui ont été initialement proposées par le Gouvernement sont-elles suffisantes ou bien faut-il prolonger cette durée ? La commission l’a portée à vingt ans ; je propose, quant à moi, d’aller jusqu’au renouvellement d’une majeure partie du parc nucléaire, c’est-à-dire au-delà des six EPR 2 qui sont dans les cartons depuis le discours prononcé par le Président de la République à Belfort, et de tenir compte des huit EPR 2 suivants – soit six plus huit. S’inscrire dans un horizon un peu plus lointain, en l’espèce 2050, me paraîtrait ainsi opportun.
À cet effet, cet amendement tend à porter à vingt-sept ans la durée d’application des mesures de simplification et d’accélération du titre Ier. J’espère que la commission lui réservera un accueil favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Moga. Il est défendu : il s’agit là encore de repousser à 2050 le terme de la période d’application des dispositions du titre Ier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’amendement n° 59 tend à réduire à dix ans la durée d’application des présentes mesures, ce qui va à rebours des demandes que la filière, notamment, a exprimées lors des auditions. La commission des affaires économiques a d’ailleurs porté cette durée à vingt ans. C’est pourquoi elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui est des amendements nos 5 rectifié quater, 8 rectifié et 28 rectifié bis, qui visent à allonger cette durée jusqu’en 2050, je comprends complètement le souhait de leurs auteurs de donner une visibilité aux acteurs. La commission s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Sur l’amendement n° 59, le Gouvernement émet un avis défavorable : l’enjeu est précisément de couvrir les « six plus huit » centrales nucléaires dont la construction est envisagée dans le scénario dit haut de RTE. Dans sa sagesse, la commission a légèrement prolongé la durée d’application prévue. Le raisonnement du Gouvernement était le suivant : sachant qu’il faut construire quatorze réacteurs, à raison de deux chaque année et de quinze années de construction, cela nous emmène un peu au-delà de 2050.
Nous pouvons nous donner un peu de marge en optant pour vingt ans, durée destinée, je le rappelle, à couvrir les seules procédures – la phase de construction proprement dite étant lancée, il n’y a plus besoin d’alléger les procédures. Le délai proposé par les auteurs de l’amendement n° 59 est un peu trop serré ; quant à celui que les auteurs des amendements identiques nos 5 rectifié quater, 8 rectifié et 28 rectifié bis nous suggèrent de retenir, il est un peu trop long.
S’il s’agit de couvrir l’ensemble des quatorze réacteurs, la demande formulée par les auteurs des trois amendements identiques est par définition satisfaite, puisqu’il faut soustraire de la durée d’application des dispositions d’accélération les quinze ans de construction, qui débuteront nécessairement après que l’ensemble des procédures requises auront été suivies.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je suis très embarrassé : dix ans, vingt ans, vingt-sept ans, tout cela nous inscrit dans le temps long… Nous le savons : il nous faut réagir dans les trois ans, à tout le moins dans les dix ans. Je n’arrive pas à choisir…
Nous voterons contre tous ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié quater, 8 rectifié et 28 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 62, présenté par MM. Montaugé, Devinaz, Houllegatte, Tissot, Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 5, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec les amendements que nous avons précédemment défendus, dont l’objet était de s’opposer à l’élargissement du champ d’application fixé par l’article 1er, qu’il s’agisse du périmètre, de la durée ou des types d’installation nucléaire concernés par les mesures de simplification et d’accélération des procédures de construction de réacteurs.
Les nouveaux alinéas introduits dans le texte par la commission des affaires économiques permettent notamment aux électrolyseurs d’hydrogène et aux projets d’installations d’entreposage de combustibles nucléaires de bénéficier de ces mesures.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous n’y sommes pas favorables. Selon nous, l’acceptabilité du nucléaire suppose de la transparence et de la concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Elle exige aussi une évaluation démocratique et pluraliste des besoins de notre société en matière d’énergie, dans un contexte de transition énergétique et de décarbonation de nos économies.
Ce projet de loi, qui vise à accélérer les procédures pour amorcer la relance de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, ne saurait en aucun cas servir à anticiper sur les débats publics en cours et sur la future grande loi quinquennale que nous appelons tous de nos vœux.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 25 rectifié quater est présenté par MM. Menonville, Médevielle, Guerriau et Grand, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Chasseing, Longeot et Kern, Mme Paoli-Gagin et MM. A. Marc, Moga, Wattebled, Verzelen et Capus.
L’amendement n° 119 est présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
projet de réacteur électronucléaire, mentionné au I du présent article, ou à un réacteur nucléaire existant, mentionné
par les mots :
ou plusieurs projets de réacteurs électronucléaires, mentionnés au I du présent article, ou à un ou plusieurs réacteurs nucléaires existants, mentionnés
La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié quater.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 119.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 111 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à supprimer les électrolyseurs destinés à la production d’hydrogène du champ d’application du projet de loi, non parce que nous ne souhaitons pas soutenir ces installations, mais parce qu’il ne s’agit pas d’installations nucléaires ; or il y va, dans ce texte, des installations nucléaires.
Le problème posé est double.
D’une part, les électrolyseurs relèvent des procédures applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Or ce texte ne traite pas du tout des ICPE ; en d’autres termes, la simple mention des électrolyseurs ne suffit pas, en ce domaine, à simplifier quoi que ce soit.
D’autre part, en faisant bénéficier les électrolyseurs des dispositions applicables aux installations nucléaires, on risquerait de donner cours à une interprétation selon laquelle il faut leur appliquer le droit des installations nucléaires, ce qui n’est pas du tout une simplification, s’agissant de projets qui n’emportent strictement aucun risque nucléaire.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande la suppression de cette mention.
J’entends bien qu’un intérêt existe pour les électrolyseurs couplés à un réacteur nucléaire – il en a été question lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Reste que c’est d’une autre manière, en s’intéressant aux ICPE, qu’il faut traiter ce sujet, et non dans le cadre d’une législation sur les installations nucléaires.
M. le président. L’amendement n° 110, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
V. – Le rapport mentionné à l’article 1er D de la présente loi tient compte des dispositions de la présente loi et en présente l’incidence.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à ce que l’incidence de l’application du présent texte fasse l’objet d’une présentation dans le rapport, mentionné à l’article 1er D, sur les modalités de mise en œuvre d’un programme de construction de nouveaux réacteurs.
Les dispositions de l’article 1er introduites par amendements de la commission des affaires économiques prévoient la production chaque année d’un rapport du Gouvernement sur l’application des mesures du titre Ier du projet de loi. Il est demandé, en outre, que ledit rapport précise la liste des sites soumis à la participation du public pour la construction de quatorze réacteurs pressurisés européens et de petits réacteurs modulaires.
Cette démarche paraît prématurée dès lors que ce projet de loi porte sur la simplification des procédures et que les orientations, tant qualitatives que quantitatives, applicables au développement de nouveaux réacteurs nucléaires seront définies par le Parlement dans le prochain projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, que le Gouvernement prévoit de présenter dans les prochains mois.
Le cadre approprié pour le suivi des projets qui en résulteront pourra alors être déterminé de manière cohérente. De surcroît, la production d’un tel rapport mobiliserait chaque année une part substantielle des ressources de la direction générale de l’énergie et du climat sans véritablement éclairer le Parlement sur les avancées réalisées en la matière.
Le Gouvernement propose donc de réajuster ce point.
M. le président. L’amendement n° 120, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 5, dernière phrase
Après le mot :
mentionnés
insérer les mots :
par le Président de la République
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 62, 111 rectifié et 110.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’amendement n° 120 tend à apporter une précision rédactionnelle.
L’amendement n° 62 vise à supprimer l’application des mesures de simplification aux projets de production d’hydrogène bas-carbone et d’installations d’entreposage de combustibles nucléaires. Toutefois, la clause de revoyure introduite par la commission prévoit d’intégrer de nouveaux sites et de nouvelles technologies et de tenir compte du rapport qui sera remis sur les sites identifiés pour la construction des EPR 2. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le dispositif de l’amendement n° 111 rectifié revient à supprimer du champ d’application du titre Ier les projets d’entreposage, alors qu’il est question, dans son objet, des projets de production d’hydrogène. La commission émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.
Quant à l’amendement n° 110, son objet est de revenir sur le principe d’un rapport annuel pour lui préférer une reddition des comptes de l’incidence des mesures de simplification établie dans le cadre du rapport d’évaluation de la loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat, cette dernière devant être adoptée d’ici au mois de juillet prochain. Là encore, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je vous propose en revanche, mes chers collègues, d’adopter les amendements identiques nos 25 rectifié quater et 119, ainsi que l’amendement n° 120.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 62 au profit de l’amendement n° 111 rectifié, dont l’adoption permettra de répondre à la difficulté soulevée.
Il émet en revanche un avis favorable sur les amendements identiques nos 25 rectifié quater et 119, ainsi que sur l’amendement n° 120.
Je signale une fois de plus que l’on est en train de complexifier juridiquement les procédures d’adoption sur les électrolyseurs.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 rectifié quater et 119.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 97, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, MM. Lemoyne et Marchand, Mme Havet, M. Dennemont, Mme Phinera-Horth, MM. Dagbert, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
1° Au début
Insérer les mots :
Lorsque le site est doté d’un plan particulier d’intervention,
2° Remplacer les mots :
initial du
par le mot :
dudit
3° Supprimer les mots :
, apprécié à la date du dépôt de la demande d’autorisation de création mentionnée au même I
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement tend à corriger une modification apportée en commission des affaires économiques concernant les plans particuliers d’intervention, toutes les installations nucléaires n’en disposant pas. La nouvelle formulation proposée au travers de cet amendement vise à tenir compte de ce cas de figure.
M. le président. L’amendement n° 121, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
1° Après le mot :
intervention
insérer le mot :
existant
2° Après le mot :
création
insérer le signe :
,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Le sous-amendement n° 137, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 121
Alinéas 6 à 9
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
2° Remplacer les mots :
lié à
par le mot :
lorsque
et les mots :
apprécié à la date du dépôt de la demande d’autorisation de création mentionnée au même I
par les mots :
en dispose
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission n’ayant pas eu le temps d’examiner le sous-amendement n° 137, j’émets, à titre personnel, un avis favorable.
Sur l’amendement n° 97, la commission émet un avis défavorable. Il serait préférable d’adopter l’amendement n° 121, qui tend à conserver un équilibre en précisant simplement qu’en l’absence de PPI cette limitation ne s’applique naturellement pas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement n° 97 vise à modifier l’article 1er afin de préciser la notion de proximité immédiate. La commission des affaires économiques a souhaité clarifier cette notion en se référant aux plans particuliers d’intervention. Les projets de réacteurs électronucléaires, aux termes de la rédaction issue des travaux de la commission, ne pourront être implantés que dans des zones n’excédant pas le périmètre du PPI. Toutes les installations nucléaires ne disposent toutefois pas d’un tel dispositif ; il convient donc de prendre en compte cette éventualité. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 97.
Il est également favorable à l’amendement n° 121, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 137.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 80, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 1333-17 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1333-17-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1333-17-…. – Le responsable d’une installation nucléaire est responsable des maladies professionnelles ayant pour origine le niveau d’exposition des travailleurs, tous statuts confondus, à l’amiante, aux rayonnements ionisants, aux agents chimiques dangereux, aux produits cancérigènes, mutagène et reprotoxiques en application de l’article 222-19 du code pénal. »
II. – Les travailleurs sous-traitants de toutes les installations nucléaires de production d’électricité quels que soient le lieu et la date d’embauche, se voient appliquer une convention collective à compter de la promulgation de la présente loi. Cette convention collective ne peut offrir de garanties inférieures à la convention collective des industries électriques et gazières. Elle prend en compte l’ancienneté sur l’ensemble de la carrière au sein des différentes entreprises du nucléaire en termes de salaires et de protection sociale.
Tous les travailleurs sous-traitants intervenant sur les diverses installations nucléaires, disposent d’un suivi médical identique que celui des agents statutaires des exploitants du secteur nucléaire.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Par cet amendement, nous souhaitons un renforcement clair des garanties pour tous les travailleurs sous-traitants qui participent et participeront au déploiement de la filière électronucléaire.
En 2009, nous alertions déjà sur les conditions de travail des travailleurs du nucléaire. Pour accroître la rentabilité des centrales et répondre à des injonctions financières contraires à la notion de service public et à la sûreté des installations, EDF et d’autres groupes publics du nucléaire ont recouru de manière massive à la sous-traitance pour la maintenance des installations, au point que, sur certains sites nucléaires, le personnel sous-traitant est devenu numériquement plus important que le personnel salarié d’EDF : 80 % de la maintenance est sous-traitée aujourd’hui, contre 20 % en 1992.
En 2015, lors des débats sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, on nous avait assuré la main sur le cœur que la sous-traitance serait limitée : il n’en est rien.
Ce qui ressort de nombreux témoignages de salariés d’EDF ou encore d’Orano est sans appel : la sous-traitance nucléaire est massive et intervient dans tous les domaines – 80 % des activités de maintenance, la chimie de l’uranium, la gestion des déchets, le démantèlement. Une partie des sous-traitants travaillent pour Orano, pour le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives et pour l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
Ils sont 40 000 à intervenir sur les centrales nucléaires, de manière permanente, pour assurer le nettoyage, la radioprotection, la logistique, la décontamination, l’assainissement, ainsi que la collecte, le conditionnement et la gestion des déchets, mais aussi le montage d’échafaudages, le magasinage, la blanchisserie, et ce souvent de manière itinérante, de site en site, au rythme des « arrêts de tranche ».
Aujourd’hui, il est indispensable de mettre un terme à la situation dégradée de ceux qui sont appelés les « nomades du nucléaire», car tout cela se fait au mépris de leur santé et de la sécurité des installations. Il est également indispensable de mettre un terme au dumping social dans cette filière d’excellence. La relance ne se fera pas sur le dos de travailleurs précarisés !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Tout d’abord, les responsabilités sont déjà très bien définies par le code de l’environnement et le code de la santé publique. Une directive du 5 décembre 2013 fixe d’ailleurs aux États membres la nécessité d’établir les exigences légales et réglementaires.
De plus, l’article L. 1333-7 du code de la santé publique oblige les responsables d’activités nucléaires à mettre en œuvre les moyens et mesures permettant d’assurer la protection de la santé publique, de la salubrité et de la sécurité publiques, ainsi que de l’environnement.
Je comprends la position de notre collègue, mais cet amendement est déjà satisfait par le droit existant, national comme européen. C’est pourquoi la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Force est de constater que, lorsque nous abordons la question des travailleurs du nucléaire, nous n’obtenons pas de réponse de la part du Gouvernement – comme c’est le cas sur un tas d’autres sujets d’ailleurs ! On nous expliquera, encore une fois, que ce n’est pas le moment.
Pour autant et nous n’avons pas été les seuls à le rappeler, la relance ne se fera que si l’on attire des talents et si l’on permet aux hommes et aux femmes qui construiront la filière nucléaire de travailler dans les meilleures conditions, pour leur sécurité et pour la nôtre. Voilà la réalité !
Le retard pris par l’EPR de Flamanville, j’y insiste, n’est pas lié à des questions administratives, mais tient au fait que nous avons fait disparaître des métiers. Vous vous félicitez d’avoir créé l’Université des métiers du nucléaire, mais elle n’a rien à voir avec ce qu’était autrefois l’école d’EDF, délibérément « cassée » à la fin des années 1990. C’est tout cela que nous devons retrouver et inscrire au cœur du débat public.
Il n’y a pas de filière industrielle et il n’y a pas de savoir-faire sans hommes et femmes qualifiés, bien rémunérés et travaillant dans les meilleures conditions. Vous ne voulez pas de ce débat, madame la ministre, mais vous aurez du mal à aller de l’avant sans aborder la question du statut des salariés des industries électriques et gazières qu’une nouvelle fois vous attaquez, y compris au travers de la réforme des retraites.
Quoi qu’il en soit, nous continuerons, lors de ce débat, mais aussi au moment de l’examen de la PPE, de mettre avant toute chose au cœur des discussions, quelle que soit la filière, et pas seulement pour le secteur énergétique, la sécurité des hommes et des femmes. Il est impératif que nous ayons ce débat : nous devons l’affronter !
Même si nous ne sommes pas d’accord, je remercie M. le rapporteur de sa réponse. Elle ne me satisfait pas, mais il s’agit au moins d’une réponse. A contrario, je ne peux que déplorer l’absence d’explication de la part du Gouvernement…
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La réponse de M. le rapporteur me paraissait de nature à satisfaire le débat. Puisque vous le souhaitez, monsieur le sénateur, j’entrerai dans le détail.
Votre amendement vise à modifier le code de la santé publique ; or une telle question relève du code du travail.
Par ailleurs l’article L. 4121-1 du code du travail prévoit que la santé et la sécurité des salariés dépendent de l’employeur. Votre amendement est donc déjà satisfait.
Les relations de coactivité entre l’employeur de l’entreprise utilisatrice et les employeurs des entreprises extérieures sont, par ailleurs, réglementées par le code du travail, notamment par les articles R. 4511-1 et suivants.
Pour toutes ces raisons, d’un point de vue technique et légistique, cet amendement est inadapté à la cause que vous défendez.
De plus, il me semble que vous faites un raccourci entre statut et attractivité. De nombreux salariés sont aujourd’hui engagés dans la sous-traitance non pas pour avoir un statut, mais parce qu’ils bénéficient d’une convention collective, ainsi que de conditions de travail et de rémunération qui les satisfont. (M. Fabien Gay proteste.) C’est précisément à ce sujet-là que nous nous attachons.
La filière industrielle n’est pas soumise aux statuts des IEG : cela ne l’empêche pas de travailler son attractivité, de manière générale et pour beaucoup de secteurs. Ne mélangeons donc pas tout. La sous-traitance est réglementée très sérieusement.
Il ne faut pas confondre le code du travail et celui de la santé publique, pas plus qu’il ne faut confondre l’attractivité et le statut.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Comme Fabien Gay, j’estime qu’il existe un lien direct entre le statut et un exercice de qualité des missions de service public. La grande entreprise qu’est EDF l’a d’ailleurs démontré depuis 1946.
J’espère, madame la ministre, que le projet qui nous sera peut-être un jour présenté sur EDF, et que nous appelons tous de nos vœux, comportera un volet social, compétences, bien-être au travail, par conséquent sécurité. C’est le moins que l’on puisse faire sur ces questions qui ne sont pas anodines. C’est la performance du groupe EDF qui se joue ici, tout comme celle de notre pays en matière de souveraineté énergétique.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Certes, notre amendement gagnerait peut-être à être amélioré, mais il met tout de même le doigt sur des problèmes que nul ne peut ignorer, et surtout pas vous, madame la ministre.
Sur le chantier de Flamanville, l’entreprise Bouygues – si ma mémoire est bonne –, qui n’est pas une petite PME de Normandie, a été condamnée pour travail dissimulé. Fabien Gay a fort justement évoqué la situation de ceux que l’on appelle les nomades du nucléaire, qui vont de site en site. La sous-traitance en cascade permet d’exercer une pression d’entreprise en entreprise, avec des conditions de travail qui ne sont pas dignes et qui mettent en cause la sûreté des installations.
Si notre filière nucléaire est aussi réputée, c’est qu’elle a été une filière d’excellence. Si nous voulons la relancer, il faut qu’elle le demeure, notamment au regard des normes de sûreté. Certes, depuis la condamnation de Bouygues, la réglementation a fort heureusement un peu évolué, mais il reste beaucoup de chemin à faire !
Nous devons avoir l’assurance que cette question est véritablement prise en compte dès ce texte, dont je n’ignore pas qu’il se résume malheureusement à des procédures administratives. Il y va de la sûreté des installations et des personnels qui travailleront sur les chantiers, puis sur les réacteurs.
Cette question, selon moi, ne doit absolument pas être prise à la légère !
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. La sous-traitance, qu’elle concerne la construction ou le fonctionnement, est un sujet fondamental. Dans le nucléaire, nous avons absolument besoin de transparence.
Les travailleurs du nucléaire sont exposés à des radiations. Faire de la sous-traitance de sous-traitance induit une perte d’information et de lisibilité pour les études d’épidémiologie recensant les maladies potentiellement professionnelles. S’il est bien un secteur où la sous-traitance ne doit pas s’exercer, c’est bien le nucléaire !
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. À mon tour d’abonder sur cette question.
Le groupe GEST ne fait pas le choix de développer la filière nucléaire, mais, si nous devons aller dans ce sens, il importe de faire appel aux compétences et aux technicités. Il est donc essentiel de ne pas chercher à gagner sur les coûts en recourant à la sous-traitance, car c’est toujours ce motif qui prévaut. Hélas ! la diminution des coûts a toujours une incidence sur les compétences, la formation, le suivi et l’accompagnement.
La proposition du groupe CRCE nous paraît donc devoir être défendue par ceux qui soutiennent la filière nucléaire. Pour notre part, nous voterons cet amendement. Si vous faites le choix de la filière nucléaire, vous ne devez pas vous accommoder de dispositifs de travail qui sont en fait beaucoup moins clairs que ceux que vous avez exposés, madame la ministre : il y a souvent loin de la théorie à la pratique !
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Guerriau, A. Marc, Médevielle et Capus, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Chasseing, Wattebled et Menonville, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant un calendrier opérationnel pour l’installation des futurs réacteurs nucléaires conformément aux objectifs fixés par le Président de la République, en identifiant notamment les sites qui accueilleront ces réacteurs parmi les sites nucléaires existants.
Le ministre chargé de l’énergie présente sans délai les principales conclusions de ce rapport devant les commissions chargées du développement durable, de l’aménagement du territoire, des affaires économiques et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Cet amendement déposé par Mme Vanina Paoli-Gagin vise à prévoir que, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, le ministre chargé de l’énergie expose devant le Parlement le calendrier opérationnel pour l’installation des futurs réacteurs nucléaires, conformément aux objectifs fixés par le Président de la République dans son discours de Belfort du 10 février 2022.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. En commission, nous avons déjà adopté le principe d’un rapport annuel sur la situation de l’ensemble des sites. Prévoir un autre rapport serait totalement redondant.
Cet amendement étant satisfait, la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Menonville, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
M. Franck Menonville. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
Article 2
I. – La qualification de projet d’intérêt général, en application de l’article L. 102-1 du code de l’urbanisme, de la construction d’un réacteur électronucléaire mentionné à l’article 1er de la présente loi est décidée par décret en Conseil d’État. Cette qualification ne peut intervenir avant qu’ait été dressé le bilan du débat public organisé par la commission nationale du débat public en application de l’article L. 121-8 du code de l’environnement.
Au sens du présent article, la construction d’un réacteur électronucléaire comprend la réalisation de l’ensemble des constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à sa création ou à son exploitation, et de leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d’électricité.
Lorsque, postérieurement à son approbation, un schéma de cohérence territoriale, un plan local d’urbanisme ou une carte communale doit être modifié pour permettre la réalisation d’un projet de construction de réacteur électronucléaire qualifié de projet d’intérêt général, la procédure prévue aux II à IV du présent article se substitue à la procédure de mise en compatibilité prévue à cet effet par le chapitre III des titres IV, V et VI du livre Ier du code de l’urbanisme.
La déclaration d’utilité publique d’un projet de construction d’un réacteur électronucléaire vaut qualification de projet d’intérêt général, au sens du présent article.
II. – L’autorité administrative compétente de l’État informe l’établissement public mentionné à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme de la nécessité d’une mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale, ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou la commune compétente de la nécessité d’une mise en compatibilité du plan local d’urbanisme ou de la carte communale. Elle lui transmet un dossier indiquant les motifs pour lesquels elle considère que le schéma de cohérence territoriale, le plan local d’urbanisme ou la carte communale ne permet pas la réalisation du projet ainsi que les modifications qu’elle estime nécessaires pour y parvenir.
Après réception de ce dossier, l’établissement public ou la commune compétent pour faire évoluer le schéma de cohérence territoriale, le plan local d’urbanisme ou la carte communale peut faire parvenir à l’autorité administrative compétente de l’État, dans un délai d’un mois, ses observations sur les modifications envisagées.
Après réception de ces observations, ou à défaut, à l’expiration du délai d’un mois précité, l’autorité administrative compétente de l’État engage sans délai la procédure de mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale, du plan local d’urbanisme ou de la carte communale.
L’évaluation environnementale du projet de mise en compatibilité est effectuée dans les conditions prévues pour les mises en compatibilité engagées conformément au second alinéa de l’article L. 143-42 ou au second alinéa de l’article L. 153-51 du même code. L’autorité administrative compétente de l’État procède à l’analyse des impacts environnementaux du projet de mise en compatibilité et transmet le dossier à la formation d’autorité environnementale de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable. L’avis de l’autorité environnementale ou sa décision de ne pas soumettre le projet à évaluation environnementale est transmis à l’établissement public mentionné à l’article L. 143-16 dudit code, à l’établissement public de coopération intercommunale ou à la commune mentionnés au premier alinéa du présent II.
Le projet de mise en compatibilité du schéma, du plan ou de la carte fait l’objet d’un examen conjoint par l’État, l’établissement public mentionné à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme, l’établissement public de coopération intercommunale ou la commune mentionnés au premier alinéa du présent II, et par les personnes publiques mentionnées aux articles L. 132-7 à L. 132-9 du code de l’urbanisme.
III. – Le projet de mise en compatibilité est soumis à la procédure de participation du public prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement lorsqu’il fait l’objet d’une évaluation environnementale.
Lorsqu’il ne fait pas l’objet d’une évaluation environnementale, le projet de mise en compatibilité, l’exposé de ses motifs et, le cas échéant, les avis émis par l’établissement public mentionné à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme, l’établissement public de coopération intercommunale ou la commune mentionnés au premier alinéa du II du présent article, les personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 du code de l’urbanisme et les autres instances consultées sont mis à la disposition du public pendant une durée d’un mois, dans des conditions lui permettant de formuler ses observations.
Ces observations sont enregistrées et conservées.
Les modalités de la mise à disposition sont précisées par arrêté de l’autorité administrative compétente de l’État et portées à la connaissance du public au moins huit jours avant le début de cette mise à disposition.
IV. – À l’issue de la procédure prévue au III du présent article, l’autorité administrative compétente de l’État en présente le bilan devant l’organe délibérant de l’établissement public mentionné à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou devant le conseil municipal de la commune compétente mentionnés au premier alinéa du II du présent article. Celui-ci rend un avis sur le projet de mise en compatibilité. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas émis dans le délai d’un mois.
Le projet de mise en compatibilité est adopté par décret.
V. – Lorsque sa mise en compatibilité est requise pour permettre la réalisation d’un projet d’intérêt général mentionné au I du présent article, le schéma de cohérence territoriale, le plan local d’urbanisme ou la carte communale ne peuvent pas faire l’objet d’une modification ou d’une révision portant sur les dispositions faisant l’objet de la mise en compatibilité entre la date de la mise à disposition du public et la date d’entrée en vigueur du décret procédant à la mise en compatibilité.
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, qui modifie la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme pour la construction de nouvelles installations nucléaires.
Si les ajouts du rapporteur tendent à améliorer sensiblement le dispositif, en prévoyant que la qualification de projet d’intérêt général (PIG) des nouveaux réacteurs n’interviendra qu’à l’issue du débat public organisé par la Commission nationale du débat public et en proposant une meilleure intégration des collectivités territoriales dans le processus de consultations préalables quant à la modification de leurs documents d’urbanisme, nous ne pouvons toutefois que demander la suppression de cet article.
Nous nous opposons au principe même de la mise en place d’une procédure spécifique de mise en compatibilité des documents locaux d’urbanisme transférée en grande partie aux mains de l’État, au détriment des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des communes normalement compétentes.
Dans cette première phase du projet de construction, les collectivités territoriales concernées ainsi que leurs habitants se trouvent toujours bien trop marginalisés. Nous nous opposons à ce dessaisissement qui met à mal le principe de libre administration des collectivités territoriales.
Enfin, les gains attendus de cette simplification abusive sont très exagérés. Elle ne fera gagner au projet que quelques mois, tout au plus. Ce ne sont pas les procédures d’instruction des demandes d’autorisations ou les procédures contentieuses engagées qui sont à l’origine de l’important retard des chantiers EPR en France et à travers le monde.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission est défavorable à la suppression de cet article, pour quatre raisons.
Premièrement, cet article apporte une simplification et une accélération réelle estimée à plusieurs mois.
Deuxièmement, il n’emporte pas de transfert de compétences entre les collectivités et l’État.
Troisièmement, l’État porte le coût financier et opérationnel.
Quatrièmement, enfin, nous nous sommes assurés en commission que le dialogue avec les collectivités et le débat public soient respectés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Piednoir et Longuet, Mme Deroche, MM. D. Laurent et Charon, Mme Lassarade, M. Paccaud, Mme Belrhiti, MM. Calvet et Burgoa, Mme Gosselin, MM. Sautarel, Bouchet et Anglars, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cardoux, Brisson, Bascher et Savin, Mme Garnier, MM. Favreau, Pointereau, E. Blanc et Belin, Mmes L. Darcos, Muller-Bronn, Ventalon et Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy et Somon, Mmes Berthet et Procaccia et M. Grosperrin, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
1° Après le mot :
électronucléaire
insérer les mots :
ou d’une installation d’entreposage de combustibles nucléaires
2° Remplacer le mot :
mentionné
par le mot :
mentionnés
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Le texte issu des travaux de la commission mentionne désormais, dans son article 1er, que le titre I s’applique non seulement à la construction des nouveaux réacteurs, mais également à l’ensemble des infrastructures et projets d’installations d’entreposage de combustibles nucléaires.
Par parallélisme des formes, j’ai souhaité défendre à l’article 2 un amendement allant également dans ce sens. Il semble nécessaire d’inclure ce type d’installations dans les projets pouvant faire l’objet d’une qualification d’intérêt général.
On a souligné à plusieurs reprises qu’il fallait s’occuper de la construction des réacteurs, mais également du stockage, voire du traitement des déchets. C’est tout l’objet de cet amendement, en cohérence avec la position défendue par M. le rapporteur à l’article 1er.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement vise en effet à prolonger ce que nous avons voté en commission. Par ailleurs, il apporte de la cohérence.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 102 rectifié, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, MM. Lemoyne, Patriat et Marchand, Mme Havet, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Phinera-Horth et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à supprimer la précision introduite lors de l’examen du texte en commission, selon laquelle la qualification de projet d’intérêt général ne peut intervenir qu’à la condition de l’intervention préalable du bilan du débat public.
Le droit en vigueur satisfait déjà cet ajout adopté par la commission des affaires économiques, puisqu’il exclut qu’une qualification de PIG intervienne avant publication du bilan du débat public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Nous n’avons pas cessé de dire qu’il fallait que les choses soient faites dans l’ordre et que le débat public devait être respecté. Le débat public ne doit pas être sacrifié à l’accélération des procédures.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à supprimer la précision introduite lors de l’examen du texte en commission selon laquelle la qualification de projet d’intérêt général ne peut intervenir qu’à la condition de l’intervention préalable du bilan du débat public organisé par la Commission nationale du débat public.
Le droit en vigueur impose déjà d’attendre le bilan de la concertation avant de pouvoir prendre une décision de poursuite du projet.
Cet amendement tend à clarifier la lisibilité du texte et ne porte pas atteinte à la participation du public. Il vise à sécuriser juridiquement la procédure.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 73 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. L’article 2 nous offre l’occasion d’un intéressant débat.
Lors de l’examen récent du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, certains de nos collègues souhaitaient abattre les procédures pour aller plus vite – ce que nous pouvions comprendre –, quand d’autres voulaient obtenir l’accord préalable des maires. Là, c’est l’inverse : on verrouille tout et il n’est plus même question du droit de veto des maires ! (M. Ronan Dantec s’exclame.)
Tout change… (Sourires.)
Restons solides sur nos appuis et conservons notre colonne vertébrale. Nous souhaitons accélérer, mais pas au détriment du code de l’urbanisme ni du droit de l’environnement. Ce qui est valable pour les énergies renouvelables l’est également pour le nucléaire. Il convient de respecter un certain nombre de règles. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer l’alinéa 3.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je ne reprendrai pas mes arguments, ils n’ont pas changé.
Permettez-moi en revanche, mon cher collègue, de préciser que tous les représentants des collectivités que nous avons auditionnés sont favorables à cet article tel qu’il a été voté en commission.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, ne serait-ce que par cohérence. En effet, le texte adopté par le Sénat lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables prévoit bien la mise en conformité des documents d’urbanisme de manière accélérée.
M. le président. L’amendement n° 123, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Elle informe également le département et la région de la nécessité d’une mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale, du plan local d’urbanisme ou de la carte communale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement vise à informer plus en amont les départements et les régions, conformément à une demande des collectivités, en complément des mesures déjà introduites à l’échelon des communes, des communautés de communes ou des communautés d’agglomération.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à informer le département et la région de la nécessaire mise en compatibilité d’un document d’urbanisme.
Je ne pense pas que la transmission obligatoire de cette information soit essentielle : dans les faits, le département et la région seront informés très en amont, dès la fin du débat public, le porteur du projet de réacteur nucléaire devant publier un acte fixant les principes et les conditions de la poursuite de son projet. Le besoin de qualifier de projet d’intérêt général et de mettre en compatibilité des documents d’urbanisme sera identifié par cet acte.
Encore une fois, je le rappelle, l’objet de ce projet de loi est de simplifier et d’accélérer les procédures en matière de réalisation de nouveaux réacteurs nucléaires, pas de les complexifier.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 56, présenté par MM. Montaugé, Devinaz, Houllegatte, Tissot, Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’autorité administrative compétente de l’État adresse une réponse écrite aux observations formulées, en indiquant les évolutions du projet qui sont proposées pour en tenir compte.
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
réception de
par les mots :
réponse à
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Nous proposons de renforcer le dialogue territorial en amont du lancement du projet de mise en compatibilité des documents d’urbanisme.
Cette procédure dérogatoire est, en effet, placée sous l’entière responsabilité de l’État, en lieu et place des collectivités compétentes. Les exécutifs locaux doivent non seulement pouvoir faire des observations sur ce projet, mais également obtenir une réponse écrite de la part de l’autorité administrative de l’État. C’est la garantie que les remarques formulées par les élus locaux seront a minima étudiées, voire prises en compte.
M. le président. Le sous-amendement n° 122, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement n° 56, alinéa 3, au début
Insérer les mots :
Dans un délai de quinze jours,
La parole est à M. le rapporteur pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 56.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le sous-amendement n° 122 vise à préciser que la réponse de l’État aux observations des collectivités territoriales sur le projet de mise en compatibilité devra intervenir dans un délai de quinze jours.
Sous réserve de son adoption, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 56.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement n° 56 vise à renforcer la prise en compte des observations de la collectivité sur les mesures de mise en compatibilité envisagées par l’État.
Les services de l’État et les collectivités concernées peuvent dialoguer à n’importe quel moment de la procédure de mise en compatibilité sans qu’une étape obligatoire et contraignante soit formalisée.
La procédure prévoit déjà à de multiples reprises l’association de la collectivité concernée, que ce soit préalablement à la qualification du projet d’intérêt général, lors du débat public ou lors des concertations locales pour la mise en compatibilité du document d’urbanisme.
La collectivité doit également nécessairement rendre son avis sur le projet de mise en compatibilité lors de l’examen conjoint et lors de la présentation du bilan de la participation du public.
Le dialogue entre l’État et les collectivités est soutenu tout au long de la procédure. Nul besoin d’ajouter des étapes et de complexifier un processus ayant vocation à être accéléré et simplifié.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement et de ce sous-amendement : à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 124, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8, dernière phrase
Après le mot :
intercommunale
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
mentionné au premier alinéa du présent II ou à la commune mentionnée au même alinéa.
II. - Alinéa 9
Remplacer les mots :
ou la commune mentionnés au premier alinéa du présent II,
par les mots :
mentionné au premier alinéa du présent II ou à la commune mentionnée au même alinéa
III. - Alinéa 11
1° Remplacer les mots :
ou la commune mentionnés au premier alinéa du II du présent article,
par les mots :
mentionné au premier alinéa du présent II ou à la commune mentionnée au même alinéa
2° Après la référence :
L. 132-7
remplacer le mot :
et
par le mot :
à
IV. - Alinéa 14, première phrase
1° Remplacer le mot :
compétent
par les mots :
mentionné au premier alinéa du II du présent article
2° Remplacer les mots :
compétente mentionnés au premier alinéa du II du présent article
par le mot :
mentionnée au même alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
d’un
par les mots :
de deux
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Dans le prolongement de l’intervention précédente de Fabien Gay, nous revenons sur les dispositions qui raccourcissent considérablement les procédures de discussion et de concertation avec les habitants.
S’il y a urgence à créer des sites de production d’énergie nucléaire, y compris en agissant sur les sites existants, nous considérons qu’il ne faut pas ignorer tout le travail réalisé dans les communes et dans les intercommunalités pour accorder la priorité à certaines orientations, sanctuariser des espaces, définir une politique d’aménagement cohérente, avec des procédures d’élaboration et de modification des plans locaux d’urbanisme (PLU) qui peuvent être très longues et durer plusieurs années.
Les échanges avec le public sont parfois source de critiques, mais ils permettent aussi aux doutes et aux remarques de s’exprimer, voire d’être pris en compte, lorsqu’ils sont propices à l’amélioration des documents et des projets qui en découlent.
Au même titre que nous avons défendu le respect des règles d’aménagement, de concertation et de préservation de l’environnement lors de la discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dit EnR, nous demandons que l’on fasse preuve de la même vigilance pour encadrer ce texte sur l’accélération du nucléaire.
Nous proposons, au travers de cet amendement, de doubler la durée de mise à disposition du public, en la faisant passer de un à deux mois. Avec la procédure particulière prévue par cette loi, il s’agira d’un des seuls moments durant lesquels les habitants des communes concernées pourront prendre connaissance dans le détail du projet de modification et s’exprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Des consultations plus approfondies du public ne sont pas justifiées.
Tout d’abord, les consultations menées dans le cadre des autorisations demandées en parallèle, notamment l’autorisation environnementale unique, sont suffisantes.
Par ailleurs, aucune autre procédure de mise à disposition du public prévue par le code de l’environnement n’impose une durée de consultation supérieure à un mois. Il n’y a donc pas lieu de prévoir une dérogation.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 53, présenté par MM. Houllegatte, Devinaz, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 13
1° Après les mots :
de la mise à disposition
insérer les mots :
du public
2° Remplacer le mot :
huit
par le mot :
dix
III. – Après l’alinéa 13
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Les documents mis à disposition et rendus publics sont mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures, la mairie du territoire d’accueil du projet ou dans la commission locale d’information déjà instituée conformément à l’article L. 125-17 du code de l’environnement.
Les observations sont enregistrées et conservées. La synthèse des observations et propositions du public, avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, est rendue publique dans des conditions définies par arrêté de l’autorité administrative compétente de l’État.
La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. Lorsqu’il ne fait pas l’objet d’une évaluation environnementale, le projet de mise en compatibilité est mis à la disposition du public dans des conditions permettant à ce dernier de formuler ses observations.
Le projet de loi prévoit seulement l’enregistrement et la conservation de ces observations, sans indication de leur traitement, de leur prise en compte ou des conditions de leur mise à disposition du public.
Notre amendement vise à compléter le texte en précisant que la synthèse des observations et propositions du public, avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, est rendue publique dans des conditions définies par arrêté.
Par ailleurs, lors des débats sur le projet de loi EnR, le Sénat, suivi sur ce point par l’Assemblée nationale, a considéré que, lorsque la participation du public a lieu sous une forme dématérialisée, les populations devaient disposer d’un point d’accueil de proximité pour consulter sur support papier le dossier soumis à la consultation du public.
Cet amendement vise à reprendre ce principe pour garantir un égal accès aux documents de la consultation, en prévoyant notamment la possibilité d’une consultation du dossier dans les préfectures et les sous-préfectures, la mairie du territoire d’accueil du projet ou dans la commission locale d’information (CLI).
Le rapporteur rappellera, à l’occasion de la présentation du sous-amendement n° 125, que les commissions locales d’information ne sont pas accessibles au public. Néanmoins, à partir du moment où les nouveaux projets se développeront sur des sites existants, il est important que les CLI qui y sont déjà présentes et travaillent puissent s’approprier les dossiers : elles auront sans doute des remarques pertinentes à formuler.
M. le président. Le sous-amendement n° 125, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement n° 53
1° Alinéa 14
Après le mot :
projet
supprimer la fin de cet alinéa.
2° Alinéa 15, seconde phrase
a) Supprimer les mots :
, avec l’indication de celles dont il a été tenu compte,
b) Remplacer les mots :
définies par arrêté de l’autorité administrative compétente de l’État
par les mots :
précisées par l’arrêté précité
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 53.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ce sous-amendement tend, d’une part à supprimer la référence à la commission locale d’information, qui fait ici doublon du rôle des collectivités territoriales, d’autre part à retirer la mention du bilan des indications dont il a été tenu compte, puisque cette obligation serait impossible à remplir au vu du séquençage dans le temps de la procédure de mise en compatibilité.
La commission émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 53, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement. Sera ainsi mieux précisée la mise à disposition du document au public.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. En recentrant l’organisation des modalités de mise à disposition sur la seule procédure de mise à disposition du public, alors que l’alinéa visé concerne également la participation du public par voie électronique, la rédaction de l’amendement n° 53 pose problème en termes de champ d’application.
Par ailleurs, les modalités de consultation et de publication prévues relèvent du domaine réglementaire. Il ne semble donc pas nécessaire d’apporter autant de précisions dans la loi.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Il en est de même, par cohérence, pour le sous-amendement n° 125, dont l’adoption modifierait pourtant le dispositif dans le bon sens en y apportant de la souplesse, dans la mesure où le Gouvernement ne souhaite pas voir retenu l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je remercie Jean-Michel Houllegatte de vouloir, au travers de l’amendement n° 53, associer les commissions locales d’information.
Dans les Ardennes, nous avons la centrale nucléaire de Chooz, dont j’ai présidé la CLI pendant une bonne dizaine d’années.
Ces commissions, créées par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite TSN, jouent un rôle important et ont le mérite d’associer les forces vives concernées : les élus – dans mon territoire, ce sont des élus français et belges –, les représentants des mondes économique, social et associatif.
Lors de la présentation d’un précédent amendement, Fabien Gay a évoqué les personnels des entreprises sous-traitantes. Au sein des CLI, nombre de sujets sont également abordés, y compris la question de la sous-traitance.
Je comprends donc l’objet de l’amendement n° 53 et du sous-amendement n° 125. Il convient de conférer de l’importance à ces instances.
Dans un esprit de solidarité avec la commission des affaires économiques, je me rallie à l’avis du rapporteur. Pour autant, je tenais à intervenir sur ce sujet.
M. le président. L’amendement n° 79, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 593-6-1 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 593-6-1. – En raison de l’importance particulière de certaines activités pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1, le recours à des prestataires et à la sous-traitance est limité à un seul niveau et fait l’objet d’un contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire.
« Un contrat entre une société mère et sa filiale, un contrat entre deux entreprises appartenant à un même groupement momentané économique et solidaire ou à une même prestation globale d’assistance chantier sont considérés dans le cadre des installations nucléaires comme un seul niveau de sous-traitance.
« L’exploitant assure une surveillance des activités importantes pour la protection des intérêts mentionnés au même article L. 593-1 lorsqu’elles sont réalisées par des intervenants extérieurs. Il veille à ce que ces intervenants extérieurs disposent des capacités techniques et compétences internes appropriées pour la réalisation desdites activités. Il ne peut déléguer cette surveillance à un prestataire. Cette surveillance est réalisée exclusivement par des salariés directs de l’exploitant.
« L’Autorité de sûreté nucléaire garantit le niveau unique de sous-traitance et opère toutes démarches utiles afin de contrôler l’application effective du principe. Le cas échéant, l’Autorité de sûreté nucléaire est habilitée à sanctionner les exploitants pour tout manquement, en application de l’article L. 596-4. »
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement a lui aussi pour objet la sous-traitance, mais sous une autre forme : la sous-traitance en cascade.
Tout va bien, les gens sont heureux, ils ne veulent pas de statut, nous dit Mme la ministre. Il faut croire que l’on ne rencontre pas les mêmes salariés !
On peut néanmoins débattre de cette question.
Je citerai un rapport interne d’EDF – et non un rapport écrit par le groupe communiste ! – sur la sous-traitance : « Nous avons mesuré également le problème social posé par la sous-traitance. L’énergie nucléaire est une énergie d’élite. Pour autant, ses travailleurs doivent être traités avec davantage de dignité, ce qui n’est souvent pas le cas des sous-traitants – pour certains, qui viennent de l’autre bout de l’Europe et qui travaillent dans des conditions peu compatibles avec l’image de modernité qu’offre le nucléaire, et plus proches d’une version moderne de l’esclavage. » (M. Vincent Segouin fait une moue ironique.) Vous pouvez rire, mais c’est la réalité !
Sur le site de l’EPR de Flamanville, les soudeurs avaient des contrats de sous-traitance en cascade et le donneur d’ordre s’en est lavé les mains. On a vu des contrats chypriotes passer par une boîte irlandaise. Là encore, quand il y a eu des problèmes, tout le monde s’en est lavé les mains. Voilà la réalité aujourd’hui !
M. Guy Benarroche. Exactement !
M. Fabien Gay. Vous avez raison, madame la ministre, mes chers collègues, la sous-traitance en cascade n’existe malheureusement pas dans le seul secteur du nucléaire. Aujourd’hui, elle est partout, et beaucoup dans le secteur du BTP (bâtiments et travaux publics).
Nous le disons fortement : il faut en finir, au minimum, avec la sous-traitance en cascade et il faut que les donneurs d’ordre, quel que soit le niveau de sous-traitance – S2, S3 ou S4 –, soient considérés comme responsables, y compris du point de vue social.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’Autorité de sûreté nucléaire a pour mission de contrôler la sûreté nucléaire, et non la sécurité des installations.
Par ailleurs, la rédaction de l’amendement étant bien trop large, elle pourrait concerner des activités de sous-traitance n’ayant rien à voir avec le cœur du réacteur, mais relatives à des travaux non sensibles réalisés dans la centrale.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Aux termes de l’article L. 593-6-1 du code de l’environnement, l’encadrement et la limitation du « recours à des prestataires ou à la sous-traitance pour leur réalisation » est du niveau réglementaire. Le décret du 28 juin 2016 prévoit à ce titre que la sous-traitance doit être limitée et qu’elle ne peut pas dépasser trois niveaux de sous-traitance ; il fixe également des exigences quant à la surveillance exercée par l’exploitant nucléaire donneur d’ordre sur ces différents niveaux de sous-traitance.
L’enjeu est que la réglementation soit respectée, ce qui est de la responsabilité d’EDF puisqu’il est le donneur d’ordre. Cela vaut d’ailleurs pour tous les donneurs d’ordre.
Dans une vie antérieure, j’ai travaillé dans le secteur de la sous-traitance : les conditions sont très variables d’une entreprise à l’autre et dépendent aussi des donneurs d’ordre. Pour une même entreprise, des donneurs d’ordre se comportent de manière très différente.
Ne croyons pas que la loi va tout régler ; au contraire, il faut être très vigilant sur la responsabilité des donneurs d’ordre et leur faire appliquer la loi. C’est très exactement ce que nous souhaitons faire.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, si l’on pense qu’il est raisonnable de laisser la loi telle quelle pour trois niveaux de sous-traitance, allons-y. La réalité, c’est qu’à partir du troisième niveau de sous-traitance les donneurs d’ordre s’en lavent les mains. (M. Ronan Dantec acquiesce.)
J’habite en Seine-Saint-Denis, où se dérouleront les jeux Olympiques (JO) : je peux vous dire que les chantiers se font sous la direction de trois ou quatre grands donneurs d’ordre, avec de la sous-traitance en cascade. Et l’on s’aperçoit – pas seulement moi, sénateur de la Seine-Saint-Denis, mais le préfet également ! – que les infrastructures des JO sont réalisées par de nombreux sans-papiers. (Marques d’approbation sur les travées du groupe GEST et sur certaines travées du groupe SER.) Je le répète : les donneurs d’ordre s’en lavent les mains.
Pour ce qui est du nucléaire se pose en plus une question de sûreté. Il faut encadrer cela. Vous soutenez que ce problème est limité, madame la ministre, mais la réalité est tout autre quand on se rend sur les chantiers. Il suffit de parler avec des salariés !
Les membres de la commission ont visité l’EPR de Flamanville – je n’étais pas seul ! La majorité des salariés qu’on y trouve travaillent pour des sous-traitants : 450 entreprises sont présentes sur ce site. Certains chantiers comptent plus de 80 % de sous-traitants. À EDF, on nous dit : « On n’a même plus les métiers. On contrôle les contrôleurs. On ne sait plus faire notre métier, car on a laissé tout le savoir-faire aux sous-traitants. »
Si l’on pense que c’est satisfaisant, continuons ! L’EPR de Flamanville ne sera pas le dernier chantier en retard.
M. Ronan Dantec. Oui !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
I. – Les constructions, aménagements, installations et travaux de construction, au sens du I de l’article 2 de la présente loi, d’un réacteur électronucléaire mentionné à l’article 1er, sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords.
Le ministre chargé de l’urbanisme vérifie cette conformité, pour l’ensemble du projet, dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création du réacteur, dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article 8. Il détermine, le cas échéant, les prescriptions nécessaires pour assurer le respect des dispositions législatives et réglementaires mentionnées au premier alinéa du présent I.
Les constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés au même premier alinéa sont dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme. Le titre VIII du livre IV du même code leur est applicable dans les mêmes conditions que celles applicables aux constructions, aménagements, installations et travaux qui sont dispensés de toute formalité en matière d’urbanisme en application dudit code. Les constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés au premier alinéa peuvent être exécutés à compter de la date définie au II de l’article 4 de la présente loi, sauf lorsqu’une date plus tardive est prévue par l’autorisation mentionnée au deuxième alinéa du présent I, dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État mentionné au même deuxième alinéa.
Le décret en Conseil d’État précité précise également :
1° La manière dont les grandes orientations du projet en termes d’urbanisme sont incluses dans le champ du débat public organisé par la commission nationale du débat public en application de l’article L. 121-8 du code de l’environnement ou sont présentées dans le dossier soumis à enquête publique dans le cadre de la demande d’autorisation environnementale ou de la demande d’autorisation de création, afin de garantir la participation et l’information du public dans des conditions au moins équivalentes à celles prévues à l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme ;
2° La manière dont la commune et l’établissement public d’implantation du projet sont informés des grandes orientations du projet en termes d’urbanisme et peuvent transmettre leurs observations à l’autorité administrative chargée de la vérification de la conformité du projet avant le début des travaux ou constructions ;
3° Le cas échéant, les pièces additionnelles devant être jointes aux dossiers des demandes d’autorisation mentionnées au deuxième alinéa du présent I, en vue de permettre la vérification du respect des règles d’urbanisme ;
4° Les personnes et services habilités à intervenir dans l’instruction des demandes mentionnées au même deuxième alinéa et les conditions d’accès de ces personnes et services aux éléments sensibles des pièces composant les dossiers de demandes d’autorisation en ce qu’ils ont trait aux caractéristiques du projet en matière d’urbanisme ;
5° La procédure applicable afin de vérifier la conformité du projet au regard des règles d’urbanisme en cas d’évolution des caractéristiques du projet entre l’instruction de la demande d’autorisation environnementale et l’instruction de la demande d’autorisation de création du réacteur ;
6° Les procédures de publicité et d’affichage applicables à l’autorisation mentionnée au deuxième alinéa du présent I, afin de garantir l’information du public dans des conditions au moins équivalentes à celles applicables aux permis de construire et d’aménager.
II. – Pour l’application du titre III du livre III du code de l’urbanisme, l’exploitant du réacteur électronucléaire mentionné à l’article 1er de la présente loi est regardé comme titulaire d’une autorisation de construire, nonobstant le I du présent article.
Par dérogation à la section 1 du chapitre Ier du titre IV de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts :
1° Les opérations dispensées d’autorisation d’urbanisme en application du I du présent article donnent lieu au paiement de la taxe d’aménagement mentionnée à l’article 1635 quater A du code général des impôts ;
2° Le redevable de la taxe d’aménagement est le bénéficiaire de l’autorisation mentionnée au deuxième alinéa du I du présent article ;
3° Le fait générateur de la taxe est l’autorisation de création du réacteur électronucléaire en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement ou, lorsque des constructions, aménagements, installations et travaux sont exécutés avant délivrance de cette autorisation en application du II de l’article 4 de la présente loi, l’autorisation environnementale mentionnée au I du présent article ;
4° Les acomptes prévus à l’article 1679 nonies du code général des impôts sont exigibles respectivement le neuvième et le dix-huitième mois suivant celui du fait générateur de la taxe.
III (nouveau). – L’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant des constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés au premier alinéa du I du présent article et ayant été qualifiés de projet d’intérêt général au sens de l’article 2 de la présente loi n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus à l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et intégrés aux documents de planification et d’urbanisme mentionnés par le même article.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner la logique qui sous-tend les différents amendements que nous défendrons lors de l’examen de cet article, puisque leur place dans la discussion ne permet pas d’en saisir toute la cohérence.
Ce qui manque à ce texte, entre autres, c’est l’idée selon laquelle, pour accueillir de nouvelles installations nucléaires, la mobilisation de tout un territoire est nécessaire. Ainsi, à Penly, commune de mon département, au moins quatre intercommunalités sont concernées par le projet en cours.
Accueillir de nouvelles installations signifie non pas seulement construire des réacteurs dans le périmètre du site électronucléaire, mais aussi accueillir 7 000 ou 8 000 salariés, c’est-à-dire construire des logements, résoudre des problèmes de démographie médicale, de transport, d’infrastructures routières, etc. Il faut donc élaborer tout un écosystème.
Nous avons proposé d’inscrire le principe des grands chantiers d’aménagement du territoire dans la loi, pour acter officiellement l’existence de ce dispositif, qui est très fécond et permet de créer des synergies et de faire travailler ensemble différents acteurs, notamment économiques. Visiblement, il n’a pas été possible de le faire, mais nous y reviendrons.
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. À l’instar de ce qui est prévu pour les éoliennes en raison de leur faible superficie, le projet de loi dispense les installations nucléaires d’autorisation d’urbanisme, mais en faisant valoir des arguments opposés, à savoir « l’ampleur, la complexité et la sensibilité d’un projet de création de centrale électronucléaire ».
Nous estimons que cette dispense d’autorisation d’urbanisme n’est pas acceptable. Ce sont non pas les délais administratifs qui ralentissent la filière, mais bien l’instruction technique et le manque de compétences – sans parler des sous-traitances. La dérogation au droit commun n’est donc pas justifiée.
Par ailleurs, le texte de la commission vise à exclure les emprises des futures centrales nucléaires du décompte des surfaces artificialisées au titre des objectifs du « zéro artificialisation nette ». Là non plus, cette nouvelle dérogation au respect des objectifs ZAN fixés par législateur ne nous paraît, pour le moins, pas justifiée.
Cette disposition est symptomatique d’une tendance lourde de la droite sénatoriale, et très souvent du Gouvernement, qui est en totale contradiction avec les grandes promesses de verdissement : celle du détricotage permanent du droit de l’environnement et du droit de l’urbanisme pour permettre des implantations toujours plus rapides de sites industriels, avec moins d’évaluation et de consultation du public. La préservation de la biodiversité au travers de la renaturation d’espaces artificialisés et la réduction de l’artificialisation des sols ne doivent pas être sacrifiées sur l’autel du développement de l’énergie nucléaire.
Pour toutes ces raisons, cet amendement vise à supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet article constitue un élément essentiel de sécurisation juridique des projets, en articulant les différents régimes d’autorisation et les autorités compétentes. Nous y avons inséré plusieurs garde-fous.
Concernant le ZAN, la mesure permettant de ne pas imputer les nouveaux réacteurs, projets d’intérêt national, aux collectivités d’accueil me paraît aussi tout à fait essentielle : c’est gage d’acceptabilité et de justice territoriale.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Pour éclairer les membres du groupe écologiste, je précise, puisque nous faisons un parallèle entre le texte que nous sommes en train d’examiner et le projet de loi EnR dont nous avons débattu avant la suspension des travaux parlementaires et que nous comparons les surfaces consommées par les projets nucléaires et celles qui le sont par les projets d’énergies renouvelables, qu’un réacteur produit l’équivalent de 1 500 éoliennes. Le facteur est de 2,8 en termes de puissance, compte tenu de l’intermittence de la production d’électricité par ces dernières. En termes de surfaces consommées par les projets nucléaires et celles qui le sont par les projets d’énergies renouvelables, il n’y a donc pas photo !
La cohérence voudrait, mes chers collègues, que vous fassiez la même proposition d’inclusion foncière des éoliennes dans le ZAN… Je ne suis pas certain que les cartographies actuellement élaborées par les préfectures de chaque département aillent dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Comme d’habitude, la règle de trois de Stéphane Piednoir est inexacte… (Sourires.)
Notre ami Jean-Marc Jancovici avait même inventé qu’il fallait un million d’éoliennes pour atteindre la production du parc nucléaire, car il s’était trompé en prenant un coefficient 35. Il faudrait qu’il apprenne à faire des calculs ! (M. Stéphane Piednoir s’exclame.)
Ma question sera beaucoup plus simple et je n’entrerai pas dans des comptabilisations totalement fausses et assez farfelues…
M. Stéphane Piednoir. Il ne vaut mieux pas !
M. Ronan Dantec. Ce que nous entendons nous rappelle notre jeunesse et rien n’a vraiment changé depuis les années 1970 et 1980 : la centrale nucléaire arrive, l’État s’occupe de tout – circulez, y a rien à voir ! – et les collectivités locales doivent faire avec…
De ce point de vue, notre débat est très éclairant : la culture du nucléaire n’a pas changé. Je ne polémiquerai pas sur ce point. Pour ma part, je viens d’une région où tous les projets nucléaires ont été abandonnés ; cela forge le caractère ! (Sourires.)
En tant que membre de la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du ZAN, il me faut dire qu’il y a un consensus : on ne va pas demander aux collectivités territoriales d’intégrer l’artificialisation liée aux centrales nucléaires. Dans ces conditions, où la prend-on en compte ? Passe-t-elle totalement par pertes et profits ou est-elle mutualisée à l’échelon national ? Cela vaut aussi pour les EnR.
Sur ce point particulier, madame la ministre, monsieur le rapporteur, j’aimerais que vous m’apportiez des précisions.
M. Stéphane Piednoir. Bonne question !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. J’ajoute à l’intervention parfaitement éclairée de Ronan Dantec une question sur le calcul fait par M. Piednoir.
Outre que ce calcul peut être totalement remis en question du point de vue mathématique, on sait que les fameuses éoliennes dont il parle produiront de l’énergie demain. Quant aux installations nucléaires évoquées, si elles finissent par fonctionner, à un coût que l’on ne connaît pas, elles produiront peut-être de l’énergie dans trente ans…
M. Stéphane Piednoir. Elles en produisent depuis cinquante ans !
M. Guy Benarroche. Comparaison n’est pas raison !
M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 34.
M. Ronan Dantec. Et ma question ?
M. Stéphane Piednoir. C’est une question intéressante !
M. le président. Monsieur Dantec, quand on pose une question, il y a une réponse ou non. En l’occurrence, il n’y en a pas.
Je mets aux voix l’amendement n° 34.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 112, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Première phrase
Remplacer les mots :
Le ministre chargé de l’urbanisme
par les mots :
L’autorité administrative
2° Seconde phrase
Remplacer le mot :
Il
par le mot :
Elle
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à rétablir la mention de l’autorité administrative, en lieu et place du ministre chargé de l’urbanisme, comme autorité compétente pour vérifier la conformité des réacteurs électronucléaires aux règles d’urbanisme applicables.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les règles d’urbanisme font l’objet d’une instruction par les services déconcentrés de l’État. Il paraît légitime que lesdits services accomplissent leur travail jusqu’au bout.
Il s’agit donc d’introduire une précision quasiment rédactionnelle.
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié ter, présenté par MM. Menonville, Médevielle, Guerriau et Grand, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Chasseing, Longeot et Kern, Mme Paoli-Gagin et MM. A. Marc, Moga, Wattebled, Verzelen et Capus, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
Le ministre chargé de l’urbanisme
par les mots :
Le représentant de l’État dans le département
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. La vérification de la conformité du projet aux règles d’urbanisme nécessite un dialogue de proximité avec les différents niveaux de collectivités concernées, au regard des règles de droit, des enjeux et des caractéristiques locales propres à chaque territoire.
Afin de garantir la meilleure prise en compte de ces caractéristiques, il est préférable de confier ce contrôle de conformité au représentant de l’État dans le département, lui qui dispose des compétences de toutes les administrations et d’une bonne connaissance du terrain.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il ne serait pas pertinent de confier le rôle de vérification de la conformité des projets aux règles d’urbanisme à un autre ministre que le ministre de l’urbanisme, car il n’aurait pas la compétence sur le fond.
Il ne conviendrait pas non plus de confier ce rôle à une autorité déconcentrée, car on courrait le risque d’une application divergente de ces règles, pourtant essentielles, selon les territoires.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 112 et 24 rectifié ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 24 rectifié ter ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement au profit de celui du Gouvernement.
Je le répète : les règles d’urbanisme sont appliquées par les autorités administratives déconcentrées. On ne voit pas pourquoi, dans le cas d’espèce, le droit commun ne s’appliquerait pas et les services compétents ne feraient pas leur travail.
L’adoption de cet amendement créerait un droit compliqué, susceptible de recours judiciaire, remontant des décisions à l’échelon national. Pourtant, le président Larcher disait encore aujourd’hui même, lors de ses vœux, qu’il fallait rendre le pouvoir au terrain. Cette proposition ne va pas dans la bonne direction.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Madame la ministre, comment l’autorité administrative compétente fait-elle pour juger de la mutualisation du ZAN et pour prendre sa décision ? C’était la question de Ronan Dantec, à laquelle vous n’avez pas répondu. Sur quels critères et sur quels calculs va-t-elle s’appuyer ? J’aimerais d’autant le savoir que vous souhaitez, apparemment, décider…
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Ce débat est très important, car le ZAN n’est pas un sujet superfétatoire. À ce titre, la question posée par Ronan Dantec mérite réponse. Il y va de la confiance entre le Gouvernement et le Parlement.
Ces surfaces artificialisées seront-elles ou non comptabilisées à l’échelon national ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet article a été introduit par la commission. Répondre moi-même à cette question me paraît donc délicat. M. le rapporteur explicitera son point de vue.
Pour ma part, j’essaye de remettre l’église au centre du village, en remettant le droit au centre du débat, afin que l’on ait un texte applicable.
Il est ici question de respect des documents d’urbanisme. Le ZAN fait l’objet d’une autre discussion : je rappelle d’ailleurs que le Sénat a déposé une proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, précisément pour régler ce sujet, laquelle prévoit la prise en compte de tous les usages et pas seulement du nucléaire.
En tant que ministre de la transition énergétique, je vous répondrai que tous les projets qui relèvent de mon périmètre sont nécessairement prioritaires, mais le ministre du logement ou celui des transports diront de même des leurs. L’enjeu est d’avoir une vision transversale des projets et de l’application du ZAN. C’est pourquoi un travail transpartisan a été mené, qui a donné lieu à cette proposition de loi, sur laquelle le Gouvernement a décidé d’avancer à vos côtés, mesdames, messieurs les sénateurs.
L’article 3, qui porte sur le respect du code de l’urbanisme, pas plus que le projet dans son ensemble d’ailleurs, n’a pour objet le ZAN.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Sur cette question, la position de la commission des affaires économiques est claire : à aucun moment, les surfaces dédiées aux implantations de centrales nucléaires ne seront comptabilisées à l’échelon des collectivités locales – régions, départements, communes – ; elles le seront seulement à l’échelon national.
La mutualisation sera-t-elle faite au travers d’une enveloppe nationale d’intérêt général ? On le saura à l’issue du travail effectué sur le ZAN.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je remercie le rapporteur de sa réponse : les choses commencent à être claires. On voit bien le jeu de ping-pong avec le Gouvernement et on comprend que rien n’est tranché, mais on aurait pu gagner du temps en obtenant immédiatement la réponse à la question posée !
Je tiens à apporter une précision. Outre la centrale nucléaire, il faut penser aux pylônes des lignes à haute tension, nécessaires pour amener le courant ailleurs en France. En termes d’artificialisation, l’emprise n’est pas celle d’une centrale nucléaire : il faut des centaines de pylônes – et cela vaut bien l’éolien !
Le rapporteur et la commission ont pensé à ces pylônes et à l’artificialisation que leur installation induit. Sinon, la commune sur le territoire de laquelle est placé un pylône devra également l’intégrer au décompte des surfaces artificielles et au titre des objectifs du ZAN…
Il ne faut pas penser qu’une centrale occupera beaucoup moins d’espace que des éoliennes, car ce serait oublier ces pylônes, les lignes à haute tension ne pouvant être enterrées.
Je le redis, cela occupera beaucoup d’espace en termes d’artificialisation.
M. le président. L’amendement n° 103 rectifié, présenté par MM. Buis et Lemoyne, Mme Schillinger, MM. Dennemont, Dagbert et Marchand, Mmes Havet et Phinera-Horth, M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I – Alinéa 3, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
II – Alinéas 4 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à supprimer, non seulement le renvoi à l’article 4 du projet de loi, relatif à l’échelonnement des travaux dans le temps, mais aussi les précisions sur le contenu du décret en Conseil d’État pris en application de l’article 3.
D’une part, la rédaction actuelle de l’article 4 ainsi que les dispositions du code de l’environnement existantes permettent de satisfaire l’objectif de la commission sur ce point.
D’autre part, il ne paraît pas utile de préciser le contenu de ce décret en Conseil d’État. Ces précisions, qui créent un nouveau quasi-régime d’autorisation, sont contre-productives au regard de la philosophie de simplification qui sous-tend ce texte.
Sur ces deux points, l’amendement prévoit donc de rétablir le texte dans sa rédaction initiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression, qui tend à revenir sur deux mesures votées à l’unanimité qui apportent des garde-fous à la procédure de dispense d’autorisation d’urbanisme, en matière d’information du public ou de protection des informations confidentielles.
Qui plus est, sur le principe, il me semble que le droit de l’urbanisme doit être appliqué, même par l’État…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je rappelle que le projet de loi vise à l’accélération des procédures administratives en matière d’installations nucléaires.
L’amendement vise à supprimer, à l’article 4, les dispositions relatives à l’échelonnement des travaux dans le temps ainsi que les précisions relatives au contenu du décret en Conseil d’État, qui sera pris en application de l’article 3.
D’une part, la mention relative à l’article 4 introduite en commission n’apporte pas de réelle plus-value quant à l’application de ces dispositions. La rédaction de l’article 4 ainsi que les dispositions du code de l’environnement existantes et les prescriptions pouvant être émises dans ce cadre permettent déjà de satisfaire l’objectif de la commission sur ce point.
D’autre part, les prescriptions relatives au contenu du décret en Conseil d’État conduisent, par la création d’un nouveau quasi-régime d’autorisation – alors que le texte vise à la simplification des procédures… –, à priver d’effet la simplification procédurale opérée par l’article 3.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement qui tend à corriger le texte sur ces deux points.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Je tiens à féliciter M. Buis, dont les amendements recueillent de nombreux avis favorables du Gouvernement… (Sourires.)
Nous suivrons l’avis du rapporteur : il faut préserver les protections, déjà bien affaiblies, prévues dans le texte.
M. le président. L’amendement n° 113, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 16
Remplacer ces alinéas par dix alinéas ainsi rédigés :
II. – Pour l’application du titre III du livre III du code de l’urbanisme, l’exploitant du réacteur électronucléaire est regardé comme titulaire d’une autorisation de construire, nonobstant les dispositions du I.
A. Par dérogation à la section 1 du chapitre Ier du titre IV de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts :
1° Les opérations dispensées d’autorisation d’urbanisme en application du I du présent article donnent lieu au paiement de la taxe d’aménagement mentionnée à l’article 1635 quater A du code général des impôts ;
2° Le redevable de la taxe d’aménagement est l’exploitant du réacteur électronucléaire ;
3° Pour les seules constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés au premier alinéa du I du présent article, le fait générateur de la taxe d’aménagement est l’autorisation de création du réacteur électronucléaire en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement ;
4° Le redevable des acomptes de taxe d’aménagement déclare les éléments nécessaires à l’établissement de ceux-ci avant le septième mois qui suit celui de la délivrance de l’autorisation de création du réacteur électronucléaire en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement ;
5° Les règles applicables à l’établissement de la taxe d’aménagement relatives aux exonérations, aux abattements, aux valeurs par mètre carré et au taux sont celles en vigueur à la date de l’autorisation de création du réacteur électronucléaire en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement.
B. Par dérogation à l’article 1679 nonies du code général des impôts, les acomptes prévus sont exigibles respectivement le neuvième et le dix-huitième mois suivant celui du fait générateur prévu au 3° du A du présent article.
C. Par dérogation à l’article 235 ter ZG du code général des impôts, les opérations dispensées d’autorisation d’urbanisme en application du I du présent article donnent lieu au paiement de la taxe d’archéologie préventive mentionnée à l’article 235 ter ZG précité.
D. Par dérogation au 13° de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, la demande du redevable est effectuée avant le dépôt de l’autorisation de création du réacteur électronucléaire en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il s’agit de clarifier le régime de fiscalité associé à la création des réacteurs électronucléaires.
L’adoption de cet amendement permettra, d’une part, d’inclure un mécanisme dérogatoire concernant la taxe d’archéologie préventive similaire à celui qui est déjà prévu pour la taxe d’aménagement, d’autre part, d’améliorer la rédaction de l’article 3, afin d’assurer la perception de ces taxes.
Il s’agit également de clarifier le fait générateur de la taxe d’aménagement en prévoyant, comme c’était le cas dans la rédaction initiale de l’article, un fait générateur unique. En effet, la rédaction introduite en commission apporte un degré de complexité au calcul du montant de cette taxe, qui ne va pas dans le sens de la clarté du droit. Il est nécessaire de rétablir l’autorisation de création du réacteur électronucléaire, en application de l’article L. 596-7 du code de l’environnement, comme fait générateur de la taxe d’aménagement. Cette disposition permet ainsi de prendre en compte toutes les évolutions du projet pour le calcul du montant de cette taxe.
Enfin, l’amendement tend à rétablir l’exploitant comme redevable de la taxe d’aménagement, en cohérence avec la rédaction du premier alinéa qui fait de l’exploitant du réacteur nucléaire le titulaire d’une autorisation à construire.
M. le président. Le sous-amendement n° 126, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement n° 113
1° Alinéa 1
Remplacer le nombre :
11
par le nombre :
12
2° Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
3° Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Le fait générateur de la taxe est l’autorisation de création du réacteur électronucléaire en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement ou, lorsque des constructions, aménagements, installations et travaux sont exécutés avant délivrance de cette autorisation en application du II de l’article 4 de la présente loi, l’autorisation environnementale mentionnée au I du présent article ;
4° Alinéa 8
Remplacer les mots :
de la délivrance de l’autorisation de création du réacteur électronucléaire en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement
par les mots :
du fait générateur mentionné au 3° du présent A
5° Alinéa 9
Remplacer les mots :
de l’autorisation de création du réacteur électronucléaire en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement
par les mots :
du fait générateur mentionné au même 3° du A
6° Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le décret en Conseil d’État prévu au I précise les conditions d’application du présent II en cas de modification du projet ultérieure à la délivrance de l’autorisation mentionnée au 3° du A.
7° Alinéa 10
Remplacer le mot :
prévue
par le mot :
mentionné
8° Alinéa 11
Remplacer les mots :
d’autorisation d’urbanisme
par les mots :
de toute formalité au titre du code de l’urbanisme
9° Alinéa 12
Remplacer les mots :
de création du réacteur électronucléaire en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement
par les mots :
mentionnée au 3° du A du présent II
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Autant nous sommes d’accord sur les propositions de coordination proposées par le Gouvernement, autant nous souhaitons garder les apports de la commission, qui nous paraissent essentiels.
Tel est l’objet de ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 135, présenté par Mme Brulin, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Amendement n° 113, après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Les bénéficiaires de la taxe d’aménagement sont les collectivités locales relevant du périmètre de la procédure de « Grand Chantier d’aménagement du territoire » proportionnellement à la moyenne triennale du montant de versement de la dotation globale de fonctionnement antérieure au fait générateur.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Je salue le travail accompli par la commission pour créer, suffisamment en amont de la construction de réacteurs, un fait générateur de la taxe d’aménagement qui ait du sens.
Comme son nom l’indique, la taxe d’aménagement vise à donner aux collectivités ou aux EPCI les recettes pour aménager le territoire en vue d’accueillir ces nouvelles installations.
Nous proposons, en complément du travail de la commission, que les recettes de la taxe d’aménagement bénéficient à l’ensemble du périmètre « Grand chantier d’aménagement du territoire ». En effet, ce sont l’ensemble des collectivités de ce périmètre qui contribuent à aménager et accueillir les installations.
M. le président. Le sous-amendement n° 136, présenté par Mme Brulin, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Amendement n° 113, après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Les bénéficiaires de la taxe d’aménagement sont les collectivités locales relevant du plan particulier d’intervention, mentionné à l’article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure proportionnellement à la moyenne triennale du montant de versement de la dotation globale de fonctionnement antérieure au fait générateur.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. À défaut du périmètre « Grand chantier d’aménagement du territoire », nous souhaitons que celui du plan particulier d’intervention soit pris en compte, qui correspond à peu près au périmètre des risques.
Il n’est alors pas complètement absurde de considérer que les communes incluses dans le PPI doivent aussi bénéficier des retombées de la taxe d’aménagement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.
Elle émet un avis défavorable sur les sous-amendements nos 135 et 136, et ce pour plusieurs raisons.
D’une part, leur objet ne correspond pas aux sujets traités par le texte.
D’autre part, lors des auditions, nous avons entendu le message très clair des collectivités sur la taxe d’aménagement qui vise à compenser les coûts réels d’aménagement. Il ne faut donc pas réduire cette compensation, dont les retombées contribuent d’ailleurs de manière très importante à l’acceptabilité des projets par les communes d’implantation. Les propositions du Gouvernement concernent d’ailleurs des centrales existantes. Les maires que nous avons entendus y sont tous favorables.
Il serait dangereux d’adopter, sans aucune étude d’impact ou consultation préalable, des dispositions qui touchent directement à la fiscalité locale et qui vont dans un sens opposé aux attentes des collectivités.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur le sous-amendement n° 126. Si le mécanisme qu’il tend à instaurer conduit à complexifier le calcul, lequel se ferait en deux temps, il permet toutefois aux collectivités locales d’anticiper la perception de la taxe d’aménagement.
Il faut faire la balance entre une méthode de calcul plus compliquée permettant d’anticiper et une autre, plus simple mais qui nécessite d’attendre…
En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les sous-amendements nos 135 et 136, pour les motifs exposés par M. le rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 75, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’aménagement des espaces extérieurs et environnants tient compte des enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols en laissant, dès que cela est possible, une perméabilité des sols en surface et en favorisant la présence de pleine terre.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il est retiré, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 75 est retiré.
L’amendement n° 86, présenté par Mme Brulin, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Après évaluation du foncier disponible, des potentialités de requalification des friches existantes, et des besoins de foncier constructibles induits par l’implantation de nouvelles installations de production d’énergie nucléaire, les droits à construire nécessaires pour favoriser notamment l’installation de salariés et de leur famille, les raccordements routiers dans le périmètre du plan particulier d’intervention, mentionné à l’article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure ne sont pas comptabilisés pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus à l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et intégrés aux documents de planification et d’urbanisme mentionnés par le même article. Cette évaluation est remise par le porteur de projet dans le cadre du dépôt d’autorisation environnementale.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Je salue à nouveau le travail de la commission, laquelle a extrait les sites électronucléaires du ZAN des régions concernées pour des raisons qui me semblent parfaitement légitimes : ces sites serviront à alimenter non pas seulement les régions d’implantation, mais l’ensemble du territoire national, voire au-delà.
Toutefois, il me semble que tous les aspects connexes de l’implantation de ces nouveaux réacteurs, notamment les lignes à haute tension, manquent. J’ai évoqué les logements à construire pour accueillir les salariés : les territoires concernés ont évidemment les compétences nécessaires, mais, pour ne pas déstabiliser les autres activités économiques, il faudra accueillir des travailleurs venant d’ailleurs, les loger et construire un certain nombre d’infrastructures. Chacun comprend bien que, si cela a un impact sur le ZAN de la région, les communes ne pourront pas réaliser les équipements permettant d’accueillir ces grands chantiers.
C’est la raison pour laquelle il faut élargir le dispositif d’ores et déjà mis en place par la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Oui, l’installation d’une centrale ou de nouveaux réacteurs entraîne l’arrivée de nombreux travailleurs sur le territoire concerné et un développement économique important. Ces conséquences font partie du développement naturel de ce territoire, pour ainsi dire. Ma chère collègue, à nos yeux, votre proposition va bien trop loin.
Il faut au contraire voir cette implantation comme une chance !
S’il est normal de ne pas comptabiliser la centrale elle-même dans le ZAN, ne pas y intégrer l’activité découlant de la présence de salariés supplémentaires, ce qui permet parfois d’apporter à un territoire de nouveaux services qui n’existaient pas auparavant, poserait problème.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 87 rectifié, présenté par Mme Brulin, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la qualification “Grand projet” des projets de construction de réacteurs électronucléaires, qualification qui permettrait notamment l’adaptation des services et infrastructures, l’évaluation des besoins directs ou indirects générés par le chantier, l’accueil des salariés déplacés amenés à travailler sur les chantiers en particulier logements, les transports vers le site, l’intervention d’entreprises locales et le recours à la main-d’œuvre locale par la mise en relation des entreprises donneuses d’ordre et des sous-traitants, ainsi que par la construction d’offres de formation, ainsi que l’organisation de l’après-chantier en particulier la reconversion des salariés.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous avons proposé d’inscrire dans la loi le principe « Grand chantier d’aménagement du territoire », mais cette idée n’a pas prospéré dans cet hémicycle.
Aussi, nous souhaitons que le Gouvernement fournisse un rapport, dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi, sur la qualification « Grand projet » des chantiers de construction de réacteurs électronucléaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le Sénat est, par principe, défavorable aux demandes de rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 87 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
I. – L’autorisation environnementale requise pour le projet de création de réacteur électronucléaire, mentionné à l’article 1er de la présente loi, et des équipements et installations nécessaires à son exploitation, à raison des constructions, aménagements, installations ou travaux réalisés en vue de cette création qui y sont assujettis en application des articles L. 181-1, L. 593-1 et L. 593-3 du code de l’environnement, est délivrée par décret en Conseil d’État, au vu de l’étude d’impact mentionnée à l’article L. 122-1 du même code portant sur l’ensemble de ce projet et après enquête publique, réalisée en application du chapitre III du titre II du livre Ier et de l’article L. 593-9 dudit code, et avis de l’Autorité de sûreté nucléaire. Cette étude d’impact comprend au minimum les éléments prévus à l’article L. 122-3 du même code, ainsi que les compléments requis pour les installations nucléaires de base, mentionnées à l’article L. 593-2 du même code. Ces compléments portent notamment sur les prélèvements d’eau, les rejets d’effluents et les déchets radioactifs ou non, l’état radiologique de l’environnement, les incidences sur la ressource en eau et le milieu aquatique, les incidences sur la qualité de l’air et des sols, l’exposition du public aux rayonnements ionisants, les incidences sur le plan de protection de l’atmosphère, mentionné à l’article L. 222-4 du même code, ou le respect du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, mentionné à l’article L. 542-1-2 du même code, ainsi que sur les performances attendues et solutions retenues. Cette autorisation environnementale est modifiée, le cas échéant, selon les mêmes modalités.
II. – Par dérogation à l’article L. 425-12 du code de l’urbanisme, les constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création d’un réacteur électronucléaire mentionné à l’article 1er de la présente loi peuvent, à la demande de l’exploitant et à ses frais et risques, être exécutés à compter de la date à laquelle l’autorisation environnementale mentionnée au I du présent article est délivrée, sous réserve que leur conformité aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées au premier alinéa du I de l’article 3 de la présente loi ait été vérifiée par le ministre chargé de l’urbanisme et que la possibilité de les exécuter dans ces conditions ait été préalablement portée à la connaissance du public, dans le cadre de l’enquête publique mentionnée au I du présent article. Toutefois, la construction des bâtiments, y compris leurs fondations, destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde, ne peut être entreprise, sous la même réserve, qu’après la délivrance de l’autorisation de création mentionnée à l’article L. 593-7 du code de l’environnement, au vu de l’étude d’impact mentionnée au I du présent article, le cas échéant actualisée, et après enquête publique et avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, mentionnés à l’article L. 593-8 du même code.
III. – Le décret en Conseil d’État mentionné à l’article 8 de la présente loi précise la répartition des constructions, aménagements, installations et travaux, selon qu’ils puissent être exécutés en application de la première ou de la seconde phrase du II du présent article, après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 23 rectifié ter est présenté par MM. Menonville, Médevielle, Guerriau et Grand, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Chasseing, Longeot et Kern, Mme Paoli-Gagin et MM. A. Marc, Moga, Wattebled, Malhuret et Capus.
L’amendement n° 104 rectifié est présenté par M. Buis, Mme Schillinger, MM. Lemoyne, Patriat, Dagbert, Dennemont et Marchand, Mmes Havet, Phinera-Horth et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1, première phrase
Supprimer les mots :
en Conseil d’État
La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié ter.
M. Franck Menonville. Cet amendement tend à réduire de dix-huit mois à douze mois la durée d’instruction d’une demande d’autorisation d’exploiter une nouvelle installation nucléaire.
Il s’agit d’adapter les délais d’autorisation pour être davantage en cohérence avec l’objectif d’accélération de ce projet de loi. Un délai d’instruction de douze mois nous semble raisonnable, tout en permettant un gain de temps non négligeable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 104 rectifié.
M. Bernard Buis. Il est proposé de remplacer le décret en Conseil d’État actant l’autorisation environnementale par un décret simple sur la conclusion d’une instruction technique.
Un décret en Conseil d’État ne paraît pas utile, en tout cas pas de nature à accélérer ou sécuriser davantage les projets de nouveaux réacteurs nucléaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à revenir sur la position prise en commission quant au recours à un décret en Conseil d’État. Je précise que c’est le Conseil d’État lui-même qui l’a proposé.
Aucun retard substantiel ne résulterait de la disposition que nous avons prévue. Accélérer ne veut pas dire se précipiter.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le décret conclut une instruction très technique. Par ailleurs, dans le droit commun, les autorisations environnementales sont délivrées par arrêté préfectoral. Il convient donc que cette autorisation soit plutôt délivrée par décret simple.
Là encore, l’optique doit être de prévoir une simplification et une accélération de la procédure d’autorisation, et non une complexification.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Quand on connaît les délais de construction et de mise en œuvre d’un nouveau réacteur nucléaire, comment prétendre que prévoir un décret en Conseil d’État ralentira la procédure ? À Marseille, on dirait c’est une galéjade !
Ce qui la ralentit, c’est notre incapacité à construire de nouveaux réacteurs nucléaires dans les délais impartis. On le voit bien avec l’EPR de Flamanville ! Le Conseil d’État n’a rien à voir avec tout cela… En réalité, il pourrait même prendre vingt-quatre ou trente-six mois pour examiner le décret !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 rectifié ter et 104 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 98, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, M. Lemoyne, Mme Havet, MM. Marchand, Dennemont et Dagbert, Mme Phinera-Horth, M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
1° Première phrase
Supprimer les mots :
et après enquête publique, réalisée en application du chapitre III du titre II du livre Ier et de l’article L. 593-9 dudit code, et avis de l’Autorité de sûreté nucléaire
2° Deuxième et troisième phrases
Supprimer ces phrases.
II. – Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer les mots :
, au vu de l’étude d’impact mentionnée au I du présent article, le cas échéant actualisée, et après enquête publique et avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, mentionnés à l’article L. 593-8 du même code
III. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à toiletter les dispositions actuelles de l’article 4 concernant des précisions adoptées en commission qui sont en fait satisfaites par le code de l’environnement.
Par ailleurs, dans le cadre de la délivrance de l’autorisation environnementale, l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire n’est pas utile, car cette autorisation portera non pas sur les enjeux de sûreté nucléaire, mais plutôt sur les aspects préparatoires du chantier.
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. L’article 4 prévoit que les travaux peuvent être entamés avant la fin de l’enquête publique pour gagner du temps – une fois de plus, selon nous, au détriment de la consultation et de la transparence.
Il faut accélérer la production d’énergie nucléaire : nous voulons bien l’entendre, puisque, vous en conviendrez, mes chers collègues, nous soutenons cette idée depuis plusieurs années.
Cependant, il est incompréhensible de considérer qu’avant d’être allé au bout des études, avant même d’avoir purgé tous les recours possibles, le porteur du projet pourrait lancer les travaux.
L’article 4 précise que le porteur assumera les risques, y compris financiers. Toutefois, quand le mal sera fait, on ne pourra pas le corriger en renvoyant nécessairement la faute sur le porteur de projet, à qui vous allez demander d’aller toujours plus vite, parfois au détriment du bon sens et à ses risques et périls.
Certes, il est nécessaire d’accélérer, mais pas n’importe comment et pas à n’importe quel prix, en tout cas sans dégrader les sols et l’environnement de façon irréversible, alors qu’un projet n’est pas encore totalement validé ou définitif.
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Il y a une incohérence manifeste à ce que des travaux concernant des « bâtiments annexes » puissent commencer à compter de la délivrance par décret de l’autorisation environnementale sur l’ensemble du projet et avant la clôture de l’enquête publique portant sur la création de la centrale.
Si les modifications du rapporteur, qui introduisent des garanties relatives à l’évaluation environnementale et à la participation du public, vont dans le bon sens, cet amendement a pour objet la suppression de l’alinéa 2, qui permet le démarrage des travaux de construction des bâtiments annexes avant la délivrance de l’autorisation de création du réacteur.
Les citoyens et les collectivités seraient mis encore une fois devant le fait accompli, puisque la centrale, dont l’enquête publique portera sur sa création, aura déjà commencé à être construite. Le gain de temps escompté, qui n’est d’ailleurs pas évalué, ne justifie pas une atteinte disproportionnée à la participation du public, sachant que les retards sont dus – on l’a dit et on le redit – aux difficultés industrielles et non administratives.
M. le président. L’amendement n° 100, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, M. Lemoyne, Mme Havet, MM. Dagbert, Dennemont et Marchand, Mme Phinera-Horth et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après les mots :
à l’article 1er de la présente loi
insérer les mots :
, et des équipements et installations nécessaires à son exploitation, au sens de l’article L. 593-3 du code de l’environnement,
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à permettre de garantir la faisabilité de la construction du projet de réacteur électronucléaire dans les meilleurs délais, par l’ajout des équipements et installations nécessaires à l’exploitation conditionnant le fonctionnement du réacteur électronucléaire.
Omettre les équipements et installations, c’est se priver d’une partie opérationnelle de cet article, qui permet – je le rappelle – de démarrer certains travaux dès l’obtention d’une autorisation environnementale, donc, là encore, de gagner du temps.
M. le président. L’amendement n° 101 rectifié, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, MM. Lemoyne, Patriat et Marchand, Mme Havet, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Phinera-Horth et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
le ministre chargé de l’urbanisme
par les mots :
l’autorité administrative
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement tend à remplacer le ministre chargé de l’urbanisme par l’autorité administrative pour le contrôle des règles de fond d’urbanisme. Il se trouve que les autorisations ne relèvent pas systématiquement du ministre chargé de l’urbanisme : les autorisations environnementales relèvent du ministre chargé de l’environnement, et l’autorisation de création du réacteur nucléaire dépend du ministre chargé de la sûreté nucléaire.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et moi-même avons souhaité consolider la procédure d’anticipation de travaux.
Les amendements nos 76 rectifié et 35 ont pour objet la suppression de toute possibilité d’anticipation des travaux. À l’inverse, les autres amendements tendent à supprimer les garde-fous institués par notre commission. L’amendement n° 98 vise à tout supprimer. L’amendement n° 100 tend à ajouter de nouveaux équipements liés à l’exploitation des réacteurs et l’amendement n° 101 rectifié à retirer la référence au ministre chargé de l’urbanisme.
Il ne me semble pas du tout opportun d’écarter ainsi le travail approfondi et collégial que nos deux commissions ont conduit.
C’est la raison pour laquelle, face à ces propositions de suppression des dispositions ou des garde-fous, il me semble nécessaire de conserver la rédaction équilibrée de notre commission. Celle-ci vise simplement à garantir l’absence de difficultés sur le plan de la sûreté et de la sécurité et à rappeler les garanties légales applicables, dans un souci de protection des acteurs locaux.
La commission demande par conséquent le retrait de l’ensemble de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements nos 98, 100 et 101 rectifié : la rédaction permettra de simplifier, accélérer, clarifier et sécuriser juridiquement la procédure, ce qui est l’objectif du texte.
Je rappelle que, comme cela a été souligné, l’enjeu du développement industriel et des délais de ce développement est évidemment important. Ce texte permet d’éviter que les procédures administratives ne bloquent certaines étapes. Cette demande a été très clairement formulée par les opérateurs qui sont à la manœuvre – je pense notamment à EDF.
Il faut aussi entendre la voix de ceux qui portent le projet et travaillent sans attendre les décisions qui seront prises dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Ils prennent le risque de travailler sur un projet qui pourrait ne pas être adopté in fine.
Nous avons décidé d’avancer pour ne pas mettre en jeu, à aucun moment, la sécurité énergétique de notre pays – chacun peut comprendre cet objectif.
L’objet de l’amendement n° 76 rectifié est quelque peu surprenant parce qu’il revient à accélérer en mettant le pied sur le frein.
M. Fabien Gay. C’est le « en même temps » ! (Sourires.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement n° 35 est plus cohérent, puisqu’il vise à freiner avec le pied sur le frein ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L’amendement n° 99, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, M. Lemoyne, Mme Havet, MM. Marchand, Dennemont et Dagbert, Mme Phinera-Horth et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
jusqu’à la délivrance de l’autorisation de création mentionnée à l’article L. 593-7 du même code de l’environnement
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à établir une limite temporelle aux dispositions dérogatoires qui autorisent le Gouvernement à prendre, au début du projet, l’autorisation environnementale rendue nécessaire par les travaux de construction. Cela permet ainsi le retour au droit commun pendant l’exploitation du réacteur électronucléaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il ne me paraît pas utile de prévoir l’impossibilité de modifier l’autorisation environnementale après la délivrance de l’autorisation de création.
D’abord, il est nécessaire, du point de vue du droit, de conserver la possibilité de modifier l’organisation à tout moment.
Ensuite, le Gouvernement a clairement indiqué que les travaux afférents à l’autorisation environnementale, d’une part, et à l’autorisation de création, d’autre part, ne seraient pas effectués selon une logique séquentielle.
Enfin, l’anticipation des travaux est une disposition clé pour accélérer la relance du nucléaire. Nous avons simplifié la procédure. J’observe que les acteurs de la filière nucléaire sont inquiets de l’amendement dont nous débattons : ils estiment qu’il est « flou » et « pénalisant ».
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je ne partage pas tout à fait votre vision, monsieur le rapporteur. M. Buis a su entendre une demande très claire des opérateurs.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Dossus, Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 593-7 du code de l’environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’autorisation ne peut être délivrée qu’avec l’accord du conseil municipal de la commune d’implantation, ainsi que des conseils municipaux des communes directement impactées en termes de visibilité par un projet d’implantation d’une installation nucléaire de base. »
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Avec ces trois amendements en discussion commune, nous essayons de trouver un consensus pour reprendre les idées que la majorité sénatoriale a développées lors de la discussion du projet de loi EnR, mais qu’elle n’a pas reprises pour ce texte, qui relève pourtant de la même logique.
Dans un souci de cohérence des travaux de notre assemblée, nous avons décidé de déposer ces amendements qui visent à garantir l’acceptation sociale de notre politique énergétique, ainsi que l’intégration de nos installations électriques dans nos beaux paysages.
Si j’ai bien compris notre collègue Gérard Longuet, la consultation publique n’a pas réellement d’importance dans nos choix énergétiques. Nous vous proposons ici de donner plutôt voix au chapitre aux maires dans la politique énergétique française. Il s’agit d’acter un principe simple : le droit de veto des communes visuellement touchées par l’implantation d’une centrale électronucléaire.
La raison qui a prévalu au dépôt de cet amendement est paysagère : il s’agit de préserver la beauté des panoramas français. En effet, une centrale nucléaire est tout aussi dommageable, parfois plus pour certains, sur nos paysages qu’un champ d’éoliennes. Ceux qui ont déjà emprunté la vallée du Rhône peuvent témoigner que les centrales de Cruas ou du Tricastin ne valorisent pas cette belle vallée.
Nous souhaitons donc, avec cet amendement, que les conseils municipaux des communes visuellement touchées par les nouvelles centrales puissent accepter ou non cette dégradation de leur qualité de vie.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Dossus, Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 593-7 du code de l’environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’autorisation ne peut être délivrée qu’avec l’accord des conseils municipaux des communes situées dans le périmètre initial du plan particulier d’intervention de l’installation nucléaire de base, mentionné à l’article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure. »
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Cet amendement de repli a pour objet la mise en place d’un périmètre qui a peut-être davantage de sens dans le cadre du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Nous souhaitons que le droit de veto s’applique aux communes situées dans un périmètre de vingt kilomètres autour d’une centrale, ce qui correspond au périmètre du plan particulier d’intervention dans lequel sont prévues un certain nombre de mesures relatives au système d’alerte en cas d’incident ou à la distribution de pastilles d’iode. C’est donc plus cohérent.
Si les communes et leurs habitants sont touchés par ces mesures, il nous semble raisonnable que les conseils municipaux aient leur mot à dire. Cette proposition fait écho aux vœux exprimés aujourd’hui par le président Gérard Larcher, qui souhaitait plus de liberté et de simplicité pour nos territoires.
M. Jean-Marc Boyer. Et le ZAN ?
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Dantec, Salmon, Labbé, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 593-7 du code de l’environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’autorisation ne peut être délivrée qu’avec l’accord du conseil municipal de la commune d’implantation d’une installation nucléaire de base. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Il ne s’agit pas vraiment d’un amendement de repli. Vous connaissez ma modération et ma volonté de rechercher le consensus… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Je prie Thomas Dossus de m’en excuser, mais j’estime que les deux amendements précédents sont quelque peu maximalistes et pourraient jouer sur les oppositions entre communes : bref, on ne s’en sortirait pas !
En revanche, il est évident qu’il faut demander son avis à la commune d’accueil. Le rapporteur a largement insisté dans la discussion générale sur le fait qu’il intégrait le développement du nucléaire dans une logique de décentralisation. Sans l’accord de la commune, les choses vont très mal se passer !
Demander l’accord des communes me paraît indispensable dans le cadre de la démocratie locale, dont nous avons évidemment besoin et que nous défendons tous ardemment sur ces travées. Chers collègues de la majorité sénatoriale, lors de l’examen du projet de loi EnR, vous avez su trouver les mots pour défendre vos amendements – malheureusement sans totalement convaincre. Nous les avons entendus et cela nous a permis de progresser.
Il n’y a pas que cela qui nous fait progresser : il faut aussi tenir compte de l’expérience.
Je viens d’une région où beaucoup de projets similaires – centrales nucléaires, extensions de ports, aéroports… – ont échoué ; à chaque fois, le conseil municipal s’y était opposé. Par conséquent, plutôt que de laisser l’État se fatiguer, s’époumoner et mobiliser des moyens importants pour essayer d’imposer des projets qui ne se font pas, il me semble plus sage de demander en amont son avis au conseil municipal et de ne pas revenir dessus s’il est défavorable. Faute de quoi, nous continuerons de perdre beaucoup d’énergie et d’argent public. Or le sénat est extrêmement sensible à l’économie des moyens publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ces trois amendements visent à solliciter l’avis des élus communaux ou intercommunaux.
Je peux déjà vous rassurer : nous avons auditionné l’ensemble des élus concernés et tous attendent ces nouveaux projets avec impatience. (MM. Ronan Dantec et Guy Benarroche protestent et réclament la liste de ces élus.) En termes de liste, il s’agirait plutôt d’une liste d’attente, mes chers collègues ! C’est important de le souligner ! (M. Ronan Dantec s’exclame.)
La rédaction proposée introduirait de l’ambiguïté dans le périmètre d’application et conduirait à privilégier certaines communes par rapport à d’autres, ce qui pose problème. J’y insiste, loin d’être vu comme un frein, ce texte suscite l’intérêt des élus.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de ces trois amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il y a quelque chose de piquant à entendre le groupe qui a plaidé contre le veto des maires lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables demander qu’on l’introduise dans ce texte par souci de cohérence.
Dans un même souci de cohérence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Comme vient de le souligner Mme la ministre, il s’agit d’une sorte de cohérence à front renversé !
L’argumentation de M. Dantec est assez remarquable.
M. Ronan Dantec. Absolument !
M. Stéphane Piednoir. Toutefois, elle est incomplète. Or une démonstration incomplète est une mauvaise démonstration !
Si j’ai bien compris, ce projet de loi ne concerne que les implantations sur des sites existants ou dans le périmètre de sites existants. C’est une différence par rapport aux projets d’énergies renouvelables, par exemple, localisés sur de nouveaux sites et consommant du foncier.
Nous avons un accord tacite, puisque des sites qui accueillent aujourd’hui des réacteurs ont été dimensionnés. Céline Brulin évoquait voilà quelques instants le site de Penly, qui est prêt à recevoir un réacteur en l’état, sans aucun aménagement supplémentaire. La situation est donc quelque peu différente.
Il me semblait important d’apporter cette précision pour que les débats soient parfaitement clairs. (M. Philippe Mouiller applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je veux rendre hommage à Mme la ministre, qui défend une position cohérente sur les deux sujets, tout comme sur la question de l’intérêt public majeur.
Mais je veux surtout remercier notre collègue Piednoir pour ses précisions extraordinairement intéressantes. Nous savons en effet que nous ne pourrons plus installer de réacteurs, notamment les plus puissants, au bord des fleuves et des rivières en raison du réchauffement climatique – il n’est qu’à voir ce qui s’est passé cet été pour le comprendre. Or si les seuls sites concernés sont ceux qui existent déjà, il ne reste que peu de possibilités, et il sera impossible d’en réaliser douze !
J’adresse donc un grand merci à M. Piednoir, qui vient, à travers cette précision, de diviser par deux, en quelques secondes, le nombre de nouveaux réacteurs EPR 2 que nous pourrons construire en France – preuve que le débat parlementaire sert toujours à quelque chose !
M. Philippe Mouiller. Ce n’est même pas drôle !
M. Ronan Dantec. Nous sommes en train d’avancer assez sensiblement et assez rapidement !
Par ailleurs, il sera intéressant de prendre connaissance de la liste, qui doit être rendue publique, des auditions menées par le rapporteur Gremillet pour savoir quels sites sont favorables à ces projets. Je ne suis pas sûr qu’il en ait trouvé autant que nécessaire pour installer des centrales nucléaires en nombre suffisant.
M. le président. L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent I, ne peut être délivrée que si l’installation projetée n’est pas située dans une zone inondable ou ayant subi des inondations ou des submersions marines, telles que définies à l’article L. 566-1. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. De nombreux territoires français sont menacés par un risque d’inondation ou de submersion marine. Dans l’estuaire de la Gironde, le trait de côte pourrait reculer de 479 mètres, selon les projections du Giec.
Les conséquences sur nos installations nucléaires seraient majeures. En Gironde, lors de la tempête Martin, en 1999, nous avons toutes et tous pris conscience de cette menace. La centrale nucléaire du Blayais fut inondée et nous avons frôlé la catastrophe : les vagues sont passées au-dessus de la digue, pourtant dimensionnée sur une surcote millénale et sur un coefficient de marée de 120. L’inondation a endommagé le système de refroidissement et deux réacteurs ont été arrêtés en urgence. Je pense que personne ici ne souhaite revivre un tel événement.
Ainsi, mes chers collègues, l’amendement que je vous propose d’adopter fait appel à votre bon sens : n’installons pas un réacteur nucléaire sur une zone vulnérable aux inondations et aux submersions marines.
La catastrophe du Blayais a démontré notre incapacité à anticiper les conséquences des événements météorologiques majeurs. Cela est d’autant plus vrai que les modèles employés pour estimer ces risques comportent des failles et que les conséquences du dérèglement climatique demeurent imprévisibles.
Au cours du siècle, la fréquence et l’intensité des catastrophes climatiques ne cesseront d’augmenter. Selon le Giec, la commune de Braud-et-Saint-Louis, où est implantée la centrale nucléaire du Blayais, devrait être régulièrement submergée.
Par cet amendement, il s’agit tout simplement d’assurer la sûreté de notre parc nucléaire et la sécurité de nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je voudrais d’abord préciser à M. Dantec que les auditions étaient librement accessibles et qu’un membre de son groupe a assisté à plusieurs d’entre elles.
Cet amendement a trait à un véritable sujet. J’ai d’ailleurs souligné, lors de mon intervention en discussion générale, que nous avions décidé d’intégrer la résilience au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs, qu’il s’agisse des installations situées en bord de mer ou à l’intérieur des terres. Ce contexte nouveau doit être intégré aux réflexions.
Votre demande est largement satisfaite, madame de Marco : l’interdiction de la délivrance de l’autorisation de création de réacteurs dans des zones soumises aux inondations ou aux submersions ne me paraît pas utile dans la mesure où la démonstration de sûreté prévoit déjà une étude complète des risques.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par MM. Dantec, Salmon, Labbé, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 593-7 du code de l’environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’autorisation ne peut être délivrée que si l’installation nucléaire de base et les projets de réacteurs électronucléaires, y compris les petits réacteurs modulaires, sont installés à une distance minimale de 40 kilomètres des côtes sur le territoire terrestre et maritime. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Contrairement aux apparences, cet amendement ne résulte pas de nos débats sur les énergies renouvelables. Certains pourraient l’interpréter comme une proposition potache, qui nuirait à mon image empreinte de froideur technocratique (Sourires.), mais ce n’est pas du tout le cas.
Cet amendement s’inscrit dans la continuité du précédent : les centrales nucléaires sur les rivières, c’est fini – eau trop chaude, débits trop aléatoires… – ; le Blayais, c’est extrêmement dangereux à cause des tempêtes tropicales dans le golfe de Gascogne – nous sommes d’ailleurs passés extrêmement près de la catastrophe en 1999.
Il ne reste donc que quatre sites, trois en Normandie et un dans le Nord – Flamanville, Gravelines, Paluel et Penly. Or il ne sera pas possible d’y installer l’ensemble des réacteurs prévus. Il faudra donc en implanter en mer. Les Russes ont déjà des centrales flottantes. Notre technologie progresse en ce domaine, mais vous le savez déjà, mes chers collègues, car je sais combien vous soutenez nos progrès technologiques en matière nucléaire.
Après le projet Flexblue, qui a quelque peu sombré, nous avons le projet Nuward et beaucoup d’autres encore.
En ce qui concerne Flexblue, il faut dire que les trois quarts de la chaleur produite étaient dispersés dans l’eau de mer, ce qui était problématique et empêchait son implantation près des côtes pour ne pas nuire à l’activité ostréicole, à laquelle nous sommes très sensibles.
En outre, j’ai aussi bien compris que Franck Louvrier se faisait le défenseur de la valeur des résidences secondaires de La Baule : la seule vision d’un mât d’éolienne étant déjà insupportable à ses yeux, quid d’une centrale nucléaire éclairée la nuit et visible de tous les résidents secondaires de cette station balnéaire ? C’est inenvisageable au regard de la perte de valeur gigantesque qui en résulterait ! (Mme Dominique Estrosi Sassone s’exclame.)
Il importe donc de voter cet amendement de bon sens, qui vise à éloigner l’implantation des centrales nucléaires à plus de quarante kilomètres des côtes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement aurait davantage eu sa place dans l’article 3. Toutefois, cela ne change rien : cette disposition, dont la rédaction demeure très floue, est complètement inadaptée.
La commission des affaires économiques a voté un amendement visant à établir le principe d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur les sites retenus. Un débat aura donc bien lieu sur ce sujet, dès lors que le Gouvernement nous aura fait part de ses intentions.
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 18, présenté par MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les nouveaux réacteurs électronucléaires ne peuvent être construits sur les rives d’un fleuve dont les risques d’étiage trop bas dans les 50 ans à venir sont avérés en raison du dérèglement climatique.
La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. Madame la ministre, j’espère, avec cet amendement, connaître enfin le même succès que mon collègue Buis. (Sourires.)
Notre rapporteur a rappelé voilà quelques instants combien il était important de veiller à l’enjeu climatique, devenu essentiel.
Nous venons de vivre un été avec des baisses d’étiage considérables. À ma connaissance, il n’existe qu’une seule étude de grande ampleur, portant sur le Rhône et couvrant une période de dix ans après la canicule de 2003. En revanche, plusieurs études du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et d’autres acteurs annoncent des baisses des débits d’étiage de 20 % à 40 % dans les vingt ans qui viennent.
Vous allez sans doute décider de construire – j’ai compris que la majorité sénatoriale poussait assez largement en ce sens – des réacteurs qui seront livrés dans vingt ans – mettons quinze ans pour faire plaisir à tout le monde, peu importe – et qui auront une durée de vie de soixante ans.
Qui sait ce que seront les conditions climatiques et les niveaux de débit des fleuves dans quatre-vingts ans ? Cette question ne peut être prise à la légère.
Mon amendement est simple : il vise à prévoir des études scientifiques préalables obligatoires afin d’estimer les évolutions de ces débits d’étiage.
Il n’existe en effet aucune garantie en matière de sûreté : soit nous aurons recours à de l’intermittence nucléaire, parce qu’il faudra couper les centrales, soit nous accepterons, par dérogation, comme nous l’avons déjà fait cet été, de rejeter dans les fleuves des eaux trop chaudes, au mépris des règles de protection de la biodiversité à laquelle Mme la ministre est, je l’imagine, sensible.
Le minimum, c’est de se renseigner et de permettre à la science d’éclairer le débat. À défaut, nous risquons de construire des centrales nucléaires dont la capacité de production électrique sera mise à mal par la baisse des débits d’étiage, sans parler des conflits d’usage qui pourront en résulter. Il me semble donc indispensable que ces études scientifiques soient réalisées en amont des décisions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Monsieur Breuiller, votre amendement est déjà satisfait, puisque nous avons introduit le critère de la résilience des réacteurs au changement climatique.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je le confirme, cet amendement est déjà satisfait. Cette question fait notamment l’objet des travaux de l’ASN.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Je tenais à apporter clairement mon soutien à l’amendement n° 18, défendu par nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, qui vise à garantir que les nouveaux projets de réacteurs électronucléaires ne soient pas réalisés à proximité des fleuves dont le niveau d’étiage est menacé.
En effet, la question de la ressource en eau, indispensable au fonctionnement des centrales nucléaires, mérite d’être clairement posée avant même d’engager de nouvelles constructions.
Dans mon département, on constate depuis de nombreuses années une baisse particulièrement inquiétante de la Loire, avec des débits jamais atteints en plus de quarante ans enregistrés l’été dernier.
La problématique est la même pour le Rhône. J’ai eu l’occasion d’échanger avec des responsables de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), qui m’ont fait part de leurs inquiétudes.
Lors des derniers épisodes de sécheresse, les pouvoirs publics ont choisi d’accorder de multiples dérogations en matière de rejets d’eau chaude dans les fleuves. Ces réponses administratives ne sont que des contournements qui permettent d’éviter soigneusement de se poser les bonnes questions sur la gestion de l’eau, sur les conflits d’usage et sur la préservation de la biodiversité en amont et en aval.
En outre, au regard des quantités d’eau utilisées par nos centrales et des fortes restrictions imposées, dans le même temps, aux agriculteurs, aux particuliers et aux professionnels, on comprend que des tensions puissent émerger localement.
Les épisodes extrêmes de sécheresse sont la preuve que le nucléaire est aussi vulnérable au changement climatique. Ainsi, mes chers collègues, à titre personnel, je voterai en faveur de cet amendement de bon sens.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous allons voter contre l’ensemble des amendements visant à insérer un article additionnel.
Nous n’avons jamais été pour le droit de veto. Nous restons donc cohérents : de même que nous avons refusé de suivre la droite sénatoriale lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, nous refusons aujourd’hui d’instaurer un droit de veto sur le nucléaire.
Les écologistes jouent à un petit jeu qui consiste à reprendre l’ensemble des amendements soutenus par la droite – quarante kilomètres, monuments historiques… Peu importe, nous ne partageons pas ces propositions.
Toutefois, la question de l’eau est à part. Nous avons défendu un amendement auquel M. le rapporteur et Mme la ministre ont déjà apporté une réponse. Jusqu’à présent, il s’agissait de projections datées ; désormais, ce sont des projections d’avenir. Or nous partageons la même préoccupation d’un débat le plus éclairé possible concernant les sites où seront placées ces installations. Il est essentiel de s’appuyer sur la science et sur les projections disponibles pour les trente, quarante, cinquante, peut-être même quatre-vingts ans à venir, en tenant compte des conflits d’usage et d’une baisse d’étiage.
Pour le coup, nous partageons les mêmes interrogations que vous. Nous avons défendu notre propre amendement sur la question de l’eau ; nous allons donc soutenir celui-ci, même s’il s’agit d’un amendement d’appel.
Vous nous dites qu’il est satisfait, mais il me semble nécessaire de disposer, lors de l’examen de la programmation pluriannuelle de l’énergie, des éléments d’information les plus concrets et solides possible, susceptibles d’évoluer par la suite. Pourquoi ne pas retenir trois premiers sites et opter ensuite pour l’un d’entre eux ?
Nous soutiendrons donc cet amendement n° 18, mais pas le suivant.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Compte tenu de l’enjeu de la problématique de l’eau, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement est essentiel, quelle que soit la position de chacun sur le nucléaire.
Le Président de la République s’est demandé « qui aurait pu prédire ». Attendrons-nous 2050 pour prononcer de nouveau la même phrase ?
À un moment donné, il est nécessaire de regarder la réalité en face. Nous disposons d’études scientifiques plutôt sérieuses, voire très sérieuses. Il est temps de revenir du pays de Oui-Oui pour adopter des positions plus pragmatiques et scientifiques.
Ces études très sérieuses, qui s’affinent semaine après semaine, nous annoncent une baisse des débits moyens dans les prochaines décennies. Celle-ci devrait atteindre a minima 10 % à 40 % pour le Rhône. Cette baisse est énorme au regard du débit de ce fleuve qui pourrait ainsi descendre au niveau actuel de celui de la Saône !
Cette situation pose problème pour le fonctionnement des futurs EPR. Or, si nous conservons le même rythme, la construction de ces réacteurs ne sera pas achevée avant vingt ou trente ans – nous ne le savons pas exactement, puisque celui de Flamanville n’est toujours pas en fonctionnement… Il s’agit donc de projets à l’horizon 2050. Faut-il se lancer dans la construction d’installations à l’horizon 2050, alors que des études très précises nous alertent sur ce qui risque d’arriver ?
Il est un autre signal assez fort : 80 % des glaciers mondiaux disparaîtront dans les prochaines décennies. En France, il n’en restera que quelques-uns au-dessus de 3 600 mètres d’altitude, dans les Alpes. Les conséquences sur les ressources en eau seront donc importantes.
Si nous ne nous posons pas cette question, nous allons droit dans le mur !
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Dantec, Salmon, Labbé, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 2 de la section 6 du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement est complétée par un article L. 181-28-… ainsi rédigé :
« Art. L. 181-28-…. – Les installations nucléaires de base énumérées à l’article L. 593-2 du présent code, en application du II de l’article L. 122-1 du même code ne peuvent être implantées que sur avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France, dans les conditions prévues à l’article L. 632-2 du code du patrimoine lorsque :
« 1° Elles sont visibles depuis un immeuble protégé au titre des monuments historiques en application des articles L. 621-1 et L. 621-25 du même code ou visibles en même temps que lui et situées dans un périmètre de dix kilomètres autour de ce monument ;
« 2° Elles sont visibles depuis un site patrimonial remarquable mentionné à l’article L. 631-1 dudit code ou visibles en même temps que lui et situées dans un périmètre de dix kilomètres autour de ce site. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Nous venons d’assister, après l’examen d’amendements que certains ont jugé quelque peu provocateurs, à une séquence extrêmement intéressante.
Nous terminons cette discussion sur le fait que seuls quatre sites en France, dont celui du Blayais, pourtant exposé à des risques de tempête cyclonique, peuvent accueillir de nouveaux réacteurs. Or cette situation ne correspond nullement à la stratégie présentée. Et nous allons tout de même tenter de construire nos fameux SMR, alors que nous n’avons pas encore le premier de la série et que nous ignorons jusqu’au coût de production du mégawattheure !
Cet amendement, qui avait trouvé une majorité au Sénat, à l’inverse des deux amendements précédents, même si je respecte la cohérence des positions du groupe communiste républicain citoyen et écologiste que Fabien Gay a exposée, vise à préciser que l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France (ABF) est nécessaire avant d’entamer la construction des SMR, qui sont assez volumineux. Il s’agit tout de même d’un minimum !
Cet amendement devrait faire consensus après l’intervention extrêmement volontariste de la rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, que je salue tout particulièrement, et qui votera certainement en faveur de cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cette disposition est contraire à la fois à l’article 3 du projet de loi, qui a dispensé de permis de construire les projets de réacteurs, et au droit existant, qui garantit la prééminence de la compétence de l’État.
Enfin, elle va à l’opposé de ce que nous souhaitons réaliser en termes de sécurité. Cette disposition conduirait en effet à la divulgation aux ABF d’éléments critiques pour les réacteurs nucléaires.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pardonnez-moi, monsieur Dantec, mais il faut tout de même faire preuve de cohérence entre le projet de loi EnR et celui-ci.
Vous avez défendu un certain équilibre concernant les prérogatives des architectes des Bâtiments de France, qui ont certes vocation à intervenir en continuité patrimoniale, c’est-à-dire à 500 mètres, mais pas à dix kilomètres ! Cette disposition me semble donc un peu curieuse…
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. La pédagogie étant l’art de la répétition, je vais me répéter pour M. Dantec. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Encore une fois, ce texte concerne les installations sur les sites existants ou à proximité. Je crois comprendre que vous avez identifié, dans le périmètre de ces sites, des monuments historiques. C’est tout du moins le sens de votre amendement, puisque vous proposez de repousser la limite d’implantation au-delà de dix kilomètres de distance des monuments historiques. Je ne les connais pas tous parfaitement, mais je ne vois pas à quel site nucléaire cette disposition pourrait s’appliquer…
En ce qui concerne les SMR, je relève une certaine méconnaissance de votre part : il s’agit de modules – si je puis dire – qui peuvent être enterrés. La question de la « visibilité » ne me semble donc pas tout à fait pertinente. (MM. Guy Benarroche et Ronan Dantec ironisent.) Je pense notamment aux deux fois 170 mégawatts du projet Nuward, qui seront produits par des modules ayant vocation à être enterrés.
Encore une fois, cet amendement est hors sujet au regard du périmètre de ce texte.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 6 rectifié quater est présenté par MM. Menonville, Médevielle, Guerriau et Grand, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Chasseing, Longeot et Kern, Mme Paoli-Gagin et MM. A. Marc, Moga, Wattebled, Malhuret, Verzelen et Capus.
L’amendement n° 9 rectifié bis est présenté par MM. Piednoir et Longuet, Mme Deroche, MM. D. Laurent et Charon, Mme Lassarade, M. Paccaud, Mme Belrhiti, MM. Calvet et Burgoa, Mme Gosselin, MM. Sautarel et Bouchet, Mme de Cidrac, M. Anglars, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cardoux, Brisson, Bascher et Savin, Mme Garnier, MM. Favreau, Pointereau, E. Blanc et Belin, Mmes L. Darcos, Muller-Bronn, Ventalon et Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy et Somon, Mme Procaccia et M. Grosperrin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 311-5-6 du code de l’énergie, les deux occurrences du mot : « dix-huit » sont remplacées par le mot : « douze ».
La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié quater.
M. Franck Menonville. Cet amendement de simplification tend à réduire de dix-huit à douze mois la durée d’instruction d’une demande d’autorisation d’exploiter une nouvelle installation nucléaire.
Il s’agit d’adapter les délais d’autorisation pour plus de cohérence avec l’objectif d’accélération porté par le texte.
Un délai d’instruction de douze mois semble raisonnable, tout en permettant un gain de temps non négligeable.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié bis.
M. Stéphane Piednoir. Cet amendement a été parfaitement défendu par mon collègue.
Il s’agit, comme l’a demandé Mme la ministre voilà quelques instants, de garder le pied sur l’accélérateur.
M. le président. L’amendement n° 29 rectifié ter, présenté par Mme Férat, M. Moga, Mme Loisier, M. Louault, Mmes Gacquerre et Ract-Madoux, M. Chauvet et Mme Létard, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 311-5-6 du code de l’énergie, les deux occurrences du mot : « dix-huit » sont remplacées par le mot : « quinze ».
La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Réduire de 20 % à 30 % le temps d’instruction va à l’inverse de ce que je souhaite, à savoir simplifier, certes, mais aussi sécuriser.
Une telle réduction irait trop loin et aurait des conséquences directes en termes de sûreté. Je tiens également à souligner qu’aucun de nos interlocuteurs n’a formulé cette demande.
Je comprends le sens de ces amendements, mais je souhaite que nous conservions un esprit favorisant la sécurité, qui doit être un élément déterminant. Pour ces raisons, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La rédaction du texte initial, et c’est la faute du Gouvernement, n’était peut-être pas très claire.
Vous proposez de réduire de dix-huit à douze mois le délai minimal entre le dépôt de la demande d’autorisation d’exploiter un réacteur, au titre du code de l’énergie, et sa mise en service. Or le droit applicable vise à imposer que l’exploitant dépose son dossier de demande d’autorisation d’exploiter au moins dix-huit mois avant la date maximale de mise en service du réacteur.
En réalité, il s’agit d’une anticipation : plus vous fixez un délai qui l’oblige à être en conformité et à pouvoir obtenir son autorisation d’exploiter, plus vous engagez le projet sur un chemin critique.
L’adoption de votre amendement aurait un effet contre-productif en ce qu’il laisserait moins de temps entre l’obtention de l’autorisation de démarrer et le dépôt du dossier.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
M. le président. Monsieur Menonville, l’amendement n° 6 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Franck Menonville. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié quater est retiré.
Monsieur Piednoir, l’amendement n° 9 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Stéphane Piednoir. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié bis est retiré.
Monsieur Moga, l’amendement n° 29 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Moga. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 29 rectifié ter est retiré.
Article 5
Les constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à la construction, au sens du deuxième alinéa du I de l’article 2 de la présente loi, d’un réacteur électronucléaire, prévus à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante mentionnée à l’article 1er de la présente loi, ne sont pas soumis au chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme.
À titre exceptionnel, les ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d’électricité liés à la construction, au sens du deuxième alinéa du I de l’article 2 de la présente loi, d’un réacteur électronucléaire peuvent être autorisés, par dérogation au chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme, par le représentant de l’État dans le département après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. L’autorisation est justifiée par un bilan technique, financier et environnemental.
Dans la bande littorale définie aux articles L. 121-16 et L. 121-45 du même code, dans les espaces identifiés comme remarquables ou caractéristiques et dans les milieux identifiés comme nécessaires au maintien des équilibres biologiques en application de l’article L. 121-23 dudit code, l’autorisation ne peut être accordée pour le passage de lignes électriques que lorsque leur localisation répond à une nécessité technique impérative démontrée. L’autorisation est refusée si le projet est de nature à porter une atteinte excessive aux sites et paysages remarquables ou caractéristiques ou aux espaces et aux milieux à préserver mentionnés au même article L. 121-23.
M. le président. L’amendement n° 36, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet article prévoit une dérogation générale à l’application de la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite Littoral, qui constitue pourtant la meilleure illustration de la conciliation qu’il est possible d’opérer entre les intérêts liés, d’une part, au développement économique et à l’aménagement du territoire, d’autre part, à la protection et à la mise en valeur de l’environnement.
Le dispositif de cet article, contrairement aux dérogations très encadrées, actées dans le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables, n’est pas une dérogation ponctuelle, assortie de conditions de procédure et de fond destinées à en encadrer l’usage, mais bien une dérogation de portée générale, même si son objet est limité aux nouvelles installations nucléaires implantées en continuité des sites existants.
Le texte de la commission élargit la dérogation aux ouvrages de raccordement. Même si le dispositif est davantage encadré, la dérogation générale est toujours bien présente.
Une dérogation, qui rompt brutalement l’équilibre des droits, porte également une atteinte disproportionnée à l’article 1er de la Charte de l’environnement, dès lors que, comme l’a récemment rappelé le Conseil constitutionnel, « la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ». Les dérogations aux règles environnementales ne sauraient s’appliquer que dans des circonstances exceptionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 105 rectifié, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, M. Lemoyne, Mme Havet, MM. Marchand, Dagbert et Dennemont, Mme Phinera-Horth, M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après les mots :
d’un réacteur électronucléaire,
insérer les mots :
ainsi que leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d’électricité,
II. – Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Notre amendement de rétablissement du texte initial tend à supprimer les dispositions soumettant à autorisation les ouvrages de raccordement.
Ce dispositif, issu des travaux de la commission, alourdirait les procédures et retarderait l’autorisation de nouvelles installations électronucléaires, ce qui est contraire aux objectifs du projet de loi.
M. le président. L’amendement n° 127, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
1° Après le mot :
électronucléaire
insérer les mots :
mentionné à l’article 1er de la présente loi
2° Remplacer les mots :
à l’article 1er de la présente loi
par les mots :
au même article 1er
II. – Alinéa 2
Après le mot :
électronucléaire
insérer les mots :
défini au premier alinéa du présent article
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Par cet amendement, la commission entend donner une préférence à l’enfouissement et favoriser les avancées technologiques.
Il est compliqué d’enterrer des lignes de 400 000 volts, raison pour laquelle nous voulons inciter à l’innovation.
M. le président. L’amendement n° 128, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les lignes électriques sont réalisées en souterrain, sauf à démontrer que l’enfouissement s’avère plus dommageable pour l’environnement, techniquement excessivement complexe ou financièrement disproportionné par rapport au passage en aérien. Lors de la demande d’autorisation mentionnée au deuxième alinéa du présent article, la démonstration du gestionnaire du réseau public de transport d’électricité tient compte des évolutions technologiques ou d’autres circonstances susceptibles d’en modifier le contenu.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 105 rectifié.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’amendement n° 128 tend à apporter des précisions rédactionnelles et à prévoir plusieurs coordinations juridiques.
L’amendement n° 105 rectifié tend à rétablir l’article 5 dans sa rédaction initiale, en supprimant les modifications apportées en commission. J’y suis par conséquent défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement est quant à lui favorable à l’amendement n° 105 rectifié.
Le projet de loi prévoyait initialement de dispenser de l’application de la loi Littoral les réacteurs nucléaires et leurs ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité.
Il s’agit d’installations compactes, en proximité des sites, qui n’ont rien à voir avec les raccordements proposés dans le cadre de la loi EnR. Nous parlons effectivement de six paires d’EPR déjà équipés d’installations de raccordement et de la possibilité de faire monter en puissance ces installations déjà situées sur des zones artificialisées.
Sous cet angle, une procédure d’accélération paraît naturelle : c’est le sens du texte et, me semble-t-il, une position soutenue par beaucoup sur ces travées.
L’amendement n° 127, proposant une amélioration rédactionnelle, recueille également un avis favorable du Gouvernement.
S’agissant de l’amendement n° 128, le dispositif dérogatoire de l’article 5 ne s’applique qu’aux réacteurs nucléaires en bord de mer situés à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre de réacteurs existants. La dérogation est donc circonscrite, à ce stade, aux seuls sites de Penly et Gravelines, pour la première série, avec une paire de réacteurs qui pourrait s’ajouter ensuite en marge du dernier site.
Compte tenu du nombre extrêmement limité de lignes électriques concernées par le dispositif et du fait qu’il s’agit d’une montée en puissance relative d’installations déjà existantes, nous demandons le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. L’amendement n° 77 a été retiré.
Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
La concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire à la réalisation d’un projet de réacteur électronucléaire situé à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante mentionnée à l’article 1er de la présente loi et implantée en façade maritime et des ouvrages permettant le raccordement aux réseaux de transport d’électricité est, par dérogation à l’article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques, délivrée à l’issue de l’enquête publique prévue au dernier alinéa de l’article L. 2124-1 du même code.
La concession d’utilisation du domaine public maritime est accordée par décret en Conseil d’État sous réserve de l’engagement pris par l’exploitant de respecter un cahier des charges fixant notamment les conditions générales et particulières portant sur :
1° La durée de la concession d’utilisation du domaine public maritime, ses modalités de renouvellement ou de prorogation ainsi que ses modalités éventuelles de retrait, de révocation ou de résiliation ;
2° Les conditions financières encadrant la concession d’utilisation du domaine public maritime ;
3° Les conditions de remise en état des lieux et du rivage naturel de la mer en fin de concession ;
4° Les modalités de contrôle du respect par l’exploitant des conditions du cahier des charges ;
5° La prise en compte, en l’état des connaissances disponibles, des évolutions prévisibles du climat pour une durée représentative de la durée de vie envisageable des réacteurs électronucléaires ;
6° La prise en compte, en l’état des connaissances disponibles, de l’érosion côtière, des projections du recul du trait de côte à l’horizon de trente ans et à un horizon compris entre trente et cent ans ;
7° La prévention des risques littoraux, notamment ceux liés à la submersion marine, aux inondations et à l’élévation du niveau de la mer ;
8° La préservation des espaces et milieux mentionnés à l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme ;
9° La protection des espaces nécessaires au maintien ou au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes.
M. le président. L’amendement n° 89, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. La délivrance, à titre dérogatoire, de la concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires à proximité d’installations déjà situées en façade maritime à l’issue de l’enquête publique environnementale et sans déclaration d’utilité publique préalable ne nous semble pas justifiée.
La commission a ajouté la référence à l’érosion côtière dans le cahier des charges des conditions d’utilisation du domaine public maritime. Mais une simple mention de la prise en compte de l’érosion côtière dans le cahier des charges de l’exploitant ne saurait pallier une information en amont du lancement des projets de construction sur la vulnérabilité des infrastructures au changement climatique.
Cette vulnérabilité se manifestera de façon croissante du fait des bouleversements climatiques à venir, notamment avec la hausse du niveau de la mer pour les sites de Penly et Gravelines. Rien que dans l’estuaire de la Gironde, pour ce qui concerne Blayais, le trait de côte devrait reculer de 290 à 479 mètres, selon les projections du Giec. Les conséquences sur nos installations nucléaires seraient majeures.
Par ailleurs, la disposition est beaucoup trop floue. Elle devrait préciser le type de démonstrations que l’opérateur est censé réaliser sur l’érosion côtière et porter sur le cycle de vie de l’installation, réacteur par réacteur. Les différents retours d’expérience d’accidents nucléaires devraient être obligatoirement pris en compte.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission ne souhaite pas la suppression de l’article et émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mmes Belrhiti et Dumont, M. Burgoa, Mmes Joseph et Lassarade, M. Frassa, Mme Lopez, MM. Houpert, Klinger, C. Vial, Pellevat et Bansard et Mmes Renaud-Garabedian et Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
et des fleuves
La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. Parmi les centrales nucléaires déjà installées, seuls les réacteurs de Gravelines, Penly, Paluel, Flamanville et Le Blayais sont situés en zone littorale. Le reste des réacteurs, qui en constituent la majorité, se situent dans des zones fluviales, aux abords des grands fleuves. C’est notamment le cas des plus puissants réacteurs, comme ceux de Civaux ou Chooz, et d’importantes centrales, comme celle de Cattenom. Or les intempéries sont également susceptibles d’exposer ces sites à des crues, des inondations et d’autres risques liés au milieu aquatique.
Afin de sécuriser l’implantation et l’exploitation des nouveaux réacteurs, il apparaît donc nécessaire d’étendre, au sein du cahier des charges des concessions, la prévention des risques de submersion, inondation et des risques liés à l’élévation des eaux aux réacteurs situés dans ces zones.
Cet amendement vise donc à étendre, au sein du cahier des charges de la concession d’exploitation, la prévention des risques aux zones fluviales, sans préjudice des zones littorales déjà couvertes par le projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement étant satisfait, le Gouvernement en demande le retrait.
M. le président. L’amendement n° 64, présenté par MM. Devinaz, Houllegatte, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Blatrix Contat et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° La prise en compte des enjeux de préservation de la biodiversité et des écosystèmes.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Les travaux de la commission ont permis de préciser le contenu du cahier des charges relatif aux concessions d’utilisation du domaine public maritime qui seront accordées pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires dans les zones littorales.
Notre amendement tend à ajouter expressément les enjeux de préservation de la biodiversité et des écosystèmes à la liste des prescriptions s’imposant à l’exploitant.
Les abords des sites nucléaires peuvent en effet présenter des enjeux de biodiversité importants. Cette connaissance de la biodiversité permet une gestion différenciée sur les sites de production, afin de concilier les enjeux écologiques et les enjeux industriels. Il est donc judicieux de l’inscrire dans la loi, afin d’entraîner une préoccupation effective, voire une vigilance de l’administration sur ce point.
La prise en compte de la biodiversité constitue déjà un enjeu majeur. Elle le sera aussi pour l’intégration et l’acceptation par les populations de nouvelles installations nucléaires, au sein des territoires qui les accueillent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, déjà satisfait par les conditions fixées à l’alinéa 10 de l’article 6 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je partage l’avis du rapporteur. Cette proposition est déjà satisfaite par la loi et la réglementation en vigueur.
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par Mme de Marco, MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La concession d’utilisation du domaine public maritime mentionnée au premier alinéa, ne peut être délivrée que si l’installation projetée n’est pas située dans une zone inondable ou ayant subi des inondations ou des submersions marines, telles que définies à l’article L. 566-1 du code de l’environnement.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Au cours du siècle, la fréquence et l’intensité des catastrophes climatiques ne cesseront d’augmenter. Les inondations, les submersions marines se multiplieront et le trait de côte reculera dans de nombreux territoires. Il est primordial de tenir compte de cette réalité au moment d’autoriser l’utilisation du domaine public maritime pour nos nouvelles installations nucléaires.
Rappelons-nous l’inondation de la centrale nucléaire du Blayais, en Gironde, où les deux réacteurs ont été arrêtés d’urgence, à la suite d’un dysfonctionnement du système de refroidissement. Malgré la digue, les vagues sont entrées dans la centrale.
Dans ce contexte de multiplication à venir des événements climatiques majeurs, les modèles employés pour estimer ces risques comportent des failles et les conséquences du dérèglement climatique demeurent imprévisibles.
Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement visant à garantir la sûreté de notre parc nucléaire, en anticipant les futurs bouleversements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement qui s’inscrit dans la continuité de ses travaux afin d’accélérer, de façon responsable, sans entraver la construction de nouveaux réacteurs, la production d’électricité nucléaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
I. – La procédure prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique peut être appliquée, dans les conditions prévues par le même code, en vue de la prise de possession immédiate, par le bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique, de tous les immeubles bâtis ou non bâtis dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation :
1° D’installations ou d’aménagements directement liés à la préparation des travaux réalisés en vue de la création de réacteurs électronucléaires, mentionnés à l’article 1er de la présente loi ;
2° Des constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création de réacteurs électronucléaires, mentionnés au même article 1er.
I bis (nouveau). – Les articles L. 314-1 à L. 314-8 du code de l’urbanisme s’appliquent, le cas échéant, aux opérations réalisées en application du I du présent article.
II. – Les décrets pris sur avis conforme du Conseil d’État en application des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique sont publiés dans un délai de six ans à compter de la date de publication du décret en Conseil d’État déclarant d’utilité publique les projets de réacteurs électronucléaires, mentionnés à l’article 1er de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 44, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. En l’absence de précisions fines concernant les sites envisagés, le périmètre réel des futurs terrains des EPR 2 et le nombre de ces mêmes réacteurs, le bénéfice de prise de possession immédiate octroyé d’office à l’exploitant peut conduire à créer de l’insécurité juridique, et donc des contentieux.
Si des précisions ont été apportées en commission pour mieux cibler les travaux entrant dans le champ de la procédure d’extrême urgence et pour appliquer les mêmes garanties que celles qui sont prévues pour les autres procédures d’expropriation, nous considérons cette dérogation pour acquérir de manière forcée certaines propriétés privées disproportionnée et injustifiée.
Ce ne sont pas les procédures administratives ou les procédures contentieuses engagées contre les décisions prises qui sont à l’origine de l’important retard des chantiers EPR en France ; ce sont bien les capacités techniques de la filière du nucléaire. Une fois encore, on se trompe de cible, raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La procédure retenue est commune à plusieurs types de dossiers : elle est déjà utilisée pour le projet Iter, l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ou encore le Grand Paris. Strictement encadrée par notre commission, elle est essentielle pour accélérer la construction des réacteurs.
Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 115, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
le même code
par les mots :
ces articles
II. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
des articles L. 552-1 à L. 522-4
par les mots :
de l’article L. 552-1
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à simplifier et à alléger la rédaction de l’article 7.
Le travail en commission a conduit à introduire dans cet article des précisions, dont certaines, après analyse approfondie, peuvent induire un doute sur les dispositions juridiques applicables. Il est donc proposé de modifier la rédaction, afin de ne pas engendrer d’ambiguïté, tout en préservant l’objectif visé par la commission.
Nous proposons donc de faire référence, au premier alinéa, aux articles concernés, et non à l’intégralité du code ; d’éviter un effet d’a contrario lié à la citation de certaines dispositions du code de l’urbanisme, et pas d’autres ; de corriger une coquille dans la référence du décret pris sur avis conforme du Conseil d’État pour ne citer que l’article L. 522-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
M. le président. L’amendement n° 129, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après la seconde occurrence du mot :
code
insérer les mots :
et notamment les mêmes articles L. 522-1 à L. 522-4
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 115.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement tend à apporter une précision rédactionnelle afin de bien viser toutes les dispositions, conditions spécifiques comme garanties générales, du code mentionné au premier alinéa de l’article.
En revanche, l’adoption de l’amendement n° 115 du Gouvernement conduirait à retirer les garanties prévues en matière de relogement des habitants et d’indemnisation des commerçants et artisans. Or je souhaite maintenir le maximum de garanties pour renforcer la conformité de la procédure au cadre constitutionnel et conventionnel, notamment en matière de protection de la propriété privée.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de l’amendement n° 115, au profit de l’amendement n° 129.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Inversement, je demande le retrait de l’amendement n° 129 de la commission au profit de l’amendement du Gouvernement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. L’amendement n° 114, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
au même article 1er
par les mots :
à l’article premier de la présente loi, et des équipements et installations nécessaires à leur exploitation ainsi que des ouvrages permettant le raccordement aux réseaux de transport d’électricité
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement n° 114 vise à clarifier le champ d’application relatif aux mesures d’expropriation.
À la suite d’une suppression de la commission des affaires économiques, le Gouvernement souhaite mentionner les équipements et installations nécessaires à l’exploitation ainsi que les ouvrages permettant le raccordement aux réseaux de transport d’électricité pour les mesures d’expropriation avec prise de position immédiate.
L’accès au foncier est effectivement nécessaire pour garantir la faisabilité globale d’un projet et les réacteurs électronucléaires ne dérogent pas à cette règle. Je confirme que ces dispositions restent de dernier recours : ces mesures d’expropriation ne seront accordées que sous certaines conditions, qui feront d’ailleurs l’objet d’un avis conforme du Conseil d’État.
Cet amendement va dans le sens de l’objectif global de ce texte, qui consiste, je le rappelle, à accélérer et simplifier les procédures.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Nous avons souhaité, en commission, exclure du champ de la procédure d’expropriation d’extrême urgence les ouvrages liés au raccordement et au fonctionnement pour lesquels l’urgence n’est pas justifiée.
Réseau de transport d’électricité, RTE, a de plus précisé que, si des cas d’expropriation existent pour les postes, ils sont très rares pour les lignes, en raison des servitudes existantes.
C’est pourquoi l’amendement n° 114, dont l’objet est d’étendre la procédure d’expropriation d’extrême urgence aux ouvrages de raccordement et de fonctionnement, ne me paraît pas souhaitable. Je précise que ces ouvrages pourront toujours faire l’objet d’expropriation sur le fondement du droit commun.
La commission demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 7 bis (nouveau)
I. – Sans préjudice de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un acte relevant de la juridiction administrative, délivré en application du présent titre, à un projet de réacteur électronucléaire, mentionné à l’article 1er de la présente loi, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés :
1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’acte ou une partie de cet acte, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ;
2° Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un acte modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel acte modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.
II. – En cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’acte, le juge détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de l’acte non viciées.
III. – Le décret en Conseil d’État mentionné à l’article 8 de la présente loi détermine les modalités d’application du présent article.
IV. – Les I à III du présent article sont applicables aux recours formés à l’encontre de l’acte mentionné au I à compter de la publication de la présente loi. – (Adopté.)
Après l’article 7 bis
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par Mmes Belrhiti et Dumont, M. Burgoa, Mmes Joseph et Lassarade, M. Frassa, Mme Lopez, MM. Houpert, Klinger, C. Vial, Pellevat et Bansard et Mmes Renaud-Garabedian et Micouleau, est ainsi libellé :
Après l’article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les projets de réacteurs électronucléaires, y compris ceux de petits réacteurs modulaires, recourent de manière préférentielle à des méthodes de refroidissement en eau en circuit fermé.
Le cas échéant, le recours à une méthode de refroidissement en eau en circuit ouvert fait l’objet d’une obligation de motivation spéciale, eu égard aux circonstances d’installation et à l’impact environnemental de ce choix.
La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. Disposer d’eau en abondance est l’une des conditions du bon fonctionnement des centrales nucléaires, principalement pour évacuer la part d’énergie thermique non transformée en énergie mécanique.
Or ce besoin ne saurait se soustraire aux conditions d’une gestion vertueuse de nos ressources en eau, compte tenu de la raréfaction de cette ressource en raison du changement climatique, des épisodes de sécheresse et des tensions entre usages.
Le rapport sur l’avenir de l’eau produit par la délégation à la prospective du Sénat a souligné l’existence de deux moyens de refroidissement des réacteurs, l’un étant plus vertueux que l’autre.
Lorsque le réacteur est refroidi en circuit ouvert, le prélèvement en eau est très important. En aval du système de refroidissement, l’eau est restituée pratiquement en totalité au milieu, à une température supérieure à la température de l’eau lors de son prélèvement.
Lorsque le réacteur est refroidi en circuit fermé, le prélèvement en eau est beaucoup plus modeste, de l’ordre de trente fois moins que dans le système précédent. Il en découle un usage nettement plus vertueux de nos ressources en eau.
C’est donc cette méthode de refroidissement en circuit fermé qu’il faut favoriser par principe et par défaut.
Le présent amendement vise à introduire cette préférence pour les circuits fermés ainsi qu’une motivation spéciale et circonstanciée du choix éventuel d’un circuit ouvert pour refroidir les réacteurs des nouvelles installations nucléaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La mention d’une préférence pour les méthodes de refroidissement en circuit fermé ne me paraît pas souhaitable. Cela reviendrait à préférer une technologie par rapport à l’autre, au mépris du progrès technique. Par ailleurs, la disposition serait peu normative. Elle ne peut donc être conservée ni sur le fond ni sur la forme.
Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur.
Je précise que l’enjeu dépend de l’emplacement du projet : en bord de mer, le sujet du circuit ouvert ne se pose pas ; en bord de rivière, la réglementation prévoit déjà cette préférence, puisque, selon l’arrêté actuellement en vigueur, « la réfrigération en circuit ouvert par de l’eau douce provenant du milieu ambiant est interdite, sauf mention explicite dans le décret d’autorisation ».
M. le président. Madame Catherine Belrhiti, l’amendement n° 26 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Catherine Belrhiti. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 41 rectifié bis, présenté par MM. Somon et Paccaud, Mme Belrhiti, MM. Courtial, Burgoa, Bouchet, J.P. Vogel, Perrin et Rietmann et Mmes M. Mercier, Gosselin, Borchio Fontimp, Estrosi Sassone et Micouleau, est ainsi libellé :
Après l’article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement, présentant l’opportunité de mutualiser au niveau national les recettes fiscales liées au foncier des nouvelles centrales nucléaires, dans la mesure où ces dernières bénéficieront d’une enveloppe spécifique nationalisée au titre de l’objectif « Zéro artificialisation nette ».
La parole est à M. Laurent Somon.
M. Laurent Somon. Je voudrais mettre ce projet de loi en résonnance avec le rapport de la commission des finances sur l’application de la législation relative à l’objectif « zéro artificialisation nette », ce qui rejoint nos discussions sur l’article 3, mais sur un volet plus fiscal.
Cet amendement d’appel a pour objet une demande de rapport au Gouvernement – dont je sais le sort qui lui sera réservé – sur l’opportunité de mutualiser au niveau national les recettes fiscales, en tout cas une partie d’entre elles, liées à ces nouvelles centrales nucléaires.
Le projet de loi, tel qu’il a été amendé en commission, prévoit désormais la mutualisation nationale des surfaces foncières des centrales nucléaires, ce qui permet aux collectivités d’implantation des futurs réacteurs de ne pas être pénalisées au titre de leurs obligations ZAN.
Par souci d’équilibre, compte tenu des efforts de chacun des territoires, de chacune des régions, il paraîtrait logique que soient aussi mutualisées, pour partie, les recettes fiscales nouvelles – cotisation foncière des entreprises (CFE), imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (Ifer)… – liées aux futurs réacteurs, et ce en vue d’une redistribution.
S’il est parfaitement compréhensible que les centrales nucléaires constituent des projets d’intérêt national et que leur foncier mérite d’être mutualisé au titre de l’objectif ZAN, aussi est-il intuitif qu’une partie des recettes bénéficie à l’ensemble des collectivités territoriales et non aux seules collectivités d’implantation.
Je rappelle, à cet égard, qu’il est bien précisé, dans le rapport de la commission des finances précédemment cité, que la fiscalité locale est au cœur de la mise en œuvre du ZAN et donc de la consommation foncière des projets d’intérêts, en particulier nationaux.
Je rebondis également sur les propos précédemment tenus par mon collègue et confrère Ronan Dantec : oui, il est absolument nécessaire de redonner une définition de ce qui ressort de l’intérêt national, qu’il s’agisse d’infrastructures nucléaires, d’énergies renouvelables, ou même de transport d’électricité. Il faut voir comment on comptabilise tout cela et comment on répartit les recettes, d’où la nécessité d’éclaircir rapidement cette nomenclature.
En réponse à Mme Céline Brulin, je voudrais tout de même rappeler qu’il existe de grandes différences sur les aspects annexes des aménagements : une collectivité comme Paluel touche une fiscalité équivalant à 5 000 euros par habitant, contre 737 euros pour des collectivités de même strate.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La remise d’un rapport sur la mutualisation nationale des recettes tirées des projets de réacteurs n’est pas opportune.
Il est logique et souhaitable que les collectivités ou groupements d’implantation soient les premiers bénéficiaires de ces recettes fiscales. Par ailleurs, l’enveloppe nationalisée au titre de l’objectif zéro artificialisation nette, évoquée dans l’objet de l’amendement, n’existe pas encore. La modification est donc quelque peu prématurée, voire inadaptée dans le contexte actuel.
La commission demande le retrait de cet amendement n° 41 rectifié bis ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Pour notre part, nous voterons cet amendement.
Une question a été posée au moment de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et il me semble que nous ne sommes pas allés au bout de notre réflexion. Cette question est celle du partage de la valeur. Celle-ci doit-elle être individualisée ou, au contraire, rester solidaire et collective ? À quel moment déclenche-t-on le mécanisme ? Jusqu’où, à quelles zones l’étend-on ? Comment définit-on le territoire ? Limite-t-on celui-ci à la seule ville d’accueil ? Englobe-t-on les villes périphériques, celles qui vont être impactées ? Selon quelles limites ?
Tout cela constitue un vrai débat. Pour notre part, nous continuons de penser qu’il faut une redistribution au sein d’un territoire – faut-il le définir pour autant ? –, mais nous voulons aussi que l’on maintienne une péréquation tarifaire pour les usagers.
Cela fait donc beaucoup de points à aborder et si, comme les auteurs de l’amendement eux-mêmes le soulignent, le Sénat n’est pas toujours enclin à adopter des demandes de rapport, il y a là, pour le coup, une question soulevant un vrai débat de fond. Il ne semble pas que nous puissions aller au bout de l’échange uniquement dans le cadre d’un débat d’hémicycle. C’est pourquoi nous soutiendrons cette demande de rapport.
Peut-être serons-nous in fine en désaccord avec notre collègue Laurent Somon sur les modalités de calcul, mais ce sujet mérite amplement d’être fouillé, approfondi et débattu.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.) – (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7 bis.
Article 8
Les conditions d’application du présent titre sont précisées par décret en Conseil d’État. – (Adopté.)
TITRE II
MESURES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE EXISTANTES
Avant l’article 9
M. le président. L’amendement n° 65, présenté par MM. Devinaz, Houllegatte, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Blatrix Contat et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dès la promulgation de la présente loi, le Gouvernement engage, en s’appuyant sur les moyens des services internes du ministère de la transition énergétique, un audit recensant les besoins prévisionnels en emplois de l’Autorité de sûreté nucléaire pour faire face à la relance du nucléaire dans un contexte marqué par des aléas et événements incertains.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est assuré par l’Autorité de sûreté nucléaire, qui bénéficie d’un appui technique de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Or, depuis plusieurs années, l’ASN a vu sa charge de travail augmenter très fortement.
Aux dossiers d’instruction classique se sont ajoutées de nouvelles demandes d’instruction autour des problématiques de prolongation des centrales nucléaires, démantèlement, saturation des piscines de stockage ou phénomènes de corrosion.
L’ASN et l’IRSN auront-ils suffisamment de moyens pour lancer de nouvelles études face à de nouveaux phénomènes imprévisibles, de nouvelles agressions naturelles, sans oublier les risques de cyberattaques ou les risques géopolitiques ?
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons qu’un audit recensant les besoins prévisionnels de l’ASN et de l’IRSN soit engagé, pour faire face à l’éventuelle relance du nucléaire dans un contexte marqué par l’incertitude. Cet audit s’appuiera sur les moyens techniques et humains du ministère de la transition énergétique, raison pour laquelle il n’est pas utile de gager l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le recensement des besoins humains de l’ASN me paraît fondé. Il est conforme à la position de notre commission, qui a entendu simplifier et sécuriser au maximum : pour ce faire, il faut des moyens humains.
J’ajoute que la consolidation des moyens financiers ou humains de l’ASN figurait dans les préconisations de la mission d’information sénatoriale transpartisane.
La commission s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement s’en remet également à la sagesse de la Haute Assemblée. La sûreté nucléaire est une priorité absolue pour nous.
M. Fabien Gay. Ah bon ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous veillons à ce que les moyens de l’ASN et de l’IRSN soient à la hauteur des enjeux.
Les deux structures ont été dotées de moyens renforcés dans le cadre des lois récentes. L’ASN, en particulier, s’est vue attribuer cinq emplois supplémentaires en 2022, après une hausse de seize emplois depuis 2018 et de cinquante-six emplois depuis 2014 ; elle gagnera encore six équivalents temps plein en 2023.
Cette adaptation à la charge donne satisfaction. Toutefois, la production d’un tel rapport ne me semble pas contribuer négativement à l’objectif du présent projet de loi – je dirai même au contraire, dans la mesure où l’ASN fera face à des activités croissantes à l’avenir.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 9.
Article 9
L’article L. 593-19 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 593-19. – L’exploitant adresse à l’Autorité de sûreté nucléaire et au ministre chargé de la sûreté nucléaire un rapport comportant les conclusions de l’examen prévu à l’article L. 593-18 et, le cas échéant, les dispositions qu’il envisage de prendre pour remédier aux anomalies constatées ou pour améliorer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1.
« Pour les réexamens au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d’un réacteur électronucléaire, le rapport mentionné au même premier alinéa du présent article, dont les conclusions et les dispositions qu’il comporte mentionnées au même alinéa, font l’objet d’une enquête publique, réalisée en application du chapitre III du titre II du livre Ier et de l’article L. 593-9.
« L’Autorité de sûreté nucléaire analyse le rapport mentionné au premier alinéa du présent article. À l’issue de cette analyse, elle peut imposer à l’exploitant de nouvelles prescriptions mentionnées à l’article L. 593-10. Pour les réexamens mentionnés au deuxième alinéa du présent article, l’Autorité de sûreté nucléaire tient compte des conclusions de l’enquête publique dans son analyse du rapport de l’exploitant et dans les prescriptions qu’elle prend. Pour ces mêmes réexamens, cinq ans après la remise du rapport de réexamen, l’exploitant remet à l’Autorité de sûreté nucléaire un rapport intermédiaire rendant compte de la mise en œuvre des prescriptions mentionnées à l’article L. 593-10, au vu duquel l’Autorité de sûreté nucléaire peut compléter ces prescriptions.
« Elle communique son analyse du rapport et les prescriptions qu’elle prend au ministre chargé de la sûreté nucléaire.
« Les dispositions envisagées par l’exploitant font l’objet, en fonction du degré d’importance, d’une autorisation en cas de modifications substantielles, dans les conditions prévues au II de l’article L. 593-14, ou d’une déclaration ou d’une autorisation en cas de modifications notables, dans les conditions prévues à l’article L. 593-15. Une décision de l’Autorité de sûreté nucléaire, homologuée par le ministre chargé de la sûreté, précise la liste des modifications notables qui ne remettent pas en cause de manière significative le rapport de sûreté ou l’étude d’impact de l’installation nucléaire de base, mentionnée à l’article L. 593-2, pouvant être soumises à déclaration à cette autorité, en application du présent article. Pour protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1, l’Autorité de sûreté nucléaire peut assortir toute modification soumise à déclaration, en application du présent alinéa, de prescriptions complémentaires, mentionnées à l’article L. 593-10. »
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Mon intervention s’inscrira dans la continuité des divers amendements présentés et débattus sur ce sujet particulièrement important.
Je commencerai en saluant le travail de la commission des affaires économiques, de son rapporteur, de sa présidente, mais aussi de nos collègues de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Cet article 9 s’inscrit dans le titre II du projet de loi traitant des mesures relatives au fonctionnement des installations nucléaires de base existantes, avec une référence au code de l’environnement. Il s’inscrit, lui aussi, dans une continuité, puisque la discussion de l’amendement précédent nous a permis d’aborder le rôle important et l’action indépendante de l’ASN et de l’IRSN.
Il me semble que c’est là un point fort pour la sûreté. Nous avons évoqué plus tôt dans le débat les commissions locales d’information. L’ASN intervient en tout temps, pourrais-je dire, et pour le moindre incident, même minime, sur une centrale nucléaire. Il y a réellement une volonté de transparence et de bonne communication.
Dans le même ordre d’idée, on pourrait aussi évoquer le lien avec l’exploitant – pour la centrale que je connais, celle de Chooz sur la vallée de la Meuse, il s’agit du groupe EDF –, les compétences techniques de l’ensemble des salariés, le rôle des services de l’État, des collectivités territoriales, des associations et, de manière générale, de tous les partenaires liés à la sécurité.
Transparence et concertation, voilà qui est réellement fondamental ! Je voterai cet article 9.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 45, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 et 4
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le rapport mentionné au premier alinéa, les conclusions et les dispositions qu’il comporte mentionnées au même alinéa font l’objet d’une enquête publique, réalisée en application du chapitre III du titre II du livre Ier et de l’article L. 593-9.
« L’Autorité de sûreté nucléaire analyse le rapport mentionné au premier alinéa. À l’issue de cette analyse, elle peut imposer à l’exploitant de nouvelles prescriptions techniques mentionnées à l’article L. 593-10.
« L’Autorité de sûreté nucléaire tient compte des conclusions de l’enquête publique dans son analyse du rapport de l’exploitant et dans les prescriptions qu’elle prend.
« L’exploitant répond à cette analyse par des dispositions qui justifient de l’intégration des prescriptions de l’Autorité de sûreté nucléaire ainsi que du respect du calendrier des travaux. Ces dispositions prises par l’exploitant sont rendues publiques.
« Pour les réexamens au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d’un réacteur électronucléaire, cinq ans après la remise du rapport de réexamen, l’exploitant remet à l’Autorité de sûreté nucléaire un rapport intermédiaire sur l’état des équipements et rendant compte de la mise en œuvre des prescriptions mentionnées à l’article L. 593-10, au vu duquel l’Autorité de sûreté nucléaire peut compléter ses prescriptions.
II. – Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions proposées par l’exploitant lors des réexamens au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d’un réacteur électronucléaire sont soumises à la procédure d’autorisation par l’Autorité de sûreté nucléaire mentionnée à l’article L. 593-15, sans préjudice de l’autorisation mentionnée au II de l’article L. 593-14 en cas de modification substantielle. Les prescriptions de l’Autorité de sûreté nucléaire comprennent des dispositions relatives au suivi régulier du maintien dans le temps des équipements importants pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1.
« L’absence de respect des dispositions de l’exploitant et des prescriptions de l’Autorité de sûreté nucléaire ou du calendrier donne automatiquement lieu à une saisine de la commission des sanctions de l’Autorité de sûreté nucléaire, indépendamment d’éventuelles poursuites pénales. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet article peut être compris comme facilitant la prolongation de la durée de vie technique des réacteurs, ce que l’on peut entendre.
Cependant, derrière le paravent de l’accélération, il fait porter, hélas ! une pression sur la disponibilité des réacteurs au titre de la sécurité d’approvisionnement, au détriment de la sûreté.
Les compétences de l’ASN et son pouvoir décisionnaire en sont encore amoindris, s’agissant des installations nucléaires dont la durée de vie technique dépasserait ainsi les quarante ans. C’est pourtant spécifiquement après cette période que la vigilance en matière de sûreté doit être accrue.
Le projet de loi allège encore le rôle de l’ASN, à laquelle l’exploitant se contentera de déclarer les modifications opérées sur les centrales. Nous ne pouvons que nous y opposer.
La décision de faire fonctionner la majorité des réacteurs au-delà de leur quatrième, voire de leur cinquième, visite décennale est lourde de conséquences pour la sûreté et la sécurité des installations et impose de renforcer la rigueur et les moyens mis en œuvre pour assurer un niveau de sûreté suffisant.
C’est pourquoi nous proposons une réécriture de l’article 9 garantissant une meilleure transparence ainsi qu’une communication complète sur l’état d’avancement des travaux et sanctionnant les retards.
En outre, nous entendons élargir l’exigence d’une enquête publique, donc d’une évaluation environnementale, à tous les réexamens concernant la sûreté, de manière à ce que chacun, public et élus, dispose d’une information complète sur l’ensemble des répercussions.
Cet amendement vise à rétablir le régime d’autorisation de l’ASN au-delà de la trente-cinquième année, dont la suppression paraît injustifiée, ainsi que l’obligation qui pesait sur l’exploitant de produire un rapport quinquennal de sûreté après la trente-cinquième année de fonctionnement, qui devra porter également sur l’état des équipements importants. En cas de non-respect des prescriptions et des échéances, la commission des sanctions devra être saisie.
M. le président. L’amendement n° 117, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
, réalisée en application du chapitre III du titre II du livre Ier et de l’article L. 593-9
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les dispositions ajoutées par la commission des affaires économiques ont clarifié l’objet de l’enquête publique qui a lieu à l’occasion des réexamens des réacteurs nucléaires, après trente-cinq ans.
Toutefois, le texte de la commission renvoie au régime général des enquêtes publiques, alors que l’enquête publique dont il est ici question en diffère en plusieurs points. Ces adaptations ont été réalisées au niveau réglementaire par les articles R. 593-62-2 à R. 593-62-8 du code de l’environnement.
La référence à l’article L. 593-9, concernant l’enquête publique sur la demande d’autorisation de création d’installation, n’est pas non plus appropriée. Le rapport de sûreté n’a, par exemple, pas vocation à faire partie du dossier d’enquête publique de réexamen.
Cet amendement n° 117 vise à supprimer toutes ces précisions afin de lever toute ambiguïté sur le format de l’enquête publique applicable, sans emporter de changement de fond.
Pour autant, dans un esprit de compromis, je suis disposée à le retirer au profit de la proposition du rapporteur contenue dans l’amendement n° 130, lequel tend à apporter une ouverture sur les adaptations réglementaires pour prendre en compte les spécificités de cette enquête publique de prolongation, qui ne saurait être assimilée à l’enquête publique initiale de création d’installation. Il importe de bien faire la distinction entre ces deux processus.
En revanche, l’article conservera ainsi des fragilités juridiques qu’il faudra corriger dans le cadre de la navette parlementaire. Le but de ce texte est bien la sécurisation des projets et leur simplification en vue de l’accélération des procédures administratives relatives, en l’espèce, à la prolongation des réacteurs.
M. le président. L’amendement n° 130, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve des adaptations réglementaires nécessaires
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.
M. le président. L’amendement n° 67, présenté par MM. Devinaz, Houllegatte, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Blatrix Contat et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4, deuxième phrase
Remplacer les mots :
de nouvelles prescriptions techniques proportionnées à l’article L. 593-10
par les mots :
au titre de l’article L. 593-10, de nouvelles prescriptions techniques proportionnées
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. La loi délègue à l’ASN le pouvoir d’émettre des prescriptions complémentaires conditionnant la poursuite de l’exploitation, ou de proposer au Gouvernement une mesure de mise à l’arrêt définitif d’installations inexploitées pendant plus de deux ans.
Le principe de cette délégation technique et administrative est légitime, mais le Parlement pourrait mieux préserver son rôle de contrôle en qualifiant davantage cette délégation à une autorité administrative indépendante.
L’adoption de prescriptions additionnelles de sûreté nucléaire pour autoriser la poursuite d’exploitation des réacteurs après quarante ans ne peut se concevoir à travers les seuls filtres de la technique réglementaire, des connaissances scientifiques et des technologies effectivement disponibles. Il faut également prendre en compte les attentes et les contraintes de la société au sens large, qui a besoin de sûreté, mais aussi d’accès à l’énergie électrique.
En ce sens, les auteurs de l’amendement proposent de préciser que les prescriptions techniques de l’ASN doivent être « proportionnées ».
L’ajout de ce qualificatif permettrait à l’ASN de disposer d’un fondement solide pour ses propositions, et aux autorités nationales compétentes – Gouvernement, Parlement, Cour des comptes… – de mieux apprécier le bien-fondé desdites propositions.
M. le président. L’amendement n° 116, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à revenir sur la disposition introduite en commission des affaires économiques qui impose à l’exploitant de remettre, à mi-chemin entre deux réexamens, un rapport rendant compte de l’exécution de toutes les prescriptions applicables à son installation.
Cette disposition est excessive, car elle ne se limite pas aux exigences de l’ASN, mais concerne un ensemble de prescriptions dont la plupart sont dénuées de lien avec le réexamen. Le Gouvernement vous propose donc de la supprimer.
S’agissant, en outre, de l’Autorité de sûreté nucléaire, la mesure introduite dans cet article est inutile, puisque l’exploitant a déjà l’obligation de transmettre annuellement un bilan des actions mises en œuvre.
Cet amendement tend aussi à revenir sur les dispositions concernant les modifications issues du réexamen. La commission des affaires économiques a introduit dans le texte une décision de l’Autorité de sûreté nucléaire fixant la liste des modifications soumises à déclaration ; elle a également prévu la possibilité, pour l’ASN, d’assortir ces modifications de prescriptions complémentaires.
Or, ainsi que le relève l’étude d’impact, le régime applicable aux modifications issues du réexamen a vocation à être le même que celui qui concerne les modifications de manière générale. Il n’y a donc pas lieu de prévoir des dispositions spécifiques.
Sans entrer dans le détail, une fois encore, dans un esprit de compromis, nous sommes prêts à retirer cet amendement du Gouvernement au profit de l’amendement n° 131 de M. le rapporteur.
Pour autant, je propose que nous poursuivions, dans la suite de la navette parlementaire, les travaux de simplification de ce processus de réexamen pour en éliminer les étapes formelles superflues, afin que les acteurs du secteur se concentrent sur le fond : la sûreté et la performance de leur installation.
M. le président. L’amendement n° 131, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 4, dernière phrase
Après la référence :
L. 593-10,
insérer les mots :
prises à l’occasion du réexamen
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le présent amendement vise à préciser les prescriptions fixées par l’Autorité de sûreté nucléaire.
M. le président. L’amendement n° 132, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 6, deuxième phrase
Après la seconde occurrence du mot :
sûreté
insérer le mot :
nucléaire
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’amendement n° 132 est un amendement de précision rédactionnelle.
L’amendement n° 45 vise à prévoir la publicité des mesures prises par l’exploitant, le maintien du rapport intermédiaire sur l’état des équipements, le recours exclusif à une procédure d’autorisation et l’application de sanctions pénales. J’en demande le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Il en va de même de l’amendement n° 67, lequel vise à indiquer que les précisions de l’ASN doivent être « proportionnées ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je partage l’avis du rapporteur sur les amendements nos 45 et 67.
Je retire les amendements nos 117 et 116 au profit des amendements nos 130 et 131 du rapporteur, sur lesquels j’émets donc un avis favorable.
L’avis est également favorable sur l’amendement n° 132.
M. le président. Les amendements nos 117 et 116 sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 45.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article 9 bis (nouveau)
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 593-18 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « connaissances, », sont insérés les mots : « dont celles sur le changement climatique et ses effets, » ;
b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Dans le cadre du réexamen mentionné au premier alinéa, la démonstration de sûreté tient compte des effets du dérèglement climatique sur la nature, l’intensité et le cumul des agressions internes et externes à prendre en considération, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment sur ce dérèglement et ses effets. Elle porte notamment sur l’opérabilité des équipements en cas de conditions météorologiques et climatiques extrêmes et d’inondations. » ;
2° Le deuxième alinéa du I de l’article L. 593-7 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « du moment, », sont insérés les mots : « dont celles sur le changement climatique et ses effets » ;
b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Pour la délivrance de l’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent I, la démonstration de sûreté tient compte des effets du dérèglement climatique sur la nature, l’intensité et le cumul des agressions internes et externes à prendre en considération, pour la durée de vie prévisible de l’installation nucléaire de base. Elle porte notamment sur l’opérabilité des équipements en cas de conditions météorologiques et climatiques extrêmes et d’inondations. »
II. – Le deuxième alinéa de l’article L. 1333-3 du code de la défense est complété par les mots : « , dont la cybersécurité ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 133, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 et 6
Remplacer le mot :
changement
par le mot :
dérèglement
II. – Alinéas 4 et 7
Après le mot :
sûreté
insérer le mot :
nucléaire
et après le mot :
équipements
insérer les mots :
destinés à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement vise à apporter une précision rédactionnelle concernant la résilience des réacteurs nucléaires face au dérèglement climatique.
M. le président. L’amendement n° 46, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4, seconde phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Elle porte notamment sur l’opérabilité réacteur par réacteur face au changement climatique en cas de conditions météorologiques et climatiques extrêmes, d’inondations, de sécheresses et sur les incidences sur la ressource en eau en prenant en compte la vie complète du réacteur depuis sa construction jusqu’à son démantèlement. La démonstration de sûreté est rendue publique.
II. – Alinéa 7, seconde phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Elle porte notamment sur l’opérabilité réacteur par réacteur face au changement climatique en cas de conditions météorologiques et climatiques extrêmes, d’inondations, de sécheresses et sur les incidences sur la ressource en eau en prenant en compte la vie complète du réacteur depuis sa construction jusqu’à son démantèlement. La démonstration de sûreté est rendue publique.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à renforcer le dispositif prévu à l’article 9 bis ajouté en commission. Le changement climatique et le vieillissement des centrales imposent une vigilance accrue quant à la sûreté du nucléaire.
Il est nécessaire de prendre en compte les nouveaux risques liés à la résilience des réacteurs nucléaires face au changement climatique et aux menaces cyber au moment de la délivrance de l’autorisation d’une installation nucléaire de base et à l’occasion de la procédure de réexamen périodique.
L’étude de vulnérabilité prévue dans le texte porte sur un temps très court et ne prend pas en compte l’échelle de vie du réacteur. Compte tenu de la durée particulièrement longue de ces installations, nous proposons d’élargir le champ de l’étude à l’opérabilité réacteur par réacteur, en prenant en considération le cycle de vie complet, soit de la construction au démantèlement.
Je ne reviendrai pas sur les problématiques très sérieuses relatives à l’eau. Comme je l’ai déjà souligné, 20 % de l’eau consommée en France est destinée aux réacteurs nucléaires. Cette situation induit une vulnérabilité accrue face aux vagues de chaleur et de sécheresse, qui affectent le fonctionnement de ces centrales, et impose donc une vigilance plus importante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’amendement n° 46 vise à mentionner que la démonstration porte sur chaque réacteur, sur plusieurs aléas, et qu’elle est rendue publique.
Il me paraît toutefois essentiel de favoriser la rédaction plus opérationnelle de notre commission, complétée par notre amendement n° 133. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 46.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 133 et défavorable à l’amendement n° 46.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 46 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 9 bis, modifié.
(L’article 9 bis est adopté.)
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit ; je vous propose de prolonger la séance afin d’achever l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Article 9 ter (nouveau)
I. – Les constructions, aménagements, installations et travaux nécessaires à l’exploitation d’une installation nucléaire de base ayant été autorisée en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement, lorsqu’ils interviennent ultérieurement à la mise en service de l’installation au titre de l’article L. 593-11 du même code et qu’ils sont soumis à l’autorisation prévue à l’article L. 593-14 dudit code ou décidée en application de l’article L. 593-15 du même code, sont dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme.
II. – Les constructions, aménagements, installations et travaux prévus au I sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords.
Le ministre chargé de l’urbanisme vérifie cette conformité dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, le cas échéant, et dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation mentionnée aux articles L. 593-14 et L. 593-15 du code de l’environnement. Lorsque les constructions, aménagements, installations et travaux sont soumis aux dispositions de l’article L. 593-15 du même code, l’Autorité de sûreté nucléaire recueille l’avis conforme du ministre chargé de l’urbanisme avant de se prononcer sur la demande d’autorisation.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’information et de participation du public qui s’appliquent à ces constructions, aménagements, installations et travaux, ainsi que les modalités d’application du présent article.
III. – Le II de l’article 3 de la présente loi est applicable aux constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés au I du présent article. Par dérogation au 3° du même article 3, le fait générateur de la taxe est la délivrance de l’autorisation prévue aux articles L. 593-14 et L. 593-15 du code de l’environnement.
IV. – Le présent article est applicable aux constructions, aménagements, installations et travaux prévus au I du présent article ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation en application des articles L. 593-14 et L. 593-15 du code de l’environnement dans les vingt ans qui suivent la publication de ladite loi.
M. le président. L’amendement n° 57, présenté par MM. Montaugé, Devinaz, Houllegatte, Tissot, Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet article dispense de permis de construire les travaux d’adaptation ou de réfection des réacteurs nucléaires existants, notamment de ceux qui sont engagés dans le programme de grand carénage.
En cohérence avec nos positions précédentes concernant le périmètre du texte, il n’y a pas lieu, à nos yeux, de revoir le régime des autorisations d’urbanisme relatives aux travaux nécessaires au fonctionnement et à la mise à niveau des installations nucléaires existantes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il me paraît cohérent que la dispense, pertinente pour la construction de nouveaux réacteurs, soit étendue à l’adaptation du parc existant : l’une n’ira pas sans l’autre et il faut faire porter l’effort sur les deux.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 134, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Après le mot :
base
insérer les mots :
définie à l’article L. 593-2 du code de l’environnement et
2° Remplacer les mots :
code de l’environnement
par les mots :
même code
3° Remplacer les mots :
du même code
par les mots :
dudit code
4° Remplacer les mots :
dudit code
par les mots :
du même code
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il s’agit d’une précision rédactionnelle.
M. le président. L’amendement n° 78 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les communes d’implantations, les communes limitrophes et leur intercommunalité sont informées en amont des travaux à venir, dès lors que ces derniers peuvent avoir une incidence visuelle ou sonore perceptible depuis l’extérieur du site lors de la réalisation ou une fois les travaux réalisés.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Il est défendu monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’exploitant est bien évidemment déjà en lien avec les collectivités territoriales compétentes concernant les évolutions du site : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Gay, l’amendement n° 78 rectifié est-il maintenu ?
M. Fabien Gay. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’article 9 ter, modifié.
(L’article 9 ter est adopté.)
Article 10
I. – Les deux premiers alinéas de l’article L. 593-24 du code de l’environnement sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Pour protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1, un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et, sauf en cas d’urgence, après que l’exploitant a été mis à même de présenter ses observations, peut ordonner la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans. Il fixe le délai imparti à l’exploitant pour souscrire la déclaration prévue à l’article L. 593-26.
« À compter de la date de notification à l’exploitant de l’installation de ce décret, il n’est plus autorisé à la faire fonctionner.
« Par dérogation à la deuxième phrase du premier alinéa du même article L. 593-26, la déclaration prévue audit article L. 593-26 porte sur les seules opérations mentionnées à la deuxième phrase du même article L. 593-26. La date mentionnée au deuxième alinéa du présent I se substitue à celle prévue à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 593-26.
« L’exploitant porte la déclaration prévue au même article L. 593-26 à la connaissance de la commission locale d’information prévue à l’article L. 125-17 et la met à disposition du public par voie électronique. »
II. – Au 5° du I de l’article L. 596-11 du code de l’environnement, les mots : « en application de l’article L. 593-26, ou si elle est réputée définitivement arrêtée » sont remplacés par les mots : « par l’exploitant en application de l’article L. 593-26, ou notifiée par décret à l’exploitant ».
M. le président. L’amendement n° 37, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Face au vieillissement du parc nucléaire français, le Gouvernement entend supprimer le caractère automatique de l’arrêt définitif d’une centrale nucléaire à l’arrêt depuis plus de deux ans. Le sujet est important et nous devons nous y attarder.
Cette mesure, qui nous paraît dangereuse, limite l’application du principe de prévention industrielle. Que EDF ne parvienne pas à réaliser des travaux de maintenance, de réparation ou d’amélioration de ses centrales nucléaires sans interrompre leur fonctionnement pendant une durée inférieure à deux ou cinq ans dénoterait un problème de grave altération ou de manque de compétence, ce qui susciterait des craintes quant à la sécurité des personnes et à la protection de l’environnement.
Une telle situation conduirait donc à considérer que les conditions posées à la délivrance de l’autorisation initiale ne sont plus satisfaites.
Derrière le paravent de l’accélération, on favorise ainsi une pression sur la disponibilité des réacteurs au titre de la sécurité de l’approvisionnement, au détriment de la sûreté. Or en présence de réacteurs vieillissants, il convient de ne pas jouer avec la sûreté.
Ce dispositif étant dangereux, nous en demandons la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’arrêt automatique prévu par la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte n’a pas fait ses preuves.
En outre, au moins quatre autres bases légales permettent de procéder à l’arrêt de réacteurs lorsque cela est nécessaire.
Dans ce contexte, l’Autorité de sûreté nucléaire elle-même s’est montrée favorable, au cours des auditions, au principe de cet article 10, au sein duquel notre commission a d’ailleurs introduit des garanties.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 542-13-2 du code l’environnement, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les propriétaires de matières radioactives sont tenus de refléter la perspective industrielle réelle de valorisation de ces matières au plus tard dix années après l’arrêt de la dernière utilisation de la matière. L’analyse de ces valorisations potentielles se fait à l’aide de critères analysant l’ensemble du cycle de vie des matières et intègre une analyse financière comparative.
« Le ministère chargé de l’énergie précise les doctrines d’emploi relatives à la qualification de ces substances radioactives et les interactions entre l’amont et l’aval du cycle du combustible nucléaire. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Mesures relatives à la transparence financière et industrielle
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement reprend l’article 10 de notre proposition de loi portant diverses mesures visant à renforcer la sûreté nucléaire, la transparence financière et le contrôle parlementaire.
Afin d’assurer autant que possible une gestion responsable et raisonnée des déchets nucléaires, cet amendement vise à faire évoluer la doctrine entourant les matières radioactives que l’industrie nucléaire stocke en vue d’une hypothétique valorisation et qui représentent de nombreux déchets en devenir.
Il importe que les données et les informations sur le retraitement des combustibles usés et sur les aspects techniques, économiques, financiers et environnementaux de la gestion des matières et déchets radioactifs et de leur valorisation soient renforcées.
Rappelons que les opérations d’aval du cycle représentent environ 10 % du coût de production de l’électricité nucléaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement tend à ajouter au texte des éléments superfétatoires.
Il vise en outre à confier au ministre chargé de l’énergie la mission de préciser la qualification des matières radioactives, au mépris des attributions non seulement du ministre chargé de la sûreté, mais aussi de l’ASN.
L’évolution proposée me paraissant trop inaboutie pour prospérer, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. La France est l’un des seuls pays au monde, avec la Russie, à mettre en œuvre le retraitement des déchets. Pour autant, ce retraitement n’en est pas un. On évoque à son endroit un « cycle fermé », mais ce n’est pas le cas : ce cycle présente bien un amont et un aval.
En conséquence, les nombreux déchets qui en sont issus ne sont pas étiquetés comme tels, parce que l’on estime que, dans quelques décennies, nous pourrions hypothétiquement les réutiliser. Dans cette attente, nous les stockons.
Or cet espoir ne correspond à aucune réalité, car nous stockons de l’uranium appauvri, dont la teneur en uranium 235 est très faible. S’ils provoquent de la pollution, ces matériaux ne seront pas considérés comme des déchets, ce qu’ils sont pourtant bien.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Non, ce ne sont pas des déchets, parce qu’ils peuvent être réutilisés dans des réacteurs à neutrons rapides. Souvenez-vous des réacteurs Phénix et Superphénix, qui fonctionnaient très bien et qu’une partie de la classe politique, que vous représentez, a souhaité arrêter parce qu’ils représentaient précisément l’avenir du nucléaire !
D’autres pays ont fait un autre choix et font tourner des réacteurs à neutrons rapides avec cet uranium appauvri, dont nous avons 300 000 tonnes sur notre territoire.
Il est évidemment hors de question de classer ces matériaux comme déchets, parce qu’il s’agit bien de combustible, qui pourrait être utilisé dans de nouveaux réacteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
On peut toujours faire l’autruche et croire que le nucléaire n’a pas d’avenir, ce n’est pas notre cas !
Mme Martine Berthet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Avec le temps, les souvenirs deviennent un peu flous et on en vient à mobiliser des mythologies.
L’arrêt de Superphénix a notamment été décidé parce que cette centrale ne fonctionnait quasiment jamais et était fort dangereuse. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Revoyez ses temps de fonctionnement, les données sont parfaitement connues (M. Laurent Duplomb s’exclame.) : cela ne marchait pas !
M. Stéphane Piednoir. Bien sûr que si, ça fonctionnait !
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le ministre chargé de l’énergie établit un rapport exposant en particulier un comparatif financier des pistes de gestion des déchets radioactifs de long terme énoncées par l’article 4 de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, et par l’article 3 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.
Le rapport permet de chiffrer financièrement et distinctement l’ensemble des étapes concernées, dont :
1° La phase industrielle de réalisation des travaux préparatoires ;
2° La phase pilote du projet ;
3° Les coûts de gestion et de fonctionnement du site ;
4° Les coûts de la mise en œuvre de la réversibilité de ces dites pistes.
Sont également précisées les participations respectives des différents acteurs publics et privés à ces financements, les investissements réalisés en termes d’aménagement du territoire à visée socio-économique, notamment via des comparatifs internationaux.
Ce rapport propose une échéance sur l’actualisation de l’inventaire de référence de stockage notamment des quantités actuelles et prospectives de matières et de déchets – MOX et URE usés notamment.
Ce rapport est présenté par le Gouvernement au Parlement avant le 1er janvier 2024.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Mesures relatives à la transparence financière et industrielle
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Laurent Duplomb. Cela faisait longtemps...
M. Daniel Salmon. Investir dans le nucléaire revient à aggraver un problème sans solution.
Selon M. Daniel Iracane, directeur général adjoint de l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN), « le stockage est, par définition, l’art de mettre des déchets quelque part pour les oublier ». Rien ne permet de s’en débarrasser et les déchets s’accumulent.
On compterait dans le monde environ 250 000 tonnes de combustible nucléaire usagé hautement radioactif, auxquelles s’ajoutent chaque année 12 000 tonnes. Tout cela, pour seulement 2,3 % de l’énergie mondiale !
À la fin de 2019, la France avait accumulé 1,67 million de mètres cubes de déchets nucléaires. La transparence doit être améliorée quant au détail des coûts de gestion de ces déchets, dont le stock ne cessera de croître avec les nouveaux projets de réacteurs.
De même, la question des critères de valorisation des matériaux nucléaires, dont la requalification aurait pour conséquence d’augmenter significativement les coûts de gestion des déchets, doit être clarifiée par la loi.
Il nous paraît primordial d’éclairer le débat public, et en premier lieu le législateur, afin d’orienter les choix scientifiques qui engageront collectivement le pays.
Tel est l’objet de cet amendement, qui reprend l’article 9 de notre proposition de loi.
Nous souhaitons donc disposer d’un rapport d’évaluation des coûts de chacune des pistes de gestion des déchets radioactifs, comme le stockage en subsurface ou la transmutation, dont nous entendons parler depuis des décennies, mais qui n’aboutit pas, avant que nous nous engagions dans le choix irréversible d’un stockage géologique profond.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Des obligations proches de celles que vous proposez s’appliquent déjà.
L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) publie un rapport financier annuel. Par ailleurs, madame la ministre, vous avez chargé cette même agence d’étudier les conséquences de la construction de six EPR 2 sur le cycle du combustible, et notamment sur les installations de stockage.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je partage l’avis du rapporteur.
L’Andra a déposé le dossier d’autorisation de création lundi dernier et nous venons de mettre à jour le plan national de gestion des déchets et matières radioactifs (PNGDMR). Le sujet est suivi de près et cet amendement est satisfait.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. La gestion des déchets dans la filière du nucléaire est un vrai sujet que l’on ne saurait balayer d’un revers de main.
Actuellement, on envisage de stocker tous les déchets hautement radioactifs à Cigéo – le Centre industriel de stockage géologique –, c’est-à-dire de les enfouir au plus profond. Il faut espérer que tout se passe bien, parce que les puits dans lesquels on descendra ces matériaux seront sans doute ouverts pendant 150 ou 200 ans, ce qui ne garantit en aucune manière la sécurité.
Revenons sur les surgénérateurs à neutrons rapides. Ceux-ci ont bien été un fiasco, du même ordre que celui de l’EPR (M. Stéphane Piednoir s’exclame.) : il s’agissait de réacteurs sans cesse en panne et qui subissaient des incidents récurrents. Ils fonctionnaient en effet avec du sodium, un matériau qui a la fâcheuse habitude de s’enflammer ou d’exploser…
Ces installations étaient régulièrement arrêtées. Devant le désastre financier qu’elles représentaient, on a fini par mettre un terme à l’expérience. Il en est allé de même, d’ailleurs, en ce qui concerne Astrid.
Vous pouvez réécrire l’histoire tant que vous voulez, la réalité est que cela ne fonctionne pas.
M. Stéphane Piednoir. Mais non !
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par Mme de Marco, MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 593-24 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 593-24-… ainsi rédigé :
« Art. L. 593-24-…. – Pour protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1, un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et après que l’exploitant a été mis à même de présenter ses observations, ordonne la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire située dans une zone inondable ou ayant subi des inondations ou des submersions marines, telles que définies à l’article L. 566-1.
« À compter de la notification de ce décret, l’exploitant de l’installation n’est plus autorisé à la faire fonctionner.
« Il porte la déclaration prévue à l’article L. 593-26 à la connaissance de la commission locale d’information prévue à l’article L. 125-17 et la met à disposition du public par voie électronique.
« Les articles L. 593-27 à L. 593-31 s’appliquent, le délai de dépôt du dossier mentionné à l’article L. 593-27 étant fixé par décision de l’Autorité de sûreté nucléaire.
« Jusqu’à l’entrée en vigueur du décret de démantèlement mentionné à l’article L. 593-28, l’installation reste soumise aux dispositions de son autorisation mentionnée à l’article L. 593-7 et aux prescriptions définies par l’Autorité de sûreté nucléaire, ces dernières pouvant être complétées ou modifiées en tant que de besoin. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Certains réacteurs nucléaires français sont particulièrement menacés par le risque d’inondation ou de submersion marine. J’ai notamment à l’esprit les sites du Blayais, en Gironde, ou de Gravelines, dans le Nord.
Ces installations nucléaires sont vulnérables et présentent des risques majeurs pour la sécurité de nos concitoyens. Or les modèles employés pour estimer ces risques comportent des failles et les conséquences du dérèglement climatique demeurent imprévisibles. La catastrophe du Blayais, en 1999, nous rappelle que la menace est constante.
Aussi cet amendement vise-t-il à renforcer la sûreté de notre parc nucléaire en fermant les installations les plus vulnérables aux inondations et aux submersions marines. Il tend simplement à préciser les dispositions contenues à l’article L. 593-23 du code de l’environnement, lequel prévoit la fermeture des installations présentant des risques graves pour la sécurité et la santé de nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Aller dans votre sens reviendrait à minorer les autres risques pris en compte dans ce texte, lequel apporte des garanties supplémentaires en matière de sûreté, bien au-delà de la seule question des inondations et des submersions. Gardons-nous de dresser une hiérarchie des dangers.
Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement est déjà satisfait.
En outre, comme vous le soulignez, les centrales de Gravelines et de Penly pourraient être concernées par la submersion marine. Toutefois, vous venez de voter l’impossibilité de construire de nouvelles installations sur ces sites, et donc d’empêcher la construction de quatre nouveaux réacteurs ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Stéphane Piednoir proteste.) Je tenais à le rappeler.
Je recommande, quant à moi, de ne pas mettre à l’arrêt définitif les installations nucléaires situées en zone inondable. Les sites proches d’un cours d’eau ou de la mer sont en effet plus concernés par les inondations que ceux qui en sont éloignés – rien que de très classique !
Dans les dossiers d’autorisation, qui sont régulièrement mis à jour, ces risques sont bien évidemment pris en compte et des mesures de protection sont prévues, ne serait-ce que la surélévation des installations.
Ces questions sont donc gérées, les risques sont sous contrôle et votre préoccupation est satisfaite, madame de Marco. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6…. ainsi rédigé :
« Art. 6…. – I. – Est constituée une délégation parlementaire au nucléaire civil commune à l’Assemblée nationale et au Sénat composée de quatre députés et de quatre sénateurs, ainsi que du président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
« II. – Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, chargées respectivement du développement durable et de l’aménagement du territoire, de la défense, des affaires économiques et des finances publiques, ainsi que le président et le premier vice-président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sont membres de droit de la délégation parlementaire au nucléaire civil. Un député et un sénateur, issus de l’opposition, complètent la délégation parlementaire au nucléaire civil.
« La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, membres de droit.
« Les députés sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« Deux agents par assemblées parlementaires sont désignés pour assister les membres de la délégation.
« III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes, la délégation parlementaire au nucléaire civil a pour mission de suivre l’organisation et le déroulement des activités nucléaires civiles sur le territoire national, sur le plan de la sûreté et de la sécurité. Ses compétences s’étendent aux organismes et aux entreprises publics ou privés, français ou étrangers, propriétaires ou gestionnaires d’au moins une installation nucléaire de base, en activité ou en démantèlement, ainsi qu’à ceux utilisant des sources ou des matières radioactives ou chargés d’effectuer l’entreposage, le stockage, la surveillance ou le transport de ces matières.
« La délégation peut solliciter du Premier ministre des informations et des éléments d’appréciation relatifs à la sûreté et à la sécurité des installations nucléaires et des transports de matières radioactives. Elle peut procéder à des contrôles sur place et sur pièces.
« La délégation peut entendre le Premier ministre, les membres du Gouvernement, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, les responsables de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ainsi que toute personne exerçant des fonctions de direction au sein d’organismes ou d’entreprises en lien avec les activités mentionnées au premier alinéa du présent III qu’elle juge utile d’interroger.
« La délégation peut saisir pour avis l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
« IV. – Les membres de la délégation sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d’appréciation définis au III du présent article et protégés au titre de l’article 413-9 du code pénal.
« Les agents des assemblées parlementaires désignés pour assister les membres de la délégation sont habilités, dans les conditions définies pour l’application du même article 413-9, à connaître des mêmes informations et éléments d’appréciation.
« V. – Les travaux de la délégation parlementaire au nucléaire civil sont couverts par le secret de la défense nationale.
« Les membres de la délégation et les agents des assemblées mentionnés au IV du présent article sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance en ces qualités.
« VI. – Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité, qui ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation protégés par le secret de la défense nationale ou relevant du secret industriel.
« Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre. Elle les transmet au président de chaque assemblée.
« VII. – La délégation parlementaire au nucléaire civil établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée.
« Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Les dispositions de cet amendement reprennent l’article 3 de notre proposition de loi.
Je rappelle que nous allons devoir vivre un certain temps encore avec le nucléaire existant, qui vieillit et qui va devenir de plus en plus calamiteux. Nous avons un intérêt commun à éviter un accident.
Nous proposons donc la création d’une délégation parlementaire au nucléaire civil, sur le modèle de la délégation parlementaire au renseignement, afin de mener un travail serein, dans le respect des exigences des secrets industriels et de défense. Cette disposition vise à plus de transparence et de démocratie, en respectant le cadre restreint de la démocratie représentative et des exigences de diffusion ciblée de l’information.
C’est, à notre sens, le minimum de transparence que l’on peut exiger d’une filière qui, pendant quarante ans, a fonctionné comme un État dans l’État et a conduit EDF à la faillite.
Nous avons suffisamment souffert de cette collusion entre EDF, l’administration centrale et le pouvoir exécutif, pour le résultat désastreux dont on fait le constat sur toutes ces travées. Il est temps de s’appuyer sur l’intelligence collective du Parlement pour engager les choix stratégiques du pays et assurer la sécurité de nos concitoyens.
Nous ne comprendrions pas que des parlementaires si désireux de participer aux choix stratégiques de la Nation en matière énergétique ne votent pas cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Une telle délégation serait redondante avec les missions de contrôle des commissions permanentes et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Il nous semble inutile de créer une instance supplémentaire.
Pour cette raison, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il n’appartient pas au Gouvernement d’organiser les travaux du Parlement, je me rallie donc à l’avis de M. le rapporteur.
Je précise simplement un point technique : pour que cette proposition voie le jour, il faudrait modifier l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires…
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Comme le rappelait M. le rapporteur à l’instant, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a été créé voilà tout juste quarante ans afin de permettre aux parlementaires d’exercer un contrôle, y compris en matière nucléaire.
Cette structure particulière, qui rassemble dix-huit sénateurs et dix-huit députés, se réunit tous les jeudis matin pour travailler sur des sujets scientifiques, notamment nucléaires. (Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit.)
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié, présenté par MM. Devinaz, Houllegatte, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Blatrix Contat et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité de créer au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques créé par la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983 une section spécifiquement dédiée au suivi des questions nucléaires.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Avant le titre III
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une commission nationale des provisionnements pour servitudes nucléaires est créée en lieu et place de la commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs mentionnée à l’article L. 594-11 du code l’environnement.
Cette commission est chargée, pour chaque exploitant d’installation nucléaire de base, de la supervision et du contrôle des trois provisionnements suivants :
1° Le provisionnement pour charges de démantèlement ;
2° Le provisionnement pour charges relatives à la gestion des déchets ;
3° Le provisionnement pour charges en prévision d’un éventuel accident.
Cette commission s’assure que les provisionnements pour démantèlement des exploitants aient un caractère suffisamment liquide pour qu’ils soient mobilisables.
Cette commission se réunit a minima quatre fois par an.
Un décret pris en Conseil d’État précise la composition de cette commission, au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Mesures relatives à la transparence financière et industrielle
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement tend à instaurer une commission nationale des provisionnements pour servitudes nucléaires.
La loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a créé une Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (Cnef) ayant pour mission de vérifier l’adéquation des provisions aux charges.
Cette commission peut demander aux exploitants communication de tout document nécessaire à l’accomplissement de ses missions et entendre l’autorité administrative qui instruit les dossiers.
La Cnef s’est réunie pour la première fois le 17 juin 2011, soit près de cinq ans après la publication de la loi. Quelle célérité ! Elle a remis son unique rapport en juillet 2012. Depuis, ses activités ont cessé.
À la suite des travaux menés en 2016 et 2017 par la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la faisabilité technique et financière du démantèlement des centrales nucléaires, la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires créée le 1er février 2018, dont la rapporteure était la députée Barbara Pompili, a constaté que le provisionnement pour charge de démantèlement réalisé par EDF se révèle largement « illiquide ».
Elle a considéré qu’il ne peut revenir à l’exploitant, juge et partie, de fixer le montant des sommes à provisionner. Il conviendrait de s’inspirer du modèle de la commission des provisions nucléaires instituée en Belgique en 2003, qui a fait ses preuves.
Telles sont les raisons pour lesquelles il semble nécessaire de créer une commission permanente, se réunissant trois à quatre fois par an.
Cet amendement vise donc à insérer dans le présent projet de loi l’article 6 de la proposition de loi portant diverses mesures visant à renforcer la sûreté nucléaire, la transparence financière et le contrôle parlementaire déposée par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires le 2 février 2022 au Sénat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il ne me paraît pas opportun de supprimer la Cnef au profit d’une énième instance dont les attributions, la composition et le fonctionnement ne sont pas pleinement précisés.
Je rappelle que les statuts de la Cnef prévoient la présence de parlementaires en son sein, ainsi que la possibilité de rendre des avis au Parlement, au Gouvernement et au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN).
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le démantèlement est un enjeu majeur pour le Gouvernement qui en assure un suivi et un contrôle attentifs. L’analyse en est réalisée, non par l’opérateur, mais bien par le Gouvernement.
Les charges nucléaires de long terme, les provisions afférentes et le montant des actifs dédiés à leur couverture font l’objet d’un contrôle permanent du Gouvernement, qui publie les principaux résultats de son contrôle sur le site internet de mon ministère.
Pour ce qui concerne plus particulièrement les inquiétudes que vous avez exprimées, monsieur le sénateur, le niveau de liquidité des actifs est vérifié par le Gouvernement.
Par ailleurs, je ne reviendrai pas sur les propos du rapporteur relatifs à la Cnef, que je partage.
J’ajoute enfin que le Gouvernement est amené à répondre aux enquêtes de la Cour des comptes sur ces sujets, comme il l’a fait en 2019 et en 2020.
L’ensemble de ces éléments me paraissant satisfaire votre intention, monsieur le sénateur, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Nous avons un souci, madame la ministre, car Mme Pompili, qui fut ministre voilà quelques mois seulement, tenait des propos inverses.
En tout état de cause, le problème est bien connu. Au début des années 2010, l’une des premières commissions d’enquête constituée sur l’initiative du premier groupe écologiste du Sénat s’était déjà penchée sur cette question. Les travaux avaient rapidement permis de souligner que jouer sur les taux d’actualisation – il faut le dire clairement – permettait d’inventer des provisions qui n’existaient pas.
Si la Cnef ne se réunit pas, c’est parce que nous sommes à ce jour incapables de financer le démantèlement du parc nucléaire français. Tout le monde sait qu’il n’y a pas d’argent ! On ne réunira donc jamais cette commission et le travail d’évaluation sera, de fait, mené par des commissions d’enquête qui aboutiront toutes à la même conclusion : il n’y a pas d’argent, parce que le coût du démantèlement mettrait en échec le modèle économique du nucléaire français.
Ces coûts porteraient en effet le prix de l’électricité nucléaire, y compris lorsqu’elle est produite par des centrales qui fonctionnent depuis plus quarante ans, à un niveau supérieur à celui du photovoltaïque et de l’éolien. C’est la raison pour laquelle on a menti sur les taux d’actualisation.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. L’exploitant dispose de données totalement fantaisistes pour ce qui est du financement du démantèlement. Lorsqu’on provisionne 1 milliard d’euros pour le démantèlement d’une centrale nucléaire en Allemagne, ce montant n’est que de 300 millions d’euros en France. Je sais bien que nous sommes brillants et productifs, mais il est tout de même surprenant de provisionner trois fois moins…
Il me semble donc nécessaire d’étudier cette question de près afin d’établir des provisionnements sincères, car nous léguerons cette dette aux générations futures.
Parmi les sept réacteurs de la centrale de Chinon, que j’ai visitée, quatre sont en fonctionnement. Les trois autres, à l’arrêt, ne sont toujours pas démantelés.
En Bretagne, la petite centrale de Brennilis, arrêtée depuis 1985, n’est toujours pas démantelée non plus. Depuis lors, le coût du démantèlement a été multiplié par six !
Nous souhaitons connaître la vérité des prix. Cessons d’avancer masqués et de reporter à plus tard. Mes collègues de droite évoquent souvent la dette de l’État. Cette dette-ci ne se comptera pas seulement en euros sonnants et trébuchants, mais aussi en tonnes de déchets radioactifs que nous laisserons aux générations futures.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Avant le titre III
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard le 1er janvier 2024, le ministère chargé de l’énergie remet au Parlement un rapport public exposant un prévisionnel de l’ensemble des coûts financiers auxquels la filière nucléaire est exposée sur l’année dudit rapport.
Sont en particulier chiffrées financièrement et distinctement l’ensemble des étapes concernées, dont :
1° Les coûts complets d’investissements et de fonctionnement du cycle nucléaire ;
2° Une estimation des coûts induits par le recours à la sous-traitance et le coût de surveillance des prestataires ;
3° Le coût global du grand carénage et sa déclinaison annuelle, réacteur par réacteur. Est ainsi comparé l’état d’avancement des sommes engagées avec la somme totale ;
4° Le coût du démantèlement de chaque centrale prévue pour les vingt années à venir incluant le démantèlement technique en lui-même, le retour à l’herbe des sites, la déconstruction des structures souterraines, le paiement des taxes et assurances, les frais d’évacuation et de traitement du combustible usé en phase de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement, le coût social du démantèlement et les éventuelles difficultés à déconstruire plusieurs sites en même temps. Les provisionnements pour charges de démantèlement et de gestion des déchets nucléaires sont détaillés par réacteur et non à travers un provisionnement global du parc nucléaire ;
5° Les coûts d’un accident potentiel et de sa gestion.
Sont également précisés les caractères liquides et mobilisables de ces provisionnements.
Ce rapport est présenté par le Gouvernement au Parlement, à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et aux commissions chargées des finances et du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale et du Sénat.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Mesures relatives à la transparence financière et industrielle
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Nous proposons la remise d’un rapport portant sur les coûts complets du nucléaire afin d’éclairer le législateur. Il est en effet nécessaire que ce dernier dispose de toutes les informations nécessaires, notamment financières, pour orienter les choix scientifiques qui engagent collectivement tout un pays.
Sur le sujet essentiel du nucléaire, les perspectives temporelles et l’étendue des sommes en jeu doivent mobiliser le législateur financier afin d’impulser l’obligation de transparence de la puissance publique. C’est ce qui a été fait, par exemple, à l’article 135 de la loi de finances du 29 décembre 2015 pour 2016, qui a imposé un rapport sur le financement des commissions locales d’information nucléaire, ou à l’article 90 de la loi de finances du 29 décembre 2014 pour 2015, qui a imposé un rapport sur le financement et le statut de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Je ne reviendrai pas sur l’EPR, qui est un gouffre financier. Il est scandaleux que le budget d’un tel réacteur soit multiplié par six. Quels acteurs privés pourraient accepter cela ? Comment faire confiance à un exploitant qui avance des budgets et des calendriers totalement fantaisistes ?
Nous lançons pourtant la construction d’une nouvelle série d’EPR 2, ce qui me laisse pantois ! Beaucoup sur ces travées estiment qu’on aurait dû aller plus vite dans le nucléaire, en construisant par exemple six EPR 1. Comme je l’ai déjà souligné, je ne pense pas que les finances d’EDF s’en porteraient mieux aujourd’hui !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La Cour des comptes a publié un rapport sur la filière EPR en 2020, puis un autre, en 2021, sur les coûts du système électrique. Nous disposons également des travaux du ministère de la transition énergétique relatifs au nouveau nucléaire, publiés en 2022.
Votre demande me semblant amplement satisfaite, cher collègue, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je serai au regret d’y être défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.
En ce qui concerne la Cnef, je voudrais préciser que ma prédécesseure a écrit aux deux assemblées pour demander le nom des parlementaires désignés pour y siéger ; or il semblerait que nous n’ayons pas eu de réponse. Nous pouvons toutefois écrire de nouveau… (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Avant le titre III
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le ministre chargé de l’énergie remet chaque année au Parlement un rapport d’évolution sur la gestion du démantèlement des centrales nucléaires françaises.
Sont ainsi détaillés :
1° Les coûts et provisions financières pour charges de démantèlement réalisées par l’exploitant pour chaque réacteur ;
2° Un programme prévisionnel des réacteurs à démanteler, avec les coûts et dates estimés, afin de donner de la visibilité aux salariés et aux entreprises ainsi que pour permettre l’organisation d’une filière industrielle du démantèlement. À défaut, l’État se substitue par décret aux exploitants pour établir l’échéancier avant le 1er janvier 2024 ;
3° Un détail prospectif des besoins en formation de la filière nucléaire pour les vingt années à venir, aussi bien pour développer la filière du démantèlement que pour la prolongation de ceux des réacteurs qui ne seront pas immédiatement arrêtés ;
4° Une estimation des coûts complets de gestion des déchets et matières générés par l’arrêt des réacteurs.
Ce rapport est présenté par le Gouvernement au Parlement, à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et aux commissions chargées des affaires économiques et du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale et du Sénat, chaque année après la promulgation de la présente loi.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Mesures relatives à la transparence financière et industrielle
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Non seulement nous ne disposons pas des budgets nécessaires au démantèlement, mais nous n’avons même pas la connaissance approximative d’un échéancier, ce qui constitue pourtant une condition sine qua non à la mise en place d’une filière d’excellence en la matière.
Le président-directeur général d’EDF de 2014 à 2022, M. Jean-Bernard Lévy, a laissé entendre que l’entreprise travaillait sur un programme de fermeture échelonné sur une trentaine d’années, entre 2029 pour les premiers réacteurs qui seront arrêtés après cinquante ans d’exploitation, et 2060 pour les derniers réacteurs menés à soixante années d’exploitation.
Il est fondamental qu’un important effort de transparence soit consenti afin de publier un échéancier prévisionnel approximatif des réacteurs à fermer, et donc à démanteler à ces deux échéances, dans le but de donner de la visibilité aux industriels concernés, aux salariés travaillant sur les sites ainsi qu’aux territoires qui doivent se préparer à l’après-nucléaire.
Enfin, il apparaît que la filière nucléaire pourrait manquer de ressources humaines au cours des années à venir. Le secteur aura encore, et pour longtemps, besoin d’ingénieurs, de techniciens et d’ouvriers pour mener à bien l’énorme chantier du démantèlement. Une main-d’œuvre importante sera également nécessaire pour prolonger l’activité des réacteurs qui ne seront pas immédiatement arrêtés.
Un véritable travail prospectif doit donc être engagé pour évaluer les besoins en formation pour les années à venir, aussi bien pour développer la filière du démantèlement que pour la prolongation de certains réacteurs.
Cet amendement vise donc à insérer dans le présent projet de loi l’article 8 issu de notre proposition de loi portant diverses mesures visant à renforcer la sûreté nucléaire, la transparence financière et le contrôle parlementaire déposée le 2 février 2022.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La Cour des comptes a publié en 2020 un rapport sur l’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires.
Votre amendement étant satisfait, cher collègue, j’en demande le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Sans vouloir prolonger les débats, je rappelle que de nombreux éléments figurent dans les documents de référence d’EDF. Ces derniers mentionnent notamment des provisions d’un montant de 32 milliards d’euros pour le démantèlement, assorties d’actifs financiers ou équivalents, détaillés par catégorie, pour un montant total de 34 milliards d’euros.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je prends au sérieux les amendements de nos collègues écologistes. J’estime qu’un effort de transparence doit être réalisé pour tous les types d’énergie dans le cadre de la PPE.
Les énergies renouvelables ne nous permettent pas d’accéder à la souveraineté énergétique, et nous ne disposons pas de filière industrielle susceptible de produire les équipements nécessaires. La question de leur coût annuel est donc cruciale.
De même, le coût du démantèlement doit être pris en compte. Pour autant, il ne me semble pas que ce coût soit inclus dans le financement d’aucun autre projet industriel, à plus forte raison lorsque la durée d’exploitation peut atteindre quatre-vingts ans. Le démantèlement d’une éolienne ou d’un panneau photovoltaïques, par exemple, emporte également des coûts. On ne peut avancer un argument lorsqu’il nous arrange et essayer de le retourner lorsqu’il ne nous arrange pas !
M. Laurent Duplomb. Très bien !
M. Fabien Gay. En revanche, je rejoins notre collègue sur deux questions essentielles.
La première est celle des déchets, qui mérite d’être approfondie et débattue, j’en conviens volontiers.
La seconde est celle du démantèlement, et donc de la filière industrielle et de la formation. Un certain nombre de salariés d’EDF m’ont indiqué que le savoir-faire fait défaut. Dans ces conditions, comment revenir au programme de fermeture de douze tranches, auquel je suis pour ma part favorable ? Cela suppose des investissements, et partant, des investisseurs, ainsi que du savoir-faire.
Cette situation pose une véritable interrogation au Gouvernement et à EDF.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Madame la ministre, vous avez indiqué un point intéressant, à savoir les 34 milliards d’euros supposés financer les provisions effectuées par EDF au titre du démantèlement.
La Cour des comptes indique que l’on ne peut liquider ces 34 milliards d’euros, qui sont des actifs, au risque de mettre l’entreprise en danger. Il s’agit donc d’une écriture comptable, en rien opérationnelle.
Par ailleurs, et pour aller dans le même sens que Fabien Gay, il y va du démantèlement comme de la production de réacteurs : si nous voulons que cela fonctionne, il faut faire du démantèlement en série, c’est-à-dire qu’il nous faut structurer la filière.
Ma question est simple : madame la ministre de la transition énergétique, en tant qu’autorité de tutelle, exigerez-vous fermement d’EDF qu’elle liquide une partie de ces 34 milliards d’euros afin d’engager la structuration d’une filière de démantèlement opérationnelle ? J’attends la réponse de l’État !
M. le président. Mon cher collègue, je vous rappelle que vous intervenez dans le cadre, non pas d’une question d’actualité au Gouvernement, mais d’une explication de vote.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je veux bien que l’on fasse des parallèles, mais il est tout de même un peu hasardeux de comparer le démantèlement d’éoliennes et celui de centrales nucléaires. Une éolienne est constituée de matériaux « nobles ».
M. Laurent Duplomb. Le béton ?
M. Daniel Salmon. Ce n’est pas du béton radioactif ! Par ailleurs, une éolienne est également constituée de métaux, dont le prix de revente permet de couvrir une partie du coût du démantèlement.
J’ajoute que les sociétés qui détiennent les sites éoliens sont des sociétés privées, tenues de constituer des provisions pour le démantèlement.
M. Fabien Gay. Lorsque l’exploitation est terminée, les entreprises privées sont déjà parties !
M. Daniel Salmon. On ne peut donc pas comparer l’éolien au nucléaire, monsieur Gay ! Pensez-vous que le démantèlement d’une éolienne prenne plus de trente-cinq, voire quarante ans, comme c’est le cas de la centrale de Brennilis, que j’évoquais précédemment ? Soyons sérieux !
Le démantèlement des installations nucléaires posera de grandes difficultés dans les années à venir. Je suis ravi d’apprendre que 34 milliards d’euros ont été provisionnés, madame la ministre.
L’endettement d’EDF s’élevant toutefois à environ 36 milliards d’euros, et le groupe faisant face à un mur d’investissements de près de 100 milliards d’euros dans le cadre du grand carénage, auxquels s’ajoutent les 60 milliards d’euros – on parle pour l’instant de 47 milliards, mais nul doute que ce montant augmentera – nécessaires pour financer les nouveaux EPR, je veux bien croire que cet argent est disponible, mais je préférerais le voir !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 11
I. – L’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire est ratifiée.
II. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 592-41 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « et L. 229-10 » sont remplacés par les mots : « L. 229-10 et L. 557-58 » ;
b) Au 1°, le mot : « conseillers » est remplacé par les mots : « membres du Conseil » ;
c) Au 2°, les mots : « conseillers à » sont remplacés par les mots : « membres de » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 593-4, les mots : « la fermeture » sont remplacés par les mots : « l’arrêt définitif » et les mots : « l’arrêt définitif » sont remplacés par les mots : « la fermeture » ;
3° L’article L. 593-20 est ainsi modifié :
a) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle les communique au ministre chargé de la sûreté nucléaire. » ;
b) La dernière phrase est supprimée ;
4° Au 4° de l’article L. 596-4, après la référence : « L. 171-8 », sont insérés les mots : « et à l’article L. 557-58 ».
III. – À l’article L. 1337-1-1 du code de la santé publique, la référence : « L. 4451-2 » est remplacée par la référence : « L. 4451-4 ».
M. le président. L’amendement n° 48, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Après le deuxième alinéa de l’article L. 592-44 du code de l’environnement, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La commission des sanctions rend compte chaque année, auprès des commissions parlementaires permanentes chargées de l’énergie, des finances et du développement durable, ainsi que de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, de son activité et publie un rapport annuel d’activité.
« Ses décisions sont rendues publiques et présentées à la délégation parlementaire au nucléaire civil créée par la loi n° … du … relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Nous demandons, par cet amendement, que la commission des sanctions de l’Autorité de sûreté nucléaire publie un rapport d’activité et rende compte de son activité chaque année aux commissions parlementaires permanentes chargées de l’énergie, des finances et du développement durable ainsi qu’à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Nous demandons également que les décisions de cette commission soient rendues publiques et présentées à la délégation parlementaire au nucléaire civil que nous voulions créer à l’amendement n° 47, qui n’a malheureusement pas été adopté…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’ASN publie un rapport annuel et la commission des sanctions, ses séances.
L’amendement étant donc largement satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 95, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, MM. Lemoyne et Marchand, Mme Havet, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Phinera-Horth, M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La section 6 du chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement est ainsi modifiée :
a) Au neuvième alinéa de l’article L. 592-41, les mots : « et avec les fonctions de membre du collège ou des services de l’autorité » sont supprimés ;
b) L’article L. 592-42 est abrogé ;
c) L’article L. 592-43 est ainsi modifié :
- les deux premiers alinéas sont supprimés ;
- au dernier alinéa, les mots : « des obligations prévues par le présent article » sont remplacés par les mots : « de leurs obligations en matière d’incompatibilités et de déontologie résultant de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes » ;
2° L’article L. 596-13 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Nonobstant toute disposition contraire, les délais applicables devant la commission sont ceux fixés par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 596-1. »
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement de clarification concerne la commission des sanctions de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Il vise à supprimer des redondances entre le code de l’environnement et la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes afin d’éviter toute confusion sur le fonctionnement de la commission des sanctions, notamment en matière de déontologie ou d’incompatibilités de fonctions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La rédaction proposée conduirait à supprimer des dispositions législatives protectrices, à savoir l’absence de prise de position politique et le secret professionnel, les possibilités de mise à terme des fonctions en cas de difficultés et les cas d’incompatibilité entre les membres du collège et ceux de la commission.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement tend à supprimer des redondances entre le code de l’environnement et la loi du 20 janvier 2017 qui fixe le statut des autorités administratives indépendantes.
La rédaction proposée permet ainsi d’éviter toute confusion sur des règles importantes telles que la déontologie ou les incompatibilités de fonctions. Elle règle également les questions relatives aux délais applicables devant cette commission des sanctions et sécurise ainsi ses procédures.
Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 90 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le périmètre d’un plan particulier d’intervention lié à l’existence et au fonctionnement d’une installation nucléaire intègre l’ensemble des communes membres d’un établissement mentionné à l’article L. 5210-1-1 A du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. La sécurité des populations en cas d’accident nucléaire doit redevenir un sujet majeur de préoccupation. La guerre en Ukraine, qui a rapidement conduit à la prise de possession par la Russie de la centrale de Zaporijia, nous rappelle qu’un accident nucléaire par agression externe n’est pas à exclure.
Le code de la sécurité intérieure prévoit que les plans d’organisation de la réponse de sécurité civile (Orsec) définissent un plan particulier d’intervention lorsqu’il existe des risques de nature particulière ou liés à l’existence et au fonctionnement d’installations ou d’ouvrages déterminés.
En ce qui concerne les centrales nucléaires, les PPI permettent d’organiser la prévention, l’alerte et le secours aux populations en cas d’accident nucléaire.
En France, le périmètre des PPI, fixé par l’État à vingt kilomètres autour de l’installation, conditionne la distribution de pastilles d’iode, qui réduisent le risque de cancer et de troubles de la thyroïde après une exposition radioactive.
Chez nos voisins directs, ce périmètre est bien plus étendu – il est de quarante kilomètres au Luxembourg et de cent kilomètres en Belgique –, ce qui conduit à des situations parfois ubuesques : au Luxembourg, toute la population se voit progressivement distribuer des pastilles d’iode en prévision d’un accident à la centrale de Cattenom, en Moselle, tandis que les mêmes pastilles ne sont pas fournies à des communes françaises bien plus proches dudit site.
Le présent amendement vise donc à élargir le périmètre des PPI à toutes les communes d’une même intercommunalité, dès lors que l’une d’entre elles est concernée.
Cet amendement, cher au cœur de Véronique Guillotin, avait été adopté par le Sénat lors de l’examen de la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire, le 5 février 2020.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il est logique et souhaitable que les outils de planification en matière de prévention des risques fassent fi des limites administratives.
Plus encore, si cette disposition a été présentée dans le cadre d’une proposition de loi, je rappelle que, depuis lors, les PPI ont été étendus de dix à vingt kilomètres, tandis que les intercommunalités ont été regroupées.
Dans ce contexte, intégrer l’ensemble des communes d’une même intercommunalité rendrait ces PPI très larges, sans doute trop.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 90 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 12 (nouveau)
Le troisième alinéa de l’article L. 592-2 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« Pour le renouvellement des membres désignés par le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée nationale, le membre succédant à une femme est un homme et celui succédant à un homme est une femme. Le Président de la République désigne les membres de telle sorte qu’au sein des membres du collège autre que le président il y ait le même nombre de femmes et d’hommes. »
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.
M. Guy Benarroche. J’ai connu les années 1970 – eh oui ! (Sourires.) –, époque, entre autres, du mythe de la croissance infinie : un mythe que des organes scientifiques, comme le Michigan Institute of Technology et le club de Rome, ainsi qu’un certain nombre d’esprits avancés, comme Fournier, Illich, Lorenz et bien d’autres, dénonçaient déjà !
Pour exister, ce mythe avait besoin d’un autre, celui, créé à la même époque, d’une énergie sûre, bon marché, efficiente et propre qui assurerait la sécurité de notre pays et la croissance infinie. Ce que nous avons vécu depuis – beaucoup l’ont dit, et sur toutes les travées – a permis une véritable démystification.
Cette énergie était considérée comme sûre ? En fait, elle ne l’est absolument pas. Elle devait assurer notre indépendance énergétique ? Elle ne l’assure pas ; nous en avons la preuve aujourd’hui. Elle était prétendument efficiente ? En fait, elle l’est moins que les énergies renouvelables. Elle était censément propre ? Les accidents et leurs conséquences démontrent le contraire. Elle devait être bon marché ? Actuellement, c’est la plus chère.
Nous pensions que cette démystification aurait fait comprendre à certains ici, y compris à ceux d’entre vous qui se font – on peut le concevoir – les avocats de l’accusée énergie nucléaire que c’était en fait l’énergie la moins libérale… Gouvernement et droite, vous défendez tous une société et une économie libérales. Or le nucléaire est l’énergie la moins libérale !
Je n’arrive donc pas à comprendre pourquoi, malgré tout cela, vous vous accrochez toujours au mythe, au fantasme d’une énergie nucléaire qui sauverait note pays, seul au monde, de toutes les péripéties liées à la raréfaction des énergies.
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Cambon, Laménie, Chatillon, Pemezec et Grosperrin, Mme Borchio Fontimp, M. Paccaud, Mmes Lherbier et Bonfanti-Dossat, MM. Pellevat, Reichardt, Grand et Bonnecarrère, Mme Pluchet, MM. Maurey, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Moga et Bansard, Mme Renaud-Garabedian, MM. Segouin, Regnard, Henno et Folliot, Mme Dumas, MM. B. Fournier, Meurant, Calvet, Pointereau, Courtial et Bascher, Mme Noël, M. Bonhomme, Mme N. Delattre, MM. Cardoux et Piednoir, Mme Berthet, MM. Bacci, Chaize et Chasseing, Mmes Lopez et Thomas, M. Wattebled, Mme Chain-Larché, MM. Tabarot, Klinger, C. Vial et Genet, Mme Herzog et MM. D. Laurent et Cuypers, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 1333-13- 12, les mots : « un an » et le montant : « 15 000 € » sont respectivement remplacés par les mots : « trois ans » et par le montant : « 30 000 € » ;
2° Au second alinéa de l’article L. 1333-13- 13, les mots : « six mois » et le montant : « 7 500 € » sont respectivement remplacés par les mots : « un an » et par le montant : « 15 000 € » ;
3° L’article L. 1333-13-14 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « trois » et le montant : « 45 000 € » sont respectivement remplacés par le mot : « six » et par le montant : « 90 000 € » ;
b) Au dernier alinéa, le mot : « cinq » et le montant : « 75 000 € » sont respectivement remplacés par le mot : « dix » et par le montant : « 150 000 € » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 1333-13- 15, le mot : « sept » et le montant : « 100 000 € » sont respectivement remplacés par le mot : « quinze » et par le montant : « 200 000 € » ;
5° À l’article L. 1333-13- 18, les références : « 8° et 9° » sont remplacées par les références : « 1° , 8° , 9° et 12° ».
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Par cet amendement, déposé sur l’initiative d’Henri Leroy et cosigné par de nombreux collègues, nous souhaitons rappeler la nécessité de protéger les sites nucléaires.
Nous proposons de renforcer les peines et les sanctions pour faire condamner sévèrement toute personne ou association qui tenterait de s’introduire sans autorisation de l’autorité compétente à l’intérieur des locaux ou sur les terrains concernés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le renforcement des sanctions pénales en cas d’intrusion dans les installations nucléaires de base est utile pour y garantir la sécurité. Cela étant, il doit demeurer proportionné.
La relance du nucléaire doit s’accompagner d’une attention renforcée à la sécurité nucléaire. Le dispositif, certes perfectible, que le présent amendement vise à instaurer y contribue. La commission émet donc un avis de sagesse.
Je profite de l’occasion pour remercier Mme la ministre d’avoir retiré les amendements du Gouvernement portant sur l’article 9, ce qui nous permettra de trouver un chemin commun dans le cadre de la navette. Je remercie également nos collègues d’avoir participé à ce débat jusqu’au terme de l’examen du texte. (Applaudissements.) J’aimerais enfin saluer les services de la commission, ainsi, naturellement, que ceux du ministère.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable.
Si je partage l’objectif de sécurité – il s’agit bien de « sécurité », et non de « sûreté », puisque nous parlons de protection des sites contre les intrusions –, les peines existantes sont proportionnées et déjà assez lourdes. Il suffit tout simplement de les appliquer.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Si les écologistes ont toujours été hostiles à l’énergie nucléaire (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.), ils ont aussi toujours fait preuve de vigilance sur la question de la sûreté. C’est le même souci de vigilance qui a amené l’industrie nucléaire à s’intéresser de près aux difficultés à cet égard.
Par leur action, certaines personnes démontrent qu’il est possible de s’introduire dans une centrale nucléaire.
M. Laurent Duplomb. On va les remercier ? (Nouvelles marques d’ironie sur les mêmes travées.)
M. Daniel Salmon. Cela pose tout de même question et appelle des réponses.
Montrer qu’il existe des failles au sein de l’industrie nucléaire – d’ailleurs, celles dont nous parlons en ce moment ne sont pas les seules ; il y en a bien d’autres, et nous en avons largement débattu aujourd’hui – participe de la sécurisation.
J’espère simplement que mes camarades et moi n’aurons pas eu raison trop tôt et que notre pays ne connaîtra pas un accident majeur.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Il me paraît tout à fait symbolique de finir par cet amendement. Mme la ministre nous a donné une information extrêmement importante tout à l’heure en indiquant que le Parlement n’avait pas nommé ses représentants au sein de la Cnef.
Et, à vous entendre, la grande menace, finalement, ce serait des activistes entrant dans une enceinte pour faire passer un message en ne mettant strictement personne en danger ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
En réalité, ces personnes participent même, d’une certaine manière, à la constatation des failles de sécurité.
M. Stéphane Piednoir. Sérieusement ?
Mme Frédérique Puissat. C’est scandaleux !
M. Ronan Dantec. Cela traduit une réalité : au-delà des postures, et avant la vraie loi de programmation, il nous faut un vrai débat, un débat objectivé, un débat citoyen ! Nous avons passé notre journée – cela me semble court, par rapport aux deux jours auxquels je m’attendais pour aller plus loin dans nos discussions – à poser des questions, généralement sans obtenir de réponse.
Au final, nous n’avons eu que peu débattu, même si je remercie notre collègue Piednoir, qui s’est efforcé de participer.
M. Stéphane Piednoir. Merci…
M. Ronan Dantec. Avant l’examen du projet de loi de programmation, toutes les questions que nous avons posées devront faire l’objet d’un débat citoyen avec chacun. Il y va de l’avenir économique de la France et de sa sécurité. Pour l’instant, nous n’avons eu que peu de réponses. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat. Sans commentaire…
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je rappelle que l’électricité nucléaire représente aujourd’hui 70 % de notre mix électrique et 20 % de notre mix énergétique. Quand bien même nous rencontrons des difficultés de maintenance, cela fait près de cinquante ans que ça dure. Cela ne fonctionne tout de même pas si mal… (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Le vrai problème auquel nous devons nous attaquer concerne les victimes des énergies fossiles. Rien que pour le charbon, les morts se comptent par milliers ! (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Bravo !
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi, dans le texte de la commission.
Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi se dérouleront mardi 24 janvier 2023 à quatorze heures trente.
La suite de la discussion est renvoyée à cette prochaine séance.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 18 janvier 2023 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 18 janvier 2023, à zéro heure quarante-cinq.)
nomination de membres d’une commission d’enquête
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique
MM. Joël Bigot, Laurent Burgoa, François Calvet, Guillaume Chevrollier, Mme Marta de Cidrac, MM. Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Mmes Sabine Drexler, Dominique Estrosi Sassone, M. Philippe Folliot, Mme Amel Gacquerre, M. Guillaume Gontard, Mmes Christine Lavarde, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Médevielle, Jean-Jacques Michau, Franck Montaugé, Mme Daphné Ract-Madoux et M. Laurent Somon.
nomination de membres d’une mission d’information
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Mission d’information sur le thème : « le développement d’une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert »
Mme Martine Berthet, M. Étienne Blanc, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Buis, Henri Cabanel, Vincent Capo-Canellas, Pierre Cuypers, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Mmes Béatrice Gosselin, Nadège Havet, MM. Gérard Lahellec, Pierre-Antoine Levi, Franck Menonville, Serge Mérillou, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Cyril Pellevat, Sebastien Pla, Daniel Salmon, René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub et M. Lucien Stanzione.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER